CLOVIS

LIVRE DEUXIÈME.

I. — L’ÉGLISE DES GAULES.

 

 

Lorsque, après plusieurs siècles de combats opiniâtres, les barbares pénétrèrent enfin dans ce monde civilisé dont ils battaient depuis si longtemps les portes, ils eurent à soutenir de nouvelles luttes pour lesquelles ils n’étaient pas armés. Victorieux des vivants, ils devaient être vaincus par les morts. Rome, se faisant le spectre de ses propres ruines, venait épouvanter et égarer les malheureux envahisseurs. Avec cet ascendant prodigieux qu’elle gardait sur toutes les imaginations, elle troublait la tête des maîtres nouveaux, les entraînait dans des chemins perdus, leur suggérait de construire sur des fondements croulants, ou au milieu des atmosphères les plus malsaines. Bientôt ils disparaissaient, empestés par les miasmes ou écrasés sous la chute des fragiles édifices qu’ils avaient élevés. Ces scènes tragiques ont été pour les hommes de cette époque un spectacle familier. Il semblait que ce fût la vengeance de l’Empire, sortant de sa tombe pour y entraîner à sa suite tous les peuples qui avaient mené ses funérailles. L’un après l’autre, ils ne mirent les pieds dans l’enceinte sinistre que pour y être immolés aux mânes des Césars.

Les Francs toutefois échappèrent à cette destinée. Au seuil du monde romain détruit, ils rencontrèrent un génie bienveillant qui les prit par la main, et qui les guida à travers les ruines des cités. Il prononça les paroles magiques qui les protégeaient contre le retour des spectres irrités ; il les écarta des endroits empestés où achevaient de se corrompre les cadavres ; il leur apprit à ne considérer les monuments qui croulaient autour d’eux que comme des matériaux pour construire des édifices plus durables. En leur montrant le parti qu’ils pouvaient tirer de ce qui restait de la civilisation romaine, il leur enseigna l’art de s’en passer. Ce génie, c’était l’Église catholique. Elle seule, au milieu de l’affolement universel des civilisés et de l’erreur grossière des barbares, elle gardait une claire conscience d’elle-même, se rendait compte des misères du passé et entrevoyait les formes naissantes de l’avenir. Il est donc essentiel de la connaître telle qu’elle était, au moment où allait avoir lieu sa rencontre providentielle avec le peuple des Francs.

Le nord de la Gaule a tout reçu de la Gaule méridionale : le christianisme comme le reste. On peut dire que pendant des siècles, la vie sociale de la Belgique et des deux Germanies a été la copie affaiblie de celle qui florissait dans la Narbonnaise et dans la Viennoise. De même quo dans le midi, les villes étaient plus nombreuses et plus grandes, l’opulence plus répandue, la vie publique plus animée, la splendeur des lettres et des arts plus éclatante, de même, dans le nord, l’Église était moins, organisée, ses diocèses plus étendus, ses fidèles plus éparpillés, ses institutions moins achevées, son influence moins ancienne et moins féconde. Pour la civilisation chrétienne comme pour la civilisation païenne, les prototypes étaient dans le midi, et c’est du midi que rayonnait toute culture sur les marécages de la Batavie et sur les vastes solitudes de l’Ardenne.

De Lyon, où il avait fait comme une première étape, le christianisme s’était répandu vers le nord, à la fois dans la direction de l’ouest et de l’est, s’affermissant le long des chaussées dans les villes. On ne peut pas marquer exactement la date de son introduction, et l’histoire ne nous a gardé aucun souvenir de ses premières années dans ces provinces ; mais il est certain qu’il a dû y pénétrer de bonne heure. De même que l’apparition de la verdure à la surface de la terre suppose une longue et forte germination invisible dans les entrailles du sol, de même les plus anciennes manifestations de la vie chrétienne en Belgique ont derrière elles tout un passé de laborieux efforts et de pénibles épreuves.

On ne peut donc nier qu’il y ait eu, dès les premiers temps, des chrétiens dans les villes du nord de la Gaule. Le mouvement de la vie amenait dans cette région des gens de tous les pays et de toutes les catégories, et parmi les marchands, les esclaves, les juifs, les Syriens, les Grecs, les soldats qui venaient s’y établir, il a dû y avoir plus d’un adorateur du Christ. Dès le premier jour aussi, il s’y sera trouvé des âmes que la doctrine de la Rédemption aura conquises, et qui se sentaient attirées vers elle par un mystérieux attrait. Si des divinités orientales comme Isis et Mithra ont eu des fidèles en Gaule[1], et si des traces de leur culte ont été relevées dans plusieurs villes de la Belgique et de la Germanie, comment pourrait-on supposer que le plus populaire et le plus consolateur de tous les cultes y serait resté totalement inconnu ? Il est vrai qu’il n’a laissé aucune trace dans l’épigraphie ; mais ce silence des pierres funéraires n’est autre chose qu’un éloquent témoignage du danger que les premiers chrétiens de nos pays couraient à manifester ouvertement leur foi.

On voudrait savoir quelle était, dans les diverses cités de la Gaule, la condition de ces premiers chrétiens : Vivaient-ils dans la dispersion, selon le langage de l’Écriture, ou étaient-ce des groupes assez compacts pour former une église locale, avec un évêque à leur tête ? Évidemment, et surtout dans les premières générations, toutes les villes n’auront pas possédé une communauté en règle : leurs chrétientés restaient, dans ce cas, sous l’obéissance d’une ville voisine où les fidèles étaient plus nombreux. Le nombre des diocèses était donc fort inférieur à celui des cités, et il est permis de croire qu’à l’origine il n’y en a eu que dans les métropoles, c’est-à-dire dans les chefs-lieux des provinces. Plus favorisées de la circulation, contenant une population plus dense et remuées par un plus grand nombre d’affaires et d’idées, les métropoles durent naturellement devancer leurs cités dans la connaissance de l’Évangile. La première forme sous laquelle se présente à nous l’organisation de l’Église dans le nord de la Gaule, c’est donc celle de diocèses immenses, grands comme des pays entiers, dont les sièges sont à Reims, à Trèves, à Cologne, et qui embrassent les deux Belgiques et la deuxième Germanie. Cette rareté des sièges épiscopaux, opposée à leur prodigieuse multiplicité en Italie, en Afrique et en Orient, est un des caractères distinctifs du régime ecclésiastique de l’Occident : il a été signalé au quatrième siècle par un écrivain bien informé[2], quoiqu’à cette époque il fût déjà beaucoup moins accentué que dans les trois premiers.

Les légendes elles-mêmes ont gardé le souvenir lointain de cet âge en quelque sorte préhistorique de l’Eglise des Gaules : elles nous montrent un seul évêque occupant les trois sièges de Trèves, de Cologne et de Tongres, et Soissons rattaché avec d’autres cités encore à une chrétienté unique dont le centre est à Reims[3]. Ce sont là tous les renseignements qu’on peut emprunter aux légendes ; il serait dangereux de les interroger sur des dates ou sur des faits précis. En général, elles obéissent toutes à une même tendance, qui consiste à faire remonter l’origine des sièges épiscopaux le plus haut possible. D’ordinaire elles la rattachent directement au prince des apôtres lui-même, dont les premiers évêques de la Belgique et de la Germanie auraient été les disciples. Ces légendes, dont on a longtemps considéré l’authenticité comme inattaquable parce qu’on les prenait pour des traditions immémoriales, ne remontent guère au-delà du neuvième siècle, et rien n’égale la naïveté avec laquelle ont procédé leurs auteurs pour vieillir les principales églises de la Gaule. Ils se sont bornés, en général, à reporter du troisième siècle au premier le fondateur ou le premier titulaire connu d’un siège épiscopal, sans se douter des mille invraisemblances que cette migration chronologique entraînait dans sa biographie. L’énorme écart qui en résultait entre lui et ses successeurs avérés était expliqué ensuite, lorsqu’on s’en apercevait, par les persécutions qui avaient interrompu la série des évêques, à moins qu’on préférât le combler tant bien que mal par des noms empruntés aux diptyques d’autres sièges. Lorsque, dans la suite, on a essayé de porter un peu de lumière dans ces obscurités légendaires, les historiens se sont trouvés bien embarrassés : voyant un même évêque placé par la légende au premier siècle et attesté par l’histoire au troisième, ils ont cru se tirer d’affaire en le dédoublant, et cet expédient fallacieux a été accueilli avec empressement par des fidèles plus désireux de sauver une tradition locale qui leur était chère, que de parvenir à retrouver l’aspect austère de la vérité. Nous ne reproduirons pas ces traditions ; elles sont nées longtemps après l’époque dont nous racontons les annales. Quelque valeur qu’on puisse leur accorder pour l’histoire des idées, ce serait fausser la couleur des temps et brouiller la succession des siècles que de leur assigner une place dans notre tableau. Il perdra en pittoresque ce qu’il gagnera en vérité, et beaucoup de lecteurs se plaindront peut-être de ne pas retrouver dans ces pages le charme poétique de ces fictions que le patriotisme ou la piété aimaient à accueillir sans contrôle. Mais rien ne peut prévaloir contre les droits de la vérité scientifique, pas même le désir légitime du narrateur de vivifier et d’embellir son récit.

Chose remarquable, de toutes les églises du nord de la Gaule, ce sont celles des deux Germanies dont l’antiquité est la mieux établie. Saint Irénée invoque leur foi comme une preuve de la catholicité des doctrines orthodoxes ; et ce Père de l’Eglise, qui écrivait vers la fin du deuxième siècle, et qui était le voisin des deux Germanies, n’a pu ignorer ce dont il parle avec tant d’assurance[4]. Le témoignage de saint Irénée est bien précieux, car .Mayence et Cologne, les deux sièges auxquels il fait allusion, ne possèdent que de vagues et lointains souvenirs de leurs premières années, et c’est l’histoire, cette fois, dont, par une exception assez rare, les affirmations suppléent au silence de la légende. Cela montre que les églises n’ont pas toujours conservé leurs traditions historiques, et que souvent les chroniques pèchent par oubli autant que par fiction. Rien n’est mieux fait pour rendre réservé l’historien qui prétendrait nier l’existence d’une chrétienté primitive, pour la raison qu’il n’en reste pas de traces. Innombrables sont les phénomènes dont les traces mêmes ont disparu.

Les deux Belgiques sont-elles restées en arrière des deux Germanies, et peut-on croire qu’elles aient manqué d’organisation ecclésiastique alors que déjà les villes du Rhin en étaient pourvues ? Il faudrait répondre non, s’il suffisait qu’une thèse fût vraisemblable pour être vraie. Il faudrait répondre oui, si l’on pouvait soutenir qu’un fait historique n’a pas existé du moment qu’il n’est pas attesté à suffisance. Sans doute, les traditions de Reims et de Trèves font de saint Sixte et de saint Materne des disciples du prince des Apôtres ; mais leur valeur est loin d’être à l’abri de toute contestation, et on ne peut opposer aucun argument péremptoire aux critiques qui veulent faire descendre l’un et l’autre jusqu’au milieu du troisième siècle. Qu’importe d’ailleurs ? Ce qui est certain, c’est que les sièges de Reims et de Trèves sont les plus anciens des deux Belgiques, et qu’ils ont surgi bien avant que l’édit de Constantin reconnût les droits de l’Eglise catholique à l’existence.

Quant aux autres sièges épiscopaux, ils n’ont pas l’antiquité de ceux des quatre métropoles. C’est en vain qu’ils exhibent des généalogies par lesquelles .ils prétendent remonter jusqu’à saint Pierre. Les légendes qui leur attribuent une si illustre origine sont récentes, et l’on s’aperçoit, à leur manque de netteté et de précision, combien elles sont peu sûres de ce qu’elles racontent. Ni saint Materne de Tongres, ni saint Saintin de Verdun, ni saint Mansuy de Toul, ni saint Lucien de Beauvais, ni saint Piaton de Tournai ne peuvent considérés comme des personnages du premier siècle. Pour les sièges d’Arras, de Thérouanne et de Cambrai, ils sont, de leur propre aveu, postérieurs à l’époque apostolique, puisqu’ils ne se sont jamais réclamés de saint Pierre ni de ses disciples. S’ils ont eu des chrétiens avant la date où apparaît leur premier pasteur connu, c’est à Reims ou à Trèves qu’ils avaient alors leur évêque. On n’enlève rien à l’ancienneté de leur foi en le constatant, et en s’efforçant de mettre leurs annales primitives d’accord avec les enseignements généraux de l’histoire.

Les diocèses de la deuxième Belgique ont d’ailleurs une gloire plus haute et plus enviable, qu’on leur contestera moins facilement. A l’exemple des églises de Reims, de Trèves et de Cologne, plusieurs trempent leurs racines dans un sol arrosé en abondance par le sang des martyrs. Elles ont rendu témoignage du Christ rédempteur devant les juges et devant les bourreaux, et le scepticisme le plus systématique ne peut, écarter la masse imposante des traditions qui établissent ce grand fait. Quelque part qu’il faille accorder à l’imagination dans les récits des hagiographes locaux, l’œil découvre, sous le tissu des légendes, le fond de vérité historique qu’elles se sont attachées à orner de fleurs. Dès le quatrième siècle, Cologne vénérait, dans un oratoire aujourd’hui remplacé par l’église Sainte-Ursule, les vierges qui avaient versé leur sang pour le nom du Christ[5]. La gloire des martyrs thébéens, dont les reliques se conservent dans les principales villes rhénanes, était célébrée dès lors ; Cologne leur rendait un culte[6], et la ville de Xanten vénérait, dans les saints Mallosus et Victor, deux soldats de cette phalange héroïque[7]. Reims, au sixième siècle, se souvenait avec reconnaissance de Timothée et d’Apollinaire, dont l’un périt pour avoir prêché l’Evangile au peuple, et l’autre pour s’être converti en assistant à son supplice[8]. Saint Piaton à Tournai, saint Quentin[9] dans la ville qui porte aujourd’hui son nom, étaient l’objet d’un culte immémorial. Soissons entourait d’une vénération particulièrement touchante la mémoire de deux ouvriers martyrs, Crépin et Crépinien, qui avaient rendu leur témoignage dans la dernière persécution[10].

L’Eglise des Gaules grandissait ainsi dans les épreuves, Mais il semble que l’histoire, complice des persécuteurs, ait voulu lui enlever jusqu’à la gloire de ce sacrifice, tant elle a plongé dans l’ombre le courage des confesseurs et les généreux combats des martyrs. L’édit de tolérance de 313, qui lui rendit le droit à l’existence, a permis aussi que désormais le grand jour brillât sur sa vie jusqu’alors cachée. A peine fut-elle libre qu’elle sortit de ses retraites, et qu’on la vît apparaître partout, organisée et agissante. Dès 314, un concile convoqué à Arles par Constantin le Grand pour juger les querelles des chrétiens d’Afrique y amenait, dans les voitures de l’Etat, les principaux métropolitains de l’Occident. La Bretagne, la Gaule, l’Italie, l’Espagne et l’Afrique avaient envoyé leurs prélats les plus éminents. La Gaule en particulier était représentée par les titulaires de sept métropoles, et parmi eux nous rencontrons Imbetausius de Reims, Agroecius de Trèves et Materne de Cologne. Imbetausius avait amené son diacre Primogenitus ; Materne était également accompagné d’un diacre, nommé Macrinus ; un exorciste du nom de Félix était le compagnon de l’évêque de Trèves. Les actes du concile portent la signature de ces six personnages, les plus anciens représentants des trois grandes églises franques dans un document authentique[11]. Cette assemblée d’Arles est comme l’ébauche de celle qui devait, quelques années après, siéger à Nicée ; elle a d’ailleurs un intérêt spécial pour l’Occident, car elle nous montre ce qu’était l’Eglise des Gaules au lendemain des grandes persécutions ; avec son organisation universelle et ses cadres encore incomplets.

Les annales des sièges épiscopaux sont désormais entrées dans une phase de certitude ; les diptyques vont nous offrir des noms qui ont leur place marquée dans l’histoire et non plus dans la légende. Ceux de Trèves sont éclairés par la vive lumière des événements auxquels furent mêlés ses évêques, et des mérites éclatants que s’acquirent plusieurs d’entre eux. Depuis Agrœcius, on voit se succéder dans la chaire de cette ville Maximin, Paulin, Brito, Félix, puis la liste s’arrête à l’entrée fatale du cinquième siècle. A Reims, nous rencontrons, à partir d’Imbetausius, une succession ininterrompue de pontifes formée par Aper, par Maternien, par Donatien, par Viventius, par Sévère, et terminée par saint Nicaise. La liste de Cologne est moins complète : après Materne, nous n’y trouvons pour tout le quatrième siècle que deux pontifes, Euphratas et saint Séverin. Ces noms suffisent d’ailleurs pour montrer qu’à Cologne comme ailleurs, la hiérarchie n’a pas subi d’interruption ; ce n’est point parce que l’histoire a oublié les noms des autres évêques qu’il doit être permis de contester leur existence.

A la faveur de la paix profonde dont l’Eglise ne cessa de jouir sous le règne de Constantin, en Gaule comme ailleurs, elle put compléter ses cadres, multiplier ses diocèses, et donner de ces signes de vie qui attirent l’attention des annalistes. Toutefois, à part les trois sièges métropolitains dont il vient d’être question, nous ne voyons qu’un seul diocèse qui soit représenté dans les conciles du quatrième siècle ; c’est celui de Tongres, gouverné vers 343 par saint Servais. Une tradition assez digne de foi veut, d’autre part, que saint Sinicius, premier évêque de Soissons, ait été un disciple de saint Sixte, ce qui placerait son existence aux abords de l’an 300. Partout ailleurs, l’histoire reste muette encore, et les listes épiscopales qu’elle nous fournit manquent de garanties suffisantes. Nous n’en conclurons pas que les divers sièges de la Belgique première et de la Belgique seconde n’ont été fondés que plus tard, mais nous nous abstiendrons d’invoquer des annales sur lesquelles continue de planer une incertitude absolue.

Les métropoles restent donc seules en possession de fixer nos regards pendant toute la durée de ce quatrième siècle, si grand et si fécond dans l’histoire de l’Église. Il fut grand et fécond aussi pour les régions de la Gaule septentrionale, où le nombre des chrétiens se multiplia bientôt d’une manière extraordinaire. On peut affirmer sans témérité que, dans les grandes villes, la majorité de là population adorait Jésus-Christ. C’est le témoignage formel d’un écrivain de cette époque[12], et nous en avons une autre preuve dans les nombreuses inscriptions chrétiennes de Trèves, où la présence de la cour devait naturellement gagner à la religion nouvelle une multitude de fidèles[13]. L’histoire de Mayence est peut-être plus éloquente encore. En 368, nous dit un contemporain, le chef Alaman Rando profita, pour s’emparer de cette ville, d’un moment où la population était rassemblée pour une fête religieuse dans l’église chrétienne[14]. Partout, les édifices sacrés de la première heure étaient devenus insuffisants, et l’on travaillait activement à en bâtir de plus vastes et plus beaux. On en élevait un à Trèves du temps que saint Athanase y était exilé, et l’on y célébrait les saints mystères même avant son entier achèvement[15]. Reims avait plusieurs sanctuaires : à côté de sa vieille cathédrale de Saint-Sixte, qui surgissait en dehors de son enceinte, l’illustre préfet Jovin avait bâti la basilique de Saint-Agricole, et l’évêque Imbetausius avait élevé, à l’intérieur de la ville, l’église Saint-Symphorien, qui pendant quelque temps remplaça Saint-Sixte comme cathédrale, jusqu’à ce qu’elle fut à son tour remplacée par celle que saint Nicaise éleva en l’honneur de la Vierge Marie[16]. Beauvais possédait, à proximité de son enceinte, un sanctuaire où reposait le corps de son martyr saint Lucien : il fut livré aux flammes pendant les invasions[17]. L’existence d’une église chrétienne à Cologne est attestée au moins à partir du milieu du quatrième siècle ; c’est là que voulait se rendre le malheureux Silvanus, lorsqu’il fut surpris par les émeutiers qui le massacrèrent[18]. Ce sanctuaire toutefois le cédait en importance et en richesse à la splendide basilique qui s’élevait hors les murs, sur le tombeau de saint Géréon et des autres martyrs thébéens, et que le peuple nommait l’église des Saints-d’Or à cause de la richesse de ses mosaïques[19]. Une autre basilique suburbaine, celle de sainte Ursule et de ses compagnes, était bien ancienne aussi, puisque, dès la seconde moitié du quatrième siècle, elle fut reconstruite par un pieux fidèle du nom de Clematius[20]. Ces indications, que le hasard seul nous a conservées, nous permettent de nous figurer les révélations que ferait l’histoire, s’il s’était trouvé à cette époque, en Gaule, des annalistes pour raconter, comme faisaient ceux d’Orient, les progrès et les vicissitudes de l’Église de Dieu.

Tout nous autorise à croire que les chrétientés de la première heure étaient en possession d’une organisation régulière. Si maigres que soient nos renseignements, ils nous font voir que tous les échelons de la hiérarchie sacerdotale y sont occupés, et les prescriptions canoniques observées dans la vie du clergé. Nous avons déjà rencontré, sous la date de 314, des diacres à Reims et à Cologne, et un exorciste à Trèves. Les inscriptions de cette dernière ville mentionnent les noms de quelques ecclésiastiques encore : un prêtre Aufidius[21], un diacre Augurinus[22], un sous-diacre Ursinianus[23], un portier Ursatius[24]. Nous constatons aussi que les clercs revêtus de l’un des ordres mineurs pouvaient être engagés dans les liens du mariage : les marbres nous font connaître le nom de Lupula, femme d’Ursinianus, et celui d’Exsuperius, fils d’Ursatius. Quant au prêtre Aufidius, la mention de sa femme Augurina et de son fils Augurinus prouve qu’il avait, lui aussi, une famille et un foyer ; mais Augurina ne prend sur le marbre funéraire que la qualité de sœur du défunt : chaste et touchante attestation de la continence gardée, au sein du mariage, par l’époux qui était devenu l’oint du Seigneur.

Toutes les conditions sociales, toutes les professions, toutes les races se rencontraient dans le troupeau du Christ. Depuis que la doctrine du Nazaréen était devenue celle des empereurs convertis, cela n’avait plus rien d’extraordinaire. Il serait donc oiseux d’énumérer les préfets du prétoire et les consulaires qui allèrent dormir l’éternel sommeil dans les cimetières chrétiens de Reims et de Trèves, à côté d’autres personnages de distinction dont les pierres tumulaires nous ont conservé la mémoire. Mais ce qu’il importe de noter, c’est l’accession spontanée à l’Évangile d’un grand nombre de barbares entrés au service de l’Empire, et qui acceptèrent sa religion comme le reste de la civilisation romaine.

Si, à cette date, ils n’avaient pas obéi à l’habitude de latiniser leurs noms germaniques, il est probable que nous en reconnaîtrions plus d’un dans le recueil des inscriptions chrétiennes du temps. Nous savons du moins que Silvanus, dont on a vu plus haut la fin tragique, était Franc d’origine, et nous avons le droit de supposer le christianisme de ses compatriotes Malaric et autres, qui lui témoignèrent dans ses malheurs un si chaud et si stérile dévouement. C’est, sous un nom romain, un chrétien encore que ce centurion Emeterius, qui servit pendant vingt-cinq ans dans une cohorte (numerus) de Gentils, et dont on a retrouvé la pierre au Drachenfels, près de Bonn, ornée, en signe de sa foi, du monogramme du Christ[25]. Combien d’autres, dont la tombe n’a pas livré le secret, mais qui, sous la tunique du légionnaire, ont confessé le Dieu de Mallosus et de Victor, apportant à l’Évangile, bien des générations avant Clovis, les prémices de la nation franque. A vrai dire, tous les barbares qui vendirent leur sang à l’Empire n’étaient pas chrétiens ; sous les souverains les plus zélés pour l’Évangile, les armées comptèrent dans leurs rangs, et jusque dans les grades supérieurs, un grand nombre d’adorateurs de Wodan, qui s’enorgueillissaient de ne pas fléchir le genou devant le Dieu de César[26]. Mais ceux-là mêmes subissaient à leur insu le charme mystérieux que l’Église, par l’intermédiaire de ses grands hommes, exerçait alors sur les âmes les plus rebelles ; ils se vantaient d’être les amis des évêques, et, au loin, leurs compatriotes d’outre-Rhin se persuadaient que cette amitié leur portait bonheur.

On voudrait pénétrer plus avant dans la vie cachée de ces chrétientés primitives, dont à peine nous venons de signaler les éléments matériels ; on voudrait s’asseoir à ces foyers domestiques placés sous la protection du Christ, respirer, en quelque sorte, l’atmosphère de ces fidèles, être le témoin de leur existence quotidienne, voir comment l’Évangile était pratiqué par les âmes qui se réclamaient de lui. Mais l’histoire est muette, et les tombeaux seuls élèvent leur voix de pierre pour trahir, par les éloges qu’elles décernent aux défunts, de quelle manière elles entendent les devoirs des vivants. Peu importe que ces éloges soient mérités, ou qu’ils ne soient que des formules banales ; ce qu’ils nous apprennent, c’est la conception que cette société se faisait de l’humanité régénérée, c’est l’idéal qu’elle assignait à la vie, et pour lequel il lui semblait doux de mourir.

Cet idéal, c’était la réalisation des conseils évangéliques. Ils étaient suivis par l’élite des âmes chrétiennes bien longtemps avant qu’il existât des institutions pour grouper en familles religieuses les amants de la vie parfaite. Les marbres de Trèves nous ont gardé la mémoire d’une jeune religieuse du nom de Léa, enlevée à l’âge de vingt-deux ans[27], et d’une autre, nommée Hilaritas, morte à cinquante après avoir servi le Seigneur tous les jours de sa vie, et observé de toutes ses forces les préceptes du Rédempteur[28]. Ces servantes du Christ ajoutaient-elles déjà la retraite et la réclusion à l’existence religieuse qu’elles avaient choisie ? Nous ne le savons pas, mais il est certain que, dès le quatrième siècle, la solitude était pratiquée à Trèves même et sous les yeux de la cour impériale. Saint Athanase, exilé de cette ville, y avait jeté la semence de la vie monastique, et il y avait laissé sa Vie de saint Antoine, ce livre dont le charme étrange a gagné tant d’âmes aux austères joies du sacrifice et du renoncement absolu. On y lisait comment ce saint, à l’aurore d’une vie riche de promesses et d’espérances, étant entré un jour dans une église d’Alexandrie, avait entendu lire le texte évangélique où il est dit : Si vous voulez être parfait, allez, vendez tous vos biens, distribuez-en le produit aux pauvres, puis venez et suivez-moi. Cette parole était descendue sur son cœur comme un oracle d’en haut : il s’y était conformé à la lettre et sans tarder. Après s’être débarrassé du fardeau de ses biens temporels qui avaient été sa richesse et qui n’étaient plus que sa chaîne, il était parti pour la solitude, et là, pendant le reste d’une vie qui dura au delà d’une siècle, seul en présence du ciel dans l’immensité du désert, il mena cette existence surhumaine dans laquelle l’admiration de ses contemporains voyait l’idéal monastique réalisé[29].

Les anachorètes chrétiens de Trèves s’étaient inspirés de cet exemple. Ils avaient dit adieu au monde, et, n’emportant que les saintes Ecritures et la biographie d’Antoine, ils s’étaient retirés dans d’humbles cabanes disséminées aux alentours de la ville, où ils cachaient sous les livrées de la pauvreté une existence désormais vouée au mépris des mondains. Pendant que la foule se pressait aux jeux publics et courait fiévreusement à la recherche de tous les plaisirs d’une société décadente, ils jeûnaient et priaient, les yeux fixés sur les vérités éternelles, et vivaient d’une vie toute céleste aux portes d’un monde dont ils s’étaient fait oublier. Or, une après-midi de l’année 386, pendant que l’empereur Gratien assistait aux courses du cirque avec la cour, quatre jeunes gens de son entourage, que le spectacle fatiguait, étaient allés se promener au milieu des jardins et des vignobles qui, alors comme aujourd’hui, touchaient aux murs de la cité. Deux d’entre eux, conduits par le hasard de la promenade, passèrent devant une cabane où vivaient des anachorètes. Ils y entrèrent, et l’un d’eux, y ayant trouvé une vie de saint Antoine, l’ouvrit par curiosité. Dès les premières lignes, une émotion extraordinaire s’empare du jeune homme ; c’est comme le parfum lointain du désert sacré qui vient à lui, à travers ces pages qui parlent un si nouveau et si sublime langage. L’amour divin vient de s’allumer dans son âme ; il en est tout transporté, et, comme rempli d’indignation contre lui-même, il interpelle son ami :

Dis-moi, je t’en prie, où prétendons-nous arriver au prix de tant d’efforts ? Quel est notre but et pourquoi servons-nous ? Notre plus grand espoir est de devenir les amis de l’empereur ; n’est-ce pas tout ce qu’il y a de précaire et de dangereux ? Et si nous y parvenons, par combien de périls arriverons-nous à un autre péril, qui sera le plus grand de tous ? Et puis, combien de temps cela durera-t-il ? Mais si je veux être l’ami de Dieu, je puis le devenir sur l’heure.

Et, tout troublé de la vie nouvelle qu’il sentait naître en lui, le jeune homme reprit sa lecture. Cette fois, c’en était fait ; décidé à se vouer sans retard au service de Dieu, il le signifia à son ami.

Ne me contredis pas, ajouta-t-il, si tu n’as pas le courage de m’imiter.

Mais l’autre déclara qu’il voulait, lui aussi, entrer au service de Dieu et s’assurer la même récompense. Lorsque les deux camarades qui les cherchaient les retrouvèrent dans la cabane, vers la chute du jour, ils apprirent de leur bouche le récit de leur étonnante métamorphose. Ils n’essayèrent pas de les détourner de leur généreux dessein, mais ils pleurèrent sur eux-mêmes, dit le narrateur, et, ‘après les avoir félicités et s’être recommandés à leurs prières, ils revinrent au palais impérial, le cœur à terre. Mais les deux nouveaux anachorètes ne quittèrent pas leur cellule, où ils vivaient dans le ciel. L’un et l’autre avaient des fiancées : apprenant leur résolution, elles ne voulurent pas se laisser vaincre en générosité par ceux qu’elles aimaient, et elles consacrèrent leur virginité à Dieu[30].

Tel est le récit qu’un jour, à Milan, l’un des deux jeunes gens qui avaient assisté à la conversion de leurs amis, et dont le nom était Pontitianus, faisait à un jeune et brillant rhéteur du nom d’Augustin. Et, par un prodige nouveau de cette force mystérieuse qui avait agi sur les jeunes gens de Trèves, Augustin se sentit à son tour saisi par la main invisible de la grâce ; sa conversion fut décidée sans retour. Si quelqu’un veut savoir ce qu’est, au sein de l’Eglise catholique, cette solidarité des mérites qu’elle appelle la communion des saints, la voilà dans un de ses plus étonnants spectacles. Du fond de son désert, un solitaire de la Thébaïde convertit, après sa mort, les pages de l’empereur d’Occident circulant autour du cirque de Trèves, et se sert d’eux pour aller conquérir, dans une ville d’Italie, l’âme noble et orageuse qui avait jusque-là résisté aux larmes de Monique et aux enseignements d’Ambroise. Trèves paya sa dette de reconnaissance à l’Orient, auquel elle devait ses premiers moines, en suscitant, par l’exemple de ses anachorètes, le génie sublime qui devait être la lumière de l’Eglise d’Occident. Et l’instrument providentiel qui avait servi à opérer tant de grandes choses, c’était l’exil d’Athanase !

Ce sont ces hommes, les moines de la première heure, les ascètes de la solitude ou les anachorètes de la cour, ce sont toutes ces âmes fortes et incorruptibles de vrais chrétiens qui ont maintenu et sauvé la loi de Dieu ‘dans un siècle où elle semblait menacée par ses propres fidèles. Depuis que le christianisme était devenu la religion à la mode, la multitude des vicieux et des mondains n’avait fait que changer l’étiquette de sa corruption et couvrait de l’étendard du Christ les hontes de la décadence. En entrant dans les rangs de l’Eglise, ils la compromirent plus qu’ils ne la servaient, et au lieu d’être sauvés par elle, ils furent sur le point de l’entraîner avec eux. Les tableaux que les contemporains nous tracent des mœurs d’Une grande partie de la population chrétienne des villes sont lamentables. On y rencontre cette espèce de lèpre particulière des vieilles sociétés, qui consiste en une soif malsaine des plaisirs les plus frivoles, quand ils ne sont pas les plus corrupteurs. Trèves chrétienne semble à peine meilleure que Rome païenne : rie qu’il lui faut, ce sont des Francs expirant sous la dent des bêtes féroces dans l’arène, ce sont des cochers aux couleurs multiples se disputant le prix des courses dans le cirque, ce sont les émotions puériles et factices de l’estrade, substituées à tout autre sentiment dans ces cœurs devenus froids pour les grands intérêts de l’âme humaine et de la civilisation. La vie monastique fut la salutaire et indispensable réaction de l’esprit chrétien contre ce débordement de paganisme : elle affirma hautement l’idéal évangélique, elle en dressa devant tous les yeux le type réalisé ; elle replaça l’homme en face de sa mission, et dans sa condition véritable de pénitent et de travailleur. Tous les ascètes qu’elle enleva au monde pour en peupler les déserts, tous ceux que l’Eglise allait chercher dans les déserts pour les mettre à la tête de ses diocèses, contribuèrent, à leur insu, à la plus grande œuvre sociale de l’époque. La somme de leurs austérités et de leurs mortifications constituait le contre -poids nécessaire des voluptés mortelles, et maintenait l’équilibre moral du monde.

Il est temps, après avoir parlé des fidèles, de faire connaître les pasteurs. L’épiscopat du nord de la Gaule a été à la hauteur de sa mission, et ceux qui en ont porté le lourd fardeau ont mérité de prendre place parmi les grands hommes qui ont été la gloire de l’Église du quatrième siècle. Dès l’origine, ils ont apparu comme les fermes et inébranlables défenseurs de la foi catholique. Éloignés des influences délétères du milieu byzantin, et éclairés par la vive lumière que projetait sur toute la Gaule le grand confesseur de la Trinité, saint Hilaire de Poitiers, ils étaient comme la solide et compacte réserve de l’orthodoxie, et ils ne se laissèrent pas entamer. Quand ils parurent dans les conciles du quatrième siècle, ce fut pour résister avec vigueur à la propagande arienne qui s’exerçait du fond de la cour impériale. Plusieurs d’entre eux ont conquis une gloire durable par le courage avec lequel ils affirmèrent leur foi dans ces jours particulièrement pénibles pour la chrétienté. Maximin de Trèves fut l’hôte et le consolateur de saint Athanase pendant l’exil de ce grand confesseur, et il resta toute sa vie inébranlablement fidèle à la foi de Nicée. Il prit même la plume pour défendre la doctrine orthodoxe, et il faut déplorer la fortune qui a envié à l’église de Belgique le testament littéraire de son premier docteur. Paulin, son successeur, résista avec un courage héroïque aux injonctions de l’arianisme victorieux. A l’heure sombre où, selon la forte parole de saint Jérôme, le monde gémit de se réveiller arien, il ne fléchit pas : il refusa de signer l’équivoque formule de Sirmium, et en 353, au concile d’Arles, où les légats du pape eux-mêmes se laissèrent arracher la condamnation d’Athanase, il fut le seul qui ne se prêta pas à l’immolation de la justice et de l’innocence. Condamné à l’exil, il se vit entraîner loin de son diocèse, qu’on ne lui permit pas de revoir, et relégué au fond de la Phrygie, où, cinq ans après, il expirait dans les tribulations, léguant à l’église de Trèves la gloire d’un nom qui figurerait au catalogue des martyrs aussi justement que sur celui des confesseurs.

Les diocèses de la Germanie, s’ils ne jouèrent pas un rôle si prépondérant que celui de Trèves, ne lui cédèrent cependant pas la palme du courage apostolique. Eux aussi eurent à leur tête des chefs qui défendirent avec énergie la foi du monde chrétien dans le dogme fondamental de la Trinité. Euphratas de Cologne et Servais de Tongres ont figuré avec honneur dans l’histoire du grand conflit entre la liberté de l’Église et les prétentions des Césars. Tous deux avaient pris part au concile de Sardique, où la doctrine de Nicée avait été de nouveau proclamée d’une manière solennelle, et dit les évêques d’Occident avaient tenu à attester leur union avec les Pères du premier concile œcuménique. A l’issue de cette assemblée, Euphratas avait été délégué avec Vincent de Capoue par les Pères de Sardique auprès de l’empereur Constance, alors ‘à Antioche, pour lui porter les décrets et les vœux de l’assemblée. Arrivé dans la capitale de la Syrie, le vieillard y devint le héros d’une aventure retentissante qui mit dans un plein jour et sa propre innocence et la scélératesse du parti arien, lequel n’avait pas reculé devant les manœuvres les plus infâmes pour perdre la réputation du représentant de l’orthodoxie auprès de l’empereur. Il est permis de croire qu’Euphratas rapporta d’Antioche une horreur plus profonde encore, pour une hérésie qui se défendait avec des armes aussi honteuses, et que la tradition qui le fait condamner pour arianisme par un concile réuni dans sa propre ville de Cologne n’est que l’écho d’un autre complot, moins pervers peut-être, mais plus dangereux, ourdi contre sa mémoire.

Servais, évêque de Tongres, fit trois fois le voyage d’Orient. Après avoir assisté au concile de Sardique, il avait, quelques années plus tard, accompagné saint Maximin auprès de Constance, avec une mission de l’usurpateur Magnence. En 359, nous le retrouvons au concile de Rimini, où, avec Phœbadius d’Agen, il fut l’âme du groupe de vingt opposants qui osa refuser de signer la formule officielle, entachée d’arianisme. S’il céda enfin à d’insidieuses supplications, après avoir résisté à toutes les menaces, ce fut avec des réserves telles que la doctrine orthodoxe était sauvée, et que l’hérésie ne pouvait tirer aucun argument de sa signature. Servais vint mourir à Maëstricht ; sa tombe, creusée le long de la chaussée romaine, y fut bientôt entourée d’un culte assidu, et tout un cycle de légendes formé autour de son nom atteste la popularité dont ce confesseur a joui de son vivant auprès des fidèles de la Gaule[31].

Ajoutons ici une réserve importante. Ce serait une erreur de se figurer la Gaule septentrionale comme totalement chrétienne. Au quatrième siècle, le christianisme y occupait la même situation qu’y avait eue la civilisation romaine au deuxième et au troisième. Il possédait les villes et leurs environs immédiats, il rayonnait plus ou moins dans les bourgades, il n’avait pénétré que faiblement dans les campagnes. Au cœur de la France, il y avait des régions entières où personne n’avait encore reçu le baptême[32]. Les sanctuaires païens s’élevaient partout, ombragés de vieux arbres et desservis par des prêtres qui vivaient du culte proscrit[33]. Les populations rurales continuaient de porter les statues de leurs dieux en procession à travers les champs, enveloppées de voiles blancs[34] ; les lacs sacrés recevaient toujours leurs habituelles offrandes, et les multiples lois rendues par les empereurs contre les sacrifices idolâtriques étaient restées lettre morte. Si de tels spectacles nous sont donnés par des régions centrales comme le Berry et la Bourgogne, combien ne -devait-on pas rencontrer d’éléments païens dans les solitudes incultes de l’Ardenne et de la Campine, et dans tous ces cantons dépeuplés où l’Empire n’avait ramené un peu de vie qu’en y versant des multitudes de barbares ? Étrangers à la civilisation romaine, ces nouveaux colons l’étaient plus encore à sa religion, et leur paganisme germanique rivalisait avec celui des paysans indigènes pour fermer la porte à la doctrine du Christ. Il restait donc un immense champ d’action pour les évêques et pour les missionnaires. Il est bien probable qu’ils y ont prodigué leur activité, mais l’histoire n’a pas conservé le souvenir de leurs méritoires labeurs ; elle a en quelque sorte noyé leur mémoire et leurs œuvres dans le rayonnement prodigieux d’un nom qui résume pour la Gaule toutes les gloires de l’apostolat et toutes les austérités de la vie monastique. Ce nom, c’est celui du grand thaumaturge saint Martin de Tours.

Martin était ce soldat venu de Pannonie, dont tout l’Occident connaissait le nom, depuis l’héroïque inspiration de la charité qui lui avait fait partager son manteau en plein hiver avec un pauvre, aux portes de la ville d’Amiens. Avide d’une gloire plus haute et plus pure que celle des armes, il avait échangé le service de l’empereur contre celui de Jésus-Christ, et il était venu se faire, à Poitiers, le disciple de saint Hilaire, le plus illustre pontife de la Gaule. La première de ses œuvres, ce fut la fondation du ministère de Ligugé près de Poitiers, qui a fait de lui l’initiateur de la vie monastique en Gaule et le patriarche des moines d’Occident avant saint Benoît. Appelé quelques années après au siège épiscopal de Tours, Martin resta un moine sous les habits du pontife ; il combina en sa personne deux caractères qui, aux yeux de beaucoup de chrétiens, passaient alors pour opposés, presque pour contradictoires. Le monastère de Marmoutier, fondé par lui dans le voisinage de sa ville épiscopale, resta son séjour de prédilection ; il y accorda à la vie monastique tous les instants qu’il put dérober aux absorbantes fonctions de l’épiscopat. La vie de cet homme étonnant, écrite par son disciple Sulpice Sévère, est un tissu de miracles qui ont eu, comme ceux de saint Bernard, le privilège d’être racontés par des contemporains. Lui même était un miracle vivant de charité, de pénitence et de zèle pour le salut des âmes. Ce moine-évêque avait un troisième caractère, qui, plus encore que les deux premiers, a fait la gloire de son nom et la grandeur de son rôle historique. Il était né missionnaire. Le feu sacré de l’apostolat le dévorait. Il s’attribuait une mission partout où il y avait une idole à renverser ou un païen à convertir. Il trouva les campagnes de la Gaule plongées encore dans la nuit de l’idolâtrie : il les laissa chrétiennes et semées d’institutions qui continuaient et affermissaient son œuvre rédemptrice. Il fut, et c’est la plus haute de toutes ses gloires, le créateur des paroisses rurales ; c’est lui qui a fait prendre racine à la loi de Dieu dans le sol fécond de la vieille Gaule, et qui a préparé à l’Évangile les vaillantes légions de laboureurs chrétiens d’où sont sortis des saints comme Vincent de Paul, des saintes comme Geneviève et Jeanne d’Arc.

Bien que l’apostolat de saint Martin se soit surtout exercé dans la Gaule centrale, il n’est pas douteux que les provinces septentrionales de ce pays lui soient grandement redevables. Nous savons qu’il s’est rendu deux fois à Trèves, à la cour de l’empereur Maxime, et nous devons croire qu’il aura profité de ces voyages pour évangéliser les populations par lesquelles il passait. A la cour de Trèves on fit grand accueil à l’homme de Dieu ; on admira ses vertus et ses miracles[35], on respecta sa noble franchise, et il revint chaque fois avec les grâces qu’il avait sollicitées. L’une de celles-ci lui coûta un dur sacrifice. Pour conjurer les rigueurs dont était menacée l’Espagne priscillianiste, il lui fallait recevoir dans sa communion ceux-là même qui avaient fait condamner à mort, par le pouvoir séculier, Priscillien et ses principaux disciples. Ces hommes étaient les frères de Martin dans le sacerdoce : à leur tête était Ithacius, qui avait été le grand promoteur de la persécution, et qui jouissait d’un crédit dangereux à la cour de Maxime. La conscience de Martin se révoltait à l’idée de fraterniser avec ces prélats aux mains sanglantes, mais son cœur le poussait à tout faire pour empêcher que leur fureur sanguinaire causât de nouvelles victimes. Ne pouvant venir à bout de lui, Maxime donna enfin ordre aux commissaires impériaux de partir pour l’Espagne, avec droit de vie et de mort sur les malheureux qui leur seraient dénoncés. Alors enfin, la charité l’emporta chez Martin sur ses scrupules d’orthodoxie : au milieu de la nuit il courut au palais impérial, et promit de communier avec les ithaciens si l’Espagne était épargnée. On lui accorda sa demande, mais il ne goûta pas la joie de son triomphe. Il quitta la ville, la conscience troublée, plein de douleur et de remords à l’idée qu’il avait manqué à son devoir en communiant avec les persécuteurs. Pendant qu’il revenait à pied par la chaussée qui allait de Trèves à Reims, sa pensée inquiète repassait tous les détails du compromis qu’on lui avait arraché, et plus il y réfléchissait, plus il sentait la nuit et l’amertume envahir sa conscience. Arrivé au delà de la station d’Andethanna, à l’entrée de la grande forêt des Ardennes, il laissa ses compagnons prendre les devants, et, tout entier à son combat intérieur, il s’assit à terre, abîmé dans son deuil, et tour à tour s’accusant et se défendant. Alors un ange lui apparut qui le consola et l’exhorta à reprendre courage. Le saint se laissa rassurer par le céleste consolateur, mais à partir de ce moment il sentit sa force atteinte, et pendant les seize années qu’il vécut encore, il ne remit plus les pieds dans un concile.

L’histoire ne nous a pas conservé d’autres traces du passage de Martin par les contrées belges, mais on est bien fondé à lui attribuer une action efficace sur ces pays, à en juger d’après l’extraordinaire diffusion qu’y a prise son culte. Une multitude de paroisses urbaines et rurales, et des plus anciennes, l’invoquent en qualité de patron, et sa popularité n’y est contrebalancée que par celle du prince des apôtres. D’ailleurs, il a eu des disciples qui ont continué son œuvre civilisatrice, et qui ont voulu mettre sous son nom plus d’un des sanctuaires qu’ils ont fondés en Belgique. L’un de ceux-ci nous est connu : il s’appelait Victrice, et il était archevêque de Rouen. Cet homme remarquable fut l’ami de saint Martin, le témoin de ses miracles, le compagnon d’une partie de son existence[36].

Né, à ce qu’il paraît, vers les extrémités septentrionales de la Gaule-Belgique, il se souvint de sa patrie lorsqu’il fut à la tête du diocèse de Rouen, et il y envoya des missionnaires qui évangélisèrent ce pays avec grand succès. Du fond de sa retraite de Campanie, saint Paulin de Nole le félicitait de ses œuvres apostoliques. Lui rappelant les paroles des prophètes qui saluaient la lumière de la foi se levant sur les peuples assis à l’ombre de la mort, il lui disait : Grâce à vous, la Morinie, ce pays qui est à l’extrémité du monde, se réjouit de connaître le Christ et dépose ses mœurs sauvages. Là où il n’y avait que l’épaisseur des forêts et la solitude des rivages visités par les barbares, peuplés par des brigands, règne maintenant l’Evangile dans les villes et les bourgades, et les monastères le font fleurir jusqu’au sein des forêts. Et cette lointaine Morinie, où la religion chrétienne n’était jusqu’à présent que comme un souffle affaibli, le Christ a voulu que vous en fussiez l’apôtre, que par vous la foi y brillât d’un éclat plus vif et plus ardent, et que la distance qui nous sépare de ces régions fût diminuée par la charité qui nous en rapproche[37]. Ces paroles ouvrent l’histoire religieuse de la Flandre et du Brabant ainsi que de l’Artois, et le témoignage du confesseur de Nole est pour ces pays ce qu’est pour la Germanie celui de saint Irénée, l’acte de naissance de leur foi, s’il est permis de s’exprimer de la sorte.

Ainsi, chaque jour qui s’écoulait marquait un progrès pour les chrétientés de la Gaule du nord. Bientôt elle fut à même de payer sa dette aux églises du midi. C’est un enfant de Toul, saint Honorat, qui alla fonder, en 405, cet illustre monastère de Lérins, foyer de la vie monastique en Gaule et pépinière de l’épiscopat gaulois. C’est un fils de Trèves, Salvien, qui brilla au premier rang des écrivains ecclésiastiques du cinquième siècle, et dont la pathétique éloquence n’a pas vieilli pour l’histoire. C’est à Trèves encore, dans la société du saint prêtre Bonosus, que se développa la vocation religieuse de saint Jérôme ; et si l’on se rappelle que cette ville a eu pour professeur Lactance et pour élève Ambroise, on trouvera que l’église de Belgique n’a pas été inutile à l’Eglise universelle.

On ne comprendrait pas bien le grand rôle réservé à cette église dans l’histoire de la jeunesse du monde moderne, si à l’étude de sa vie intime on n’ajoutait celle de ses organismes essentiels. Comme l’Eglise universelle elle-même, l’église des Gaules alors était une fédération de diocèses reliés entre eux par la communion, par les assemblées conciliaires et par l’obéissance à l’autorité du souverain pontife. En dehors de ce triple et puissant élément d’unité, toute son activité et toute sa vie résidaient dans les groupes diocésains. Chaque diocèse était comme une monarchie locale dont l’évêque était le chef religieux et tendait à devenir le chef temporel. Chef religieux, il était la source de l’autorité, le gardien de la discipline, le dispensateur des sacrements, l’administrateur de la charité, le protecteur-né dé tout ce qui était pauvre, faible, souffrant ou abandonné. Chacune de ces attributions concentrait dans ses mains une somme proportionnée d’autorité et d’influence. L’État lui-même avait reconnu et affermi cette influence en accordant à l’épiscopat les deux grands privilèges qui lui garantissaient l’indépendance : je veux dire l’exemption des charges publiques et la juridiction autonome. Les constitutions impériales lui accordaient même une part d’intervention dans la juridiction séculière, chaque fois qu’une cause touchait particulièrement à la morale ou au domaine religieux. La confiance des peuples allait plus loin. N’ayant plus foi dans les institutions civiles, ils s’habituèrent à confier la défense de tous leurs intérêts aux autorités ecclésiastiques. Ils ne se préoccupèrent pas de faire le départ du spirituel et du temporel : ils donnèrent tous les pouvoirs à qui rendait tous les services. Sans l’avoir cherché, en vertu de sa seule mission religieuse et grâce à l’affaiblissement de l’État, les évêques se trouvèrent chargés du gouvernement de leur cité, c’est-à-dire de leurs diocèses. Gouverneurs sans mandat officiel il est vrai, mais d’autant plus obéis que tout ce qui avait un caractère officiel inspirait plus de défiance et d’aversion, ils furent, en Gaule surtout, les bons génies du monde agonisant. Ils fermèrent les plaies que l’État ouvrait ; ils firent des prodiges de dévouement et de charité. Les évêques, dit un historien protestant parlant de la Gaule, pratiquèrent alors la bienfaisance dans des proportions que le monde n’a peut-être jamais revues[38].

Telle était la situation, lorsque éclata la catastrophe de 406. Ce fut un coup terrible pour les chrétientés de la Gaule septentrionale. Nous ne savons que peu de chose de ces jours pleins de troubles et de terreurs, où l’histoire même se taisait, comme écrasée par l’immensité des souffrances qu’il eût fallu enregistrer. Même les quelques souvenirs qu’en ont gardés les peuples ont été brouillés et confondus avec celui de l’invasion hunnique, arrivée un demi-siècle plus tard. Un seul des épisodes consignés par l’hagiographie peut être rapporté avec certitude aux désastres de 406 ; il s’agit de la mort du vénérable pontife de Reims, saint Nicaise, égorgé par les Vandales au milieu de son troupeau, qu’il n’avait pas voulu abandonner. Comme saint Servais de Tongres, il avait, dit la tradition, prévu longtemps d’avance les malheurs qui allaient fondre sur sa ville épiscopale. Mais, tandis qu’une faveur de la Providence enlevait le pasteur de Tongres avant l’explosion de la catastrophe, saint Nicaise était réservé pour en être le témoin et pour y gagner la couronne du martyre. Après avoir enduré, avec son peuple, toutes les horreurs d’un long siège, le saint, voyant la ville envahie, alla attendre l’ennemi victorieux au seuil de l’église Notre-Dame, qu’il avait bâtie lui-même : il se préparait à la mort en chantant les psaumes, et sa vie s’exhala sous leurs coups avec l’accent des hymnes sacrés. Sa sœur Eutropie, qui se tenait à ses côtés, et que sa beauté menaçait de la flétrissante pitié des barbares, provoqua elle-même son martyre en frappant au visage le meurtrier de son frère, et elle fut égorgée sur son cadavre. Après s’être rassasiés de carnage et avoir pillé la ville, les vainqueurs se retirèrent, et Reims resta longtemps abandonnée.

Un sort plus cruel encore dut frapper à cette date toutes les chrétientés de la seconde Belgique, puisqu’elles n’ont même pas trouvé de narrateur pour leurs longues infortunes. Partout se réalisait la parole du prophète : Je frapperai le pasteur et je disperserai le troupeau. Après ces funestes journées, c’en fut fait, dirait-on, des chrétientés de Belgique et de Germanie. Plus aucune vie religieuse ne se manifesta dans ces provinces à partir de cette date. Les diptyques épiscopaux d’Arras, de Tournai, de Thérouanne, de Tongres et de Cologne ne nous apprennent plus rien, ou ne contiennent que des noms dépourvus d’authenticité. Le diocèse de Boulogne disparaît pour toujours. Les bêtes fauves reprennent possession du sanctuaire d’Arras ; l’herbe repousse sur les travaux de Victrice et de ses successeurs. L’Eglise, semble-t-il, a reculé aussi loin que l’Empire : il n’y a plus trace d’elle dans toute la région qui vient de tomber au pouvoir des Francs.

L’avenir s’annonçait plus sombre encore pour elle que le présent. Qu’allait-elle devenir dans l’immense reflux de la civilisation par lequel venaient de s’ouvrir les annales du cinquième siècle ? N’était-elle pas menacée de partager en tout les destinées de cet Empire dont elle était solidaire, et n’allait-elle pas, comme lui, périr graduellement sous les coups des barbares qui la morcelaient au nord et au sud ? Tout devait le faire croire. Dans la Gaule du moins, ses jours semblaient comptés. Ouverte aux Francs, sans .frontières, sans armées, sans espérance, la Gaule voyait arriver les barbares avec la muette résignation du désespoir. Et le triomphe de la barbarie, c’était, comme dans les provinces du nord, la destruction des sanctuaires, la dispersion des fidèles, la fin de la hiérarchie, l’extinction du nom chrétien.

Mais la cause de la civilisation n’était pas perdue. L’Eglise et l’épiscopat des Gaules restèrent debout derrière les limites rétrécies de l’Empire romain. Reims garda son siège métropolitain chargé de la responsabilité de toute la deuxième Belgique, avec la plus grande partie de ses diocèses suffragants. En arrière de cette grande province, la hiérarchie du reste de la Gaule romaine brillait d’un vif éclat, et ses chefs eurent le temps de se préparer à une invasion plus durable. Les envahisseurs du commencement du cinquième siècle n’avaient été que les précurseurs des Francs, qu’ils avaient, si l’on peut ainsi parler, annoncés à l’épiscopat. Lorsque ceux-ci apparurent enfin, ils trouvèrent, debout sur les ruines de l’Empire, cette puissance morale dont ils n’avaient pas même l’idée, dont le prestige allait les conquérir eux-mêmes, et qui allait courber sous ses bénédictions le front du Sicambre. Ici commence, à proprement parler, l’histoire moderne.

 

 

 



[1] Cumont, Textes et monuments figurés relatifs aux mystères de Mithra, pp. 158 et suivantes.

[2] Théodore de Mopsueste, In Epist. S. Pauli comment., II, p. 24, cité par Duchesne, Fastes épiscopaux de l’ancienne Gaule, t. I, pp. 36-38, qui est à lire sur toute cette question des origines.

[3] Heriger, Gesta episc. tungrensium, c. 7 ; Flodoard, Hist. Ecclés. rem., I, 3.

[4] Saint Irénée, Adversus hæreses, II, X, 2.

[5] V. l’inscription de Clematius dans Leblant, Inscriptions chrétiennes de la Gaule, I, p. 570, qui la dit antérieure à 464 de notre ère. Klinkenberg, dans les Bonner Jahrbücher, t. LXXXVIII, la croit de la seconde moitié du quatrième siècle.

[6] Grégoire de Tours, Gloria Martyrum, c. 64.

[7] Grégoire de Tours, Gloria Martyrum, c. 63.

[8] Grégoire de Tours, Gloria Martyrum, c. 54 ; Flodoard, Hist. Ecclés. rem., I, IV.

[9] Vita S. Eligii, l. II, c. 7.

[10] Acta Sanctorum des Bollandistes, 25 octobre, t. XI.

[11] V. Sirmond, Concilia Galliæ, t. I, p. 8.

[12] Signum quod perhibent esse crucis Dei

Magnis qui colitur solus in urbibus

Christus perpetui gloria numinis

Cujus filius unicus.

Severus Sanctus (Migne, Patrologie latine, t. XIX).

[13] Elles sont recueillies dans Leblant, Inscriptions chrétiennes de la Gaule, 2 vol. in-4°, Paris, 1856, et Nouveau recueil des inscriptions chrétiennes de la Gaule, in-4°, Paris, 1892, et dans Kraus, Die Christlichen Inschriften der Rheinlande, 2 volumes, Fribourg en Bade, 1890-1891.

[14] Ammien Marcellin, XXVII, 10.

[15] S. Athanase, Apologie, I, 682.

[16] Flodoard, Hist. Ecclés. rem., I, 3, 4, 6.

[17] Diplôme de Chilpéric Ier, dans Pardessus, Diplômes, t. I, p. 148 ; Pertz, Diplomata, p. 12.

[18] Ammien Marcellin, XV, 5.

[19] Saint Grégoire de Tours, Gloria Martyrum, c. 61.

[20] Klinkenberg dans Bonner Jahrbücher, t. LXXXVIII (1889).

[21] Leblant, Inscriptions chrétiennes de la Gaule, t. I, n° 233, 341.

[22] Id., ibid., l. c.

[23] Id., ibid., n° 293, p. 396.

[24] Id., ibid., n° 292, p. 395.

[25] Leblant, n° 359, t. I, p, 485.

[26] Par exemple, au quatrième siècle, le célèbre Arbogast.

[27] Leblant, Inscriptions chrétiennes de la Gaule, t. I, numéros 258-259, p. 366.

[28] Leblant, Inscriptions chrétiennes de la Gaule, t. I, p. 336.

[29] S. Athanase, Vita sancti Antonii.

[30] Saint Augustin, Confessions, VIII, 6.

[31] Grégoire de Tours, II, 5, et Gloria confessorum, c. 71.

[32] Ante Martinum pauci admodum, immo pæne nulli in illis regionibus Christi nomen receperant. Sulpice Sévère, Vita sancti Martini, c. 13.

[33] Id., ibid., c. 13 et 14.

[34] Id., ibid., c. 14.

[35] Sulpice Sévère, Vita sancti Martini, c. 16-18.

[36] Sulpice Sévère, Dialog. III, 2.

[37] Saint Paulin de Nole, Epist., XVIII, 4.

[38] Hauck, Kirchengeschichte Deutschlands, t. I, p. 79.