MADAME MÈRE (NAPOLEONIS MATER)

 

1805.

 

 

Les fêtes de l'hiver aux Tuileries en éloignent Madame Mère. Faits relatifs à la présence du pape à Paris. — Demande et refus d'une canonisation. — Premier mariage de Jérôme annulé. — Travaux à Trianon pour Madame Mère. — Lettres de la famille pour rapprocher Lucien de l'empereur. — Intervention de leur mère. — Sa maison organisée. — Titre de Protectrice générale des établissements de bienfaisance. — Documents communiqués par le duc Decazes. — Situation de Lucien. — Le château de Pont donné par l'empereur à sa mère. — Lettre de remerciements. — Œuvres de charité. — Souvenirs de madame d'Abrantès. — Anecdotes. — Le jeu du reversi. — Occupations. — Encore la généalogie des Bonaparte. — Correspondance. — Napoléon chez la vieille Marguerite, à Brienne. — Lettre de M. de Beaumont à Madame Mère sur la bataille d'Austerlitz. — Mariage du prince Eugène.

 

Durant l'hiver de 1804 à 1805, la ville et la cour furent en fêtes, mais Madame Mère se dispensait d'y assister. Elle s'excusa de ne pouvoir se rendre à l'une des plus brillantes, donnée par les maréchaux à l'impératrice, le 6 janvier, dans la salle de l'Opéra. Son Altesse Impériale pressentait que Joséphine, alors bienheureuse de sa haute destinée, aurait un jour, à déplorer un tel bonheur.

Madame Mère s'intéressait davantage aux faits de chaque jour. Tels étaient les incidents relatifs au Saint-Père, ses visites aux monuments de Paris, aux églises et aux établissements de charité. La présence du pape aux Tuileries, où Sa Sainteté prolongea son séjour, au milieu des témoignages de la vénération publique, semblait exercer une influence favorable au relèvement de la France, par le prestige de la foi, si longtemps abaissée ou affaiblie. La politique de l'empereur y était engagée. Personne, dans sa famille, n'en éprouva une impression plus profonde que sa mère, désireuse de témoigner sa déférence au chef de l'Église, qui l'avait si bien accueillie à Rome.

Dans l'une de ses visites aux hôpitaux, le Saint-Père, en sortant, le 12 janvier, de l'Hôtel-Dieu, se trouva sur la place Notre-Dame, entouré par la foule, qui s'inclinait sur son passage et recevait sa bénédiction. Parmi les assistants, un seul cherchait à l'éviter, en se détournant d'un air sombre et farouche. Le pape s'en aperçut et se rapprochant de l'homme qui voulait s'écarter il lui dit, avec une extrême bonté : Ne me fuyez pas, la bénédiction d'un vieillard n'a jamais fait de mal à personne. Cette simple parole, si touchante, avait ému l'assistance entière ; on la redisait partout, et, Son Altesse Impériale l'ayant apprise, ne put l'oublier.

A propos du séjour de Pie VII, à Paris, Madame demanda, un jour, à l'empereur, ce qu'avait été un ancêtre de la famille, nommé Buonaventure Buonaparte, dont le pape lui avait parlé. Napoléon fit à sa mère une réponse, insérée, depuis, dans l'ouvrage si intéressant, d'O'Meara[1] : Il y avait jadis, racontait Napoléon à son dévoué chirurgien de Sainte-Hélène, un Buonaventure Buonaparte qui vécut et mourut dans un cloître. Le pauvre homme reposait tranquillement dans sa tombe ; qui que ce soit ne pensait plus à lui ; on n'y pensa que lorsque je montai sur le trône de France. Alors, on découvrit qu'il possédait de nombreuses vertus, que personne ne lui avait jamais attribuées auparavant, et le pape me proposa de le faire canoniser. Saint-Père, lui répondis-je, pour l'amour de Dieu, épargnez-moi le ridicule de cela. Comme vous êtes en mon pouvoir, tout le monde dira que je vous ai forcé à faire un saint d'un des membres de ma famille.

Napoléon s'entendait mieux à distribuer aux braves de sa garde impériale des croix de la Légion d'honneur. La cérémonie militaire avait lieu, le 16 janvier, dans la cour des Tuileries, et ce fut là une fête à laquelle Madame Mère voulut assister.

Elle avait quitté, de retour à Paris, l'hôtel Montfermeil où demeurait son frère le cardinal rue du Mont-Blanc, pour établir sa résidence rue Saint-Dominique, à l'hôtel de Brienne, acheté par elle à Lucien et devenu plus tard l'hôtel du Ministre de la guerre.

Après le second mariage du prince de Canino que son frère si puissant persistait à lui faire rompre, le premier mariage du prince Jérôme fut soumis sans obstacle à pareille épreuve. Jérôme lui-même en fait loyalement le récit dans ses Mémoires[2]. Les détails déjà donnés se résument en peu de mots, par l'intervention obligée de Madame Mère.

Son plus jeune fils, encore mineur et aspirant de marine, naviguait sur l'Océan, dans l'Amérique du Nord, et avait été accueilli avec distinction par la famille d'un négociant de Baltimore, nommé Paterson. Il s'était épris de la fille de ce négociant et l'avait épousée, sans l'autorisation légale ou maternelle. Or, la loi appliquée à une telle situation était formelle : Le code civil interdit à tout Français, âgé de moins de vingt-cinq ans, de se marier, sans l'autorisation de ses père et mère. Jérôme Bonaparte, placé dans cette situation, n'avait pas le consentement de sa mère, pour épouser mademoiselle Élisabeth Paterson ; donc, ce mariage, célébré sur le territoire américain, devenait nul, en France, devant la loi. C'était assez pour provoquer une opposition légale et la plus légitime. Cette opposition fut ordonnée par Sa Majesté l'empereur et approuvée par Son Altesse Impériale Madame Mère, qui, dès le mois de mai 1804, avait appris le mariage illégal du plus jeune de ses fils.

Suit l'acte d'annulation de ce mariage, reproduit en entier dans les Mémoires de Jérôme, Son Altesse Impériale y figure avec toute autorité maternelle. En agissant ainsi, elle avait la conscience d'un devoir à remplir, et non point le regret d'un acte de soumission à signer, pour satisfaire les vues dynastiques de l'empereur. Personne n'a pu croire qu'il en fût autrement, de la part de l'excellente mère, dont la loyauté restait intacte. Elle n'avait pas hésité à faire son devoir, à l'égard du jeune fils qu'elle aimait tendrement. Elle pressentait qu'un jour le prince Jérôme reconnaîtrait combien sa mère avait eu raison d'assurer dans le présent le bonheur de son avenir.

L'empereur, qui comprenait tout et n'oubliait rien, ne tarda pas à en donner de nouvelles preuves. Il ordonna, peu de jours après, de réparer les deux Trianon, à Versailles, pour offrir le Grand-Trianon à la signora Letizia, en réservant le Petit-Trianon à Pauline, afin de rapprocher sa mère et sa sœur, dans ces deux résidences d'été.

Bientôt après, la promulgation d'un statut constitutionnel déclara Sa Majesté l'empereur Napoléon, roi d'Italie. Cette seconde couronne décernée à la gloire fut acclamée par l'armée, tandis que la famille du souverain pouvait y trouver un lien de plus entre elle et la famille de l'impératrice. Telle n'était pas l'espérance de Madame Mère, ne croyant point à la durée de cette union apparente.

L'empereur allait quitter Paris, pour être couronné à Milan, roi d'Italie, et il se disposerait ensuite à décerner la vice-royauté au prince Eugène, qui lui inspirait une affection paternelle. Que n'a-t-il fait de lui son fils adoptif, selon son premier projet ? Les destinées de la France eussent été, peut être, mieux assurées. Tel paraissait être le vœu de Madame Mère, si aucun de ses fils ou petits-fils, ne pouvait, pour des motifs différents, devenir l'héritier présomptif de Napoléon et assurer sa dynastie.

Le cérémonial du baptême de Napoléon-Louis, le premier-né de la reine Hortense, fut célébré avec pompe, à Saint-Cloud, par le Saint-Père le pape, à la veille de son départ pour Rome. Le parrain était l'empereur et la marraine Madame Mère, représentée par la princesse Joseph Bonaparte.

Pendant ce temps, Lucien éloigné, attendait des nouvelles : Arrivé à Pesaro, dit-il[3], j'appris bientôt le départ de l'empereur pour Milan, et je reçus, à la fois, des lettres de maman, du prince Joseph et du cardinal Fesch, qui m'annonçaient toutes que l'empereur était pour moi dans les meilleures dispositions, et qui m'engageaient à me rendre à Milan, où j'arrangerais moi-même mes affaires d'une manière convenable.

Lucien allait suivre ces sages conseils, lorsqu'une lettre insinuante de Talleyrand, au nom du souverain, l'arrêta court dans son élan. Rien n'était changé. Joseph lui en donne la preuve certaine. Après ces mots : Maman seule te mettra au courant des arrangements et petits intérêts domestiques que j'ai pris, etc., il lui annonce que l'empereur le verra avec plaisir, à Milan, et qu'il était disposé à faire pour lui tout ce qui était compatible avec sa résolution de ne jamais reconnaître son mariage. Lucien suspendit son départ et reçut de Madame Mère la lettre suivante[4] :

Paris, 17 germinal an XIII (17 avril 1804).

Mon cher fils,

Par ta lettre du 1er mars, j'ai appris avec peine que tu es toujours tourmenté par la fièvre. Je continue à me porter mieux, depuis quelque temps.

Tu as été informé du succès de ta lettre à l'empereur. La veille de son départ, nous nous sommes entretenus sur ton compte, et j'ai été extrêmement contente de toutes les bonnes dispositions qu'il m'a manifestées à ton égard. Cet espoir d'un prochain rapprochement entre mes enfants verse le baume de la consolation dans mon âme. Tu sais que je n'aurai de paix tant que je ne serai parvenue à l'obtenir ; mais pour cela, j'ai besoin de votre concours. Tu m'as toujours donné des preuves de déférence, c'est le cas de me donner la plus grande de toutes. Campi doit t'écrire ce qu'il convient de faire. Suis ce qu'il te dit. C'est ta mère qui t'en prie. Ce n'est pas tout que d'avoir commencé, il faut achever l'ouvrage. Profite du moment favorable ; ne laisse pas échapper cette belle occasion de te réunir avec ton frère, de faire ton bonheur, celui de ta famille et le mien. Si tu la négligeais, j'aurais tout à craindre que ce ne fût la dernière qui se présente, et je serais condamnée à traîner mes jours dans la tristesse ; mais je me flatte du contraire, et dans cet espoir consolant de recevoir bientôt la nouvelle que tu as embrassé l'empereur, je t'embrasse bien de cœur avec toute ta famille.

Ton affectionnée mère.

Lucien écrit, en même temps, de Pesaro, à Sa Majesté l'Empereur et Roi, pour le remercier de ses dispositions bienveillantes, et lui dit[5] :

... Je ne dois pas cacher à Votre Majesté, que, jusqu'à ce jour, je n'avais pas cessé d'espérer qu'elle finirait par me rendre ses bonnes grâces, ainsi qu'à ma femme et à mes enfants. Tant de prospérités croissantes, et le retour de notre mère à Paris, avaient, dans ces derniers mois, redoublé mon espérance. La lettre que je reçois du prince Joseph détruit cette illusion.

Lucien déplore le refus de l'empereur et sa persistance à vouloir la nullité de son mariage, à laquelle lui ne consentira jamais. Il termine sa lettre en ces termes :

... Je respecte le voile qui couvre les actions de l'empereur, et puisque d'un côté, la raison d'État, et mon honneur, de l'autre, se réunissent pour me repousser de toute fonction publique, j'en arrache de mon cœur la dernière espérance, et j'embrasse entièrement la vie privée que le sort m'a réservée.

Comment Madame Mère n'aurait-elle pas admiré ce caractère ferme de dévouement conjugal, elle qui avait pratiqué, avec tant de vertu, ses devoirs d'épouse et de mère ?

Le chagrin prolongé que lui causait la situation de Lucien, vis-à-vis de Napoléon tout-puissant, ne pouvait lui faire espérer aucun soulagement aux angoisses de son cœur. Cependant l'empereur voulut faire une diversion à la douleur intime de sa mère, en lui donnant le prestige d'une maison digne de son rang, mais au-dessus de ses goûts modestes. La maison de Son Altesse, instituée, en 1805, par un décret spécial, agrandie ou complétée en 1806, fut modifiée, en partie, les années suivantes, selon les places devenues successivement vacantes.

L'ensemble du personnel attaché à la maison de Son Altesse Impériale se trouva réparti de la manière suivante :

Un aumônier : l'évêque de Verceil, monseigneur de Canaviry ;

Deux chapelains : les abbés Dandelarre et Lecoq ;

Premier médecin : le docteur baron Corvisart ;

Médecins et chirurgiens ordinaires : les docteurs Bourdier, Héreau, Bacher (Désormeaux) ;

Une dame d'honneur : la baronne de Fontanges ;

Dames de compagnie : mesdames les maréchales Davout, Soult, dames honoraires ; — mesdames de Saint-Pern, de Fleuriot, Junot (duchesse d'Abrantès), devenues dames honoraires ; — de Laborde-Mériville, de Bressieux, d'Esterno (de La Valette), de Saint-Sauveur, de Rochefort d'Ailly (Dupuy, dame suppléante).

Une dame lectrice : mademoiselle de Launay ;

Un premier chambellan : comte de Cossé-Brissac ;

Deux chambellans ordinaires : Ferdinand de La Ville, baron d'Esterno ;

Premier écuyer : général comte de Beaumont (général Destrées) ;

Écuyers : baron de Quelen, d'Arlincourt ;

Secrétaire des commandements : le baron de Guien, remplacé par le duc Decazes ;

Intendant : M. de Robier ;

Notaire : Maître Tarbé.

Plusieurs de ces personnages étaient déjà titrés ; d'autres ne le furent que plus tard...

Le personnel de la maison de Madame Mère, bien connu de madame d'Abrantès, a été, de sa part, le sujet d'observations intéressantes, mais prolixes. Elle raconte, par exemple[6], les particularités de sa nomination de dame de compagnie de Son Altesse Impériale, le bienveillant accueil et les bontés de Madame, qui a vraiment, dit-elle, un cœur de reine. Elle fait le récit détaillé de sa présentation par la dame d'honneur, la baronne de Fontanges. Elle dit de madame de Bressieux, née du Colombier, remplaçant madame de Saint-Pern : C'est une personne à aimer, aussitôt qu'on la connaît.

Madame d'Abrantès parle ailleurs de madame de La Valette, cette héroïne célèbre du dévouement conjugal. Elle cite ensuite la dernière inscrite des dames de compagnie, madame Dupuy, appelée, dans la maison : la dame surnuméraire. Elle raconte enfin que la dame lectrice, mademoiselle de Launay, attirait toutes les sympathies par son mérite et ses talents. Elle en avait un tout particulier : c'était de peindre de jolis petits portraits de Madame, qui en faisait présent à ses proches et à ses amis.

Quant aux hommes, attachés à la maison de Son Altesse Impériale, l'auteur des Mémoires fait une mention exceptionnelle du chambellan comte de La Ville, représentant la perfection, pour le service de Madame Mère.

Son Altesse ne tirait pas vanité de la faveur qui avait constitué sa maison, avec son personnel et ses prérogatives. Elle aurait été heureuse des alliances princières de ses enfants, si elle n'en avait été inquiétée, au lieu de s'en féliciter pour l'avenir.

Son titre personnel d'Altesse Impériale n'exaltait pas davantage son imagination, et malgré l'ère napoléonienne des victoires et conquêtes de la France, malgré l'éclat des fêtes et l'entraînement des plaisirs de la cour, Madame restait, sans faillir et sans faiblir, ce qu'elle n'avait cessé d'être, la plus prévoyante des mères de famille.

Cette mère auguste de l'empereur et de plusieurs rois ou reines, princes ou princesses, aurait pu en être heureuse et fière, bien plus que de la noblesse de son origine et des alliances de sa famille, si elle n'avait préféré à tous les honneurs personnels, la simplicité de sa vie, le bonheur de ses enfants, la gloire de son fils et la grandeur de la France espérée par la paix avec l'Europe.

Ce ne fut pas tout pour elle : L'empereur eut l'heureuse pensée de conférer à Son Altesse Impériale le titre officiel de Protectrice générale des établissements de bienfaisance et de charité de l'Empire. Elle accepta cette haute mission avec confiance, et s'en montra doublement digne, par l'expérience des misères à soulager et par les moyens d'y parvenir. Ses principes d'économie, souvent mal jugés, même par les siens, s'appliquaient toujours, à part ses enfants, aux malheureux qu'elle secourait d'une façon pratique, bien comprise et bien distribuée.

Elle donna beaucoup aux fondations charitables, dont elle avait la haute direction. Elle en forma un ministère complet dont sa maison lui fournissait le personnel et distribuait les moyens. Les hauts fonctionnaires de l'État et ceux du clergé lui faisaient connaître, par des rapports précis, les misères les plus dignes d'être secourues.

La somme annuelle prélevée sur la liste civile de l'empereur, pour la distribution des secours dirigée par Madame Mère, était, au début, assez minime. Elle s'accrut, peu à peu, selon les besoins. L'appréciation des demandes soumises régulièrement à l'examen de Son Altesse Impériale, était modifiée ou maintenue, suivant sa décision, d'après les titres reconnus par un conseil supérieur. Les secours ordonnancés étaient distribués, sans retard, suivant la répartition prescrite par celle que le public appelait l'Impératrice Mère, quoique Madame n'en eût pas le titre officiel. La somme totale des subsides à distribuer, chaque année, augmenta peu à peu, jusqu'à une centaine de mille francs.

Le principal dispensateur fut, dans les premiers temps, le cardinal Fesch ; mais bientôt l'empereur préféra donner à cette tâche, auprès de sa mère et auprès de lui, un caractère d'autorité plus directe, en assurant plus de valeur à la charité elle-même. C'est pourquoi il confia cette répartition des secours, au grand maréchal du palais, le général Duroc, en relations constantes avec lui et si digne d'une telle mission, à tous les titres. Madame en jugea les motifs légitimes, en reconnaissant que son frère ne pouvait plus être chargé de cette tâche difficile.

L'auteur (anonyme) d'un ouvrage ayant pour titre l'Empire[7] rapporte ce qui suit dans l'une de ses lettres adressée à un personnage de l'époque :

... Madame Mère, que ses grandes qualités rendent si respectable, fait de nombreuses aumônes ; elle a demandé à son fils d'être à la tête de tous les établissements de bienfaisance ; elle s'en est formé un ministère réel, qu'elle dirige activement et par elle-même ; M. de Brissac peut donner, à cet égard, des renseignements irrécusables. Il n'y a là ni faste inconvenant, ni parcimonie sordide ; mais comme, en France, nous sommes accoutumés à voir les femmes d'un haut rang jeter l'argent par la fenêtre, la réserve de Madame Mère étonne ; on prétend qu'elle penche vers l'avarice ; c'est faux, ne croyez aucun des contes que l'on débite là-dessus ; il n'y a pas un mot de vrai. — Mais si on vous dit qu'elle emploie à faire du bien son influence sur son fils, qu'elle sollicite pour les prisonniers, tenez cela pour exact.

Un autre fait en fournira une dernière preuve[8].

Le couvent des dames de la Croix, rue de Charonne, fut donné aux sœurs hospitalières de Saint-Vincent-de-Paul, pour en faire le chef-lieu de leur institution. Madame, mère de l'empereur, sous la protection de laquelle étaient tous les établissements de charité, en avait fait la demande.

Les trois lettres suivantes, de cette époque, m'ont été confiées par le duc Decazes, fils du secrétaire des commandements de Madame Mère[9] :

Le conseiller d'État, grand officier de la Légion d'honneur, intendant général de la maison de l'empereur, à M. Guien, secrétaire des commandements de S. A. I. Madame, mère de S. M. l'empereur.

Paris, le 22 floréal an XIII (12 mai).

J'ai attendu, monsieur, pour répondre à la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, de la part de S. A. I. Madame, d'avoir pu savoir de M. Trepsat, l'architecte de l'empereur, qui était absent de Paris, et de M. Calmelet, l'administrateur du mobilier des palais impériaux, dans quel temps la portion du Grand-Trianon que S. M. l'empereur a destinée à Son Altesse Impériale pourra être occupée.

Pour répondre aux vues de Son Altesse Impériale, je m'empresse d'adresser à Sa Majesté la lettre qui contient les observations de Madame, et j'aurai l'honneur de lui porter la réponse, aussitôt qu'elle me sera parvenue.

Recevez, etc.

FLEURIEU.

 

Le ministre des cultes, grand officier de la Légion d'honneur, à S. A. I. Madame, mère de S. M. l'empereur.

Paris, le 23 floréal an XIII (13 mai).

(Rép. le 20 prairial an XIII.)

Madame,

En m'accusant réception du décret impérial par lequel Votre Altesse Impériale est nommée Protectrice des sœurs de la Charité et autres dames hospitalières, dans toute l'étendue de l'empire, MM. les préfets m'expriment la vive satisfaction que ces dames ont éprouvée, en apprenant qu'elles étaient sous la protection spéciale de Votre Altesse.

Parmi les réponses de ces fonctionnaires, j'ai distingué celle de M. le préfet du département de la Drôme, dont je me fais un devoir de mettre la copie sous vos yeux. Elle fournit des renseignements utiles, dont Votre Altesse pourra faire usage, pour la prospérité d'un établissement si utile à l'humanité. Elle y verra de plus les bons sentiments qui animent ce préfet.

Je prie Votre Altesse d'agréer, etc.

(Signature illisible.)

Le conseiller d'État, intendant de la maison de l'empereur, à M. Guien, secrétaire des commandements de S. A. 1. Madame Mère.

Paris, le 21 prairial an XIII (10 juin).

L'empereur me fait l'honneur, monsieur, de me mander qu'il renvoie à S. A. I. Madame, relativement au désir qu'elle avait témoigné de substituer le deuxième pavillon à l'aile dite du Dauphin, qui a été destinée pour son appartement et le logement des personnes de sa maison. Sa Majesté n'a pas jugé à propos de changer les premières dispositions qu'elle avait ordonnées ; et elle m'annonce, en même temps, qu'elle s'est réservé, pour elle-même, la partie du palais qui n'a point été réparée ni meublée, pour Madame.

L'empereur ajoute que si Madame veut avoir quelques lits de plus, pour des personnes de sa maison, on fera disposer des chambres dans le bâtiment qu'a fait bâtir Louis XV. Je vous prie, monsieur, de vouloir bien prendre les ordres de Son Altesse Impériale sur le nombre de lits qu'elle voudrait qui fussent ajoutés ; on ne perdra pas un moment pour y pourvoir.

Recevez, etc.

FLEURIEU.

Ici reparaît la question si douloureuse pour Lucien de son mariage indissoluble[10].

Le cardinal Fesch, croyant se faire, à la fois, l'interprète des volontés de l'empereur et des sentiments de Madame Mère absente, qu'il ne pouvait pas ainsi consulter, écrit à Lucien une lettre datée de Milan (25 mai), fort longue et inutile à reproduire. Il fait suivre cette épitre d'une seconde aussi regrettable, du 28 mai, pour persuader à son neveu l'annulation du mariage contracté par lui avec madame Jouberthon, veuve, écrivait-il, d'un banqueroutier. Un pareil langage était fait pour exaspérer le malheureux époux, en irritant l'empereur et en affligeant leur mère, au delà de toute expression.

Le cardinal, si bien intentionné, terminait sa seconde lettre, dans les ternies suivants :

... Pesez tout, mon cher Lucien. Votre mère, pourquoi n'est-elle pas ici ? Elle vous entraînerait, sans doute, à prendre un parti consolant pour elle et avantageux pour vous, pour votre famille, pour celle à qui vous sacrifiez le sort de vos enfants, votre gloire et la tranquillité de votre famille. Le moment est péremptoire, expédiez-moi le courrier. Pourquoi ne me porteriez-vous pas la réponse ? Pourquoi ne vous jetteriez-vous pas dans les bras de votre frère ?

Je vous embrasse cordialement.

Votre très affectionné oncle,

Le cardinal FESCH.

Ces deux lettres si regrettables, de la part du cardinal Fesch, sont suivies d'une sorte de réquisitoire formulé par M. de Talleyrand, alors ministre des affaires étrangères. Celui-ci, dans sa malencontreuse élaboration, affecte d'appeler le prince de Canino, Monsieur Lucien, et sa femme légitime madame Jouberthon, en qualifiant ses deux enfants (Charlotte et Letizia) d'enfants naturels. Quant à Madame Mère, qui tenait un tout autre langage, elle n'était pas même citée dans cet acte sans nom. Un pareil outrage souleva, à la fois, l'indignation de Lucien, la colère de l'empereur et le dédain de Madame Mère. Le prince de Canino, après une réponse accentuée à M. de Talleyrand, après une première et une seconde lettre à l'empereur, lui en adressa une dernière, désespérant de vaincre son inflexible volonté. Cette dernière lettre du frère malheureux de Napoléon est encore écrite de Pesaro, sans date précise, sous l'invocation maternelle[11] :

Sire,

C'en est donc fait ! Vous condamnez Lucien à n'être jamais rapproché de vous, de sa mère, de sa patrie ! Votre tendresse m'abandonne entièrement ! Est-il possible que la politique ait irrévocablement dicté un tel intérêt ! Non, je ne puis croire que votre puissance ne trouve pas le moyen d'assurer l'exhérédation absolue de ma race, sans me vouer à la malédiction et à la proscription ! Non, je ne le crois pas.

Au nom de notre mère, ne prononcez pas un arrêt que je ne mérite point et qui me séparera de ma patrie et de ma famille.

LUCIEN.

L'empereur se montra malheureusement inflexible et la raison d'État prévalut plus forte que jamais, en laissant au cardinal et non à Madame Mère le soin de répondre à Lucien. C'est incompréhensible.

Changeant de langage ou d'opinion, le cardinal, mieux inspiré, cette fois, adresse, de Rome, à l'empereur, une dernière lettre, qui semble avoir été dictée par Madame Mère. Elle n'y est pas citée ; mais cette lettre est toute sa pensée pour Lucien, disgracié à cause de son mariage, et préférant l'exil à l'abandon de sa femme et de ses enfants. Sa mère l'aime en proportion de son malheur.

Madame avait écrit au cardinal, le même jour, 8 juin, pour lui exprimer le peu d'espérance qu'elle conservait d'un rapprochement entre l'empereur et son frère le prince Lucien. La lettre est signée :

Vostra affetta Sorellla.

C'en est fait : Lucien perd tout espoir de revenir jamais en France et il dit enfin : Si l'idée de l'extrême douleur de ma mère, en me sachant parti, ne m'avait retenu en Europe, je me serais embarqué, tout de suite, pour l'Amérique, que j'avais déjà entrevue, comme mon asile unique. La raison le décida à attendre, en Italie, les événements.

Napoléon voyait rarement sa mère à la cour et trop peu dans l'intimité ; il lui écrivait parfois, en campagne, quoique sa Correspondance ne reproduise à peu près qu'une seule lettre de son souvenir filial[12]. Mais en toute occasion, il témoignait, à son égard, une grande déférence et n'attendit pas, comme on a pu le croire, le temps de l'adversité, pour lui donner des preuves de son attachement. Cette année 1805 en offre plus d'un témoignage public, comme si Napoléon eût voulu reconquérir cette tendresse maternelle que l'on croyait amoindrie, par les dissentiments survenus entre la mère et le maître de la famille.

L'empereur, connaissant les goûts de sa mère, fit pour elle l'acquisition du château de Pont-sur-Seine, afin de la rapprocher de Paris et de quelques-uns des siens, dans la belle saison. Il l'écartait ainsi de la foule, du bruit et des réceptions officielles, en la préservant des solliciteurs, des importuns et des bavards qu'elle fuyait, sans les comprendre. Le domaine de Pont, situé dans le département de l'Aube, au milieu d'un joli paysage, sur les bords de la Seine, se trouve entre Provins et Troyes, près de Brienne, dont Napoléon gardait le souvenir. Ce nom de Brienne était aussi celui d'une grande dame du voisinage, possédant un magnifique château, auprès de la résidence plus simple, plus modeste, destinée à Madame Mère.

Ce fut vers la fin du voyage de l'empereur en Italie, avec l'impératrice, que voulant donner à sa mère un nouveau témoignage de son souvenir, il lui adressa, de Bologne, le 24 juin, la lettre suivante[13] :

Madame, j'ai acheté, pour vous, le château de Pont. Envoyez votre intendant le voir et en prendre possession. Mon intention est d'accorder soixante mille francs pour le meubler.

Vous avez là une des plus belles campagnes de France, où je crois que vous avez été, il y a dix ans. C'est beaucoup plus beau que Brienne. Je désire que vous voyiez dans ce que j'ai fait, une nouvelle preuve de mon désir de vous être agréable.

Votre bien affectionné fils,

NAPOLÉON.

Madame répond sans retard à l'empereur, pour le remercier[14] :

Paris, 13 messidor an XIII (2 juillet 1805).

Sire,

L'extrême faiblesse que j'éprouve, après une maladie assez sérieuse, ne me permet pas d'écrire moi-même à Votre Majesté, comme je le désirais ; mais je ne veux pas différer de lui exprimer ma reconnaissance de l'acquisition qu'elle a faite pour moi. Je me sers de la main du secrétaire de mes commandements, pour mander à Votre Majesté que j'accepte son présent ; que je la remercie surtout des formes obligeantes qui l'accompagnent. Sous ce rapport, Sire, ce témoignage de votre affection me touche infiniment : car vous savez que votre cœur est mon domaine le plus précieux. A la réception de votre lettre, j'ai fait partir mon intendant. — J'attends les détails qu'il me donnera, pour me décider sur ce que je ferai. Je n'hésiterai pas à aller habiter cette propriété, si cela est possible.

La considération seule de votre retour pourra m'arrêter à Paris. — J'espère que la somme destinée aux réparations et à l'ameublement sera suffisante. Tout sera fait d'après les vues de Votre Majesté. J'aurai soin d'ailleurs de lui faire rendre compte de tout.

Soyez sans inquiétude sur ma santé. Les symptômes de ma maladie ont été d'abord alarmants ; mais les soins de Corvisart et de mes autres médecins les ont promptement écartés. L'exercice et l'air de la campagne achèveront de me rétablir. Je n'ai pu me rendre à Trianon, les dispositions d'ameublement n'étant pas achevées.

Je n'ai pas besoin de vous réitérer, Sire, l'assurance d'une affection qui a commencé avec l'existence de Votre Majesté et qui ne finira qu'avec la mienne.

Votre affectionnée mère,

Madame adresse à son frère le cardinal, la lettre suivante, dictée, en italien, à un secrétaire, et facile à comprendre. Les derniers mois de tendresse sont de la main de Madame[15].

Parigi, le 28 julio.

Carissimo fratello,

Abbiamo fatto uno assai felice viaggio, e senza il menomo accidente, arrivamono domenico a Pont, verso le due ora dopo mezzo giorno ; eieri siamo arrivati qui frate cinque e le sei. Io travato Paoletta arrivata dopo due giorni. Essa ê sempre colla febre e molto debile, dopo un si longo viaggio. Carolina era pur arrivata, dopo cinque a sei giorni. Essa sta bene egualmente che i suoi figli.

Non vi à niente di positivo sull' epoca del ritorno dell' imperatore ; ma io penso che farete bene di non tratticervi longamente à Lione e di ritornarvene quanto prima potete. Io delle ragione particulari per consigliar velo.

Addio, carissimo fratello, vi abbracio di cuore. Addio, caro fratello.

Sono la vostra affma sorella.

Tandis que Madame Mère faisait exécuter à Pont les travaux nécessaires à cette résidence, elle suivait les soins prescrits par ses médecins pour le rétablissement de sa santé.

Puis elle invita quelques personnes de sa famille et de sa maison, à venir inaugurer le séjour de sa campagne. Son frère le cardinal devait s'y rendre des premiers. Les habitués, après lui, étaient le comte et la comtesse de Brissac, M. de La Ville, sénateur, et quelques invités de passage ou des environs, tels que le duc de Gaëte, fort simple dans ses goûts.

Parmi les habitués moins connus figurait M. ou l'ex-citoyen Campi, républicain modèle, parmi les plus honnêtes, probe, tolérant, généreux et par-dessus tout entièrement désintéressé. La malveillance n'avait aucune prise sur lui, tant il était estimé de tous les partis. C'est dire combien Madame Mère avait d'estime pour M. Campi et pour ses qualités rares.

Son Altesse Impériale avait auprès d'elle, à titre de dame de service, madame Junot, qui lui était fort attachée, mais ne semblait pas, dans les premiers temps, se plaire beaucoup au château de Pont. Elle a raconté dans ses Mémoires[16], l'impression gardée par elle de cette résidence assez sévère, en distribuant à chacun ses remarques personnelles.

Elle narre, par exemple, assez longuement, l'arrivée d'un improvisateur italien, et ce récit peut se réduire à quelques mots : ledit improvisateur appelé à Pont, afin de distraire Madame et ses invités, se nommait Gianni ; il était d'une extrême laideur, fortement bossu et il excitait la curiosité des dames, sur le porte-bonheur attribué au contact de sa difformité, pour ne pas dire de sa bosse.

Prenez garde à vous, madame Junot, dit Son Altesse à sa jeune dame de compagnie, en lui demandant, tout bas : Etes-vous enceinte ? et sur sa réponse négative, elle ajouta : C'est qu'alors il faudrait prendre garde, car vous allez voir une espèce de monstre. C'était en effet un double bossu, bossu par devant, bossu par derrière, et le reste du rachitisme le plus complet, n'inspirant aux assistants superstitieux aucun désir de se frotter à lui, pour la chance du bonheur.

Quant au programme, il se transforma en une promenade à âne, proposée par l'improvisateur. Il conduisit les invités au Paraclet, en annonçant un spécimen de son talent sur Héloïse et Abélard. Mais arrivé là il resta court. et muet, tandis qu'en route, il trouva un pauvre quatrain sur madame Laure Junot, jetée à bas de sa monture indocile. Elle était assez fort contusionnée, pour avoir besoin de revenir à Pont, dans la calèche de Madame Mère, suivant la troupe joyeuse. Ce fut là toute l'improvisation.

Quelques jours après cette singulière promenade, à Pont, madame Junot, relevée de sa chute, assistait à une réception des Tuileries. L'empereur, en la revoyant, lui dit avec gaîté : Eh bien ! madame la gouverneuse (Junot était alors gouverneur de Paris) vous vous laissez donc tomber du haut d'un âne ? Cette simple apostrophe montre que l'empereur savait tout ce qui se passait chez sa mère, jusqu'aux minimes incidents d'un impromptu manqué.

Madame avait établi à Pont la règle absolue de ne point parler politique. Était-ce un engagement de sa part, ou bien une inspiration de sa prudence, pour complaire à son fils ? Cette supposition est plausible.

 L'empereur se montrait du reste assez sévère sur ce chapitre, dans son entourage et dans l'intimité ; il n'aimait pas que l'on parlât politique, soit par flatterie, en faveur de ses idées, soit par maladresse ou à l'encontre, et il eut parfois l'occasion de le rappeler aux dames de sa famille. C'était tantôt à l'Élysée, chez Caroline Murat, tantôt, l'été, au Petit-Trianon, résidence de la princesse Borghèse, ou bien à la Malmaison, chez l'impératrice Joséphine.

Il n'en était pas de même, d'après Méneval[17], à Pont, chez Madame Mère et dans son hôtel de Paris. Madame Letizia, disait l'empereur, est une bourgeoise de la rue Saint-Denis. Qu'entendait-il par là ? En disant de sa mère qu'elle était une bourgeoise de la rue Saint-Denis, il faisait l'éloge de son silence ou de sa réserve sur la politique, et lui savait gré de maintenir autour d'elle l'esprit de famille, qui s'émancipait ailleurs.

Madame Mère n'était pas femme à changer de caractère et d'habitudes, en changeant de fortune. On lui proposait, un jour, de faire construire à sa maison de campagne, une serre de 30000 francs. Je ne suis pas en état, dit-elle, de donner, pour une telle destination, une somme aussi forte ! — Son interlocuteur ajouta : Pour vous, Madame, cela serait peu de chose. Mais elle ne fut point sûre de l'opportunité d'une telle dépense, pour cultiver des fleurs et ne voulut point la faire, en répétant le mot qu'elle disait parfois : Je suis obligée de coumouler à présent pour l'avenir. Cet avenir-là n'était pas éloigné, car elle employa bientôt ladite somme en œuvres de charité.

Tant que Madame Mère eut à tenir une cour, ce fut sans aucun faste et jamais elle n'eut à employer son million. A ce propos, l'empereur exprima, un jour, sa volonté de voir ses parents et ses grands officiers dépenser les somptueux apanages qu'il leur avait accordés. Signora Letizia, dit-il à sa mère, il convient que vous dépensiez un million par an. — Je le veux bien, riposta Madame, à condition que vous m'en donniez deux. Elle entendait par là en économiser un, pour le réserver aux pauvres, si ses enfants n'en avaient pas besoin plus tard.

Le bien que Son Altesse Impériale savait garantir près d'elle, en s'informant des misères à soulager, et en prenant l'initiative de la charité, lui assurait, dès la première année de son séjour à Pont, la gratitude, l'admiration et le respect de toute les habitants de la contrée dont elle était la Providence.

Le docteur Agostini[18], de Corte, ancien médecin de l'armée, avait eu des relations d'amitié avec les acquéreurs du domaine de Pont. Il avait recueilli de leurs souvenirs des renseignements précis sur la réputation de charité, acquise là par Madame Mère. Les vieux du pays qui l'avaient connue, écrivait son humble compatriote, ne parlaient qu'avec émotion et les larmes aux yeux de cette sainte femme, comme ils l'appelaient. Elle méritait, disaient-ils, un tout autre sort que celui qu'elle a eu plus tard.

Dans l'entourage familier de Madame Mère et presque dans son intimité, se trouvait à Pont la vraie gouvernante Saveria, qui n'avait jamais quitté sa maîtresse depuis la Corse. Elle avait vu naître tous ses enfants et elle avait aidé la signora Madré à les élever tous, en s'attachant à chacun d'eux. On a même supposé parfois que la nourrice de Napoléon, se nommait Saveria, tandis que le nom de la nourrice était Camille Ilari, positivement.

Rappelons que l'honnête dame Saveria ne croyait pouvoir témoigner mieux son dévouement absolu à sa maîtresse, qu'en exagérant sa vertu d'économie domestique jusqu'à la transformer en avarice vraie. Les gens mal informés ou malintentionnés interprétaient les faits regrettables contre la maîtresse, sans désigner ni sans connaître la suivante, seule répréhensible. Les familiers de la maison, quoique mieux renseignés, laissaient faire ou laissaient dire ; et les commérages atteignaient injustement l'irréprochable Mère. Sa dame de compagnie en cite des exemples[19], et ajoute qu'elle savait une foule d'anecdotes démontrant combien Madame était innocente des actes d'avarice imputables aux excès de parcimonie de la gouvernante Saveria.

Mieux vaut rappeler un fait d'un tout autre genre à la louange de la fidèle servante corse. Saveria, disait madame d'Abrantès[20], était curieuse à entendre sur la famille Bonaparte qu'elle avait élevée, dont elle connaissait l'intérieur, et dont chaque membre occupait un trône... J'aimais fort à causer avec elle, lorsque j'allais à Pont-sur-Seine, faire mon service.

... C'était une femme extraordinaire. Je n'oublierai jamais l'expression de sensibilité sauvage qui l'anima, un jour à Pont. J'étais dans une vieille galerie abandonnée, où se trouvait une épinette, sur laquelle mademoiselle de Launay et moi nous nous amusions, pour tromper le temps. Un jour, je chantais à demi-voix, tandis que Madame faisait son reversi, et dans cette maison où tout me rappelait la Corse, bien plus que chez moi, il me revint en mémoire une chanson de chevrier, un chant montagnard, que ma mère m'avait appris... Je le chantais doucement... Saveria m'entendit ; sa chambre n'était pas éloignée ; elle s'approcha doucement de moi, tandis que j'étais au piano ; puis j'entendis des sons étouffés, des sanglots. C'était Saveria qui, elle, voulait aussi chanter et que les larmes de la patrie suffoquaient, en l'empêchant de parler... Elle me fit une impression vive.

... Madame faisait son reversi raconte madame d'Abrantès, dans l'anecdote précédente. Le reversi est, dit-on, un jeu à quatre, dans lequel le gagnant fait le moins de levées, en même temps que la carte principale, appelée le quinola, est le valet de cœur. Il suffira de citer un souvenir de Lucien sur ce jeu préféré à tous les autres par Madame Mère[21] : Aimer le jeu de reversi me semble un véritable goût de famille que nous devons tenir de notre mère, qui le préfère à tant d'autres et le joue en perfection, calculant et connaissant toutes les cartes. Je me souviens que notre fameux Pascal Paoli, qui aimait et jouait aussi bien que notre mère, par laquelle il était pourtant battu, disait souvent, pour se consoler de ses défaites, que la signora Letizia aveva codetto quiocco nel sangue : La signora Letizia avait ce jeu dans le sang.

Ajoutons qu'à la campagne, en jouant son jeu favori, elle aimait assez à entendre un peu de musique, chantée sans éclat d'une voix douce, plus habituée aux tendres accents de la mélodie qu'aux bruyantes vibrations de l'harmonie.

La lecture à haute voix était, pour Madame Mère, la plus agréable des distractions sérieuses, pendant les soirées de la belle saison, dans le vaste et sévère château de Pont. Sa lectrice en titre fut d'abord mademoiselle de Launay, douée de ce talent assez rare de lire, dans la mesure voulue et selon les nuances du sujet, sans rechercher les effets et sans forcer la voix. Elle lisait suivant le goût de Son Altesse Impériale qui ne se lassait pas de l'écouter, à ce point qu'elle ne put se passer d'une lectrice attitrée. Mademoiselle de Launay obligée, en se mariant, de quitter cette position, fut remplacée par madame de Chantereine. Toutes deux étaient bien connues de madame d'Abrantès qui appréciait davantage mademoiselle de Launay, eu égard à la conformité de leur attachement pour Madame Mère.

L'empereur, dans son voyage d'Italie avec l'impératrice Joséphine, avait reçu de nouvelles offrandes de généalogie. Il s'en montra encore moins flatté que de l'origine personnelle de son nom et de ses premières victoires. Voulant enfin mettre un terme à toutes ces adulations, il fit insérer, dans le Moniteur, la note suivante approuvée, sinon dictée par lui[22] : A tous ceux qui demanderaient de quel temps date la maison de Bonaparte, la réponse est très facile : Elle date du 18 Brumaire : Soldat, magistrat et souverain, l'empereur doit tout à son épée et à son amour du peuple. Madame Mère joignit son entière approbation à ce fier langage.

La Corse, au commencement du XVIIIe siècle, avait voué sa couronne à la Vierge inspirant un culte fidèle à la signora Maria Letizia Bonaparte. Elle institua sa fête, le jour de l'Assomption, consacré déjà de même à l'anniversaire de la naissance de son fils. Napoléon voulut, dès son avènement à l'empire, que sa fête fûr célébrée ce jour-là. Ce double anniversaire, datant de 1805, devint, l'année suivante, la fête de famille, à laquelle n'aurait manqué aucun de ses membres, à moins d'absence forcée. Madame Mère y tenait beaucoup, parce que c'était l'occasion la plus certaine de voir ses enfants réunis auprès d'elle.

Napoléon n'oublia pas non plus ce jour-là, fût-ce dans la vie des camps ou en campagne, et il commença, en 1805, par le camp de Boulogne, où il reçut, pour sa fête, l'état-major de l'armée. Il aimait que l'on s'en souvînt, dans les temps heureux ou malheureux et tenait quelques faveurs ou bienfaits en réserve pour la date du 15 août. Madame Mère fit comme lui. L'abbé Jauffret, l'un des aumôniers de l'empereur, écrivait au cardinal, le lendemain de cette fête[23] :

... La veille de l'Assomption a été célébrée chez Madame, votre sœur. Toute sa maison lui a présenté des bouquets ou des vases de fleurs, les sœurs de la charité lui ont envoyé des compliments ou des emblèmes. Moi, j'ai offert, devinez quoi ? Je vous le donne en mille : la bourse d'un mandarin. M. et madame Cossé-Brissac ont chanté des couplets. Le lendemain, j'ai dîné chez Madame. Vers la fin du dîner, toute la petite famille de la princesse Caroline est venue souhaiter une bonne fête à la bonne maman.

Lettre de Madame Mère, avec la suscription d'une ligne autographe à son fils Lucien (2 pages in-4°)[24].

Pont-sur-Seine, 18 fructidor an XIII (5 septembre).

Madame donne des nouvelles de sa santé qui est très bonne.

L'empereur est arrivé, avant-hier, de Boulogne à la Malmaison. Elle fera passer sa lettre à Joseph.

Je reçois à l'instant, dit Madame, des nouvelles de Jérôme. L'archichancelier me mande de Gènes, qu'il revenait de délivrer de la captivité des Barbaresques 230 esclaves Liguriens, Français et Italiens.

Cette lettre de Madame Mère est suivie d'une autre à son adresse, par rang de date, seulement[25] :

A Son Altesse Impériale Madame Mère.

Préfecture de Lot-et-Garonne.

Agen, le 7 septembre.

Madame,

J'ai l'honneur d'adresser à Votre Altesse Impériale, une réclamation de M. le maire de Castillonnès, dictée dans l'intérêt de l'hospice de ce lieu. Les motifs qu'il fait valoir sont louables. L'urgente nécessité du rétablissement de cet asile de bienfaisance m'engage à solliciter, Madame, de Votre Altesse Impériale, comme Mère Tutélaire des Pauvres et Protectrice spéciale des hospices, la bienfaisance de Sa Majesté Impériale et Royale. Veuillez, Madame, exercer, dans cette circonstance, les fonctions de dispensatrice de ses bienfaits et mettre l'administration de l'hospice à môme de réaliser envers les malheureux les fonctions de générosité et de bienveillance que Sa Majesté leur prodigue en tous lieux.

J'ai l'honneur d'être avec un très profond respect, Madame,

De Votre Altesse Impériale,

Le très humble et très obéissant serviteur.

Le Préfet de Lot-et-Garonne, baron de l'empire,

C. VILLENEUVE.

Avant de quitter Saint-Cloud pour se mettre en marche vers une nouvelle conquête, Napoléon racontait à Madame Mère, inquiète de tant de renommée, une simple anecdote récente, dont Son Altesse parlait à son tour, parce qu'il s'agissait de la jeunesse de son glorieux fils.

Un jour de cette mémorable année 1805, Napoléon étant en voyage, parcourait à cheval et incognito les environs de la petite ville de Brienne, où il avait passé quatre années de sa jeunesse. Il reconnaît une chaumière où il allait souvent, avec ses camarades prendre du lait, chez la mère Marguerite. Il se dirige au galop, de ce côté, arrive devant la pauvre paysanne, dont la vue affaiblie par l'âge ne peut le reconnaître ; mais elle écoute et son oreille attentive aux paroles du visiteur, lui racontant les fredaines des élèves de l'École, rappellent à la bonne femme le plus sérieux d'entre tous. Le petit Bonaparte, disait-elle, qui n'a pas mal fait son chemin, en ajoutant : Je voudrais bien le revoir et l'entendre parler. — Vraiment, mère Marguerite, lui répondit Napoléon, avec le son de voix de son enfance, et vous lui donneriez du lait avec des œufs frais, si c'était lui qui vint vous en demander ? A ces mots, la mère Marguerite, fort émue, se prosterne aux pieds de l'empereur qui la relève avec bonté, s'assoit à sa table, mange avec un appétit d'écolier ce que la bonne vieille lui sert en tremblant. Il lui donne quelques pièces d'or, pour payer son écot, remonte à cheval, et dit adieu à la mère Marguerite, qui priera pour lui. Madame Mère se plaisait au récit de ce touchant souvenir.

Dans une courte lettre, de la fin d'octobre[26], adressée par le prince Joseph à l'empereur, il lui dit simplement :

Jérôme part après-demain, pour prendre congé de ma mère, et, dans la semaine, pour Brest. Il est plein d'ardeur et de bonne volonté.

Cette lettre assez brève figure avec d'autres dans la correspondance du roi Joseph, parlant à l'empereur de divers personnes de la famille.

Napoléon était parti pour une nouvelle campagne contre deux grandes puissances coalisées, la Russie et l'Autriche. Il allait couronner cette mémorable expédition par l'éclatante victoire d'Austerlitz, dite la journée des trois Empereurs.

S. A. I. Madame Mère attendait, chaque jour, des nouvelles qui n'arrivaient pas assez vite, au gré de ses vœux, lorsqu'elle reçut une importante lettre d'Augsbourg, où la garde impériale était entrée la veille, 30 vendémiaire : les quatre-vingts premiers grenadiers portant chacun un drapeau pris à l'ennemi. Cette lettre était du jeune de Beaumont, parent du général, premier écuyer de Son Altesse Impériale, qui avait recommandé à Murat ce jeune officier. Voici sa lettre[27] :

Augsbourg, le 1 brumaire an XIV (23 octobre 1805).

Madame, Votre Altesse Impériale a dû savoir déjà les succès incroyables de la grande armée, et doit voir avec une bien grande satisfaction, que S. M. l'empereur se surpasse tous les jours lui-même. Je croirais manquer à Madame, si je ne lui donnais quelques détails, et je suis bien heureux de n'en avoir que d'agréables, par exemple sur la santé de tout ce qui l'intéresse. J'avais écrit que le prince Murat s'était conduit en héros ; il vient d'en donner de nouvelles preuves. Chargé par Sa Majesté de poursuivre un corps de vingt mille hommes qui s'était sauvé avec toute l'artillerie, et qui comptait aller se joindre aux Russes, Son Altesse Sérénissime l'a poursuivi sans relâche, l'a attaqué, l'a défait et pris en entier ; cent cinquante pièces de canon, et plus de mille chariots de munitions de guerre et d'équipages sont tombés en son pouvoir. Cette belle opération le couvre de gloire. Il ne reste plus rien de cette armée autrichienne, soixante mille sont prisonniers ; le reste tué ou blessé. Nous marchons sur l'Inn, où nous trouverons peut-être quelques Russes, mais sans artillerie. Ainsi il ne sera pas difficile de les détruire : cette campagne est sans exemple dans l'histoire.

Je remercie Votre Altesse Impériale de la bonté qu'elle a eue de me recommander au prince Murat. Il a daigné me dire des choses bien agréables ; je n'avais pas besoin de cela pour augmenter l'attachement que je porte à Madame, puisqu'il a été sans bornes, dès l'instant que j'ai eu le bonheur de la connaître, mais il m'est bien doux d'inspirer son intérêt et de la prier d'en recevoir ma respectueuse reconnaissance.

Je suis avec le plus profond respect et dévouement, Madame,

De Votre Altesse Impériale,

Le très humble et très obéissant serviteur,

M. DE BEAUMONT.

C'était souvent au lendemain de ses victoires que Napoléon, éloigné de la France, aimait à se rapprocher d'elle, par des actes de bienfaisance nationale ou d'utilité publique. Ce fut ainsi que, dès le 3 décembre, il fonda la maison de la Légion d'honneur, destinée aux filles des officiers légionnaires de ses armées. Il s'inspira, pour l'exécution de ce projet, des sentiments de Madame Mère, en la consultant, comme il aurait dû, peut-être, le faire davantage, lorsqu'il était tout-puissant.

Ce fut aussi d'après une juste inspiration, qu'il plaça madame Campan à la tête de cette maison, en lui recommandant de préparer ces jeunes filles à devenir de bonnes mères de famille. Au premier rang des élèves admises furent les filles des braves, morts au champ d'honneur.

L'empereur vint leur faire visite plus d'une fois, et S. A. I. Madame Mère s'en fit un devoir, à son exemple. On a souvent attribué à Napoléon visitant, à Saint-Denis, la maison de la Légion d'honneur, une parole qui fut dite par sa mère, Les élèves, heureuses de la voir et de lui souhaiter la bienvenue, l'entouraient, en la saluant de leurs bruyantes acclamations. La surintendante intervint aussitôt, pour leur imposer silence. Laissez-les crier un peu, lui dit Madame Mère ; cela fait peut-être un peu mal à la tête, mais certainement du bien au cœur.

Son Altesse Impériale, déjà investie de la haute direction des établissements de charité, réalisait complètement les vues de l'empereur sur la mission qu'il lui avait confiée. Les demandes de secours affluaient auprès d'elle, et les sommes allouées à cet effet devenaient souvent insuffisantes, au point d'obliger Madame à en prélever l'excédent sur son revenu personnel.

C'était parfois à de grandes infortunes que s'appliquaient les dons confiés par l'empereur à sa mère. En voici un témoignage entre bien d'autres. L'évêque de Metz écrivait au cardinal, le 21 décembre :

Madame votre sœur est accablée personnellement de demandes qu'elle ne peut satisfaire, ses revenus, depuis deux ans, n'ayant pas augmenté. Elle s'intéresse, entre autres, pour l'ancienne dame d'honneur de la princesse Elisabeth, qui éprouve des besoins extrêmes et vous serait obligée de la comprendre dans le tableau des secours de la grande aumônerie[28].

La fin de la grande année 1805 était marquée par une importante nouvelle pour les vues politiques sinon secrètes de l'empereur. Il adressait, de Munich, le 10 nivôse an XIV, à son frère aîné, le billet suivant[29] :

Au Prince Joseph.

Munich, le 31 décembre 1805.

Je vous charge de faire connaître, de ma part, à ma mère, le mariage du prince Eugène avec la princesse Augusta.

Je désire qu'on n'en dise rien publiquement.

NAPOLÉON.

Ce simple billet est écrit, à la date d'une lettre moins laconique de Napoléon au prince Joseph, avec la même recommandation[30] :

Mon frère, j'ai demandé la princesse Augusta, fille de l'électeur de Bavière, qui est une très jolie personne, en mariage pour le prince Eugène. Le mariage est arrêté.

... Je vous charge de faire connaître ce mariage à maman seulement, sans en entretenir le public. Je désire qu'on n'en dise rien publiquement.

Cette recommandation confidentielle renouvelée ainsi, semblait faire allusion au projet politique de l'empereur de réserver au prince Eugène l'héritage du trône impérial, en le proclamant son fils adoptif.

 

 

 



[1] Napoléon dans l'exil, Londres, 1823, par Barry O'Meara, t. II.

[2] Mémoires du roi Jérôme, 1861, t. Ier, p. 142 (et suivantes).

[3] Lucien Bonaparte et ses Mémoires, 2e édit., t. III, 1883.

[4] Lucien Bonaparte et ses mémoires, t. III, p. 10.

[5] Lucien Bonaparte et ses mémoires, t. III, p. 10.

[6] Mémoires de la duchesse d'Abrantès, de 1831 à 1835, 20 vol.

[7] L'Empire, ou dix ans sous Napoléon, t. II.

[8] Mémoires anecdotiques de Bausset, t. IV, 1828-1829.

[9] Voir l'Appendice.

[10] Lucien Bonaparte et ses Mémoires, t. III.

[11] Lucien Bonaparte et ses Mémoires, t. III.

[12] Correspondance de Napoléon Ier.

[13] Vente d'autographes par Charavay, le 30 avril 1860.

[14] Lettre communiquée par le duc Decazes.

[15] Lettre copiée par M. Étienne Charavay.

[16] Mémoires de la duchesse d'Abrantès.

[17] Napoléon et Marie-Louise, par Méneval, t. Ier.

[18] Lettre datée, 19 août 1885.

[19] Mémoires, t. IX et t. XIV.

[20] Mémoires, etc., t. XIV.

[21] Lucien Bonaparte et ses Mémoires, 1882, t. II.

[22] Le Moniteur du 26 messidor an XIII, 14 juillet.

[23] Lettre communiquée par le docteur Émile Bégin.

[24] Vente d'autographes du 21 janvier 1856.

[25] Lettre communiquée par le duc Decazes.

[26] Mémoires du roi Joseph, 1855, t. Ier.

[27] Communiquée par M. le duc Decazes.

[28] Histoire de Napoléon, par Émile Bégin, t. IV.

[29] Archives de l'empire (Bibliothèque nationale).

[30] Mémoires du roi Joseph, t. Ier.