L'ÉGLISE ET LES PHILOSOPHES AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE

 

CHAPITRE XV. — LES JÉSUITES CHASSÉS DE FRANCE ET D'ESPAGNE.

 

 

En France, la Société de Jésus eut à lutter contre d'autres éléments de ruine. L'occasion fut une intrigue où l'on trouve la main d'une femme, comme dans tout ce qui se lit à cette époque. La cause fut plus complexe. La haine invétérée des jansénistes transformés par elle en martyrs, les vieilles rancunes du parlement, l'antipathie de l'opinion pour qui, depuis les Provinciales, le mot de jésuitisme était le synonyme du fides punica ; puissance redoutable qui signifie ses volontés par des proverbes dont tôt ou tard elle fait des lois — par-dessus tout, enfin, l'ardeur impatiente des partisans de la philosophie nouvelle, — tels furent les éléments qui, sans concert et sans alliance, agirent dans un même but, tout en restant hétérogènes et contradictoires. Cette mystérieuse direction des forces sociales qui leur imprime une unité d'action sans laquelle elles seraient condamnées à une éternelle inertie, est le signe visible de l'esprit de l'humanité.

Voici l'intrigue :

Dès 1752, madame de Pompadour, déterminée à redevenir vertueuse par des scrupules dont nous laissons l'énumération aux Mémoires secrets de cette époque féconde en scandales, sans renoncer toutefois aux bénéfices d'une position qui faisait d'elle la vraie souveraine de la France, avait sollicité de la Sorbonne et des docteurs de la Compagnie l'autorisation de rester auprès de la personne du roi, pour qui elle ne conservait plus, disait-elle, que les sentiments de l'attachement le plus pur. La négociation échoua. Elle fat renouée en 1756. La marquise, pour constater par un coup d'éclat sa faveur qu'on commençait à mettre en doute, demanda au roi un tabouret, c'est-à-dire la charge de dame de la reine. Qui oserait accuser sa présence à la cour lorsqu'elle y aurait une position officielle ? Varie Leczinska, toujours douce et résignée, objecta timidement l'irréligion de la solliciteuse. Voila ce qui la ramenait au confessionnal.

Le père de Sacy se chargea de la réconcilier avec le ciel. Il lui prescrivit un régime spirituel, fit changer les escaliers qui conduisaient à son appartement, et enfin exigea d'elle qu'elle écrivit à son mari, M. d'Étioles, pour lui proposer de la reprendre. Elle obéit sans faire la moindre objection. Depuis longtemps, lui disait-elle dans sa lettre, le point capital de sa faute avait cessé, il ne s'agissait plus que d'en faire rosser les apparences. Le bon père s'étonnait de son succès. Voici qui l'explique. La lettre en question fut portée par le prince de Soubise, le héros de Rosbach, plus heureux en diplomatie qu'a la guerre, et il dicta lui-même la réponse du mari. Cette réponse, qui était un refus superbe de stoïcisme et de fierté blessée, eut un succès d'enthousiasme dans ce siècle frivole, et conta plusieurs millions à la favorite. Après un éclat aussi public, elle crut que le directeur n'aurait plus rien à lui refuser. Mais soit que celui-ci ressentit des remords de s'être trop avancé, soit qu'il eût pénétré à temps le secret de la comédie, la marquise ne recueillit pas de ses démarches le double fruit qu'elle en espérait. Elle eut le tabouret, mais sans l'absolution. Le père de Sacy rompit brusquement les conférences en disant que l'on s'était trop moqué du confesseur du feu roi, quand monseigneur le comte de Toulouse était venu au monde, et qu'il ne voulait pas qu'il lui en arrivât autant. C'est ce refus méritoire, sans doute, mais où la politique a bien plus de part que les austères suggestions de la morale, quo les jésuites ont exploité depuis pour se décerner les faciles honneurs irone inflexibilité soigneusement dissimulée jusque-là. par humilité sans doute. Personne ne leur en tint compte. Quant à leur pénitente, ce manque de complaisance lui parut tellement inouï, qu'elle s'en plaignit au pape en personne. liais pourquoi donner à cet incident burlesque une importance qu'il ne mérite pas ? Venons-en au procès fameux qui remit en question non-seulement toutes leurs vertus théologales, niais leur probité elle-même qui tic put en sortir intacte.

Nous avons vu comment ils interprétaient les calions de l'Église, qui défendent comme un crime le commerce aux ecclésiastiques, et les prescriptions de leur propre institut, qui les voue à une pauvreté perpétuelle. Au moyen de certaines restrictions mentales, ils trafiquaient, en sûreté de conscience, sur tous les points du globe, et jusque sons les yeux du pape, au cœur même de l'Italie. A Macerata ils fabriquaient des draps destinés d'abord exclusivement à leur usage, puis vendus à tout le monde. En Afrique ils faisaient la traite des nègres. Leurs ennemis dénonçaient en vain, depuis plus d'un siècle, les tendances mercantiles de l'ordre. Les jésuites niaient le fait, et poursuivaient imperturbablement leurs opérations. Au reste, ce crime leur sera facilement Pardonné aujourd'hui. Mais ce n'est pas un des moindres signes de leur sûreté d'instinct politique, que d'avoir su deviner la pente qui entraînait l'esprit moderne sers les conquêtes industrielles, et d'avoir rompu sans crainte, avec les stériles traditions de l'Église, en les encourageant au lieu de les flétrir, comme firent les jansénistes, à l'exemple des premiers docteurs du catholicisme. Le père Lavalette était un des nombreux banquiers de la société. Homme actif, entreprenant, il avait été placé, avec un juif son associé, à la tête de l'établissement de la Martinique, qu'il faisait prospérer par ses aventureuses spéculations. Dénoncé une première fois en 1753, par les habitants, que sa concurrence raillait, et rappelé en France, il se fit réintégrer dans ses fonctions avec un titre de plus, celui de préfet apostolique, et reprit hardiment ses premières opérations. Bientôt l'entreprise atteignit au plus haut point de prospérité. Des milliers de nègres défrichaient des terres immenses, dont les produits étaient chargés sur de nombreux vaisseaux. Il acheta de nouvelles possessions à la Dominique, et deux mille esclaves pour les exploiter. Mais voilà oh la fortune vint placer son grain de sable. Due épidémie survint : les nègres se détériorèrent et moururent par centaines. Presque en même temps les vaisseaux apostoliques furent capturés par les corsaires anglais. — Et admirez l'esprit d'ironie qui se joue dans les choses humaines ! — Ce fâcheux accident survint au moment même où les jésuites protestaient le plus vivement, en Europe, contre le cardinal Saldanha, qui les avait accusés d'avoir du faible pour les entreprises industrielles. Ce démenti brutal, comme un flagrant délit, fut suivi d'une banqueroute de trois millions.

Mis en cause par les créanciers, comme responsables des opérations de leur confrère, les jésuites cédèrent à de mesquines considérations d'intérêt, et refusèrent de payer, alléguant un droit de non-solidarité, ou pour mieux dire un droit de spoliation, qui ne protégeait que les ordres, dont les couvents étaient séparés pour le temporel. L'adoption d'un pareil système de défense était déjà une faute bien grave. Ils la rendirent irréparable en faisant attribuer le jugement du procès à la grande chambre du parlement de Paris. Les jansénistes se jetèrent avec joie sur cette proie inespérée, et le diacre Pâris en tressaillit d'allégresse au fond de sa tombe.

Du reste, il faut le reconnaître, quelle que fût l'animosité des juges, ils eurent la bonne foi ou l'habileté d'élever de prime abord le débat à la hauteur d'une question générale. Les faits s'effacèrent devant les principes. Sans cette tactique ils n'eussent jamais réussi à passionner l'opinion. Ce n'est pas aux individus qu'elle en voulait, — ces religieux ne méritaient, en cette qualité, ni plus ni moins de blâme que leurs confrères en moinerie, c'est à leur institut qui pervertissait toutes ces volontés inoffensives, en les dirigeant le plus souvent, à leur insu, vers un but coupable. La lutte transportée sur ce terrain avait d'ailleurs, aux yens du parlement, l'avantage précieux de relever son orthodoxie sur les ruines de la théologie jésuitique, qui l'avait si longtemps humilié par ses censures. Messieurs étaient bien aise aussi de donner en passant nue leçon à ce haut clergé si jaloux de ses prérogatives et si sourd à leurs remontrances.

Sommés de produire leurs règles, pour établir ce prétendu droit de non-solidarité, les jésuites s'avisèrent trop tard de l'imprudence qu'ils avaient commise. On s'arrêta à peine à l'affaire qui avait donné lieu au procès. Ils furent déclarés solidaires, et l'on n'en parla plus. En revanche l'ordre lui-même fut mis en accusation, et tous leurs actes, toutes leurs opinions, tous leurs édits, furent appelés en témoignage contre lui. Alors commence un tollé sans exemple dans le passé. Tous les parlements du royaume, à l'exception de deux, imitent le parlement de Paris. On s'indigne, on rougit de ce joug si longtemps subi en silence, on réimprime des pamphlets oubliés, on se dispute les factum quotidiens des jansénistes, étonnés de ce succès nouveau pour eux ; on s'arrache les réquisitoires de Joly de-Fleury, de Dudon, de Ripert de Manclar, celui de la Chalotais surtout, qui portait l'empreinte irrécusable d'une conscience pure, et d'un esprit mâle et éclairé ; toute la France s'écrie comme dans Candide : Mangeons du jésuite. Mot féroce, — mais ce n'était qu'un mot. Jamais lutte plus passionnée ne fut plus inoffensive : pas une violence, pas une représaille contre cru hommes qui avaient si longtemps rempli les prisons de leurs ennemis ! L'idée qui les tuait était leur plus sûre sauvegarde. On pouvait se croire revenu aux plus beaux temps des querelles théologiques. Les encyclopédistes, d'abord heureux de ce déchaînement qui se faisait à leur prurit, virole ensuite avec chagrin l'importance inattendue d'une polémique qui témoignait de l'empire conservé sur les esprits par les idées religieuses. Cette guerre n'était pour eux que la préface d'une guerre plus sérieuse et plus décisive. Tous ces imbéciles, s'étaient-ils dit d'abord, qui croient servir la religion, servent la raison, sans s'en douter. Ce sont des exécuteurs de la haute justice pour la philosophe, dont ils prennent les ordres sans le savoir. (D'Alembert à Voltaire, 4 mai 1762). Il faut espérer, écrivait Voltaire à la Chalotais, qui après avoir purgé la France des jésuites, on sentira combien il est honteux d'être soumis la puissance ridicule qui les a établis.

Mais bientôt la sombre exaltation des parlementaires les lit réfléchir ; ils furent effrayés de voir démuseler le tigre janséniste qui venait de dévorer Calas a Toulouse, cette même année, et qui devait, avant peu, immoler la Barre. Savez-vous ce qu'on m'a dit hier de vous ?Que les jésuites commençaient à vous faire pitié, et que vous seriez presque tenté d'écrire en leur faveur. (D'Alembert a Voltaire.) Ce n'était pas de la pitié, c'était de la politique, et de la meilleure, c'était le regret de voir compromis us équilibre qui avait servi les intérêts de la philosophie. Gare qu'un jour le jansénisme ne fasse autant de mal que les jésuites en ont fait... Que me servirait d'être délivré des renards, si on me livrait aux loups ? (Voltaire à la Chalotais.) Ces alarmes n'étaient point exagérées : on le vit bien le lendemain de la victoire ; mais elles furent passagères comme un pressentiment, et ne produisirent pas de modification importante dans la politique du parti. Il laissa le parlement poursuivre son triomphe, et revint à sa propagande, en s'abstenant d'insulter aux vaincus.

Pendant que l'imminence de leurs dangers désarmait ainsi une partie de leurs adversaires, les jésuites restaient-ils inactifs ? On aurait tort de le croire. Mais cette situation désespérée ne leur inspira, pas plus qu'eu Portugal, ni les résolutions qui relèvent les causes perdues, ni l'héroïsme d'attitude qui ennoblit une défaite. La source des grands sentiments aussi bien que des grandes actions est à jamais tarie chez ces hommes flétris de bonne heure par la loi d'obéissance. On ne supprime pas impunément la volonté, le libre arbitre et le stoïque orgueil des vertus viriles. En les déracinant de l'âme humaine, vous emportez l'âme elle-même aveu elles. Une règle ne remplace pas la conscience. Le jour où l'ordre eut besoin de dévouement, de fierté, d'inspiration, d'héroïsme, il fut perdu, car on ne peut demander tout cela qu'à des cœurs d'hommes ; or le cœur de l'homme, il le nie comme le siège du Malin. Il le tue systématiquement : Celui qui ne hait pas son père et sa mère et même son cœur ne peut être mon disciple. Demandez donc de grandes actions à ces machines ! Ils se montrèrent, comme toujours et partout, médiocres : ils intriguèrent à la cour, au palais, à l'église, mais ne s'élevèrent jamais au-dessus de l'intrigue !

Les jésuites avaient à la cour un parti puissant et dévoué : c'était d'abord Marie Leczinska. Délaissée par sou époux qu'elle aimait avec passion, la pauvre reine cherchait, dans les pratiques minutieuses de la dévotion, une consolation qui la fuyait toujours. C'était encore le Dauphin, si aimé du clergé qui voyait en lui l'incarnation de ses idées et l'avènement prochain de ses vengeances ; esprit étroit et borné, mais rigide et opiniâtre, il aurait offert sur le trône, et sous la tutelle d'un confesseur, le modèle d'un roi persécuteur. Toutes les rancunes, toutes les haines, toutes les espérances du parti qui avait triomphé sous les dernières années de Louis XIV, s'étaient ralliées autour de lui, et, à force d'en être entouré et flatté ; il en était devenu la personnification vivante. On confiait son mot cruel sur Voltaire, répété par le bon et naïf Quesnay e Cet homme mérite les derniers supplices ; e Son règne, il faut en convenir, présentait aux encyclopédistes une perspective médiocrement rassurante, et on n'a guère le droit de s'étonner qu'ils se soient réjouis de sa mort ; on s'étonnera moins encore que les jésuites appréciassent ne tel prince et en fussent favorisés. Avec lui, la famille royale presque tout entière, plusieurs membres influents du conseil du roi, le chancelier, le contrôleur général, le garde des sceaux, les maréchaux de Soubise et d'Estrées, et, par-dessus tout, le roi Louis XV lui-même. Ce complice tout-puissant lutta longtemps en leur faveur, et c'est contre son gré pu il signa l'acte d'expulsion. Le roi n'avait pas reçu en vain, pendant quarante ans, l'absolution de ces prêtres. Cette âme faible (eut-il une âme ?), qui appartenait au premier occupant, garda toujours l'empreinte du joug porté si longtemps avec vénération ; et nul doute que si, au lieu de l'insignifiant Pérusseau, il eut eu pour directeur un caractère énergique et dominateur comme le Tellier, il ne l'eut toujours subi. Cet empire était fortifié par je ne sais quelle houleuse peur de l'enfer qu'il nommait sa religion ; ses crimes étaient, à ses yeux, plus que suffisamment expies par la protection qu'il accordait au clergé, et par quelques pratiques ridicules renouvelées de Louis XI. Sa religion supprimait le remords et la honte ; il y tenait dans l'intérêt de sa digestion et des voluptés du Parc-aux-Cerfs : Le roi, a écrit Choiseul, était instruit de sa religion comme une tourière de Sainte-Marie. On ne pouvait l'en entendre parler sans dégoût. t Sa qualité de roi couvrait le reste : Moi, disait-il, je suis l'oint du Seigneur ; se plaçant ainsi dans une sphère privilégiée où il traitait avec Dieu de puissance à puissance : et de fait, le roi de France ne guérissait-il pas les écrouelles ? n'était-ce pas là nu signe de Dieu, une émanation de ses attributs, une grâce d'État enfin, mot chaman inventé par les gens d'Église, rasage des pécheurs haut placés ? — L'éducation de Fleury portait ses fruits.

Il jugea pourtant avec assez de justesse d'esprit la querelle élevée entre le parlement et les jésuites ; il ne vit dans ceux-ci que des prêtres. L'Église seule, à ses yeux, recevait les coups que les deux partis se portaient avec tant d'acharnement : Je n'aime point cordialement les jésuites ; mais toutes les hérésies les ont toujours détestés, ce qui est leur triomphe (à Choiseul). Mais, le jour décisif venu, il les sacrifia sans hésiter. Ce prince, dont l'avenir ne connaîtra qu'une parole, parole égoïste qui résume son règne et en formule la valeur historique Après moi le déluge ! devait, en cette circonstance, se montrer fidèle A sa maxime favorite et au sens général de sa vie. Il défendit d'abord au parlement par ordonnance de rien statuer ni définitivement ni provisoirement sur tout ce qui pourrait concerner les constitutions de la Compagnie de Jésus, si ce n'est qu'il en fût autrement ordonné. Le parlement l'enregistra comme par ironie et poursuivit sa procédure ; il savait que le roi avait besoin de lui pour un nouvel impôt rendit nécessaire par l'éventualité menaçante d'une guerre en faveur de l'Espagne et contre l'Angleterre. Cet argument, appuyé par Choiseul et la favorite, triompha des scrupules de Louis XV ; il livra les pères pour soixante millions. Le Dauphin intercéda et fut accueilli avec une extrême froideur ; sa vie austère et retirée, critique involontaire des débauches paternelles, déplaisait. Le roi voyait en lui son héritier, jamais son fils ; il n'obtint rien.

Les jésuites furent plus heureux auprès du clergé. Ce corps avait compris la solidarité intime qui liait son sort à celui de la Compagnie dans un avenir plus ou moins prochain, mais inévitable ; il fit cause commune avec elle. Il eut a se prononcer une première fois le 30 novembre 1761. Le roi désirait connaître l'avis de l'épiscopat sur tous les points si ardemment controversés par l'opinion. La conférence réunie chez le cardinal de Luynes décida, à l'unanimité moins six voix, que la conduite, les mœurs et l'institut des jésuites étaient également irréprochables. La seconde fois sa démonstration en leur faveur fut encore plus éclatante. L'assemblée générale, s'étant ouverte le 1er mai 1762, mit en délibération une lettre au roi qui fut adoptée à l'unanimité et présentée par monseigneur de Narbonne : c'était une apologie sans réserves. Le parlement y répondit par son arrêt du 6 août.

Cet arrêt fameux est un triste et curieux monument de l'imbécillité humaine, et montre à nu l'ineptie qui se cachait sous ces dehors graves et solennels de la vieille magistrature. Qui donc a pu dire que Maupeou et Beaumarchais ont tué le parlement ? On ne Ille pas les morts. Le ministre essaya sans succès un remède désespéré, la transfusion ; quant au poète, il ne fit que constater le décès. Le parlement est mort le jour où, dans le siècle de la raison, pouvant frapper ses ennemis au nom de la vérité et de la justice, il écrivit ces ridicules considérants :

Attendu que les doctrines de la Société sont favorables au schisme des Grecs, attentatoires an dogme de la procession du Saint-Esprit, favorisent l'arianisme, te socinianisme, le sabellianisme, le nestorianisme ; ébranlent la certitude d'aucuns dogmes sur la hiérarchie, sur les rites du sacrifice et du sacrement ; reproduisent l'hérésie de Wiclef ; renouvellent les erreurs de Tribonius, de Pélage, de Cassies, de Faust, des Marseillais ; ajoutent le blasphème à l'hérésie ; sont injurieuses aux saints Pères, aux spires, à Abraham, aux prophètes, à saint Jean-Baptiste, aux anges ; outrageants et blasphématoires coutre la bienheureuse Vierge Marie ; attaquent le mystère de la Rédemption ; favorisent l'impiété des déistes ; ressentent l'épicuréisme ; apprennent aux hommes à vivre en bêtes, etc.

Il est mort le jour où, sur le réquisitoire de Joly de Fleury, il rendit un arrêt portant défense d'inoculer jusqu'à ce que la faculté de théologie eût prononcé sur l'inoculation.

Si les jésuites méritaient l'expulsion, quelle peine méritaient donc de pareils juges ?

Pour appuyer sa décision par des pièces justificatives, il fit publier un énorme volume d'extraits des auteurs de la Société. A ce recueil de sottises théologiques et de rêveries immorales enfantées par des cerveaux de moines en délire, les jésuites auraient pu opposer une compilation non moins monstrueuse des doctrines parlementaires, et l'opinion publique aurait prononcé, sur les accusateurs comme sur les sconses, un jugement impartial eu les flétrissant d'une égale réprobation. Ils préférèrent nier. On sait ce que valent leurs dénégations.

La victoire du parlement était complète. Il la cimenta en faisant lacérer et brûler par la main du bourreau un mandement de l'archevêque de Paris ; en exilant l'abbé de Caveyrac, écrivain aux gages de l'épiscopat, digue d'écrire une apologie de l'ordre de Jésus après avoir écrit l'apologie de la Saint-Barthélemy ; et en faisant pendre un pauvre diable de curé qui s'était un peu lâché à souper chez les Mathurins sur le compte de l'abbé de Chauvelin et de messieurs. (Volt. à d'Al.)

Toutefois un embarras restait. Qu'allait-on faire des ci-devant soi-disant jésuites ? Louis XV eut une dernière velléité de les sauver. Il ne pouvait ne résoudre à signer l'acte de bannissement. A ses scrupules religieux étaient venues se joindre des appréhensions motivées jusqu'à un certain point par le sinistre renom de leurs théories régicides. Il espéra un instant tout concilier par un arrangement diplomatique. Choiseul dressa, par son ordre, le programme d'une réforme de la société. Elle consistait à faire nommer un vicaire qui aurait résidé dans le royaume et été indépendant du général. Cette prétendue réforme était la ruine de l'ordre, puisqu'elle brisait l'unité qui en est la vie et le fondement. Le général Rieci la repoussa. On connait sa réponse : Qu'ils soient comme ils sont ou qu'ils ne soient plus. C'était là une belle et ferme parole qui eût honoré une plus noble cause. Aussi les jésuites se sont-ils empressés de repousser l'honneur de l'avoir prononcée. Ils sortirent de France et se dispersèrent à petit bruit, sans que personne s'émet en leur faveur. Je me trompe : Helvétius fut remettre une forte somme d'argent celui qui avait trompé sa confiance et trahi son amitié ; Voltaire, se souvenant qu'il était leur élève, recueillit chez lui le père Adam, dont il fit son aumônier en chef, sans se douter qu'il se donnait un espion en permanence ; et d'Alembert fit, sur la défaite de l'ordre, un petit écrit qui en fut l'oraison funèbre dans une bouche impartiale. Puis on les oublia, et l'attention se porta d'un autre côté. Cet oubli dura trois ans. Le 2 avril 1767, sur tous les points de l'immense territoire occupé par la monarchie espagnole, dont il a été dit que le soleil ne s'y couchait jamais, en Europe, en Asie, en Amérique, dans les Iles, le même jour, à la même heure, les gouverneurs des provinces ouvrirent ries dépêches de Madrid scellées d'un triple sceau. Sur la première enveloppe, on lisait ceci : Sous peine de mort, vous n'ouvrirez ce paquet que le 2 avril 1767, au déclin du jour. La lettre était ainsi conçue :

Je vous revêts de toute mon autorité et de toute ma puissance pour vous transporter sur-le-champ avec main-forte à la maison des jésuites. Vous ferez saisir ces religieux et les conduirez comme prisonniers au port indiqué dans les vingt-quatre heures. Et ils seront embarqués sur des vaisseaux à ce destinés. Au moment même de l'exécution, vous ferez apposer les scellés sur les papiers et les archives de la maison, sans permettre à personne d'emporter autre chose que ses livres de prière et le linge nécessaire pour la traversée. Si, après l'embarquement, il existait un seul jésuite, sterne malade ou moribond dans votre département, vous seriez puni de mort.

MOI LE ROI.

En même temps parut une pragmatique qui supprimait la Société purement et simplement, sans exposé de motifs et sans considérants ; par où l'on voit que la mort sans phrases n'est pas d'origine révolutionnaire. Charles III se bornait à dire qu'il renfermait dans son cœur royal le secret de sa détermination. Ce secret fut si bien gardé, que l'histoire en est encore ans suppositions. Voici pourtant des faits certains.

Un an avant avait eu lieu à Madrid un mouvement populaire. Ce drame, moitié sérieux, moitié burlesque, est encore désigné sous le nom d'émeute des chapeaux. Charles III, qui, à l'exemple de la plupart des rois ses contemporains, avait en portefeuille de grands et beaux projets de réforme pour la prospérité de ses sujets, crut devoir inaugurer le règne de l'âge d'or par un remaniement complet de la forme des chapeaux. On portait alors les chapeaux à ailes longues et rabattues avec les manteaux à longs plis, — costume favorable au mystère, et cher par conséquent à ce peuple voluptueux et romanesque. L'édit le proscrivit et voulut mettre en honneur les chapeaux à bords raccourcis. Ce prélude fut peu goûté. On protesta contre cette pédantesque et ridicule invasion des lois dans le royaume de la mode, et les intentions civilisatrices du monarque fussent absolument méconnues. Peu à peu le mécontentement prit des proportions menaçantes. Les Madrilègnes se soulevèrent et démolirent la maison sis ministre signataire de l'édit, qui n'échappa qu'à grand'peine à la fureur des chapeaux insurges. Le roi, sifflé à son balcon par la foule après une improvisation qui n'eut pas plus de sucrés que sa réforme, dut quitter Madrid on toute hâte, sous la protection de ses gardes wallonnes, et laisser sa capitale au pouvoir de l'ennemi. On crut un instant à une révolution nationale qui allait renvoyer en France la race de Louis XIV. Le marquis d'Ossun, représentant de la cane de Versailles à Madrid, s'empressa d'offrir à Charles le secours des armées de Louis XV. Le roi refusa et attendit. Au bout de quelques jours, les jésuites parurent dans la rue, comme le deus ex machina. On les vit circuler à travers les groupes, exhortant la foule à se retirer, et celle-ci, comme obéissant à un mot d'ordre, se dissipa en peu d'heures au cri de : Vivent les jésuites !

Telle avait été la préface de l'édit de bannissement. Le roi, rentré dans sa capitale, ne fit en apparence aucune démarche pour découvrir les causes secrètes de l'insurrection, ni pour en punir les auteurs. Les cabinets étrangers apprirent avec étonnement les détails de ces scènes ironies, dans ce siècle où la majesté royale avait été, insultée par une majesté en haillons qui allait avoir aussi, avant peu, son arène et ses courtisans. Ils s'en exagérèrent l'importance. Louis XV surtout en fut frappé de stupeur. Il se rappelait le cercueil de son ancêtre assailli a coups de pierres sur la route de Saint-Denis ; il craignait les multitudes ; il avait le pressentiment d'un orage prochain. Il se fit raconter minutieusement les moindres épisodes de l'émeute de Madrid. Quant à Choiseul, il en fut indigné. Ce vrai gentilhomme, hautain et brave jusqu'à la témérité, se refusait à admettre l'idée d'un roi fuyant devant son peuple. Son indignation se changea en dédain lorsqu'il apprit l'impunité des émeutiers et l'apparente inaction de Charles. Toute l'Europe et les jésuites eux-mêmes, que la voix publique accusait d'avoir secrètement fomenté les troubles, s'y trompèrent avec lui. Cependant le roi poursuivait dans le mystère une instruction dirigée par lui avec cette opiniâtreté ardente et calme a la fois qui était le trait le plus saillant de son caractère il y mit tout le temps nécessaire pour qu'elle Mt complète et consciencieuse, et procéda avec des précautions qui lui étaient commandées par la vigilance bien connue de cens dont il méditait le châtiment. Campo-Manès, d'Aranda, Monluc, qui remplissaient remploi de juges instructeurs, conféraient entre eux par des moyens qu'on dirait empruntés aux traitres de mélodrame. Ils se rendaient la nuit, séparément et a l'insu les uns des autres, dans une maison isolée et sans apparence. Là, de jeunes pages, dont loge écartait tout soupçon, transcrivaient sous leur dictée les documents et les pièces du procès. D'Aranda les portait ensuite, en personne, au roi lui-même qui en discutait la valeur et indiquait la direction à donner aux poursuites.

Rien ne transpira jusqu'au moment oh redit punit. Il trouva les jésuites dormant paisiblement sur la foi de leur faveur passée. Charles était en effet un prince digne par sa vie entière de porter son titre héréditaire de roi très-catholique. Caractère droit, âme pure, mais esprit étroit et faible, il laissait percer ses préoccupations religieuses dans ses moindres actes. Ses dépêches diplomatiques A ses ambassadeurs auprès du Saint-Siège attestent qu'il poussa la dévotion jusqu'à la manie. Il y disputait au pape le privilège de faire les saints, antique monopole de la cour romaine ; il s'ingéniait, à chaque canonisation nouvelle, de glisser par contrebande un de ses protégés dans la glorieuse phalange des demi-dieux, et on le lui accordait volontiers en échange de ses bons offices. En plusieurs circonstances, il avait donné ah, jésuites des marques non équivoques de sa protection, notamment en faisant brûler par la main du bourreau, selon l'usage classique, les manifestes de Pombal. C'était se compromettre avec eux, lier irrévocablement sa cause à la leur ; qu'on juge de leur surprise à ce brusque réveil ! Quoi ! trahis, abandonnés, joués par ce dernier allié ! — Rodrigue, qui l'eût cru ? — Chimène, qui l'eût dit ? Leurs commentaires et leurs étonnements, vrais ou feints, durent encore aujourd'hui. Ils en ont rempli des volumes.

Leur système consista d'abord à supposer une conjuration entre Choiseul, les encyclopédistes et la cour d'Espagne. Choiseul avait fait l'émeute pour la leur attribuer et les perdre ; les encyclopédistes avaient empoisonné les ministres de Charles do venin de leurs doctrines ; quant au roi, il avait naturellement jouté le rôle de dupe. Les rois sont impeccables ; la société n'a jamais fait remonter ses accusations jusqu'a eux ce sont toujours les ministres qui ont tort : Louis, trompé par Choiseul, Charles par d'Aranda, Joseph par Pombal. Marie-Thérèse par Kaunitz. — Il faut garder un roi pour la soif, dit le proverbe. — Cette fable grossière et impertinente n'ayant aucun succès, ils insinuèrent que leur chute était l'ouvrage d'un ordre jaloux de leur prospérité, les dominicains. Personne n'y crut. Qu'iota-fuser alors ? Ils avaient fait de Choiseul un entrepreneur d'émeutes, ils en firent encore un faussaire. D'après une troisième version, Choiseul aurait fait imiter l'écriture du général de l'ordre dans une lettre qui présentait le roi comme un bâtard d'Alberoni, et l'infant don Louis, son frère, comme le seul héritier légitime de la couronne. Mais pourquoi discuter des allégations qui ne s'appuient sur aucune espèce de preuves, et que repoussent également et la vraisemblance historique et le caractère bien connu des personnages. Les défauts mêmes du duc, sa légèreté, son insouciance, son indiscrétion, excluent jusqu'a l'idée d'une trame aussi noire. S'il avait été capable de haïr ces moines, il n'aurait jamais apporté autant de bassesse et de platitude dans sa haine. Or il ne leur faisait pas l'honneur de les haïr. Il les frappait en les dédaignant. Il se délivrait en eux d'un embarras, d'une influence hostile à sa politique, des importunes sollicitations de leurs nombreux ennemis ; peut-être même, ce brillant héros des salons de Versailles mit-il plus de complaisance et de vanité dans cet acte que de cette austère impartialité qui est le devoir du juge ; mais de là à un faux sous signature privée, il y a loin. En vérité, cette invention est bien maladroite, mes pères, et votre imagination s'est fourvoyée ; car, qui ne reconnaîtra dans ce complot ténébreux et dans celte fourbe consommée la mise en scène de ce bon M. Tartufe et tout l'arsenal de vos arguments favoris ?

La vérité est que les motifs réels de la détermination de Charles sont encore un mystère, comme il l'a souda. En attendant que l'avenir déchire ce voile jusqu'à présent impénétrable, l'histoire a mille raisons pour croire que la condamnation fut méritée. Les dépêches du marquis d'Ossun à Choiseul donnent comme un fait certain la conviction intime tin roi nu sujet de la participation des jésuites à remette de Madrid. On en avait ardue distribuant de l'argent dans les groupes. Charles devait être entouré, le jeudi saint, aux pieds des autels L'intention des rebelles n'était pas d'attenter à ses jours, mais de lui imposer un entourage de leur choix, afin de régner sous son nom. Il avait des preuves sans réplique de leurs coupables projets. Le roi aurait ajoute, en finissant sa confidence, que, s'il avait quelque chose à se reprocher, c'était un excès de clémence et de générosité. Ces données, quelque vague qu'elles laissent subsister au sujet du mobile secret qui faisait agir les jésuites, n'en sont pas moins concluantes sur le point le plus important du procès, leur culpabilité.

Cette violation manifeste des formes légales, l'étalage de despotisme affiché dans l'édit. qui réputait comme un crime de lèse-majesté toute critique comme toute apologie de la volonté du souverain, furent peu goûtés en France. a Que dites-vous de l'édit tin roi d'Espagne qui les chasse si brusquement ? Persuadé comme moi qu'il a eu pour cela de très-bonnes raisons, ne pensez-vous pas qu'il aurait bleu fait de les dire et de ne les pas renfermer dans son cœur royal ? Ne pensez-vous pas qu'on devrait permettre aux jésuites de se justifier, surtout quand ils ne le peuvent pas ? Enfin, ne vous semble-t-il pas qu'on pouvait faire avec plus de raison un acte si raisonnable ? (D'Al. à Volt.) Ce jugement sera celui de la postérité.

Le pape Clément XIII ne fut ni consulté ni prévenu ; Choiseul lui-même ne fut averti que peu de jours avant l'exécution du décret : ou se défiait de ses indiscrétions. Lorsque le vieux Rezzonico reçut ravis du cabinet espagnol qui lui annonçait le bannissement comme un fait accompli, il fondit en larmes, tant ce coup était inattendu pour lui. Il avait pour Charles une tendresse toute paternelle ; il se croyait assuré de son amitié. Lorsqu'elle lui manqua tout n coup, à se sentit défaillir : Tu quoque, fili mi !Et toi aussi, mon fils ! lui écrivit-il, en répétant le mot de César frappé à mort par Brutus. Hélas ! il n'y avait là ni Brutus, ni César  ni Rome, mais un pauvre vieillard infirme, décrépit, pliant sous son fardeau et offrant dans toute sa personne la vivante image d'un culte déchu et d'un pouvoir expirant. La réponse du roi est respectueuse, mais ferme et tranchante comme un glaive u Pour épargner au inonde mi grand scandale, je conserverai jamais dans mon émir l'abominable trame qui a nécessité ces rigueurs. La sûreté de ma vie exige de moi un profond silence sur cette affaire.

Peu de temps après, les vaisseaux du roi d'Espagne, chargés de près de six mille jésuites se montrèrent en vue de Civita-Vecchia pour débarquer leur cargaison. Le gouverneur les reçut à coups de canon. Le cardinal Torregiani, le secrétaire d'État de Clément XIII, s'était avisé que ces malheureux mangeaient de trop bon appétit, et il éloignait en eux des bouches inutiles ; telle est du moins la raison qu'il donna lui-même d'une réception si peu conforme à l'esprit de l'Évangile. Comment loger cette immense quantité de jésuites espagnols, puisque leurs maisons dans l'État ecclésiastique regorgent déjà de sujets portugais ?... Ajoutez à cela l'appauvrissement extraordinaire de l'État à cause des mauvaises récoltes dont le Seigneur nous a visités cette année. A quoi ne peut-on pas s'attendre, s'il nous faut donner l'hospitalité à tant de milliers de jésuites, dont la présence ferait encore augmenter le prix des denrées ? (Torregiani à Palavicini.)

Ainsi, de quel droit ces exilés se plaindraient-ils ? C'est le Seigneur en personne qui a décidé de leur sort en visitant l'État romain de mauvaises récoltes !

Ils s'éloignèrent du rivage en maudissant cette patrie adoptive à qui ils avaient sacrifié la terre natale, et qui leur refusait jusqu'au pain amer de l'exil. Alors recommença leur pénible odyssée. Ils se présentèrent successivement devant Livourne, Gènes et la Corse partout on les repoussa. Des négociations diplomatiques s'ouvrirent à leur sujet, mais sans amener de résultat. Enfin, pour complaire à Charles III, Choiseul les fit débarquer en Corse, dont les armées françaises occupaient alors les principaux ports au nom de la république génoise ; mais cet asile précaire leur fut enlevé dés l'année suivante ; la Corse ayant été cédée définitivement à la France, ils furent chassés de nouveau, et ne trouvèrent de refuge définitif que dans les États du pape.

Bientôt un dernier malheur accablait la Compagnie. Le roi de Naples, trompant la vigilance du Saint-Siège, faisait jeter sur la frontière du royaume, dans les districts d'Ascoli et de Rieti, une troupe nombreuse de ces religieux. Le lendemain, on en découvrait cent soixante-quinze dans un champ de roseaux, prés de l'unciné, et le grand maitre de Malte imitait l'exemple du roi de Naples. C'était le coup de grâce. Quoi ! chassés par des religieux, et ces religieux ce sont les hospitaliers de Saint-Jean fortune, Ces malheureux furent accueillis avec un dépit qu'on ne chercha point à dissimuler. Quel crime avaient-ils donc commis ? Le crime de survivre à leur défaite. Væ victis !