HISTOIRE DE FRANCE

TOME QUATRIÈME — LES PREMIERS VALOIS ET LA GUERRE DE CENT ANS (1328-1422).

LIVRE IV. — LE GOUVERNEMENT DES PRINCES.

CHAPITRE I. — MOUVEMENTS POPULAIRES[1].

 

 

I. — LE ROI ET LES PRINCES[2].

CHARLES VI n'avait pas encore douze ans. Son père avait voulu faire de lui un prince à son image, riche de connaissances et d'idées. Il avait confié le soin de l'endoctriner à Philippe de Mézières, ce chevalier qui avait tant couru le monde, et dont la science et la piété eussent fait honneur à un homme d'Église. Mézières, ainsi qu'il le dit lui-même, a nourri et apprivoisé un faucon pèlerin blanc, duquel il a été le premier fauconnier ; mais l'enfant, s'il était bon et  gracieux, n'avait pas une intelligence faite pour comprendre et garder cette haute culture.

Autour de lui était toute une cour de princes : trois frères de Charles V, les ducs d'Anjou, de Berri et de Bourgogne ; un frère de la feue reine, le duc de Bourbon. Le duc Louis d'Anjou, en qualité d'aîné, parut d'abord au premier rang ; il passait pour très éloquent ; il était énergique, tenace, ambitieux. Le Schisme avait ouvert un horizon à cette ambition ; le duc prit parti si vite pour le pape français, qu'on pourrait dire que le Schisme fut avant tout une affaire angevine. Aidé de Clément VII, il était résolu à chercher fortune en Italie. On a vu que Jeanne de Naples, le 29 juin 1380, l'avait fait héritier de son royaume. Cette future royauté devint son principal souci.

Aux mois d'août et d'octobre 1374, Charles V, craignant de mourir avant que son fils fût en âge de régner, avait publié trois actes par lesquels il espérait conjurer les dangers d'une minorité. Par le premier, il avait fixé la majorité du roi à quatorze ans. Puis, comme s'il avait eu le pressentiment de disparaître avant que son fils eût atteint la quatorzième année, il avait organisé la régence par une seconde ordonnance : le duc d'Anjou devait avoir le gouvernement du royaume, la charge de le garder et de le défendre, le pouvoir de créer des officiers et de recevoir et dépenser, selon les besoins, les revenus et profits ; mais s'il y avait quelque excédent de recettes, ce serait le sire de la Rivière qui en aurait le dépôt jusqu'à la majorité du roi. En vertu du troisième acte, la tutelle du roi devait être confiée à la reine, et, à son défaut, aux ducs de Bourgogne et de Bourbon ; les ducs auraient entre leurs mains la ville et vicomté de Paris, la ville et le bailliage de Melun, tout le duché de Normandie, qui échapperaient ainsi à l'administration du duc d'Anjou ; ils seraient assistés d'un conseil de tutelle, où Charles V avait eu soin de faire entrer les hommes politiques les plus expérimentés du royaume. Tout semblait ainsi bien réglé, soit pour abréger la minorité, soit pour empêcher qu'un des princes abusât de la régence ou de la tutelle. Mais le jour où la personne qui avait jusque-là maintenu l'ordre dans le royaume eut disparu, les troubles commencèrent.

Immédiatement, une réaction se manifesta contre ceux qui avaient été les collaborateurs de Charles V. Dans le cortège qui ramenait le corps du feu roi, de Beauté à Notre-Dame, l'Université et les gens du prévôt de Paris se battirent pour une question de préséance. Qui avait commencé ? L'Université accusa de tous les torts Hugues Aubriot. Elle présenta une plainte au roi et au Parlement et demanda une enquête contre le prévôt de Paris et une vingtaine de seigneurs et de sergents. Au mois de novembre, elle dénonça encore Hugues devant les juges ecclésiastiques comme hérétique, ennemi de l'Église et ami des Juifs. Hugues fut condamné à être enfermé à perpétuité dans les prisons de l'évêque. Jean le Mercier crut prudent de s'éclipser pendant quelques mois. Pierre d'Orgemont fut mis en demeure de renoncer à la Chancellerie ; le 10 octobre, Milon de Dormans fut élu par scrutin à sa place. Les petites gens avec qui Charles V avait gouverné étaient dispersées.

Les princes eurent beaucoup de mal à s'entendre pour le partage du gouvernement. Au lendemain des funérailles de Charles V, le duc d'Anjou avait réclamé le gouvernement total du royaume et de tous les deux enfants du roi, c'est-à-dire la régence et la tutelle. Les ducs de Bourgogne et de Bourbon s'étaient opposés à cette prétention. Il avait fallu recourir à un jugement d'arbitres, qui décidèrent que le jeune roi serait immédiatement sacré ; que le royaume serait gouverné par lui et en son nom ; que provisoirement, jusqu'après le sacre, sans doute, le duc d'Anjou porterait le titre de régent, et qu'enfin les ducs de Bourgogne et de Bourbon conserveraient la garde du roi. Après quoi, le duc d'Anjou mit à profit sa courte régence pour s'approprier une somme de 32.000 francs, que Charles V avait déposée à la tour de Vincennes et qui était destinée au paiement de ses legs et dettes.

Le jeune roi se mit en route vers Reims, où il entra, le 3 novembre, précédé de trente trompettes, qui sonnaient si clair que merveille. Le lendemain, pendant la cérémonie du sacre, la cathédrale était si bien remplie de toute noblesse, qu'on ne savait où tourner. Après la messe, on se rendit, selon la coutume, à la salle du banquet, et une querelle s'éleva, pour une question de place, entre les ducs d'Anjou et de Bourgogne. Le roi décida en faveur de son oncle de Bourgogne ; mais Louis d'Anjou, qui n'était pas bien content, se hâta d'aller prendre la place qu'il convoitait. Alors Philippe de Bourgogne saillit par-dessus et se vint mettre entre le roi et son frère Louis, lequel prit en patience et dissimula le tout. Puis le roi fut ramené à Paris, où il fit son entrée le dimanche 11 novembre. La ville était tendue de tapisseries, et des fontaines artificielles versaient au peuple le vin et le lait.

Les princes achevèrent d'organiser le gouvernement. Le 19 novembre, une compensation fut donnée au duc de Berri, qui n'avait rien reçu encore dans le partage ; on lui donna l'administration du Languedoc et de la Guyenne, du Rhône à la Dordogne. Comme il avait déjà Mâcon, l'Auvergne, le Berri et le Poitou, il se trouva maitre d'un tiers du royaume. L'office de connétable était vacant. Le duc d'Anjou aurait voulu que la connétablie fût suspendue, et qu'on se contentât d'un garde de l'Oriflamme ; mais les autres princes furent d'un avis différent. Olivier de Clisson, le compatriote et le compagnon de du Guesclin, fut élu, grâce sans doute à l'influence d'anciens conseillers de Charles V, rentrés très vite aux affaires. Enfin, le 28 janvier 1381, il fut décidé que le gouvernement serait exercé par un Conseil, composé de douze membres, pour y être continuellement et résider. Ce Conseil, siégeant à Paris, nommera aux principaux offices, conduira les négociations diplomatiques, disposera des finances, veillera à l'intégrité du domaine ; parmi les douze, seront les quatre oncles du roi ; le duc d'Anjou aura la présidence selon son degré d'aînesse. Mais le duc déclara par écrit, le jour même, que pour les grosses et pesantes besognes, comme le mariage du roi et la conclusion d'un traité, son avis ne pourrait prévaloir contre celui des autres princes et du Conseil. — Telle fut l'organisation du gouvernement ; elle avait été combinée pour satisfaire toutes les ambitions ;. mais elle était singulièrement compliquée, et cette polyarchie allait avoir affaire à de grands désordres dans presque tout le royaume.

 

II. — MAILLOTINS ET TUCHINS[3].

CES grands désordres avaient commencé avant même la mort de Charles V, à la fois au Midi et au Nord. Le Languedoc venait d'être de nouveau ravagé par les Compagnies ; depuis longtemps le duc d'Anjou l'épuisait par ses exigences d'argent. L'écuyer du premier consul de Béziers, Jean Mascaro, dans son Libre de memorias, à l'année 1379, récapitule les impositions levées dans la ville depuis 1366 : en quatorze ans, il ne compte pas moins de vingt-deux rouages accordés au lieutenant du roi, tous fort lourds, et il avait fallu, en outre, payer les dons faits aux officiers royaux et les rançons des châteaux occupés par l'ennemi et par les routiers.

En 1378 et 1379, il y avait eu des séditions au Puy, et à Montpellier, où les commissaires, chargés de la levée des subsides, furent massacrés, à Clermont de l'Hérault et à Alais, où la foule s'en prit aux riches en même temps qu'aux officiers du duc. La répression avait été très rigoureuse. Le duc d'Anjou aurait détruit Montpellier et exterminé les habitants, si le pape n'était intervenu ; il s'était contenté d'une forte amende et d'une indemnité de 120.000 francs.

En Flandre, la lutte entre le comte et le parti démocratique-avait recommencé dans les grandes communes flamandes. Louis de Maële, entouré de la chevalerie des Léliaerts, était comme un étranger au milieu de ce peuple laborieux ; il n'aimait que volerie de faucons ; il réclamait sans cesse de nouvelles taxes, de nouveaux droits, sans voir le péril, car la convoitise de la chevance (argent) l'aveuglait. Le conflit entre le comte et ses sujets avait d'abord paru entravé par les rivalités locales, toujours si âpres en Flandre : Gand s'étant mis à la tète du mouvement contre le comte, Bruges était restée neutre. En 1379, lors de la proclamation d'une taxe nouvelle à la Maison des Échevins de Gand, les Gantois s'étaient agités et avaient injurié le comte. Bruges, au contraire, s'était montrée docile : le comte l'avait autorisée à construire un canal qui devait lui amener, en la détournant de Gand, toute la batellerie de la Lys, et, par suite, le grand marché des blés. Les Gantois avaient pris alors comme signe de ralliement le chaperon blanc, souvenir du temps d'Artevelde. Le doyen des navyeurs ou bateliers de Gand, Jean Yoëns, riche bourgeois comme Artevelde, fait capitaine avec l'appui du parti populaire, avait détruit les travaux du canal, puis s'en était allé prêcher la révolte dans les villes ; il était parvenu même à entraîner le peuple de Bruges. Peu après, il avait disparu mystérieusement ; mais plusieurs capitaines, dont le plus fameux fut Jean Pruneel, l'avaient remplacé. Quand le parti démocratique eût triomphé à Ypres, le soulèvement devint général, et la guerre civile commença.

Peu après la mort de Charles V, Paris, la Normandie et la Picardie s'agitèrent à leur tour. Les lettres, datées du 16 septembre 1380, par lesquelles Charles V avait supprimé les fouages, avaient été criées sous le porche des églises jusque dans les moindres bourgs ; mais ce n'était pas seulement des fouages, c'était de toutes les sortes d'impositions que le menu peuple entendait être délivré. A Compiègne, à Saint-Quentin, les agents de perception, fermiers et officiers royaux, furent chassés. A Paris, dans les premiers jours du nouveau règne, la foule avait entraîné le prévôt des marchands au Palais, et l'avait obligé à réclamer la suppression des aides. Le duc d'Anjou avait répondu de belles paroles et promis de transmettre la requête au roi. Pour cette fois la foule s'était contentée de cette réponse.

Mais, le 14 novembre, une assemblée, qui a bien l'air d'États Généraux, se réunit à Paris, en la présence des quatre oncles du roi ; le chancelier requit l'octroi d'une imposition nouvelle. Ce jour même, une émeute faillit se produire. Le lendemain, la foule se présenta au Palais, poussant toujours à sa tète le prévôt des marchands. Le Conseil royal, effrayé, décida que toutes les impositions, les aides indirectes et la gabelle comme les fouages, seraient mises jus (abolies). Vingt mille personnes attendaient la décision. L'avocat Jean des Marès, chargé de l'annoncer, prit comme texte : Novus rex, nova lex, novum gaudium, et le déduisit bien et grandement. Donc crièrent très hautement ceux de Paris : Noël ! Noël ! Vive le roi de France ! Montjoie Saint-Denis ! Les Parisiens demandèrent en outre l'expulsion des Juifs et des usuriers : Et à cette assemblée fut crié : Aux Juifs ! aux Juifs ! aux Juifs ! Des Marès répondit qu'il en parlerait au roi et en ferait son devoir. Mais la foule courut au quartier où habitaient les Juifs ; quarante maisons furent pillées ; un rabbin fut tué. Le roi dut envoyer le duc de Bourbon, qui déclara que les Juifs étaient placés sous la sauvegarde royale.

Les lettres d'abolition générale des impositions furent rédigées le 16 novembre, et le peuple se crut définitivement délivré. Mais le roi entendait seulement renoncer à tout ce qui lui était dû sur les impositions antérieures, et non pas s'engager à ne plus lever d'impositions dans l'avenir. Or, la guerre contre les Anglais était à peine suspendue ; les hostilités continuaient en Bretagne. Le jour même ou le lendemain de la dernière abolition, le Conseil royal était dans l'obligation de préparer l'établissement de nouvelles aides en Languedoïl, l'assemblée des députés des trois ordres, qui s'était ouverte le 14 novembre, n'ayant osé prendre aucune décision.

Alors, pendant quatre mois, les assemblées se succédèrent dans les pays de Languedoïl : États Provinciaux au début de décembre 1380, — États Généraux à Paris le 20 décembre, — nouvelles assemblées provinciales aux mois de janvier et février 1381, — nouveaux États Généraux à Paris au mois de mars suivant. A cette dernière assemblée, un subside, sous forme de fouage, fut enfin accordé pour un an jusqu'en mars 1382, mais réservé strictement à l'équipement d'un certain nombre d'hommes d'armes et d'arbalétriers. L'argent devra être levé, gardé, distribué dans chaque diocèse par trois notables personnes, c'est assavoir un homme d'église, un noble et un bourgeois, élus par les gens du pays. Il est accordé, que pour régler le fait de l'aide, les gens des États pourront s'assembler, si besoin est. Afin d'amadouer les contribuables, le roi fait de belles promesses de réforme administrative. C'est comme un reflet des ordonnances imposées au roi Jean par les États. Mais malgré les promesses des États, le gouvernement royal restait à court d'argent.

Au milieu de 1381, de graves nouvelles arrivaient de l'étranger. Depuis plusieurs mois, une grande partie de l'Angleterre était agitée par un soulèvement populaire. Il avait été provoqué dans les campagnes par un redoublement de rigueur et d'exigence de la gentry à l'égard des vilains et des tenanciers, et, dans les villes, par la formation d'une sorte de prolétariat, né du progrès même de l'industrie anglaise. Ces troubles étaient attisés par les mécontentements du bas clergé, l'impopularité du gouvernement royal, les excitations de toute espèce que répandaient partout les poésies de Langland, les sermons de Wyclif, ce précurseur de la réforme religieuse, et ceux des prédicateurs nomades[4]. La levée d'une nouvelle capitation fut l'occasion de la révolte. Elle fut très courte, mais très violente : partie des comtés d'Essex et de Kent, aux derniers jours de mai et aux premiers de juin 1381, l'insurrection avait très vite gagné Londres, dirigée par de hardis aventuriers, Jack Straw, John Ball et surtout le pauvre tuilier de Maidstone, Wat Tyler. Du 13 au 15 juin, Wat Tyler fut dans Londres le vrai roi du peuple. Des hôtels furent saccagés ; les cadavres couvrirent les places ; des têtes furent promenées dans les rues. La mort de Tyler, et l'intervention personnelle du jeune roi Richard II arrêtèrent brusquement la révolte dans Londres et aux environs dès le 15 juin. Elle se prolongea encore pendant des mois dans les comtés. Ainsi on apprit en France et en Flandre que, de l'autre côté de la Manche, le peuple avait violemment arrêté la perception des taxes nouvelles, et fait trembler les seigneurs et le roi.

En France, l'exemple fut bientôt suivi, d'abord en Normandie. Au mois de février 1382, une crue ayant été ordonnée dans la province sur le Touage octroyé l'année précédente et, dont la perception avait déjà été fort difficile, une révolte éclate à Rouen. Pierre Cochon dit que la commotion fut faite par dinants (chaudronniers), drapiers et gens de pauvre étoffe ; mais parmi eux étaient aussi d'aucuns gros marchands et vinetiers couvertement qui les soutenaient. Les émeutiers se donnèrent pour chef un riche drapier, Jean le Cras, lui dressèrent un trône au marché, lui rendirent hommage comme à un roi, puis le forcèrent à abolir les aides. Le peuple de Rouen fut maître de la ville pendant trois jours. La fureur se porta contre les Juifs, les officiers du roi, le haut clergé et les plus riches bourgeois. Les prisons furent ouvertes. Les maisons des anciens maires furent pillées ; leur vin fut bu ou répandu dans les caves. Chaque jour, le peuple tenait assemblée à la Croix de Saint-Ouen. Là furent menés de force les chanoines de la cathédrale, qui durent abandonner une rente qu'ils avaient sur les Halles. Les chartes du chartrier de Saint-Ouen furent lacérées, et l'abbé fut obligé de renoncer aux droits du monastère. Enfin, le mercredi 26 février, l'exemplaire authentique de la Charte aux Normands fut apporté de la cathédrale ; un avocat en donna lecture, et tous les assistants jurèrent de la respecter. Acte en fut dressé par tous les tabellions de cour laye et d'Église. Alors l'émeute s'apaisa, et plusieurs députations furent envoyées à Paris pour conjurer la colère royale. Il fut seulement répondu que le roi irait à Rouen, et saurait qui avait mangé le lard.

A ce moment-là, des insurrections troublaient la plupart des grandes villes, Amiens, Saint-Quentin, Orléans, Mantes, Reims, Laon, Soissons, surtout Paris.

Au mois de janvier 1382, les princes avaient mandé à Vincennes le prévôt des marchands et les principaux bourgeois de Paris pour leur faire approuver la levée, à Paris, d'une imposition sur la vente des marchandises ; ils ne purent tirer d'eux une réponse satisfaisante. Le 15 janvier, des délégués de chaque métier avaient été appelés à leur tour, reçus et sollicités à part, de telle sorte que chacune des délégations fût obligée de prendre une décision sans consulter les autres. Le lendemain, l'aide nouvelle avait été publiée brusquement à l'heure du dinar devant la Table de Marbre ; la perception devait commencer le la mars. Les esprits étaient très agités, et la chute d'un bolide, qui survint alors, avait été interprétée comme un sinistre présage. Tout le mois de février, des conciliabules avaient été tenus ; l'avocat Jean des Marès donnait des conseils très sages, mais on ne l'écoutait pas. Aux derniers jours de février, on apprit la révolte de Rouen. Le 1 mars au matin, un fermier de l'imposition veut contraindre une vieille femme qui vendait du cresson à acquitter la taxe ; il est entouré, saisi, massacré ; d'autres fermiers ont le même sort. Ce fut alors un sauve-qui-peut général parmi les officiers royaux ; la ville fut très vite aux mains des insurgés. Une troupe de quatre mille personnes, qui suivait un étendard formé d'un morceau de toile blanche, marcha sur la place de Grève, envahit les magasins de l'Hôtel de Ville et y prit douze mille maillets de plomb et divers harnais de guerre que Hugues Aubriot y avait fait déposer quelques années auparavant. Juifs et fermiers des aides furent traqués ; seize Juifs et Juives furent mis à mort ; un notaire et un avocat du Châtelet, un conseiller aux Requêtes, un clerc de la ville eurent leurs maisons pillées et à moitié détruites. Tout le vin trouvé dans les caves fut pris, bu, distribué ou répandu sur le sol. Puis les portes furent fermées et les chaînes tendues dans les rues.

Le roi venait de quitter Vincennes pour aller châtier Rouen. Il apprit à Saint-Denis ce qui se passait et retourna à Vincennes. Le duc de Bourgogne et le sire de Couci furent envoyés parlementer à la Bastille Saint-Antoine avec les Parisiens. Ceux-ci exigèrent la délivrance de plusieurs des prisonniers enfermés au Châtelet, l'amnistie pour tous, la suppression des aides et le retour au régime financier de Louis IX et de Philippe le Bel. Seule, la délivrance des prisonniers leur fut accordée. Alors les Maillotins envahirent le Châtelet, pillèrent les archives et ouvrirent les prisons laïques et ecclésiastiques. Parmi ceux qui furent mis en liberté, était l'ancien prévôt Hugues Aubriot, l'ami des gens de métier et de commerce, détesté de l'Université. Les émeutiers voulaient faire de lui leur capitaine ; mais il se déroba dans la nuit et gagna la Bourgogne.

Au bout de deux ou trois jours, la partie la plus riche de la population parisienne intervint. Des bourgeois s'armèrent, formèrent des patrouilles, désarmèrent les Maillotins qu'ils rencontrèrent et mirent bonne garde aux portes. D'autre part, le roi menaçait d'affamer Paris en arrêtant tous les convois de vivres au pont de Charenton. On parlementa de nouveau. L'Université joignit ses instances aux prières des bourgeois. Le roi consentit à revenir au régime financier de Louis IX : ce qui, dans l'esprit des gens du temps, signifiait la suppression de tous fouages, impositions indirectes et gabelles. Puis, lorsque les meneurs eurent été arrêtés et menés au Châtelet, une amnistie fut accordée. Jean des Marès s'en alla, tout malade qu'il fat, par les carrefours, annoncer au peuple la réconciliation avec le roi. Cependant, comme les bourgeois avaient accepté que les chefs du mouvement fussent châtiés, les représailles commencèrent : le mardi II mars, il y eut deux exécutions capitales, cinq le lendemain ; le jeudi, cinq Maillotins eurent la tète tranchée, cinq autres furent pendus au gibet. Le samedi 15, le prévôt dut installer deux bourreaux supplémentaires. Le peuple s'émut de tout ce sang versé ; et il fallut surseoir aux exécutions ; mais, comme dit Juvénal des Ursins, souvent on en prenait et les jetait-on en la rivière.

Libre du côté de Paris, le roi arriva au Pont-de-l'Arche, à quelques lieues de Rouen, le 23 mars. Une députation de bourgeois de Rouen alla implorer sa clémence. Mais, déjà avant l'entrée du roi, six Rouennais ont été décapités, douze enfermés dans une forteresse du pays de Caux, toutes les armes déposées au Château, les cloches de la Commune enlevées du beffroi, les vantaux de la porte Martinville renversés sur le sol. La veille des Rameaux, Charles VI fit son entrée comme en ville conquise. Les têtes de six Rouennais décapités se balançaient au-dessus de la porte. Les bourgeois étaient allés deux lieues au-devant de lui, vêtus de robes pareilles de couleur azurée et de vert. Et criait le peuple : Noël ! Noël ! Vive le roi ! Mais les gens du roi disaient qu'ils dussent crier : Merci ! la hart au col. La Commune, que tous les rois avaient respectée depuis deux siècles, fut abolie et la ville remise au bailli royal ; les habitants durent payer une amende très grosse. La semaine sainte étant arrivée, le roi fit à Rouen ses dévotions, et les gens d'Église obtinrent pour les habitants un pardon général. Cependant six Rouennais furent encore décapités.

Pendant le séjour du roi à Rouen, le jour de Pâques, les États de Normandie furent réunis ; l'assemblée promit de nouvelles impositions sur la vente des marchandises, le sel, les boissons, à condition que les États Généraux les accorderaient également. Ceux-ci devaient en effet se réunir peu de temps après, vers le 15 avril, à Compiègne. En réalité, on n'y vit que les représentants de la province ecclésiastique de Reims : le gouvernement royal préférait consulter les pays de Languedoïl morceau par morceau. Au nom du roi, Arnaud de Corbie parla de la pénurie du Trésor et des nécessités présentes ; il fit entrevoir une intervention en Flandre ; finalement, il proposa le rétablissement des aides. Les députés des principales villes promirent seulement de rapporter les intentions royales à leurs concitoyens. Partout on répétait : Nous aimons mieux mourir que payer.

Cependant la Normandie finit par céder. Une nouvelle assemblée d'États de cette province, réunie à Pontoise, au début de juin 1382, en présence du roi, dut consentir la plupart des aides déjà à moitié promises. Lorsque le capitaine de Rouen et les bourgeois députés à Pontoise revinrent dans la ville, on leur fit mauvais accueil. Le 1er août, à la Halle aux draps, au moment où s'installaient les collecteurs chargés de lever l'aide, les gens de métier et les paysans se jetèrent sur leur comptoir et les forcèrent à s'enfuir ; mais le capitaine royal rétablit l'ordre aussitôt. Cette courte échauffourée servira de prétexte à de nouvelles représailles.

En revenant de Rouen, le roi, qui avait besoin d'argent, acheva de faire sa paix avec la ville de Paris. Il exigeait le désarmement des Parisiens et le rétablissement des aides. Ces conditions ne plurent pas au menu peuple et il fallut négocier. Le 10 mai, le premier président du Parlement pour le roi, l'avocat Jean des Marès pour la ville, parvinrent à se mettre d'accord. Paris promit 80.000 francs, mais garda ses armes. Charles VI n'y entra que le 1er juin : il fut bien reçu, coucha au Louvre, et, dès le lendemain, repartit pour Maubuisson. Ainsi finit, pour un temps, la grande diablerie des Parisiens.

Le Midi fut autant troublé que le Nord pendant les premières années du nouveau règne. Charles V, qui avait rappelé le duc d'Anjou pour calmer l'effervescence provoquée par les exactions de ce prince, était mort sans lui avoir donné de successeur. Le comte de Foix, Gaston Phœbus, personnage brillant, bizarre et populaire, avait cherché à se faire reconnaître comme lieutenant du roi en Languedoc. Le pays était encore agité et incertain, quand on annonça l'arrivée du duc de Berri, le nouveau lieutenant du roi en Languedoc. Comme il était avide et dur, des émeutes éclatèrent.

A Béziers, le 8 septembre 1381, les consuls et les notables réunis à l'Hôtel de Ville délibéraient sur la réception du duc. Plusieurs centaines d'ouvriers, conduits par un charpentier, envahirent la place en criant : Mort aux traîtres ! Les portes furent enfoncées, et l'Hôtel de Ville envahi. Les notables se réfugièrent dans la tour ; le feu y fut mis, et tous ceux qui ne furent pas massacrés furent brûlés. Les jours suivants ; les émeutiers pillèrent un grand nombre de maisons. Au bout de dix-sept jours, l'émeute cessa. Mais, le 2 novembre, la ville fut occupée par les hommes d'armes du duc de Berri. Un gibet fut dressé à l'une des portes : quarante hommes et une femme, ouvriers, tisserands, cordonniers, y furent pendus ; quatre furent décapités. La ville reçut son pardon pour 12.000 francs d'or. Le duc de Berri fit son entrée à Béziers le 4 janvier 1382 ; il y revint en février pour tenir une assemblée d'États à laquelle il demanda un fouage d'un franc et demi par feu. Nîmes, Uzès, Narbonne, d'autres villes encore protestèrent. A Carcassonne et dans le Carcassès, le duc se présenta lui-même pour imposer le fouage ; mais Carcassonne lui refusa l'entrée. Alors le Carcassès fut ravagé par les hommes d'armes ; des habitants furent pendus.

Dans le même temps se multipliaient les Tuchins, maraudeurs ainsi nommés parce qu'ils se réfugiaient dans la touche, comme l'on appelait alors la brousse, ou parce qu'ils tuaient jusqu'aux chiens. En Auvergne, les Tuchins s'étaient montrés derrière les Anglais et les Compagnies, dès la fin du règne de Jean le Bon. Ils se recrutaient de la masse des pauvres gens. En Languedoc aussi, les habitants des faubourgs, les ouvriers réduits à la misère par la guerre et les impôts se mirent à courir les champs, prenant tout ce qui se mange et tout ce qui se vend, ne tuant que pour se défendre et ne pas être tués eux-mêmes. Ils étaient organisés en compagnies liées par serment, et avaient des complices dans les villes ; ils ne réussirent cependant pas à en prendre une seule. Nîmes, Uzès se sont servis d'eux, mais pour les renier ensuite. Quelques nobles sans aveu se sont joints aux Tuchins ; mais la noblesse de Languedoc n'a pas pactisé avec ces malheureux, comme les habitants de Nîmes ont voulu le faire croire plus tard. Les Tuchins ont-ils eu pour les prêtres la haine qu'on leur a attribuée ? Ont-ils eu quelque idée générale, quelque hostilité raisonnée contre les classes privilégiées ? Cela est très douteux ; ils étaient sans travail et sans pain, et ils voulaient manger. Et le désordre dura dans tout le Languedoc, surtout aux environs de Nîmes et dans le Velai, jusqu'en 1384, malgré la très rude chasse qui fut faite aux Tuchins à partir de 1382.

 

III. — ROOSEBEKE. LES DERNIERS CHÂTIMENTS[5].

LES troubles avaient continué dans les villes de Flandre. La riche bourgeoisie aurait voulu la paix ; à Bruges, elle avait repris l'avantage et rappelé le comte ; mais Gand résistait à outrance. Les temps étaient aussi durs qu'en 1337 et on disait : Si Jacques van Artevelde vivait, nos choses seraient en bon état, nous aurions paix à notre volonté. Pierre Van den Bossche, le capitaine alors le plus en vue, s'avisa qu'il y avait encore un Artevelde. Philippe van Artevelde, fils de Jacques, était sage jeune homme assez ; il était éloquent comme son père, et il avait rempli dans la ville quelques offices importants. Dans les derniers jours de janvier 1382, Van den Bossche s'en vint un soir chez ce Philippe, qui demeurait avec sa demoiselle de mère et vivaient de leurs rentes tout bellement. Il lui proposa de le faire souverain capitaine, lui rappelant pour le décider la bonne manière de son père. Il faudra, disait-il, faire le cruel et le hautain ; ainsi doit agir un sire entre communs, car on ne doit entre eux faire compte de vies d'hommes ni avoir pitié néant plus que des hirondelles ou alouettes, qu'on prend en leur saison pour manger. Le lendemain, le peuple étant réuni pour élire un capitaine général, Van den Bossche jeta le nom d'Artevelde, et tous pensèrent aussitôt que l'élection de Philippe serait le salut. La foule se précipita vers sa maison. Aux capitaines et aux doyens des métiers, Artevelde rappela que son père avait payé son dévouement de sa vie ; cependant il accepta. Ramené par le peuple au Marché, il prêta serment.

Philippe Artevelde avait compris les conseils de Van den Bossche des bourgeois voulaient la paix, il les terrorisa. Au milieu d'une émeute, le 26 janvier, il fit exécuter le premier échevin, puis, quatre jours après, un autre chef du parti de la soumission. Il fallait de l'argent ; le capitaine général sut en trouver : tous mettaient main à bourse, quand il besoignait. Des ordonnances sévères furent publiées : défense de se battre, de blasphémer, de jouer aux dés, de faire des rassemblements, sous peine de quarante jours de prison ; les comptes seront rendus tous les mois ; le peuple tout entier, pauvres et riches, pourra contrôler les affaires publiques dans le commun conseil ; enfin chacun fut invité à reprendre son travail. Comme le comte interceptait le ravitaillement de la ville, Artevelde fit ouvrir les greniers des abbayes et des riches hommes. Il essaya vainement de négocier à Tournai une réconciliation avec Louis de Made ; le comte resta intraitable. Rentré à Gand le 29 avril ne le capitaine de la ville annonça, le lendemain, au peuple que la paix était impossible ; il fallait prendre un parti : ou attendre la vengeance du comte comme gens martyrs, ou bien aller les harts au col se jeter à ses pieds, on bien enfin tenter de le surprendre à Bruges, et vaincre ou mourir en combattant.

Tout de suite, une grande expédition fut préparée contre Bruges : cinq mille hommes sûrs, deux cents chariots chargés de canons, d'armes et de munitions, et seulement neuf chariots de provisions, tout ce qui restait dans la ville. Dedans cinq jours, disait Philippe, nous saurons si nous vivrons à honneur ou nous mourrons à danger. Le 3 mai, le comte, ses chevaliers, les bourgeois de Bruges, venaient se briser contre les retranchements élevés en rase campagne par les Gantois au milieu des bruyères du Beverhoutsveld, en vue de Bruges. Les vainqueurs entrèrent dans la ville, derrière les fuyards ; le comte de Flandre, abandonné de tous, fut sauvé par un Gantois ; il se réfugia dans la maisonnette enfumée d'une pauvre vieille veuve. Le lendemain, enveloppé d'une houppelande, il partit à pied et regagna Lille tant bien que mal, par bois et chemins étranges. Bruges fut pillée trois jours durant, et les ennemis du parti démocratique périrent par milliers. Aussitôt Ypres, Courtrai, Cassel se soulevèrent de nouveau et s'armèrent contre le comte. Seul, Audenarde résista au mouvement. Hors de Flandre, en Brabant, dans le pays de Liège, plus loin encore, le peuple des villes s'agita.

Le comte de Flandre eut alors recours à son gendre, le duc de Bourgogne, et le duc de Bourgogne au roi de France. Charles VI fut séduit par le plaisir de chevaucher à la tète d'hommes d'armes ; et puis, n'était-ce pas œuvre pie de combattre les Flamands, partisans endurcis du pape de Rome, urbanistes, schismatiques ? En réalité, le duc de Bourgogne espérait bien, à l'aide des forces royales, restaurer l'autorité du comte de Flandre dont il était l'héritier. En même temps, lui et les princes comptaient châtier en la personne des Gantois l'insolence des gens de métier qui, depuis plus d'un an, leur tenaient tête. Une expédition en Flandre fut donc décidée, non sans quelque opposition dans le Conseil. Le 18 août, le roi alla à Saint-Denis prendre l'Oriflamme. Les Gantois effrayés avaient écrit à Charles VI pour lui demander sa médiation ; des négociations furent entamées par Artevelde, puis rompues le 20 octobre. Le capitaine de Gand, à l'exemple de son père, s'était adressé en même temps an roi d'Angleterre, et avait obtenu de lui des promesses d'alliance et de secours auxquelles il croyait.

Le 18 novembre, l'armée royale concentrée à Lille se mit en mouvement : elle comptait quarante mille hommes, parmi lesquels dix mille hommes d'armes ; le reste était des archers, des arbalétriers et des soudoyers génois. Mais les contingents des villes, par crainte de secrètes sympathies pour la cause flamande, même les troupes du comte de Flandre, suspect comme urbaniste, furent tenues en arrière. L'expédition fut avant tout française, féodale et clémentine.

Il pleuvait presque tous les jours ; la campagne flamande. était détrempée. Comme il s'agissait de lutter de vitesse avec les Anglais dont on craignait le débarquement, le connétable voulut piquer droit au Nord, passer la Lys, pour occuper la plaine entre Ypres, Bruges et Gand, et couper les communications des trois grandes villes. Les Gantois gardaient le seul passage praticable sur la Lys, à Comines, dont le pont avait été détruit. La témérité de quelques seigneurs français et bretons qui traversèrent la rivière sur de mauvaises barques, détourna l'attention des Gantois ; pendant ce temps, le pont de Comines fut occupé et réparé, et le connétable passa avec toute l'avant-garde. Le soir du 20 novembre, l'armée royale était sur la rive gauche. Le lendemain, Ypres fit sa soumission et livra son artillerie.

Artevelde avait cru que le roi ne pourrait franchir la Lys. A la nouvelle du passage, il s'avança au Sud de Bruges jusqu'à Roosebeke. Là, il s'arrêta sur une petite colline et se couvrit de retranchements ; il avait avec lui environ quarante mille Flamands et quelques archers anglais, armée incohérente et sans expérience. Le r novembre, avant le jour, Artevelde disposa son armée en triangle compact sans la moindre articulation : neuf mille Gantois occupaient le sommet avec une artillerie formidable. C'est par ces mêmes dispositions que les Gantois avaient vaincu au Beverhoutsveld.

Au jour, s'était levée une bruine très grande et très épaisse et si continuelle qu'à peine voyait-on un arpent long devant soi. Lorsque le brouillard se dissipa, les Flamands, criant si fort qu'on n'eût pas entendu Dieu tonner, attaquèrent ; leur grosse bataille qui venait le bon pas tout serré, bouscula le premier rang de la bataille du roi, comme sanglier tout forcené. Mais les deux ailes de l'armée royale se replièrent sur cette masse, la prirent comme dans un étau et l'écrasèrent. Les chevaliers de leurs haches rompaient bassinets et écervelaient têtes ; puis venaient les valets qui achevaient les blessés : ni nulle pitié n'en avaient non plus que ce fussent chiens. Le plus grand nombre cependant périt étouffé, soit sur place, soit dans un vallon marécageux par où les survivants cherchèrent à s'échapper. Vingt-cinq mille Flamands succombèrent. Parmi les morts, était Artevelde qui avait été éteint dans la presse ; le comte de Flandre fit pendre son cadavre. Il fut défendu d'enterrer les morts, comme gens mécréants contre Dieu et leur roi et leur seigneur, et les mangèrent chiens et maints grands oiseaux.

La bataille de Roosebeke amena tout d'abord la soumission de Bruges. La ville promit d'obéir aux officiers royaux qui lui seraient envoyés, accepta le ressort du Parlement, renonça à toute alliance avec les Anglais et s'engagea à payer une amende de 120.000 francs. Mais le roi, avant toute œuvre, avait réclamé l'adhésion des Brugeois au pape Clément ; six jours leur étaient donnés pour change. d'obédience ; ils durent se soumettre. Charles VI ne daigna pas entrer dans la ville.

Il semblait que l'armée dût marcher sur Gand ; mais le roi se contenta d'envoyer des hérauts porteurs d'une lettre qui sommait les Gantois de venir se justifier. Puis il alla, le 1er décembre, à Courtrai : il voulait reprendre, dans l'église Notre-Dame, les éperons dorés que les Flamands avaient arrachés en 1302 aux chevaliers français, et chercher à l'Hôtel de Ville les lettres très mauvaises et très séditieuses qu'on accusait les Parisiens d'avoir écrites aux communes flamandes. La ville fut incendiée et détruite. A Courtrai, Gand envoya des députés ; mais comme le roi réclamait une amende de 300000 francs et l'adhésion à Clément VII, les Gantois ne purent se décider à traiter. On était aux plus mauvais jours de l'hiver ; le jeune roi en avait assez de cette campagne ; le comte de Flandre était mécontent de voir les Français maîtres chez lui. Par Tournai, Charles VI regagna la France.

A présent on pouvait tirer une pleine vengeance des Parisiens. Ils avaient, disait-on, échangé des correspondances avec les villes de Flandre. Le peuple de Paris, au moment du départ du roi, avait grommelé fort ; des réunions secrètes avaient été tenues ; pendant la campagne, un convoi de munitions et de vivres envoyé à l'armée royale avait été arrêté. Dans les premiers jours de 1383, Charles VI arrivait à Saint-Denis. Le 11 janvier, à la porte Saint-Denis, le prévôt des marchands et les bourgeois, vêtus de robes neuves, l'attendaient ; ils avaient dressé un poète broché d'or pour lui faire comme un dais. Ordre leur fut donné de retourner chez eux. Les battants de la porte furent couchés à terre, de façon que le roi entrât comme en ville conquise ; il avait avec lui douze mille hommes d'armes. Pendant que Charles VI se rendait à Notre-Dame, puis au Palais, le maréchal de Sancerre occupa le Petit-Pont, et Clisson, le Grand-Pont.

Le jour même et la nuit suivante, Jean des Marès, Guillaume de Sens, président au Parlement, trois valets de chambre de Charles VI, des avocats et des notaires au Châtelet, des marchands, plus de trois cents bourgeois furent jetés en prison. Deux riches drapiers et un orfèvre furent décapités le 12 janvier. Le 13, toutes les chaînes des rues furent portées à Vincennes. Il fut crié par toute la ville que les habitants eussent à déposer les armes. Le 19, un vieillard, Nicolas le Flamand, qui, bien qu'il eût pris part au massacre des maréchaux, avait été épargné en 1358 par la justice du dauphin, fut exécuté. Le même jour, de nouvelles impositions furent établies. On n'avait pas songé- à réunir les États ; au Conseil il avait même été question de donner la perpétuité aux aides en les réunissant au domaine, et, de fait, elles furent levées régulièrement les années suivantes.

La duchesse d'Orléans, l'Université de Paris, les bourgeoises toutes vêtues de noir implorèrent inutilement la clémence royale.

Le 27 janvier, le roi, séant en la cour du Palais, fit lire par Pierre d'Orgemont un acte du Parlement qui confisquait la Prévôté des marchands et abolissait les privilèges des Parisiens ; la juridiction du prévôt des marchands était remise au prévôt royal ; il n'y aura plus de maîtres élus par les métiers, ils seront remplacés par des prud'hommes au choix du prévôt royal ; les quarteniers, cinquanteniers et dizainiers sont supprimés ; toute assemblée de confrérie ou de métier est interdite sauf pour aller à l'église ou en revenir ; enfin la Maison de Ville, siège de la Prévôté des marchands, est remise au prévôt du roi.

En février, les châtiments continuèrent. Les mieux partagés en étaient quittes pour des amendes énormes qui les ruinèrent et permirent de payer les capitaines de l'armée de Flandre. De plus chacun jour on coupait les têtes à trois ou quatre. Jean des Marès avait été arrêté un des premiers et, bien qu'il eût droit au privilège de cléricature, la justice royale l'avait gardé. Il avait été, dans les troubles précédents, un médiateur heureux entre le roi et ses sujets ; mais justement on lui gardait rancune de ses bons offices et de sa popularité. Surtout les princes ne lui pardonnaient pas d'avoir, après la mort de Charles V, soutenu les droits du duc d'Anjou à la régence.

Le 28 février, il fut extrait du Châtelet avec quinze autres bourgeois ; on l'amena aux Halles sur une charrette. Il demandait : Où sont ceux qui m'ont jugé ? Qu'ils viennent avant et me montrent la cause et la raison pourquoi m'ont jugé à mort ! Il refusa de crier merci au roi, et, devant la foule qui pleurait, il mourut très vaillamment. Enfin, le 1er mars 1383, les Parisiens furent convoqués dans la cour du Palais. Charles VI était entouré de ses oncles. Pierre d'Orgemont rappela tous les forfaits des bourgeois, puis annonça que le roi accordait un pardon général ; quarante personnes cependant étaient encore exceptées de toute rémission.

La répression s'étendit aux principales villes au Nord du royaume. A Rouen, bien que la ville eût été déjà châtiée et pardonnée, des commissaires royaux furent envoyés. Les Rouennais, les croyant chargés d'une mission de paix, les acclamèrent. Trois jours après, trois cents bourgeois étaient emprisonnés. Des députés furent envoyés à Paris pour implorer le roi. Une lettre de Charles VI ordonna de relâcher les prisonniers en raison de la grâce accordée l'année précédente ; mais les commissaires refusèrent d'exécuter l'ordre, sous prétexte que la courte sédition du 1er août 1382 avait détruit l'effet du pardon. Les procédures continuèrent ; les plus compromis furent condamnés à mort, mais purent se racheter à très haut prix. La ville entière paya, pour les deux émeutes, une amende de 60.000 livres. La Commune resta abolie et le commerce ruiné.

Il semble que tout ce qui pouvait faire opposition à l'autorité royale ait alors capitulé. Après la mort de Charles V, l'Université avait voulu agir avec indépendance : dans la question du Schisme, elle s'était prononcée pour le concile, à la grande irritation des princes ; elle avait refusé de déclarer hérétiques et schismatiques ceux qui ne reconnaissaient pas Clément VII pour vrai pape. Alors un maitre en théologie fut incarcéré au Châtelet ; ordre fut donné à l'Université de ne parler ni de pape ni de concile. Elle n'obéit pas tout de suite ; le chancelier de Notre-Dame et celui de Sainte-Geneviève conféraient la licence d'enseigner au nom de papes différents ; beaucoup de maîtres, presque toute la nation anglaise, émigrèrent. Mais quand le roi fut revenu de Flandre, l'Université fut obligée de se soumettre : assemblée le 3 février 1383, elle renouvela son adhésion à Clément VII, qui fut envoyée à Avignon et répandue dans toute la Chrétienté.

Restait à châtier le Midi. Tout fut payé du même coup. Une assemblée des communautés de Languedoc, réunie à Lyon, en juillet i383, peu nombreuse du reste, rétablit les aides sous les menaces qui lui furent faites et par surprise. Les gens du roi et du duc de Berri fixèrent à 800.000 francs l'amende que le Languedoc dut payer pour racheter ses méfaits. Le délai était de quatre ans 468.000 francs devaient être levés sur toutes les sénéchaussées, et, de plus, 332.000 dans les localités les plus compromises. Pour payer l'amende, les grosses villes, comme les petites, furent écrasées de fouages : telle localité pour sept feux paya 148 francs, telle autre pour dix feux, 245 francs. A Toulouse, il fallut établir une taxe supplémentaire de 10 deniers par livre de viande. C'était acheter bien cher la rémission générale que le roi et le duc de Berri voulurent bien accorder le 8 et le 9 mars 1382. Le Languedoc n'avait pas subi de pareilles rigueurs depuis la croisade des Albigeois.

 

IV. — LA PAIX DE FLANDRE.

EN Flandre, où la victoire des Français était pour la politique  anglaise un échec et un danger, le roi d'Angleterre trouva moyen d'envoyer une armée, sans se compromettre ni dépenser trop d'argent. Le pape Urbain VI appelait ses partisans à la croisade contre les Clémentins. En Angleterre, il s'adressa à Henry Despenser, évêque de Norwich, homme de guerre plutôt que d'église, comme il l'avait montré dans la répression de la révolte des paysans. Le Parlement, tenu, le 23 février 1383, à Westminster, surtout les Communes, approuvèrent fort un projet d'expédition sur le continent, dont l'argent de l'Église devait faire en grande partie les frais[6].

Par Calais, l'évêque de Norwich pénétra en Flandre. Il était étrange qu'une croisade, demandée par Urbain VI pour combattre les partisans de Clément VII, envahit la Flandre, pays très urbaniste. Mais la croisade n'était qu'un prétexte : ces Anglais venaient pour rétablir l'influence anglaise. Ils battirent les hommes d'armes du comte, le jour même de la Saint-Urbain, reçurent de Gand des secours. considérables, entrèrent à Dunkerque, à Bergues, à Bourbourg, à Cassel, et mirent le siège devant Ypres. Là, l'évêque usa de toutes les armes temporelles et spirituelles, de l'artillerie, de la sape, de l'excommunication. Après un assaut inutile, le 10 août, il se retira à l'approche d'une armée française.

Louis de Made, en effet, s'était encore adressé au roi de France et le duc de Bourgogne n'avait pas eu de peine à décider son neveu à une nouvelle campagne. Le 2 août, Charles VI partit pour rejoindre ses troupes à Arras. Dans les deux armées, se trouvaient un grand nombre de prêtres et de moines. Clément VII et Urbain VI, chacun de son côté, avaient levé pour eux l'interdiction de porter les armes. Les Français entrèrent à Cassel, à Bergues, à Bourbourg. Le duc de Bretagne, qui était dans l'armée de Charles VI[7], s'interposa alors. L'évêque de Norwich, réfugié dans Gravelines, consentit à évacuer la place moyennant argent, et repartit pour l'Angleterre. La conclusion semblait devoir être, pour l'armée française, une tentative sur Calais ; mais personne ne parait y avoir songé. Le duc de Bourgogne était pressé de délivrer la Flandre des Français. C'est que le jour était proche où il allait hériter : Louis de Maële, vieilli et attristé, mourut en effet le 30 janvier 1384, à Saint-Omer.

A ce moment, des trêves, conclues à Leulinghen, avaient suspendu les hostilités avec les Anglais, d'abord jusqu'au 29 septembre 1384, puis jusqu'au 1er mai 1385. Dès que la nouvelle de la mort de son beau-père lui arriva, Philippe le Hardi, après avoir conféré avec le roi à Paris, partit pour le Nord. A Lille, les obsèques du comte furent faites au mois de février en grande solennité ; le duc de Bourgogne s'y montra très recueilli et très soucieux. Puis il visita les villes flamandes demeurées fidèles, Ypres, Bruges, Damme, l'Écluse. En trois mois, il établit son autorité dans la plus grande partie du comté et obtint même des subsides pour la guerre. Quant à la restitution de Lille et de Douai à la couronne de France, secrètement promise par lui, lors de son mariage avec Marguerite de Flandre, il n'en fut pas question.

Au mois de janvier 1385, les Gantois, qui s'étaient mis depuis quelques mois sous la protection du roi Richard et avaient levé la bannière d'Angleterre, recevaient dans leurs murs un chevalier anglais, Jean Bourchier, qui fut institué capitaine de la ville. Avec le renfort qu'il avait amené, le capitaine gantois François Ackermann attaqua Bruges, qu'il ne put prendre ; mais, le 14 juillet 1385, il s'empara du port de Damme qui en était l'entrepôt. Au moment où Charles VI reçut cette nouvelle, il était à Amiens où il célébrait son mariage. Depuis la fin de 1384, de grands préparatifs étaient faits à l'Écluse pour une descente en Angleterre. L'armée réunie pour cette expédition fut menée devant Damme, dont le siège, entrepris au moment le plus chaud de l'année, fut fort pénible. Le roi y entra le 28 août, les Gantois s'étant retirés après avoir attendu inutilement de nouveaux secours d'Angleterre ; la ville fut pillée et à moitié brûlée. Le pays des Quatre-Métiers, tout au Nord de la Flandre, épargné par les invasions précédentes, fut ravagé ; après quoi, comme il était trop tard pour rien entreprendre contre Gand et que le roi voulait revenir prés de la jeune reine, tout fut remis à l'année suivante.

Mais, avant la fin de l'année, la paix était faite en Flandre. La guerre durait depuis six ans ; toute la Flandre en souffrait. Quant à l'alliance anglaise, la preuve était faite qu'il n'y avait pas à compter sur elle : les Anglais arrivaient toujours trop tard et repartaient trop tôt Enfin, depuis 1385, le maitre de la Flandre était le duc de Bourgogne, soutenu par la féodalité des Pays-Bas et surtout par Charles VI et toutes les forces de la France. Les communes flamandes n'avaient rien de mieux à faire qu'à se réconcilier avec lui. Deux bourgeois de Gand, de lignage moyen, un batelier et un boucher, associés à un chevalier, entamèrent des négociations secrètes avec Philippe le Hardi, qui avait déjà manifesté aux Gantois ses bonnes dispositions. Il accueillit en effet très bien ces ouvertures, et le fit savoir par lettres ouvertes et par lettres closes, moult douces et moult aimables à ceux de Gand. Le peuple de Gand se prononça pour la paix. Tournai fut choisi pour les négociations définitives. L'ambassade flamande, qui comptait cent cinquante personnes, déploya un tel luxe que les Français en furent choqués et jaloux. Après treize jours, on était d'accord, sauf sur un point : le duc voulait que les députés de Gand lui demandassent merci à genoux ; ils s'y refusaient. A leur place, la duchesse de Brabant et la comtesse de Nevers s'agenouillèrent, et obtinrent de Philippe, à force de supplications, le pardon de sa bonne ville de Gand ; les députés ne daignèrent oncques plier les genoux.

Pour tout et pour tous il y eut merci. Les privilèges, franchises et usages de Gand et des villes ses alliées furent garantis. Toute liberté fut rendue au commerce. Le duc promit de ne frapper que de la monnaie de bon aloi et de n'instituer que des officiers nés dans le pays. Au sujet du Schisme, les Gantois, à force d'insistance, obtinrent du duc l'engagement de ne leur faire tenir aucune chose contre leurs consciences et le salut de leurs âmes. Le traité juré, la joie éclata partout ; les cloches sonnèrent à toute volée. Le 21 décembre, la paix fut publiée dans toute la Flandre. Le 4 janvier 1386, Philippe le Hardi et Marguerite de Flandre se présentèrent aux portes de la ville et firent leur entrée ; les derniers serments furent échangés bientôt après.

Ici s'achève une période de l'histoire de Flandre. La Flandre n'a pu constituer ni son indépendance ni son unité ; elle obéit à un prince étranger, et elle demeure un pays divisé en cités, dont chacune défend de son mieux ses intérêts et ses privilèges, chacune pour soi. En outre, dans chaque cité, dure le conflit entre les métiers et la bourgeoisie, l'un des deux partis n'étant point parvenu à triompher définitivement de l'autre, bien que les métiers eussent obtenu de notables avantages. Les ducs de Bourgogne vont mettre de l'ordre dans cette région politique confuse : ils y organiseront un gouvernement et en tireront de grandes ressources ; mais leur domination achèvera ce que les troubles du XIVe siècle ont commencé : le déplacement de la vie politique, industrielle et commerciale vers le Brabant et la Hollande.

Ces années 1380 à 1385 sont une période d'efforts révolutionnaires. En Angleterre, les paysans se sont soulevés contre les grands propriétaires ; dans la France du Midi et du Nord et en Flandre, les gens de métier se sont révoltés contre les percepteurs d'impôts du roi ou du comte, et parfois même contre les bourgeois. A Paris et en Flandre, la grande bourgeoisie a retenu autant qu'elle a pu le mouvement du commun. Surtout, ce fut l'insurrection de ceux sur qui pesaient lourdement l'ordre social et le gouvernement, mais ce fut une insurrection désordonnée. On y aperçoit bien la contagion de l'exemple ; mais, en somme, les révoltés agirent isolément et succombèrent sous la coalition toujours prête des forces royales et féodales.

 

 

 



[1] SOURCES. Chronographia regum Francorum, éd. Moranvillé, III, 1897. Le Religieux de Saint-Denis, Chronica Caroli VI, éd. Bellaguet, 1839-1852. Juvénal des Ursins, Histoire de Charles VI, éd. Denis Godefroy, 1653. Froissart, Chroniques, éd. Kervyn de Lettenhove, IX-XVII, 1869-1872, et éd. Reynaud, X et XI, 1897-1899. Chronique des quatre premiers Valois, éd. Luce, 1882. La Chronique du bon duc Loys de Bourbon, éd. Chazaud, 1876. Pierre Cochon, Chronique Normande, éd. de Beaurepaire, 1870. Istore et Croniques de Flandre, éd. Kervyn de Lettenhove, 1879-1880. Knighton, Chronicon (continuation), éd. Lumby, II, 1895. Walsingham, Historia anglicana, éd. Riley, 1883-1864. Christine de Pisan, Le Livre des fais et bonnes meurs du sage roy Charles V, collection Michaud et Poujoulat, II, 1836. Ordonnances des rois de France, VI et XII, 1741-1777. Douët d'Arcq, Choix de pièces inédites relatives au règne de Charles VI, I, 1863. D. Vaissette, Histoire générale de Languedoc, nouv. édit., X, 1885. Denifle et Chatelain, Chartalarium Universitatis Parisiensis, III et IV, 1894-1897. E. Petit, Itinéraires des ducs de Bourgogne, 1888.

[2] OUVRAGES À CONSULTER. E. Petit, Séjours de Charles VI, Bulletin du Comité des Travaux historiques, 1898. S. Luce, Louis, duc d'Anjou, s'est-il approprié, après la mort de Charles V, une partie du trésor laissé par son frère ? Bibliothèque de l'École des Chartes, XXXVI, 1875. De Loray, Les frères de Charles V, examen des accusations dont ils ont été l'objet, Revue des Questions historiques, XXV, 1879.

[3] OUVRAGES CONSULTER. Chéruel, Histoire de Rouen pendant l'époque communale, II, 1844. A. Coville, Les États de Normandie, 1894. Mirot, Les Émeutes parisiennes de 1380-1383, Mémoires de la Société de l'Histoire de Paris, XXVIII, 1901. Portal, Les insurrections des Tuchins dans les pays de Languedoc, Annales du Midi, IV, 1892. Boudet, La Jacquerie des Tuchins, 1895.

[4] Voir, sur les causes de la révolte des paysans en Angleterre, l'Introduction de Petit-Dutaillis, au Soulèvement des travailleurs en Angleterre en 1381, par A. Réville et Petit-Dutaillis, 1898.

[5] SOURCES. Voir les sources indiquées en tête du chapitre. Vuylsteke, De Rekeningen der Stad Gent, 1376-1389, 1893. Chronique rimée des troubles de Flandre, éd. Le Glay, 1842.

OUVRAGES À CONSULTER. Kervyn de Lettenhove, Histoire de Flandre, III, 1847. Vanderkindere, Le siècle des Artevelde, 1880. Ashley, James and Philip van Artevelde, 1888. Recherches à propos des batailles de Courtrai et de Rosebecque, Annales internationales d'histoire, 1re Section, 1901. Pirenne, Histoire de Belgique, II (sous presse), et Bibliographie de l'histoire de Belgique, 2e éd., 1901. Bourquelot, Jean des Marès, Revue historique du droit français, 1888. N. Valois, La France et le Grand Schisme d'Occident, I, 1898.

[6] Sur cette expédition, voir Wrong, The crasade of 1383, 1892, et Skalweit, Der Kreuzzugs des Bischofs Heinrich von Norwich im Jahre 1383, 1898.

[7] Après la mort de Charles V, la paix s'était faite en Bretagne : Jean IV s'était aisément accordé avec les oncles du roi à de très douces conditions le 15 janvier 1381 ; mais ce ne fut pas, il est vrai, sans arrière-pensée.