MADAME MÈRE (NAPOLEONIS MATER)

 

1768.

 

 

Madame Charles Bonaparte donne naissance à Joseph, l'ainé de ses enfants survivants. — L'agitation du pays oblige la jeune mère à se retirer à sa campagne des Milelli. — Charles Bonaparte attiré vers Paoli, à Corte. — Navire tunisien échoué sur la côte de Corse. — Fête offerte par Paoli à l'ambassadeur de Tunis. — Jalousies féminines envers la signora Letizia. — Anecdote du confessionnal. — Situation de la Corse annexée à la France. — Coalition des pièves et guerre de l'Indépendance. — Résidence retranchée de Paoli. — L'hôtel dit de Gaffori. — Héroïsme des femmes corses. — Letizia Bonaparte en campagne, aux côtés de son mari. — Suspension des hostilités. — Retour à Ajaccio.

 

Madame Charles Bonaparte, bien jeune encore et déjà mariée depuis quatre ans, avait perdu ses premiers enfants, vers leur naissance, ou peu de temps après, et touchait au terme d'une nouvelle grossesse. Afin de sauvegarder ses couches, mieux que n'avaient pu l'être les précédentes, à Ajaccio, elle fut conduite par son mari à Corte, dans la maison bien située de son oncle Thomas Arrighi de Cazanova[1].

Ce fut à Corte que, le 7 janvier 1768, Madame de Bonaparte mit au monde le premier de ses fils, assuré de vivre, Joseph Bonaparte, bel enfant, d'excellente constitution.

Thomas Arrighi, époux de Maria Biadelli, tint avec elle, sur les fonts baptismaux, le nouveau-né de la signora Letizia. L'extrait de baptême inscrit sur les registres de l'état civil est conservé aux archives de la mairie de Corte[2]. Ce document suffirait, s'il était nécessaire, pour réfuter la substitution des actes de naissance de Joseph et de Napoléon, qui n'en était pas moins Français d'origine.

Dès le commencement de l'année 1768, une vive agitation se manifestait en Corse, annonçait la guerre prochaine et répandait l'alarme dans le pays. La ville d'Ajaccio n'était pas seule fort troublée, celle de Corte s'en ressentait davantage, par sa situation centrale, résidence du gouvernement de l'île.

Charles Bonaparte, afin de préserver sa jeune femme du bruit et de toute atteinte d'accidents, après ses couches, la décida sans peine à se retirer à leur campagne le jardin des Milelli, près Ajaccio. Il en profita pour faire une excursion rapide à Rome, en se hâtant de revenir auprès de sa chère Letizia et de leur enfant. La propriété des Milelli, située sur une hauteur, à peu de distance de la ville, était un jardin d'oliviers appartenant à la famille Bonaparte. Son aspect seul assurait à la signora Letizia un séjour paisible.

Pendant ce temps, son époux se trouvait attiré vers Paoli, à Corte, devenu le siège du gouvernement de l'île. Le grand chef des insulaires habitait le hameau de la Stretta, demeure paternelle, fort simple, située auprès de l'abbaye de Rostino, ancien monastère des franciscains.

Charles Bonaparte décida sa chère femme à l'y rejoindre, malgré le bien-être qu'elle éprouvait au jardin des Milelli. Son époux, afin de mieux établir sa résidence à Corte, se plut à l'orner un peu plus que ne le voulaient les goûts simples de la signora. Il monta sa maison avec une certaine recherche, pour recevoir du monde, se mit en rapport avec les autorités de la ville, étendit ses relations dans le pays et parvint à acquérir, comme avocat, une influence rehaussée par son talent et par son éducation.

Madame Letizia Bonaparte, sans fortune suffisante pour soutenir un grand train de maison, s'inquiétait déjà des difficultés de l'avenir, et les dépenses de son mari, sans être excessives, l'obligèrent à pourvoir à tous les besoins du ménage, avec la plus prévoyante économie. Telle fut l'origine de l'une des vertus conjugales et maternelles de la signora Letizia, taxée, plus tard, d'avarice. L'occasion de l'en justifier, à son honneur, se présentera souvent, dans le cours de sa longue existence.

Quant au reproche contraire de prodigalité, à l'adresse de son époux, il est aussi excusable, parce que le jeune mari cherchait à faire briller, aux yeux de tous, la femme qu'il aimait tendrement. Il devait y réussir, à propos d'un événement digne d'être raconté.

Un navire tunisien échoué sur les côtes de l'île de Corse, fut pillé par les habitants et l'équipage capturé. La nouvelle en parvint au gouverneur, qui voulut donner une leçon de dignité aux insulaires et aux Barbaresques. Il ordonna de délivrer les prisonniers, de remettre à flot le bâtiment et de restituer sa cargaison intacte à l'équipage, en renvoyant ce navire au bey de Tunis, sous la conduite de deux officiers. Le prince souverain de la Régence, pénétré de gratitude, pour un tel procédé, s'empressa d'expédier à Paoli une riche ambassade, chargée de présents, pour le remercier d'une façon digne de tous les deux.

Paoli, en retour, fit un brillant accueil à l'ambassadeur de Tunis, en lui donnant une fête où étaient invitées les femmes des familles principales du pays. Quelques-unes, prétendues amies de la signora Letizia, mais, en réalité, jalouses de celle qui les éclipsait par sa beauté, cherchèrent à l'atteindre par la médisance, en la taxant de coquetterie et d'avarice. De là l'origine de méchants propos accrédités, d'abord, par les gazettes du pays, et, plus tard, par les pamphlets de l'époque.

Au premier rang de la fête brillait, sans y prétendre, tant sa modestie était vraie, la signora Letizia Bonaparte, admirée par les assistants. Elle seule oubliait ses charmes, parce qu'elle trouvait en elle une autre mission que celle de plaire. Sa tenue, vrai modèle de réserve et de dignité, lui valut les suffrages de l'ambassade tunisienne, sans que la signora parût s'en apercevoir.

Lorsque, dans la suite, on lui rappelait cette fête, elle en parlait sans aucune allusion au rang qu'elle y avait occupé. Elle citait au contraire telle ou telle jeune femme de sa connaissance ou de ses amies, comme ayant mérité l'attention bien davantage. Parmi celles-ci figurait madame de Permon, mère de madame d'Abrantès, qui en parle souvent, dans ses Mémoires. Elle raconte son intimité avec Madame Letizia Bonaparte, avant et après leur mariage, en Corse. Ce fut alors, dit-elle[3], que ma mère se lia d'une amitié tendre avec la signora Letizia Ramolino, mère de Napoléon. Elles étaient à peu près du même âge et toutes deux ravissantes de beauté. Le caractère de cette beauté était assez différent, pour qu'il n'y eût entre elles aucune jalousie. Suit le parallèle, trop développé entre les deux jeunes femmes, pour pouvoir être reproduit. La conclusion de ce long parallèle, c'est que, eu égard aux charmes extérieurs, la signora Letizia Bonaparte devait l'emporter, tandis que l'éducation supérieure de madame de Permon était hors ligne... Madame Bonaparte, dit l'auteur des Mémoires, savait charmer par un langage plus vif, plus précis et plus original, quoique moins correct et parfois embarrassé dans sa prononciation corse ou italienne et encore plus dans sa prononciation française. Mais, ajoute madame d'Abrantès, ces deux dames, bien unies par leur amitié, semblaient se compléter l'une l'autre par le même sentiment et devinrent, pendant plusieurs années, la principale attraction de la société d'Ajaccio.

L'admiration publique inspirée par la présence de Madame Letizia Bonaparte s'imposait d'elle-même, en face d'une nombreuse assistance. Mais l'admiration privée ou, pour ainsi dire, à huis clos, ne convenait pas à la fière signora, qui s'en montra justement offensée, dans une grave circonstance. L'aventure a été raconté par Madame elle-même à M. Ornano, ancien consul général de France à Tanger. Voici le fait, garanti par un tel témoignage[4].

Madame Bonaparte, accouchée, depuis deux ou trois mois, à Corte, de son fils Joseph, s'étant rendue à Bastia, pendant la semaine sainte, fut engagée par l'évêque, avec les dames des premières familles de la ville, à donner l'exemple d'une confession générale. La fervente catholique s'empressa d'adhérer à cette invitation et se présenta, dans son humilité, au tribunal de la pénitence. Sa jeunesse et sa beauté étaient dans tout leur éclat. Le confesseur auprès duquel la signora vient s'agenouiller, lui est inconnu, elle ne le voit même pas, mais lui la regarde et se sent troublé, presque égaré à sa vue, par une contemplation sacrilège. C'est au point d'adresser des questions étranges à la belle pénitente qui, ne comprenant pas d'abord, ne répond rien. Le confesseur insiste sur son interrogatoire inconvenant. La signora se lève avec indignation et, debout, l'interpelle par ces simples mots, accentués à haute voix, dans le langage corse : Mon père, vous sortez des convenances ! Le prêtre irrité la menace de lui refuser l'absolution. Libre à vous, lui réplique la jeune femme avec mépris, et si vous agissez ainsi, je vous flétrirai devant l'assistance. L'église était remplie de fidèles. Le confesseur, honteux et humilié, donne, en toute hâte, l'absolution à la pénitente offensée, qui se calme par la prière et sort absoute par sa conscience. Quant au prêtre coupable, il fut renvoyé de sa cure. La nouvelle du scandale, ébruitée, était parvenue à la connaissance de Paoli, qui avait autant d'estime que d'amitié pour Charles Bonaparte et honorait, à la fois, le caractère et la vertu de la signora Letizia.

Le 4 du mois d'août 1768 était le terme effectif des quatre années de l'occupation française. La Corse, dont l'histoire est la lutte perpétuelle de la liberté contre la domination étrangère, avait, depuis les temps les plus lointains, résisté successivement aux Carthaginois, aux Goths, aux Lombards, aux Sarrasins et aux Génois ; elle ne céda enfin qu'à la France, par le traité solennel du 15 août 1768. Ce fut à cette date mémorable qu'un édit du roi Louis XV, rendu conformément au traité de 1764, avec la République de Gênes, réunit l'île de Corse à la France ; et l'année suivante, jour pour jour, après la proclamation déclarant cette île une terre française, la signora Maria-Letizia de Buonaparte devait donner naissance à Napoléon.

Le gouvernement, dès le 28 août 1768, c'est-à-dire peu de jours après l'édit royal, chargeait le général marquis de Chauvelin d'en assurer l'exécution, à la tête d'un corps d'armée. On avait répandu en Corse la fausse nouvelle que le but des Français, à la suite de cette négociation, était de détruire l'indépendance des insulaires, pour les livrer au pouvoir de l'oligarchie génoise. Les Bonapartes, croyant, comme d'autres, cette nouvelle vraie, s'éloignèrent d'Ajaccio, où ils étaient de passage, et retournèrent à Corte pour prendre part, sous le commandement de Paoli, à un système organisé de défense. Charles et Letizia Bonaparte n'avaient pas eu le temps de mettre ordre à leurs affaires d'intérêt et ils en subirent les conséquences, en affrontant, avec abnégation, les périls d'une lutte armée trop inégale contre les troupes aguerries de la France.

Paoli puisait une part de sa force, de son prestige dans la coalition des pièves, tribus ou clans des sections insulaires, pour soutenir cette guerre dite de l'Indépendance. Charles Bonaparte, à la tête de la piève de Talavo, était accompagné par sa jeune épouse la signora Letizia.

La Corse, exaltée de patriotisme, se soulève, sans mesurer l'inégalité des forces réunies, et à tous les hommes en état de porter les armes se joignent des femmes, des enfants, des vieillards. Ce soulèvement se développe, au loin, de proche en proche et entraîne l'insurrection de l'ile entière. Celui qui la commande c'est Pascal Paoli, le fils intrépide de Paoli, jadis surnommé le Washington de la Corse.

La ville de Corte, occupant le centre de l'île, devient le point stratégique d'où partiront les ordres du chef des mouvements armés. C'est là que réside Paoli, gardé par la situation de la place et par la construction de sa demeure aux murailles épaisses, aux portes massives et aux doubles fenêtres de sûreté La légende raconte que le grand chef a, de plus, confié la garde de sa place forte à six chiens énormes, plus sûrs pour lui que ne l'eussent été des domestiques à gages ou des soldats mercenaires, contre les attaques de l'armée ennemie et contre les atteintes fatales de la vendetta insulaire.

Tel était le retranchement si bien gardé dans lequel Charles Bonaparte, suivi de sa jeune femme, vint offrir ses services à Paoli, avec une escorte de parents, d'amis et de serviteurs fidèles, tous montés sur les petits chevaux indigènes, aux allures vives et alertes. Cette escouade, munie de bonnes armes, reçut du grand chef le meilleur accueil et fut logée, par son ordre, dans un hôtel historique du voisinage. C'était l'hôtel dit de Gaffori, dont la chronique intéressait les souvenirs de la signora Letizia. Il suffit d'en citer quelques traits, résumés d'après un ouvrage plein d'érudition[5].

Les Corses et les Génois étaient en guerre, au temps du roi Théodore, lorsqu'un vaillant général corse, nommé Gaffori, voulut reprendre la citadelle de Corte, dont les Génois s'étaient emparés en retenant, comme otage, le très jeune fils de ce grand chef. Ils ont l'idée, afin de paralyser ses efforts, d'exposer son enfant sur la brèche : Soldats, s'écrie le général, avancez toujours et continuez le feu ; je suis citoyen corse avant d'être père. L'attaque redouble ; la citadelle est prise, les Génois sont vaincus, et l'enfant est sauvé par miracle.

Selon d'autres chroniqueurs, c'est la femme elle-même de Gaffori s'écriant : Que mon enfant périsse, mais que la patrie soit sauvée ! C'est encore elle qui, prisonnière des Génois, fait placer dans une salle basse un baril de poudre et déclare à quelques défenseurs résolus que, s'ils cessent le feu pour se rendre, elle fera sauter la maison avec eux. Cette intrépide menace les sauva tous.

Vient ensuite la veuve de Cervoni rapportant à son fils le fusil et les pistolets de son mari, en lui disant :

Le général Paoli est en danger, vole à son secours. Voilà des armes !

C'est enfin la veuve de Remo, présentant son plus jeune fils à Paoli, en ces termes émus : Général, j'avais trois fils ; les deux aînés sont morts pour la patrie ; je viens vous offrir le dernier !

L'héroïsme de ces femmes corses rappellerait encore des noms à citer, après le nom de Gaffori, dont la signora Letizia et son époux occupaient la demeure, s'il s'agissait de compléter de tels souvenirs. Voilà, dit l'auteur bien inspiré de cette histoire, voilà dans quel lieu, dans quel sanctuaire de patriotisme et de gloire paraît avoir été conçu Napoléon.

Ce n'est donc pas nous éloigner de sa mère, qui, longtemps après avoir assisté aux derniers efforts de cette guerre de l'Indépendance, se rappelait encore, avec émotion, ces récits légendaires et les racontait à son entourage. Madame Charles Bonaparte fit voir ainsi qu'elle appartenait à cette race des héroïnes dévouées à la patrie, avec l'abnégation personnelle, qui ne veut pas subir la domination étrangère, fût-elle la domination française. Elle montra aussi qu'elle préférait affronter, auprès de son époux, les périls d'une résistance téméraire, plutôt que d'accepter un asile offert par le conquérant de son pays. Cette offre lui était faite pourtant, au nom du général français, par l'entremise d'un oncle à elle, institué membre du conseil supérieur du gouvernement de la Corse.

Le portrait de madame Bonaparte, à cette époque, a été bien tracé par un écrivain distingué : Souvent dans ses expéditions, dit Élias Regnault en faisant l'éloge de Charles Bonaparte[6], on avait vu, courant à cheval, à côté de lui, et partageant ses périls, sa jeune épouse, Letizia Ramolino. La beauté de Letizia, son regard plein de douceur, ses traits fins et délicats semblaient s'accorder mal avec cette ardeur aventureuse qui l'entraînait sur les pas d'un robuste combattant. Mais les lignes hardies et régulières de son nez aquilin, les angles comprimés de sa lèvre dédaigneuse, les feux soudains qui éclairaient parfois sa prunelle, révélaient une opiniâtre énergie, et sous ce front brillant se cachaient de mâles pensées.

En rappelant les mois précurseurs de sa naissance, le grand exilé de Sainte-Hélène admirait le courage, la force d'âme alors déployés par sa mère, en redisant d'elle[7] : Les privations, les fatigues, elle supportait tout, bravant tout : c'était une tête d'homme sur un corps de femme.

La France, sous le ministère du duc de Choiseul, avait fait signer à la République de Gênes, dès le 15 mai 1768, un pacte d'alliance menaçant pour les libertés de la Corse. Sa lutte invétérée contre les Génois allait bientôt cesser, et la convoitise anglaise sur l'ile devait être déjouée, mais la suprématie de la France sur ce pays annexé à elle ne pouvait s'accomplir sans une résistance opiniâtre des insulaires, proclamant la guerre de l'Indépendance.

Ainsi entraîné par Pascal Paoli dans les hasards et les revers d'une lutte inégale, Charles Bonaparte, loin de se voir séparé de sa chère compagne, fut suivi par elle, avec la constance et le courage d'un dévouement à toute épreuve.

La signora Letizia, pendant la durée des hostilités, commencées en 1768 et prolongées jusqu'à la fin de cette année, partagea auprès de son mari les dangers, les fatigues et les privations d'une guerre aventureuse, dans un pays inculte et presque sauvage, depuis le fond des vallées, à travers les bois ou les maquis et les rivières, jusqu'au sommet des monts.

L'énergie des intrépides insulaires ne devait pas fléchir, avant d'avoir soutenu une ferme résistance contre les troupes françaises si bien aguerries. Le général Chauvelin, défait même, dans une rencontre où ses troupes n'avaient pas la supériorité du nombre, fut obligé de demander une trêve à Paoli, et quitta son commandement vers la fin de décembre.

En même temps, Charles Bonaparte et sa chère femme retournaient à Ajaccio, pour y attendre de nouveaux événements ou la reprise des hostilités, en s'efforçant d'entretenir, parmi les leurs, l'amour sacré de la patrie.

 

 

 



[1] Le général Arrighi de Cazanova, par Du Casse, 1806, 2 vol.

[2] Communication du comte de Casabianca. V. l'Appendice.

[3] Mémoires de la duchesse d'Abrantès, 1831, t. Ier, p. 45, 46, etc.

[4] D'après le récit de Madame à M. Ornano.

[5] Histoire de Napoléon, par le Dr Émile Bégin, 1853, 5 vol., t. Ier.

[6] Histoire de Napoléon, par Élias Regnault, 4 vol. 1846, t. Ier.

[7] Correspondance de Napoléon Ier, 18 novembre 1819, t. XXXII.