HISTOIRE DE FRANCE

TOME DEUXIÈME. — LE CHRISTIANISME, LES BARBARES - MÉROVINGIENS ET CAROLINGIENS.

LIVRE II. — LA PÉRIODE MÉROVINGIENNE.

CHAPITRE PREMIER. — LES FILS DE CLOVIS (511-561).

 

 

I. — LES PARTAGES ENTRE LES FILS DE CLOVIS. DISSENSIONS INTESTINES DE 511 À 561[1].

Clovis n'avait pris aucune disposition pour son héritage. Ses quatre fils se partagèrent le royaume comme un patrimoine. Thierry, l'aîné, était né hors mariage, avant l'union de Clovis et de Clotilde ; il n'en fut pas moins reconnu, suivant l'usage germanique, apte à hériter. Il reçut les pays de l'Est. Il régna sur Cologne, Zulpich, Trèves, Metz, Verdun, Châlons-sur-Marne. La ville de Reims fut sa capitale. De lui relevèrent aussi les populations germaniques de la rive droite du Rhin qui avaient reconnu la suzeraineté franque. En outre, il obtint, au sud de la Loire, l'Auvergne et quelques cités voisines, le Puy, Limoges, Cahors. Pour lui attribuer cette part singulière, composée de deux territoires séparés l'un de l'autre, il semble qu'on ait eu ces deux motifs : Thierry était arrivé à l'âge d'homme et, à cause de ses exploits antérieurs, il semblait plus capable que ses frères de maintenir dans l'obéissance les populations germaniques ; puis, il avait autrefois conquis l'Auvergne sur les Wisigoths. Les parts ne furent donc pas désignées par un tirage au sort : on attribua à chaque frère tel ou tel pays suivant certaines convenances personnelles. On ne tint pas compte de la différence des races et des nationalités : Thierry régna à la fois sur des Germains et sur des Gallo-Romains.

Clodomir, le fils aîné de Clovis et de Clotilde, eut dans son lot Orléans et les cités voisines : Auxerre, Sens, Chartres, Angers au nord de la Loire ; Tours, sur le fleuve même ; Bourges et Poitiers, au sud, dans l'ancienne Aquitaine. Childebert eut Paris, le pays jusqu'à la Somme et jusqu'à la Manche avec la péninsule de Bretagne. Clotaire eut Soissons sur l'Aisne, les cités romanes de Laon, Noyon, Cambrai, avec les populations germaniques établies autour de Maëstricht et sur le cours inférieur de la Meuse[2].

Bien que le royaume fût divisé en quatre parts, il continuait d'être considéré comme un tout. Il n'y avait qu'un royaume des Francs, regnum Francorum. Sans doute les frères ont trop souvent agi au gré de leurs caprices et se sont parfois fait la guerre ; mais ils gardaient le sentiment qu'ils devaient s'entraider et accomplir une tâche commune : achever la conquête de la Gaule, repousser les incursions, porter leurs armes chez les voisins. Aussi se sont-ils établis aussi près que possible les uns des autres : Reims, capitale de Thierry, Orléans, capitale de Clodomir, Paris, capitale de Childebert, et Soissons, capitale de Clotaire, se trouvent aux extrémités de chaque lot et se touchent presque.

Le roi Clodomir mourut en 524. Il laissait trois enfants en bas âge, que recueillit leur grand'mère Clotilde. Ils auraient dû, d'après les règles du droit civil franc, succéder à leur père. Mais Childebert et Clotaire se firent livrer leurs neveux, et envoyèrent à Clotilde un messager, portant des ciseaux et un glaive nu : Choisis, ô reine très glorieuse : les enfants doivent-ils vivre, les cheveux coupés, ou bien faut-il les égorger ? La grand'mère répondit : J'aime mieux les voir morts que tondus. Alors Clotaire se jeta sur les malheureux, tua l'aîné, puis le second, malgré les supplications de Childebert. Le troisième, Clodoald, réussit à s'échapper, entra dans les ordres et fonda à Nogent un monastère qui, dans la suite, a pris son nom : ce fut le monastère de Saint-Cloud, aux portes de Paris. Les détails de ce récit sont sans doute dus à l'imagination d'un ancien hagiographe qui composa une vie de saint Cloud ; mais il est exact que les oncles, après avoir tué leurs neveux, se partagèrent leur héritage. Childebert s'annexa Orléans et Chartres ; Clotaire, les cités de Tours et de Poitiers[3]. Il fallut bien céder aussi quelques cités à Thierry : on lui donna Sens et Auxerre ; et ces territoires réunirent l'Auvergne, par une route continue, à ses États de l'Est.

Précisément l'Auvergne supportait avec impatience la domination de Thierry. Ce pays de montagne, au sol de granit, à la population énergique et endurcie, a toujours opposé une vive résistance aux envahisseurs. De là est parti Vercingétorix, pour engager contre César la lutte suprême ; là, les Wisigoths se sont heurtés à une opposition acharnée ; au temps de Clovis, Thierry lui-même n'a conquis l'Auvergne que par de très rudes efforts. Le pays crut trouver occasion de secouer le joug en 531, pendant que Thierry faisait une expédition en Thuringe. Le bruit qu'il y était mort se répandit. Un grand, de famille sénatoriale, Arcadius, se mit à la tête du mouvement et appela Childebert, dans l'espérance qu'il serait un maitre moins dur. Mais Thierry, de retour sur la rive gauche du Rhin, mena ses guerriers en Auvergne (532). Tout le pays fut mis à feu et à sang ; la basilique de Saint-Julien de Brioude fut violée et pillée ; les citadelles de Vollore-Montagne et Chastel-Marlhac[4] conquises, la ville de Thiers brûlée. Beaucoup d'habitants furent faits prisonniers, exilés ou emmenés en captivité. On ne laissa aux indigènes que la terre, que les Barbares ne pouvaient emporter avec eux. Seule la ville de Clermont-Ferrand fut respectée, grâce à l'intervention de son évêque, saint Quintien. Thierry, quittant l'Auvergne, en confia le gouvernement à l'un de ses parents, Sigivald. Celui-ci acheva la ruine du pays ; dans une nouvelle expédition, le roi tua de sa main l'officier prévaricateur, et depuis, ce semble, l'Auvergne fut tranquille ; mais l'invasion de 532 et les exactions de Sigivald en avaient fait un désert.

En l'année 534 mourut le roi Thierry. Son fils Théodebert, qui combattait à ce moment les Wisigoths de Septimanie, se hâta de retourner vers le Nord, pour recueillir son héritage. Ses oncles Childebert et Clotaire s'étaient entendus pour le dépouiller ; mais le jeune prince gagna les grands, qui soutinrent sa cause. Childebert changea aussitôt de tactique. Il envoya des messagers à Théodebert : Je n'ai point de fils, et je désire te considérer comme mon fils. Et il lui donna des présents, armes, chevaux, vêtements, joyaux de toute nature. Childebert espérait gouverner les pays de l'Est, au nom de son neveu ; mais Clotaire ne voulut pas le permettre. Une guerre éclata entre les deux frères ; l'intervention de la reine Clotilde rétablit la paix.

Théodebert fut certainement le plus remarquable des descendants de Clovis. Dans son royaume, toutes les volontés durent plier devant la sienne. A sa mort, en 548, son fils Théodebald, encore qu'il fût en très bas âge, lui succéda sans difficulté. Ni Childebert ni Clotaire n'osèrent attaquer cet enfant.

Le règne de Théodebald fut de courte durée. Épuisé par de précoces débauches, il mourut fort jeune en l'année 555. Il ne laissait point de fils, et Clotaire s'empara de son héritage. Childebert dut laisser faire. Il était malade, et mourut en 558.

De tous les descendants de Clovis, Clotaire demeurait seul. Il régna sur toute la Gaule et une grande partie de la Germanie. Clotaire était bien plus puissant que n'avait été Clovis, puisque, dans l'intervalle, nous allons le voir, la Bourgogne et la Provence avaient été conquises, les Thuringiens soumis, les Saxons rendus tributaires. Mais Clotaire était fourbe, cruel et médiocre ; sa famille fut troublée par des dissentiments, et la Gaule, par de nouvelles guerres civiles.

De ses diverses femmes Clotaire avait eu sept fils, dont deux moururent jeunes. Lorsqu'en 555 il eut annexé le royaume de Théodebald, il avait confié à l'un d'eux, Chramne, le gouvernement de l'Auvergne. Chramne s'y conduisit en tyran : il enlevait les plus belles filles des familles sénatoriales ; à plusieurs reprises, il viola le droit d'asile. En l'année 556, lorsque son père marchait contre les Saxons, il avait essayé de se faire proclamer roi au centre de la Gaule, avec l'aide de certains Aquitains, qui rêvaient de former un État autonome ; il s'était allié à Childebert, s'était fait reconnaître par les cités de Poitiers et de Limoges. Il avait réussi même à pénétrer jusqu'en Bourgogne, à s'emparer de Chalon-sur-Saône, à s'avancer jusqu'aux portes de Dijon. Mais Clotaire l'avait obligé à se soumettre et lui avait pardonné. Chramne se révolta de nouveau, après la mort de Childebert. Il chercha cette fois asile en Bretagne, où un comte soutenait sa cause[5] ; Clotaire défit le comte, et s'empara de Chramne, nouvel Absalon, au moment où celui-ci essayait de gagner la côte. Il le fit enfermer avec sa femme et ses enfants dans une cabane et donna l'ordre d'y mettre le feu (560).

Clotaire fut bientôt accablé de remords d'avoir mis à mort son fils. Il se rendit à Tours au tombeau de saint Martin, et supplia l'apôtre de la Gaule d'intercéder auprès de Dieu en sa faveur. Mais un jour qu'il chassait dans la forêt de Cuise, il se refroidit et fut saisi par la fièvre. Ramené au palais de Compiègne, il y mourut, en prononçant ces paroles : Que pensez-vous de ce roi du ciel qui accable de la sorte les rois de la terre ?

 

II. — ACHÈVEMENT DE LA CONQUÊTE DE LA GAULE. ANNEXION DE LA BOURGOGNE ET DE LA PROVENCE[6].

Pendant la période qui s'étend entre la mort de Clovis et celle de Clotaire, les rois francs, malgré leurs dissensions et leurs guerres civiles, avaient fait des conquêtes. A la mort de Clovis, la Gaule n'était point soumise tout entière : après l'expédition de l'année 500, le royaume des Burgondes avait gardé son indépendance sous le roi Gondebaud. Après la guerre de 507, les Wisigoths, comme on a vu, étaient restés en possession de la Septimanie et le roi des Ostrogoths, Théodoric, s'était emparé de la Provence. Les fils de Clovis achevèrent dans ces pays l'œuvre de leur père.

Gondebaud, après sa défaite, s'était appliqué à rétablir l'ordre dans son royaume. C'est alors qu'il rédigea la loi Gombette et la loi romaine des Burgondes' et de plus en plus il se montra favorable à l'orthodoxie chrétienne. Sans doute, il ne se convertit pas : jusqu'à la fin de sa vie il professa l'arianisme ; mais il laissa ses fils catholiques témoigner leur zèle à l'église. Sigismond l'acné restaura le monastère d'Agaune dans le Valais, élevé à l'endroit où, d'après la légende, avait été décimée la Légion thébaine. Il se montra l'élève reconnaissant et dévoué d'Avitus. Lorsqu'à la mort de Gondebaud, en 516, il devint roi de Bourgogne, le triomphe de l'orthodoxie était assuré. Sigismond régna sur tout le royaume, quoiqu'il eût des frères ; car Gondebaud avait décidé que ses États ne seraient pas partagés.

Sigismond convoqua, en 517, à Epaone[7], un concile, où 24 évêques furent présents. On y prit d'importantes décisions pour la réforme de l'Église, pour l'administration des biens ecclésiastiques, pour le rétablissement de l'ordre dans les monastères. On s'y montra fort dur contre les ariens : tout clerc de rang supérieur, convaincu d'avoir assisté à un repas avec un hérétique, était rejeté pour une année de l'Église ; le clerc de rang inférieur était châtié à coups de bâton. Il était interdit d'employer pour le culte chrétien les anciennes basiliques ariennes. Les ariens convertis puis retombés dans l'hérésie devaient pendant deux années jeûner de trois jours l'un, fréquenter avec assiduité les églises, se tenant en suppliants devant le porche. Sigismond sanctionna ces canons et leur donna force de loi. En même temps, il entrait en relations avec l'empereur de Constantinople ; déjà avant son avènement, il avait reçu d'Anastase le titre de patrice ; maintenant il écrit à Justin des lettres très humbles : Mon peuple vous appartient, et j'ai plus de joie à vous servir qu'à le commander.... Quand notre nation règne, nous ne sommes que des soldats à vos ordres.

Cette conduite mécontenta les guerriers burgondes qui étaient demeurés fidèles à l'arianisme, et aussi le roi des Ostrogoths. qui s'efforçait d'exercer une sorte d'hégémonie sur tous les royaumes barbares. Un crime acheva de brouiller les deux princes. Sigismond avait épousé en premières noces Ostrogotha, fille de Théodoric, et avait eu d'elle un fils, Ségéric ; puis il s'était remarié. La belle-mère poursuivit Ségéric de sa haine ; et, comme le jeune homme était ambitieux, comme il rêvait de réunir un jour les deux royaumes des Burgondes et des Ostrogoths, elle n'eut pas de peine à exciter le père contre le fils : Ségéric fut étranglé (522). A peine l'assassinat fut-il commis que Sigismond fut pris de remords. Il se retira au monastère d'Agaune, fit chasser les femmes et le peuple qui habitaient à l'entour, pour que les moines ne fussent troublés par aucune tentation ni par aucun bruit, et il ordonna aux religieux de chanter jour et nuit, sans aucune interruption, les louanges de Dieu (laus perennis). Avitus, en inaugurant, dans l'automne de la même année, une église à Annemasse près de Genève, put célébrer dans une homélie passionnée la défaite de l'hérésie et le triomphe de la foi.

Clodomir, Childebert et Clotaire crurent le moment propice pour s'emparer de la Bourgogne (523). Ils convoquèrent l'armée et défirent Sigismond qui venait de quitter le cloître. Celui-ci s'enfuit vers Agaune ; mais il fut fait prisonnier, livré avec sa femme et ses enfants à Clodomir, conduit dans le voisinage d'Orléans et obligé de prendre l'habit de moine. Peu après, à Saint-Péravy-la-Colombe[8], Clodomir le fit jeter dans un puits avec les siens, sans écouter les menaces prophétiques d'Avitus, abbé de Saint-Mesmin de Mici[9]. Le roi des Ostrogoths avait, de son côté, envoyé de Provence son général Tulun, qui s'empara de plusieurs cités au nord de la Durance : Avignon, Cavaillon, Carpentras, Orange, Vaison

Sigismond laissait un frère, nommé Godomar, qui avait combattu avec lui contre les Francs. Quand les fils de Clovis eurent quitté la Bourgogne, qu'ils croyaient soumise, Godomar se fit proclamer roi. La conquête du pays était à recommencer. Clodomir, Childebert et Clotaire revinrent en Bourgogne : ils eurent, cette fois, pour auxiliaire leur frère acné Thierry. Ce dernier n'avait pas pris part à la première expédition, parce qu'il avait épousé une fille de Sigismond ; Sigismond mort, rien ne l'empêchait plus de revendiquer un lambeau du royaume. Mais, le 25 juin 524, dans une bataille livrée sur le territoire de Vienne, à Vézéronce[10], le roi Clodomir fut tué et sa tête promenée au bout d'une pique. Godomar reprit toute la partie nord du royaume et reconnut sans doute au roi des Ostrogoths, Théodoric, la possession de la partie méridionale.

Il fit alors des efforts pour relever son État. Dans une assemblée tenue à Ambérieux[11], il décréta que tous les étrangers pouvaient s'établir dans le royaume et y obtenir des terres ; il racheta des esclaves et leur donna à cultiver une partie du sol ; il engagea les catholiques à respecter les prêtres ariens. Mais les fils de Clovis guettaient toujours la Bourgogne. Lorsqu'en 532 Théodoric fut mort et que le royaume ostrogoth tomba en décadence, Clotaire et Childebert (leur frère Thierry était alors occupé à châtier la révolte de l'Auvergne) assiégèrent Autun, s'en emparèrent et mirent en fuite Godomar. En 534, Childebert, Clotaire et Théodebert, qui, après la mort de son père, s'était joint aux envahisseurs, partagèrent le royaume burgonde. Théodebert obtint la partie nord : les cités de Langres, Besançon, Avenches, Windisch, Sion, Autun, Chalon-sur-Saône, Vienne et Viviers ; Childebert, le centre : Mâcon, Genève et Lyon ; Clotaire, à ce qu'il semble, le sud : Grenoble, Die et les cités voisines.

L'État burgonde avait duré un peu moins de cent années, de 443 à 534. Ce temps avait suffi pour faire la fusion entre les Gallo-Romains et les Burgondes. Les barbares s'étaient laissé gagner par ce qui restait de la civilisation romaine et, peu à peu, ils s'étaient convertis à l'orthodoxie. Les écoles du monastère d'Agaune furent célèbres ; les Burgondes eurent un historien comme Marius d'Avenches, et un écrivain et poète comme Avitus. Puis, dans ce royaume, s'était fait un travail législatif intense : les coutumes burgondes et les lois gallo-romaines y avaient été codifiées. La Bourgogne, même après avoir été réunie à l'empire franc, conserva une véritable unité. Elle reparaîtra, aux derniers temps mérovingiens, avec des caractères propres ; et peut-être aujourd'hui encore est-il possible de reconnaître chez les habitants des rives de la Saône et du Rhône quelques traits physiques et moraux de ces anciens Bourguignons, de sept pieds de haut, durs à la besogne, mais amis du plaisir et du bon vin, se déliant volontiers la langue par de joyeux propos.

La Bourgogne une fois conquise, les Francs cherchèrent à se rapprocher de la Méditerranée, en enlevant aux Ostrogoths les territoires que ceux-ci possédaient au delà des Alpes. Les circonstance s les aidèrent. L'empereur de Constantinople Justinien rêvait de reconstituer l'ancien empire romain ; déjà il avait mis fin à la domination des Vandales en Afrique et, en 534, il envoyait en Italie l'armée de Bélisaire. Les Ostrogoths avaient assassiné Amalasonthe, fille de Théodoric, parce qu'elle était trop favorable aux Romains. C'était pour Justinien un prétexte à intervenir. Il s'adressa aux Francs et leur promit de grandes sommes d'argent en échange de leur alliance. Mais Théodat, le nouveau roi des Ostrogoths, leur offrit, avec des sommes égales, l'abandon de la Provence, et son successeur Vitigès répéta ces propositions qui furent acceptées (536). Les trois rois partagèrent la Provence comme ils venaient de partager la Bourgogne. Aix, Digne, Glandève furent attribués à Théodebert ; Arles et Marseille à Childebert ; Clotaire eut vraisemblablement pour sa part les régions du Nord : Orange, Carpentras, Gap. Plus tard, quand il devint évident que Justinien triompherait en Italie, les rois francs se firent confirmer cette cession par l'empereur et s'engagèrent avec lui. A partir de ce moment, ils étaient maîtres de Marseille, colonie de Phocée, et de toute la côte ; ils avaient l'empire de cette mer et, dans la ville d'Arles, ils présidèrent aux jeux du cirque[12]. En même temps que la Provence, les Goths abandonnèrent aux Francs la domination sur les Alamans, qui, en 506, étaient venus s'établir au nord de leur royaume en Rhétie.

Du côté du Sud-Est, le royaume des Francs touchait désormais à la mer ; mais, sur l'autre rive du Rhône, la Septimanie restait toujours au pouvoir des Wisigoths. Les griefs ne manquaient point aux Francs pour attaquer ce peuple. Le fils d'Alaric II, Amalaric, avait épousé une fille de Clovis, Clotilde. Arien farouche, il persécuta sa femme catholique ; il lui faisait jeter de la boue, toutes les fois qu'elle se rendait à l'église ; il la frappa si cruellement que la jeune princesse envoya, dit-on, à ses frères un suaire teint de son sang. Childebert battit à Narbonne le roi des Wisigoths et le poursuivit jusqu'à Barcelone, où ce prince fut tué ; mais l'expédition n'eut aucun résultat : les Wisigoths, qui venaient de choisir un nouveau roi, Theudis Ier, gardèrent la Septimanie (532). L'année suivante, les Francs firent un nouvel effort pour conquérir ce pays. Déjà Théodebert, fils de Thierry, s'était emparé d'un grand nombre de villes, lorsque la mort de son père le força à rebrousser chemin. Cet événement sauva la domination wisigothique et la Septimanie continua d'être rattachée à l'Espagne. Mais, à l'exception de ce pays, toute la Gaule fut soumise aux fils de Clovis.

 

III. — L'EXPANSION DES FRANCS AU DEHORS. EXPÉDITIONS EN ITALIE, EN ESPAGNE. SOUMISSION DES PAYS GERMANIQUES[13].

DANS la même période, les Francs débordèrent sur les pays voisins. On a vu qu'ils avaient tour à tour promis leur alliance à Vitigès et à Justinien. Ils concilièrent ces engagements contradictoires en travaillant pour leur propre compte. En 539, Théodebert descendit dans la péninsule. Il massacra, au passage du Pô, des femmes et des enfants, dont il fit jeter les cadavres dans le fleuve, tomba sur les Ostrogoths à Pavie, sur les Romains près de Ravenne. Puis, les vivres manquant, il ramena son armée au delà des Alpes.

Mais il devait revenir. Quand Vitigès fut assiégé dans Ravenne par Bélisaire, les rois francs envoyèrent vers lui des députés, lui promettant l'aide de leurs guerriers[14], s'il voulait partager l'Italie. Vitigès préféra être emmené prisonnier à Constantinople (540). La lutte continuant entre les Byzantins et les Ostrogoths, conduits par de vaillants chefs comme Ildebald et Totila, Théodebert s'établit en Ligurie, en Émilie et en Vénétie. Il fut, pendant quelques années, maître de l'Italie du Nord ; il fit monter des évêques francs sur les sièges épiscopaux qui dépendaient du patriarcat d'Aquilée[15] ; il frappa monnaie à Bologne. Le traité que Vitigès avait repoussé autrefois fut accepté par Totila.

Théodebert rêvait de plus grandes conquêtes. Il ne voulait point tolérer que l'empereur, qui n'avait remporté aucune victoire sur les Francs, ajoutât à ces titres de Longobardique et de Gépidique celui de Francique. Il projetait, avec l'aide des Lombards, des Gépides et des autres populations établies dans la vallée du Danube, de pénétrer en Thrace et de porter la guerre devant Constantinople même. Il écrivit à Justinien des lettres où, avec un très vif sentiment d'orgueil, il lui décrivait la grandeur du royaume franc. Théodebert a-t-il voulu aller plus loin ? Songeait-il à prendre pour lui-même l'Empire et entrevoyait-il déjà un saint empire romain germanique ? Quelques historiens récents l'ont soutenu ; mais aucun texte ne prouve qu'il ait eu une pareille idée. Voir en lui un prédécesseur de Charlemagne et d'Othon le Grand, c'est singulièrement exagérer son rôle ; il ne fut rien qu'un vigoureux barbare, songeant à agrandir son territoire.

Son fils Théodebald, à son avènement, reçut une ambassade de Justinien, réclamant de lui l'exécution des anciens traités et se plaignant de la politique de Théodebert. Théodebald répondit que son père avait gardé à tous ses alliés une « bonne foi sans tache », et évita de rien promettre au sujet de l'évacuation de l'Italie. Les Francs demeurèrent dans la vallée du Pô ; et, lorsque Narsès, envoyé de Constantinople pour reconquérir la péninsule, arriva par la Vénétie, ils s'opposèrent à son passage (550). Cependant Narsès battit Totila qui fut tué, et son successeur Teïas tenta un suprême effort, voulant sauver le peuple ostrogoth. Le moment eût été propice aux Francs pour étendre leur domination et pour supplanter les deux adversaires en présence. Mais Théodebald, très différent de son père, n'osa point agir en personne. Il laissa seulement deux chefs alamans, Leutharis et Bucelin, réunir une armée ; ils s'avancèrent jusque dans le sud de la péninsule, mais ils furent vaincus l'un et l'autre (553-554) et les Francs durent se retirer au delà des Alpes. L'Italie, redevenue byzantine, répara les maux causés par vingt années de guerre.

Les expéditions que tentèrent en 542 Childebert et Clotaire contre les Wisigoths d'Espagne finirent de même par un échec. Childebert rapporta simplement de Saragosse une relique précieuse, la tunique de saint Vincent. C'est en l'honneur de cette relique qu'il créa, aux portes de Paris le monastère de Saint-Vincent, plus tard Saint-Germain des Prés, où il fut, enterré[16].

Les Francs ont donc été vaincus au delà des Alpes et des Pyrénées. Mais les Wisigoths demeurent confinés dans la péninsule hispanique. Le royaume des Ostrogoths a disparu comme celui des Burgondes. Parmi les peuples qui, depuis le Ve siècle, se sont déversés sur l'empire, les Francs ont prévalu, malgré leurs échecs en Italie et en Espagne. On peut dire qu'ils conduisent l'histoire. Au delà du Rhin, ils vont entreprendre la conquête de la Germanie, dont les suites seront si considérables.

Clovis avait soumis les Germains qui habitaient les bords du Main et rendu tributaire la contrée qui prit dans la suite le nom de Francia : c'est l'origine du duché de Franconie. Puis, après sa seconde victoire sur les Alamans, en 506, une partie de ce peuple, habitant la rive droite du fleuve, avait reconnu son autorité ; une autre, occupant la Rhétie et les pays au sud du lac de Constance, s'était donnée au roi des Ostrogoths, Théodoric ; mais quand, en 536, Vitigès l'eut abandonnée aux Francs, ceux-ci se trouvèrent. avoir pour tributaire tout le peuple alaman, du Rhin au Lech et du Neckar aux Alpes. Ce peuple garda du reste des chefs nationaux : les deux guerriers Leutharis et Bucelin étaient des ducs alamans.

De l'autre côté du Lech étaient les Bavarois, dont le nom apparaît alors pour la première fois dans l'histoire. Il faut sans doute reconnaître en eux les anciens Marcomans, qui, au fer siècle de notre ère, s'étaient établis dans la vallée supérieure de l'Elbe. Ce pays, que ferme un quadrilatère de montagnes, habité jadis par les Celtes Boïens, avait pris l'appellation de Bohême, Bajas ; les Marcomans en reçurent le nom : Baiowarii, Bavarois. Vers l'année 500 environ, les Bavarois quittèrent la Bohême devant les invasions des Tchèques slaves, et s'établirent des deux côtés du Danube ; puis, lentement, ils pénétrèrent dans les vallées supérieures des Alpes. Ils avaient des ducs et une famille ducale, les Agilolfingiens. Le premier duc qu'on mentionne, Garibald, épousa la veuve du roi Théodebald ; et, dès ce moment, les Bavarois se réunirent aux Francs, tout en gardant leurs institutions propres, leurs lois et leurs chefs nationaux[17].

Au centre de l'Allemagne, entre l'Ocker et le quadrilatère de Bohême, entre le Wéser et la Saale, affluent de l'Elbe, s'étendait le royaume des Thuringiens. Ces Thuringiens sont sans doute les mêmes que les Hermundures, les grands Dures dont a parlé Tacite ; ils ont absorbé en eux d'autres peuplades, notamment les Angles et les Warins[18]. Les Thuringiens avaient un roi. A la mort du roi Basin, au début du IVe siècle, le pays fut partagé entre ses trois fils, Baderich, Hermanefried et Berthaire. Entre les Thuringiens et les Francs, les conflits étaient nombreux ; il y eut de part et d'autre des excursions de pillage, des razzias.

L'épopée devait amplifier ces luttes et leur donner une grandeur tragique. Le roi des Francs Thierry aurait rappelé en ces termes à ses guerriers les méfaits des Thuringiens :

Souvenez-vous de la mort de vos parents ; les Thuringiens sont tombés violemment sur eux et leur ont fait beaucoup de maux. Nos pères, après avoir livré des otages, voulurent avoir la paix avec eux ; mais eux firent périr les otages par divers genres de mort ; et ils se sont jetés de nouveau sur vos parents, et leur ont enlevé leurs biens. Ils ont attaché les enfants aux arbres par les nerfs de la cuisse ; ils ont fait périr de mort cruelle plus de deux cents jeunes filles, en les liant par les bras au cou de chevaux qu'on forçait ensuite, avec des aiguillons acérés, à tirer de côté et, d'autre, si bien qu'elles furent mises en pièces. D'autres furent étendues sur les ornières des chemins, fixées sur le sol par des pieux ; puis on faisait passer sur elles de lourds chariots qui leur brisaient les os, et on les exposait en pâture aux chiens et aux oiseaux de proie.

Quoi qu'il en soit, Thierry, pour venger les Francs, songea à détruire le royaume des Thuringiens. Il intervint dans les querelles des trois frères. Il prêta secours à Hermanefried contre Baderich, qui succomba dans la lutte. La crainte du roi des Ostrogoths, Théodoric, oncle d'Hermanefried, l'empêcha de faire des conquêtes à ce moment. Mais, en 531, assisté de son frère Clotaire, il attaqua Hermanefried, devenu seul roi par la mort de Berthaire. Il le battit sur les bords de l'Unstrutt, affluent de la Saale. Par de belles promesses, il l'attira ensuite près de lui ; puis un jour qu'ils devisaient ensemble sur les remparts de Tolbiac, poussé par je ne sais qui, le Thuringien tomba du mur par terre et rendit l'esprit. Qui l'a précipité en bas ? nous l'ignorons ; mais beaucoup prétendent qu'en cet événement la ruse de Thierry fut manifeste[19].

Le royaume des Thuringiens fut réuni à celui des Francs. Parmi les prisonniers se trouvait Radegonde, fille du roi Berthaire. Thierry et Clotaire faillirent en venir aux mains pour la belle captive ; finalement, elle échut à Clotaire, qui l'épousa. Mais, quand le roi des Francs eut ordonné de mettre à mort l'un de ses frères, elle le quitta et se retira à Poitiers, où elle bâtit le monastère de Sainte-Croix et devint l'amie du poète Fortunat. Cette princesse de Thuringe, dont l'enfance, nourrie des légendes païennes, avait vu la barbarie germanique, les horreurs de la guerre et la chute de sa nation, vieillit et mourut tranquille dans la paix du cloître[20].

Au nord des Thuringiens, dans la vaste plaine de l'Allemagne, habitaient les Saxons. Nous avons vu comment ce nom qui, à l'origine, ne désignait qu'une petite peuplade, s'est étendu à tout le groupe de populations riveraines de la mer du Nord. Les Saxons ne formaient point, comme les Thuringiens, un État unique : c'était un groupe de peuples, qui se confédéraient parfois les uns avec les autres en des combinaisons multiples. Ils se distinguaient en trois régions géographiques : les Westphaliens, les Angariens et les Ostphaliens. Les rois francs s'allièrent à eux en 531 contre la Thuringe et reçurent d'eux un tribut. Mais, en 555, lorsque Clotaire eut pris possession des pays germaniques, les Saxons se rebellèrent et entra1nèrent dans leur défection les Thuringiens. Clotaire dévasta la Thuringe, livra aux Saxons une grande bataille, où il y eut des deux côtés beaucoup de morts. En 556, il fit une nouvelle expédition, que la légende a embellie. A l'approche de Clotaire, les Saxons auraient demandé humblement la paix, offrant successivement la moitié de leurs biens, leurs vêtements et leurs troupeaux, la moitié de leurs terres. Clotaire aurait incliné à accepter ces offres ; mais ses guerriers les repoussèrent et finalement le contraignirent à livrer bataille. Ce fut un désastre pour les Francs ; cependant les Saxons acquittèrent, pendant un certain temps encore, un tribut annuel de 500 vaches.

Au nord des Saxons, dans la péninsule du Jutland, étaient les Danois, et dès cette époque des guerriers de ce peuple, montés sur des barques rapides, allaient insulter les côtes du royaume des Francs. Vers l'année 515, un certain nombre de Danois, sous la conduite du roi Chochilaichus, mirent pied à terre près de l'embouchure du Rhin, et entassèrent sur leurs vaisseaux du butin et des captifs. Mais Thierry venait d'envoyer contre eux son fils, Théodebert, qui surprit le roi des Danois et le tua, vainquit ensuite les pirates en une  bataille navale et reprit le butin. Cette expédition fit éclore, sur terre danoise, toute une floraison d'épopées populaires : elles furent résumées dans le chant germanique de Béowulf, mis par écrit en Angleterre, au VIIIe siècle[21]. Le roi Chochilaichus est l'ancêtre de ces chefs normands qui, au me siècle, ravageront les côtes de l'empire carolingien.

Ainsi les Francs soumirent la Germanie et s'avancèrent jusqu'aux bornes du monde slave et hunnique, jusqu'au Danube, à la Saale et à l'Elbe. Théodebert répondait avec orgueil à Justinien, qui lui demandait sur quelles populations il régnait : Avec la miséricorde de Dieu, nous avons subjugué les Thuringiens, acquis leurs provinces, détruit la race de leurs rois ; les Souabes du Nord si orgueilleux sont soumis ; les Wisigoths baissent la tête ; et notre domination s'étend depuis les rivages de l'Océan jusqu'au Danube et aux limites de la Pannonie, embrassant l'Italie septentrionale, les Saxons et les Eucii[22], qui, de leur propre mouvement, se sont livrés à nous.

Les fils de Clovis ont apparu, au cours de ce chapitre, comme de véritables barbares ; et, en effet, ils ne se sont adoucis ni au contact de la civilisation romaine ni sous l'action du christianisme. Ils commettent d'épouvantables massacres, détruisent les villes, laissent derrière eux le désert. Cruels à l'égard des nations ennemies, ils se détestent les uns les autres, se tendent des embûches, ne reculent point devant l'assassinat. Ils semblent n'avoir qu'un but : arrondir leur domaine, remplir leur trésor d'or, d'argent, de pièces d'orfèvrerie, de vêtements de soie. Pendant la seconde expédition de Thuringe, nous rapporte Grégoire de Tours en un récit légendaire, mais caractéristique, Thierry, sous prétexte de s'entretenir avec Clotaire, l'attire dans sa tente ; il a aposté des assassins, qui, à un signal donné, doivent se jeter sur son frère. Mais les pieds des sicaires dépassent sous la draperie : Clotaire s'en aperçoit et garde son escorte. Thierry, fort embarrassé et ne sachant quelle contenance tenir, lui fait cadeau d'un plat d'argent. Quand Clotaire se retire, Thierry furieux veut rentrer dans ses frais ; il envoie son fils Théodebert, qui, flattant son oncle, rapporte le plat. Thierry était fort habile en ses ruses.

Et pourtant ces barbares semblent guidés par une idée ; ils ont voulu atteindre les limites que César assignait à la Gaule, les Pyrénées, les Alpes et le Rhin ; et ils ont à peu près réussi à exécuter leur dessein. Puis ils ont débordé au dehors ; leurs expéditions en Italie rappellent celles des Gaulois, dont ils ont pris la place, et en présagent d'autres, qui seront tout aussi inutiles. Au delà du Rhin, ils ont comme découvert de nouveau ce pays de Germanie, dont ils étaient originaires, et ils ont frayé la voie à la grande œuvre de conversion au christianisme des populations allemandes ; avec leurs conquêtes commence l'histoire d'Allemagne.

 

 

 



[1] SOURCES. L'unique source pour cette période est le livre III et les 21 premiers chapitres du livre IV de l'Histoire des Francs de Grégoire de Tours ; voir l'édition d'Arndt dans les Scriptores rerum merovingicarum, t. I, dans Pertz, in-4°, et celle d'Omont dans la Collection de textes pour servir à l'enseignement de l'histoire. On trouve quelques renseignements fort courts dans la chronique de Marius d'Avenches ; voir l'édition de Mommsen dans les Chronica minora, t. II, p. 227 (Pertz, in-4°).

OUVRAGES À CONSULTER. A. Longnon, Géographie de la Gaule au VIe siècle, Paris, 1878 ; Atlas historique de la France, 2e livraison, Paris, 1889. G. Richter, Annalen des fränkischen Reichs im Zeitalter der Merovinger, Halle, 1873. F. Dahn, Die Könige der Germanen, t. VII, Leipzig, 1894 ; Urgeschichte der germanischen und romanischen Valker, t. III, Berlin, 1883 (dans la collection Oncken). W. Schultze, Deutsche Geschichte von der Urzeit bis zu den Karolingern, t. II, Stuttgart, 1896 (dans la Bibliothek deutscher Geschichte).

[2] Nous ignorons totalement à quel prince turent attribuées les régions du sud-ouest de la Gaule : Bordeaux, Eauze et Toulouse.

[3] Nous voyons que, dans la suite, Angoulême et Bordeaux appartinrent à Childebert, Toulouse à Clotaire.

[4] Vollore-Montagne, canton de Courpière, arrondissement de Thiers (Puy-de-Dôme) ; Chastel-Marlhac, canton de Saignes, arrondissement de Mauriac (Cantal).

[5] Le comte de Bretagne était Canao ou Conober, établi autour de Vannes. Prince violent, Conober tua trois de ses frères ; le quatrième, Macliav, lui échappa par ruse et se cacha dans un tombeau. Les sicaires, chargés de le poursuivre, s'y trompent, boivent sur la dalle funéraire et annoncent partout sa mort. Il se fait évêque ; mais, à la mort de Conober, il laisse repousser ses cheveux, reprend sa femme et succède à son frère. Il est tué par un jeune Breton, orphelin dont il avait accaparé l'héritage. Son fils Waroch lui succéda et, de son nom, on appela l'État créé autour de Vannes Bro-Waroch.

[6] OUVRAGES À CONSULTER. C. Binding, Das burgunsdisch-romanische Königreich von 443 bis 632, Leipzig, 1888. John, Die Geschichte der Burgandionen and Burgandiens bis zum Ende der I. Dynastie, 2 vol., Halle, 1874. G. Kurth, Histoire poétique des Mérovingiens, Paris, 1893 ; Sainte Clotilde, 2e édition, Paris, 1897, dans la Collection des vies de saints.

[7] On ne sait où se trouve cette localité ; peut-être faut-il l'identifier avec Yenne, chef-lieu de canton, arrondissement de Chambéry (Savoie).

[8] Canton de Patay, arrondissement d'Orléans (Loiret).

[9] Le personnage ne doit pas être confondu avec Avitus, évêque de Vienne.

[10] Canton de Morestel, arrondissement de la Tour-du-Pin (Isère).

[11] Canton d'Anse, arrondissement de Villefranche-sur-Saône (Rhône).

[12] Procope, De bello gothico, III, 33.

[13] A. Gasquet, L'empire byzantin et la monarchie franque, Paris, 1888. Ch. Diehl, Justinien et la civilisation byzantine au VIe siècle, Paris, 1901. Zeuss, Die Deutschen und ihre Nachbarstämme, Munich, 1837. Riezler, Geschichte Baierns, t. I, Munich, 1879. Lamprecht, Deutsche Geschichte, t. I, Berlin, 1891.

[14] Procope donne le chiffre de 50.000 hommes, qui parait bien exagéré.

[15] Lœning, Kirchenrecht, II, p. 111-118.

[16] On a retrouvé son tombeau dans l'église Saint-Germain. Nouveaux documents sur le tombeau de Childebert au monastère de Saint-Germain des Prés, dans le Bulletin de la Société des antiquaires, 2e trimestre, 1887, p. 109-118.

[17] On conserva le souvenir de la soumission des Alamans et des Bavarois aux fils de Clovis. Dans les prologues des lois des deux nations, on raconte que Thierry réunit à Châlons-sur-Marne des hommes sages et experts dans les lois, que ceux-ci rédigèrent les usages de ces peuples, modifiant les anciennes coutumes et les accommodant aux croyances chrétiennes. En réalité, sous Thierry, ni les Alamans ni les Bavarois n'avaient embrassé le christianisme.

[18] L'ancienne loi de cette nation porte le titre : Lex Angliorum et Werinorum, hoc est Thuringorum. Cf. Könnecke, Des alte thüringische Königreich und sein Untergang, Querfurt, 1894.

[19] Grégoire de Tours, III, 8.

[20] Voir Charles Nisard, Le poète Fortunat, Paris, 1890.

[21] Béowulf était le neveu du roi tué et il se distingua dans la bataille. Voir les éditions de Kemble, Londres, 1833, de Simrock, 1869, de Heyne, Paderborn, 1879, de Helder, Fribourg-en-Brisgau, 1896 et 1899. Julius Zupitza a reproduit en phototypie l'unique manuscrit qui se trouve au British Museum, Londres, 1882, dans l'Early English Text Society. Voir Müllenhoff, dans la Zeitschrift für deutsches Altertum, t. II ; Dederich, Studien zum angelsächsischen Beowulflied, Copenhague, 1877.

[22] Les Eucii sont sans doute identiques aux Jutes. Cf. Zeuss, Die Deutschen und ihre Nuchbarstämme, p. 146. Sur les Souabes du Nord, voisins des Saxons, voir le même ouvrage, p. 362.