JEAN-BAPTISTE CARRIER

 

CHAPITRE XVII. — DÉPART DE NANTES.

 

 

Déclaration pompeuse de la Société populaire énumérant ses services à la patrie, publiée par la Société populaire avant le départ de Carrier. — Prétention des signataires d'avoir bravé Carrier. — Lettre du Comité de Salut public à Prieur de la Marne envoyé à Nantes pour le remplacer. — Le Comité de Salut public informé de la conduite de Carrier. — Témoignage de Chaux. — Le plan de destruction totale des brigands. — Propos de Robespierre sur Carrier. — Discours d'adieu de Carrier au Conseil général de la Commune de Nantes. — Marques d'estime et d'amitié données au représentant. — Le citoyen Lacour et Carrier. — Bons procédés de Carrier pour Goullin. — Régularisation des ordres donnés au Comité pour la noyade du Bouffay. — Opinion favorable du jeune Goupilleau sur la conduite politique de Carrier. — Inquiétudes du Comité révolutionnaire et sa crainte d'étre remplacé par les gens de la bande de Lamberty. — Ordre d'arrestation de celui-ci donné par le Comité révolutionnaire aussitôt après le départ de Carrier. — Passage de Carrier à Ancenis, à Saumur et à Orléans.

 

La perte des registres des procès-verbaux de la Société populaire ne permet pas de savoir à quel point elle &arrêta dans l'épuration que Jullien lui avait conseillée, mais il n'est pas douteux que cette épuration dut être sévère, car la Société n'avait rien à refuser à un familier de Robespierre, capable de la défendre des atteintes de Carrier. Assurée de cette puissante protection, elle fit aussitôt blanc de son épée, et rédigea une déclaration dans laquelle elle énuméra superbement les services de toutes sortes qu'elle prétendait avoir rendus à la République. Tout ce que les patriotes de Nantes avaient pu faire n'était-ce pas la Société de Vincent-la-Montagne qui l'avait fait et qui seule avait le droit de s'en vanter ? Elle rappelait ce qu'elle avait fourni en équipements, linge, habits, couchages ; toutes choses réquisitionnées dans les maisons des habitants, et qui n'avaient absolument rien coûté à ses membres. Elle dénombrait aussi les hommes qu'elle avait donnés pour combattre la guerre civile, et vantait l'héroïsme des combattants du 29 juin 1793, dont elle se gardait bien de dire que les chefs principaux avaient été Baco, Coustard, Beysser et qu'elle les avait laissés destituer ou proscrire. S'adressant à la cantonade, elle disait : Qu'ils viennent nos calomniateurs, ces infâmes suppôts des despotes coalisés, ils apprendront que des républicains calomniés sont terribles, et, qu'en soutenant la République, de tout leur pouvoir et de toutes leurs forces, ils sont en état de les confondre avec le même courage qui a vaincu les fédéralistes et les ennemis de l'égalité[1].

Il a paru à Dugast-Matifeux[2] que ce langage visait directement le proconsul, et que, pour l'avoir imprimé durant son séjour à Nantes, la Société avait montré de l'héroïsme. Il se peut, en effet, que, huit ou dix jours auparavant, Carrier eût trouvé intempestive, et même insolente, une adresse où la Société populaire se vantait d'avoir sauvé la ville de Nantes, et même la patrie par dessus le marché sans l'associer, pour la plus petite part, aux louanges qu'elle se décernait à elle-même ; mais, à ce moment, il en avait assez de sa mission, puisqu'il avait déjà demandé son rappel. Il ne semble pas, en tout cas, avoir ressenti la piqure.

Il est même probable qu'il n'en avait pas eu connaissance avant la réception à Nantes de sa lettre de rappel, dont le départ dut avoir lieu de Paris, le jour de la signature, le 20 pluviôse (8 février), et l'arrivée à Nantes, le 24 ou le 23. Les députés de la Société, reçus par le Comité de Salut publie, avaient pu, dès la veille, être informés de la décision prise, et en aviser leurs frères de Nantes. Or ce fut dans la séance du 23, — le procès-verbal imprimé à la suite de l'adresse le constate, — que l'adresse fut arrêtée et votée, et il fallut le temps de l'imprimer. La Société, porte ce procès-verbal, a arrêté que ladite adresse sera imprimée au nombre de douze cents exemplaires et adressée à la Convention, au Comité de Salut public, etc.[3] Le sanglier pouvait sans doute, un moment encore, s'agiter dans sa bauge, mais ses défenses étaient émoussées.

Voici le texte de la lettre adressée à Carrier par le Comité de Salut public. La minute est de la main de Barère :

Paris, 20 pluviôse an II (8 février 1794).

CITOYEN REPRÉSENTANT,

Tu as désiré être rappelé. Tes travaux multipliés, dans une ville peu patriote et voisine de la Vendée, méritent que tu te reposes quelques instants, et tous tes collègues te reverront avec plaisir dans le sein de la Convention nationale. Ta santé a été altérée par tes occupations constantes. L'intention du Comité est de te donner une autre mission, et il est nécessaire que tu viennes en conférer avec le Comité. Salut et Fraternité. — Suivent trois signatures, tellement abrégées qu'il est difficile de savoir à qui les attribuer[4].

On n'est pas plus gracieux ; et ce n'était pas le seul Barère, connu pour son exquise courtoisie qui s'exprimait ainsi, c'était le Comité de Salut public tout entier.

De la même plume, et à la suite de la lettre à Carrier, on rencontre, aux archives, la minute de la lettre suivante adressée à Prieur de la Marne :

20 pluviôse (8 février).

Le Comité de Salut public à Prieur de la Marne, représentant du peuple dans le Morbihan.

CITOYEN COLLÈGUE[5],

Quoique ta présence soit bien nécessaire à Lorient, elle l'est encore davantage à Nantes. Tu as fais tant de bien à l'armée chargée d'éteindre la Vendée, que nous réclamons encore ton zèle et ton courage. Nous mettons ton patriotisme en réquisition. Pars dès cette lettre reçue. Rends-toi à Nantes pour y établir le Gouvernement révolutionnaire, décrété le 14 frimaire, et pour surveiller plupart des gens qui l'approchaient pour lui parler d'affaires, avait été, comme on l'a vu, pris d'une telle peur qu'il s'était enfui de Nantes précipitamment. Carrier, sans doute, avait manqué de tact ; mais, dans ses démêlés avec la Société populaire, les torts étaient partagés, et il s'en fallait qu'ils fussent tous de son côté.

 

Ce n'est donc point pour avoir noyé, fusillé, guillotiné sans jugement des milliers de prisonniers, pour avoir permis à la compagnie Marat et au Comité révolutionnaire de piller sous ses yeux la ville de Nantes, que Carrier fut rappelé. Le tableau lamentable que Jullien a tracé de la situation de cette malheureuse cité, pendant son court séjour, n'était que la constatation d'un état de choses qui durait depuis plus de trois mois. Un être vicieux, négligent, incapable, faisait planer son autorité despotique sur une population de quatre-vingt mille âmes ; des commissaires de toutes sortes, des représentants en mission, avaient, en passant, été les témoins de toutes ces cruautés, de tous ces maux, et Robespierre, Barère seuls, les avaient ignorés ! S'ils ont, comme on l'a prétendu, rappelé Carrier par humanité, à la nouvelle de ses excès, ils étaient donc les hommes d'Etat les plus incapables qui aient jamais touché au gouvernement d'une nation. Le premier devoir d'un chef d'Etat n'est-il pas de connaître et de surveiller les actes de ses agents ? La vérité est que le Comité de Salut public avait tout su, tout connu. La destruction des lettres originales de Carrier, concernant les noyades, loin de prouver l'ignorance des membres du Comité, ne démontre qu'une chose, le dessein arrêté de faire disparaître les preuves de leur complicité.

Chaux, par lui-même, est une mince autorité ; mais sa parole a cependant quelque poids quand il défend Carrier qu'il a tant accusé au cours de son procès. Dans un mémoire inédit de ce membre du Comité révolutionnaire, dont j'ai déjà cité ailleurs des passages, on lit : Carrier m'a dit ici et à Paris, que les Comités de Salut public et de Sûreté générale avaient été informés par lui de tout ce qu'il avait fait, et qu'on l'en avait félicité. Il a dû, autant que je me le rappelle, tenir ce propos à Paris, devant Fouché et Ouvrard, en traitant de scélérats ceux qui remuent la cendre des morts. V oyez les rapports de Carrier à la Convention, les lettres qu'il lui a écrites, ses rapports et ses conversations aux Jacobins, aux Cordeliers. Que ceux qui savent, élèvent la voix, ils le doivent.

Dans le mémoire présenté au Comité de Salut public par Lequinio, le 12 germinal an Il, on lit : Toute la difficulté qui se présente est de savoir si l'on prendra le parti de l'indulgence ou s'il est plus avantageux de continuer le plan de destruction totale[6]. Il a donc existé un plan de destruction totale, et Carrier a été l'un des agents chargés de le mettre à exécution. Sa mission était horrible assurément ; mais comment qualifier cette douzaine de représentants, élite prétendue de la Convention, qui attendirent de sang-froid qu'elle fût accomplie, avant de retirer ses pouvoirs à ce maniaque de dépopulation ?

Laignelot n'a-t-il pas dit, en pleine Convention, que, lorsqu'il avait sollicité Robespierre de rappeler Carrier, bien avant les dénonciations de Jullien, Robespierre lui avait répondu : Carrier est un patriote, il fallait cela dans Nantes[7].

Carrier, rappelé de sa mission, comme un bon serviteur qui a fini son travail et qui a besoin de repos pour rétablir sa santé, — ce sont presque les termes de la lettre de Barère, — n'avait pas lieu de paraître humilié. Aussi ne quitta-t-il pas Nantes à la dérobée, en fonctionnaire disgracié, embarrassé de sa contenance. Dans la soirée du 25 pluviôse (13 février), il vint en personne au Conseil général de la Commune, et lui fit savoir que, mandé par le Comité de Salut public, il se proposait de partir dans la nuit. Il avait, dit-il, droit de compter sur l'estime et l'amitié de tous les vrais sans-culottes, parce que tout ce qu'il avait fait, comme représentant du peuple français, avait eu pour objet le triomphe de la République une et indivisible sur ses ennemis, et d'exterminer les infâmes contre-révolutionnaires et brigands qui, depuis onze mois, désolent et dévastent la Vendée.... Les républicains ne doivent prendre aucune alarme des mouvements convulsifs des rebelles, parce que le Comité de Salut public, d'après son rapport, mettra en vigueur des mesures qui, sous peu, extermineront jusqu'au dernier des brigands. Il a assuré le Conseil général de la Commune qu'il possédait sa confiance, ainsi que les deux autres administrations, dans lesquelles il n'avait trouvé que de vrais sans-culottes ; que la promptitude de son départ ne lui permettait pas de se rendre auprès de chacune de ces administrations pour le leur dire, mais qu'il priait la Municipalité de nommer quelques-uns de ses membres pour leur porter le témoignage de sa part. Il a terminé en demandant l'accolade fraternelle au citoyen maire, dans son nom, et celui du Conseil général.

Renard, qui était certainement l'un des terroristes les plus endurcis qu'il y eût à Nantes, pratiqua en cette circonstance, d'une façon magnanime, l'oubli des injures. Le procès-verbal continue ainsi : Le citoyen maire a adressé la parole au représentant du peuple Carrier. Il lui a témoigné l'estime et l'amitié que son énergie républicaine et son ardeur à poursuivre les contre-révolutionnaires, et à les faire punir, lui avaient méritées de la part des sans-culottes, et il lui a donné l'accolade fraternelle[8].

Carrier ne partit pas la nuit suivante, comme il l'avait annoncé ; deux de ses arrêtés portent la date du 26 pluviôse.

L'un d'eux concerne le District. Carrier, je l'ai déjà dit, ne s'était point occupé de l'application de la loi du 14 frimaire sur l'établissement du Gouvernement révolutionnaire qui donnait, notamment, aux Districts et à un fonctionnaire, de création récente, appelé Agent national, des attributions nouvelles. Le citoyen Lacour, dit Labigne, membre de cette administration, alla, dans la matinée, lui rappeler cet oubli. Lacour n'avait pas plutôt ouvert la bouche que Carrier l'accabla des invectives les plus grossières, en le traitant de j... f..., de f... c..., et en ajoutant : f... moi le camp. Dans la journée, il signa cependant un arrêté qui appelait une dizaine.de citoyens aux fonctions de membres du District de Nantes, et qui désignait Gicqueau pour celles d'agent national[9]. Dans la soirée, il envoya le chef de légion, Deurbroucq, auprès de Lacour, avec mission de le lui amener. Cette fois, il fut charmant et il exprima, devant quinze personnes, à Lacour, les regrets qu'il éprouvait de l'avoir si mal reçu. On lui avait dit que Lacour était un aristocrate ; on l'avait trompé ; mais maintenant qu'il voyait qu'il avait affaire à un bon républicain, il se repentait de son erreur, et lui annonçait qu'il l'avait maintenu dans ses fonctions[10].

Dans une lettre adressée, deux jours après, au District pour faire connaître son refus d'accepter le poste d'agent national, Gicqueau dit que le District ne pouvait être embarrassé, parce qu'il croyait savoir qu'en prévision de son refus Carrier avait nommé Goullin à son défaut[11]. Je n'ai point vu que cette nomination ait été libellée ; Goullin, probablement, avait refusé lui aussi, et ce fut Ramard qui continua d'exercer, par intérim, les fonctions d'agent national comme auparavant, sans commission, jusqu'à la nomination de Clavier jeune, par Prieur de la Marne et Garreau, le 9 ventôse an II.

L'offre faite à Goullin de la place d'agent national est un signe non équivoque des bonnes dispositions de Carrier à son égard. Il vient s'ajouter aux autres preuves d'amitié qu'il lui donna, en destituant Phelippes, son ennemi, de la présidence du Tribunal révolutionnaire, et en nommant trésorier des Invalides de la Marine le fils de Gallon, son commensal et son ami. Ces actes portent la date du 26 pluviôse (14 février).

Carrier, avant de partir, régularisa aussi la fausse position dans laquelle se trouvaient Goullin et les autres signataires de l'ordre qui enjoignait au concierge du Bouffay de remettre aux camarades de la compagnie Marat les cent vingt-neuf prisonniers noyés dans la nuit du 24 frimaire. Le concierge refusait de se dessaisir de cet ordre qui le couvrait. D'autre part, ceux qui l'avaient signé craignaient, non sans raison, de se voir incriminés pour cet abus de pouvoir, qui avait ému toute la ville, et que le représentant n'avait autorisé que tacitement et d'une manière évasive. Carrier, la veille de son départ, dans un dîner qui eut lieu à la maison de Ducros, signa, en l'antidatant, cet ordre aux membres du Comité de prendre au Bouffay, pour les transférer à Belle-Île, les détenus qui leur avaient été délivrés[12]. Il ne pouvait faire davantage à moins d'écrire en toutes lettres qu'il les avait chargés de les noyer en route. Le représentant et le Comité, en apparence tout au moins, se quittaient bons amis. Carrier devait partir hier, écrivait le 27 pluviôse (15 février), le jeune Goupilleau. On m'assure qu'il part aujourd'hui... Je te répéterai, comme je te l'ai toujours dit, que Carrier a fait du bien à Nantes dans le principe, et que je le crois vraiment républicain et révolutionnaire... Le grand reproche à lui faire, c'est d'être trop brusque, emporté au point d'intimider jusqu'aux bons patriotes[13]. Il est triste de penser que ces lignes, tombées de la plume d'un jeune homme, reflétaient, probablement avec exactitude, l'opinion moyenne des républicains nantais à ce moment. Aussi, quelques jours plus tard, la Société Vincent-la-Montagne entendra, sans protester le moins du monde, le représentant Hentz lui déclarer qu'il approuvait entièrement la conduite de Carrier, et qu'à sa place il aurait fait ce qu'il avait fait.

En définitive, Carrier ne partit que le lendemain du jour indiqué comme probable dans la lettre du jeune Goupilleau, c'est-à-dire le 28 pluviôse (16 février). Le général Haxo mandait à Vimeux, ce même jour : Je viens d'apprendre que le représentant Carrier est parti ce matin pour Paris[14]. Ce renseignement, d'un caractère si précis, semble mériter complètement créance.

Carrier était fantasque à un point extraordinaire. Goullin le savait ; il savait aussi qu'avec des caractères de cette sorte on n'est jamais assuré de rien. Il lui avait donné des témoignages d'amitié ; mais ces témoignages étaient-ils bien sincères ? Que s'était-il passé entre le représentant et Lamberty, et consorts, ses confidents intimes ? Ne leur laisserait-il pas, en partant, des instructions et des pouvoirs ? David-Vaugeois, l'accusateur de la Commission militaire, a affirmé que le Comité révolutionnaire craignit, dans ce moment, de voir ces scélérats élever à Nantes une autorité à l'encontre de la sienne[15]. Mais Goullin connaissait son monde et, à tout hasard, il s'était d'avance armé contre Lamberty en réunissant, contre lui, les éléments d'une accusation qui le réduirait à une complète impuissance. Depuis quelque temps déjà il avait en main la preuve que Lamberty et deux de ses camarades avaient mis en liberté, dans un but qui se devine, des prisonnières destinées à la Commission militaire. Il s'était bien gardé de les dénoncer tant que Carrier avait été à Nantes ; mais celui-ci ne fut pas plutôt monté dans sa voiture qu'un mandat d'arrêt était lancé contre Lamberty, par la Commission militaire, avec ordre de se saisir aussi de Lavaux, aide de camp de Lamberty, et de Robin. Les deux premiers furent incarcérés au Bouffay[16] ; le troisième, plus adroit, réussit à s'enfuir. Il rejoignit le représentant à Angers. Ce dernier, qui avait sans doute des amis puissants à l'armée du Nord, l'y fit placer avantageusement, en même temps que le mari de la femme Le Normand.

Carrier quittait Nantes de son plein gré. L'invitation de revenir à la Convention, que le Comité de Salut public lui avait adressée, ne pouvait avoir à ce moment un caractère impératif à l'égard des représentants qui avaient été investis de leur mission par un décret de la Convention, et tel était le cas de Carrier. Ce n'est que plus tard, quand le Comité de Salut public se fut emparé de tous les pouvoirs et de tous les ressorts du Gouvernement, qu'il se lit attribuer, sur la proposition de Couthon, le droit de rappeler, par un simple arrêté, les députés envoyés en mission par décret[17].

En ce temps-là on ne voyageait pas aussi rapidement qu'aujourd'hui ; Carrier n'arriva à Ancenis que dans la soirée. Il se rendit aussitôt au Club des sans-culottes, qui tenait ses séances dans la salle de l'ancien réfectoire des Cordeliers. Il y parla avec une extrême violence, et un témoin avait retenu cette phrase : Je vois partout des gueux en guenilles. Vous êtes aussi bêtes qu'à Nantes. L'abondance est près de vous et vous manquez de tout. Ignorez-vous donc que la fortune et les richesses de ces gros négociants vous appartiennent, et la rivière n'est-elle pas là ?[18] Il alla ensuite souper chez le citoyen Guesdon, directeur de l'hôpital militaire, en compagnie du général Hector et de quatre ou cinq officiers de santé. Vous avez vu, leur dit-il, comment j'ai mené à Nantes les aristocrates. J'en ai fait fusiller et noyer une grande quantité, mais pas tous. J'en aurais fait autant à Rennes, si j'y étais resté plus longtemps. Il reprocha aussi à Francastel sa faiblesse de n'avoir pas osé noyer les Cent trente-deux Nantais[19].

A Saumur, où il s'arrêta, il alla aussi à la Société populaire et pérora sur les habitants de Nantes, auxquels il reprocha leur incivisme. A Orléans, Gaudin, minotier, employé supérieur de l'administration des subsistances, le rencontra en compagnie de Robin. Il lui parla de la disette qui affligeait Nantes. Des subsistances pour Nantes, lui répondit Carrier, qu'ils mangent de la m...[20]

 

 

 



[1] Précis de la conduite patriotique des citoyens de Nantes, p. 12.

[2] Bibliographie révolutionnaire, n° 100, p. 14.

[3] Extrait du procès-verbal imprimé à la suite de la Déclaration. Imp. de Hérault, in-4° de 3 p.

[4] Archives nationales, AF, 237, con 109, 57.

[5] Collègue du Comité de Salut public, dont Prieur de la Marne faisait partie.

[6] Observation de Réal, procès de Carrier (Réimpression du Moniteur, XXIII, 58).

[7] Réimpression du Moniteur, XXII, 580. 5 frimaire an III.

[8] Procès-verbal du Conseil général de la Commune de Nantes, inséré a la date du 26 pluviôse (f° 28), avec cette mention en marge : Par omission du 2 pluviôse an II.

[9] Ces citoyens étaient : président : Donnet ; directoire : Ramard, J. Bureau, Luiseleur, Caussiran ; conseil : Thébaud, Guillot, Saint de Paimbœuf, Bellier jeune, Sarradin, Mary, Biscarrat. (Registre du District).

[10] Pièces remises à la Commission des Vingt et Un, p. 10.

[11] Lettre de Gicqueau du 28 pluviôse an II.

[12] Notes d'audience de Villenave (Collection G. Bord). Déclaration de Gaullier, membre du Comité. Registre des déclarations, w 67 (Archives municipales). — Bulletin du Tribunal révolutionnaire, VII, 26.

[13] Précis de la conduite patriotique, etc., p. 43.

[14] Savary, Guerres des Vendéens et des Chouans, III, 208.

[15] Déposition de David-Vaugeois, à l'audience du 29 vendémiaire an III.

[16] Registre d'écrou du Bouffay, f° 114 (Archives départementales). Lettre de Bignon, président de la Commission militaire (Pièces remises à la Commission des Vingt et Un, p. 112).

[17] Convention, séance du 10 prairial an II (Réimpression du Moniteur, XX, 599).

[18] Maillard, Ancenis pendant la Révolution, p. 152. — Déclaration d'Aregnaudeau, qui donne la date du 28 pluviôse (Journal des Lois, numéro du 23 frimaire an III — Bulletin du Tribunal révolutionnaire, VII, 73).

[19] Lettre de Chéreau, chirurgien de l'armée des côtes de La Rochelle, à Laignelot, Pièces remises à la Commission des Vingt et Un, p. 20.

[20] Papiers de Bachelier, Collection Dugast-Matifeux et Bulletin, VII, 59.