HISTOIRE DE FRANCE

TOME DEUXIÈME. — LE CHRISTIANISME, LES BARBARES - MÉROVINGIENS ET CAROLINGIENS.

LIVRE III. — LES CAROLINGIENS.

CHAPITRE VI. — LES DERNIERS CAROLINGIENS[1] (888-987).

 

 

I. — DÉMEMBREMENT DE L'EMPIRE DE CHARLES LE GROS. LES ROYAUMES DE LORRAINE, DE BOURGOGNE ET DE PROVENCE.

LE chroniqueur Réginon décrit en ces termes la situation à la mort de Charles le Gros : Les royaumes qui ont obéi à sa domination, privés d'héritier légitime, se désagrègent et se séparent les uns des autres selon leurs frontières ; ils n'attendent point leur seigneur naturel, et chacun d'eux se dispose à choisir un roi tiré de ses entrailles. Il en résulta de grandes guerres, non point qu'il manquât de princes francs, dignes, par leur noblesse, leur courage et leur sagesse, de commander à ces royaumes ; mais, comme ils étaient égaux les uns aux autres par la race, les dignités et la puissance, la discorde en était augmentée, aucun ne l'emportant assez sur les autres pour qu'ils voulussent se soumettre à sa domination. Réginon songe ici à la chute de l'empire d'Alexandre et il emprunte des phrases à l'historien Justin.

Les deux royaumes d'Allemagne et d'Italie se détachent, cette fois-ci pour toujours, du royaume franc de l'Ouest[2]. Arnulf, bâtard de Carloman — un des fils de Louis le Germanique, — est reconnu comme roi en Allemagne par les seigneurs et les évêques réunis à Francfort. Il est le plus grand personnage de l'Occident. Il fait reconnaître sa suzeraineté par les rois qui se sont taillé un royaume dans la succession de Charles le Gros. Il est couronné empereur dans la basilique de Saint-Pierre par le pape Formose (février 896) ; mais il fut le dernier Carolingien qui reçut cette dignité. Avec son fils Louis l'Enfant (899-911) s'éteignit la dynastie carolingienne d'Allemagne. Après lui sont élus Conrad Ier de Franconie (911-918) et Henri Ier de Saxe (919-936). La royauté allemande est ainsi devenue élective ; elle sera transportée successivement de l'une à l'autre des maisons ducales de Bavière, d'Alamanie ou Souabe, de Saxe, de Franconie, entre lesquelles l'Allemagne est partagée.

En Italie[3] deux familles, d'origine franque, se disputèrent la royauté : celle des marquis de Frioul, représentée par Bérenger ; celle des ducs de Spolète, par Gui. Tous deux prirent à Pavie la couronne. Les Italiens aimaient du reste, comme dit l'historien Liutprand, à avoir deux maîtres à la fois, pour contenir l'un par la crainte de l'autre. Bientôt même, suivant l'exemple donné par la papauté qui avait, au temps des premiers Carolingiens, introduit les Francs dans la péninsule, et créé ainsi une tradition qui sera funeste à l'Italie, ils appelèrent tour à tour le roi d'Allemagne Arnulf, le roi de Provence Louis et son successeur Hugues d'Arles, le roi de Bourgogne Rodolphe II, et le fils de Henri Ier d'Allemagne, Othon le Grand. Othon se fit couronner roi d'Italie et sacrer empereur à Rome le 2 février 962. Ce jour-là naquit ce qu'on a appelé le saint empire romain germanique, institution grandiose et étrange, réminiscence de l'ancien empire romain et de l'empire carolingien, et qui se perpétuera à travers toutes sortes de vicissitudes jusqu'au début du XIXe siècle. L'Allemagne et l'Italie, séparées depuis 888, furent de nouveau conjointes, pour le malheur de l'un et de l'autre pays.

La région entre le Rhin et les Alpes d'une part, la Meuse, la Saône et le Rhône de l'autre, qui, en l'année 843, avait été attribuée à l'empereur Lothaire, forma, quelque temps après la mort de Charles le Gros, trois royaumes séparés. La Lorraine[4], au Nord, avait été obligée d'abord de reconnaître l'autorité du roi germanique, Arnulf, qui ne parvint pas à rétablir l'ordre en cette région ; les comtes, devenus indépendants, se faisaient les uns aux autres une guerre acharnée, ne s'entendant que lorsqu'il s'agissait de dépouiller les églises et de piller les abbayes. Pour mettre fin à ces troubles, Arnulf se décide à créer un royaume de Lorraine qu'il donna à l'un de ses bâtards, Zwentibold (895) ; mais, à la mort d'Arnulf, les Lorrains appellent son fils légitime Louis l'Enfant qui est couronné à Aix-la-Chapelle. Zwentibold est vaincu et tué (900). La Lorraine, sous Louis l'Enfant, continue de former un royaume à part, ayant sa chancellerie particulière. Nous verrons comment, à la mort de Louis (914), elle fut rattachée pour quelques années au royaume franc de l'Ouest et comment, en 925, le roi allemand Henri Ier mit la main sur ce beau pays qui suivra pendant des siècles les destinées de l'Allemagne[5].

Entre les montagnes du Valais et sur les bords du lac Léman, s'était constituée au cours du IXe siècle une puissante dynastie locale[6]. Conrad, neveu de l'impératrice Judith et frère de Hugues l'Abbé, y avait obtenu l'abbaye de Saint-Maurice d'Agaune avec le gouvernement des trois diocèses de Sion, de Lausanne et de Genève ; il est qualifié de duc des pays jurans. Son fils Rodolphe fut couronné roi en 888 à Saint-Maurice, dans une assemblée de grands et d'évêques, et il étendit sa domination sur les pays voisins ; il fut reconnu à Fribourg, à Neuchâtel, à Bâle ; l'Aar marquait sans doute la limite orientale de ses États, du côté de l'Alamanie. Il conquit aussi Besançon, dont l'archevêque devint son chancelier ; il franchit même les Alpes ; la vallée d'Aoste, qui d'ailleurs avait toujours appartenu aux Francs, releva de son royaume. Son fils Rodolphe II, qui lui succéda en 911, réunit à ces possessions le royaume de Provence, et fut de la sorte maître d'un vaste État dans la vallée du Rhône.

Le royaume de Provence[7] était l'ancien royaume de Boson. Boson était mort le 7 janvier 887, et, pendant près de trois années, on négligea de lui donner un successeur. Les actes de ces régions portent pendant ce temps la formule ordinaire aux interrègnes : Après la mort de Boson, après la mort de Charles, c'est-à-dire Charles le Gros. Des troubles agitèrent le pays, et les envahisseurs étrangers y pénétrèrent sans rencontrer d'obstacle. Les grands se souvinrent alors que Boson avait laissé un fils, Louis, et, à la fin de 890, dans une assemblée tenue à Valence, ils l'élurent roi. Son royaume n'eut toutefois pas la même étendue que celui de Boson. Il comprenait la Provence, le Viennois, le diocèse de Grenoble, la Savoie. Mais Mâcon et Chalon-sur-Saône demeurèrent au roi de la France occidentale, et nous venons de voir que dans le diocèse de Besançon et en Suisse s'établit une dynastie nouvelle. Louis chercha fortune en Italie. Il y prit la couronne royale et la couronne impériale (902), mais tomba entre les mains de Bérenger, qui lui fit crever les yeux. A sa mort, en 928, Hugues, comte de Vienne et marquis de Provence, gouverna le royaume de Provence sans prendre le titre de roi. C'est lui qui le céda à Rodolphe II de Bourgogne, en 933, afin d'avoir les mains libres en Italie, les Italiens ayant appelé Rodolphe contre Bérenger, puis Hugues contre Rodolphe. A partir de cette date, Rodolphe régna de Bâle à Arles, dans tout le bassin du Doubs et du Rhône ; et ainsi naquit, par la réunion des deux États, un grand royaume, qui eut une existence indépendante pendant cent années. Il fut occupé tour à tour par Rodolphe II (933-937), par Conrad (937-993), et par Rodolphe III (993-1032), qui le livrera à l'Allemagne ; sous la domination allemande, il prendra, à cause de sa capitale, le nom de royaume d'Arles[8].

Ainsi la région politique incohérente et factice, créée entre la France d'une part, l'Allemagne et l'Italie, de l'autre, s'est démembrée. Après toute sorte de désordres et de vicissitudes, chacun de ses fragments a été uni à l'Allemagne, bien qu'une partie de la Lorraine et tout le royaume d'Arles — exception faite pour quelques cantons au Nord-Est — fussent pays de langue française. C'est que l'Allemagne, du IXe au XIe siècle, est mieux organisée, plus puissante que la France occidentale. Cependant celle-ci ne se résigna pas à la prise de possession par l'Allemagne de la zone intermédiaire. Même nos faibles rois du Xe siècle essaient d'en reconquérir des parties. Plus tard, quand la royauté française aura pris de la force, et que l'Allemagne, au contraire, sera tombée en anarchie, la France tournera de ce côté sa politique et ses armes. Cette zone intermédiaire fut le champ clos où se heurtèrent les deux pays voisins, avec des fortunes diverses, selon que la plus grande vigueur s'est trouvée d'un côté ou de l'autre.

 

II. — LA FRANCE OCCIDENTALE. LES RÈGNES D'EUDE, DE CHARLES LE SIMPLE, DE ROBERT ET DE RAOUL (888-936).

PENDANT près d'un siècle, il fut incertain si la France occidentale serait indépendante ou tomberait sous la suzeraineté de l'Allemagne.

Après la déposition de Charles le Gros, des évêques, des comtes et des seigneurs s'assemblèrent pour choisir un roi. Une seconde fois, ils écartèrent le fils de Louis le Bègue, Charles, qui n'était âgé que de dix ans, et ils élurent le comte de Paris, Eude, fils de Robert le Fort, sans doute parce que seul il parut capable de défendre le royaume contre les Normands. Eude[9] fut couronné et sacré à Saint-Corneille de Compiègne, le 29 février 888. Quatre mois après, en juin 888, 'sur le territoire lorrain, à Montfaucon-en-Argonne, il rencontra une bande de Normands et remporta sur eux une belle victoire ; il avait rallié ses troupes au son du cor, son si puissant que seule une bouche royale pouvait en produire un pareil.

Cependant, il restait en France un parti carolingien. Un prince d'origine carolingienne, Gui, duc de Spolète, arriva d'Italie, put se faire sacrer à Langres par l'évêque de cette ville. N'étant pas soutenu, il dut se retirer ; mais le fils de Louis le Bègue, Charles, avait trouvé asile chez Ramnulf, comte de Poitiers et duc d'Aquitaine ; le comte de Flandre tenait pour lui, et aussi l'archevêque de Reims Foulque et d'autres prélats et grands seigneurs. Eude demanda l'appui du roi de Germanie, qu'il alla trouver à Worms. Arnulf le reconnut comme roi ; Eude, en retour, se déclara son vassal. Le Carolingien avait légitimé, en quelque sorte, l'élection du roi parvenu.

 Mais bientôt décline la fortune d'Eude. Les Normands se montrent partout à la fois, portant leurs coups là où ils sont le moins attendus. Eude essuie des revers. En 889, il achète la retraite d'une bande qui opérait dans le voisinage de Paris ; en 890, il en laisse échapper une autre à Guerbigny, près de Noyon ; en 891, il ne réussit pas à cerner une troupe ennemie à Wallers, dans le voisinage de Valenciennes. Le royaume retrouvait les misères du temps de Charles le Chauve et de Charles le Gros. L'archevêque de Reims, Foulque, prit la direction du parti du jeune Charles qu'il avait recueilli à la mort de Ramnulf. Le 28 janvier 893, il le couronna roi dans la basilique de Saint-Remi pendant une expédition d'Eude en Aquitaine.

Tant qu'Eude conserva l'appui du souverain allemand, il se maintint, mais, en 894, Arnulf, gagné par l'archevêque Foulque, se déclara pour Charles ; il le reçut à Worms et lui conféra le royaume de l'Ouest. Ainsi Arnulf, carolingien bâtard, devenu le protecteur d'un carolingien légitime, confirmait avec éclat sa suzeraineté sur la France. Il donna ordre aux comtes et aux seigneurs de la Meuse de prêter main-forte à Charles, et de le rétablir sur le trône.

Alors, entre les deux adversaires, éclate une guerre acharnée. A diverses reprises, Arnulf intervint dans ces luttes. Il somma Eude et Charles de se présenter devant lui ; il les manda à sa barre, pour se faire l'arbitre de leurs querelles. Après trois années de guerre, au début de 897, les deux adversaires firent un accord. Eude consentit à céder à Charles une partie de son royaume — selon toute apparence le centre de cet état fut la ville de Laon — et il lui promit encore davantage. Sans doute Eude, qui n'avait point d'enfant, reconnut Charles comme son successeur éventuel. A quelque temps de là, tombé malade à la Fère-sur-Oise, il pria les seigneurs qui l'entouraient de reconnaître Charles. Après sa mort, le 1er janvier 898, tous se déclarèrent en effet pour le fils de Louis le Bègue, même le propre frère d'Eude, Robert. Robert tenait de son frère Eude, qui les lui avait cédés à son avènement, le comté de Paris, l'Anjou, la Touraine et Blois ; il avait reçu de lui l'abbaye de Saint-Martin de Tours, et plus tard, un grand commandement militaire entre Seine et Loire. Il possédait en outre des bénéfices considérables parmi lesquels se trouvait l'abbaye Saint-Aignan d'Orléans. Il était le plus grand seigneur du royaume. Charles le Simple lui laissa toutes ses dignités ; le roi et le duc paraissaient complètement d'accord.

Les chroniqueurs ont été sévères pour le roi Charles[10]. Ils ont accolé à son nom les épithètes les plus désobligeantes : Simplex, Stultus, Hebes, Insipiens, Parvus, Minor. Et, encore aujourd'hui, dans la nomenclature des rois de France, il reste humilié sous le titre de Charles III le Simple. Pourtant, par son initiative, se sont accomplis deux événements considérables. Charles, en établissant les Normands sur la Basse-Seine, a mis fin aux invasions qui, depuis près de deux siècles, désolaient le royaume franc ; puis il a conquis la Lorraine, et, pendant un certain nombre d'années, il a étendu son autorité jusqu'au Rhin.

Les invasions normandes se succédaient avec leur cortège ordinaire de pillages, de massacres et de misères. En 898, les Normands sont dans le Vimeu, où Charles défait une de leurs bandes ; peu après, en Bourgogne, où ils brûlent les monastères de Bèze, de Saint-Florentin et de Saint-Vincent ; en 903, devant Tours, où l'abbaye de Saint-Martin est incendiée. En 910, un chef célèbre, Rollon, se présente sous les murs de Paris ; repoussé, il ravage le Dunois et le pays Chartrain ; il met le siège devant Chartres[11]. Robert, comte de Paris, Richard, duc de Bourgogne, et Ébles, comte de Poitiers, s'empressent au secours de la ville. L'évêque Gouteaume, déployant la chemise de la Vierge, gardée au trésor de la cathédrale, fait une sortie. Les Normands battent en retraite ; Charles profite de leur défaite pour entamer avec eux des négociations. Une entrevue a lieu entre lui et le chef normand à Saint-Clair-sur-Epte. Rollon s'engage à cesser toute attaque et à embrasser le christianisme. Le roi lui abandonne un territoire que les barbares occupaient en fait depuis longtemps, qui avait pour centre la ville de Rouen et s'étendait d'un côté jusqu'à la rivière de l'Epte, de l'autre jusqu'à la mer[12]. Mais ce pays, désolé par les guerres continuelles, était inculte, et les Normands n'y pouvaient trouver à vivre. Charles leur livra la Bretagne voisine, en promettant de fermer les yeux sur leurs incursions de ce côté. Les barbares jurèrent de respecter les autres régions, et le royaume franc put respirer ; les paysans ensemencèrent leurs champs et moissonnèrent leurs blés, et les saint es reliques furent rapportées dans les monastères.

Le traité de Saint-Clair-sur-Epte, dont les conséquences devaient être si heureuses pour le royaume, fut un bienfait aussi pour les pays qui étaient cédés à Rollon. Le chef normand se fit baptiser en grande pompe par l'archevêque de Rouen ; il eut comme parrain le comte de Paris, Robert, qui lui donna son nom. Ses compagnons imitèrent son exemple, et bientôt déployèrent pour la nouvelle religion un zèle de néophyte. D'importantes abbayes furent fondées ou se relevèrent de leurs ruines : Jumièges, Saint-Wandrille, Fécamp ; le pays devint une des provinces les plus chrétiennes de la France. En même temps, les villages sont rebâtis ; un grand nombre d'entre eux reçoivent des dénominations germaniques : Torp-en-Caux, Torp-en-Lieuvin (Torp, Dorf, village), Houlgate (gate, gasse, rue), Barfleur, Harfleur, Honfleur (fleur venant du norois flodh, baie) ; Dieppe du mot diup, profond ; et tous ceux qui se terminent en beuf, se rattachant à la racine bod, demeure : Quillebeuf, Elbeuf, Criquebeuf, Daubeuf[13], etc. La région elle-même prit de ses nouveaux occupants le nom de Normandie. Les chefs sont appelés dans les diplômes des rois de France comites Normannorum ; ils s'intitulent eux-mêmes duces et marchiones Normannorum.

Rollon donna à ses nouveaux sujets de très sages lois. S'il faut en croire des récits épiques, véritables sagas scandinaves, le vol devint chose inconnue en Normandie : la charrue demeurait la nuit dans les champs ; les troupeaux n'avaient point de gardien ; un anneau d'or attaché à un arbre y resta trois années sans exciter la convoitise ; il était défendu même de rien mettre sous clef. Les Normands se plièrent aux coutumes françaises ; ils apprirent la langue du pays, et déjà la seconde génération avait presque oublié la langue germanique. Cela ne les empêcha point de garder le goût des aventures et l'amour des lointaines entreprises ; c'est l'esprit de leurs ancêtres qui poussera les Normands du XIe siècle au sud de l'Italie, en Orient, en Angleterre. Ces barbares, qui avaient si souvent mis la France à feu et à sang, seront les propagateurs les plus actifs de la langue et de la civilisation françaises.

Tranquille du côté de l'Ouest, Charles put étendre sa domination sur la Lorraine. Déjà une première fois, en 898, appelé par les seigneurs lorrains révoltés contre Zwentibold, il était intervenu dans les affaires du pays. Il s'était emparé d'Aix-la-Chapelle et avait tenu sa cour à Nimègue, l'ancienne résidence de Charlemagne ; mais, sur la prière des prélats de la région, il avait consenti à se retirer. Des circonstances plus favorables se présentèrent en 911. Louis l'Enfant, le dernier Carolingien d'Allemagne, venait de mourir, et les seigneurs allemands avaient élu roi Conrad, duc de Franconie. Les Lorrains aimaient la race carolingienne qui était originaire des pays entre la Meuse et le Rhin ; ils connaissaient le roi Charles qui avait fait plusieurs séjours au milieu d'eux ; quelques-uns lui étaient unis par des liens de parenté. Ils s'adressèrent donc à lui, le proclamèrent leur roi. Charles va prendre possession de son nouveau royaume ; il apparaît en Alsace. Il nomme aux sièges épiscopaux, confirme la possession de leurs biens aux abbayes ; il vit en bonne intelligence avec les seigneurs, notamment avec Renier, qui exerce sur la Basse-Meuse un commandement militaire. La Lorraine continue du reste de former un royaume distinct. Charles date ses actes à la fois de son avènement au royaume des Francs et du jour où il obtint un héritage plus ample.

Longtemps Charles reste maitre paisible de la Lorraine. De ses deux royaumes, c'est même celui qu'il préfère. Il y fait des séjours très longs dans les vieilles résidences de ses ancêtres, Gondreville, Thionville, Héristal. Il défend le pays contre deux tentatives du roi d'Allemagne, Conrad. Il triomphe d'une première révolte du fils de Renier, Giselbert (Gilbert), qui s'est montré infidèle et a fait appel à Henri Ier, successeur de Conrad. Dans une entrevue sur un radeau au milieu du Rhin, à Bonn (7 novembre 921), Henri Ier est obligé de reconnaître à Charles la possession de la Lorraine ; Charles, de son côté, fait grâce à Giselbert et lui rend ses honneurs.

Cependant les seigneurs de la France occidentale étaient irrités de la préférence que Charles montrait à son nouveau royaume ; ils avaient contre lui d'autres griefs encore. Le roi écoutait volontiers les conseils d'un homme de basse naissance, Haganon, sans doute d'origine lorraine ; il suivait ses avis pour toutes les affaires, et probablement le ministre voulait la restauration du pouvoir royal et l'abaissement des grands. Nul n'obtenait de faveur que par son intermédiaire ; et Haganon, tout en servant les intérêts de son maitre, n'oubliait pas les siens : il se fit donner de nombreuses abbayes. Le comte de Paris, Robert, s'irrita de cette faveur accordée à un homme d'origine si humble ; il prétendait rester le premier personnage de l'État après le roi. Il s'insurge et avec lui la plupart des grands barons du royaume de l'Ouest, qui s'allient à Giselbert, de nouveau révolté. Le 29 juin 922, Robert est élu roi. Charles rassemble une armée, composée en bonne partie de Lorrains, et, le 14 juin 923, offre le combat près de Soissons. Robert périt dans la bataille et Charles allait être victorieux, lorsque Herbert, comte de Vermandois, et Hugues, fils de Robert, surviennent et font fléchir les troupes lorraines.

Robert laissait un fils, Hugues ; mais les grands élurent roi Raoul, duc de Bourgogne, suzerain des seigneurs de cette région où il possédait directement les comtés d'Autun, d'Avallon et de Lassois ; il était en outre, abbé de Saint-Germain d'Auxerre et de Sainte-Colombe de Sens. Mais il dut surtout son élection à sa parenté avec le roi Robert, dont il avait épousé la fille. Son jeune beau-frère, Hugues, s'effaça devant lui. Raoul fut sacré le 13 juillet par l'archevêque de Sens, dans l'église Saint-Médard de Soissons[14]. Charles eut le tort de se fier à la parole d'Herbert de Vermandois[15], qui lui promit son aide contre Raoul ; il se livra à lui, et, pendant six années, il fut tenu en prison, d'abord à Château-Thierry, puis à Péronne. Il ne mourut qu'en se. Il avait épousé en secondes noces Ogive, fille d'Édouard l'Ancien, roi des Anglo-Saxons. Ogive alla se réfugier auprès de son père, avec son fils Louis, âgé de deux ans.

Les débuts de Raoul ne furent pas heureux. Les seigneurs du Midi refusent d'abord de le reconnaître ; ils écrivent au bas de leurs chartes des mentions de ce genre : La première, la seconde année après que les princes Francs perfides eurent chassé Charles de son trône et élu Raoul. Le roi patienta. Les Normands, ne se croyant pas engagés envers lui, recommencèrent leurs expéditions. Il fallut leur confirmer leurs anciennes possessions et y ajouter Bayeux et le Mans[16]. Il fallut aussi acheter le départ des Normands établis sur la Loire. Un impôt général fut levé à diverses reprises dans le royaume. Fit pecunia collectiva est une expression qui revient souvent dans les Annales de Flodoard. Et de nouveaux ennemis apparurent dans le royaume, les Hongrois. Ils venaient des steppes de l'Asie, comme les Huns et les Avares. En 926, ils pénètrent en France, après avoir submergé la Lorraine ; ils s'avancent jusqu'au pays de Vouziers. La ville de Reims, où l'on a en hâte transporté toutes les reliques des églises voisines, est menacée. Les Hongrois revinrent encore à diverses reprises.

En ce temps, la France perd la Lorraine. Après la déposition de Charles le Simple, deux partis s'y étaient formés, l'un tenant pour Raoul, l'autre pour Henri Ier d'Allemagne. En 923, Raoul essaya vainement de s'emparer de Saverne au pied des Vosges ; il reparut en 923 ; presque tous les seigneurs, y compris Giselbert, lui firent hommage. Mais à peine est-il parti que Henri Ier arrive, et les mêmes seigneurs se tournent vers lui. La Lorraine cesse à partir de cette date de former un royaume indépendant. Elle devient un duché allemand, et la dignité ducale est conférée à Giselbert, qui épouse Gerberge, fille de Henri.

Le roi Raoul était donc malheureux dans ses entreprises. Même ses anciens partisans se déclarent contre lui ; Herbert de Vermandois croit le moment propice pour agir. Il met la main sur l'archevêché de Reims en faisant élire comme archevêque son propre fils Hugues, qui n'a pas cinq ans (925) ; il essaie aussi de s'emparer du comté de Laon (927). Quand Raoul proteste, il tire de prison Charles, le présente à Rollon et aux Normands qui lui font hommage. Le roi était perdu sans l'intervention de son beau-frère, Hugues, qui rétablit la paix entre lui et le comte de Vermandois.

Mais, après la mort de Charles le Simple (929), la fortune revient à Raoul. Il remporte à Limoges sur les Normands de la Loire une victoire qui a un aussi grand retentissement que jadis celle de Louis III (930-934) à Saucourt et celle d'Eude à Montfaucon. Les seigneurs aquitains le reconnaissent pour roi ; le comte d'Auvergne, le comte de Toulouse, le comte de Rouergue datent désormais leurs diplômes de ses années de règne. A la mort du premier duc de Normandie, Rollon (933), son fils, Guillaume Longue-Épée, fait hommage au roi qui lui abandonne l'Avranchin et le pays du Cotentin ; ainsi, par des donations successives, s'est achevée la constitution de la Normandie. Les Hongrois ne sont plus à craindre pour l'instant : Henri Ier d'Allemagne vient de leur infliger une grande défaite sur les bords de l'Unstrutt (15 mars 933) ; ils sont rejetés dans le bassin de la Theiss, où déjà sont confondus les débris des Huns et des Avares. Raoul étend même les limites de son royaume. Pendant un certain temps (933), il est, maître de Vienne sur les bords du Rhône.

Raoul s'acharna contre Herbert de Vermandois, qui l'inquiétait toujours. Il fit élever sur le siège de Reims le moine Artaud, à la place du jeune Hugues ; il enleva à Herbert la ville d'Amiens, la forteresse de Saint-Quentin ; il l'assiégea dans Péronne et dans Château-Thierry. La paix ne fut rétablie qu'en 935, dans une entrevue sur les bords de la Chiers entre Raoul et le roi d'Allemagne Henri Ter, pris comme arbitre entre les deux partis. Raoul consentit à rendre à Herbert une partie de ses possessions.

Au retour de cette entrevue, il mourut subitement à Auxerre le 14 janvier 936. On l'enterra dans l'église Sainte-Colombe de Sens, à laquelle il légua sa magnifique couronne incrustée de diamants. Il ne laissait pas d'enfant ; son successeur désigné semblait être son beau-frère Hugues. Mais celui-ci était un homme prudent. Il pressentit que contre lui se soulèveraient. les grands seigneurs, notamment Herbert de Vermandois et Hugues le Noir, frère de Raoul et son successeur dans le duché de Bourgogne. Au lieu de prendre la couronne, il préféra rappeler le fils de Charles le Simple[17]. Louis, qu'on appellera d'Outre-Mer ou l'Anglais, débarqua à Boulogne, reçut l'hommage des grands et fut sacré à Laon le 19 juin 936, par l'archevêque Artaud. Hugues espéra sans doute que, sous le nom du roi Louis, il gouvernerait et serait roi, moins le titre.

 

III. — LES DERNIERS ROIS CAROLINGIENS : LOUIS D'OUTRE-MER, LOTHAIRE ET LOUIS V. LE CHANGEMENT DE DYNASTIE DE 987.

HUGUES — les chroniqueurs le nomment Hugues le Grand — apparait d'abord comme le protecteur du jeune roi, qu'il mène faire une chevauchée dans le duché de Bourgogne[18] ; mais il s'aperçoit bientôt que Louis, intelligent, actif et fier, ne subira pas sa tutelle. Alors commence entre le roi et le plus puissant de ses vassaux une lutte qui durera tout le règne. Deux partis se forment ; le roi réussit à gagner les ducs de Normandie et de Bourgogne ; Hugues a pour lui ses nombreux vassaux et le comte Herbert de Vermandois.

Les deux adversaires cherchent appui en Allemagne. En 936, Othon Ier, fils de Henri Ier, avait été élu roi par les évêques et seigneurs d'Allemagne, et couronné dans l'église d'Aix-la-Chapelle. Sollicité par les deux partis français, sa politique fut de tenir entre les deux la balance égale ; mais Louis d'Outre-Mer le mécontenta en reprenant les prétentions de son père sur la Lorraine et en envahissant ce pays (938), à l'appel du duc Giselbert, au moment où des troubles se produisaient en Allemagne. L'apaisement des troubles, la mort de Giselbert qui s'est noyé dans le Rhin, laissent à Othon les mains libres pour se venger de Louis. Allié du duc des Francs, qui a épousé en secondes noces sa sœur Hadwige (Avoie), il envahit la France en 940 ; il parait à Attigny, et, dans ce vieux palais, où Charlemagne a jadis reçu la soumission des Saxons, Othon, duc de Saxe, devenu roi d'Allemagne, reçoit l'hommage de Hugues et de Herbert. Il s'avance jusqu'aux environs de Paris ; le duc de Bourgogne, Hugues le Noir, est obligé de lui donner des otages. Hugues le Grand, ainsi appuyé par le souverain allemand, est maitre dans le royaume. L'archevêché de Reims est rendu à Hugues de Vermandois.

Quelques années après, le roi Louis, qui a fait une expédition en Normandie, est saisi par les habitants de Rouen et livré à Hugues, qui le tient en captivité pendant un an, sous la garde du comte de Chartres, Thibaut le Tricheur (945-946). Cet événement, il est vrai, provoque une indignation générale. Le roi des Anglo-Saxons, Edmond, réclame la mise en liberté du prisonnier, son cousin-germain et menace la France d'une invasion ; Othon d'Allemagne laisse entendre que c'est un crime de ravaler de la sorte la majesté des rois ; des seigneurs français protestent. Hugues relâche son prisonnier, mais après que celui-ci lui eut cédé Laon, la seule forteresse qui lui restât.

Louis s'était rapproché d'Othon. Après la mort de Giselbert, il avait épousé sa veuve Gerberge, qui était la sœur du roi d'Allemagne. Le voilà donc, lui aussi, beau-frère du puissant roi. Après sa mise en liberté, il se tourna complètement du côté de l'Allemagne et, grâce à la protection du roi allemand, ses dernières années furent plus heureuses. Avec une armée d'Othon, il prit Reims, et rétablit l'archevêque Artaud sur son siège (946) ; Othon était présent ; il alla se montrer sous les murs de Paris et de Rouen. En 947, Louis célébra la Pâques avec son beau-frère à Aix-la-Chapelle ; à l'automne, il se rencontra de nouveau avec lui à la frontière des deux royaumes, sur les bords de la Chiers ; au mois de juin 948, les deux souverains assistent ensemble à un grand concile qui se réunit dans l'ancienne résidence carolingienne d'Ingelheim.

Là, devant le légat du pape Agapit, devant 32 évêques, la plupart allemands, et un grand nombre d'abbés, de chanoines et de moines, Louis expose ses griefs contre le puissant duc des Francs ; il dit comment, après avoir été rappelé par lui des régions d'outre-mer, il a été par lui fait prisonnier. Il ajoute : Si quelqu'un vient à prétendre que tous les maux soufferts par moi depuis que j'ai recouvré la royauté me sont advenus par ma faute, je suis prêt à me purger de cette accusation ou bien à en soutenir la fausseté par le duel judiciaire. Mais personne ne relève le gant ; et le concile vote cette résolution : Que nul n'ose à l'avenir porter atteinte au pouvoir royal ni le déshonorer par un perfide attentat. En même temps l'excommunication est prononcée contre Hugues de Vermandois qui avait usurpé l'archevêché de Reims ; on investit avec solennité Artaud du siège de Reims ; et on menace de priver de la communion le duc des Francs lui-même, s'il ne présente pas sa justification au prochain concile.

Hugues se garda bien d'aller ou d'envoyer un délégué à ce nouveau synode, qui se réunit en septembre à Trèves ; les évêques passèrent outre, l'excommunièrent pour ses méfaits, et le pape confirma la sentence. Louis reprit partout le dessus : il rentra en possession de châteaux qui menaçaient Reims et une ruse de guerre lui livra Laon (949). Il resserra encore son alliance avec Othon à une entrevue que les deux princes eurent en Lorraine. Hugues le Grand, abandonné par les évêques, mal vu même des seigneurs laïques, ne pouvant supporter plus longtemps la privation des sacrements, se réconcilia avec le roi (950). Louis prit alors des allures de roi de France. Il fit une chevauchée en Aquitaine ; il mit à la raison le comte Ferri qui, de son château de Fains, près de Bar-le-Duc, menaçait les frontières du royaume. Ces quatre années eussent été paisibles si les Hongrois n'étaient revenus ; en 951, ils ravagèrent l'Aquitaine ; en 954, ils mirent au pillage le Laonnais et le diocèse de Reims, puis se dispersèrent en Bourgogne.

Un jour Louis chevauchait de Laon vers Reims ; il crut apercevoir un loup devant lui ; il se mit à poursuivre l'animal et fit une chute. On le ramena mourant à Reims, où il expira le 10 septembre 954. Il n'avait que trente-trois ans. Pendant les dix-huit années de son règne, il avait montré de l'énergie ; mais que pouvait ce jeune homme au milieu de tant de circonstances adverses ? Il ne s'était maintenu que par la protection du roi d'Allemagne Othon le Grand.

En apparence, la puissance de Louis a été encore considérable. Les grands seigneurs ne lui contestent pas sa qualité de suzerain. Il a reçu l'hommage de Guillaume Longue-Épée, duc de Normandie ; et, après l'assassinat de celui-ci (943), il a investi du duché Richard Ier, bâtard de Guillaume : il lui a donné la terre des Normands. Dans sa chevauchée d'Aquitaine, il a distribué des investitures. Ses vassaux ont pris de ses mains leurs seigneuries comme des dons de sa bonne grâce et à charge de lui être fidèles. Mais à aucun d'entre eux il n'aurait pu reprendre sa terre. Et lui-même est un roi sans terre. Il ne possède à peu près rien si ce n'est le pays de Laon qu'il perd et reprend. Qu'est-il en face de son puissant adversaire auquel il a donné le ducatus Francorum[19] qu'on commence à nommer le duché de France, et auquel il a ajouté, en 943, le duché de Bourgogne ?

Louis laissait deux fils : Lothaire[20] et Charles. L'aîné seul, âgé alors de treize ans, fut élu roi et sacré à Reims, par l'archevêque Artaud, le 12 novembre 954. Le cadet, Charles, fut écarté sous prétexte qu'il était trop jeune. En réalité, depuis que la royauté avait commencé à devenir élective, il fut admis qu'il ne devait y avoir qu'un seul souverain et que le royaume ne se partageait plus comme un patrimoine. Pas plus qu'en 923 et en 936, Hugues ne brigua la royauté ; mais Lothaire dut payer ce désintéressement. Il lui conféra le duché d'Aquitaine, dont Hugues ne réussit point d'ailleurs à se mettre en possession, malgré une double campagne contre Guillaume Tête d'Étoupe.

Pendant deux ans, Hugues fut un véritable régent du royaume. A sa mort, en 956, ses deux fils se présentèrent devant le roi Lothaire ; ils lui jurèrent un fidèle service, et le roi, e répondant à leur bon vouloir par une égale libéralité, » donna le duché de France à Hugues, l'aîné, et le duché de Bourgogne à Eu de, le second ; mais il ne faisait que ratifier un arrangement de famille. Et le nouveau duc de France — Hugues Capet[21] — sera l'adversaire de Lothaire, comme son père l'avait été du roi Louis. C'est l'histoire du règne précédent qui va recommencer.

Contre Hugues, Lothaire s'appuya sur l'Allemagne. Le roi Othon venait de confier l'administration de la Lorraine à son frère Brunon, archevêque de Cologne, homme cultivé, doux et droit, qui rétablit l'ordre dans ce pays et le divisa en deux duchés'. Brunon surveilla les affaires de la France, et fut une sorte d'arbitre entre le roi Lothaire et le duc Hugues qui, tous deux, étaient ses neveux. Il agissait comme s'il eût été régent du royaume de l'Ouest. Il y disposa des bénéfices vacants en faveur de Lorrains ou d'Allemands. A la mort de l'archevêque Artaud, en 962, il fit donner le siège de Reims à un prêtre lorrain, Oudry, né à Lay-Saint-Christophe près de Nancy. Lothaire accepta cette tutelle allemande. Il se rendit à Cologne le 9 juin 965 auprès d'Othon le Grand, qui revenait d'Italie où il s'était fait couronner empereur. Othon, dans la diète qu'il tint en cette ville, fut salué par les paroles du Psalmiste : L'Éternel te bénira dans Sion et tu verras le bien de Jérusalem tous les jours de ta vie. A ce moment, bien petits paraissent la France occidentale et ses princes auprès de l'empereur-roi, du nouveau Charlemagne.

Brunon était mort en 963, mais l'influence allemande se perpétua en France. C'est encore un Lorrain, Adalberon, frère de Godefroi, comte de Verdun, qui fut pourvu du siège de Reims, en 969, à la mort d'Oudry. Adalberon était un homme de grande intelligence, un des prélats qui voulaient réformer l'Église. Il imposa la discipline aux clercs et aux moines, et rétablit l'école de la cathédrale, qui devint célèbre dans toute la chrétienté, lorsque l'archevêque y eut préposé le moine Gerbert.

Gerbert était bien né au royaume de France, mais dans cette partie du royaume où l'on se souciait peu des rois carolingiens ; il était aquitain et avait été élève au monastère de Saint-Géraud d'Aurillac. Les hasards de son existence le menèrent dans la marche d'Espagne, où sans doute il prit connaissance de la science mathématique des Arabes, puis en Italie où il entra en relations avec les Othons. Othon Ier l'accueillit et l'invita à enseigner le quadrivium aux jeunes Germains de la cour. Gerbert conserva toujours le souvenir le plus reconnaissant de l'accueil que lui fit cet empereur ; et, arrivé à Reims en 972, il défendra toujours les intérêts de l'Allemagne. L'archevêque Adalberon et son écolâtre jouèrent le rôle principal dans le changement de dynastie qui se préparait.

En 973, un jeune homme de dix-huit ans, Othon II, succédait à Othon le Grand. Lothaire essaya de s'émanciper. Il encouragea en secret les seigneurs de la Lorraine qui se révoltaient, et, en 978, il tenta de conquérir le duché. Il réunit une armée, et marcha sur Aix-la-Chapelle. Il s'installa dans le vieux palais carolingien, et tourna du côté de l'Est, comme une menace contre l'Allemagne, l'aigle de bronze aux ailes éployées qui se dressait au haut du palais. Mais trois jours après, Lothaire, manquant de vivres, dut se retirer.

Othon II, pour se venger, se jeta sur le royaume de France, détruisit Attigny, Compiègne, prit Laon et alla camper sur les hauteurs de Montmartre. Il resta quelque temps en vue de Paris, brûlant les faubourgs ; avant de lever le camp, il fit entonner par ses clercs un formidable Alleluia te martyrum, qui stupéfia les Français. Dans sa retraite, Othon II faillit être pris sur les bords de l'Aisne ; mais l'archevêque Adalberon lui fit, dit-on, indiquer un gué qui le sauva. Lothaire se décida à traiter avec Othon. Les deux rois se rencontrèrent en juillet 980 à Margut-sur-Chiers ; ils s'embrassèrent et se jurèrent amitié. Le roi de France renonça à la Lorraine, et Othon lui promit son appui contre Hugues, au cas où le duc des Francs continuerait ses menées contre le roi[22].

Mais bientôt le bruit se répandit en Europe qu'Othon II venait de mourir à Rome (7 décembre 983). Il ne laissait qu'un fils, âgé de trois ans, Othon III, et l'Allemagne ne voulut pas reconnaître pour roi cet enfant. Henri de Bavière, son cousin, se fit proclamer à Quedlimbourg en mars 984, et sollicita l'appui du roi de France, lui promettant en échange la Lorraine. Lothaire accepta. Il alla mettre le siège devant Verdun ; à deux reprises, il s'empara de la ville, malgré la forte position de sa citadelle, située sur un rocher qui domine la Meuse. Il montra dans ces sièges une belle vaillance et fut atteint d'une pierre lancée par une fronde.

Personne ne voyait ces événements avec une plus grande tristesse que l'archevêque de Reims Adalberon et l'écolâtre Gerbert. Adalberon ne pouvait oublier ses origines lorraines, qui le rattachaient à l'Allemagne. Puis, à Verdun, Lothaire avait fait prisonniers son frère Godefroi, son neveu Ferri, son oncle Sigefroi, toute sa famille. Gerbert, de son côté, avait été attaché aux Othons par de nouveaux bienfaits. Lors d'un voyage qu'il avait fait en Italie en 980, Othon II lui avait donné l'occasion de montrer sa science dans des discussions métaphysiques qui furent célèbres, et il lui avait accordé l'abbaye de Bobbio, l'une des plus riches de la péninsule. Adalberon et Gerbert résolurent de sauver le jeune Othon III, en renversant Lothaire pour lui substituer Hugues Capet. Gerbert écrivit à l'un de ses amis ce billet où se retrouvent les termes de la consultation jadis adressée à Pépin par le pape Zacharie : Nous écrivons rapidement une lettre obscure et où nous ne mettons pas de nom. Le roi de France Lothaire n'est chef que de nom ; Hugues ne l'est pas de nom, mais de fait. Si vous cherchiez son amitié, si vous unissiez la cause de son fils Robert à celle du fils de César (Othon III), vous n'auriez plus rien à redouter de l'hostilité du roi des Francs. Et à Sigefroi, fils du comte du Mosellois, il mandait : Nous confions à votre bonne foi que, si vous liez amitié avec Hugues, vous braverez facilement toutes les attaques des Francs.

Lothaire devina la trahison ; il cita l'archevêque de Reims à Compiègne devant une grande assemblée que Hugues Capet dispersa. Puis, bien que Henri de Bavière se fût soumis et eût reconnu Othon III, le roi des Francs poursuivit ses conquêtes en Lorraine, menaça Cambrai et Liège, mais il mourut le 2 mars 986, à l'âge de quarante-quatre ans.

Lothaire ne laissait qu'un fils de dix-neuf ans. Il avait eu soin de l'associer au trône de son vivant et l'avait fait sacrer à Compiègne en 979. Louis V découvrit toutes les intrigues dont il était entouré ; il rompit avec sa mère Emma qui, fille de l'impératrice Adélaïde, la veuve d'Othon le Grand, s'efforçait de maintenir la paix entre la France et l'Allemagne ; il attaqua Adalberon dans la ville de Reims, et l'archevêque dut promettre de comparaître à la prochaine assemblée des Francs, pour y répondre des accusations qui pesaient sur lui. La réunion devait avoir lieu à Compiègne ; mais, avant le jour fixé, le jeune roi fit à la chasse une chute mortelle, le 22 mai 987.

L'assemblée convoquée à Compiègne se tint au milieu du plus grand tumulte. Personne n'osa se présenter pour soutenir l'accusation portée contre Adalberon. L'archevêque fut déclaré absous, prit séance parmi les grands, les décida à se lier par un serment au duc des Francs Hugues et à se réunir à quelques jours de là pour élire un nouveau roi. Tout le monde pouvait deviner que Hugues serait ce roi. Louis V laissait bien un oncle, Charles ; mais ce personnage ne plaisait point aux grands ; on lui reprochait de s'être fait nommer duc de Basse-Lorraine par les rois Germains. Singulier argument dans la bouche d'Adalberon ! On lui faisait aussi un grief de ce qu'il se fût mésallié à une femme prise dans l'ordre des vassaux. Quoiqu'il faille penser de la sincérité de ces arguments. Charles de Lorraine fut écarté par l'assemblée de Senlis, tenue à la fin de mai, et Hugues fut élu roi. Il fut couronné et sacré le 3 juillet 987, sans doute dans la ville de Noyon[23].

La mort d'Othon II, les dangers que courut son fils Othon HI, l'ambition de Lothaire, son désir de conquérir la Lorraine, les intrigues d'Adalberon et de Gerbert, la mort inopinée de Lothaire, celle de Louis V, que les chroniqueurs ont appelé injustement le Fainéant, tels sont les faits qui ont conduit Hugues à la royauté. Cette élection en elle-même n'eut rien d'extraordinaire ; avant Hugues Capet, Eude, Robert et Raoul avaient été rois ; mais, comme il s'est trouvé que la descendance de Hugues a régné pendant neuf siècles sans interruption sur notre pays, elle constitue un grand événement dans notre histoire. Aussi a-t-il donné lieu à diverses considérations générales et, pour ainsi dire, philosophiques.

Des historiens ont vu en l'avènement de Hugues Capet une victoire de la nationalité française : les Carolingiens, disent-ils, étaient des Germains ; en élisant Hugues, les seigneurs ont chassé une dynastie étrangère ; la France s'est ressaisie. Or, la vérité, c'est que Lothaire et Louis V étaient des Français aussi bien que Hugues ; Lothaire s'est appuyé pendant une partie de son règne sur l'Allemagne ; mais, à la fin, il s'est tourné contre elle ; et, en 987, le véritable allié des Allemands était Hugues que patronnait un prélat tout dévoué à l'Allemagne et à l'Empire, et protecteur d'Othon III. En cette alliance les contemporains ne voyaient d'ailleurs rien de blâmable. La France et l'Allemagne n'étaient point séparées par une opposition irréductible, et les haines internationales n'étaient pas nées encore. Invoquer la nationalité en cette occasion, c'est attribuer aux hommes du Xe siècle les sentiments d'autres époques et dénaturer l'histoire.

On a dit aussi que l'avènement de Hugues Capet fut la victoire de la féodalité : son élection aurait légitimé l'hérédité des bénéfices et des offices, l'infini morcellement des seigneuries. Il y aurait eu comme un contrat entre les seigneurs et le nouveau roi qui aurait renoncé à une partie de ses prérogatives. Mais nous ne trouvons chez les auteurs contemporains nulle trace d'un pareil marchandage. Pour ceux-ci, la royauté de Hugues ne diffère point par essence de celle de Lothaire ; même les grands réunis à Senlis ont affiché la prétention de rendre l'autorité royale plus forte, en écartant l'oncle de Louis V, Charles de Lorraine, et en choisissant Hugues que distinguait non seulement la noblesse corporelle, mais les qualités de l'esprit.

Pourtant le triomphe de la féodalité explique en partie la victoire des Capétiens. Comme les Mérovingiens, par les mêmes procédés, les Carolingiens se sont ruinés. Terres et droits, ils ont tout donné ou tout laissé usurper. Nous avons vu s'élever sur le sol de la France de grandes principautés seigneuriales, où l'autorité du roi ne pénètre plus qu'indirectement. Nous allons voir toute la société s'organiser pour la vie locale. Un roi sans terre, dans ce pays où toute richesse et toute autorité reposaient sur la terre, c'était un être paradoxal et comme un corps étranger qui, par la force des choses, devait être éliminé. Il le fut.

Mais, si le roi carolingien disparaissait, la royauté subsista. Elle était nécessaire comme le couronnement de l'édifice féodal, et elle s'accommoda au nouvel état de choses en se transformant, par certains de ses côtés du moins, en suzeraineté. Puis les esprits ne concevaient point un état sans roi. Les ecclésiastiques surtout ne se représentaient point une société qui ne fût gouvernée par un nouveau successeur de Charlemagne, de Clovis, de Constantin et de David. Voilà pourquoi Hugues Capet, possesseur de terres nombreuses, de comtés et du duché de France, fut choisi après Louis V et put fonder une nouvelle dynastie.

 

 

 



[1] SOURCES. Les documents pour cette période sont assez rares. La chronique la plus importante est celle de Réginon, qui s'étend de 813 à 906. Voir l'édition de Kurze dans les Monumenta Germaniæ in usum scholarum. Sur les années 906 à 919, nous ne savons presque rien. Puis, nous trouvons les Annales d'un clerc de Reims, Flodoard, qui nous mènent de 919 à 966. Elles sont publiées au tome III des Scriptores de Pertz. On complétera avec l'histoire de l'église de Reims, du même auteur, au tome XIII des Scriptores. La chronique de Richer, découverte en 1833 à Bamberg, commence au règne d'Eude. Si elle n'a qu'une médiocre importance au début, elle a une haute valeur pour le règne de Lothaire et elle nous fait connaître l'histoire du changement de dynastie de 987 ; voir l'édition de Waitz dans les Monumenta Germaniæ in usum scholarum. Sur les autres sources, voir Molinier, Les sources de l'histoire de France, t. I et les bibliographies placées en tête des ouvrages de Poupardin, Favre, Eckel, Lauer, Parisot, Lot, ci-après cités.

[2] Pour l'Allemagne, on consultera le tome III de Dümmler, Geschichte des ostfränkischen Reichs, 2e édition, Leipzig, 1888. Giesebrecht, Geschichte der deutschen Kaiserzeit, t. I, 4e édit., Brunswick, 1873. Mühlbacher, Deutsche Geschichte unter den Karolingern, Stuttgart, 1896. Waitz, Jahrbücher des deutschen Reichs unter König Heinrich I, 3e édit., Leipzig, 1885.

[3] Wüstenfeld, Ueber die Herzoge von Spoleto aus dem Hause der Guidonen, dans les Forschungen zur deutschen Geschichte, t. III. Dümmler, Gesta Berengarii imperatoris. Beiträge zur Geschichte Italiens im Anfange des zehnten Jahrhunderts, Halle, 1871.

[4] Toutes les questions touchant la Lorraine sont traitées par Robert Parisot, Le royaume de Lorraine sous les Carolingiens, Paris, 1898.

[5] En 959, il fut divisé par l'archevêque de Cologne Brunon, frère d'Othon le Grand, en deux duchés : le duché de Basse-Lorraine, qui comprit les pays appelés aujourd'hui Belgique et Hollande, avec la région d'Aix-la-Chapelle et de Trèves, d'une part, et le duché de Haute-Lorraine, qui correspond à peu près aux anciennes provinces de Lorraine et des Trois-Évêchés, de l'autre. Chaque duché eut ses chefs particuliers, dont l'autorité était du reste battue en brèche par les évêques, les abbés et de nombreuses familles comtales ou seigneuriales.

[6] Th. Dufour, Étude sur la diplomatique royale de la Bourgogne jurane, dans les Positions de thèse de l'École des chartes, 1873 ; Trog, Rudolf I und Rudolf II von Hochburgund, Bâle, 1887 ; Blümcke, Burgund unter Rudolf III und der Heimfall der burgundischen Krone an Kaiser Konrad II, Greifswald, 1869.

[7] Toutes les questions touchant le royaume de Provence sont traitées par Poupardin, Le royaume de Provence sous les Carolingiens, 1901, dans la Bibliothèque de l'École des Hautes Études (131e fascicule). Voir les observations de M. Paul Fournier dans les Annales du Midi, t. XIV, 1902.

[8] Voir P. Fournier, Le royaume d'Arles et de Vienne, Paris, 1891.

[9] Sur le règne d'Eude, consulter l'ouvrage d'Édouard Favre cité.

[10] A. Borgnet, Études sur le règne de Charles le Simple, dans les Mémoires de l'Académie royale de Bruxelles, 1843 ; Auguste Eckel, Charles le Simple, dans la Bibliothèque de l'École des Hautes Études, 1899 (124 fascicule).

[11] Voir René Mollet, Les comtes de Chartres, de Châteaudun et de Blois aux IXe et Xe siècles, dans les Mémoires de la Société archéologique d'Eure-et-Loir, t. XII (1897), p. 77 et suiv. J. Lair, Le siège de Chartres par les Normands, dans le Congres archéologique de France, 1900, P. 176-225.

[12] Nous ne croyons pas que la Basse-Normandie fût comprise dans la concession de Charles le Simple. Nous verrons plus loin que Bayeux ne fut accordée qu'en 923 aux Normands.

[13] Littré, Études et glanures, Paris, 1880, p. 116. Charles Joret, Des caractères et de l'extension du patois normand, Paris, 1883.

[14] Sur le règne de Raoul, voir W. Lippert, Geschichte des westfreinkischen Reiches unter König Rudolf, Leipzig, 1885 ; le même ouvrage sous le titre : König Rudolf von Frankreich, Leipzig, 1886. M. Labande prépare l'histoire du règne de Raoul dans la Bibliothèque de l'École des Hautes Études.

[15] Herbert de Vermandois était, comme Raoul, gendre du roi Robert.

[16] A ce moment la Normandie reçut un grand accroissement. L'archevêque de Rouen, interrogé par Rollon sur les noms des principales églises et abbayes de son royaume, cita, au dire du chroniqueur Dudon de Saint-Quentin, Rouen, Bayeux, Évreux, Jumièges. Le Mans fut repris dans la suite aux Normands.

[17] Hugues ayant épousé une fille d'Édouard l'Ancien, Éthile, se trouvait être l'oncle de Louis d'Outre-Mer.

[18] Sur le règne de Louis IV d'Outre-Mer, voir Lauer, Louis IV d'Outre-Mer, dans la Bibliothèque de l'École des Hautes Études, 1899 (fascicule 127).

[19] Les historiens ne sont pas bien d'accord sur la portée de ce titre de duc Francorum. Selon les uns, ce titre aurait conféré à Hugues une sorte de régence sur tout le royaume des Francs. Nous inclinons plutôt à croire qu'il lui donnait une prééminence dans cette partie Nord du royaume qu'on appelait la Francia. Son autorité était limitée au Sud par celle du duc d'Aquitaine, à l'Est par celle du duc de Bourgogne.

[20] Sur le règne de Lothaire et de Louis V, on consultera F. Lot, Les derniers Carolingiens, Lothaire, Louis V, Charles de Lorraine (954-991), dans la Bibliothèque de l'École des Hautes Études, 1891 (fascicule 87), Paris, 1878. Pour le changement de dynastie, on verra comme sources les lettres de Gerbert, éd. J. Havet, 1889 ; comme articles la préface de J. Havet ; M. Sepet, Gerbert et le changement de dynastie, dans la Revue des Questions historiques, t. VII et VIII, 1869 et 1870. Voir encore Wilmans, Jahrbücher des deutschen Reichs unter Otto III, Berlin, 1840 ; K. Uhlirz, Jahrbücher des deutschen Reiches unter Otto II und Otto III, t. I, Leipzig, 1902. M. Ferd. Sot doit faire paraître prochainement, dans la Bibliothèque de l'École des Hautes Études, Études sur le règne de Hugues Capet et la fin du Xe siècle.

[21] Le surnom de Capet se trouve pour la première fois au début du XIe dans la chronique d'Adémar de Chabannes. Mais il est attribué par lui à Hugues le Grand, père de notre Hugues Capet. Au XIIe siècle, les chroniqueurs commencent à accoler ce surnom à Hugues, le premier roi de la dynastie. Peut-être s'agit-il d'un surnom héréditaire dans la famille. Il dérive de cappa et signifie : porteur d'un petit manteau. Ainsi un comte d'Anjou s'appela Geoffroi Grisegonelle ; Henri II Plantagenet fut nommé Henri Court-Mantel. Il n'est pas prouvé qu'il y ait un rapport entre ce surnom et la chappe de Saint-Martin de Tours.

[22] Hugues Capet avait pris part à la campagne contre Othon II et il s'en attribua la gloire : aussi fut-il très irrité de la paix de Margut et, au mois de mars 981, il se rendit à Rome, où il trouva Othon II et chercha à faire alliance avec lui. Mais son projet échoua ; à son retour, il faillit être arrêté dans les défilés des Alpes par des émissaires de Lothaire.

[23] On a beaucoup discuté sur le lieu et la date de ce couronnement. Voir Julien Havet, Les couronnements des rois Hugues et Robert dans la Revue historique, 1891, t. XLV, p. 290. Nous ne pouvons nous rallier aux conclusions de M. Havet.