MADAME MÈRE (NAPOLEONIS MATER)

 

1778.

 

 

Les deux fils aînés de Charles et de Letizia Bonaparte reconnus admissibles aux Écoles du gouvernement. — Naissance de Louis. — Napoléon encore enfant, présenté par sa mère aux lazaristes d'Ajaccio. — Joséphine Tascher de la Pagerie arrive de la Martinique en France. — Joseph Fesch admis au séminaire d'Aix. — Départ différé de Charles Bonaparte et de ses fils ; les plus jeunes restent auprès de leur mère.

 

Les deux fils aînés de Charles et de Letizia Bonaparte étaient prêts, suivant leur admission, à quitter la Corse et à dire adieu à leur mère, pour se rendre, sous la conduite du père, aux Écoles du gouvernement. Ils devaient contribuer, l'un et l'autre, à alléger les charges nouvelles de la famille.

Madame Bonaparte venait de donner naissance, le 24 septembre, à un quatrième fils, baptisé Louis-Napoléon. Le parrain était le gouverneur de la Corse et la marraine la femme de l'intendant général. Madame Letizia eut le temps, à la suite de ses relevailles, de conduire son fils Napoléon chez les pères lazaristes d'Ajaccio ; elle demandait leur bénédiction pour lui, avant son entrée à l'École de Brienne. Sa sollicitude maternelle était si vive que, cédant à une inspiration de sa pensée, elle posa la main sur le front du jeune écolier, en disant, avec une profonde émotion : Il y a là un génie divin !

Cette visite de la signora Letizia aux lazaristes d'Ajaccio est un fait presque inconnu, mais exact[1]. Il a été affirmé au docteur Emile Bégin par son vieil ami de collège, le R. P. Étienne, directeur général des lazaristes, qui le tenait d'un ancien père de l'ordre, présent à la visite, à la bénédiction de l'enfant et aux paroles de sa mère. Le supérieur des religieux ajoutait que de longues années après, l'empereur Napoléon, se rappelant l'accueil et la bénédiction des lazaristes, leur fut favorable et les protégea, en leur recommandant de propager les idées françaises dans leurs missions lointaines.

Le jeune Fesch, frère puîné de Madame Letizia, était compris, la même année, sur une liste de candidats corses, admis gratuitement au séminaire d'Aix. Le jour des adieux à la famille et au pays natal approchait et le jeune Napoléon attendait de sa mère le signal du départ. On annonçait, pendant ce temps, par une étrange coïncidence, l'arrivée en France de mademoiselle Joséphine Tascher de la Pagerie, venant de la Martinique, pour résider d'abord à Fontainebleau, en y attendant sa destinée. D'autre part, le futur écolier de Brienne, entièrement pénétré de sa vocation militaire et jouant aux soldats, dès son enfance, rêvait de devenir officier, sinon général. Son père et sa mère encourageaient cette vocation instinctive.

Charles Bonaparte devait se mettre en route, le 15 décembre, accompagnant ses deux fils aînés à leur destination première. Joseph et Napoléon allaient au collège d'Autun, où le premier ferait ses études préparatoires à son admissibilité dans les ordres. C'est par erreur que l'on a désigné Lucien comme ayant suivi ses deux frères dans ce voyage. Il était trop jeune encore, et devait rester avec sa sœur Élisa auprès de leur mère.

Le départ des deux fils aînés fut retardé, de quelques jours, par une excursion obligée de Charles Bonaparte à Florence, où le grand-duc de Toscane lui offrait une utile recommandation.

 

 

 



[1] Communication du docteur Émile Bégin.