HISTOIRE DE FRANCE

TOME PREMIER. — LA GAULE INDÉPENDANTE ET LA GAULE ROMAINE.

DEUXIÈME PARTIE. — LA GAULE ROMAINE.

LIVRE II. — L’HISTOIRE ET LE GOUVERNEMENT DE LA GAULE DU IIe AU IVe SIÈCLES AP.  J.-C.

 

CHAPITRE PREMIER. — HISTOIRE DE LA GAULE DEPUIS L’AVÈNEMENT DES FLAVIENS JUSQU’À CELUI DE DIOCLÉTIEN (69-285)

 

I. — LA GAULE SOUS LES FLAVIENS, LES ANTONINS. LES SÉVÈRES ET LEURS SUCCESSEURS (69-253)[1]

LE siècle qui s’ouvre à I’avènement des Flaviens, en 69, est considéré à juste titre comme un des plus heureux que l’humanité ait connus. Notre histoire parait vide pendant ce temps. Jamais pourtant elle ne fut mieux remplie. Jamais époque ne fut plus féconde, plus décisive. La Gaule travaillait en silence, dans une paix profonde. Elle achevait de construire ses villes, de défricher ses landes et ses bois. Elle devenait de plus en plus romaine, par son aspect extérieur, par ses institutions, ses mœurs, sa langue.

[LES FLAVIENS] Vespasien avait traversé la Gaule sous Claude pour aller commander une légion dans la Germanie, puis dans la Bretagne. Il poursuivit sa carrière en Afrique et en Syrie. Une fois empereur et installé dans la capitale (70-79) il ne s’en éloigna plus. Son fils Titus fit de même. Il ne régna d’ailleurs que deux ans (79-81). A Titus succéda Domitien, son cadet (81-96). Il avait eu en 70 l’ambition de conduire la guerre contre les rebelles gaulois et les Bataves. II était alors, en l’absence de son père et de son frère retenus encore en Orient, le seul représentant à Rome de la nouvelle famille impériale, et il rêvait d’acquérir lui aussi sa part de gloire militaire. L’hostilité de Mucien, qui gouvernait au nom de Vespasien, ne lui permit pas de donner suite à ce projet. Il dut s’arrêter à Lyon oit sa présence ne fut pas d’ailleurs inutile et contribua à h&ter la pacification. Il reparut en Gaule une seconde fois, en 83, sous prétexte de présider au recensement, en réalité pour masquer, derrière cette opération, les préparatifs de l’expédition contre les Cattes. Il dirigea lui-même cette campagne, dont nous avons vu plus haut les excellents résultats.

Les Flaviens, somme toute, se sont montrés rarement dans la Gaule. Leur œuvre, néanmoins, y a été considérable. Ils ont assuré la tranquillité au dedans et au dehors. Au dedans ils ont étouffé les derniers ferments de révolte. Au dehors ils ont fait reculer les Germains et opposé à leurs attaques une ligne de défense affermie et rectifiée. Et enfin, par l’occupation des champs Décumates, par la colonisation d’Avenches et de Spire, par l’organisation des cités rhénanes, ils ont étendu l’empire de Rome et le domaine de sa civilisation[2].

[TRAJAN] En 97, Marcus Ulpius Trajanus fut nommé par Nerva légat de la Germanie supérieure. Il était rendu dans son commandement quand il apprit, au mois d’octobre de la même année, son adoption par le nouvel empereur. Trois mois après, en janvier 98, Nerva étant mort, il prit possession de l’Empire, dans la ville de Cologne. Il ne se pressa pas pourtant de rentrer dans Rome. Il connaissait à merveille cette frontière. Jeune encore il avait servi comme tribun dans l’armée germanique. Plus tard, sous Domitien, en 88, il avait conduit les deux légions appelées d’Espagne pour réprimer la révolte du légat de la Germanie supérieure, Antonius Saturninus. Nul n’était plus apte à consolider sur ce terrain les résultats acquis par la dynastie précédente. Il poursuivit la construction du limes et développa le système routier dans la région annexée. Il organisa la cité des Suèves du Neckar (civitas Ulpia Sueborum Nicretium) et, vraisemblablement, celle des Mattiaques, dans le Taunus. Il fonda les deux colonies Ulpiennes, l’une en face du confluent de la Lippe (colonia Ulpia Trajana), l’autre à Nimègue, chez les Bataves (colonia Ulpia Noviomagus), continuant ainsi, dans la Germanie inférieure, l’œuvre entreprise par les Flaviens dans la Haute-Germanie[3]. Vers la fin de 98 il songea au retour en Italie. Mais il ne passa pas par la Gaule. De graves intérêts I’appelaient d’abord sur le Danube. Ils devaient absorber son attention pendant plus de dix ans, après quoi l’Orient le réclama.

[HADRIEN] Hadrien (117-138) se détache au milieu des empereurs de cette famille. Ces princes excellents, très sages, très prudents, un peu timorés, foncièrement romains, ne furent pas en général très portés à étendre Ies droits des provinces. Bien que provinciaux eux-mêmes d’origine et entourés de provinciaux, ils se montrèrent plus conservateurs que les Jules, plus imbus des préjugés du Sénat, plus attachés à tout ce qui subsistait de ses droits et de l’antique suprématie italienne. Hadrien vécut en mauvais termes avec le Sénat et tendit à une sorte de nivellement progressif entre toutes les parties de l’Empire. C’était un esprit très cultivé, très libre, très ouvert, avec un fonds de scepticisme qui ne l’empêchait pas de prendre fort au sérieux ses devoirs de souverain. Voyageur infatigable, il parcourut les contrées les plus diverses en homme d’État et en curieux, s’enquérant avec une sollicitude minutieuse des besoins de chaque pays, distrait et amusé par le spectacle du monde romain, en son infinie variété.

Il vint en Gaule dès l’an 121 et s’achemina par l’Est vers la frontière germanique où il séjourna pendant plusieurs mois et qu’il inspecta à fond. Il allait de place forte en place forte, faisait manœuvrer les troupes, partageait leurs fatigues, donnait à tous l’exemple de l’endurance et de la discipline. De là il passa en Bretagne, après un détour par le Danube, puis revint en Gaule, à la fin de 122. Cette fois ce fut l’Ouest qu’il visita avant de franchir les Pyrénées. Sur les monnaies qu’il fit frapper à l’occasion de ce double voyage il s’intitule conservateur et restaurateur des Gaules. Nous ne sommes pas renseignés sur les mesures qui justifient ce titre. Nous savons seulement qu’il se montra, comme partout, très généreux. Nous ne sommes pas mieux fixés sur son itinéraire. On a conservé longtemps dans la petite ville d’Apt, en Vaucluse (colonia Julia Apta), une stèle de marbre avec l’épitaphe en vers qu’il avait composée lui-même et fait graver sur le tombeau d’un cheval favori. Ce bizarre monument nous apprend du moins qu’il s’arrêta dans cette localité. A Nîmes il décida, en l’honneur de sa bienfaitrice, l’impératrice Plotine, veuve de Trajan, la construction d’une somptueuse basilique.

[ANTONIN] A Nîmes était la patrie de Titus Aurelius Fulvus, grand-père paternel d’Antonin, qui fut adopté par Hadrien en 138 et lui succéda peu après (138-161). La Gaule put donc revendiquer, comme un de ses enfants, le plus populaire des empereurs, le plus aimé, celui qui mérita de donner son nom à sa dynastie et à son siècle. Antonin fut d’humeur sédentaire. On ne voit pas qu’après son élévation, ni même avant, il se soit montré dans la ville où était né l’aïeul qui avait fondé la fortune de sa maison. Il ne l’oublia pas pourtant, non plus que la province à laquelle elle appartenait. C’est à cette époque que Nîmes arriva à son maximum de prospérité. Il fit exécuter de grands travaux de viabilité dans la Narbonnaise et contribua largement à la réédification de Narbonne, dévasté par un incendie.

[MARC-AURÈLE. LA DÉCADENCE] Les admirables vertus de Marc-Aurèle (161-180) n’empêchèrent pas un commencement de décadence. Ce règne est célèbre dans notre histoire par la persécution où s’illustrèrent les martyrs de Lyon (177)[4]. Mais ces scènes odieuses, indignes d’un tel souverain, passèrent inaperçues en dehors de la très faible minorité que les chrétiens formaient encore dans notre pays, et l’Empereur lui-même, occupé par d’autres soucis, y donna peu d’attention. La grande affaire était la guerre qui depuis 167 se poursuivait péniblement sur le Danube. Elle était la révélation du danger nouveau qui menaçait la frontière et qui devait emprunter bientôt aux troubles intérieurs une redoutable gravité. Déjà la révolte d’Avidius Cassius, en 175, sous Marc-Aurèle, était un symptôme inquiétant. Elle annonçait que l’ère n’était pas close des révolutions militaires. La crise qui va s’ouvrir maintenant, à la fin du IIe siècle et qui remplira tout le IIIe ne sera qu’un retour plus violent de cet ancien mal. Nous en avons vu les premiers accès après Néron. Ils vont se multiplier et se prolonger au point de compromettre sérieusement l’unité romaine et l’existence de l’Empire.

[COMMODE, PERTINAX ET DIDIUS JULIANUS] Le siècle des Antonins avait été, somme toute, un accident. Une circonstance purement fortuite avait suscité cette série de souverains exceptionnels. Comme ils n’avaient pas de postérité mâle ils durent adopter chacun le plus digne. Marc-Aurèle eut un fils et la fatalité voulut que ce fût Commode (180-193). Le règne de Domitien avait montré déjà le danger de l’hérédité par le sang. Dans un régime où la personne du prince est tout, il suffit qu’il soit inférieur à sa tache pour que tout périclite.

Les compétitions, les coups de force reparurent après Commode. Les prétoriens redevinrent les maîtres de Rome et les arbitres des pouvoirs publics. Pertinax, qui osa secouer leur joug, fut massacré (mars 193). On assista alors à un spectacle inouï : l’Empire mis à l’encan par les meurtriers et adjugé, comme à la criée, au plus offrant. Ce fut un riche sénateur, Didius Julianus, qui l’emporta. Pendant ce temps les armées s’agitaient dans les provinces ; ni leur orgueil ni leur intérêt ne s’accommodaient d’un prince imposé par cette troupe de parade. Trois prétendants surgirent du même coup : Clodius Albinus en Bretagne, Pescennius Niger en Orient et, plus près de l’Italie, à la tête des légions illyriennes, bientôt suivies par celles de Germanie, Septime Sévère.

[SEPTIME SÉVÈRE ET ALBINUS] Septime Sévère profita de l’avance et marcha sur Rome. Il n’eut qu’à se montrer (juin 193). Il se tourna ensuite contre Niger, après avoir leurré Albinus de vaines promesses et lui avoir même reconnu, pour mieux l’endormir, le titre de César, équivalant à celui d’héritier présomptif et impliquant une sorte d’association à l’Empire. C’est seulement à la fin de 196 que, vainqueur sur le Bosphore et maître de l’Asie, il renonça à la feinte et repoussa toute idée de partage et d’entente. Albinus, de son côté, s’était fait proclamer Auguste. Il vint s’installer à Lyon, pendant que les troupes de Sévère s’avançaient par le Danube.

[LES DEUX POLITIQUES EN PRÉSENCE] La lutte dont la Gaule allait être le théâtre ne se réduisait pas à un simple conflit d’ambitions personnelles. Deux politiques se trouvaient en présence, dont l’opposition n’était pas nouvelle, mais ne s’était jamais manifestée aussi ouvertement. Au fond, ce qui était en jeu, c’était le système dualiste organisé par Auguste et subsistant encore dans ses lignes essentielles, bien qu’ébranlé par divers empereurs et sensiblement entamé par Hadrien ; c’était, en d’autres termes, tout ce qui restait de l’ancienne République, la participation du Sénat au gouvernement avec la suprématie de l’Italie pour corollaire. Cette cause était chère à Albinus. Elle n’avait pas d’adversaire plus intraitable que Septime Sévère. Ni l’Italie ni le Sénat ne s’y trompaient. Tous leurs vœux étaient contre l’homme qui préparait, avec la ruine de leurs prérogatives, la prépondérance de l’élément provincial et l’avènement des peuples vaincus.

[LES FORCES EN PRÉSENCE] Avec le titre de César Albinus avait reçu, semble-t-il, des pouvoirs embrassant, outre la Bretagne dont il était légat, la Gaule et l’Espagne. Ce qui est certain, c’est que ces trois pays, entraînés dans le même mouvement, comme ils le furent si souvent par la suite, avaient reconnu sa souveraineté, de gré ou de force. L’armée dont il disposait comprenait les trois légions britanniques, la légion unique affectée à la garde de l’Espagne et les 1.200 hommes de la cohorte urbaine casernée à Lyon. C’était peu comparé aux quatorze légions de Sévère. Mais il avait pu, par des levées, rétablir l’équilibre et opposer à son adversaire des effectifs égaux. Si l’on en croit Dion Cassius, ils ne s’élevaient pas, de chaque côté, à moins de 150.000 combattants.

[SENTIMENTS DES GAULOIS] On voudrait savoir ce que pensaient au juste les Gaulois. Leurs sentiments furent, autant qu’on en peut juger, très partagés. Albinus trouva parmi eux des partisans, nous pouvons entrevoir dans quels milieux. Il en trouva dans ces aristocraties locales qui, par une sorte d’affinité naturelle, peut-être aussi par vanité, se considéraient volontiers comme solidaires de la grande aristocratie romaine. II en trouva encore parmi les populations les plus profondément romanisées, les mêmes qui, autrefois, dans une crise semblable sur beaucoup de points à la présente, s’étaient prononcées pour Galba et pour Othon. Mais Septime Sévère, lui aussi, rencontrait des sympathies. Il avait été légat de la Lyonnaise quelques années plus tôt, sous Commode, en 187, et s’était fait aimer pour l’intégrité et la vigueur de son administration. La Gaule était à cette époque en proie à des désordres qui apparaissent déjà comme un prélude au mouvement des Bagaudes[5]. Des déserteurs, des vagabonds s’étaient réunis en bandes sous la conduite d’un certain Maternus et avaient fini par former une véritable armée. Leurs ravages s’étendaient jusqu’en Espagne. Ils ne se contentaient pas de piller les campagnes. Ils pénétraient dans les villes, ouvraient les prisons, appelaient à eux tout ce qu’elles contenaient de criminels et de gens sans aveu. Septime Sévère reçut mission de les détruire, et fut investi pour cela d’une autorité qui dépassait les limites de sa province. Il réussit à les rejeter au delà des Alpes, en Italie, où ils furent anéantis. Il était impossible qu’il ne bénéficiât pas de ces souvenirs quand il reparut en Gaule comme empereur, alors même que ses tendances bien connues et sa partialité notoire envers les provinciaux n’eussent pas été pour sa cause le meilleur des arguments.

Un curieux épisode nous montre les dispositions favorables d’une partie au moins de la population. Un nommé Numerianus, un simple maître d’école établi à Rome, la tête montée par ces événements, eut l’idée étrange de s’y tailler un rôle. II laissa là ses élèves et son rudiment, se rendit en Gaule, se fit passer pour un légat de Sévère et lui recruta des troupes qui rendirent de réels services. Il révéla sa supercherie à l’Empereur quand la guerre fut terminée, et ne voulut d’autre récompense qu’une modique pension. Cette aventure, qui jette un jour si vif sur le désarroi oit la Gaule était alors plongée, ne se comprendrait pas si le nom de Sévère n’avait été populaire auprès d’un grand nombre de Gaulois.

[BATAILLE DE LYON] Il entra dans la Gaule par les territoires des Helvètes et des Séquanes. Les premiers engagements ne tournèrent pas à son avantage, mais la bataille décisive, livrée le 19 février 197, au nord de Lyon, à l’extrémité du plateau qui aboutit au quartier actuel de la Croix-Rousse, fut une victoire. Albinus se réfugia dans la ville et s’y donna la mort. L’ennemi y pénétra derrière lui. C’est alors, sans doute, et peut-être à la suite d’une guerre des rues qu’eurent lieu les scènes de pillage et d’incendie mentionnées par l’historien Hérodien et qui furent le premier coup porté à la prospérité de la capitale des Gaules. Sévère ne ménagea pas ses adversaires, mais ses rigueurs atteignirent surtout les membres de ces aristocraties qui lui avaient été particulièrement hostiles. On ne voit pas qu’à Lyon plus qu’ailleurs il ait ordonné des exécutions en masse[6]. Le calme en tout cas y était rétabli dès les premiers jours de mai. Nous en avons la preuve par un autel élevé à cette date, en commémoration d’un sacrifice offert à Mithra pour le salut de l’Empereur et des siens. Le sacrifice était dû à l’initiative privée, mais ces cérémonies tauroboliques comportaient un grand éclat et un grand concours de population[7].

Septime Sévère n’avait plus rien qui le retint en Gaule ; un mois après, le 2 juin 197, pendant que ses lieutenants poursuivaient en Espagne et dans le Norique les débris du parti, il faisait sa rentrée à Rome, au milieu d’un appareil formidable, décidé à achever son triomphe par l’écrasement du Sénat. C’est là, dans la curie, qu’étaient les vrais vaincus de cette guerre. Soixante-quatre sénateurs furent mis en accusation comme coupables de lèse-majesté et complices d’Albinus ; vingt-neuf furent envoyés au supplice.

[POLITIQUE DE SEPTIME SÉVÈRE] Septime Sévère (193-211) reprit avec plus de violence la pensée d’Hadrien. Ses ennemis, s’en prenant à son origine punique et à cet accent dont il ne put jamais se défaire, affectaient de voir dans son règne la revanche et comme le triomphe posthume d’Hannibal et de Carthage. Ils le calomniaient. Nul mieux que cet Africain ne comprit et n’aima l’œuvre accomplie par le génie de Rome. Mais depuis longtemps les provinces y contribuaient autant et plus que l’Italie. II trouva équitable qu’elles finissent par en recueillir tous les bénéfices. Son gouvernement eut donc pour objet essentiel l’assimilation de l’Italie et des provinces. Un pareil résultat ne pouvait être atteint qu’à la longue et c’était beaucoup déjà de s’en approcher. L’édit qui, sous Caracalla, fils et successeur de Sévère, étendit à tous les provinciaux le titre de citoyen, n’est qu’une application des mêmes principes, le couronnement, pour ainsi dire, de la politique paternelle.

[PRÉPONDÉRANCE DE L’ARMÉE] Cette politique était nécessairement dirigée contre le Sénat. Le malheur est que le Sénat, dans sa décadence, représentait tout ce qui restait du pouvoir civil. S’attaquer au Sénat, achever son discrédit et sa ruine, fait supprimer le faible et dernier obstacle qui s’opposait encore à la toute-puissance de l’armée. Et, par une conséquence inévitable, c’était préparer la ruine de l’armée elle-même.

Les historiens romains ont reproché à Sévère d’avoir détruit la discipline. Le reproche est surprenant adressé à ce maître impérieux. II était justifié néanmoins, sinon dans le présent, au moins pour l’avenir. Le système reposait tout entier sur l’armée d’une part, de l’autre sur un corps de fonctionnaires tirés de l’ordre équestre. Car la dépossession des sénateurs, en tant que fonctionnaires, suivait la déchéance du Sénat, en tant qu’assemblée politique, et de plus en plus les postes qui leur avaient été réservés étaient envahis par les chevaliers. Il est vrai que ce personnel, envahi à son tour par les officiers retraités, n’était au fond qu’une émanation et un dédoublement de l’armée. L’armée était donc, en dernière analyse, l’unique support de I’État. Il n’en fallait pas tant pour qu’elle se crût autorisée à en disposer à son gré. Les mœurs militaires étaient mauvaises. Les soldats savaient se battre, mais l’usage des gratifications, du donativum, qui s’était développé outre mesure, échauffait leurs convoitises. Le péril éclata dans toute son intensité quand disparut l’homme qui, assez imprudent pour le créer, s’était trouvé assez fort pour le contenir. Jusqu’alors c’étaient, Pertinax à part, les pires empereurs qui avaient succombé dans les séditions. Maintenant c’est le plus honnête qui est le plus exposé. Qu’il fasse un effort pour ramener ses troupes au devoir, un ambitieux surgira pour les ameuter contre lui, quitte à être renversé lui-même, un peu plus tard, par un nouvel attentat.

[LE DANGER EXTÉRIEUR] Une armée animée de cet esprit était plus redoutable à ses chefs qu’à l’étranger. Jamais pourtant Rome n’avait eu plus besoin de faire bonne garde sur ses frontières. En Orient, l’avènement des Sassanides sur le trône de Cyrus, en 227, réveillait les ardeurs religieuses et conquérantes du vieil Iran. A la même époque, par une coïncidence désastreuse, la Germanie redevenait menaçante.

Elle s’était tenue tranquille depuis Domitien et Trajan. Elle recommence à s’agiter vers la fin du ne siècle, sous la poussée de peuples nouveaux ou peu connus auparavant et qui figureront désormais au premier plan. Dès le règne de Marc-Aurèle, les Longobards, les Vandales apparaissent mêlés aux Marcomans, dans le grand assaut donné sur la ligne du Danube. Les Goths sont aux prises, en 215, sous Caracalla, avec les garnisons de la Dacie. En 238 ils se montrent dans la péninsule des Balkans. Le moment n’est pas loin où ils vont pénétrer jusqu’au cœur de la Macédoine (231) et écumer les côtes de la mer Égée.

Tous ces peuples étaient d’origine septentrionale. Ils venaient des côtes de la Baltique, des bassins de l’Elbe, de l’Oder, de la Vistule. Le mouvement qui les entraînait du Nord au Sud ne pouvait manquer de produire une sorte de remous vers le Rhin. La Gaule revit sous Marc-Aurèle ce qu’elle n’avait pas vu depuis longtemps, son sol foulé par les Barbares. Les Cattes, en se précipitant sur la Rétie, n’épargnèrent ni le pays des Helvètes ni celui des Séquanes. Les Chauques entrèrent dans la Belgique. L’invasion fut repoussée par le légat Didius Julianus, le futur Empereur, le triste et éphémère successeur de Pertinax, connu alors pour être un administrateur habile et un vigoureux général (174). Un péril plus sérieux se leva avec les Alamans et les Francs. Les premiers entrent en scène sous Caracalla, en 213, au moment où apparaît à l’autre extrémité de l’Europe la nation des Goths. Les seconds sont mentionnés trente-huit ans plus tard, en 241, sous Gordien.

[ALAMANS ET FRANCS] Les Francs s’étendaient sur la rive droite du Rhin, depuis la  mer du Nord jusqu’aux environs de Mayence. Les Alamans occupaient l’espace compris entre le Main et les Alpes. Il y a beaucoup d’incertitude sur l’origine et la nature de ces deux groupes. Ils ne représentaient l’un et l’autre ni un peuple nouveau ni une fédération de peuples. C’étaient, suivant toute vraisemblance, deux associations guerrières, devenues à la longue deux individualités ethniques. Un phénomène de ce genre ne se comprendrait pas dans une société régulière, mais un usage rapporté par Tacite dans sa Germanie nous permet de nous en rendre compte. Un homme se distinguait par sa noblesse, son ambition, sa bravoure ; il appelait à lui, il attirait par l’appât de la guerre et du butin, il enchaînait par la foi du serment tout ce qu’il trouvait d’aventuriers chez son peuple et chez les peuples voisins. Il les détachait de leur patrie pour en faire ses fidèles, « ses compagnons. n Ces confréries militaires, placées en dehors et comme en marge des cités, pouvaient, au besoin, pour un temps plus ou moins long, s’étendre en s’agrégeant les unes aux autres. Arioviste, avec son armée composite, est le type de ces chefs. A une époque où les instincts belliqueux de la race étaient plus surexcités que jamais, il était naturel que ces habitudes reprissent le dessus. Par là s’explique, non seulement le nom des Alamans, qui veut dire gens de toute provenance, mais aussi celui des Francs, qui n’est qu’une épithète faisant allusion soit à leurs courses vagabondes (warg, wrang), soit à leur valeur (frak, brave).

[FAIBLESSE DE L’ARMÉE ROMAINE] Les Alamans et les Francs n’étaient pas très redoutables par eux-mêmes. Ils n’ont jamais résisté à des troupes bien commandées et en nombre suffisant. Mais l’armée romaine, rongée par l’indiscipline et sans cesse détournée de la guerre étrangère par la guerre civile, était de plus compromise par sa faiblesse numérique. Elle n’avait jamais eu que les effectifs strictement nécessaires, les empereurs s’étant ingéniés de tout temps pour alléger les charges qu’elle imposait au trésor. Elle se trouvait maintenant tout à fait inférieure à ce que les circonstances réclamaient. L’armée germanique, depuis que les huit légions dont elle s’était composée d’abord avaient été successivement réduites à quatre, ne comprenait plus que vingt mille combattants, avec quelques milliers d’auxiliaires, le tout sur une ligne de six cents kilomètres au moins. Il est vrai qu’elle pouvait être renforcée par d’autres corps, et c’est là-dessus en effet qu’on avait compté. Malheureusement le double ennemi qui avait surgi sur les bords du Danube et de l’Euphrate rendait cette ressource fort aléatoire. Trop souvent ce fut l’armée du Rhin, déjà si appauvrie, qui dut combler les vides, du côté des Perses ou des Goths.

Les armées se déplaçaient d’ailleurs moins facilement qu’autrefois. A mesure que prévalait le principe du recrutement local, elles devenaient plus sédentaires, moins aptes à se dépayser. Et, dans le pays même où elles se tenaient cantonnées, elles étaient alourdies par la masse des impedimenta. Enfin elles étaient mal fournies en cavalerie. Sur une frontière aussi étendue, avec des troupes aussi peu nombreuses et qui ne suppléaient pas au nombre par leur mobilité, un adversaire hardi, alerte, opérant par petites bandes, avait bien des avantages. II se dérobait par la rapidité de ses marches. 11 se glissait à travers le réseau des légions. Cette barrière franchie, il n’avait plus devant lui que des villes ouvertes, des populations paisibles, sans force organisée, sans habitude des armes, sans initiative. Ainsi furent rendues possibles les incursions qui, à intervalles plus ou moins rapprochés, devaient désoler la Gaule jusqu’à la fin de la domination romaine.

[CARACALLA] La première attaque des Alamans fut repoussée en 213 par Caracalla (211-217). Il n’y a pas entre Septime Sévère et son successeur le même contraste monstrueux qu’entre un Marc-Aurèle et un Commode. C’est bien le type paternel qu’on retrouve dans le fils, grossi et dégénéré. Caracalla tenait de son père une violence de caractère qui éclata en passions brutales et en actes atroces. Il avait hérité aussi de ses goûts militaires et, jusqu’à un certain point, de ses talents comme administrateur et comme général. L’or qu’il sema, après ses victoires, entretint la division parmi les vaincus et lui recruta, dans leurs rangs, des alliés et des soldats. On le vit entouré de cavaliers germains qui lui servaient de gardes du corps et qu’il appelait ses lions. Il commit, nous dit son biographe, de nombreux attentats contre les cités gauloises et contre les individus. Mais il rétablit la sécurité sur la frontière pour une vingtaine d’années. On sait qu’il emprunta aux Gaulois et qu’il imposa autour de lui le vêtement d’où l’on a tiré le sobriquet sous lequel il est connu dans l’histoire[8].

[ALEXANDRE SÉVÈRE] Alexandre Sévère (222-235) ne parait pas avoir été très sympathique aux Gaulois. Ses origines syriennes, sa prédilection pour les religions orientales n’étaient pas pour lui concilier la faveur du monde latin. On lui prêtait l’intention de transporter en Orient la capitale de l’Empire. II y avait là comme une appréhension vague que l’on avait vue poindre déjà sous Auguste et que l’avenir à la longue devait justifier. Ce qui est évident, c’est qu’il était fort impopulaire dans l’armée gallo-romaine. Les Alamans ayant recommencé leurs incursions, il accourut du fond de l’Asie, en 234, amenant avec lui des contingents tirés de ces contrées. La discorde se mit aussitôt entre ces troupes et celles du Rhin. On accusa l’Empereur de partialité pour ses compatriotes. Puis ce furent d’autres griefs. On insinuait qu’il avait plus de goût pour les négociations que pour les armes. On lui reprochait ses allures de philosophe mystique, ce qui n’empêchait pas qu’on se plaignit de ses exigences, de sa sévérité dans le service. Il fut tué dans les environs de Mayence en mars 435. Il avait voulu la restauration du pouvoir civil et il succombait à la peine, frappé, lui aussi, par ses soldats.

MAXIMIN. Les rebelles avaient proclamé Empereur Maximin. Par ses défauts comme par ses qualités, il était fait pour plaire à cette armée déjà plus qu’à moitié barbare. Barbare lui-même de naissance, il s’était élevé, par la force du poignet, des derniers rangs de la hiérarchie jusqu’au sommet. C’était une espèce de géant, à l’aspect terrible, à l’humeur violente et joviale, officier capable, du reste, et qui mena brillamment la campagne projetée par son prédécesseur. Il traversa, avec une sorte de furie, le territoire des Alamans, et de là passa dans les pays danubiens où il tomba sur les Daces et les Sarmates (235).

[LES GORDIENS ET LES DÉBUTS DE L’ANARCHIE MILITAIRE] L’élévation de ce soldat de fortune, qui ne daigna même pas demander au Sénat la confirmation du titre ramassé dans l’émeute, avait été un affront pour la haute assemblée. Elle prit sa revanche en acclamant Gordien (238), puis, après la mort de Gordien, en partageant le souverain pouvoir entre Pupien et Balbin. Elle se crut victorieuse quand elle apprit la mort de Maximin, assassiné par ses soldats (juin 238). Mais, au bout d’un mois, les deux empereurs qu’elle avait choisis succombaient à leur tour de la main des prétoriens. Leur successeur fut un petit-fils de Gordien, un enfant qu’ils avaient dû, aussitôt après leur avènement, reconnaître comme leur héritier. Le jeune Gordien eut le bonheur de trouver un guide excellent dans la personne de Timisithée, son préfet du prétoire et son beau-père. Son règne (238-244) marqua, surtout pendant les deux dernières années, un répit dans les malheurs publics. Timisithée mourut en 243. Un an après, au cours d’une expédition contre les Perses, l’armée se souleva contre Gordien, sur les instigations du nouveau préfet Philippe, un Barbare d’Orient, un Arabe, qui revêtit la pourpre pour cinq ans (244-249). Les légions du Danube lui donnèrent pour successeur leur général, Décius. Il s’était recommandé à leur choix par quelques succès remportés sur les Goths, mais, en 251, il perdit une bataille où il fut tué. Sa défaite était due à la trahison du gouverneur de la Mésie, Trébonianus Gallus, qui aussitôt se fit proclamer Empereur (251-253). Il fut renversé en 253 par Aemilianus, qu’il avait désigné pour le remplacer dans sa province. Aemilianus, vainqueur de Trébonianus à la bataille de Terni, tomba lui-même sous les coups de ses soldats, irrités de ses avances au Sénat. Ils envoyèrent sa tète à Valérien que Trébonianus avait expédié au delà des Alpes pour amener à son secours les légions de Germanie. Valérien n’avait pas attendu l’issue de la lutte pour démasquer ses propres ambitions. Acclamé par les troupes de la Rétie, il était entré dans la mêlée, lui troisième, lorsqu’il apprit la disparition presque simultanée de ses deux adversaires (août 253). Nous sommes décidément dans la période de l’anarchie militaire et nous touchons au moment où va commencer le démembrement de l’Empire.

 

II. — L’ANARCHIE MILITAIRE. LA GAULE DÉTACHÉE DE L’EMPIRE (253-273). LA GAULE APRÈS LE RÉTABLISSEMENT DE L’UNITÉ ROMAINE (173-285)[9]

[LA GAULE SOUS GORDIEN] QUE devenait la Gaule pendant ces tragédies ? Quelles étaient ses préférences entre les compétiteurs ? Il est bien difficile de s’en rendre compte. On avait applaudi vraisemblablement à la restauration sénatoriale dans les mêmes milieux qui s’étaient montrés favorables, quarante ans plus tôt, à Albinus. Les deux empereurs qui la personnifiaient le plus complètement étaient connus des Gaulois. Balbin avait administré une de leurs provinces, nous ignorons laquelle. Pupien avait été proconsul de la Narbonnaise et, plus tard, légat de l’une des provinces germaniques. Il avait même remporté en cette qualité des succès qui lui avaient valu une certaine popularité dans l’armée du Rhin ; des auxiliaires germains étaient venus s’enrôler sous ses drapeaux, contre Maximin. II est vrai que d’autres auxiliaires de même nationalité servaient dans le camp opposé. Timésithée, lui aussi, avait laissé des souvenirs dans la Gaule. Une inscription de Lyon nous apprend qu’il avait exercé diverses fonctions dans ce pays, d’abord par intérim celles de procurateur du patrimoine, c’est-à-dire des biens de la couronne, dans la Belgique et les deux Germanies, et par intérim aussi celles de gouverneur de la Germanie inférieure ; puis, après quelque intervalle, la procuratèle de la Lyonnaise et de l’Aquitaine, une des plus élevées, la plus élevée sans doute de la hiérarchie[10]. Son patronage fut pour quelque chose peut-être dans la sympathie que les Gaulois témoignèrent au jeune Gordien, s’il est permis d’en juger par le nombre, proportionnellement considérable, des monuments qu’ils consacrèrent à ce prince, et notamment par le sacrifice taurobolique offert en son honneur dans la ville de Lectoure.

[LA GUERRE CONTRE LES GERMAINS] Les victoires de Maximin n’avaient pas ramené la paix sur le Rhin. Les généraux romains étaient obligés de livrer des combats incessants. Dans cette lutte se signala Aurélien, le futur empereur, alors tribun de la sixième légion. Son biographe nous a conservé la chanson que les soldats composèrent pour célébrer ses exploits contre les Francs, dont il est question alors pour la première fois. Nous avons tué, en une seule fois, mille Francs et mille Sarmates. Nous cherchons maintenant mille, mille, mille, mille, mille Perses. Pourtant la brillante campagne de 235 n’avait pas été tout à fait stérile. Si la Gaule n’était pas à l’abri des incursions, si l’apparition des coureurs germains devenait dans son existence un phénomène de plus en plus normal, du moins les bandes qui pénétraient sur son territoire pour y pousser quelquefois fort avant étaient-elles peu nombreuses et assez vite exterminées. La preuve qu’il y régnait une sécurité relative, c’est qu’on ne craignit pas de dégarnir la frontière. Des détachements furent envoyés en Afrique pour combler le vide laissé par la légion de Lambèse, licenciée en 238, en punition de son hostilité contre le premier Gordien. On a vu d’autre part les prélèvements opérés par Trébonianus Gallus. C’étaient là de graves imprudences et qu’on ne tarda pas à payer cher.

GALLIEN. Le conflit entre les prétendants en 253 avait accru l’audace des ennemis de Rome. Leurs attaques redoublèrent de vigueur sur toute la ligne. Les Alamans et les Francs se précipitèrent sur la Gaule. Les Goths étendirent leurs ravages de la Grèce d’Europe à la Grèce d’Asie. Les Perses pénétrèrent en Syrie et s’emparèrent d’Antioche. Valérien se chargea de l’Orient et laissa pour gouverner l’Occident son fils Gallien qu’il avait nommé Auguste. Il tomba en 259 entre les mains du roi des Perses, Sapor. Sa captivité devait se prolonger jusqu’à sa mort, dans les tortures et les outrages. L’émotion fut profonde à cette nouvelle et le désarroi général. Gallien restait, il est vrai, mais il n’était pas l’homme qu’il aurait fallu pour cette crise. II avait de l’esprit, des talents, et il ne manquait pas à l’occasion d’activité et d’énergie, mais tout cela était gâté par un goût excessif pour les plaisirs et une affectation d’insouciance, plus convenable à un philosophe blasé qu’à un souverain.

[LES EMPEREURS PROVINCIAUX] Les Barbares au cœur de l’Empire, un empereur prisonnier, un autre incapable ou discrédité, on n’avait pas connu encore d’aussi mauvais jours. Les populations livrées à elles-mêmes durent pourvoir elles-mêmes à leur salut. Ce fut la cause qui fit surgir cette foule d’usurpateurs si improprement appelés les trente tyrans. Ni le chiffre n’est exact ni le titre justifié. Le pouvoir où ils furent portés était un poste de combat. Beaucoup y rendirent des services. Quelques-uns y déployèrent des qualités de premier ordre. Leur élévation était due aux armées, mais l’intervention des armées était légitime dans un péril où elles apparaissaient comme la suprême ressource. Depuis longtemps d’ailleurs elles ne faisaient qu’un avec les pays où elles étaient cantonnées et formées. Leur initiative entraîna nécessairement l’adhésion de l’élément civil, et ainsi les empereurs des soldats furent en même temps ceux des provinces.

Quand on considère ce spectacle, il semble qu’on assiste à la dissolution de l’unité romaine. Le fait est que des tendances séparatistes à certains égards se manifestèrent. Répudier Rome et son héritage, nul sans doute n’en pouvait concevoir la pensée. C’était pour le sauver qu’on s’était réveillé et ressaisi, mais puisque Rome se montrait impuissante à le défendre, on se sentait assez fort pour assumer la tâche à sa place. Et puisque, d’autre part, entre les diverses parties de l’Empire, il n’y avait jamais eu de fusion réelle, il était permis à chacune de souhaiter son gouvernement propre, distinct, sinon indépendant du gouvernement central. Telles sont les idées, les aspirations vagues que l’on voit poindre dans le tumulte des événements. Elles n’étaient pas tout à fait chimériques. Déjà elles avaient reçu un commencement de satisfaction dans le partage opéré entre Valérien et Gallien. Qu’on attende une trentaine d’années encore, et elles seront recueillies pour une bonne part et mises en œuvre par le fondateur de la tétrarchie[11].

Les empereurs provinciaux avaient à soutenir un triple effort. Ils devaient tenir tête aux ennemis du dehors, se défendre contre l’empereur de Rome, et trop souvent ils se faisaient la guerre entre eux. Aussi les voit-on disparaître les uns après les autres, dans une mêlée confuse. Parmi ces monarchies éphémères, il en est deux qui se sont maintenues plus longtemps et qui méritent une attention particulière. D’une part la monarchie orientale fondée à Palmyre par Odenath et Zénobie, de l’autre le grand État qui se constitue en Gaule avec l’Espagne et la Bretagne pour annexes.

[POSTUME] En laissant Gallien sur la frontière germanique, Valérien lui avait donné pour lieutenant et pour conseiller Marcus Cassianius Latinius Postumus. Il l’avait préféré pour cette mission à Aurélien dont la rudesse, disait-il, n’aurait fait qu’irriter un prince naturellement rétif aux bons conseils. Avec une humeur moins Apre, Postume se recommandait par des capacités égales comme administrateur et comme général. Les historiens sont unanimes pour louer son caractère et ses talents. Comme la plupart des chefs militaires à cette époque, c’était un parvenu, né dans une condition obscure, on ne nous dit pas dans quel pays.

Sous cette direction, Gallien remporta quelques succès. Mais en 257 il fut appelé en Pannonie par la révolte d’Ingenuus. Il laissa en Gaule son fils aîné, Publius Cornelius Licinius Valerianus, un enfant qu’il avait fait César, et au lieu de le confier à Postume dont la tutelle lui était devenue odieuse, il le remit entre les mains d’un tribun nommé Sylvanus qui commandait la place de Cologne. Le conflit entre ces deux personnages était inévitable. Une contestation sur l’emploi du butin amena l’explosion. Les soldats de Postume marchèrent sur Cologne. La ville fut prise et saccagée, Sylvanus fut tué, et le jeune Valerianus avec lui. Postume se défendit plus tard d’avoir commandé ces meurtres. Il s’était prêté aux événements plus qu’il ne les avait conduits. Mais le dénouement s’imposait. Il fut proclamé Empereur à la fin de 257.

[L’INVASION] Il est probable qu’il faut placer avant cette date et après le départ de Gallien, c’est-à-dire en 257, la grande invasion qui dévasta la Gaule et dont les calamités furent sans doute la véritable cause qui décida l’élévation de Postume. Elle se partagea en deux courants : les Alamans et les Francs. Les premiers pénétrèrent dans le bassin du Rhône, franchirent les Alpes, poussèrent jusqu’à Ravenne et furent enfin détruits à Milan par les efforts conjurés du Sénat et de Gallien, car le Sénat, en attendant l’Empereur, avait pris en mains les affaires et lancé un appel désespéré à l’Italie. Les seconds traversèrent la Gaule du Nord-Est au Sud-Ouest, entrèrent en Espagne où ils s’emparèrent de Tarragone, et arrivèrent jusqu’en Afrique. Ce n’étaient plus les pays-frontière qui se trouvaient entamés. C’était l’Empire qui était percé de part en part, dans toute sa profondeur.

On se figure les ruines accumulées par ce double torrent. Les historiens, dans leur sécheresse, nous disent simplement que les édifices antiques furent détruits de fond en comble. C’est tout au plus s’ils citent quelques faits, la chute d’Avenches, le siège de Tours, l’incendie et la subversion totale du temple de Mercure Arverne. On peut rapporter à la même époque la dévastation des ateliers céramiques de Lezoux, dans le Puy-de-Dôme. Les dernières monnaies trouvées dans les décombres sont au type de Gallien.

[L’INVASION REPOUSSÉE] La Gaule dut sa délivrance à Postume. L’ennemi, pris à revers, fut rejeté au delà des Pyrénées et des Alpes. Il est question d’une bataille livrée aux environs d’Arles et où succomba une troupe d’Alamans. Ils étaient commandés, nous dit-on, par un roi nommé Chrocus, qui fut pris et livré au supplice[12]. Sans doute les incursions ne furent pas complètement arrêtées. II ne faut pas prendre au pied de la lettre les formules officielles. Les dépôts monétaires datant de cette période et dont plusieurs se rencontrent jusque dans les régions du Centre, dans la Sarthe, le Loiret, la Nièvre, le Finistère, la Côte-d’Or, l’Ain, montrent bien que les alarmes n’étaient pas entièrement dissipées. Pourtant ce n’est pas tout à fait sans raison que Postume s’intitulait restaurateur des Gaules. Et les monnaies ne mentaient pas en somme lorsqu’elles représentaient le Rhin, couché dans ses roseaux, penché sur son urne, et veillant au salut des provinces. Le Rhin en effet était redevenu une frontière, sinon infranchissable, du moins sérieusement défendue. Sur la flotte qui croisait dans ses eaux et dont la surveillance s’étendait jusqu’aux côtes de la mer du Nord, infestées par les pirates, Neptune, pour reproduire le langage des médailles, Neptune avait reparu (Neptuno reduci). Sur la rive droite du fleuve, les Champs Décumates étaient reconquis et de nouveau se hérissaient de forteresses. Ces résultats n’étaient pas obtenus sans de grands efforts. Jusqu’au dernier jour Postume eut à guerroyer contre les Germains. Mais il assura à la Gaule une tranquillité qui, toujours menacée et souvent troublée, n’en fait pas moins un éclatant contraste avec le désordre où étaient plongées d’autres parties de l’Empire.

[LE CALME RÉTABLI À L’INTÉRIEUR] La vie reprit dans des conditions à peu près régulières. La prospérité même sembla renaître. Ici encore ce sont les monnaies qui viennent illustrer les données, si déplorablement écourtées, des auteurs. Et il n’est pas inutile de remarquer qu’elles sont elles-mêmes, dans la décadence générale de l’art monétaire, non seulement par leur alliage, par leur valeur intrinsèque, mais aussi par leur caractère artistique, un intéressant témoignage de cette prospérité. Les bronzes, fabriqués à la hâte, sont très défectueux. Mais les pièces d’argent contiennent plus de métal fin que celles de Gallien, et, quant aux pièces d’or, elles soutiennent la comparaison, à tous les points de vue, avec les plus belles des siècles précédents. Le retour de la fortune, la félicité des temps, l’abondance d’Auguste, telles sont les expressions qui reviennent à chaque instant sur ces monnaies avec les emblèmes qui y correspondent, et quoi qu’on en doive rabattre, il n’est pas douteux qu’elles ne renferment, comme les formules ayant trait aux expéditions germaniques, une large part de vérité.

Sur les travaux pacifiques de Postume, nous ne sommes pas mieux informés d’ailleurs que sur ses opérations militaires. Nous voyons par les inscriptions qui le concernent, et qui sont presque toutes des bornes milliaires, qu’il s’occupa activement de la réparation des routes, fort endommagées, on peut le croire, à la suite des invasions. Il eut la chance ou l’habileté de détourner de la Gaule une peste qui, depuis des années, dépeuplait le monde romain, et ce fut pour lui un nouveau titre à la reconnaissance et à l’affection de ses sujets.

[SI LA MONARCHIE DE POSTUME ÉTAIT GAULOISE] On a cru reconnaître, dans les événements dont la Gaule était alors le théâtre, comme un réveil et un retour offensif de la nationalité celtique, comprimée, mais non étouffée par la domination étrangère. C’est là une illusion. La monarchie de Postume n’est rien moins que gauloise, si l’on veut dire par là anti-romaine. Elle ne s’inspire à aucun degré des traditions indigènes. Elle ne prétend pas ressusciter un passé mort depuis longtemps. Deux siècles plus tôt on avait vu les druides intervenir, pour le tirer à eux, dans le mouvement suscité par la chute de Néron. Ils avaient prêché la guerre sainte et évolué les souvenirs de l’indépendance. Tout cela était bien fini maintenant. Postume empereur ne se distingue point de Gallien. Il est Auguste et souverain pontife. Il revêt le consulat et compte les années de son règne par le renouvellement de ses puissances tribuniciennes.

Il n’est pas vrai non plus qu’il ait organisé un sénat sur le modèle du Sénat de Rome. Cette hypothèse ne s’appuie sur aucun fait, et d’ailleurs la création d’un contre Sénat eût été de sa part une grosse maladresse. Il avait des amis à Rome. Il en avait parmi les sénateurs qui ne pardonnaient pas à Gallien de leur avoir, par une disposition formelle, interdit l’accès de l’armée. En les blessant à son tour, il compromettait une entente qui pouvait assurer l’avenir de son œuvre et de sa dynastie.

[PENSÉE POLITIQUE DE POSTUME] Que voulait-il au juste ? Devenir seul empereur, maître unique du monde romain ? Rien n’autorise à lui attribuer ce projet. Il pouvait, comme tant d’autres avant lui, marcher sur l’Italie. L’entreprise, étant donnés les embarras et l’impopularité de Gallien, ne semblait pas devoir être trop difficile. Il ne l’essaya point et se borna à la défensive. Il était donc décidé à limiter ses ambitions. C’est ici que reparaît, après une longue éclipse, l’idée lancée, dans des circonstances analogues, par les rebelles de l’an 70. Au moment où pour la seconde fois l’Empire se disloque, la Gaule se replie sur elle-même et prend ses mesures pour vivre d’une vie à part. Mais la différence est grande entre un Sabinus, un Classicus, et l’empereur gaulois du me siècle. Postume n’est pas en révolte contre Rome. Il n’est pas empereur des Gaules. Il est empereur tout court. Et sil est permis de juger du présent par l’avenir, tout porte à croire qu’il se fût accommodé d’un partage et que tel était le but où il tendait. Cette conception était dans l’air, comme on l’a vu plus haut, et elle ne devait pas tarder à se réaliser. Somme toute, abstraction faite du conflit avec Rome, et en supposant un rapport de subordination avec le gouvernement central, sa situation ressemblait assez à celle qu’aura Constance dans le système de Dioclétien[13].

[L’ESPAGNE ET LA BRETAGNE UNIES À LA GAULE] Ce qui achève la ressemblance, c’est que leur domination eut la même extension. Ils régnèrent tous deux sur les pays dont le rapprochement devait survivre à la tétrarchie et qui continuèrent de former, jusqu’à la fin de l’Empire, le vaste ensemble désigné sous le nom de préfecture des Gaules. L’union de l’Espagne et de la Bretagne avec la Gaule, préparée déjà par Albinus, fut donc en réalité l’œuvre de Postume et, sur ce point encore, il apparaît comme un précurseur. Elle se brisa après lui, mais les empereurs qui l’avaient rompue la rétablirent sous une autre forme, à titre de groupement administratif, tant elle était commandée par la nature des choses. La Gaule prenait le rôle qu’elle devait garder au IVe siècle. Elle venait de repousser l’invasion. Elle était déjà le plus solide boulevard de l’Empire, le foyer le plus actif du patriotisme romain dans l’Occident. Par sa position géographique elle était faite pour servir de lien entre ses deux voisines. Elle avait sur la Bretagne, plus pauvre et restée à moitié barbare, la supériorité de sa richesse, de sa civilisation. Sur l’Espagne elle l’emportait par cette énergie que développent la lutte et le sentiment du danger. Il était naturel qu’elle les entraînât toutes les deux dans son orbite. La Narbonnaise, la moins gauloise de nos provinces, semble s’être partagée. L’Ouest et le Nord, y compris Vienne, suivirent les destinées de la Gaule, mais on ne voit pas que le Sud-Est se soit détaché de l’Italie.

[LA GUERRE CONTRE GALLIEN] On peut regretter que Gallien ne se soit pas prêté à une combinaison tenant compte des faits accomplis tout en sauvegardant l’unité de l’Empire. II s’était montré moins intraitable avec Odenath, le prince de Palmyre ; mais Palmyre était loin, et de plus faisait partie du lot de Valérien. Il avait d’ailleurs son fils à venger et cette raison expliquerait à elle seule l’acharnement de la lutte. Elle se prolongea durant plusieurs années. Postume fut assiégé dans une ville dont le nom ne nous est pas connu. Gallien fut blessé. En 262 une insurrection à Byzance fit diversion. Vers 265 Gallien revint à la charge. II envoya en Gaule un de ses meilleurs généraux, Auréolus. Mais un lieutenant d’Auréolus, Victorinus, passa à Postume avec une partie de ses troupes. La guerre traîna dès lors sans résultat décisif.

[GRANDEUR DE POSTUME] L’avantage, malgré quelques échecs, restait à Postume. Il gardait ses positions et sans doute n’en demandait pas davantage. Il avait célébré en 262, avec une grande pompe, le cinquième anniversaire de son avènement. II en célébra le dixième en 267. Il régnait des colonnes d’Hercule au mur de Calédonie. Il disposait d’une légion en Espagne, de, trois en Bretagne, de trois en Germanie, sans compter de nombreux contingents barbares, principalement composés de cavalerie. Ces forces s’étaient accrues encore des détachements amenés par Victorinus. Il avait rétabli la sécurité à l’intérieur et à l’extérieur. L’impuissance de Gallien semblait lui promettre des jours paisibles. Et pourtant, il était à la veille de sa chute.

[FIN DE POSTUME] Un historien accuse l’inconstance naturelle à nos aïeux[14]. Il pourrait plus justement s’en prendre aux vices du régime, les mêmes dans cet empire réduit que dans le grand. Proclamé par les soldats, Postume était désigné à leurs coups, et d’autant plus sûrement qu’il se montrait avec eux plus ferme et plus exigeant. Et puis, que serait devenu le donativum si la tranquillité avait duré ?

Il avait commencé par s’associer son fils en lui donnant le titre de César. Mais les aptitudes du jeune Postume n’étaient pas celles que réclamaient de pareils devoirs. Il avait plus de goût pour les lettres que pour les armes. Son penchant le portait surtout vers la rhétorique. Ses déclamations, nous dit son biographe, furent jugées plus tard assez remarquables pour être insérées dans un même recueil avec celles de Quintilien. On peut croire qu’il ne récrimina point quand il vit son père, en quête d’un concours plus efficace, élever Victorinus, pour le récompenser de sa défection, à la dignité supérieure d’Auguste. Les chefs de l’armée ne se résignèrent pas aussi volontiers. Un d’entre eux, Caïus Ulpius Cornelius Laelianus, souleva la garnison de Mayence. Postume eut raison de l’émeute, mais les soldats vainqueurs réclamèrent le pillage de la ville. Il le refusa et fut massacré avec son fils (267).

[LAELIANUS ET MARIUS] Les témoignages des historiens sont favorables à Laelianus, malgré son attentat. La mort de Postume avait eu pour conséquence immédiate un retour offensif des Germains. Il les repoussa. Le temps lui manqua d’ailleurs pour donner sa mesure. Les soldats avaient compté sur sa faiblesse. Voyant qu’ils ne gagnaient rien au change, ils lui firent subir le même sort qu’à son prédécesseur. Il fut tué au bout de quelques mois, à la fin de 267 ou au commencement de 268.

Il fut remplacé par Marcus Aurelius Marius, dont nous ne savons rien, sinon qu’il avait débuté dans le service des arsenaux pour faire ensuite une brillante carrière dans l’armée. Son régner, plus court encore que celui de Laelianus, se termina de la même manière, au bout de deux mois.

[VICTORINUS] Laelianus et Marius n’avaient régné que sur l’armée du Rhin. Quand ils eurent disparu, Victorinus, Marcus Flavonius Victorinus, se trouva le maître. Étranger aux faits qui avaient amené le meurtre de Postume, il lui avait succédé dans le reste de la Gaule. C’était, comme tous ces empereurs gaulois, un homme de valeur auquel on ne pouvait reprocher que ses habitudes de débauche. Elles causèrent sa perte. Un employé de l’armée dont il avait déshonoré la femme suscita contre lui une émeute où il périt avec son fils, un jeune enfant qu’il avait proclamé César (268).

[VICTORINA] Au milieu de ces événements se dessine ou se laisse entrevoir une figure de femme qui n’est pas une des moins curieuses de ce temps. Il s’agit de Victorina ou Victoria, la mère de Victorinus. Elle contribua certainement à l’élévation de son fils et le garda soumis à son influence pendant sa courte royauté. Son image apparaît sur les monnaies de ce prince, tantôt avec les emblèmes de Diane, tantôt, par une allusion plus transparente, avec ceux de la Victoire, et ordinairement avec la légende Comes Augusti, Adjutrix Augusti, compagne, collaboratrice d’Auguste. Elle portait elle-même le titre d’Augusta, comme avaient fait déjà beaucoup de femmes, de mères, de sœurs d’empereurs. Elle y ajoutait le titre de mère des camps (mater castrorum), qui depuis la fin du IIe siècle était conféré fréquemment aux impératrices et qui se justifiait plus particulièrement, en ce qui la concernait, par son existence étroitement associée à celle de Victorinus. Les Romains commençaient à ne plus s’étonner de l’intervention souveraine des femmes dans les affaires de l’État. Les princesses syriennes de la maison des Sévères avaient donné l’exemple, et précisément à cette époque l’héritière d’Odenath, Zénobie, attirait tous les regards. Elle éprouvait, à travers la distance, pour l’Augusta des Gaules, une curiosité mêlée de sympathie, et Victorina nous paraît digne de ce sentiment par son énergie et son intelligence toutes viriles.

Le meurtre de son fils et de son petit-fils, égorgés devant elle, malgré ses supplications, n’ébranla pas cependant l’autorité qu’elle exerçait sur les soldats et qu’elle raffermit d’ailleurs par de nombreuses largesses. Il ne tenait qu’à elle, nous assure-t-on, de revêtir, avec la pourpre, les apparences en même temps que la réalité du pouvoir. Elle recula devant un acte d’audace jusqu’alors sans précédent. Elle avait conçu un autre projet. Puisque décidément l’empire gaulois sombrait, lui aussi, dans les révolutions militaires, elle imagina de chercher la stabilité et le salut dans un gouvernement civil.

[TETRICUS. ESSAI DE GOUVERNEMENT CIVIL] Elle jeta les yeux sur Caïus Pius Aesuvius Tetricus. Tetricus était Gaulois, ainsi qu’on peut le conclure du nom d’Aesuvius dérivé du nom de la divinité celtique Aesus. Il était d’ailleurs parent de Victorinus, si bien qu’il est permis d’attribuer la même origine à ce dernier et à sa mère. Très différent de ses prédécesseurs, il n’était ni un soldat, comme ils le furent tous, ni un parvenu, comme le furent sans aucun doute Marius et Postume. Il appartenait à la noblesse sénatoriale et administrait, depuis des années, la paisible province de l’Aquitaine. Dès le début de son règne, il marqua nettement quel en serait le caractère. L’autorité de Victorina avait été assez grande pour le faire acclamer par les légions, mais c’est à Bordeaux qu’il prit la pourpre. La nouvelle capitale, Trèves, était une ville trop militaire pour convenir à un empereur qui se faisait représenter, sur ses monnaies, vêtu de la toge et tenant d’une main le sceptre, de l’autre une corne d’abondance ou un rameau d’olivier.

[MÉCONTENTEMENT EN GAULE] L’idée d’un gouvernement civil était plus chimérique encore en Gaule qu’à Rome. A Rome elle s’appuyait sur le Sénat. En Gaule elle ne reposait sur rien. Comment d’ailleurs eût-elle eu quelque chance de succès dans un pays qui était régulièrement la proie de l’invasion et où forcément l’armée tenait le premier rôle ? L’hostilité des soldats se manifesta, comme il était à prévoir, par des séditions. Mais le mécontentement ne se bornait pas à l’armée. Il gagnait, pour d’autres raisons, la nation entière. Les scènes sanglantes qui s’étaient succédé depuis le meurtre de Postume n’étaient pas pour faire envisager avec beaucoup de confiance l’avenir de l’empire gaulois. La lassitude se faisait sentir. Le désabusement était général. On se détachait d’une expérience qui, au fond, n’avait jamais été qu’un pis-aller et dont les résultats ne répondaient plus à l’attente qu’elle avait d’abord excitée et justifiée Pour revenir à cette unité romaine dont on ne s’était séparé qu’à regret et dont le souvenir était lié à tant d’années prospères et glorieuses, on n’attendait qu’une occasion.

[CLAUDE II. SOUMISSION DE L’Espagne] Elle se présenta en mars 268, lorsque les généraux réunis au camp de Milan prirent le parti d’en finir avec Gallien et proclamèrent à sa place le plus renommé d’entre eux, Marcus Aurelius Claudius. Avec Claude II s’ouvre la série de ces empereurs illyriens qui, par leurs efforts infatigables, ont raffermi l’Empire chancelant et prolongé son existence pour une durée de plus d’un siècle. Le rétablissement d’un pouvoir central digne de ce nom amena aussitôt la soumission de l’Espagne. Les inscriptions de Claude apparaissent dans la péninsule dés l’année 268 ou 269. La Bretagne, qui nous fournit deux inscriptions de Tetricus et aucune de Claude, resta fidèle à la Gaule, mais en Gaule même la défection commençait.

[SIÈGE D’AUTUN] Entre toutes les villes gauloises, il y en avait une désignée pour  prendre la tète du mouvement. C’était Autun, la capitale des Éduens, les plus anciens alliés, les frères du peuple romain. Ils s’étaient remués déjà sous Victorinus. Quand ils apprirent les événements de Milan, ils crurent le moment arrivé. Claude malheureusement n’avait pas les mains libres. Il était engagé alors dans la guerre qui lui valut son surnom de Gothique. Il envoya pourtant quelques troupes, sous les ordres de son préfet des Vigiles, mais elles ne dépassèrent pas la Narbonnaise. Les Éduens s’enfermèrent dans leurs murailles, espérant encore un secours qui ne pouvait être que différé, et comptant aussi sur les sympathies qui s’éveillaient autour d’eux. Mais les soldats, qui avaient fait l’empire gaulois, y tenaient, par orgueil et par intérêt, car tant qu’il existait, ils étaient sûrs de rester en Gaule, au lieu d’aller servir, loin de leur patrie, dans les marais du Bas-Danube ou dans les sables de la Syrie. Ils se ruèrent avec fureur contre la ville rebelle. Elle ne céda qu’après un siège de sept mois, laissant au vainqueur un amas de ruines qui ne purent jamais être relevées complètement (269).

[FIN DE L’EMIRE GAULOIS] Cette victoire lamentable explique le découragement où tomba Tetricus. Victorina vint à mourir sur ces entrefaites, et dès lors il songea plus qu’à préparer, avec sa rentrée en grâce, le retour de la Gaule à l’Empire. Il revint d’abord à l’idée d’un partage et réussit peut-être à la faire agréer, provisoirement. On peut le supposer d’après une de ses monnaies qui porte au revers la tête de Claude. Cette espérance fut mise à néant par la mort du vaillant Empereur. Il succomba à la peste, en avril 270, à Sirmium, après un règne de deux ans. Mais les Goths étaient repoussés et Aurélien, qui lui succéda, put se tourner vers les ennemis du dedans. La chute de Zénobie fut le prélude d’une attaque à fond en Occident. Cette fois ce n’était plus d’une entente qu’il s’agissait. La soumission s’imposait, et elle ne se fit pas attendre. Entre Aurélien qui franchissait les Alpes et les légions du Rhin qui déjà acclamaient un nouveau favori, un certain Faustinus, Tetricus n’hésita pas. Dans le vainqueur qui approchait il ne vit qu’un libérateur, et on ne saurait l’en blâmer, car la Gaule aussi appelait la délivrance. Mais, au lieu de se déclarer ouvertement, il eut la faiblesse de consentir à une trahison. Les deux armées s’étant rencontrées sur les bords de la Marne, dans la plaine de Châlons, il se laissa prendre, ainsi qu’il avait été convenu, et assista dans les rangs de l’ennemi, à l’écrasement de ses soldats (273).

Un pompeux triomphe fut célébré où figurèrent ensemble la reine de Palmyre et l’Auguste Gaulois. Ce fut la seule vengeance d’Aurélien. Il admirait Zénobie et la traita avec une noble munificence. Envers Tetricus il avait une dette à payer. Il lui rendit ses biens et sa place dans le Sénat. Il lui confia même l’administration d’une partie de l’Italie. L’Empereur déchu se bâtit une maison sur le Caelius. Il y vécut avec son fils, associé naguère à sa puissance et devenu maintenant le compagnon de sa retraite ; une mosaïque les y représentait tous deux offrant au maître le sceptre et la couronne en échange de la prétexte. On raconte qu’Aurélien aimait à leur rendre visite. Il plaisantait son hôte sur ses grandeurs passées et l’appelait en riant son collègue.

[JUGEMENT SUR L’EMPIRE GAULOIS] Ainsi finit l’empire gaulois, après seize ans d’une existence troublée, mais qui n’avait pas été sans utilité ni sans gloire. Les écrivains qui nous ont retracé son histoire, avec de si énormes lacunes, ont su reconnaître du moins tout ce qu’il y a eu dans cette création éphémère d’incontestable grandeur. Ils ont parlé de ces usurpateurs, non seulement sans colère, mais avec sympathie et respect. Victorinus, nous dit un d’entre eux, avec beaucoup d’exagération sans doute, mais cette emphase même est significative, Victorinus fut l’égal de Trajan par la bravoure, d’Antonin par la clémence, de Vespasien par l’économie, de Pertinax par la probité, de Sévère par la vigueur dans le commandement. Ailleurs, embrassant d’un coup d’œil toute cette période, il la juge en ces termes : Les empereurs que s’est donnés la Gaule ont été les soutiens de la puissance romaine. C’est un décret de la Providence qui les a suscités au temps où Gallien croupissait dans sa monstrueuse luxure. Ils ont empêché les Germains de s’installer sur notre sol. Et que serait-il arrivé s’ils avaient occupé notre territoire, alors que les Goths et les Perses franchissaient nos frontières ? Rome elle-même et son nom sacré eussent disparu[15].

L’unité rétablie n’arrêta ni les coups de force à l’intérieur ni les invasions qui en étaient la conséquence.

[NOUVELLE INVASION] Aurélien fut assassiné, en janvier 275, par les officiers de son entourage. La même année et l’année suivante la Gaule fut la proie d’une invasion qui égala ou dépassa, par l’étendue des désastres, celle de 257. Sur cette invasion, comme sur la précédente, nous n’avons que des renseignements bien incomplets, deux mots seulement, mais combien terribles dans leur brièveté ! Les Germains, nous dit-on, errant dans tous les sens sans rencontrer d’obstacles, n’occupèrent pas moins de soixante cités, les plus fameuses du pays. Soixante, c’est, ou peu s’en faut, le total des cités comprises dans les trois Provinces. Pour commenter ces lignes, pour entrevoir tout ce qu’elles sous-entendent de ruines et de misères, il faut recourir aux découvertes archéologiques. Nous ne parlons pas seulement des dépôts monétaires dont plusieurs, étant donné le millésime de leurs dernières pièces, ont dû être enfouis à ce moment. Les dévastations exercées par les Barbares ont laissé d’autres traces. Ainsi aucun document écrit ne nous apprend ce qu’est devenu Bordeaux dans cette tourmente. Il est visible pourtant que la capitale de l’Aquitaine a beaucoup souffert. Les maisons et les édifices antérieurs à l’an 300 y portent les marques d’un immense incendie. Et comme les dernières monnaies ramassées dans les décombres sont celles de Claude II, il n’est pas douteux que les auteurs de la catastrophe ne soient les envahisseurs de 275. Mais les témoins les plus nombreux sont les murailles de nos villes, ces murailles restées debout durant le Moyen âge et qui, démolies dans les temps modernes, nous ont rendu tant de fragments lapidaires et architecturaux, tous antérieurs au IVe siècle et dont beaucoup nous apparaissent encore tout effrités et tout calcinés parles flammes[16].

[PROBUS] Le meurtre d’Aurélien produisit sur les soldats un effet imprévu.  En haine des meurtriers, ils demandèrent un empereur au Sénat. Une dernière fois, avec Tacite (sept. 275-avril 276), le Sénat put se flatter d’avoir ressaisi le pouvoir, mais l’illusion fut courte. Au bout de quelques mois les soldats, revenus à leur vraie nature, proclamèrent Probus (275-282).

La lutte reprit contre les Barbares, sous un chef digne héritier d’Aurélien et de Claude. Probus délivra la Gaule et, après l’avoir délivrée, reporta la guerre au delà du Rhin. Les champs Décumates furent reconquis. Le limes se releva depuis le Danube jusqu’au Main. Neuf rois se soumirent à l’obligation du contingent et du tribut.

[CONTINUATION DES TROUBLES EN GAULE] Les victoires de Probus n’empêchèrent pas de nouvelles compétitions. Les principales se produisirent dans la Gaule. Ce pays était sorti de cette longue commotion profondément troublé, dans sa vie matérielle et morale. Des événements comme ceux qui s’étaient déroulés depuis vingt ans ne pouvaient être clos sans laisser derrière eux bien des germes de désordre. Les tendances particularistes n’avaient pas dit leur dernier mot. Les ambitions individuelles, surexcitées par de si prodigieuses aventures, n’imaginaient pas que la carrière leur fût désormais fermée. L’interruption de l’existence régulière, l’arrêt du commerce, de l’agriculture, avait jeté sur le pavé des villes en ruines, dans les campagnes désertes et en friche, une foule avide de rapine, affranchie de tout lien social. La jacquerie des Bagaudes commençait. Elle s’était annoncée déjà sous le règne de Commode, et elle ne cessera pas de troubler la Gaule jusqu’à la fin de la domination romaine[17].

[PROCULUS ET BONOSUS] La ville de Lyon était depuis quelque temps très agitée. Aurélien avait dû prendre contre elle des mesures de rigueur et les esprits ne s’étaient pas calmés sous Probus[18]. Le mécontentement tenait sans doute à des raisons locales. L’ancienne métropole des Gaules ne pouvait se voir sans irritation déchue du rang qu’elle avait occupé pendant deux siècles et supplantée dans sa primauté par une capitale à demi barbare, comme Trèves. Ces dispositions furent exploitées par un certain Proculus, un aventurier d’une curieuse espèce, même dans ce temps où les aventuriers foisonnaient, et où l’éloignement des classes supérieures pour le métier des armes les laissait arriver aux plus hauts grades pour s’élever de là à l’empire. Il était né dans les Alpes Maritimes, sur cette côte ligurienne où se maintenaient, avec une étonnante persistance, les mœurs des sociétés primitives, issu d’une famille où les habitudes de la vie patriarcale se conciliaient tout naturellement avec les traditions d’un brigandage héréditaire. Proculus osa, avec l’appui des Lyonnais, renouveler l’entreprise de Postume. Il arma deux mille esclaves et obtint des adhésions, non seulement en Gaule, mais en Espagne et en Bretagne. Une autre tentative fut celle de Bonosus qui, préposé à la flottille du Rhin et coupable de négligence dans le service, aima mieux courir les risques d’une rébellion qu’affronter la sévérité de l’Empereur. Ces deux révoltes, sur lesquelles nous sommes mal informés, furent vite réprimées ; mais, dépourvues de gravité en elles-mêmes, elles n’en étaient pas moins inquiétantes à titre de symptômes.

Bien qu’élu par l’armée et pour ses talents militaires, Probus ne voulait pas du régime de la soldatesque. Ses tendances pacifiques et ses égards pour le Sénat furent la cause de sa perte (282). Carus, qui fut proclamé par les meurtriers, remporta d’éclatantes victoires sur les Sarmates, les Quades et les Perses. Il n’échappa point pour cela à la destinée commune (283). Ses deux fils Numérius et Carinus, qu’il s’était associés, le premier pour l’Orient, le second pour l’Occident, subirent peu après le même sort (284 et 285).

Ainsi rien n’y faisait. L’Empire tournait fatalement dans le même cercle. Les meilleurs empereurs, les plus énergiques, les plus sages, les plus honnêtes s’usaient à lutter contre la force des choses. Pour réagir, les hommes ne suffisaient pas. Il fallait une réforme profonde, radicale. Dioclétien eut le mérite de la tenter.

 

 

 



[1] SOURCES : Suétone, Vies de Vespasien, de Titus, de Domitien. Dion Cassius, depuis le livre LXVI. L’histoire de Dion Cassius s’arrête à la mort d’Alexandre Sévère. Hérodien, dont l’histoire s’étend depuis la mort de Marc-Aurèle jusqu’à l’avènement de Gordien III. Histoire Auguste, recueil de biographies des empereurs depuis Hadrien jusqu’à Carin. Hérodien et les écrivains de l’Histoire Auguste sont à citer pour le § 3. De même les écrivains suivants, qui de plus atteignent la période traitée aux chapitres II, III et IV, entre 285 et 395. Aurelius Victor, De Caesaribus. On lui attribue aussi, à tort, l’Épitomé de Caesaribus. Eutrope, Brevarium ab Urbe condita. Rullus Festus, Breviarium rerum gestarum populi romani. Orose, Historiarum adversam paganos libri VII. Zosime, Histoire nouvelle. Zonaras, Chronique. — Les sources littéraires pour le IIe et le IIIe siècles sont peu abondantes, et à part Dion Cassius, de qualité très médiocre. Les inscriptions se font rares vers le milieu du IIIe siècle.

OUVRAGES À CONSULTER : Pour la période des Flaviens, voir livre I, chap. I, § 3. Pour la suite : Dürr, Die Reisen des Kaisers Hadrian, 1881. Ceulneer, Essai sur la vie et le règne de Septime Sévère, 1880. Fuchs, Geschichte des Kaisers Septimius Severus, 1884. Jullian, L’avènement de Septime Sévère et la bataille de Lyon, Revue historique, 1889. Hirschfeld, Decimus Clodius Albinus, Historische Zeitschrift, 1887, et le supplément à cet article, Revue épigraphique, 1899, p. 37. Pour les Germains et les invasions en général, Wietersheim, Geschichte der Völkermanderung, 1859-1864. Nouvelle édition par Dahn depuis 1880. A consulter aussi pour les § 9 et 8 et le chap. IV.

[2] Liv. I, chap. I, § 3. Chap. II, § 8.

[3] Livre I, chap. II, § 3.

[4] L’histoire du christianisme dans la Gaule sera traitée dans le volume suivant.

[5] Sur les Bagaudes, chap. IV, et liv. III, chap. III, § 2.

[6] Il est possible seulement que les Lyonnais aient été frappés dans leurs intérêts, c’est-à-dire soumis à l’impôt. Unger, De censibus provinciarum romanarum, 1891, p. 62. Il y a lien de croire aussi que Sévère a établi à Lyon une garnison de vétérans. Revue épigraphique, 1899, p. 29.

[7] Corpus inscript. latin., XIII, 1754. Un autre taurobole avait été offert antérieurement, en 194, dans la même ville pour associer dans le même hommage Septime Sévère et Albinus, considérés alors officiellement comme collègues. Ibid., 1753. Plus tard, le nom d’Albinos a été martelé sur ce monument. Sur les sacrifices tauroboliques, liv. III, chap. II, § 3. — C’est Septime Sévère qui, sur les bornes indiquant les distances le long des routes, substitua, dans les trois Provinces, la leuga ou lieue gauloise au mille romain.

[8] Sur la caracalla voir la première partie, liv. II, chap. I, § 1.

[9] SOURCES. Voir § 1. Ajouter : Panegyrici latini, n° IV et V de l’éd. Baehrens, Eumenil oratio pro restaurandis scolis et Panegyricus Constantio Caesari. — Les sources littéraires, extrêmement pauvres, doivent être complétées : 1° par les inscriptions (Corpus inscript. latin., XII, XIII, II, VII) ; 2° par les monnaies dont les cachettes se sont multipliées en raison de l’insécurité publique. (Voir ci-dessous, Blanchet.) Le détail, la suite et le caractère même des événements sont très difficiles à démêler pour cette période.

OUVRAGES À CONSULTER. De Boze, Histoire de l’Empereur Tetricus, Mémoires de l’Acad. des Inscriptions, 1759. Bréquigny, Histoire de Postume, Empereur dans les Gaules, ibidem, 1764. Düntzer, Postumus, Victorinus und Tetricus, 1867. Bernhardt, Geschichte Roms von Valerian bis zu Diokletians Tode, 1867. Zévort, De gallicanis imperatoribus, 1880. Erman, Marius und Victorinus, Zeitschrift für Numismatik, 1880. Harold de Fontenay, Autun et ses monuments avec un précis historique, par Anatole de Charmasse, 1889. Th. Reinach, Le premier siège entrepris par les Francs, Revue historique, 1890. Mowat, Les ateliers monétaires impériaux en Gaule, Revue numismatique, 1895. Jullian, S’il y a des influences celtiques dans l’Empire des Gaules au IIIe siècle, Comptes rendus de l’Acad. des Inscriptions, 24 juillet 1896. Blanchet, Les trésors de monnaies romaines et les invasions germaniques en Gaule, 1900. Roger, Fragments d’histoire, Fragments sur l’histoire de Postumus, Roger et Chernoviz, Paris. Pour les monnaies : Eckhel, Doctrina numorum veterum, VII, 1797. De Witte, Recherche sur les empereurs qui ont régné dans les Gaules au IIIe siècle de l’ère chrétienne, 1868, et les Revues de numismatique.

[10] Corpus Inscript. latin., XIII, 1807.

[11] Voir plus loin, chap. II, § 1.

[12] Sur les traditions contradictoires relatives à ce roi barbare voir Barthélemy, La campagne d’Attila, Revue des Questions historiques, 1870.

[13] Chap. II, § 1.

[14] Trebellius Pollio, Postume.

[15] Trebellius Pollio, Victorinus et Laelianus.

[16] Chap. II, § 3.

[17] § 1. Le discours d’Eumène pour la restauration des écoles d’Autun nomme les Bagaudes à propos du siège de cette ville. Il nous dit qu’elle fut assiégée par le brigandage de la rébellion des Bagaudes (latrocinio Bagandicae rebelllonis, 4). Le passage est très obscur. Hirschfeld (Die Haeduer and Arverner, p. 20, n. 7) propose de lire Batavicae. Les Bataves représenteraient l’armée germanique en rébellion contre l’empereur de Rome appelé par les Autunois. Les Bagaudes n’apparaîtraient donc sous ce nom qu’un peu plus tard (Voir chap. IV et liv. III, chap. III, § 9). Mais il est certain qu’on les rencontre dès à présent et depuis longtemps.

[18] Il est impossible de préciser davantage. L’Histoire Auguste nous apprend seulement que les Lyonnais avaient été fortement frappée par Aurélien et qu’ils redoutaient beaucoup Probus Vospicus, Proculus.