HISTOIRE POÉTIQUE DES MÉROVINGIENS

LIVRE III. — Les derniers Mérovingiens.

CHAPITRE II. — La reine Brunehaut.

 

 

LA REINE Brunehaut, qui a tenu une si grande place dans l’histoire de son temps, n’en a pas occupé une moindre dans l’épopée. Il ne se pouvait pas que cette figure grandiose et tragique ne frappât fortement les imaginations, et ne s’y gravât avec ces traits terribles que lui a donnés, dès le VIIe siècle, la plume des chroniqueurs et des hagiographes. Néanmoins, lorsqu’il s’agit de démêler dans sa physionomie les traits qu’elle a eus réellement et ceux qu’elle tient de la légende, on se trouve devant une difficulté que nous n’avons pas encore rencontrée au cours de ces recherches jusqu’ici, en effet, notre analyse n’a dégagé que deux éléments constitutifs de histoire : d’un côté, des souvenirs exacts et précis, qui ont été figés par écrit d’assez bonne heure pour ne pas subir d’altération notable ; de l’autre, des traditions poétiques qui, en passant par le prisme de l’esprit populaire, y ont été soumises à un remaniement profond et organique. Cette fois, nous aurons à tenir compte d’un troisième élément, celui qui, pour les historiens de la vieille école, était la seule source des inexactitudes de l’histoire, je veux dire la fable inventée de parti pris, l’erreur propagée par la malveillance, la légende défigurée par l’impopularité. En butte aux haines d’une classe nombreuse et puissante, qui constituait presque à elle seule toute la nation, Brunehaut a été atrocement calomniée par tous ceux que contrariait : l’absolutisme de son gouvernement. Et les calomnies des grands, se répandant dans le peuple qui ne connaissait la souveraine que par ces rapports mensongers, y ont fait autour du nom de la malheureuse femme cette sinistre auréole d’infamie contre laquelle la critique a pour devoir de protester. Ces calomnies, tombées dans l’esprit populaire, y ont été comme les germes desquels est sortie toute la multitude des légendes épiques. Tous n’ont pas fructifié. Quand Frédégaire écrivit, c’est à peine si un ou deux s’ouvraient ; les autres étaient restés stériles. Par contre, l’auteur du Liber Historiæ était justement placé à la distance nécessaire pour que le personnage lui apparût dans l’auréole épique : aussi trouvons-nous chez lui des traces manifestes d’épopée.

Ma tâche n’est pas de relever, dans le régit de Frédégaire, les innombrables erreurs qu’il commet au détriment de la réputation de Brunehaut : je l’ai fait ailleurs[1], et, considérant les résultats de cette étude comme désormais acquis, je me bornerai ici à rechercher le travail de l’esprit populaire sur les données historiques plus ou moins pures dont il disposait.

Dans la chronique de Frédégaire, il y a trois passages qui, à première vue, suggèrent l’idée d’une élaboration de l’histoire par l’imagination publique : nous allons les examiner successivement.

Le premier passage est relatif à une prophétie sibylline au sujet de Brunehaut. Parlant du maire du palais Gogon, qui aurait été assassiné, à ce qu’il prétend, par Brunehaut[2], Frédégaire écrit : Ce Gogon eut une administration prospère jusqu’au jour où il amena Brunehaut d’Espagne. Bientôt elle l’eut rendu odieux à Sigebert, qui, instigué par elle, le mit à mort. L’influence de cette femme a causé tant de maux et fait verser tant de sang dans le pays des Francs qu’alors fut réalisée la prophétie de la Sibylle qui dit : Bruna viendra du pays d’Espagne, et devant sa face périront quantité de gens. Mais elle-même sera mise en pièces sous les sabots des chevaux[3].

Il résulte de ce texte qu’au moment où écrivait Frédégaire, il existait chez les Francs une prophétie attribuée à la sibylle, et qui prédisait le règne et la mort de Brunehaut. Ce texte était, par conséquent, postérieur à bai. Il était, comme on le voit, en prose, et avait cet accent biblique propre à tous les oracles sibyllins ; il se tenait, au surplus, dans un certain vague fait pour en augmenter l’effet, évitait d’entrer dans le détail historique, ne désignait même Brunehaut que par la forme diminutive de son nom[4]. On reconnaît donc ici, sans contestation possible, une de ces prédictions après coup comme aimaient à les composer ces âges d’imaginations crédules, et qu’ils mettaient régulièrement sur le compte des sibylles païennes, auxquelles nul ne refusait alors le don de prophétie. L’auteur était probablement quelque clerc ennemi de la reine d’Austrasie, peut-être le même qui écrivit les Annales dont s’est servi Frédégaire. Celui-ci, trouvant ce texte dans sa source, n’a pas un instant douté de son authenticité ; il l’a donc accueilli et reproduit avec la plus entière confiance. Il lui est même arrivé, à cette occasion, une petite mésaventure assez curieuse. Étranger, à ce qu’il paraît, à l’usage germanique d’abréger les noms, et voyant - la reine d’Austrasie appelée Bruna, il s’est persuadé que ce devait être le nom primitif qu’elle avait porté en Espagne, et qu’on l’avait modifié en Austrasie pour lui faire honneur. Et c’est ce qui l’amène à écrire gravement, en parlant du mariage de cette princesse : Ad nomen ejus ornandum est auctum, ut vocaretur Brunechildis[5].

Cette naïve conjecture, qui ne pouvait entrer que dans la tête d’un Romain, a du moins l’avantage de nous montrer le travail d’exégèse et de divination que le bon chroniqueur faisait sur ses sources, et de nous faire retrouver un élément purement subjectif là où Iton croyait être en face d’un récit puisé dans la tradition écrite ou orale. Je n’ai d’ailleurs pas besoin d’insister davantage sur l’épisode, puisque après l’analyse qui vient d’être faite, il est évident qu’il n’a rien de populaire, et qu’il ne peut à aucun point de vue être rangé dans la catégorie des traditions épiques.

Le deuxième passage de Frédégaire où l’histoire de Brunehaut semble offrir quelque couleur épique est celui-ci : En 599, Brunehaut fut chassée par les Austrasiens, et trouvée toute seule par un pauvre dan, la campagne d’Arcis-sur-Aube. Sur sa demande, il la conduisit à Théodoric, qui reçut sa grand’mère avec plaisir et la combla d’honneurs. En récompense, ce pauvre reçut l’évêché d’Auxerre avec l’appui de Brunehaut[6].

J’ai déjà montré que ce récit est radicalement faux, et je ne crois pas avoir besoin de refaire ici ma démonstration. Brunehaut n’a pas été chassée d’Austrasie, et n’a pu être rencontrée dans un état de dénuement complet sur les frontières de la Burgondie. Saint Didier d’Auxerre n’était pas un pauvre avant de devenir évêque ; c’était un parent de Brunehaut, et l’un des hommes les plus riches de son temps[7]. La légende qui rassemble ces deux personnages dans la communauté de la misère ne parai± pas d’ailleurs avoir un caractère bien traditionnel, je crois plutôt en saisir l’origine dans les rancunes des grands. Saint Didier d’Auxerre, parent de Brunehaut, et, sans doute, parvenu à l’épiscopat grâce à elle (604), devait être le partisan et l’appui de cette reine ; il était mal vu, par conséquent, de l’aristocratie rebelle de cette époque. Quoi d’étonnant, dès lors, si, pour expliquer les bons rapports entre l’évêque et la reine, des ignorants ou des malveillants ont imaginé une historiette qui permettait de faire d’une pierre deux coups, en frappant à la fois la protectrice et le protégé ? Le prestige éclatant de ces deux personnages, alors au sommet de la fortune, ne pouvait qu’être diminué, si l’on parvenait à faire croire qu’il n’y avait pas longtemps qu’ils s’étaient trouvés l’un et l’autre dans l’abîme de la détresse, et qu’entre la reine et l’évêque le seul lien était le souvenir de leur commune misère[8].

Mais cette légende, forgée par l’ignorance ou par la haine, semble être tombée dans un milieu fertile et s’être développé dans les imaginations populaires. Si je ne me trompe, elle s’y est dépouillée du caractère satirique qu’elle avait à l’origine, et transformée en un de ces naïfs récits d’aventures comme le peuple en a toujours raconté. La rencontre entre le mendiant et la reine dans la campagne est peut-être la forme pittoresque dans laquelle l’imagination populaire a traduit la donnée qui lui était fournie par les grands au sujet des relations antérieures entre les deux personnages ; peut-être est-ce le peuple aussi qui a localisé l’épisode en lui donnant pour théâtre la ville d’Arcis-sur-Aube. Il est d’ailleurs à remarquer que parmi les légendes de Frédégaire, il en est plus d’une qui provient des confins de la Burgondie et de l’Austrasie : qu’on se souvienne de l’exemption de tributs accordée par Childéric aux habitants de Par, et du ravage des terres burgondes par Clotilde dans les environs de Villery. Voilà, dans la chronique de notre auteur, le troisième border-tale que nous rencontrons : cela est assez remarquable, et jette peut-être un peu de lumière, sinon sur la patrie de l’auteur, du moins sur la provenance de ses renseignements.

Jusqu’ici, nous avons pu constater dans l’histoire de Brunehaut la trace probable de légendes populaires qui sont elles-mêmes l’écho des calomnies des grands, mais nous n’y avons pas remarqué le travail de la chanson épique. Il est peut-être permis de reconnaître l’action de celle-ci dans l’histoire des luttes fratricides de Théodebert et de Théodoric, fomentées, d’après la tradition, par leur grand’mère Brunehaut. Cette histoire, dont Jonas et Frédégaire nous ont encore conservé la physionomie réelle, s’est altérée d’assez bonne heure, et nous apparaît, dans le Liber Historiæ, sous des traits incontestablement poétiques. Elle était d’ailleurs faite, par son caractère hautement tragique, pour frapper vivement l’esprit de la multitude, et pour s’y refléter en des images agrandies[9].

Voici d’abord la charpente des faits. Les deux frères, entre lesquels il existait depuis longtemps une animosité que leur grand’mère avait sans succès essayé d’apaiser[10], en vinrent finalement aux prises. Parti de Langres au mois de mai de l’année 612, Théodoric se dirigea par Andelot et par Nasium, dont il s’empara au passage, sur Toul, où il rencontra Théodebert qui avait pris l’offensive. Le sort des armes se prononça contre le roi d’Austrasie, qui, poursuivi par son frère, passa les Vosges, et, par Metz, se sauva jusqu’à Cologne. Là, il réunit à la hâte tout ce qu’il put trouver de soldats parmi les peuplades d’Outre-Rhin, puis il vint de nouveau se mesurer avec son frère à Tolbiac, où se livra une des plus sanglantes batailles dont les annales des Francs aient gardé le souvenir. Sur les pas du malheureux roi d’Austrasie fugitif de nouveau, Théodoric pénétra dans Cologne et envoya à la poursuite de son frère un détachement qui s’empara bientôt de sa personne. Il fut conduit enchaîné à Châlons-sur-Saône, pendant que son fils Mérovée, qui n’était qu’un petit enfant, avait la tête brisée contre une pierre. Une obscurité sinistre règne sur la fin du malheureux prisonnier ; ce qui est certain, c’est qu’il périt bientôt dans les fers, et que son frère Théodoric le suivit de près dans la tombe, emporté par une de ces maladies qui fauchaient dans la fleur de l’âge les voluptueux princes de la famille mérovingienne. Leur grand’mère Brunehaut ne perdit pas courage dans ces conjonctures critiques. Elle fit proclamer souverain des deux royaumes le fils aîné de Sigebert, et arma pour repousser Clotaire II, qui, appelé par les Austrasiens révoltés, avait pénétré dans les états de ses parents. Mais tout s’unissait pour trahir cette femme -intrépide : elle-même fut livrée à ses ennemis, et, victime de haines implacables et sauvages, elle périt du supplice atroce qui vaudra toujours à sa mémoire la pitié, et l’infamie à celle de ses bourreaux.

Comme on le voit par ce rapide aperçu, il y a dans cette série d’événements une source d’émotions dramatiques comme on les rencontrerait difficilement ailleurs au même degré. Aussi l’imagination populaire en a-t-elle été profondément frappée. Frédégaire, qui écrit sous la dictée de la tradition orale, à un moment où elle n’a pas encore pu altérer les faits, nous permet cependant d’entrevoir les parties de cette histoire qui ont fait le plus d’impression sur le peuple : C’est d’abord la funeste bataille de Tolbiac, où deux peuples frères ont répandu le meilleur de leur sang pour assouvir des haines fratricides. Jamais, dit Frédégaire, de toute antiquité, les Francs ni les autres peuples n’ont livré un combat si meurtrier. Les deux armées combattaient avec un tel acharnement et firent de part et d’autre un tel carnage, que les cadavres, ne trouvant pas de place pour tomber, restaient debout, serrés les uns contre les autres comme des vivants[11]. Voilà bien comme raconte la mémoire populaire. Non que je veuille soutenir que le détail est nécessairement fictif, mais je dis qu’il est de ceux qui frappent la multitude et qu’elle aime à retenir. Celui-ci était fait pour germer et pour fructifier dans d’autres imaginations. Ides morts qui restent debout dans une mêlée, s’est dit le bon Aimoin, cela se comprend ; mais lorsque cette mêlée se déplace, que deviennent ces morts ? Nécessairement ils subissent l’impulsion donnée à toute la masse, et ils s’avancent avec les vivants : Tanta utriusque partis animositate concursum est, ut cadavera interfectorum, prae multitudine comprimentium se populorum, non valentia ad terram ruere, quemadmodum equis insederant, una cum vivis circumferrentur[12]. On le voit le thème est riche ; les morts marchent, leurs chevaux, morts ou vifs (Aimoin ne nous tire pas d’angoisse), participent au mouvement ; nous aurons tout à l’heure une vraie bataille de spectres[13].

Rien ne produit plus d’effet sur les esprits peu cultivés que ces grandes scènes de- carnage ; ils y reviennent incessamment avec une curiosité enfantine et malsaine, et ils en embellissent le récit chaque fois qu’ils le reproduisent. Il n’y a presque pas une grande bataille de l’époque barbare qui ne soit connue par quelqu’un de ces traits affreux.

Un autre épisode de la lutte fratricide a fait une vive impression sur l’imagination populaire : c’est l’intervention de l’archevêque de Mayence. Vaincu à la bataille de Toul, Théodebert fuyait devant les forces supérieures de son frère, qui le poursuivait l’épée dans les reins, lorsque, dit Frédégaire, le saint homme apostolique Lesio, évêque de la ville de Mayence, aimant la valeur de Théodoric et détestant la folie de Théodebert, vint trouver Théodoric et lui dit : Achève ce que tu as commencé. Il faut que tu mènes cette affaire à terme d’une manière profitable. Une fable populaire dit que le loup étant monté sur une montagne, comme ses jeunes commençaient déjà à chasser, les appela à lui et leur dit : Aussi loin que vos yeux peuvent voir dans tous les sens, vous n’avez pas d’amis, si ce n’est quelques-uns de votre race. Achevez ce que vous avez commencé.

Voilà, évidemment, une tradition populaire. Cela ne veut pas encore dire, assurément, que ce soit une légende épique : il suffit pour le moment d’acter que Frédégaire n’a pas trouvé l’épisode dans quelque source écrite. Le développement considérable qu’il prend ici dans la narration assez sommaire du chroniqueur, et la complaisance avec laquelle y est raconté l’apologue de l’évêque, sont à ce point de vue des indices caractéristiques. Ce qui ne l’est pas moins, c’est l’altération déjà toute romane du nom du prélat. Si Frédégaire le connaissait autrement que par la tradition orale, il aurait exactement reproduit son nom qui est Leudegarius, au lieu qu’if n’en connaît que la forme romane Lesio[14]. Mais je vais plus loin, et je crois ‘reconnaître une trace d’altération épique dans la contexture de l’épisode lui-même. On ne comprend pas bien celui-ci sous sa forme actuelle. L’évêque de Mayence, nous est-il dit, appréciait la valeur de Théodoric et méprisait la sottise de son frère ; il vint donc trouver le roi de Burgondie et l’engagea à continuer son expédition contre Théodebert, jusqu’à ce qu’il eût raison de lui. Voilà qui se comprend. Ce qui ne se comprend plus, c’est que, pour l’encourager à persévérer dans ses desseins fratricides, l’évêque lui raconte une fable de laquelle il résulte qu’il devrait épargner son frère, vu qu’il n’a pas d’autre ami. Il y a là une contradiction interne qu’il est impossible de nier, et nul ne soutiendra qu’elle ait fait partie de la version primitive. De deux choses l’une : ou bien l’évêque a réellement exhorté Théodoric à détruire son frère, et alors il n’a pu lui raconter l’apologue du loup en chasse, ou bien il le lui a en effet raconté, et alors il est manifeste qu’il l’a fait pour détourner le roi d’un projet criminel.

Mais quelle était la version primitive, et serait-il permis de la retrouver en l’absence de tout témoignage qui pourrait nous mettre sur la voie ? Je pense que oui, et je ne crois pas me tromper en admettant que le noyau du récit, ce qui en constitue la partie la plus originale comme aussi la plus frappante pour l’esprit populaire, c’est précisément l’apologue du loup en chasse. Le peuple est fidèle à ses fables ; il les redit de bouche en bouche avec une exactitude scrupuleuse. Telles Bidpaï et Lokman les ont racontées, telles le bon La Fontaine les a mises en vers, et telles on continue de les faire apprendre à nos enfants. Celle-ci est d’ailleurs vraiment puisée à même la source populaire. Ce loup qui mène ses fils sur la montagne et qui leur fait jeter un coup d’œil sur tout le paysage étendu à leurs pieds, ce n’est pas un personnage inventé par le chroniqueur, c’est le héros animal de la grande comédie aux cent actes divers. Le discours qu’il adresse à ses fils (Quam longe ocolus vester in unamquemque parte videre prevalet, non habetis amicus, nisi paucus qui vestro genere sunt), c’est sans doute, comme il arrive d’ordinaire dans les versions orales, la partie la mieux conservée de la tradition, précisément parce qu’elle en est l’élément essentiel, que tout le reste ne sert qu’à préparer, qu’à introduire en quelque sorte[15]. Or, ce discours contient une double leçon adressée par le vieux loup aux louveteaux : il leur rappelle d’abord qu’ils sont sans amis sûr-la terre, ensuite, qu’ils peuvent compter sur ceux de leur race. Qu’est-ce à. dire, sinon que, Théodebert étant le frère de Théodoric, celui-ci doit compter sur l’amitié de celui-là, puisque les loups ne se mangent pas entre eux ? Donc, si je ne fais erreur, la version primitive de notre récit présentait l’intervention de l’évêque de Mayence comme une tentative pour détourner Théodoric de son entreprise meurtrière, en lui rappelant qu’il avait peu d’amis, et qu’un frère est toujours le meilleur des soutiens.

Cette version, infiniment plus en harmonie avec le caractère sacré du prélat et avec sa mission de paix et de charité, l’est aussi avec tous les épisodes où nous voyons les évêques intervenir dans les luttes des rois pour les apaiser. Saint Avit de Micy n’a pas tenu un autre langage à Chlodomir partant pour la guerre de Burgondie[16], saint Germain de Paris a fait les mêmes exhortations à Sigebert lancé à la poursuite de son frère Chilpéric[17]. Partout, dans cette époque troublée, les évêques se sont interposés pour prévenir les violences ; nulle part on. ne voit qu’ils les aient approuvées, conseillées, que dis-je, qu’ils aient poussé directement au fratricide. Il y a eu, sans doute, de mauvais évêques à l’époque mérovingienne, il y en a  même eu beaucoup ; mais ceux qui auraient été capables de donner au roi des conseils si pervers se seraient souillés par d’autres crimes encore qui les auraient signalés à l’aversion de tous, et l’on ne voit pas qu’aucun de ces peu intéressants personnages ait été traité de beatos et apostolicos uir. L’épisode ne contient donc pas seulement une contradiction interne ; il est, de pins, contredit lui-même par tout le milieu dans lequel nous le trouvons. Frédégaire semble s’en être rendu compte ; aussi, tout en attribuant un rôle odieux à l’évêque, il fait effort pour en atténuer l’immoralité. Si Lesio intervient, c’est parce que Théodoric est un prince plein de valeur et son frère un insensé. Mais cela n’atténue rien et ne rend pas moins invraisemblable le rôle de Lesio. Il faut même ajouter qu’on ne voit pas bien pourquoi le prélat prend la peine d’adresser cette excitation à un prince en pleine chasse, et tout altéré du sang de sa victime ? Il était tout au moins inutile de l’exciter ; il était incontestablement nécessaire de l’adoucir. Concluons donc que le patriotisme burgonde, égaré par la haine que l’on vouait naturellement à l’ennemi austrasien, a inconsciemment altéré la physionomie de la tradition. Là où celle-ci nous montrait, comme dans toutes les aventures du même genre, un évêque rappelant à un roi sanguinaire les lois éternelles de l’humanité la légende nationale a voulu voir, tout au contraire, une approbation explicite donnée à la guerre impie par un saint personnage comme l’évêque de Mayence. Elle a, dans ce but, remanié la légende, mais elle ne l’a pas fait assez adroitement pour dissimuler la trace de son travail primitif, ou pour en effacer entièrement les traits originaux, et le discours du loup, auquel elle n’a pas osé toucher, rappelle et indique une contexture du récit toute différente de l’actuelle. Ainsi, dans les œuvres de la statuaire antique réparées par une main moderne, l’ensemble a pris plus d’une fois une attitude différente de celle que trahit la conformation des parties originales, et l’artiste, en étudiant celles-ci, peut restituer à l’ensemble son expression dramatique véritable.

A part les deux épisodes qui viennent d’être étudiés, le récit de Frédégaire ne contient rien qui puisse être considéré comme épique. Si l’histoire de la lettre de Brunehaut à Alboïn, déchirée par celui-ci, et retrouvée par un esclave de Warnachaire qui la porta à son maître[18], peut être regardée comme historique, ou si elle doit plutôt être reléguée clans le domaine des fables, c’est un point que je n’ai pas à examiner ici : de toute manière, cette aventure n’a pas la couleur de l’épopée, et rien n’interdit de la considérer, si l’on veut, comme une des nombreuses historiettes qui ont été forgées par les grands sur le compte de cette malheureuse reine. Pour le reste, le récit de Frédégaire garde d’un bout à l’autre la couleur et l’accent rie l’histoire : nulle digression à tendances dramatiques, nul développement d’une situation particulièrement émouvante, nul élément personnel mêlé aux sanglantes réalités de la chose publique. Sobre et ferme, le récit se moule en quelque sorte sur les faits, dont il reproduit les contours et les proportions avec un air de vérité qu’il est impossible de méconnaître. Manifestement, la légende épique de Brunehaut ne faisait que balbutier au moment où Frédégaire écrivait. Ou, pour mieux dire, les souvenirs personnels de ce chroniqueur, combinés avec ceux de ses bailleurs de renseignements, le dispensaient d’y recourir.

Si maintenant nous ouvrons le Liber Historiæ, nous serons frappés de voir jusqu’à quel point une histoire si nette et si sûre y est défigurée par les arabesques de l’imagination épique. Ce n’est plus la succession des faits, c’est un tout logique, un véritable poème dans lequel, du commencement à la fin, un seul caractère engendre toute la trame du récit, imprime sur tous les événements sa marque personnelle, et, en lutte avec toutes les forces morales et physiques, finit par succomber écrasé sons le poids des crimes qu’il a accumulés. Quelle intensité d’émotion, quelle puissance dramatique dans ces pages, si on les compare avec la sèche narration de Frédégaire ! Pour des esprits incapables d’apprécier la sereine beauté de l’histoire pure, combien la Brunehaut du Liber Historiæ a dû paraître plus intéressante, plus poétique, plus vraie même que celle du chroniqueur burgonde ! Il faut entendre ici la voix populaire. Bien que traduite dès l’origine dans l’aride et monotone latin du moine de Saint-Denis, et de là dans notre français moderne, qui est bien, je pense, le langage le moins épique du monde, elle garde encore une partie de la stupeur naïve avec laquelle elle à redit à la postérité les tragiques aventures de la reine d’Austrasie.

Brunehaut donnait tous les jours de pires conseils à Théodoric, disant : Pourquoi négliges-tu de réclamer le trésor de ton père et son royaume des mains de Théodebert, puisque tu sais qu’il n’est pas ton frère, attendu qu’il a été créé de l’adultère de ton père avec une concubine ? Entendant cela, Théodoric, qui était de naturel farouche, rassembla une nombreuse armée et se mit en marche contre son frère Théodebert. Ils se rencontrèrent pour la bataille auprès du château de Tolbiac. Là on combattit ferme, et Théodebert, voyant son armée taillée en pièces, prit la fuite et se réfugia dans la ville de Cologne. Théodoric brûla et ravagea le pays des Ripuaires, et le peuple de ce pays se rendit dans ses mains en disant : Roi notre seigneur, épargne-nous ainsi que notre terre ; nous voici à toi ne continue pas d’exterminer ce peuple. Et il répondit : Ou bien amenez-moi Théodebert vivant, ou bien coupez-lui la tête et me l’apportez, si vous voulez que je vous épargne. Alors ils entrèrent dans la ville, et, inventant des mensonges, ils dirent à Théodebert : Voici ce que décide ton frère. Rends le trésor de ton père que tu gardes par devers toi, et alors il retournera avec son peuple. Lorsqu’ils lui eurent dit ce mensonge, il entra avec eux dans le palais de son trésor. Et comme, les coffres ayant été ouverts, il y cherchait les ornements, l’un d’eux, ayant tiré son glaive, le frappa par derrière sur le crâne, puis ils prirent la tête et ils l’exposèrent sur les murs de la ville de Cologne. Théodoric, voyant cela, prit la ville et s’y rendit maître de grands trésors. Comme les principaux des Francs lui prêtaient serment dans la basilique de Saint-Géréon martyr, il lui semblait qu’on le blessait traîtreusement au côté. Et il dit : Gardez les portes ; quelqu’un de ces traîtres de Ripuaires vient de me frapper. , Mais lorsqu’on eut découvert ses vêtements, on ne trouva rien qu’un petit signe couleur de pourpre. Il revint de là avec quantité de butin, ainsi que les fils et la fille de Théodebert, laquelle était belle, et il rentra dans la ville de Metz, où était arrivée la reine Brunehaut. Il prit les enfants de Théodebert et il les tua ; le plus jeune, qui portait encore la robe blanche du baptême, il lui brisa la tête contre une pierre et en fit jaillir la cervelle.

Théodoric alors, voyant la beauté de la fille de Théodebert, sa nièce, voulut se l’unir par mariage. Brunehaut lui dit : Comment peux-tu prendre pour femme la fille de ton frère ? Et il répondit : Ne m’as-tu pas dit qu’il n’était pas mon frère ? Pourquoi, mauvaise ennemie, m’as-tu fait commettre ce péché de devenir le meurtrier de mon frère ? Et, tirant son épée, il voulut la tuer. Elle, arrachée à ses coups par les nobles qui l’entouraient, se sauva à grand’peine dans la chambre du palais. Puis, remplie de haine, elle lui fit présenter un breuvage empoisonné par la main de ses domestiques. Le roi Théodoric le but sans se douter du poison, et, commençant à languir, il mourut et rendit son esprit pervers au milieu des péchés. Brunehaut fit périr ses fils, qui étaient encore enfants.

Ces princes étant morts, les Burgondes et les Austrasiens, ayant fait la paix avec les autres Francs, élevèrent le roi Clotaire à la souveraineté unique des trois royaumes. Le roi. Clotaire, ayant mis son armée en mouvement, se dirigea sur la Burgondie, et fit dire à Brunehaut de venir le trouver en paix, feignant de vouloir l’épouser. Elle, parée d’ornements royaux, alla le trouver au château de Tiroa, sur la rivière du même nom. En l’apercevant, il lui dit : Ennemie du Seigneur, pourquoi as-tu perpétré tant de crimes et as-tu osé faire périr une telle lignée royale ? Alors, l’armée des Francs et des Burgondes ayant été réunie, tous crièrent d’une seule voix que Brunehaut était digne de la mort la plus honteuse. Alors, sur l’ordre du roi Clotaire, elle fut hissée sur un chameau et promenée à travers toute l’armée, puis, attachée aux pieds de chevaux sauvages, elle fut mise en pièces et périt. Pour finir, son tombeau fut le feu, et ses ossements furent brûlés[19].

Voilà bien, ou je me trompe fort, le ton et les motifs de la poésie épique. Cette histoire, fréquemment démentie par le silence de Frédégaire ou contredite par son témoignage formel, est en grande partie apocryphe ; elle a, d’autre part, une vérité poétique remarquable. Le type de Brunehaut est conçu ici, d’un bout à l’autre, selon les lois de l’esprit poétique, qui exige un caractère fidèle à lui-même, qui attribue à un seul personnage la responsabilité de tous les événements, et qui proportionne d’une manière très consciencieuse l’expiation subie à la grandeur des forfaits commis. Il ne semble pas douteux qu’à la base d’une légende aussi organique se trouve un chant populaire.

Je partagerai l’examen de l’histoire poétique de Brunehaut en trois parties ; La première contient le récit de la guerre entre : les deux frères ; la deuxième, l’épisode des amours de Théodoric et de la vengeance de sa grand’mère ; la troisième, celui de la mort tragique de Brunehaut elle-même.

La première partie, comparée au récit de Frédégaire, laisse deviner tout de suite sa provenance populaire. La précision du détail historique y est entièrement sacrifiée. Les itinéraires suivis, les villes prises en route, la double bataille livrée, tout a disparu. Par contre, les motifs des événements sont indiqués : les excitations de Brunehaut apparaissent comme la cause directe de la guerre, et nous savons même la raison pour laquelle Théodoric devrait, d’après elle, s’armer contre le roi d’Austrasie. Il est inutile d’insister ici sur l’historicité de ce qui a été omis, sur la non historicité dé ce qui a été ajouté. Le récit de la capture et de la mort tragique de Théodebert d’après le Liber Historiæ est en contradiction formelle avec celui des mêmes événements par Frédégaire, qui en a été presque le contemporain : c’est assez dire qu’il doit être écarté d’emblée par la critique[20].

Le récit du Liber Historiæ ne porte pas seulement le caractère d’une véritable amplification poétique ; il se trahit encore comme le développement nouveau d’un motif épique déjà ancien. Ce roi de Cologne qui périt assassiné par les ambassadeurs de son parent, pendant qu’il se baisse sur son coffre pour y chercher des trésors, nous l’avons déjà rencontré précédemment : il s’appelait Chlodéric, fils de Sigebert le Boiteux, et c’est un vrai transfert épique qui a fait attribuer ses aventures au roi Théodebert[21]. L’histoire de ce dernier aura été coulée, selon toute vraisemblance, dans un moule déjà existant et par là même elle aura fait oublier la précédente. L’épisode de la blessure de Théodoric à Saint-Géréon est beaucoup plus obscur. Il repose manifestement sur une donnée populaire : le cadre du moins ne peut avoir été inventé par le moine neustrien, et la couleur n’a absolument rien de monastique, mais est foncièrement barbare. Quant au fait en lui-même, je ne sais qu’en penser. Aimoin déjà n’y comprenait plus rien, puisque, reproduisant cette partie du récit du Liber Historiæ, il écrit : Solummodo signum quoddam apparuit purpureum, quod ego reor citae mortis fuisse indicium. Il n’y a là qu’une ingénieuse conjecture personnelle, et à coup sûr les premiers narrateurs populaires de notre épisode ne lui ont pas attribué de caractère prophétique. J’incline à croire qu’il y a sous ce récit ion fait historique défiguré, dont il serait oiseux de chercher à retrouver l’aspect primitif[22].

La deuxième partie de notre récita un caractère plus émouvant encore que la première. Elle relève de la même inspiration qui a déjà dicté l’étrange histoire de Frédégonde et de Landéric. Quelle ironie tragique dans la manière dont éclate la brouille entre le roi des Burgondes et sa grand’mère ? C’est elle qui par ses mensonges, l’a poussé à commettre un premier crime, et qui se révolte maintenant de lui voir commettre le second mais quelle foudroyante repartie elle s’attire de la part de ce prince ! Corneille n’a pas trouvé dans sa Rodogune de scène plus terrible que celle de cette mère poursuivie l’épée à la main par son petit-fils, et qui, arrachée à sa fureur par les gens de son entourage, se venge de lui en lui envoyant la mort dans un breuvage empoisonné. Emporté par son sujet, le poète va jusqu’à raconter le meurtre des enfants de Théodoric par Brunehaut : crime inventé contre lequel protestent à la fois l’histoire et la raison, mais qui était trop dans la tonalité du sujet pour pouvoir être épargné à la mémoire de cette malheureuse femme[23].

Maintenant vient l’expiation. Le châtiment de Brunehaut sera exemplaire : elle sera traitée comme Jésabel, dont elle est d’ailleurs, aux yeux de nos écrivains, la vivante image. Comme la perfide reine d’Israël, tombée dans sa vieillesse au pouvoir de Jéhu, avait essayé de le séduire en appelant à son secours tous les artifices de la toilette, ainsi Brunehaut, frappée d’aveuglement, se persuade que son neveu victorieux se laissera séduire par ses charmes flétris. Mais, de même que Jésabel a été, par ordre du vainqueur, précipitée du haut de sa fenêtre et foulée aux pieds des chevaux, ainsi la vieille furie, sera traitée par le roides Neustriens avec des outrages non moins raffinés. Le parallèle est frappant ; il semble s’être présenté à la pensée des premiers narrateurs, même de ceux qui n’ont pas y prononcé ici le nom de Jésabel. Veux-je dire par là qu’il faille regarder comme inventée l’histoire du dernier supplice de Brunehaut ? Nullement. J’ai établi ailleurs qu’elle est, au contraire, parfaitement historique, et je crois même que c’est son horrible supplice qui a le plus contribué à suggérer l’idée d’une comparaison entre ses destinées et celles de l’antique Jésabel. Mais c’est le propre de la chanson épique de mêler à doses égales, dans ses récits émus, le vrai et le faux, pene historico ritu, comme dit Jordanès[24]. Il ne faut d’ailleurs pas s’étonner que la poésie ait respecté l’histoire de la fin de Brunehaut. Quelle fiction aurait pu rivaliser ici avec la tragique horreur de la réalité ?

Plus qu’aucune autre, la mémoire de Brunehaut a vécu longtemps dans les imaginations populaires. Les terribles vicissitudes de sa vie et surtout sa fin épouvantable avaient fait sur les esprits une impression profonde : elle devint, pour la multitude, une espèce de magicienne douée d’un pouvoir presque surnaturel, et elle fut mise au rang de ces génies tour à tour bons ou mauvais qui, d’après les traditions rustiques, auraient présidé à la confection des principales œuvres de l’esprit humain. On sait que, dans les premiers siècles du moyen âge, les populations barbares qui remplacèrent l’Empire dans nos provinces ne purent se persuader que l’homme aurait été capable à lui seul de produire les gigantesques monuments dont les Romains avaient orné notre sol. Ces remparts inexpugnables, ces palais superbes, ces châteaux forts sourcilleux, ces magnifiques routes militaires, en un mot, toutes les œuvres qui exigeaient quelque talent d’ingénieur et d’architecte, quelque grand déploiement de forces collectives, furent considérées comme dues à l’initiative, tout au moins à la collaboration de quelque puissance surnaturelle. Le diable est de toutes ces puissances celle qui, nous dit-on, est intervenue le plus souvent. On n’en finirait pas si l’on comptait les chaussées ou les édifices d’origine romaine qui sont mis sous le nom de ce maître ouvrier. Mais ce nom lui-même, dans son uniformité, paraît couvrir une multitude de désignations spéciales se rapportant à autant de divinités différentes, plus tard identifiées avec le diable en vertu de l’enseignement des docteurs, qui voyaient dans chaque faux dieu un démon. Plusieurs de ces noms ont survécu jusqu’aujourd’hui, et Wodan ainsi que Irmin occupent encore leur place dans le nom de plus d’une route en Angleterre et en Allemagne. Les géants et les fées ont partagé avec les dieux le privilège d’être regardés comme constructeurs de routes, et les personnages célèbres de l’histoire ou de la légende, principalement les femmes, ont été par la suite associés, sous ce rapport, aux fées et aux géants. C’est ainsi qu’en France, à côté du chemin Henri IV (Béarn), du chemin Charles (Bretagne) et du chemin César (Béarn), on connaît le chemin de la reine Marguerite (Auvergne), le chemin de la reine Achilette (Languedoc), le chemin de la reine Jeanne (Provence), le chemin de la reine Blanche (Franche Comté), le chemin de la reine de Hongrie (Ardennes), le chemin de la Pucelle (Champagne), le chemin de la reine Haudiatte (Lorraine), le chemin de la reine Anne (Bretagne), etc., etc., etc.[25]

En Angleterre, une légende consignée par écrit dès avant le XIIe siècle interprète également par l’initiative d’une reine l’origine des voies romaines dans cette île. Ce serait l’impératrice Hélène, qui, au dire d’un des Mabinogion, aurait eu l’idée de faire faire de grandes routes de chaque ville forte à l’autre à travers l’île de Bretagne. Les routes furent faites, et on les appelle les chemins d’Elen Lluydawc (la conductrice d’armée)[26].

Rien donc ne doit moins nous étonner que le nom de Brunehaut attribué en pays roman à un grand nombre de voies de communication et de ruines d’édifices anciens. J’en ai fait un relevé qui est sans contredit fort incomplet, mais qui permettra néanmoins de se faire une idée de la diffusion considérable de ce nom dans la toponymie.

Tour Brunehaut à Izel (Luxembourg).

Pierre Brunehaut à Hollain (Hainaut)[27].

Brunehaut, hameau de Liberchies (Hainaut).

Chaussée Brunehaut, Nom que la route romaine de Bavai à Cologne porte en Hesbaye. Appelée Via Strata Brunichildis dès le XIVe siècle par le Chronicon Gemblacense, manuscr. 3803 de la bibliothèque royale de Bruxelles.

Chemin Brunehaut, venant de Milmort (Hesbaye) vers la vallée de la Meuse, au nord de Liège.

Fontaine Brunehaut (1391-1762) à Laon (Aisne) avec une ferme du même nom.

Chaussée Brunehaut, venant de Scarponne à Nonsard (Meuse).

Chemin de Brunehaut, dit aussi le Haut Chemin, sur le territoire d’Amblaincourt (Meuse).

Brunehaut, bois communal de Pilion (Meuse).

Brunechildis castrum, sur l’Aveyron, aujourd’hui Bruniquel (Tarn et Garonne).

Chaussée Brunehaut ou Levée de la reine de Sicile à Saint-Baussant (Meurthe).

Chaussée Brunehaut ou Chemin Saunaire à Ville-au-Val (Meurthe).

Brunehaut, nom d’une tour du château de Vaudemont (Meurthe).

Tour Brunehaut, près de l’église de Saint Julien au pays d’Étampes. (Lecointe, Annales Francorum, a. 613, n° 16. Ad. de Valois, Rer. Francicar., t. XVII.)

Butte Brunehaut ou Tombe Brunehaut, tumulus près de Laniscourt (Aisne), 1178. Sicut extendit a via que ducit ad tumulum Brunehaudis ultra Lanisicurtem (Matton, Dict. topogr. de l’Aisne).

Turris Brunichildis à Auxerre (Yonne). Le Gesta Epp. antissiod. de Heiric, qui est du IXe siècle, rapporte que l’évêque Maurinus, contemporain de Charlemagne, trouva un trésor in turre Brunichildis (Pertz, Scriptor., XIII, p 395).

Château Brunehaut, dans le pays de Cahors (Lot),

Chaussée Brunehaut, nom de la voie romaine de Cambrai à Arras et à la mer.

Brunhild (1404, 1543), ancien canton du territoire de Volgelsheim (Haut-Rhin).

Lectulus Brunichildis (1043, 1221), dans le Feldberg, près de Francfort-sur-Mein. Grimm, Deutsche Heldensage, p. 169 n.

Domus Brunichildis. Est in ea (Aquitania) et silva vocabulo Leccena, non contemnendae magnitudinis, Biturigibus atque Arvernis confinis, in qua usque hodie ostenditur lapidea domus Brunichildis reginae quondam Francorum, anmeno, (ut nos quoque aspeximus), sita loco, Aimoin, Gesta Francor., praefat. IV (Bouquet III, p. 26).

Ce rapide aperçu, qui nous montre le nom de Brunehaut donné à des châteaux, à des tours, à des routes, à des fermes, à des hameaux, à des tombeaux, à des fontaines, à des bois, atteste combien se sont trompés ceux qui, se fondant sur des données incomplètes, ont cru que les chaussées baptisées du nom de Brunehaut le devaient à cette circonstance que cette reine les avait ou construites, ou réparées. Un phénomène général s’explique par une loi générale, et il faut bien abandonner l’hypothèse vulgaire d’une Brunehaut constructrice de routes, bien que, comme on l’a vu, elle ait déjà été formulée au Xe siècle par Aimoin[28]. Non, c’est l’idée presque- surnaturelle qu’on se faisait de Brunehaut qui a fait mettre sous son nom une si grande multitude de -choses. Elle a construit et bâti tout celas mais dans l’imagination populaire seulement, et en sa qualité d’être doué d’uni pouvoir surnaturel- comme les démons ou les fées, dont elle est la proche parente. Je suis heureusement en état de fournir, à l’appui de mes interprétations, un texte du XIVe siècle attestant bien que tel était, alors et auparavant, la tradition populaire relative à Brunehaut. Écoutons jean d’Outremeuse :

Item l’an Ve et XXVI commenchat à faire la royne Brucilde mult de mervelhe par nygromanche, et fist une cachie tout pavée de pires de la royalme d’Austrie jusques en la royalme de Franche, et de Neustrie jusques en Acquitaine et en Borgungne. Et d’aultre costeit elle les faisoit venir parmy la terre que ons nommoit Brabant, et d’aultre part vers le paiis où la grant Tongre avoit esteit destruit. Et tant de voies et de cachies elle fist que chu estoit grand mervelje et briefement par tout l’isle de Europe estoient lesdits cachies, et estoient faites par teile maneire qu’elle ne jondoient mie tout ensemble, mais duroit cascon cachie II liwes, ou III, ou IV, ou V, ou VI, et alcunne fois plus ou moins en une piche, et puis faloit chis pavement, jusques a tant qu’il retrovoit une altre pieche del cachie. Et fut tout chu faite en une seule nuit, et les fit faire par les males espirs, enssi comme Virgile faisoit à son temps. Et chu faisoit-elle por accomplir sa male pensee que ele avoit del faire male : si voloit allier plus legierement del une paiis a l’autre, pour nuit et pour jour. Cest cachie est encor et serat à tousjours, et le nom-ons la cachie Brunehote, car Brucildis en latin, c’est Brunehote en franchois[29].

Ainsi transformée en une puissance surnaturelle et malfaisante, la reine Brunehaut se voyait singulièrement rapprochée de la célèbre walkyrie qui portait le même nom, et dont le caractère de divinité, effacé par ses amours mortelles avec Sigfried, reparaît à plusieurs reprises dans les légendes qui ont parlé d’elle. Ne peut-on pas croire qu’elles ont été confondues entre elles, et que plus d’une fois nous devons interpréter par le souvenir de la walkyrie certains noms de lieu flans lesquels nous sommes habitués à retrouver celui de la reine ? Ainsi nous savons par un écrivain du XIIIe siècle qu’au moyen âge, dans les Pays-Bas, la voie lactée s’appelait Brunelstraet[30], de même qu’au Xe siècle en Saxe on l’appelait le chemin d’Iring, et qu’à la même époque on la connaissait en France sous le nom de chemin Saint-Jacques. Qui nous interdit de voir ici une réminiscence de la mythologie, d’après laquelle la voie lactée aurait été le chemin par lequel la walkyrie menait au Walhalla les âmes des morts tués dans les combats ? Cela n’est pas Impossible. Et toutefois, je ne me sens pas pressé d’interpréter de la même manière les autres noms repris ci-dessus.

Sans doute, on trouve en pays germanique quelques noms de lieux qui se rapportent plus vraisemblablement à l’amante de Sigfried qu’à l’épouse de Sigebert, mais ils sont en petit nombre, et ils se rencontrent exclusivement en dehors de la Gaule romane. J’accorde fort volontiers, par conséquent, qu’un nom de lieu comme lectulus Brunnihilde sur le Feldberg, près de Francfort-sur-Mein, renferme une allusion à la légende de la vierge endormie au milieu de la forêt enchantée[31]. Mais des exemples de ce genre ne prouvent rien pour la toponymie des régions gauloises, où une tradition attestée dès le Xe siècle rapporte manifestement son origine à la reine Brunehaut[32], et où il serait d’ailleurs fort difficile de prouver que la légende de Brunehild et de Sigfried ait jamais été répandue dans les milieux populaires qui ont créé les noms.

La conclusion de cette enquête, c’est que le nom de la reine Brunehaut a retenti longtemps sur les lèvres du peuple, associé à ces souvenirs de grands crimes et de grandes actions, et mêlé par l’imagination de la multitude à bien des événements auxquels elle était restée étrangère. L’épopée, après avoir fait d’elle une grande criminelle, l’a finalement transformée en une espèce de magicienne, pouvant être comparée à ce grand enchanteur du nom de Virgile qui a tant occupé, lui aussi, les esprits du moyen âge.

 

 

 



[1] G. Kurth, La Reine Brunehaut (Revue des Questions historiques, juillet 1891).

[2] J’ai montré, o. c., p. 14 que c’est une erreur manifeste de Frédégaire. Gogon survécut de quinze ans au mariage de Brunehaut et mourut dans son lit. Voir Grégoire de Tours, VI, I.

[3] Frédégaire, III, 59 : Presperam hæc Gogonem ad gubernandum fuit, quoadusque Brunechildem de Spania adduxit. Quem Brunechildis continuo apud Sigybertum fecit odiosum ipsumque suo instigante consilio Sigybertus interfecit. Tanta mala et effusione sanguinum a Brunechildis consilium in Francia factae sunt, ut prophetis Saeville impleretur dicens : « Veniens Brana de partibus Spania tente cujus conspectum multæ gentes peribunt. Haec vero æquitum calcibus disrumpetur ». M. Krusch, dans son édition de Frédégaire, ferme les guillemets après peribunt, à tort selon moi. La prophétie, qui est postérieure à Brunehaut, comme tout le monde me l’accordera sans doute, ne pouvait manquer de contenir l’histoire de la fin de cette princesse, qui était l’expiation de ses crimes. D’ailleurs, quelle apparence y a-t-il que Frédégaire eût ajouté ici, pour son compte, une réflexion qui, si elle était de lui, serait parfaitement oiseuse, pour ne rien dire de plus ?

[4] L’immense majorité des noms propres germaniques se compose de deux radicaux dont le premier est toujours le déterminatif du second. Ex. : Brunechild, la vierge à la cuirasse (cf. le mythe de Brunehild, dans l’Edda) ; Dagobert, brillant comme le jour ; Ganthramn, le corbeau de la guerre, etc. Or, ces noms sont susceptibles de deux modifications organiques. Une consiste à échanger le second radical contre un autre de même valeur. L’autre, beaucoup plus fréquente, consiste à former le diminutif en laissant tomber le second radical : ainsi Hugo = Hugbertus (Vita Bonifat., c. 27 et 28 dans Anal. boll., I, p. 64) ; Racco = Ragnemod (Fortun., Carm. IX, 10) ; Ago = Agilulf (Jaffé, Regest. Pontif. Roman., I, 1273) ; Theudes = Theudericus (il s’agit ici du roi des Visigoths Theudis appelé Théodoric dans les conciles de Valence et de Lérida en 546. Comme on n’a pas vu l’identité du nom, on a cru devoir changer la date des conciles et les placer sous le règne de Théodoric le Grand ; de là des contestations bien inutiles. Aschbach, Geschischle der Westgotten.) ; Berta = Bertrada (Hontheim, Hist. dipl. Trever., I, p. 112). Balzo = Baldwinus (Van Lokeren, Chartes de Saint-Pierre de Gand, p. 38) ; Bruna équivaut donc à Brunehild. Cf. Stark, Die Kosenamen der Germanen, Vienne, 1866.

[5] Frédégaire, III, 57. Je vois ici une nouvelle preuve que Frédégaire est Romain d’origine.

[6] Frédégaire, IV, 19.

[7] G. Kurth, art. cit., p. 42-45.

[8] Id., ibid. p. 43.

[9] Frédégaire, IV, 38 Jonas, Vit. Columb., c. 57 ; Liber Historiæ, 38.

[10] Aucune partie de l’histoire de Brunehaut n’a été plus méchamment défigurée que celle-là. Alors que les sources la montrent qui travaille à pacifier ses petits-fils la légende lui attribue la responsabilité de la guerre entre eux.

[11] Fertur a Francorum ceterasque gentes ab antiquito sic forte nec aliquando fuisse prilium conceptum. Ibique tantae est rages ab utenque exercitus facta est, ubi falange ingresso certamenis contra se priliabant cadavera occisorum undique non haberint ubi inclinis jacerint sed stabant mortui inter citerorum cadavera stricti, quasi viventes. Frédégaire, IV, 38. Cf. Jonas, Vita Columban., c. 57 : Ibi prœlio inito innumeræ hominum phalanges ex utroque exercitu perierunt.

[12] Aimoin III, 97 (Bouquet III, p. 115).

[13] C’est M. Lucien Double qui nous ménage ce régal : La mêlée était si épaisse, écrit-il, que des rangs entiers de morts, poussés par les vivants qui les suivaient, s’avançaient rigides et pâles, n’ayant pas la place de tomber, s’enferrant à chaque pas davantage sur les lances et sur les épées ; en plus d’un endroit, il y eut même, de chaque côté, des rencontres de bataillons entiers de cadavres (authentique *) qui ne pouvaient même pas s’affaisser sur le sol, étreints dans les remous de cette tempête humaine. L. Double, Brunehaut, Paris 1878, p. 185.

* La parenthèse est de M. Double.

[14] Cf. le nom de l’évêque d’Autun saint Leudegarius, devenu Léger en français.

[15] Comme dans l’histoire de Childéric et de Basine, les paroles de celle-ci (si in transmarinis partibus aliquem cognovissem utiliorem titi, expetissem utique cohabitationem ejus) ; comme dans l’histoire de la mort de Chlodéric le discours de Clovis (dum ego per Scaldem fulvium navigarem, etc.) ; comme dans l’histoire de la guerre de Thuringe, le discours de Théodoric à ses soldats (indignamici, quaeso, tam meam injuriam quam interitum parentam vestrorum, etc.).

[16] Grégoire de tours, III, 6.

[17] Id., IV, 51.

[18] Frédégaire, IV, 40.

[19] Liber Historiæ, c. 38-40.

[20] Il va sans dire qu’étant plus dramatique, la version du Liber avait toute chance d’être préférée par les écrivains postérieurs ; aussi Aimoin l’a-t-il accueillie, III, 99 (Bouquet, III, page 176), tout en reconnaissant qu’elle contredit Frédégaire.

[21] L’auteur du Liber Historiæ n’a d’ailleurs pas reproduit l’épisode de Chlodéric et de Sigebert dans son histoire de Clovis : pourquoi, alors qu’il l’a dû lire dans Grégoire de Tours, et qu’il reproduit d’après celui-ci histoire de Ragnacaire et de Rignomir ? Je n irai pas jusqu’à dire qu’il ne voulait pas raconter deux fois les mêmes aventures, et qu’il avait remarqué la parenté des deux épisodes ; je crois plutôt que le chant épique sur les meurtres de Clovis avait déjà cessé d’être connu.

[22] Faudrait-il mettre en rapport ce signum purpureum trouvé sur le corps de Théodoric avec le niello qui est, dans l’épopée française, la marque de naissance des princes de la maison royale, et sur lequel M. Rajna disserte savamment, p. 295-299 ?

[23] G. Kurth, o. c., p. 74.

[24] La mention du chameau dans l’épisode de supplice de Brunehaut pourrait être regardée comme un détail apocryphe ou poétique : il n’en est rien. Pour ne parler ici que de la Gaule, nous voyons par Grégoire de Tours que le prétendant Gundovald avait dans son armée des chameaux qui faisaient office de bêtes de somme (Grégoire de Tours, VII, 35), et par le Vita Eligii que saint Éloi avait également un chameau servant au même usage. (Vita Eligii, lib. II, pars II, c. 12, dans Ghesquière, t. III, p. 140.) C’est d’ailleurs sur un chameau qu’on avait coutume d’exposer dans l’empire de Byzance les malheureux qu’on vouait l’infamie ou à la dérision, voir Socrate, Hist. ecclés., III, 2 in fine ; Denys d’Alexandrie dans Eusèbe, Hist. ecclés., VI, 41 ; Procope, Bell. goth., III, 32.

[25] Paul Sébillot, Traditions et superstitions des ponts et chaussées (Revue des traditions populaires, t. VI, p. 2 et suiv.).

[26] Les Mabinogion, trad. de J. Loth dans d’Arbois de Jubainville, Cours de littérature celtique, t. III, p. z68. Une note l. l. nous apprend que dans le pays de Galles les voies romaines portent par endroits le nom de Sarn Elen ou chaussée, chemin ferré d’Elen.

[27] Nélis, Réflexions sur un ancien monument du Tournaisis appelé vulgairement la pierre Brunehaut (Mémoires de l’Acad. impér. et roy. de Bruxelles, t. I, 1771), après avoir montré qu’on ne peut attribuer à Brunehaut ni ce monument ni tous les autres qui portent son nom dans les pays, sur lesquels elle n’a pas régné, continue en ces termes : Le curé d’Hollain dans sa paroisse de qui se trouve cette pierre, m’a dit d’avoir vu dans d’anciennes notes de ses prédécesseurs, qu’avant le XIVe ou XVe siècle cette,pierre s’appelait la brune pierre, et que ç’à été sous ce nom qu’elle servait de limite ou de borne à quelques portions de sa dîme... Plus tard, après la renaissance des lettres, nos premiers géographes, sans beaucoup d’examen et pour se donner peut-être un air d’érudition, ayant entendu parler d’ailleurs des chaussées de Brunehaut qui passent là tout près, en auront pris occasion d’attribuer ce monument à cette reine, en changeant le nom de brune pierre en Brunehaut pierre, dont ils l’auront cru un abrégé. Voilà comment peut être venu le nom de pierre Brunehaut (p. 480). A comparer le chemin nommé Brunestraete, dans l’ancien duché de Limbourg et mentionné par Ernst (Hist. du Limbourg, I, p. 213) qui l’interprète par chemin Brunehaut.

[28] Aedificia sane ab ipsa constructa osque in hoc tempus durantia ostenduntur tam innumera, ut incredibile videatur ab una muliere, et in Austria tantum modo et Burgundia regnante, tanta in tam diversis Franciae partibus fieri potttisse. Gest Franc., IV, I (Bouquet III, p. 115). On le voit, Aimoin lui-même nous fournit les arguments contre la tradition dont il se fait l’écho : voir N. Bergiet, Histoire des grands chemins de l’empire romain, édit. de Bruxelles 1718, t. I, p. 98-104.

[29] Jean de Preis dit d’Outremeuse, Ly Myreur des Histors, éd. Borgnet-Bormans, Bruxelles, t. II, p. 225. Cf. la Geste de Liège, même volume p. 576.

[30] Aristotelès saghet van galaxa, dat heyt men ghemynliken in duutsche die Brunelstraet ende is een puur vuer ende wart meer ontsteken onde verlich. Ende darom scynt daer een lange licht, ende dat is die Brunelstraet ende wart dene voorseide sterren ghevert syn in cenre stat van den hemel, daerom siet men Brunelstraet in eenre stede, daer sy niet af en gaet, also lange als sy duert. Fr. Thomas, Natuurkunde, cité par Van den Bergh dans Nyhoff Bijdragen, IIIe série, t. II, p. 215.

[31] V. W. Grimm, Die deutsche Heldensage, p. 199 n.

[32] Je ne crois pas nécessaire de discuter ici une autre tradition d’après laquelle les grandes voies romaines qui rayonnent autour de Bavai seraient l’œuvre d’un roi de Belgis nommé Brunehaldus. Cette version, qui est déjà consignée au XIVe siècle dans la chronique de Jacques de Guyse, et pour laquelle je renvoie à Bergier, o. c., p. 100, est manifestement d’origine érudite, et ne parait pas avoir jamais circulé dans le peuple.