MADAME MÈRE (NAPOLEONIS MATER)

 

1835.

 

 

Préoccupée du dépôt des armes données par l'empereur à son fils, Madame fait écrire au général Bertrand de les remettre au duc de Padoue. — Deux lettres instantes du comte de Survilliers, l'une au duc de Padoue, l'autre au cardinal. — Lettre de Madame la reine Hortense au sujet de son fils Napoléon-Louis. — Lettre de Joseph à Madame, rappelant la tendresse pour elle de ses deux fils aînés. — Lettre autographe de Napoléon-Louis à sa grand'mère. — Le général comte de Montesquiou annonce à Madame la mort de sa femme, l'ex-gouvernante du roi de Rome. —Titres de succession de Madame. — Relevé des décès de ses enfants et petits-enfants. — Madame devient malade d'épuisement. — Elle touche au terme de sa longévité.

 

Approchant du terme de sa longue existence, Madame se sentait dépourvue des forces nécessaires à l'entier accomplissement des actes de sa succession.

Elle se préoccupait, avant tout, du dépôt et de la remise des armes de l'empereur, léguées par lui à son fils. Son Altesse, dans une lettre nouvelle au général comte Bertrand, lui rappelle, avec instance, avoir autorisé son fondé de pouvoirs et son cousin, le général Arrighi duc de Padoue, à recevoir ces armes et à les transmettre à qui de droit, suivant ses propres indications ; Madame insiste pour revendiquer, de par la loi, le devoir de garantir elle-même et par elle seule cet héritage sacré de l'empereur. C'est pourquoi elle fait un appel direct et pressant au grand maréchal, afin d'assurer la transmission de ce dépôt sacré au général duc de Padoue[1].

Suit la lettre de S. A. Madame, écrite, en son nom, par mademoiselle Mellini au général comte Bertrand, ancien grand maréchal du palais :

Rome, 7 mars 1835.

Monsieur le comte,

J'ai reçu votre réponse dans le temps, par laquelle je n'ai pas vu clairement que vous étiez disposé à remettre les armes de l'empereur au duc de Padoue, comme à mon fondé de pouvoirs, autorisé à donner décharge valable des objets qu'il recevrait, pour être à ma disposition. Quel que soit l'emploi convenable à faire de ces armes, il n'est pas moins vrai que c'est par moi qu'elles doivent être remises à qui il conviendra, et que les circonstances de cette remise doivent être jugées opportunes par moi, à la gloire de mon fils, et personne ne saurait mieux choisir le moment que moi et les membres de ma famille.

Il s'agit, monsieur le maréchal, du grand héritage de l'empereur, à la disposition duquel je suis appelée par la loi et je ne puis céder ni la propriété ni l'usage à personne, que de mon propre mouvement et dans les circonstances que je saurai choisir. Je répète la même idée, parce que c'est le fond de la question. J'espère qu'on ne voudra pas user de violence et mettre la force en place de la justice. Au demeurant, l'affaire est dans vos mains ; et vous ne permettrez pas que ce grand dépôt passe dans d'autres mains que les miennes.

La confiance que j'ai en votre expérience, dans la connaissance des hommes et des temps, m'assure que vous vous méfierez de l'avenir et que vous vous croirez même responsable dépositaire, en cas d'événement, et qu'ainsi, il vous conviendra de vous débarrasser d'un semblable dépôt, en le remettant à qui il appartient, et qui est intéressé à ne le faire servir qu'à la plus grande gloire de l'empereur.

Veuillez bien remercier madame votre épouse du souvenir qu'elle garde de moi, et l'assurer de mes sentiments d'attachement que je lui porterai toute ma vie.

Agréez aussi l'expression de ceux que votre beau caractère m'a toujours inspirés.

Pour S. A. Madame,

(Signature approuvée.) ROSA MELLINI.

Quelques jours après, une lettre du cardinal, en date du 19 mars, au comte de Survilliers, l'informe de la détermination prise par Madame de faire réunir dans les mains du duc de Padoue tous les objets ayant appartenu à l'empereur et à son fils.

Cette lettre ne se trouve pas dans les Mémoires et Correspondance du roi Joseph.

Le comte de Survilliers écrivait, d'Amérique, à son oncle le cardinal[2] :

Le 10 avril 1835.

Je ne dois pas vous le cacher, les meilleures fondations pieuses que vous pouvez faire sont celles qui auront pour but de donner du pain à vos neveux et à vos petits-neveux, car il est probable qu'ils en manqueront un jour. Tous les gouvernements sont contre eux, leur patrie leur est fermée ; à mesure que nous nous éloignons, le souvenir de leurs services s'efface dans l'esprit des masses ; tous les anciens serviteurs de l'empereur ont fait leur paix séparée ; on a inauguré sa statue, mais on confisque, on dépouille, on proscrit plus que jamais ce qui reste en terre de lui, pour tâcher de le faire oublier par les peuples.

Joseph Bonaparte prolonge ses sages conseils à son oncle, et en finissant, il lui dit :

Ne prenez pas en mauvaise part ce que je vous dis ; j'écris, comme je sens, lisez ma lettre à maman, elle sentira comme moi et comme vous.

Je vous embrasse l'un et l'autre sans réserve.

JOSEPH.

Il écrit ensuite, même date, au duc de Padoue[3] :

Londres, 10 avril 1835.

Mon cher cousin,

Le cardinal Fesch m'annonce, par sa lettre du 19 mars, la détermination de Madame de persister dans la résolution qu'elle avait déjà prise de faire réunir dans vos mains tous les objets ayant appartenu à l'empereur, son fils et à son petit-fils, dont la mort si déplorable la rend aujourd'hui l'héritière. Je suis chargé de vous écrire, à ce sujet, ainsi qu'à M. le général comte Bertrand ; c'est un devoir sacré dont je m'acquitte, en ce moment, en vous envoyant en original la lettre de Madame et celle que j'ai cru devoir lui écrire moi-même. J'espère qu'elles obtiendront pleine justice de l'ancien grand maréchal, ainsi que des autres dépositaires des effets de l'empereur. Madame s'est fait un scrupule religieux de n'en rien distraire, en faveur de qui que ce soit.

Ainsi, elle persiste à désirer que le médaillier de l'empereur qui se trouve entre les mains de l'honorable M. Laffitte, soit réuni aux autres objets entre vos mains ; elle ne doute pas de l'empressement de M. le comte de Turenne, de M. Marchand et de tous les dépositaires des objets confiés à leur honneur, à répondre à l'appel qu'elle fait à leur conscience. Elle désire que vous en dressiez un état détaillé, que vous le lui adressiez et attendiez la connaissance des dispositions qu'elle en fera, en prenant les précautions que la prudence vous dictera ; afin que ce dépôt soit mis hors de toute entreprise qui pourrait être exercée, au mépris de toute justice, tant qu'il restera sous votre surveillance. Elle se croit, avec juste raison, plus en droit que qui que ce soit, de juger de l'emploi et du placement qu'il lui plaira de faire de ces objets, en temps opportun, dont elle est seule juge. Elle n'est et ne veut être sous la tutelle de personne.

Je vous autorise, à tout événement, à garder par devers vous une copie authentique de la lettre de Madame et de la mienne au comte Bertrand.

Tout à vous, votre affectionné cousin

J.

P.-S. — M. le comte Bertrand a, je crois, d'autres objets que les armes. Vous me ferez plaisir de m'accuser réception de la présente et de m'envoyer un duplicata de l'état détaillé des articles qui vous seront remis.

Une lettre datée de Marseille le 10 avril 1835 et adressée par M. Regnier, de la part d'une dame Cordeil à Madame, lui rappelle son séjour à Lavalette, près Toulon, pendant la fatale année de la Terreur. Elle ne se rapporte en rien à la sérieuse correspondance de Madame avec son cousin le duc de Padoue et le général Bertrand, sur le dépôt définitif des armes de l'empereur, léguées par lui à son fils et justement réclamées par sa mère, afin d'en garantir la conservation. Ladite lettre est une simple missive coïncidant, par sa date, avec la précédente, à laquelle, au contraire, elle fait diversion.

Une lettre de Madame à la reine Hortense lui parle, en mai 1835, dans les termes les plus affectueux, de son fils le prince Napoléon-Louis, survivant à l'aîné, sans supposer qu'il sera, un jour, appelé au trône impérial, sous le nom de Napoléon III[4].

Madame, qui avait le pressentiment du retour de la dynastie napoléonienne, n'en disait jamais rien, comme si elle eût à garder un secret d'État. Le cardinal semblait être le seul confident de cette pensée intime de sa sœur, et s'il cherchait à la lui faire exprimer, il ne pouvait y parvenir.

La lettre suivante d'une portée sérieuse est adressée à Madame par Joseph Bonaparte, priant le cardinal de lui en donner lecture :

Londres, 24 mai 1835[5].

Ma chère maman,

Je conseille à mon frère de quitter ce pays, parce qu'il peut vivre en Italie ; je suis forcé d'y rester, parce que mes antécédents ne sont ni les siens ni ceux de personne. Si je pouvais vivre à Rome, près de vous, à Florence, près de ma femme, je n'hésiterais pas, un jour, à quitter cette terre libre où je suis, la seule qui m'offre un asile en Europe ; mais je ne le puis pas encore. J'ai de la mémoire et du cœur, je suis digne de la mère de Napoléon, de moi-même, et je ne plierai jamais la tête sous le joug, tant que j'aurai l'Angleterre et l'Amérique, d'où la vérité tout entière doit se savoir un jour.

Je conserve encore la correspondance de mon frère et j'ai assez de faits dans ma tête, pour pouvoir démontrer à la postérité que Napoléon fut aussi bon que grand ; il fut mon ami et je veux pouvoir le dire, l'écrire, l'imprimer, en prouvant mon dire par le fac-simile des pièces dont les originaux sont entre mes mains. Si je ne puis autre chose, je pourrai au moins cela. C'est pourquoi je ne veux pas me mettre à la disposition des princes qui ont été mes ennemis politiques ; c'est ce que Napoléon lui-même eut le soin de me faire écrire par Bertrand, quelques jours avant sa mort.

Je ne vous dis pas ces choses si affligeantes pour votre cœur maternel, ma chère maman, pour que vous vous en irritiez (contre leurs auteurs) ; Dieu me garde d'une telle intention ; je vous écris comme je vous parlerais.

Je vous prie d'avoir pitié de ceux qui ignorent qu'entre vous et moi il y a une vie de dévouement, d'amour, de soixante années, dont rien ne peut mettre en doute la pureté.

J'ai toujours fait ce que j'ai pu pour tous (les nôtres) et je n'ai pas menti à la promesse que je fis à notre père, en 1785, pas plus que vous, ma chère mère.

Je vous embrasse de tout mon cœur.

Votre affectionné,

JOSEPH.

Ce noble langage de l'aîné des fils à sa mère est au-dessus des réflexions qui pourraient s'y joindre.

Parmi les lettres de ses enfants ou petits-enfants, en voici une autographe du prince Napoléon-Louis Bonaparte à Madame[6] :

Genève, le 1er juin 1835.

Ma chère grand'maman,

Je ne veux pas quitter Genève sans me rappeler à votre souvenir et me recommander à vos bontés. La lettre que vous avez écrite dernièrement à ma mère m'a fait un bien grand plaisir. Vous y parliez de moi avec tant d'affection, que les larmes me roulaient dans les yeux, après cette lecture.

Vous devez penser quelle douce impression je dois ressentir de la bénédiction de la mère de l'empereur, moi qui vénère l'empereur comme un dieu et qui porte le culte le plus sacré à sa mémoire.

Le séjour à Genève a beaucoup plu à ma mère, ainsi qu'à moi ; nous comptons y revenir, l'hiver prochain.

Je sais que Charlotte est auprès de vous ; je vous prie de l'embrasser tendrement pour moi ; je lui écrirai d'Arenenberg, pour la remercier de la bague qu'elle a eu la bonté de m'envoyer.

Je vous prie de présenter mes hommages au cardinal Fesch.

Adieu, ma chère grand'maman, soyez persuadée que per- sonne plus que moi ne comprend tous les devoirs que m'impose le grand nom que j'ai l'honneur de porter, et que ma seule et unique ambition est de m'en montrer constamment digne.

Recevez l'assurance de ma vénération et de mon sincère attachement.

Votre tendre et respectueux petit-fils,

NAPOLÉON-LOUIS BONAPARTE.

Le général comte de Montesquiou, député, ancien aide de camp de l'empereur, adresse à Madame Mère la lettre suivante[7] :

Paris, le 26 juillet 1835.

Madame,

L'accueil plein de bonté que j'ai reçu de Votre Altesse, à Rome, pendant mon rapide passage, les paroles bienveillantes qu'elle daigna m'adresser alors, au sujet de ma famille, m'engagent à lui faire part du malheur qui vient à la fois de me frapper et de me surprendre. Elle n'est plus, celle qui servit de seconde mère au jeune roi, votre petit-fils, celle qui le suivit dans l'exil et dans l'expatriation, sentant redoubler sa tendresse, en proportion de l'infortune que cette tendresse pouvait adoucir, et bravant, pour mieux remplir ce devoir de cœur, tous les obstacles suscités par les passions humaines. Vous la regretterez, Madame, car vous aviez donné votre assentiment au choix de l'empereur, à ce choix applaudi par l'opinion publique et confirmé par l'expérience.

Dans le court espace de dix mois, privé de mon père et de ma mère, j'aime à me rappeler que l'empereur, à Sainte-Hélène, conserva, de tous deux, un honorable souvenir, dont il daigna, dans des conversations célèbres, exprimer l'assurance.

La reconnaissance perpétuera héréditairement, dans ma famille, le souvenir de l'éclatante illustration qu'elle obtint sous un règne de patriotisme et de gloire, que nous vîmes sitôt finir, et à côté de ce souvenir, se retrouvera toujours, Madame, celui de votre auguste bienveillance.

J'ai l'honneur de mettre aux pieds de Votre Altesse, mon respectueux hommage et celui de Mme de Montesquiou ; et je suis, Madame, avec le plus profond respect, etc.

Le général comte DE MONTESQUIOU.

A la date du 18 octobre 1835, Son Altesse ordonne de faire la liste de tous les bijoux placés dans leurs écrins. Cet inventaire de l'héritage de Madame est fait en sa présence, avec l'aide tout dévoué de mademoiselle Mellini, sa dame de compagnie.

L'énumération de ces bijoux, écrite en italien, donne une idée de leur nombre, de leurs variétés, de leur monture et de divers détails, à peu près inutiles ici : Colliers de corail, de perles, de rubis, de brillants, d'améthystes, de turquoises, de grenats et autres pierres précieuses, montées en bagues, camées de toute sorte, chaînes ou chaînettes d'or ; couronnes et diadèmes, boucles, bracelets et médaillons de fantaisie ou de souvenir — l'un d'eux renferme des dents de Napoléon enfant, un autre des cheveux de l'empereur —. Divers objets en or, agrafes, épingles, anneaux et bagues de tout genre, lunettes d'or et lorgnettes avec pierreries. Des boîtes en or, bonbonnières ou tabatières, avec portraits : de l'empereur, de Charles Bonaparte, mari de Madame, du roi Louis, du roi Jérôme et de la reine Catherine, sa femme ; et boîtes de fantaisie, dont deux en écailles de tortue montées en or ; une boîte en porphyre, une autre en pierre dure ; de grandes épingles avec médaillons, camées ou portraits ; étuis en or, étui de voyage, etc., etc.

L'héritage de Madame, comprenant : les biens immeubles, les valeurs en argent comptant, les objets précieux, les objets d'art, les tableaux, les livres, le palais de Rome et les créances, s'élève à un total de 382.333 scudi (écus).

Quelques indications accessoires à cet inventaire sont, ici, sans intérêt[8].

Aux approches de sa fin, Madame rappelait le douloureux nécrologe des enfants qu'elle avait perdus, depuis les cinq premiers, morts à leur naissance, ou en bas âge. Elle comptait successivement : sa fille aînée, Élisa Bacciochi, son fils immortel Napoléon, sa seconde fille Pauline Borghèse, sa belle-fille, Joséphine, puis Eugène et Murat, un fils de Lucien, le fils aîné de Louis, le fils d'Elisa, celui de Pauline, celui d'Eugène et pour clore cette liste funèbre, le fils de l'empereur nommé, en naissant, le roi de Rome, mort à vingt et un ans, prince d'Autriche, sans s'être appelé Napoléon II et sans avoir à peine entrevu la France !

Ils meurent donc tous, loin de moi ! disait en gémissant cette mère accablée du poids de ses peines. Je suis seule à les pleurer ici ! moi seule, je reste ! suis-je condamnée à les enterrer tous, après les avoir mis au monde ? et je n'ai plus de larmes pour les pleurer !... Que la volonté de Dieu soit faite ! Ces derniers mots, que la volonté de Dieu soit faite ! étaient, pour elle, la résignation à sa destinée.

Une autre mort non moins regrettable, dans les alliances de la famille Bonaparte, mit le comble aux épreuves de Madame Mère et anéantit le reste de ses forces. La perte de sa belle-fille, la reine Catherine, devenait la dernière épreuve de son deuil. Le 29 novembre 1835, la noble princesse de Wurtemberg, ex-reine de Westphalie, périssait à Lausanne, où elle avait obtenu l'autorisation de séjourner, avec son mari, l'ex-roi Jérôme. On lui avait fait espérer du climat et des eaux de la Suisse le rétablissement de sa santé détruite par les peines morales. Une fluxion de poitrine y mit fin. Son sublime dévouement conjugal, après la chute de l'empire, avait offert un pénible contraste avec la conduite de Marie-Louise abandonnant son mari. C'est de la reine Catherine, rappelons-le, que Napoléon a dit, à Sainte-Hélène : Par sa noble conduite, en 1814 et 1815, cette princesse s'est inscrite, de ses propres mains, dans l'histoire. Après cette dernière perte, si regrettable pour elle, Madame n'étant plus accessible à aucune visite du dehors, se séquestra tout à fait. On a pu croire qu'elle aurait été soumise, à son insu, par la cupidité d'odieux valets, à la plus honteuse spéculation. Ces gens-là auraient exploité l'état de la princesse, plus qu'octogénaire, aveugle et impotente, pour introduire, à prix d'argent, jusque près d'elle, des visiteurs étrangers, qui se seraient prêtés à un trafic aussi honteux pour eux-mêmes que coupable de la part de tels gens. Non, une semblable profanation n'est point admissible. Et d'ailleurs, Madame n'avait gardé, pour le service de sa maison, qu'un petit nombre de domestiques éprouvés, reconnus fidèles, ne pouvant franchir l'antichambre sans traverser le premier salon, où se trouvaient les personnes de l'entourage ou de l'intimité de Son Altesse, qui du reste, dans sa position isolée, avait constamment quelqu'un auprès d'elle.

Sentant ses forces dernières s'affaiblir de jour en jour, Madame croyait que la mort ne la laisserait plus, cette fois, en arrière et elle tomba malade d'épuisement. Les soins les plus assidus lui furent assurés par les docteurs Ch. Antonini, Scribani et Dominique Ramolino, tous trois professeurs à l'École de médecine de Rome et attachés à l'hôpital français.

Le docteur Ramolino, portant le nom de la souche maternelle des Bonaparte, ne se prévalait pas cependant d'une parenté directe avec Madame Mère. Il reçut le meilleur accueil de l'auguste malade, se montra fort empressé de lui donner ses soins, et sut bientôt mériter sa confiance. Il obtint même de Son Altesse Impériale des renseignements généalogiques l'autorisant à croire qu'il avait l'honneur d'appartenir à sa famille.

Plus d'une année après notre voyage à Rome, le 4 décembre, j'eus occasion d'écrire au docteur Trasmondi, que j'avais rencontré chez Son Altesse, pour lui recommander un jeune médecin corse... Nous pensons bien souvent, lui disais-je, à la vénérable princesse. L'accueil dont elle a honoré mon père est un sujet fréquent de conversation dans sa famille qui témoigne un culte presque religieux pour la mère auguste de Napoléon. Cependant Madame s'affaiblissait de jour en jour et parvenait à un tel degré d'épuisement, qu'elle pouvait à peine parler aux personnes habituées à lui donner des soins. Nulle visite, sans exception, n'était plus admissible, tant on craignait de voir la malade, si débile, succomber en pleine connaissance d'elle-même, à la moindre fatigue, au plus faible effort ou à une dernière émotion. C'était la fin d'une agonie déjà très longue, et si l'agonisante prononçait à peine quelques mots, ce n'était plus pour se plaindre, c'était pour ajouter un acte suprême à ses décisions mortuaires, en rappelant, avec toute sa présence d'esprit et sa volonté entière, le dépôt sacré des armes léguées par l'empereur à son fils.

 

 

 



[1] La copie authentique de la lettre de Madame Mère m'a été donnée par le duc de Padoue fils.

[2] Archives de la Bibliothèque, copie de la minute.

[3] Copie de la minute aux archives de la Bibliothèque nationale.

[4] Copie de la lettre conservée aux manuscrits de la Bibliothèque.

[5] Une partie de cette lettre touche les intérêts de famille.

[6] Lettre autographe donnée par le docteur Costa (de Bastelica), voir l'Appendice.

[7] Copie de l'autographe aux archives de la Bibliothèque.

[8] Voir l'Appendice, héritage de Madame Mère.