VERCINGÉTORIX

 

NOTES.

 

 

NOTE I. — Les monnaies de Vercingétorix[1]

La plus ancienne monnaie connue de Vercingétorix a été découverte en Auvergne vers 1837[2]. Plusieurs autres ont été trouvées en 1852, sur le territoire de Pionsat[3]. Une autre provient des environs d’Issoire[4]. On en a rencontré une dans les fouilles des abords d’Alésia[5].

Aujourd’hui le Cabinet des Médailles possède neuf pièces au nom de Vercingétorix[6]. D’autres collections, municipales[7], publiques[8] ou particulières[9], en possèdent un petit nombre. Je serais étonné si l’on en connaissait plus d’une vingtaine[10].

Les pièces de Vercingétorix forment deux groupes distincts, si on examine la tête figurée au droit.

Sur la plupart des pièces, c’est une tête nue, imberbe, jeune, aux cheveux bouclés. On y voit d’ordinaire la figure d’un Apollon[11]. Mais il n’est pas impossible, comme le pensait autrefois de Saulcy[12], qu’on ait voulu représenter Vercingétorix lui-même, avec les traits idéalisés, ou, si l’on préfère, théomorphisés.

Sur un très petit nombre de ces pièces, la figure paraît davantage celle d’un homme[13]. Elle est coiffée d’un dasque ou d’une calotte à côtes ; le cou est orné d’un collier[14]. Si l’on cherchait la physionomie véritable de Vercingétorix, ce sont ces pièces qu’il faudrait, peut-être, étudier de près.

Au revers, on trouve figurés, avec des groupements différents : le cheval au galop, qui est constant ; l’amphore, constante également ; le croissant et le S couché, qui se partagent les pièces comme troisième attribut.

Les légendes, plus ou moins complètes, comportent, presque toutes l’orthographe VERCINGETORIX ; un très petit nombre, VERCINGETORIXIS[15].

Sur le style de ces pièces, voici ce que veut bien m’écrire M. de La Tour[16] : Les monnaies de Vercingétorix sont en bon or jaune. La frappe a été hâtive, grossière ; les flans sont irréguliers ; les tranches, éclatées. Le style est mauvais, si on le compare à l’art romain de la même époque ; il est très bon si on le compare à celui des œuvres barbares. L’exécution, malgré sa rudesse et son âpreté, n’est pas sans caractère et sans une certaine ampleur. Cette monnaie forme, avec les autres monnaies frappées à la même époque par les Arvernes, un groupe fort homogène comme style, métal et frappe. Le cheval, d’une belle allure et très caractéristique, se retrouve sur les monnaies d’argent du même peuple arverne ; mais celles-ci sont exécutées avec moins de soin encore que les monnaies d’or, les flans sont très grossiers et ne portent chacun l’empreinte que d’une portion de coin[17].

 

NOTE II. — Bourges.

Bourges a été, sinon de toutes les villes de la Gaule, du moins de toutes celles qu’a connues César, le type le plus achevé de l’oppidum palustre, comme Paris, de l’oppidum fluvial.

En dépit des remblais que vingt siècles ont jetés sur ses abords, malgré la construction des faubourgs du Nord, il est aisé, aujourd’hui encore, de se rendre rapidement compte de l’origine et du caractère topographiques de la cité d’Avaricum. Elle est demeurée ce qu’elle était au temps de César, une presqu’île de marécage, prope ex omnibus partibus flumine et palude circumdata[18].

On arrive d’ordinaire à Bourges par la ligne de Vierzon, en remontant l’Yèvre (la rivière, flumen, dont parle César[19]). Il n’est point rare que toute la plaine, large d’un kilomètre, qui s’étend entre la voie ferrée, le lit de l’Yèvre et le canal, soit entièrement recouverte d’eau : c’était le cas lorsque j’ai visité Bourges, au mois de mars, précisément le mois où fut assiégé Avaricum. — Aux approches de Bourges, le marécage qu’est cette plaine a été rétréci peu à peu par les progrès de la ville depuis le XIIe siècle : il n’en est pas moins fort visible. Il suffit de regarder du haut des trois levées qui portent l’avenue de la Gare (celle-ci moderne) et les deux routes d’Orléans et de Paris (et ces deux dernières sont sans doute les héritières de longi pontes antiques[20]). — Au delà vers l’Est et en amont sur l’Yèvre, les marécages s’élargissent de nouveau. Ils bloquent ainsi tout le nord de Bourges, stagnant le long de la rivière sur une étendue de plusieurs kilomètres. De là, impossibilité pour César d’investir la ville, circumvallare loci natura prohibebat[21].

C’est au nord des marécages que campa Vercingétorix, dans la direction de la vieille et célèbre route romaine de Bourges à Sancerre (chemin de Jacques Cœur[22]). Comme César campa au Sud, le roi des Arvernes fut séparé de lui par une longue et large bande de palus, et il put demeurer en relation constante, à travers elle, avec les Gaulois assiégés[23]. Ces mêmes marécages, en cas d’évacuation de la ville, permettaient aux gens d’Avaricum de gagner à temps le camp gaulois, en retardant leur poursuite immédiate : Palus, quæ perpetua intercedebat, Romanos ad insequendum tardabat[24].

A l’Ouest et au Sud-Ouest, une autre ligne de marécages se détachait de la première, obliquement, pour suivre la vallée de l’Auron. On reconnaîtra la place qu’ils occupaient, en regardant les quartiers bas du haut et à l’ouest de la place Séraucourt.

Entre ces deux lignes, s’avance et s’avançait du Sud-Est, comme un promontoire, la colline sur laquelle était bâti Avaricum. Elle ne tenait donc à la terre ferme que par l’isthme marqué aujourd’hui par la place Séraucourt et par la route de Moulins ou rue de Dun-sur-Auron : Eam partem oppidi quæ, intermissa a flumine et a paludibus, aditum angustum habebat, dit César d’une part[25] et, de l’autre : Unum habeat et perangustum aditum[26]. Très étroit est peut-être exagéré ; étroit suffisait, car l’isthme ou le col devait avoir, à la base[27], environ 500 mètres, à peu près la largeur de la colline et de la ville.

 

Dans Bourges même, et peu de villes françaises offrent à un degré égal cet avantage historique, il est possible de reconnaître assez vite et de suivre exactement le pourtour de l’enceinte romaine du IVe siècle, lequel était sans doute, à peu de chose près, le même que celui de l’enceinte gauloise assiégée par Jules César : car l’isolement de la ville au milieu de ses marécages ne put permettre deux tracés trop différents[28].

La ligne des remparts est marquée, du côté des marais, par les rues de Bourbonnoux, Mirebeau, des Arènes et Fernault ; du côté de la terre ferme, par l’esplanade Marceau (Saint-Michel) : sur ce dernier point, l’oppidum gaulois commençait exactement là où commence aujourd’hui la ville proprement dite, à l’entrée de la rue Moyenne et de l’avenue Séraucourt. Le pan de mur gallo-romain, en briques et petit appareil, que l’on voit de ce côté, encastré dans la muraille de la terrasse de la Caserne, est l’héritier de la courtine de pierres et de bois décrite dans les Commentaires[29]. Et, à quelques mètres près, les entrées de ces deux rues correspondent, je crois, à deux portes de l’enceinte gauloise[30].

C’est en face de ces deux portes, c’est-à-dire de ces deux rues, que campa César, peut-être sur la hauteur du faubourg du Château, à 500 mètres environ de la vieille ville et de la rue Moyenne[31].

Il décida d’attaquer la portion du rempart que regardait son camp, c’est-à-dire celle qui longeait l’Esplanade et qui était comprise entre deux portes (entrées de la rue Moyenne et de l’avenue Séraucourt). Il ordonna d’élever, contre ce secteur, l’agger ou la terrasse d’approche. Cette terrasse devait avoir, en largeur ou en façade, 330 pieds ou 97 mètres[32] : ce qui correspond assez exactement au front de l’Esplanade, mesuré entre ces deux rues[33].

Autrefois, sans aucun doute, le dos d’âne marqué aujourd’hui par la rue de Dun-sur-Auron et la place Séraucourt n’existait pas, et il y avait là, tout au contraire, un col en contrebas à la fois de la ville et du faubourg du Château[34]. Mais des amoncellements de décombres et des travaux de voirie ont exhaussé ce quartier, et l’ont mis à peu près de niveau avec le reste de la ville. Aussi, pour se figurer l’état des lieux avant l’arrivée de César, faut-il enlever par la pensée quelques mètres de profondeur au terrain situé entre la Caserne de la Ville et le faubourg du Château[35].

Mais, par là même, l’exhaussement actuel de l’Esplanade, de la place Séraucourt et de la rue de Dun-sur-Auron nous permet de comprendre ce qu’était la terrasse bâtie par César. C’était une construction compacte de bois, d’osier et de terre, qui ne devait pas différer sensiblement, comme aspect et comme forme, de la levée de terrains d’emprunt qui porto aujourd’hui ce quartier. Cette levée n’est assurément pas l’agger romain ; il a disparu après le siège. Mais elle lui ressemble, et elle rend à la voirie moderne les mêmes services que la chaussée de César rendit aux assiégeants : elle met de plain-pied la ville et le faubourg du Château, Avaricum et le camp romain[36].

Représentons-nous maintenant la chaussée de César s’arrêtant là où commence aujourd’hui la ville proprement dite, à la Caserne. Elle a 330 pieds de largeur, c’est-à-dire qu’elle finit un peu à droite de la rue Moyenne, un peu à gauche de l’avenue Séraucourt. En face d’elle s’élève le mur gaulois, percé de deux portes, à rentrée de l’une et de l’autre de ces rues. Chacune de ces portes est encadrée de tours, probablement plus hautes que les autres. Sur la terrasse des assiégeants, deux tours ont été élevées, faisant face chacune à une porte et aux tours de cette porte[37]. — Quand les assiégés opèrent leurs sorties, ils se répandent, en dehors de ces deux portes, sur les flancs des tours romaines : Toto muro clamore sublato, duabus partis ab utroque latere turrium eruptio fiebat[38]. Dans l’ouverture de chaque porte, des groupes d’hommes préparent et font passer les matières inflammables destinées à la tour qui leur fait face : Quidam ante portam oppidi Gallus per manus sebi ac picis traditas glebas in ignem e regione turris projiciebat[39]. — C’est une de ces deux tours romaines enfin qui, agrippant une des tours gauloises de porte, permit aux assiégeants d’aller à l’abordage et de terminer l’assaut[40].

 

NOTE III. — Gergovie.

L’histoire des recherches provoquées par le siège de Gergovie prouve que, sur bien des points, la science moderne est faite d’ingratitude ou d’oubli. On répète sans cesse que les fouilles de Napoléon III et de M. le colonel Stoffel ont fixé remplacement des camps romains et des lieux d’attaque : elles n’ont fait que confirmer (et c’est d’ailleurs un très beau résultat) ce qu’avaient supposé, sans autres ressources que leur intelligence, les érudits d’autrefois. — Regardez la carte du siège dressée en 1859 par von Gœler : le grand camp est entre Orcet et le lac (desséché) de Sarlièves, le petit camp est à La Roche-Blanche, la caponnière entre eux deux[41] : c’est-à-dire que tous ces ouvrages sont aux points précis où, trois ans plus tard, on allait chercher et retrouver leurs traces[42]. — Un siècle plus tôt, l’ingénieur bourguignon Pasumot[43] donnait à César, à peu de chose près, les mêmes positions : il lui faisait établir son grand camp sur les bords de l’Auzon[44], son petit camp à La Roche-Blanche, et il reconstituait sur place la terrasse, le camp extérieur et les positions des Gaulois avec une précision et une exactitude auxquelles les modernes n’ont ajouté que fort peu[45]. — Enfin, deux siècles auparavant, en 1560, Simeoni, tout en étendant hors de toutes proportions les lignes de Jules César, avait bien expliqué la marche générale des opérations du siège[46], et retrouvé le vrai point de l’attaque romaine, le revers méridional du plateau de Gergovie[47]. Ce qui était la première chose à résoudre, et celle d’où dépendent toutes les autres questions.

 

I. — Toute étude sur le siège de Gergovie doit en effet commencer par l’examen de la place et des conditions d’une attaque par escalade. Suivons le rebord du plateau, c’est-à-dire la ligne que devaient occuper les remparts et les portes, et regardons sur les flancs de la montagne[48].

Au Nord, vraiment, la pente est trop raide pour que César ait risqué sur elle trois légions[49]. C’est tout au plus si, dans la direction de la fontaine de Fontmort, les Gergoviens ont pu établir un sentier et une porte.

A l’Est, l’escarpement est encore plus dur. Je ne comprends pas comment César a pu confier aux Éduens la tâche de menacer sur ce point les assiégés par une autre montée, ab dextra parte alio ascensu[50]. S’il a prétendu inquiéter les Gaulois par cette diversion, ceux-ci ont dû rire en voyant leurs adversaires, hommes ou chevaux, au pied de ces roches et de ces ravins. Si les Éduens ont apparu sur le flanc Sud de la montagne presque à la fin du combat, c’est parce qu’après avoir cherché partout, à l’Est et au Nord, une montée commode, ils se sont décidés à revenir par les sentiers de mi-côte, du domaine de Prat au domaine de Gergovie et de là au village[51], et ils ont dû se présenter assez brusquement, par le tournant S.-E. de la montagne.

C’est par le Sud au contraire qu’on monte d’ordinaire aux terres du plateau. Là se trouve, outre les moindres sentiers, le chemin traditionnel des villageois[52]. Gergovie devait avoir, par là, à l’extrémité de ce chemin, sa porte ou ses portes principales[53]. Si le plateau de Gergovie appartient, aujourd’hui et de mémoire d’homme, aux paysans et à la commune de La Roche-Blanche, si la seule agglomération de maisons que porte la montagne est située sur son flanc méridional[54], c’est parce que la voie d’accès du sommet était sur ce côté. — Sur tout ce versant de Gergovie, vous remarquerez, en contrebas, une longue terrasse de largeur variable, formant une sorte de palier qui interrompt et coupe la descente : c’est là qu’étaient campés les Gaulois, dans des camps fort rapprochés l’un de l’autre. Au rebord extérieur de ce vaste gradin, à l’endroit où recommence la descente rapide, se trouvait le mur de six pieds qui fermait les camps[55]. Cette terrasse était assez plane pour que les chevaux pussent y trotter, témoin celui qui emporta Teutomat dans sa fuite[56]. — Enfin, regardez plus loin, et vous apercevrez les terres basses que traverse l’Auzon, et où César plaça ses camps : le grand camp à votre gauche, sur le mamelon au delà de la grande route et des maisons du Petit-Orcet, le petit camp en face, sur La Roche-Blanche. Ils sont assez près de Gergovie pour que les Gaulois aient pu suivre les mouvements de troupes sans distinguer l’espèce des combattants[57]. C’est dans ce bas-fond qu’ils ont aperçu les prétendus cavaliers romains, se dirigeant à droite vers les hauteurs de Risolles en contournant La Roche-Blanche et le Puy de Jussat de différents côtés[58] ; c’est là qu’ils virent la légion de l’attaque feinte, après avoir remonté la vallée entre Gergovie et La Roche-Blanche, tourner à sa gauche, descendre dans le ravin et disparaître dans les bois, derrière le Puy de Jussat[59].

Enfin, on finira cette promenade circulaire en s’arrêtant, à l’Ouest, sur l’arête du col des Goules, entre le plateau de Gergovie et les hauteurs de Risolles[60]. Il suffira de regarder ce col et ses abords pour être frappé de l’exactitude de la description faite par César : Dorsum esse ejus jugi prope æquum sed hunc silvestrem et angustum, qua esset aditus ad alteram partem oppidi[61]. Seuls, les bois manquent aujourd’hui à cette description : encore apercevons-nous les vestiges de la forêt gauloise dans les flancs boisés du ravin de Romagnat. — Comme au temps de César, c’est le seul point (avec le côté du village) par où l’on aborde d’ordinaire aujourd’hui le plateau de Gergovie. — C’était, évidemment, le secteur le plus faible des lignes de défense. Quel que fût le système de l’attaque, elle ne se serait jamais mieux faite que par là. L’escalade ? elle n’était pas impossible sur ce point, puisqu’on a pu y établir, en 1861, la seule route carrossable qui conduit au plateau, et puisque les Gaulois, au bruit et à la nouvelle de l’assaut, ont pu revenir par là au galop de leurs chevaux[62]. La terrasse d’approche ? elle pouvait, à la rigueur, être bâtie sur ce col. Le blocus[63] ? la possession du col était essentielle pour l’établir, puis- qu’il commande à la fois les vallons de l’Artières au Nord et de l’Auzon au Sud ; de ce col partent au Sud le ravin de Macon (vers La Roche-Blanche), et au Nord celui de Romagnat, ravins qui étaient tout désignés pour former le tracé des lignes d’investissement qui couperaient la montagne et joindraient les deux vallons. Vercingétorix s’est très nettement rendu compte de tout cela, et, quand il a vu César s’emparer de La Roche-Blanche et s’approcher par là du col des Goules, il s’est hâté d’occuper les hauteurs de Risolles, qui le dominent, et d’y bâtir une muraille avancée pour protéger les abords du col : Vehementer huic illos loco timere, nec jam aliter sentire, uno colle ab Romanis occupato, si alterum amisissent, quin pæne circumvallati atque omni exitu et pabulatione interclusi viderentur[64].

II. — Descendons dans la plaine pour étudier les campements romains.

Le grand camp était placé sur la colline de la Serre[65], vaste mamelon à l’est et près de la grande route, au nord-est des maisons du Petit-Orcet. Il y avait là de l’espace[66], de l’eau, une surface aplanie[67], on dominait la plaine, et on apercevait assez bien quelques pentes principales du flanc Sud de Gergovie. — Il est vrai que les Gaulois surveillaient le camp mieux encore qu’ils n’étaient observés par lui[68].

Au pied de ce camp, entre la grande route, l’Auzon et la montagne de Gergovie, s’étend une vaste plaine en forme de triangle[69] : c’est celle où ont eu lieu les combats de cavalerie[70], et où César a espéré vainement attirer toute l’armée gauloise en lui offrant la bataille le lendemain et le surlendemain de l’assaut. Je suppose qu’il plaça ses légions ces jours-là sur le mamelon du Puy de Marmant, idoneo loco[71], dit-il, c’est-à-dire sur une hauteur légère et facile[72].

César établit son petit camp à La Roche-Blanche[73]. Cette hauteur offre un plateau assez vaste pour recevoir deux légions et même davantage ; elle est exactement en face de la principale porte de Gergovie, et à la base de la montagne, e regione oppidi sub ipsis radicibus montis ; elle commande le cours de l’Auzon et les gras pâturages qui bordent la rivière : elle est isolée de toutes parts, et suffisamment escarpée pour mériter les deux épithètes que César lui donne, egregie munitus atque ex omni parte circumcisus[74]. — C’est de La Roche-Blanche que le proconsul, un matin, aperçut, en face de lui, les pentes de Gergovie vides de soldats : Animadvertit collem, qui ab hostibus tenebatut, nudatum hominibus, qui superioribus diebus vix præ multitudine cerni poterat[75].

Enfin, entre le grand et le petit camp, s’allongeait le double fossé romain, qui devait suivre, à peu près, la route de voitures du Petit-Orcet à Donnezat[76].

III. — L’attaque eut lieu par le côté Sud. Son point de départ fut le petit camp de La Roche-Blanche[77]. C’est donc au rebord septentrional de cette colline qu’il faut se placer pour commencer l’étude du combat. C’est de ce point que César donna le signal, que partirent les trois légions de l’assaut, que se formèrent les cohortes de réserve de la Xe légion.

Comme il y eut environ 12.000 hommes d’engagés, l’escalade eut lieu, droit vers le plateau, sur un assez grand nombre de points, à gauche et à droite des chemins actuels. Je crois cependant que le gros des assaillants a dû suivre la route qui traverse le village et qui par une courbe appuie vers l’Ouest, de manière à arriver avec moins de fatigue à la porte principale[78]. Le mur du boulevard franchi, la terrasse et les camps occupés, un centurion de la VIIIe attaque cette porte[79].

Pendant que les trois légions arrivaient sur la terrasse. César et la Xe descendaient lentement dans le vallon qui sépare La Roche-Blanche et le mont de Gergovie. Arrivé au bas (peut-être à l’endroit appelé les Quatre-Viats, c’est-à-dire le carrefour des noyers à l’angle N.-E. de La Roche-Blanche), César put voir, plus nettement que sur la colline, le danger que couraient ses 12.000 hommes, comme perdus au milieu des rochers, et déjà menacés peut-être par les Gaulois accourant de l’Ouest. Il fit alors faire la sonnerie de retraite, et arrêta la Xe légion. — Il nous dit que les légionnaires de l’assaut ne l’entendirent pas, quod satis magna valles intercedebat[80] : ce ne peut être que la vallée où il se trouvait lui-même, assez large pour amortir le son, surtout étant donné le bruit simultané du combat et des clameurs gauloises.

Le danger devenu plus grand par l’arrivée des Gaulois (venus de l’Ouest, le long du plateau), César changea alors les positions de ses légions de réserve. — La XIIIe (en partie seulement) sortit du petit camp et se plaça sub infimo colle. C’est évidemment le pied de La Roche-Blanche. Comme César ajoute qu’elle fut disposée de manière à menacer les ennemis ab latere dextro[81], s’ils s’avançaient jusque-là, elle dut occuper tout le fond de la vallée entre La Roche-Blanche et Gergovie, depuis le carrefour des Quatre-Viats jusque vers le ravin du N.-O. : elle forma une ligne presque parallèle à la droite des sentiers descendant de Gergovie, que les ennemis allaient suivre[82] ; elle remplaça donc la Xe légion dans le fond de la vallée, mais en appuyant sur la gauche. — Quant à la Xe, César nous dit seulement qu’elle s’avança un peu, s’arrêta ensuite, et que du point où elle était placée. César, qui la commandait, attendit l’issue du combat[83]. Il faut donc chercher ce point assez près des Quatre-Viats et du fond de la vallée ; il faut le placer à un endroit d’où le proconsul pouvait à la fois suivre les détails de la bataille sur la montagne et les mouvements de la plaine ; de plus, comme il dira plus loin qu’il quitta cette position pour un terrain un peu plus favorable, paulo æquiore loco, c’est-à-dire plus plan, il faut que cette position ait été sur quelque pente assez rude. C’est ce qui m’a décidé à faire marcher et monter la Xe légion vers le N.-E., et à l’arrêter sur le flanc du contrefort qui avance au S.-E. du village, à l’endroit où passe le chemin rapide et direct de Donnezat à l’hôtel Mezeix[84]. De ce point (au-dessous de la croix qui est à l’entrée du village), en effet, on a une vue très nette de toute la zone occupée par les Romains et de tous les flancs et ravins méridionaux de Gergovie, et surtout de ceux qui avoisinent les principaux sentiers. — J’ajoute que, sur ce point, César donnait à la fois la main à la XIIIe et aux Éduens, qui arrivaient à la hauteur du domaine de Gergovie : il était au centre de la ligne courbe qui couvrait la retraite, et prêt à recevoir fugitifs ou Gaulois, descendant vers les camps par les chemins qui se réunissent au village.

La débandade des Romains ayant commencé à la vue des Éduens survenant vers leur droite, les deux légions de réserve prennent une troisième position. — De la Xe, César dit : Pro subsidio paulo æquiore loco constiterat[85] : elle s’avance donc au-devant des fugitifs, elle monte dans la direction du village, elle rencontre alors un espace plus large, un terrain moins escarpé, un sol plus nivelé ; c’est, je crois, l’endroit occupé aujourd’hui par la partie basse du village[86]. — La XIIIe se plaça derrière la Xe pour la soutenir, sur un terrain plus élevé que celui où elle s’était arrêtée d’abord, c’est-à-dire que le vallon du nord de La Roche-Blanche. Puisque la Xe s’est avancée et que la XIIIe va se trouver derrière elle, cette dernière n’a pu se poster que sur la croupe dont nous parlions tout à l’heure, et où elle a remplacé la légion de César. — A ce moment l’armée romaine de réserve, au lieu de former, si je puis dire, une ligne de front, forme une ligne de profondeur. Elle s’échelonne le long de la route de Gergovie à Donnezat, prête à recevoir le choc d’en haut.

Les fuyards, pressés surtout par le N.-O., d’où arrivent les Gaulois, descendent vers le village, rencontrent les réserves, et les trois groupes, les légions débandées, la Xe, la XIIIe, reculent lentement jusque dans la plaine, où elles se forment en rang de combat : Legiones ubi primum planiciem attigerunt, infestis contra hostes signis constiterunt[87]. Cette plaine est, selon moi, celle qui pré- cède Donnezat au Nord, et où aboutit le chemin dont nous venons de parler[88].

Je ne présente cette théorie du combat que comme la série d’hypothèses qui, à l’étude des lieux et à la lecture de César, m’a le moins déplu. Je ne cache pas qu’elle peut être critiquée. — Le champ de la bataille se trouve un peu rétréci, elle évolue seulement autour du chemin du plateau au village, et du village à Donnezat[89] : mais songeons qu’il n’y eut que 20.000 Romains d’engagés, et presque tous dans un corps à corps, et que César avait tout intérêt à ramasser ses troupes. — Les légions sont constamment éloignées du grand camp : mais César devait avoir hâte de rejoindre ses défenses les plus proches, celles de La Roche-Blanche, et ses dernières réserves, celles de l’attaque feinte[90]. — Au reste, le devoir de l’historien n’est pas d’éviter à tout prix les hypothèses, mais de les avouer franchement.

 

Il ne faut pas se borner, en étudiant Gergovie, à la critique des opérations du siège et à l’explication de la victoire de Vercingétorix. Il est une autre leçon d’histoire nationale que la montagne arverne peut nous donner. Regardons de là la plaine de la Limagne et le sommet du Puy de Dôme. Rendons-nous compte de l’effet que ces riches cultures et cette cime impérieuse ont pu faire sur les Gaulois, et nous trouverons des éléments de force morale et de richesse matérielle aussi décisifs pour comprendre le rôle des Arvernes et de Vercingétorix que les pentes inaccessibles de la montagne de Gergovie.

 

NOTE IV. — La bataille de Dijon.

Le champ de bataille que j’indique m’a été suggéré par le mémoire de Gouget[91]. Je renvoie à son travail ceux qui désirent connaître les motifs d’ordre géographique et stratégique qui rendent ce choix vraisemblable.

J’avais déjà accepté les conclusions de Gouget lorsque j’ai essayé de reconstituer, sur les lieux, les détails du combat. L’étude du terrain, sans les dissiper complètement[92], n’a pas accru les doutes qui me restaient encore : car je n’ignore pas que, dans toute recherche rétrospective de topographie militaire, il ne peut y avoir que des vraisemblances plus ou moins grandes.

Le large mamelon qui protège Dijon à l’Est, depuis la ligne des faubourgs jusqu’aux villages de Saint-Apollinaire et de Mirande, puis, au delà, cette vaste plaine découverte qui s’étend vers Quétigny et Varois jusqu’au bas-fond de la Norges, forment un emplacement naturel pour un très grand combat de cavalerie.

Rien n’était plus important, au cours de ce combat, que la possession de la ligne des plus hauts sommets, marquée aujourd’hui par le sentier de Saint-Apollinaire (268 mètres) au tilleul de la triangulation (269 mètres) : ce sont là, je crois, les deux points culminants. — Cette hauteur a été comme un rideau qui a masqué[93] à Jules César[94] la présence et les opérations de l’armée gauloise. Si peu élevée qu’elle soit au-dessus de la plaine (Varois, à une lieue de là, est encore à 225 mètres de hauteur), elle est de telle nature que, du versant oriental, on ne peut rien apercevoir de la vallée de l’Ouche et des régions voisines de Dijon. — Lorsque Vercingétorix l’eut occupée, il assura par là ses relations entre ses camps et la plaine de Varois, où il fit attaquer les légions, et il domina jusque dans les moindres détails[95] tout le champ de bataille. — En revanche, lorsque les cavaliers germains, gravissant sans peine les pentes que suit aujourd’hui la route nationale (du carrefour du chemin de Quétigny jusqu’à Saint-Apollinaire), eurent délogé l’ennemi du dos d’âne qu’ils occupaient jusqu’au chemin de Mirande, summum jugum nacti[96], lorsqu’ils eurent poursuivi les vaincus jusque dans la plaine de Dijon, et jusqu’aux bords de l’Ouche, fugientes usque ad flumen[97], il ne restait plus à tout le reste de la cavalerie gauloise qu’à prendre la fuite. Car, en s’inclinant vers le Sud-Est, soit par la route du Parc dans la plaine, soit par les chemins de Mirande et de Quétigny sur la hauteur, les Germains auraient pu promptement couper la retraite vers l’Ouche et les camps gaulois. Aussi, dès que les Gaulois, occupés contre les Romains dans la plaine de Varois, virent les Germains maîtres du sommet de Saint-Apollinaire, qua re animadversa, craignant d’être enveloppés, ils se débandèrent sans retard[98]. Et ce fut sans doute au moment où ils descendirent par les pentes rapides qui mènent de Mirande vers le faubourg Saint-Pierre et vers le Parc qu’ils furent rejoints par les cavaliers germains : c’est là, peut-être, qu’eurent lieu les principales captures de chefs[99].

On peut conjecturer également la manière dont la poursuite fut conduite par César. Il plaça ses bagages en sûreté sur la colline la plus voisine du champ de bataille[100] : comme ce n’est pas celle de Saint-Apollinaire, où a eu lieu le combat, je suppose que c’est celle de Talant, de l’autre côté de Dijon. Puis, il reprit sa route. Le soir de la bataille, il put tuer encore 3.000 hommes à l’arrière-garde des Gaulois[101]. Puisqu’ils fuyaient vers Alise-Sainte-Reine, César a dû les talonner dans la vallée de l’Ouche ou sur les larges plateaux qui la bordent à l’ouest de Dijon. Mais Vercingétorix s’engagea ensuite dans une des régions les plus tourmentées de la Côte d’Or : c’est d’abord la chaîne principale des montagnes, entre Fleurey et Blaisy ; c’est ensuite, sur l’autre versant, la vallée de l’Oze, étroite, dominée par des croupes boisées, pleine d’impasses et de cachettes, coupée d’éperons et de ravins. La poursuite, la nuit surtout, ne pouvait plus se faire qu’avec les plus grandes précautions. Elle prit fin à la tombée du jour.

 

NOTE V. — Les contingents de l’armée de secours.

Voici de quelle manière je rétablis, d’après les manuscrits de César, le chiffre des effectifs fixés par l’assemblée des chefs (César, de Bello Gallico, VII, 75, § 2 et suiv. : Imperant, etc.). Ce chiffre a dû être légèrement supérieur à celui des contingents réellement amenés (coactis, etc., VII, 76, 3) : ce qui explique la différence entre le total des hommes demandés (275.000) et la force de l’armée de secours (258.000). César n’a eu en mains que la liste des contingents votés par le conseil. — L’astérisque, dans la liste qui suit, indique les peuples dont la présence ou le nom peuvent être discutés à la place que nous leur donnons, ou les chiffres qui ne sont pas absolument certains, — Les différents systèmes proposés pour ce classement ont été en dernier lieu reproduits et discutés par M. Beloch, dans son étude sur la Population de la Gaule au temps de César, parue dans le Rheinisches Muséum de 1899, p. 414 et suiv.

1-5 : Arvernes, y compris leurs clients : * Eleuteti [Rutènes libres], Cadurques, Cabales, Vellaves : 35.000. — 6-10 : Éduens, y compris leurs clients : Ségusiaves, * Ambluareti [Ambarres], Aulerques Brannoviques, * Blannovii [Boïens ?] : 35.000. — 1-15 : Séquanes, Sénons, Bituriges, Santons, Carnutes, chaque peuple 12.000. — 16 et 17 : Bellovaques, Lémoviques : 10.000 chaque. — 18-21 : Pictons, Turons, Parisiens, Helvètes : 8.000 chaque. — 22-27 : * Andes, Ambiens, Médiomatriques, Pétrucores, Nerviens, Morins : * 6.000 chaque. — 28 : Nitiobroges, à * 5.000. — 29 : Aulerques Génomans, à 5.000. — 30 : Atrébates, à * 4000. — 31-32 : Véliocasses, * Lexoviens, chacun à * 3.000. — 33 : de même les Aulerques * Eburoviques. — 34 et 35 : les Boïens (du Rhin ?) et les Rauraques : à * 2.000 chaque. — 36-43 : les cités de l’Armorique, nommément Coriosolites, Rédons, * Ambibares [Ambiliati ?], Calètes, Osismiens, Vénètes, * Lémoviques, Unelles, taxées en tout à 30 000. — Nous avons essayé plus haut, un groupement géographique de ces peuples et de ces effectifs. Des nations de la Gaule citées ailleurs par César, il manque : les Rèmes et les Lingons, demeurés fidèles aux Romains (VII, 63) ; les Leuques (Toul), qui étaient leurs voisins, eux aussi, peut-être, les alliés de César (cf. I, 40) ; les Suessions, en ce moment soumis aux Rèmes (VIII, 6) ; les Meldes (Meaux), peut-être dans le même cas (cf. V, 5) ; les Trévires, occupés par la guerre de Germanie (VII, 63) ; les Ménapes, les Éburons et les petites tribus du Nord-Est, retenus sans doute par le même motif ; les Mandubiens d’Alésia ; les Namnètes (III, 9), les Diablintes de Jublains (III, 9), les Ésuviens de Séez (II, 34 ; III, 7 ; V, 24), omis par inadvertance ou, plutôt, rattachés, dans la pensée de César, les premiers à l’Armorique, les deux autres à l’Armorique ou aux Aulerques.

 

NOTE VI. — Alise-Sainte-Reine.

Avant de livrer ce volume à l’impression, j’ai voulu revoir longuement tous les détails des champs de bataille d’Alise-Sainte-Reine. J’avais quelques hésitations encore au sujet des positions que j’ai assignées aux combattants : elles se sont, sur place, assez rapidement dissipées.

Bien d’autres ont constaté avant moi avec quelle précision la description générale d’Alésia, dans les Commentaires[102], s’accorde avec l’état des lieux et l’aspect du paysage. Mais, même dans les détails topographiques, l’expression de César est nette et significative[103].

On a souvent dit que les champs de bataille se transforment rapidement, et qu’après vingt ans écoulés, les principaux acteurs d’un combat avaient peine à reconnaître les lieux où ils avaient joué une partie décisive de leur vie. Peut-être est-ce parce qu’aux heures de lutte ils avaient mal vu les choses, et que les craintes du moment avaient dénaturé leurs impressions. Mais Jules César se troublait rarement. Il avait, entre autres qualités, un coup d’œil d’une exactitude pénétrante ; il saisissait sur-le-champ les positions maîtresses, et en notait sans erreur les valeurs réelles ou relatives. De plus, il a su trouver, en écrivant ses Commentaires, le style adéquat à cette qualité. Aussi s’est-il borné, dans ses descriptions de villes, de sièges et de champs de bataille, aux traits essentiels, et s’est-il servi, presque toujours, des mots nécessaires et des termes qui portent.

Je dis presque toujours, et non pas toujours. Le seul reproche que j’adresserai à César, c’est d’avoir, dans ses exposés topographiques, exagéré légèrement les lignes principales des pays dont il parle. Il appelle Alésia un lieu fort élevé, admodum editus locus[104], le Mont Auxois une colline fort haute, summus collis[105] : les superlatifs sont peut-être de trop. Il se sert de l’expression d’escarpé, loca prœrupta[106], quand il s’agit seulement d’une montée un peu rude. C’est faire beaucoup d’honneur à l’Oze et à l’Ozerain que de les appeler flumina[107], surtout en dehors des saisons de pluies. Mais il ne faut pas oublier que César ne parle pas en géographe, soucieux de la nuance et du vocable technique. Il écrit comme il a vu au moment de la mêlée, en combattant qui ne regarde dans un détail du terrain que l’avantage ou l’obstacle immédiats. Il appellera indifféremment mons ou collis toute hauteur dominante[108], et il lui suffira d’une pente difficile à des soldats en armes pour qu’il parle d’escarpements. Mais si le trait essentiel est forcé, il n’est jamais faussé.

Comme la région d’Alise-Sainte-Reine n’a pas, depuis vingt siècles, subi de ces bouleversements qui transforment à jamais un pays, nous avons donc le droit de chercher à reconstituer, en face du terrain, les péripéties du siège et des batailles.

 

I. — Il faut d’abord se rendre compte de l’ensemble du pays, tel que César le décrit avant d’aborder le récit des opérations du siège. Le mieux, pour cela, est de monter sur le plateau d’Alésia, et d’en faire le tour, qui correspond sans doute au circuit de l’enceinte de la ville gauloise. De là, regardez tour à tour au pied de la colline, dans les deux vallées qui la bordent, dans la plaine qui la précède[109], vers les hauteurs qui lui font face de l’autre côté des deux ruisseaux[110], et le texte de César vous paraîtra d’une clarté lumineuse : Ipsum erat oppidum Alesia in colle summo, admodum edito loco..... cujus collis radices duo duabus ex partibus flumina subluebant. Ante id oppidum planicies circiter millia passuum III in longitudinem patebat. Reliquis ex omnibus partibus colles, mediocri interjecto spatio, pari altitudinis fastigio, oppidum cingebant[111]. — A cette description de César il ne manque qu’un seul détail : il ne parle pas ici de la montagne de Mussy-la-Fosse, qu’on aperçoit au couchant d’Alésia, fermant l’horizon de la plaine des Laumes par sa terrasse bifurquée. Il le fait à dessein. Car cette montagne ne jouera aucun rôle dans les opérations du siège proprement dit[112]. — En revanche, il en fera mention lorsque arrivera l’armée de secours. Car c’est sur les sommets de Mussy qu’elle apparaîtra, et les gens d’Alésia purent voir confusément les troupes de leurs alliés recouvrir peu à peu les hauteurs de la montagne lointaine et déborder par les pentes jusque dans la plaine[113]. C’est sur les plateaux de cette même montagne, et sans doute aussi sur ses versants extérieurs et invisibles, du côté du Couchant, que cette armée formidable établira ses camps[114]. C’est enfin sur les rebords et les flancs qui font face à Alise que se tiendront, en avant de ces camps, les fantassins gaulois durant les principales batailles[115].

II. — Pour avoir une idée nette de la manière dont le siège fut conduit et dont la ville et sa montagne furent défendues et investies, il faut suivre lentement la route de mi-coteau qui, par le flanc méridional d’Alésia, mène de la bifurcation des chemins de fer jusqu’à la rencontre du chemin de Darcey à Flavigny, en passant par les Trois-Ormeaux et par le hameau des Celliers : cette route est peut-être un des chemins qu’ont suivis les cavaliers gaulois de la ville pour rejoindre leur camp d’Alésia, lorsqu’ils furent poursuivis par les Germains après leur première défaite[116]. — A partir des Celliers, nous allons en effet retrouver l’emplacement de ce camp : c’est là, à droite d’abord, puis des deux côtés de la route, que nous voyons les terrasses en contrebas du plateau, assez légèrement inclinées, où Vercingétorix a établi et fortifié son camp. — Lorsque, marchant plus loin, nous arrivons aux Chemins-Croisés[117] (c’est-à-dire au point culminant du col qui rattache le mont d’Alésia au Mont Pévenel qui lui fait face), nous comprenons mieux encore comment et pourquoi le chef gaulois a voulu l’établissement de ce camp retranché en avant et au levant de la ville : par ce col, Alésia s’unit sans peine aux collines voisines, c’est-à-dire au Mont Pévenel et à ses dépendances ; sur ce point, César aurait pu, sans trop de peine, bâtir une terrasse d’approche presque au niveau de la ville ; il eût même pu, sans un danger excessif, tenter Tassant des remparts par l’escalade des roches. C’était, évidemment, le secteur le plus faible des lignes de défense[118]. Aussi Vercingétorix ferma le col et isola les terrasses qui le précédaient au Couchant par une muraille continue : entre celle-ci et les remparts de la ville, campèrent d’abord les Gaulois assiégés. Sub muro, quae pars collis ad orientem solem spectabat, hunc omnem locum copiæ Gallorum compleverant, fossamque et maceriam præduxerant[119]. Il n’évacua ce camp que lorsqu’il eut la certitude que César renonçait à l’assaut (expugnatio) ou à la terrasse d’attaque (oppugnatio) pour recourir au blocus (obsidio).

Ce blocus, on peut en constater la nature et l’importance de ce même col et carrefour des Chemins-Croisés. Qu’on regarde d’ici, à l’extérieur du mont d’Alésia, et on apercevra, mieux que de n’importe où, la presque) totalité du cadre de montagnes qui enferme la colline gauloise : le mont de Flavigny[120], avec ses trois bastions, du Nord, l’étroit promontoire boisé du Mont Pévenel, les roches grises et escarpées du plateau d’entre Bussy et Darcey. Et, quand on se figure tous ces sommets formant un colossal support aux camps, aux redoutes, aux palissades et aux tours romaines, on demeure frappé à la fois de l’énormité du travail ordonné par César, et de la sobriété précise avec laquelle il l’a raconté dans ses Commentaires : Regiones secutus quam potuit æquissimas pro loci natura, XIV millia passuum complexus[121].

C’est enfin de ce point du col qu’on peut noter l’éloignement relatif du Mont Réa, que César, à cause de cela, ne put ou ne voulut comprendre dans ses lignes de blocus : Collis, quem propter magnitudinem circuitus opere circumplecti non potuerant nostri[122]. Le Mont Réa, en effet, est plus écarté d’Alésia que les montagnes de Flavigny et de Bussy ; une véritable plaine l’en sépare, formée par les méandres de l’Oze. C’est une hauteur aux trois quarts isolée, distincte du système de collines que César a fortifiées. S’il l’avait ajoutée à ses lignes de circonvallation, il les eût, en quelque sorte, boursouflées, leur eût fait perdre leur unité et leur cohésion. Il préféra les faire passer, de ce côté, à mi-hauteur de la montagne[123].

On achèvera d’étudier les lignes d’investissement et la situation particulière du Mont Rua en revenant à la plaine des Laumes par la vallée de l’Oze et la grande route qui côtoie la voie ferrée.

III. — C’est dans la plaine des Laumes qu’eurent lieu le premier combat de cavalerie (livré par les assiégés)[124], le second combat de cavalerie (livré par les troupes de secours le premier jour de leur attaque)[125], et les trois tentatives faites contre les lignes romaines de la plaine (le second jour d’attaque, par les troupes de secours[126] ; et les trois jours, par les assiégés[127]). — Du second combat de cavalerie, César nous dit qu’il se livra en vue du reste des armées, massées sur les hauteurs : Erat ex omnibus castris, quac summum undique jugum tenebant, despectus[128]. Et en effet, la plaine des Laumes ressemblait alors à une arène, fermée ou dominée de toutes parts par les montagnes où campaient les Gaulois et les Romains, ceux-là sur celles d’Alésia et de Mussy, ceux-ci au Mont Réa et sur les hauteurs de Flavigny. — Aussi quand, dans l’attaque des lignes de la plaine, les fantassins gaulois de l’armée de secours, aux premières lueurs du jour, se virent battus, ils craignirent tout de suite d’être enveloppés, sur leurs flancs découverts, par les légions descendues des camps d’en haut, de celui qui était à mi-hauteur du Mont Réa, et de celui qui occupait le plateau Nord-Ouest du mont de Flavigny[129].

IV. — Le troisième et dernier jour de l’attaque générale, Vercassivellaun et les Gaulois du dehors assaillirent le camp du Mont Réa ou de la montagne de Ménétreux. — Pour retrouver ce champ de bataille, gravissez les pentes du Réa par le sentier qui traverse l’Oze sur une passerelle en bois, et qui n’est sans doute qu’une ancienne voie romaine. C’est à mi-hauteur, dans une sorte de terrasse que domine le sommet boisé, que devait être le camp romain, et ici encore toutes les expressions des Commentaires portent : le camp est bien pæne iniquo loco et leniter declivi[130]. C’est derrière la montagne que Vercassivellaun a caché les siens[131]. C’est par le sommet qu’il a attaqué[132]. C’est de là qu’il a vu, sur les pentes du mont de Flavigny, César s’avançant vers lui[133]. C’est sur cette terrasse enfin qu’il a subi la charge irrésistible de Labienus[134].

V. — Pendant ce temps, Vercingétorix attaquait les lignes romaines de la plaine (peut-être vers le moulin de Bèze)[135]. Puis, repoussé de ce côté, il se portait à sa gauche vers l’Est ou le Sud-Est contre celles des hauteurs, en escaladant le flanc du mont de Flavigny[136]. Je suppose qu’il a conduit alors le gros de sa troupe du côté du sentier qui monte au delà du moulin Duthu[137] (en amont du moulin de Bèze), et qui se perd ensuite dans les terres. Mais j’avoue que, si sur ce point la montée est un peu pénible, elle ne présente pas précisément les loca prærupta dont parle César. Sans doute le proconsul a-t-il forcé la note ; et d’ailleurs la difficulté de l’escalade ne fut point telle qu’elle pût empêcher Vercingétorix de conduire assez vite ses hommes et ses machines jusqu’aux remparts romains.

VI. — Le dernier point qu’on puisse déterminer sur les lieux est celui où se tint César au début de la dernière bataille[138]. De ce point, dit-il, il la vit toute entière : or, elle se livra à la fois sur les pentes du Mont Réa et dans la plaine. On peut donc supposer qu’il se plaça sur le flanc ou au pied du mont de Flavigny, soit en bas, le long du chemin qui mène de la grande route de Pouillenay au moulin de Bèze, soit à mi-hauteur de ce même côté, près du petit bois.

C’est de ce point qu’il se porta d’abord vers la plaine, pour arrêter Vercingétorix vers le moulin de Bèze[139] : il resta à cette seconde place assez longtemps, pouvant du reste suivre fort bien de là ce qui se passait sur les pentes du Mont Réa et sur celles de la montagne de Flavigny. — Puis il revint vers le plateau[140], lorsque son adversaire attaqua de trop près la terrasse par le sentier du moulin Duthu. — De cette troisième position enfin il redescendit vers la plaine, pour rejoindre Labienus sur les terrasses du Réa[141], et c’est en descendant vers la vallée de l’Ozerain et le moulin de Bèze qu’il fut aperçu par Vercassivellaun. — Tracez une ligne droite de la ferme Lombard (sur le plateau de Flavigny) jusqu’au sommet du Mont Réa : cette ligne passe par le moulin de Bèze, et vous aurez l’axe do la dernière bataille, celui qu’ont sans cesse suivi les légats, les ordres, les regards ou les pas mêmes de Jules César[142].

 

Je ne donne toutes ces remarques que comme des hypothèses très vraisemblables, destinées à répondre à ce besoin de précision, même conjecturale, qu’éveille naturellement chez tous une étude rétrospective de topographie militaire[143].

Mais, même quand on ne songe pas à expliquer les Commentaires, une visite à Alise-Sainte-Reine a son charme archaïque. Elle apporte des sensations presque aussi suggestives que des textes. J’écris ces notes au pied même d’Alésia, par une admirable journée de printemps succédant à un abominable hiver. Je perçois

quelques-uns des sentiments qui ont le plus fortement agi sur l’âme imaginative de nos ancêtres gaulois. Ce qui me frappe, dans les bruits ou les aspects de la nature environnante, c’est le ruissellement des sources éternelles le long des rochers, l’isolement des sommets rejoignant le ciel, les noirs taillis couronnant les cimes, le chant continu de l’alouette des bois, le vol lourd des corbeaux rasant les prés, la trinité solitaire de vieux arbres robustes, et le gui verdoyant sur le squelette des branches dénudées : toutes choses qui n’éveillent plus maintenant que des impressions de poésie, mais qui déterminèrent chez les hommes de jadis des actes de foi sincère.

 

NOTE VII. — La mort de Vercingétorix.

Nous nous sommes borné à dire, dans notre récit, que Vercingétorix fut mis à mort. Nous ignorons en effet quelle fut la manière dont on l’exécuta. Il n’existe, sur son supplice, que deux textes vagues de Dion Cassius, où le genre de mort n’est pas indiqué[144].

On a écrit, de façon à peu près constante, qu’il fut décapité. Il est certain que, pendant longtemps, les victimes du triomphe ont été frappées de la hache par le bourreau[145]. Il est douteux, cependant, que cet usage existât encore au temps de Jules César[146].

Si l’on veut, à titre de conjecture, se figurer comment mourut Vercingétorix, il faut chercher, avant et après l’année 46, les textes les plus voisins de cette date qui relatent la mort de chefs de guerre le jour du triomphe de leur vainqueur[147].

Avant 46, le dernier adversaire de Rome qui mourut dans les mêmes conditions que Vercingétorix fut Jugurtha. Deux traditions différentes ont couru sur sa mort. D’après Plutarque, il fut traîné au triomphe en costume d’apparat, puis les licteurs se partagèrent ses dépouilles, et enfin il fut jeté tout nu dans la prison, où il mourut de faim le sixième jour[148]. D’après Tite-Live ou ses dérivés, il fut étranglé, également dans la prison[149].

Après 46, mais, il est vrai, à cent dix-sept ans de là, nous possédons de la mort de Simon Bargioras, le chef des Juifs révoltés contre Vespasien, un récit fort circonstancié écrit par Josèphe[150]. L’historien grec raconte, à la date de 71, le triomphe de l’empereur : La procession, dit-il, arriva enfin au temple de Jupiter Capitolin. Là on fit halte. C’était un vieil usage romain d’y attendre le messager chargé d’annoncer la mort du général des ennemis. Celui-ci était Simon fils de Gioras, lequel avait suivi le cortège parmi les prisonniers. Conduit dans un local dominant le forum, il y fut étranglé[151] par le lacet, après avoir été maltraité par ceux qui le conduisaient[152] : car la loi est de tuer en cet endroit ceux qui ont été condamnés à mort pour leurs crimes[153]. Quand on vint annoncer que Simon avait vécu, tous les assistants poussèrent des acclamations, et les sacrifices commencèrent.

C’est, je crois, de cette manière qu’il faut se représenter les derniers instants de Vercingétorix[154].

 

 

 



[1] J’entends ne parler ici que des monnaies portant le nom de Vercingétorix. — Peghoux, Essai sur les monnaies des Arverni, Clermont, 1857, p. 44 et suiv., pl. II. De Saulcy, Numismatique des chefs gaulois mentionnés dans les Commentaires de César, dans l’Annuaire de la Société française de numismatique, IIe année, 1867, p. 28 et suiv.

[2] Revue de la numismatique française, 1837, p. 162 (Bouillet et de La Saussaye). La monnaie portait ... INGETORIXS.

[3] Cf. plus loin, note 5. On n’a pu en savoir le nombre, parce que le cultivateur qui les a déterrées s’est renfermé dans un silence mystérieux ; Mathieu, Des colonies et des voies romaines en Auvergne, 1857, p. 69 et 445. Celles-là portaient le nom VERCINGETORIXS en toutes lettres (Peghoux, n° 35 et 38).

[4] Peghoux, n° 35.

[5] Au camp D, au bord de l’Oze (Histoire de Jules César, t. II, p. 560).

[6] Muret et Chabouillet, n° 3772-80. Quatre proviennent de la collection de Saulcy, une de la collection de Lagoy, quatre de l’ancien fonds. Quatre sont indiquées comme venant de Pionsat ; une cinquième doit avoir la même origine (de Saulcy, n° 58 ; Muret et de La Tour, n° 3777 ; cf. Peghoux, n° 38, pl. II, 22 ; Mathieu, p. 69, pl. III, 1).

[7] Musée de Lyon (type ordinaire, ...RIXS). — Musée de Reims (signalée par M. Changarnier et non retrouvée). — Musée de Péronne (collection Danicourt). Non vidi. — Musée de Guéret ? Signalée par Peghoux, n° 34, et de Saulcy, n° 57, probablement à tort. M. Pineau, conservateur du Musée, l’a, à ma prière, longuement et vainement cherchée.

[8] Le Musée de Saint-Germain conserve celle que nous citons note 5 (Reinach, Catalogue, 3e éd., p. 180).

[9] Collection de M. Changarnier-Moissenet à Beaune (deux pièces, celle dont nous parlons note 13, et une autre au type ordinaire et à la légende ....TORIXS). — Collection Blancard à Marseille (type ordinaire, VE....).

[10] De Saulcy disait de même : Je ne crois pas que leur nombre atteigne le chiffre vingt.

[11] Peghoux, Muret, etc.

[12] P. 30 : Il est à peu près certain que l’effigie, qui se reproduit toujours avec les mêmes traits fort caractéristiques, et assez éloignés de ceux de la tète idéalisée d’Apollon, nous offre le véritable portrait de Vercingétorix. Nous pouvons donc affirmer que César a eu raison de le peindre comme un jeune homme ; qu’il ne portait pas de moustaches, qu’il avait les cheveux courts et bouclés, et la mâchoire inférieure un peu lourde. Voyez la gravure du n° 3774.

[13] Cabinet des Médailles (de Saulcy, n° 65 et planche ; Muret et atlas de La Tour, n° 3375 : mais la description de Muret est inexacte, el la gravure de l’atlas reproduit, avec quelques inexactitudes, la pièce de M. Changarnier ; cf. plus loin). La monnaie est indiquée comme venant de Pionsat. Elle outre encore cette particularité, que le nom est orthographié, non pas VERCINGETORIXS, comme ailleurs, mais... TORIXS. — Un second exemplaire du ce type, provenant du trésor de Plamont, près Pionsat, fait partie de la collection de M. Changarnier-Moisscnet, qui m’en a obligeamment communiqué le moulage. La légende est complète : VERCINGETORIXS). Cf. Changarnier-Moissenet dans le Musée archéologique de Caix de Saint-Amour, t. II, 1877, p. 14 ; le même, Examen de quelques monnaies des Arvernes, Beaune, 1884, pl. Il, 1 ; de La Tour, Atlas, n° 3775.

[14] Calotte à côtes et collier de perles, dit de Saulcy. Il s’agit, vraisemblablement, d’un casque à côtes (cf. Dictionnaire Saglio, au mot Galea, fig. 3397).

[15] Voyez note 13.

[16] 15 janvier 1901.

[17] M. Babelon (Monnaies de la République romaine, 1885-1886) a cru retrouver le portrait de Vercingétorix captif dans les monnaies suivantes : 1° un denier de la gens Hostilia (46 av. J.-C, année du triomphe de César, t. I, p. 552), représentant au droit une tête (type de Pavor ou Pallor) barbue et aux cheveux hérissés, qui serait celle de Vercingétorix, au revers un char gaulois (c’est cette figuration d’un char qui me ferait douter que la tête soit celle du chef gaulois) ; 2° un denier de César (II, p. 11), représentant au revers un trophée de boucliers et de trompettes gauloises, au pied duquel sont assis une femme en pleurs (la Gaule ?) et un captif, barbu, les mains liées (Vercingétorix ?) ; 3° un autre denier de César (II, p. 12), présentant au revers une scène semblable ; 4° un denier de César (II, p. 17), au revers duquel on voit, au pied d’un trophée analogue, un captif agenouillé ; 5° un denier semblable au précédent (II, p. 17), où le captif est très remarquable par sa grandeur, sa longue barbe, ses cheveux hérissés, sa tête assez semblable à celle du denier de la gens Hostilia ; M. Babelon n’hésite pas à écrire : C’est le portrait de Vercingétorix. Nous le reproduisons ici, p. 355, d’après l’exemplaire du Cabinet des Médailles. — Si, sur ces pièces, ce captif barbu est bien le chef gaulois, il faut avouer qu’il ne ressemble guère au personnage des statères d’or décrits plus haut. A moins que, pour tout concilier, on n’oppose là Vercingétorix vaincu et prisonnier, et ici, Vercingétorix roi et triomphant.

[18] VII, 15, 5.

[19] VII, 15, 5 ; 17, 1.

[20] Cf. Mater, Congrès archéologique de Bourges de 1898, 1900, p. 170. Il paraît probable qu’il n’y avait dans l’antiquité qu’une seule voie de ce côté des marais, et que les deux routes du Nord, celle de Sancerre et celle d’Orléans, ne se séparaient qu’après le passage de l’Yèvre au pied de la butte de l’Archelet.

[21] VII, 17, 1.

[22] Cf. Vallois, Mémoires de la Société des Antiquaires du Centre, 1893, p. 60.

[23] VII, 21, 2 ; 26, 2 ; 28, 5. Les portes (en admettant que César ne dise pas portæ pour porta, VII, 28, 3) par lesquelles s’enfuient les assiégés sont celles qui conduisaient aux routes de Sancerre et d’Orléans (ultimas oppidi partes, VII, 28, 2).

[24] VII, 26, 2. César, prévenu à temps, put envoyer des cavaliers garderies portes du Nord (cf. la note précédente). Il est possible que ces cavaliers se soient bornés à longer les remparts en deçà de l’Yévrette et de l’Auron, et qu’ils n’aient pas traversé les marais pour couper la route à l’Archelet.

[25] VII, 17, 1. Paludibus est la leçon des mss. α ; palude, celle des mss. β, comme c’est celle de tous les mss. pour le passage VII, 15, 5 : il y a bien deux lignes de marécages, mais qui se réunissent près de l’Abattoir.

[26] VII, 15, 5. Cf. le mot du vieil historien du Berry, Chaumeau, 1566, p. 224, disant de Bourges : Elle n’est que d’un costé accessible, qui est du costé regardant Dun... Encores est ce costé très fort tant pour l’assiette du lieu (qui est descouvert de toutes partz), profondité des fossez, rempartz de terre.

[27] L’Histoire de Jules César, t. II, p. 235, ne donne que 100 mètres de largeur à l’arête de terrain formant avenue au temps de César.

[28] C’est également l’opinion de Saint-Hypolite dans un très judicieux travail Sur les Diverses enceintes de Bourges (Mémoires de la Société des Antiquaires de l’Ouest, 1841, p. 103 et suiv.). D’après ses mesures, l’enceinte romaine avait 2.100 mètres, la ville, 33 hectares. Il faut reconnaître, toutefois, que la superficie d’Avaricum eût été, dans ce cas, bien inférieure à celle de Gergovie, Alésia, Uxellodunum, Bibracte. L’Histoire de Jules César élargit son enceinte sur les longs côtés, à l’Est et à l’Ouest.

[29] VII, 23.

[30] Il y avait, en effet, de ce côté des remparts gaulois, deux portes, dont l’éloignement devait être égal, à peu près, à la largeur, soit 330 pieds, de la terrasse élevée par César : Duabus portis ab utroque latere turrium eruptio fiebat ; VII, 24,3. — Sur cette portion des remparts romains, on ne connaît qu’une seule porte, la porte de Lyon, correspondant à l’entrée de la rue Moyenne, et s’ouvrant dans la muraille tout à fait près de l’angle de droite, ce qui devait être aussi le cas de la porte gauloise qu’elle a remplacée ; voyez la vue des remparts romains de Bourges sur le front de l’Esplanade, dans la Notice sur les murs d’enceinte de la ville de Bourges, par de Barral, Bourges, 1852, pl. I.

[31] Castris adeam partem oppidi positis ; VII, 17, 1.

[32] VII, 24, 1 et 2.

[33] Y compris la largeur des rues.

[34] Cf. le texte de Chaumeau, ici, p. 360, n. 2. Voir aussi la vue de 1567, donnée par Raynal, Histoire du Berry, t. III.

[35] Devant l’Esplanade, le pied du mur gallo-romain est au moins à 3 m. 80 au-dessous du sol actuel.

[36] La terrasse romaine avait 80 pieds de hauteur (VII, 24, 1). Enlevez 30 ou 40 pieds correspondant à la hauteur des murs gaulois : restent 40 à 50 pieds qu’il faut chercher au-dessous du niveau actuel. C’est encore, il est vrai, beaucoup ; et je me demande si le sol naturel et primitif de l’Esplanade et de ses abords est réellement à une profondeur de 13 à 17 mètres. Il est tout au moins probable que la terrasse n’avait point partout cette profondeur, c’est-à-dire la hauteur totale de 80 pieds : César ne doit indiquer que la hauteur maxima, prise du fond du ravin. — D’après M. Stoffel (Guerre civile, t. II, 1887, p. 360) et M. Frôhlich (Das Kriegswesen Cœsars, 1891, p. 247), le sol de l’agger devait être de plain-pied, non pas avec le sommet des remparts ennemis, mais avec leur base : le but de cette construction étant, suivant eux, de faciliter, non pas l’assaut par des hommes, mais la brèche par des machines. Je n’ai pu m’associer à cette théorie en ce qui concerne le siège d’Avaricum : 1° si la hauteur de l’agger n’avait pas dépassé le pied des remparts, elle n’eût jamais pu atteindre 80 pieds ; 2° César parle d’une escalade rapide et non pas d’une brèche : Murum celeriter compleverunt (VII, 27, 3).

[37] Le mur romain et le mur gaulois tournaient vers le Nord à 10 mètres de la rue Moyenne (vers les jardins de l’Archevêché). Peut-être est-ce à dessein que César a placé sa terrasse en face d’un secteur d’angle, de manière à menacer et commander à la fois deux lignes du rempart ennemi.

[38] VII, 24, 3.

[39] VII, 25, 2.

[40] VII, 27, 1. Le fait est raconté avec plus de détails par Dion Cassius, XL, 34, 4.

[41] Cäsar’s Gallischer Krieg in dem Iahre 52 v. Chr., Karlsruhe, 1859, pl. II et p. 35. Von Gœler ou ses éditeurs (2e éd., Tubingue, 1880, p. 266) ont eu raison de se plaindre du silence gardé, à son endroit, par les auteurs de l’Histoire de Jules César.

[42] Les fouilles des camps sont de 1862 (Histoire de Jules César, t. II, 1866, p. 270 ; cf. en dernier lieu, Stoffel chez Rice Holmes, Cæsar’s Conquest of Gaul, 1899, p. XXX). — Pour l’histoire de ces fouilles et les attributions contradictoires qu’elles provoquèrent chez quelques-uns, voyez en particulier les plans de Trincard (mai 1863) et le mémoire de Mathieu (Mémoires de l’Académie de Clermont-Ferrand, t. VI, 1864) : ce dernier affirma que les tranchées découvertes justifiaient sa théorie du grand camp à Gondole, du petit à Orcet (cf. p. 14, etc.).

[43] Pasumot, Mémoires géographiques, Paris, 1765, p. 183 et suiv. Le travail de Pasumot a été réimprimé avec additions par Grivaud, Dissertations.., de Pasumot, Paris, t. I, 1810, p. 96 et s.

[44] Il est vrai sur la rive opposée à Gergovie. Avant Pasumot, d’Anville (Notice de l’ancienne Gaule, 1760, p. 351) et de Caylus (Recueil d’antiquités, t. V, 1762, p. 284) avaient placé le grand camp dans la vallée de l’Auzon et l’attaque par les pentes méridionales : mais ils se trompèrent pour le petit camp. Les plans de Caylus (pl. CI-CIII), reproduits en partie par Pasumot (1re édit.), sont presque aussi utiles aujourd’hui à consulter sur place que ceux des modernes, même que la carte de l’État-major ; la carte de Dailley (1766, 2e éd. de Pasumot) est trompeuse pour certaines parties essentielles (le champ de bataille). Le travail manuscrit de Le Masson (1748, Bibl. de Clermont, n° 785) est une réfutation de Lancelot et ne renferme rien sur la topographie du siège.

[45] Il y eut en France, de 1748 à 1765, un très beau mouvement de recherches autour de Gergovie, comparable, comme résultats, à celui de 1850-1863. — La presque totalité des savants qui reprirent la question au XIXe siècle acceptèrent La Roche-Blanche pour le petit camp ; ils s’égarèrent pour l’autre, qu’ils placèrent le plus souvent au Crest, contre toute vraisemblance : bévue que n’avaient point commise leurs prédécesseurs du XVIIIe siècle (Mérimée, Notes d’un voyage en Auvergne, 1838, p. 321-3 ; Vial, Mémoire sur Gergovie, 1851, extrait des Annales, Clermont, p. 23 ; Fischer, Annales de l’Auvergne, t. XXVIII, 1855, p. 402 ; le même, Gergovia, Leipzig, 1855, p. 24, etc.). — Olleris, en 1861, et avant les fouilles, replaça le grand camp aux bords de l’Auzon, au Puy de Chignat (Examen des diverses opinions émises sur le siège de Gergovie, 1861, Clermont, p. 14 ; la carte qui accompagne ce travail présente d’utiles détails). — Seul, Bouillet s’entêta pendant quarante ans à chercher l’attaque contre Gergovie sur le versant Nord (Guide du voyageur à Clermont, 1836 ; Statistique monumentale du Puy-de-Dôme, 1846, p. 42 ; Mémoires de l’Académie de Clermont, 1875, p. 49, etc.) : opinion qui parait avoir été reprise en Angleterre, et que réfute à ce propos M. Rice Holmes (p. 739).

[46] En plaçant le grand camp à Gondole, le petit au Crest, et à Montrognon la colline fortifiée par Vercingétorix.

[47] Symeoni, Dialogo pio, 1560, Lyon, p. 151 ; Description de la Limagne, 1561, Lyon, p. 87 (c’est la traduction du précédent ouvrage, par Chappuys).

[48] César, VII, 36, 1 : Perspecto urbis situ quæ, posita in altissimo monte, omnes aditus difficiles habebat.

[49] Comparez l’opinion la plus ancienne : Duquel costé [Sud] l’accès de la ville estoit plus facile, et nompas si droit, ne si royde, que devers Cornon et Clairmont (Symeoni, p. 87 = p. 151), à l’une des opinions les plus récentes : Je ne vois pas [trois] légions gravissant des pentes abruptes, formées d’une terre glaise si épaisse que, pour qu’on puisse en faire l’ascension sans trop de peine, il faut qu’il n’ait pas plu depuis huit jours (Hauser, Club-alpin français, section d’Auvergne, Congrès de 1896, p. 142).

[50] VII, 45, 10 ; 50, 1. César ne dit pas si ces Éduens avaient gardé ou quitté leurs chevaux.

[51] Il me semble bien difficile de les faire arriver par les souliers supérieurs, par exemple celui qui mène de Prat au village par le col des Roches-Rouges (voyez le plan d’Olleris). Ces sentiers sont vraiment trop étroits.

[52] Voir la carte de l’État-major, et, sur celle de Caylus et Pasumot (1re édition), le chemin pour monter à Gergovia. La publication des documents du Moyen Age pourrait rendre, à la connaissance de ces chemins, de grands services.

[53] César, VII, 50, 4. De même Vial, p. 32.

[54] Je parle du très ancien village de Merdogne, Gergovie depuis 1862 (l’appellation primitive est tombée en désuétude). Le principal domaine, sinon le seul, qu’ait porté la montagne, celui qui s’est appelé, peut-être dès les plus anciens temps du Moyen Age, Gergovia, Gergoieta (?), ou Gergoviat (orthographe du cadastre de 1816), est également situé au Sud.

[55] A medio fere colle in longitudinem, ut natura montis ferebat [très bien observé, parce que le rebord de cette terrasse naturelle semble fait exprès pour recevoir une muraille], ex grandibus saxis sex pedum murum, qui nostrorum impetum tardaret, præduxerant Galli, atque, inferiore omni spatio vacuo relicto, superiorem partem collis usque ad murum oppidi densissimis castris compleverant ; César, VII, 46, 3. — Pareille terrasse se trouve du côté Nord. Je ne puis affirmer qu’il n’y ait pas eu aussi des camps de ce côté, puisque César dit ailleurs : Omnibus ejus jugi collibus occupatis (VII, 36, 2) : au surplus, ils ont pu être évacués quand les Romains, leur camp construit, n’ont plus menacé que le Sud.

[56] VII, 46, 5.

[57] VII, 45, 4 : Hæc procul ex oppido videbantur, ut erat e Gergovia despectus in castra [cf. Dion Cassius, XL, 36, 2], neque tanto spatio certi quid easet, explorari poterat.

[58] Collibus circumvehi... longo circuitu ; VII, 45, 2 et 3.

[59] Legionem unam eodem jugo [le col entre le mont de Gergovie et La Roche-Blanche, puis le flanc S.-E. du puy de Jussat] mittitt et paulum progressam inferiore constituit loco silvisque occultat. César, VII, 45, 5. Toute cette région, entre Jussat, Chanonat et le château de Julliat, était autrefois boisée (cf. la carte de Cassini, f. 52).

[60] Une vue assez exacte de ce col a été donnée par W. G. Compton, Cæsar’s seventh Campaign in Gaul, 5e éd., 1901, p. 29.

[61] VII, 44, 3.

[62] VII, 48, 1.

[63] César, avec deux ou trois fois plus d’hommes, eût pu continuer le blocus, auquel il a vraiment songé (VII, 36, 1). Il suffit de voir Gergovie pour comprendre pourquoi, n’ayant que six légions, il ne pouvait ni investir ni bâtir un agger, et n’avait à compter que sur un coup de main.

[64] VII, 44, 4. De la même manière, à Alésia, Vercingétorix a fortifié par un boulevard le col des Chemins-Croisés, qui correspond, fort exactement, à celui des Goules dans la position de Gergovie.

[65] Ce nom n’est cité que sur le plan de Trincard. Les gens du pays m’ont paru l’ignorer. Mais c’est le vrai nom.

[66] Les bornes plantées là par les soins de M. Stoffel donnent, comme dimensions du camp retrouvé par les fouilles : 626 m. 30, 646 m. 20, 467 m., 634 m. 30, soit 34 hectares 80 ares.

[67] La dépression indiquée au centre de cet espace par la carte de l’État-major est en réalité insignifiante.

[68] Ce que dit Dion Cassius, XL, 36, 2. Dion dit aussi que César campa en plaine, έν πεδίω : vue du haut de Gergovie, la colline de la Serre ne se différencie presque en rien de la plaine.

[69] Les mamelons qui la coupent sont moins sensibles sur les lieux qu’apparents sur les cartes.

[70] VII, 36, 1 et 4 ; 53, 2. Dion Cassius, XL, 36, 3.

[71] VII, 53, 1. Entre Donnezat et le Petit-Orcet.

[72] Voyez la définition de cette expression par César, II, 8, 2.

[73] Regardez La Roche-Blanche du mamelon du grand camp, et vous verrez que César a dû tout de suite songer à l’occuper comme poste d’approche vers Gergovie.

[74] VII, 36, 5. — M. Stock, dans son édition de César (Oxford, 1898, p. 315), nie que ces expressions puissent convenir à La Roche-Blanche, qui n’est, dit-il, précipitons que sur le côté Sud, et qui présente sur le côté Nord an easy slope, une pente aisée. Mais César ne dit pas que l’escarpement fût partout aussi raide que sur le versant Sud (où le flanc de la colline est droit comme une muraille) : circumcisus implique plutôt l’isolement que la taille à pic. Au reste, si La Roche-Blanche avait été partout aussi inaccessible que par le Sud, César n’aurait eu aucun intérêt à s’en emparer. Enfin, sur tous les points, j’ai constaté des pentes assez rapides pour justifier l’egregie munitus. Et il faut ajouter que les orages et les travaux de culture ont pu à la fois combler les vallons latéraux et étager les pentes. — C’est à La Roche-Blanche que j’applique (imitant Fischer, p. 405) le texte de Polyen (Stratagèmes, VIII, 10) : les bois seraient derrière, vers Julliat et Jussat, c’est par là qu’aurait eu lieu l’escalade secrète ; César aurait attaqué par Donnezat. Mais je ne me dissimule pas les incertitudes de cette explication de Polyen. — Sur les fouilles du petit camp, cf. Stoffel apud Rice Holmes, p. XXX.

[75] VII, 44, 1. Dans ce chapitre, collis désigne tantôt le flanc méridional de Gergovie (1), tantôt La Roche-Blanche (4), tantôt le massif de Risolles et du col des Goules (4), c’est-à-dire des choses, géographiquement, très différentes. Mais César, qui parle en soldat, ne voit que l’état relatif, la hauteur et la plaine, collis et planicies. — Il était impossible, de La Roche-Blanche, de voiries Gaulois travailler sur les hauteurs boisées de Risolles et du col des Goules ; de là per exploratores cognoverat (VII, 44, 3 et 2). — Nous ne pouvons entrer ici dans la discussion des hypothèses infinies qui ont été émises sur ce texte et les suivants. Disons seulement que nous ne saurions entre autres accepter celle qui fait de ce collis nudatus le Puy de Jussat (Olleris, p. 18) : le Puy de Jussat, à cause de sa position excentrique et du ravin qui le sépare de Gergovie, a dû être tenu à l’écart de toutes les opérations réelles.

[76] VII, 36, 7.

[77] VII, 45, 7 et 10. César compte (46, 1) 1.200 pas, en droite ligne, de Gergovie à la plaine : c’est la distance, sur la carte, entre le rebord méridional du plateau et le village de Donnezat.

[78] Cela me parait résulter, outre les nécessités du terrain, de ce que dit César (VII, 46, 2) : Quidquid huc circuitus ad molliendum clivum accesserat [c’est le chemin tracé qu’il désigne par là], id spatium itineris augebat. De même Olleris, p. 25.

[79] VII, 50, 4.

[80] VII, 47, 1 et 2. On ne peut pas appeler satis magna vallis les dépressions qui séparent les trois contreforts méridionaux de Gergovie, contreforts qui d’ailleurs ont contribué à briser ou dénaturer la sonnerie. Le trompette devait être en arrière, sur le flanc N. de La Roche-Blanche (comme l’a pensé Olleris, p. 27). — Presque tous les écrivains placent à ce moment la Xe légion bien au delà de cette vallée, sur le flanc de la montagne gergovienne, et pas loin du village ; cf. en dernier lieu Rice Holmes, p. 744.

[81] VII, 49, 1.

[82] De plus (ce que César ne dit pas), dans cette position, 1° elle couvrait le petit camp, 2° elle pouvait donner la main aux troupes de l’attaque feinte, perdues vers Jussat.

[83] VII, 49, 3 : Ipse paulum ex eo loco cum legione progressus, ubi [peut s’entendre de ex loco aussi bien que d’exspectabat] constiterat, eventum pugnae exspectabat. Von Gœler (1re éd., p. 49, n. 5) et d’après lui Napoléon III (t. II, p. 279, n.) ont corrigé le texte et écrit regressus.

[84] C’est à peu près l’endroit où Napoléon place la 3e position de cette même Xe. La côte était plus rude autrefois ; les cultures l’ont adoucie ; le chemin a été fortement creusé pour atténuer la rampe. — Fischer, qui a bien compris le mouvement de la Xe légion (p. 413), la place sur le contrefort qui sépare le village du vallon de La Roche-Blanche, à l’Ouest de celui où nous la plaçons nous-même.

[85] VII, 51, 1.

[86] Encore qu’il y ait là bien des montées et des descentes. Mais tout est relatif dans les expressions de César. Il ne dit pas æquo loco, mais paulo æquiore, ce qui est une double atténuation. Cette surface plane apparaît nettement sur la carte d’Olleris.

[87] VII, 51, 3. Ab radicibus collis, 4.

[88] Occupée aujourd’hui par des champs de blés et de vignes. La carte de l’État-major, trop foncée et trop hachée sur ce point, ne rend pas l’aspect du terrain.

[89] Même limitation du champ de bataille chez Vial, p. 33, et chez Fischer, p. 411 et suiv., Gergovia, p. 30. Von Gœler et Napoléon III reculent la XIIIe légion jusqu’au Puy de Marmant, beaucoup trop loin à l’Est, M. Rice Holmes a très justement indiqué les motifs (p. 746) qui font rapprocher du petit camp les légions en retraite.

[90] On a maintes fois reproché à César de ne pas avoir parlé du lac de Sarlièves, desséché sous Louis XIII. On a même voulu conclure de ce silence que le lac n’existait pas à l’époque gauloise. Mais aucun argument géographique ou géologique ne permet de nier l’existence de ce lac au temps de César. Et si le proconsul ne le mentionne pas, c’est qu’il était dans ses habitudes de ne point parler des détails de terrain qui n’avaient pas joué un rôle dans les opérations militaires proprement dites. Même remarque à propos de la montagne de Mussy-la-Fosse près d’Alésia.

[91] Mémoire sur le lieu de la bataille livrée avant le siège d’Alésia, dans l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Mémoires présentés par divers savants, première série, t. VI, 1864, p. 203 et suiv.

[92] Voici les objections qu’on peut faire au choix de ce champ de bataille :

1° César se rendant in Sequanos (VII, 66, 2), la rencontre semble avoir eu lieu plus au Levant, par exemple entre Fauverney et Genlis.

2° La hauteur de Saint-Apollinaire n’est-elle pas trop faible pour avoir été appelée par César summum jugum (VII, 67, 5) ?

3° L’objection suivante est beaucoup plus sérieuse. D’après César, Vercingétorix reste avec son infanterie pro castris (VII, 66, 6 ; 68,1), ad flumen (67,5), par conséquent sur les bords de l’Ouche ou sur les hauteurs de la rive droite. De ces points, ni lui ni ses soldats ne purent rien voir de la bataille, sauf l’arrivée des Germains sur la hauteur et la poursuite des Gaulois : or Vercingétorix avait annoncé qu’il ferait avancer ses fantassins au-devant de son camp pour que leur vue effrayât l’ennemi, terrori hostibus futurum, et encourageât ses propres cavaliers (66, 6). De l’endroit où il les laissa, ils ne pouvaient servir ni à l’une ni à l’autre choses. Et, d’autre part, la place d’un général en chef n’est point hors de la vue de la mêlée.

[93] Il semble bien, en effet, que César ait été surpris ; VIII, 67, 1 et 2 : (Galli) se ustendunt... Qua re nuntiata.

[94] La route suivie par César est sans doute marquée par la ligne Pichanges, Flacey, Saint-Julien, Orgeux, Varois. Son camp (à 10 milles des camps gaulois de la rive droite de l’Ouche, VII, 60, 3) doit être cherché entre la 3e et la 4e de ces localités. C’est à tort, je crois, que Gouget (p. 230) le place à Arc-sur-Tille.

[95] En admettant, ce que je ne puis m’empêcher de supposer, que Vercingétorix ait cherché à se rendre compte lui-même de la bataille.

[96] VII, 67, 5.

[97] VII, 67, 5.

[98] VII, 67, 6.

[99] VII, 67, 7.

[100] In proximum collent deductis ; VII, 68, 2. Je me sépare sur ce point de Gouget qui voit dans cette colline (p. 235) les terrains en pente douce par où l’on descend vers Dijon. César n’aurait pas campé au milieu même du champ de bataille.

[101] VII, 68, 2.

[102] VII, 69, § 1-4.

[103] D’Anville avait fait cette remarque dès 1741 (Éclaircissements, p. 480).

[104] VII, 69, 1.

[105] VII, 69, 1.

[106] VII, 86, 4.

[107] VII, 69, 2 ; VII, 72, 3.

[108] Remarque déjà faite par von Gœler, Gallischer Krieg, 2e éd., 1880, p. 320.

[109] C’est en regardant in campum que Vercingétorix aperçut la cavalerie gauloise de secours, s’approchant des lignes extérieures de César, VII, 79,3 ; cf. p. 283 ; peut-être aussi VII, 84.

[110] Notamment vers le Mont Réa ou la montagne de Ménétreux, où Vercingétorix put voir Vercassivellaun attaquer le camp romain (VII, 84, 1).

[111] VII, 69, § 1-4.

[112] Même silence sur la Brenne.

[113] Colle exteriore occupato ; VII, 79,1.

[114] Ces castra sont mentionnés VII, 79, 2 ; 80, 2 (cf. 4) ; 81, 1 ; 83, 7 et 8 ; 88, 4 et 11. — Von Gœler (1re éd., p. 76 ; 2e p. 316) place le camp gaulois sur la montagne de Pouillenay, parce que, dit-il, celle de Mussy-la-Fosse forme deux collines, et que César (VII, 79,1) ne parle que d’une seule. Mais en réalité ces deux collines ne sont que deux branches d’un même massif, comme on peut s’en convaincre par la carte et sur les lieux.

[115] Pedestres copias paulum ab eo loco [la plaine des Laumes] abditas [placées à l’écart] in locis superioribus constituunt ; VII, 79,2. Reliquæ copiæ pro castris sese ostendere cœperunt ; VII, 83, 8.

[116] VII, 70, 3.

[117] On a une assez bonne vue de ce côté d’Alésia et des Chemins-Croisés chez Napoléon III, atlas de l’Histoire de Jules César, planche 26, n° 3.

[118] D’Anville, dans un mémoire dont les modernes n’ont fait que confirmer les conclusions (Éclaircissements, 1741, p. 457), avait déjà très bien vu que c’étoit le côté faible de la ville. — Ce point correspondait exactement, comme importance, au col des Goules sur la montagne de Gergovie : et on a vu que Vercingétorix fit aussi fortifier ce col, il est vrai seulement à la fin du siège.

[119] VII, 69, 5.

[120] C’est le Mont Druaux de la carte de d’Anville.

[121] VII, 74,1. Castra opportunis locis erant posita ; VII, 69, 7. Castris, quæ summum undique juqum tenebant ; VII, 80, 2. Ex superioribus castris ; VII, 82, 2.

[122] VII, 83, 2.

[123] Sur ce point cependant, à dire vrai, il me reste encore quelque doute. Je ne crois pas qu’il eût été absolument impossible de comprendre le Mont Réa dans l’enceinte romaine, en la faisant aller, par-dessus le col, de Grésigny à Ménétreux. — Il est certain toutefois que, dans ce cas, les lignes de César eussent présenté, au Nord-Ouest, une sorte de bouffissure : ce qui est très visible dans l’ancienne carie de von Gœler (éd. de 1859, pl. III), qui avait tout d’abord inséré le mont de Ménétreux dans l’enceinte de César.

[124] Equestre prælium in ea planicie, quam intermissam collibus tria millia passuum in longitudinem patere supra demonstravimus, VII, 70,1 ; cf. 69, 3.

[125] Omnem eam planiciem complent ; VII, 79, 2.

[126] Ad campestres munitiones accedunt ; VII, 81, 1.

[127] VII, 79, 4 ; 82, 3 ; 84, 1. Desperatis campestribus locis ; VII, 86, 4. C’est également de ces lignes que s’approche, le dernier jour, la cavalerie du dehors ; VII, 83,8 : Equitatus ad campestres munitiones accedere.

[128] VII, 80, 2. Ce qui est complété plus loin par : Ex omnibus partibus, et ii qui munitionibus continebantur [les Gaulois d’Alésia], et hi qui ad auxilium convenerant ; VII, 80, 4. Cf. également VII, 79, 3 : Erat ex oppido Alesia despectus in campum.

[129] Veriti ne ab latere aperto ex superioribus castris eruptione circumvenirentur ; VII, 82, 2.

[130] VII, 83, 2.

[131] Post montem se occultavii ; VII, 83, 7.

[132] Ad superiores munitiones... Iniquum loci ad declivitalem, fustigium magnum hahet momentum ; VII, 85, 4.

[133] De lacis superioribus hæc declivia et devexa cernebantur ; VII, 88, 1. Nous avons maintenu la leçon des mss. hostes.

[134] VII, 88, 1.

[135] VII, 86, 4.

[136] Loca prærupta exscensu [ex adscensu mss.] tentant ; VII, 80, 4. Le duc d’Auniale, dans un des plus intelligents mémoires qui aient été écrits sur le siège d’Alésia [Revue des Deux Mondes, 1858, 1er mai, p. 139) place cette escalade au Mont Pévenel et au plateau de Savoigny (Mont de Bussy). Il faut écarter le Mont Pévenel, trop éloigné du Mont Réa, d’où Vercassivellaun aperçut César quittant Vercingétorix pour venir à lui. Le plateau de Savoigny (auquel pensait aussi d’Anville) n’est pas impossible. Voyez en dernier lieu, sur cette question, Rice Holmes, Cæsar’s Conquest of Gaul, 1899, p. 796.

[137] D’après la carte de l’Histoire de Jules César. C’est le moulin Savy du cadastre ; le moulin est d’ailleurs connu nous les deux noms.

[138] Cæsar, idoneum locum nactus, quid quaque ex parte geratur cognoscit ; VII, 85, 1.

[139] Ipse adit reliquos ; VII, 86, 3.

[140] Ipse... adducit ; VII, 87, 2.

[141] Eo quo Labienus miserat contendit ; VII, 87, 3.

[142] Il est impossible de dire où eut lieu l’entrevue entre Vercingétorix et César. On sait seulement qu’elle se passa in munitione pro castris (VII, 89, 4), dans les lignes romaines, et sans doute devant le camp principal. On a conjecturé que ce camp était celui du plateau N.-O. de Flavigny (près de la ferme Lombard), vu que ce point était le plus commode pour dominer à la fois Alésia et la plaine des Laumes, et que César, au cours de la dernière bataille, ne quitta presque jamais les abords de ce plateau. Si cette hypothèse est fondée, on pourra placer la scène de la reddition à cet endroit, sur le rebord faisant face à Alise-Sainte-Reine (opinion de von Gœler, 2e éd., p. 325).

[143] Dans tout l’exposé qui précède, comme dans tout le récit, je n’ai pas voulu tenir compte des fouilles faites autour d’Alésia, sans prétendre d’ailleurs en nier le très grand intérêt et l’importance ; j’estime que l’on peut se passer de leurs résultats pour expliquer et comprendre le texte de César, le duc d’Aumale et bien d’autres l’ont prouvé. — Ceux qui voudront retrouver sur les lieux l’emplacement des fossés et des camps signalés par les auxiliaires de Napoléon III (surtout M. le colonel Stoffel ; cf. Rice Holmes, p. XXVIII) suivront les plans qu’il a fait dresser (atlas, pl. 25 et 28) ; ils s’aideront aussi, sur place, des bornes qu’on a plantées le long des routes avoisinant Alésia, et dont les inscriptions, contrevallation, circonvallation, fossé de vingt pieds, etc., indiquent le tracé précis que les auteurs de l’Histoire de Jules César ont, d’après les fouilles, assigné à ces différents ouvrages.

[144] Dion Cassius, XL, 41, 3. XLIII, 19, 4.

[145] Tite-Live, VIII, 20, 7 (?) ; Epit., XI, 2 ; XXVI, 13,15. Valère Maxime, II, 7, 15, in fine.

[146] Cf. Mommsen, Staatsrecht, 2e éd., t. I, p. 129 ; Strafrecht, p. 914, n. 2 ; p. 917, n. 4 ; p. 930 ; Marquardt, Staatsverwaltung, t. II, p. 585.

[147] Voyez aussi Cicéron, Verrines, V, 30, 77 : Cum de foro in Capitolium currum flectere incipiunt, illos duci in carcerem jubent. Idemque dies et victorious imperii et victis vitæ finem facit.

[148] Vita Marii, XII.

[149] Eutrope, IV, (11), 27 ; Orose, V, 15, 19 ; Tite-Live, Epit., LXVII.

[150] Guerre des Juifs, VII, 5,6.

[151] Trébellius Pollion écrit, au sujet de la strangulation (Tyr. triginta, XXII, 8) : Strangulatus in carcere captivorum veterum more perhibetur.

[152] De même pour Jugurtha, Plutarque, Marius, XII.

[153] Exagéré ; cf. Mommsen, Strafrecht, p. 930.

[154] Bien que j’aie voulu, à ces quelques notes près, exclure de ce livre son appareil critique et bibliographique, me réservant de le publier ailleurs, il est cependant de mon devoir de rappeler que la vie de Vercingétorix a donné lieu, à la fin du XIXe siècle, à trois travaux spéciaux : le livre de Fr. Monnier, Vercingétorix et l’indépendance gauloise, religion et institution celtiques (2e édit, 1875, Paris, Didier), œuvre d’imagination et de verve, trop influencée par certaines rêveries des celtomanes de son temps ; les articles de M. Albert Réville, Vercingétorix et la Gaule au temps de la conquête romaine (Revue des Deux Mondes des 15 août et 1er sept 1877), suggérés par le volume de Monnier, mais pleins de remarques originales et d’hypothèses vraisemblables ; le livre de notre ami regretté Corréard, Vercingétorix ou la chute de l’indépendance gauloise (3e édit., 1889) : livre destiné sans doute à la Bibliothèque des Écoles et des Familles (Paris, Hachette), mais qui est l’ouvrage le plus sain et le plus sobre qu’ait provoqué la vie de Vercingétorix, et qui est une œuvre de haute probité historique, c’est-à-dire faite à la fois avec l’étude immédiate des sources et la franchise reconnaissante des emprunts aux devanciers.