HISTOIRE DE LA GAULE

TOME IV. — LE GOUVERNEMENT DE ROME.

CHAPITRE XI. — LA PROVINCE.

 

 

I. — LA GAULE, ORGANE RÉGIONAL.

Entre les deux cadres essentiels de la vie politique, la cité municipale et l’État romain, il y avait place pour une forme intermédiaire, celle de la province.

Elle répondait à la force des choses. — Une cité gauloise liait alors son existence à celle de sa ville maîtresse ; l’État romain faisait corps avec un empire immense. Mais au delà des villes et au dedans de l’Empire, la nature présentait ces puissants organes de vie collective qu’étaient les grandes régions de la terre. Du fait de ses limites physiques, de la structure harmonieuse de son sol, de son climat propre, de l’accord entre ses parties, il existait toujours une contrée de Gaule, possédant ses habitudes traditionnelles, ses intérêts particuliers, ses relations intérieures. Et quelle que serait la politique des empereurs, il leur faudrait compter avec elle.

Il le faudrait d’autant plus, que cette force physique correspondait, de temps immémorial, à une force morale. La région naturelle qu’était la Gaule avait, derrière son heure présente, un long passé commun à presque toutes ses terres : les hommes y portaient un même nom, celui de Gaulois, leurs langues étaient pareilles, leurs souvenirs sortaient d’une seule histoire, et ce mot de Gaule ne représentait pas seulement pour eux le nom d’un pays, mais le vocable d’une patrie politique, de la patrie même qui s’était opposée à l’Empire romain.

Recherchons ce que les empereurs ont fait de cette région de Gaule, de son sol et de ses souvenirs, s’ils lui ont laissé son unité et sa vie propre, s’ils ont su accepter les faits de la nature sans perpétuer un passé trop dangereux.

 

II. — DIVISIONS PROVINCIALES EN GAULE.

L’État romain fut obligé de garder beaucoup de cette vie régionale. Entre les cités et l’Empire, il ne pouvait se passer de ressorts intermédiaires, autrement dit de provinces, dans lesquels il répartirait les agents de son autorité et les services de son administration générale.

Pour faciliter l’expédition des affaires, il préféra que ces provinces ne s’étendissent pas sur des cités trop distantes ou sur des populations trop disparates. Le sénat avait parfois réuni la Gaule du Midi aux terres de la région du Pô : elle en demeura séparée au temps des empereurs. César avait voulu rattacher cette même, Gaule à l’Espagne Tarraconaise : la tentative ne se prolongea pas au delà de quelques mois. Entre elle et les pays voisins, il y avait toujours les Alpes et les Pyrénées : les empereurs, chez lesquels le souci d’une bonne administration primait tous les autres, se gardaient bien d’ignorer, comme l’avaient fait les conquérants de l’ère sénatoriale, les obstacles physiques dressés entre les hommes.

Remarquons cependant qu’ils n’ont point donné partout leurs frontières naturelles aux districts gaulois. Les terres de la rive gauche du Rhin leur furent enlevées pour former les deux provinces de Germanie. De même, les plus hautes vallées de la Provence, du Dauphiné, de la Savoie et de la Suisse furent constituées en trois provinces distinctes : Alpes Maritimes, Alpes Cottiennes, Alpes Grées et Pennines. Et c’étaient, toutes les cinq, de petites provinces, qu’il n’eût pas été difficile d’incorporer aux gouvernements voisins. Mais les populations qui habitaient cette rive du Rhin ou ces vallons des Alpes, n’étaient point toutes d’origine gauloise : beaucoup se réclamaient, les unes, du nom germanique, les autres, du nom ligure ; l’Empire ne jugea point bon de leur donner le même chef qu’aux Celtes ou aux Belges d’à côté. Si, sur ce point, il respecta moins la nature du pays, c’est qu’il se conforma davantage au passé des hommes. D’ailleurs, il y trouvait largement son profit : en imposant aux marches germaniques et aux routes alpestres des gouvernements particuliers, il put surveiller de plus près la frontière du Rhin et les cols de l’Italie, lieux essentiels à la sécurité et à l’unité du monde latin. — Il n’en était pas moins vrai, qu’avec sa bordure de petites provinces, vivant étrangères à son nom, la Gaule des empereurs présentait, sur la surface de la terre, les mêmes dehors que celle de Vercingétorix.

La différence, apparaissait au contraire très profonde, dès qu’on examinait son ordonnance intérieure, je veux dire ses divisions administratives. Car, non seulement les empereurs avaient maintenu la rupture opérée jadis par Domitius entre la Gaule de Narbonne et celle des Arvernes, mais encore celle-ci avait été découpée par Auguste en trois provinces, Aquitaine, Celtique et Belgique.

Qu’Auguste et ses successeurs n’aient point voulu rétablir l’union entre la Narbonnaise et le reste des Celtes, cela se comprend, et il ne faut point croire qu’en agissant ainsi ils aient, ou méconnu des relations naturelles du sol, ou combattu des tendances habituelles aux hommes. En réalité, il y avait déjà un siècle que les Gaulois du Midi avaient oublié leurs frères du Nord ; tout rapprochait alors leur vie de celle de l’Italie : les colonies qu’on avait fondées sur leurs terres, le souvenir des guerres qu’ils avaient soutenues pour la gloire de César, le nombre et la beauté de leurs villes, l’esprit laborieux de leur bourgeoisie, les rivages de leur mer, la lumière de leur ciel, les vignes et les oliviers de leurs campagnes[1]. En ne les confondant pas avec les indigènes de la Gaule Chevelue, en faisant d’eux les hommes de la Narbonnaise, les empereurs acceptaient un état de choses que l’histoire avait créé et que la nature n’avait point empêché.

La division tripartite de la Gaule Chevelue ne fut pas davantage un défi à la nature de la contrée ou aux traditions de ses habitants. Rien n’y révèle le désir de briser un cadre du passé, de rompre les habitudes d’une entente nationale[2]. En répartissant les cités, les empereurs surent toujours tenir compte de leurs affinités physiques ou de leurs alliances historiques. A aucun de ces districts on n’imposa d’abord un nom nouveau : ils prirent tous trois des vocables antiques et consacrés, Belgique, Celtique, Aquitaine, et tous trois s’appelèrent également des provinces de Gaule. Le mot fameux et redouté de Gaule demeurait indestructible, accepté et sanctionné par la loi même de Rome, attaché pour toujours aux terres et aux êtres dont il avait fait la gloire[3]. Enfin, ces trois provinces ne servirent jamais qu’aux besoins de l’administration impériale, c’étaient des ressorts de fonctionnaires, et rien de plus : au-dessus d’eux, la Gaule Chevelue d’autrefois prolongeait publiquement son existence morale et religieuse dans l’assemblée du Confluent de Lyon[4].

 

III. — LES GOUVERNEURS.

Il y avait donc neuf provinces entre le Rhin et les Pyrénées, l’Océan et les Alpes, dans cette région naturelle que tous les hommes et tous les écrivains classiques, après Jules César, continuaient à appeler du nom de Gaule. Elles étaient, on vient de le voir, d’étendue et d’origine fort différentes. Mais une loi commune leur fut fixée par le régime impérial.

Chacune n’obéissait qu’à un seul homme, le gouverneur ou præses[5], envoyé de Rome, délégué universel de l’État souverain[6] Peu importe qui le nomme : le sénat dans la Narbonnaise, et Auguste dans les autres provinces ; — peu importent les titres ou dignités que l’Empire se plut à multiplier pour distinguer entre ses fonctionnaires : proconsul de rang prétorien en Narbonnaise[7], légat de rang prétorien dans chacune des trois autres Gaules, légat de rang consulaire dans chacune des deux Germanies, préfet ou procurateur militaire dans chacune des trois Alpes ; — peu importe leur condition sociale : les proconsuls et les légats, d’origine sénatoriale, les préfets et les procurateurs, d’origine équestre : — quel que soit son nom, le gouverneur est comme un vice-empereur. Le nouveau régime n’a rien changé, sur ce point, à ce que la République avait établi. Proconsul, légat ou préfet sont, ainsi que l’avaient été Fontéius et César, commandants de la force armée[8], juges suprêmes[9], chefs de police[10], inspecteurs des bâtiments et directeurs des travaux publics[11], protecteurs des habitants[12], tuteurs et curateurs des villes. L’état politique d’un provincial se définit, disaient les jurisconsultes, par le fait de n’avoir qu’un maître, et de l’avoir en toutes choses.

Il est vrai que les empereurs, plus sensés que l’ancien sénat, veillent de près à ce que ce maître n’abuse pas de son pouvoir. La tyrannie d’un Fontéius a cessé d’être pour les Gaulois, non pas une chose impossible, mais une menace de tout instant. Un gouverneur reçoit un traitement fixe : ce qui lui ôte un prétexte à des exactions[13]. Son rôle financier est singulièrement restreint par la présence, à côté de lui, d’intendants du prince : et ceux-ci, en droit agents du fisc, sont aussi, en fait, des espions politiques. La fonction de gouverneur est toujours temporaire : pour un proconsul, elle ne dure qu’un an[14], et s’il est permis à l’empereur de maintenir bien plus longtemps en charge ses légats et ses procurateurs, il peut aussi les révoquer à sa convenance[15]. De leurs sentences ou de leurs décisions, on a le droit d’appeler à César, juge et arbitre suprême des habitants de l’Empire[16]. Contre leurs actes de mauvaise gestion ou leurs dénis de justice, des garanties sont assurées aux provinciaux : ils possèdent maintenant leurs conseils périodiques, qui ont toute liberté pour faire entendre leurs plaintes jusqu’à Rome et jusqu’au palais.

Mais ces précautions contre les abus de cette autorité n’en changeaient pas le principe et n’en affaiblissaient pas le caractère. Tout en elle venait de Rome et retournait à Rome ; il n’y avait, pour la province, de droit, de justice, de pouvoir, de police, de vie et de mort, que du fait du gouverneur et de celui du prince qui l’envoyait.

Du tempérament ou de l’humeur de ces proconsuls et de ces légats dépendait donc le sort de millions d’hommes. Ces chefs étaient, pour cette multitude d’indigènes, autre chose que des fonctionnaires qu’on regarde passer et qu’on oublie, comme le sont les préfets actuels de nos départements. Leur nom, pendant plusieurs années, était étroitement mêlé à la vie de grandes régions. Ils pouvaient y faire des choses très bonnes et durables, construire des villes, dés canaux et des routes, ouvrir des marchés, stimuler l’industrie et le commerce, protéger les beaux-arts : leur puissance, leur action, leur influence, ressemblaient à celles des intendants de l’Ancien Régime, qui furent les vrais créateurs de la France contemporaine[17]. On se souvenait longtemps d’eux, des mauvais avec terreur, des bons avec reconnaissance. Quelques-uns des empereurs, Galba, Vitellius, Vespasien, Trajan, Septime Sévère, ont été légats dans les Gaules ou ailleurs, et la manière énergique ou conciliante dont ils se sont comportés, fut leur meilleur moyen de se recommander au choix des peuples. Le gouvernement d’une province était une excellente préparation à celui de l’Empire : un homme d’État y montrait sa façon d’agir en souverain[18].

Même dans l’extérieur de sa vie, il fallait que le gouverneur apparût comme un maître. Il portait le manteau de pourpre, insigne de l’imperator romain[19]. Des licteurs l’accompagnaient, tenant les faisceaux de verges surmontés de la hache : ce qui rappelait son droit de justice, de vie et de mort[20]. Il résidait dans une ville déterminée, la plus grande du pays, et sa présence faisait d’elle la métropole et capitale de la province[21]. Près de lui se trouvaient en permanence un nombreux personnel de magistrats[22] et légats auxiliaires[23], de légistes[24], de sous-officiers détachés au service des bureaux[25], d’appariteurs et employés de tout genre[26]. Ce qui achevait de faire de lui une manière de prince, plus semblable à un Ptolémée d’Égypte qu’à un préteur de Rome, c’était son état-major d’amis et de parents[27], son cortège de clients, son armée d’esclaves[28], qui tous l’avaient suivis d’Italie, c’était le train de maison qu’il menait, banquets, fêtes, jeux et réceptions[29], et c’était, enfin, ce que provoquait sa présence, étalage d’un luxe fou, propos de courtisans, bassesses de sujets, la laideur morale d’une royauté[30].

Pour que la distance fût plus grande entre ce maître et les sujets, les empereurs ne voulaient pas qu’un gouverneur fût uni à sa province par des liens trop étroits : on peut supposer qu’il lui fut interdit de s’y marier et d’y devenir propriétaire[31].

L’histoire de Vindex servit d’expérience : il est bien rare, depuis Vespasien, que des Gaulois soient envoyés dans les Gaules comme légats ou proconsuls[32]. C’est de l’Italie qu’elles reçoivent leurs chefs : car il importe qu’ils soient dans leurs départements à l’état d’étrangers, afin que rien n’affaiblisse la force de leur pouvoir et leur dignité de mandataires du peuple romain.

 

IV. — LES INTENDANTS.

Un gouverneur de province a auprès de lui, pour représenter les intérêts du trésor public, des intendants du prince, procuratores[33].

Le principal de ces agents porte le titre d’intendant de la province, procurator provinciæ[34] : car chaque gouvernement a le sien. Il arrive même que dans de petits districts, comme les Alpes, l’intendant remplisse normalement les fonctions de gouverneur[35] et que dans les plus notables, comme la Narbonnaise ou les Germanies, il fasse l’intérim ou prenne la place du proconsul ou du légat absent ou décédé[36].

Cela montre l’importance qu’avait acquise ce personnage. Sa condition de chevalier[37], ce titre un peu terne d’intendant, diminuent à peine son prestige et ne nuisent en rien à son autorité. Licinus, procurator d’Auguste dans les Gaules, a pu être esclave dans sa jeunesse : on ne l’en traite pas moins à l’égal d’un roi. L’intendant est toujours un homme fort riche, l’équivalent, dans la société romaine, d’un de nos fermiers généraux ; un de ses chefs de bureaux, caissier de la trésorerie de la Lyonnaise, fit une fois le voyage de Rome avec une suite de seize esclaves[38] : au cortège de l’employé, on devine celui du chef.

Ce qui rendait si riche l’intendant de la province, c’est qu’il y maniait les finances. Il percevait les revenus de l’État, il payait les services publics. Et c’était là son rôle essentiel[39]. On y ajouta de bonne heure certaines attributions contentieuses et juridiques : les procès du fisc furent portés devant lui[40], ce qui le faisait juge et partie[41]. La juridiction fiscale ne lui suffit pas : par des empiétements successifs, il pénétra dans le domaine de la justice civile et criminelle[42]. Et on le vit entrer à la fin en concurrence et conflit avec le gouverneur, son supérieur en pouvoir et en dignité[43].

D’ailleurs, les impôts d’Empire étaient si nombreux et si variés, leur perception exigeait un personnel si considérable de sous-intendants[44], chefs et commis de bureaux[45], soldats même[46], que le procurator de la province avait sans doute plus d’affaires à traiter et plus d’hommes à commander que le gouverneur lui-même. Comme dans la France contemporaine, les services et les employés de finances dominaient de plus en plus la vie administrative : l’empereur mis à part, les comptables devenaient les vrais chefs de l’État. Et quant aux provinciaux, qui avaient plus souvent des taxes à parer que des procès à soutenir, ils devaient voir dans l’intendant le plus gênant et le plus redouté de leurs deux maîtres.

Le gouverneur et lui n’étaient pas les seuls agents supérieurs que l’État envoyât dans les Gaules. Certains services administratifs avaient leurs chefs particuliers, relevant directement de Rome et de l’autorité centrale : tels étaient le recrutement des troupes, le recensement, le levée de l’impôt sur les successions, la gestion des domaines impériaux[47], l’achat et le transport du blé pour l’approvisionnement de Rome[48], la direction des messageries et postes de l’État[49]. Ces chefs, nommés directement par l’empereur, prenaient, suivant les cas, le titre de légat ou celui d’intendant du prince. Leur ressort s’étendait d’ordinaire sur deux ou trois provinces, par exemple celles du Nord (Belgique et Celtique) ou celles du Midi (Aquitaine et Narbonnaise)[50]. Dans chacune d’elles, ils étaient, selon toute vraisemblance, soumis au contrôle de l’intendant ou du gouverneur[51]. Le morcellement de la Gaule en neuf provinces, la possibilité de les grouper ou de les disjoindre, facilitaient à l’administration romaine le jeu de ses rouages.

 

V. — LE CONSEIL ET LE PRÊTRE DE LA NARBONNAISE[52].

Dans cette vie des provinces gauloises, nous n’avons vu jusqu’ici que l’État et ses agents, et nous serions tentés de croire qu’elles servent uniquement à l’exercice de leur autorité : telle a pu être, d’ailleurs, l’intention des maîtres de l’ancienne république. Voici, maintenant, des faits d’ordre tout différent, créés par la politique libérale des premiers empereurs : en face des gouverneurs, des intendants et de l’Empire, la province va nous apparaître comme une société indigène, et nous retrouverons dans cette société certaines habitudes de la Gaule indépendante.

Le premier fait de ce genre s’observa dans l’histoire, de la Gaule Narbonnaise, la plus ancienne des neuf provinces. Déjà peut-être, sous la République, les meilleurs de ses proconsuls avaient, dans des circonstances graves, appelé auprès d’eux les principaux magistrats des cités, pour prendre leur avis ou expliquer des ordres[53] ; déjà aussi, les indigènes s’étaient parfois entendus assez librement pour accuser leur gouverneur devant les juges de Rome ou pour porter leurs doléances au sénat. Mais ce fut seulement sous Auguste, dans les premières années du règne, qu’on régla enfin le rôle assigné aux provinciaux dans l’existence publique de la contrée[54].

Il fut institué pour la Gaule Narbonnaise une assemblée de la province, concilium provinciæ[55]. — Si restreinte que l’on suppose l’autorité de ce conseil, le fait seul de son existence avait une valeur capitale. Il signifiait que la province n’était plus simplement une expression géographique et une formule administrative, mais aussi un corps politique et une personne morale. Et le caractère attribué à ce conseil montra bien la ferme décision que les empereurs avaient prise, de donner à cette province son individualité permanente, à la fois vis-à-vis des dieux et au-dessus des cités[56].

Chacune des cités de la Narbonnaise envoyait ses délégués au conseil[57], et ces délégués étaient considérés, non pas comme les sénateurs d’une curie, mais comme les prêtres d’une église[58]. Ils avaient un chef ou président, qui ne s’appelait point princeps ou magistrat, mais grand-prêtre : il était le flamine de la province, flamen provinciæ[59], titre qui faisait de lui le représentant de cette province auprès des puissances divines. Il résultait de cela que la Gaule Narbonnaise aurait désormais un autel, un temple, un culte communs, que sa métropole deviendrait le foyer d’une religion, qu’elle-même serait une fédération de cités unies par un lien sacré. Or, il n’y avait pas dans le monde antique un lien plus fort et plus solennel que celui qui se nouait autour des autels de dieux : c’était ce lien, plus encore que les formules de la loi ou les ordres d’un maître, qui constituait une ligue de peuples ou l’unité d’une nation. Et si nous avons prononcé si souvent ce mot de nation à propos de la Gaule indépendante, ce n’est pas parce qu’elle avait obéi au roi des Bituriges ou à celui des Arvernes, mais parce que tous les prêtres de toutes ses cités s’étaient réunis en église dans un seul sanctuaire au nom d’un même dieu. C’est ce qui se passe maintenant dans la Gaule Narbonnaise.

D’une nation ou d’une ligue, elle ne reçut, cela va sans dire, que l’extérieur, que l’appareil religieux[60]. Elle ressemblait beaucoup moins à la Gaule indépendante qu’à ces sociétés de prêtres qu’on appelait la ligue latine[61], le nom étrusque[62], anciens corps politiques réduits à l’état de fantômes sacrés. L’office principal des membres du conseil de la Narbonnaise était leur office religieux. Fous possédons un fragment important du règlement de ce conseil : il n’y est question que de cérémonies, de costume et d’étiquettes[63].

Ajoutons que les dieux assignés à la province ne furent point des dieux gaulois. Comme son gouverneur et sa loi, ils lui vinrent de ses maîtres. Ces dieux, c’étaient Rome[64] et Auguste, les deux souverains de l’Empire considérés dans leur essence divine[65]. Le flamine portait le titre de flamen Augusti[66], et le temple élevé à Narbonne[67] s’appela le temple d’Auguste[68]. Ainsi, pour la province, Rome et Auguste devaient être ce que Jupiter était pour l’Empire, ce qu’avaient été Teutatès pour la Gaule ou Minerve pour Athènes, les gardiens de la vie commune, les inspirateurs de toute pensée collective. Prières et sacrifices, au lieu de lui rappeler les anciens temps et les croyances indigènes, la rattachaient, l’unissaient davantage à l’État et au prince. Et si la Narbonnaise reçut les apparences religieuses d’une nation, ce fut de manière à lui inculquer une nouvelle façon de connaître et d’honorer ses chefs.

Mais, dans cette extraordinaire institution du conseil et du culte de la province, le besoin de libertés locales déjouait les habiletés du despotisme romain. Cette assemblée est celle de délégués, elle représente toutes les cités de la province[69], elle siège à Narbonne sa capitale[70], son caractère religieux fait d’elle un corps inviolable qui s’impose au respect des proconsuls. Il est impossible que ces hommes, anciens magistrats de leurs cités, experts au maniement des affaires, installés au centre politique du pays, se sentant soutenus par les suffrages de leurs compatriotes, il est impossible qu’ils bornent leur action et leurs paroles à quelques parades cultuelles. Au reste, dans l’Antiquité, prêtrises et magistratures n’étaient point choses très différentes : les prêtres de la Narbonnaise se trouvaient qualifiés pour prendre en main les intérêts de leurs mandataires[71] et le mérite des empereurs est de l’avoir compris, d’avoir d’eux-mêmes consenti à leur laisser une action politique. Un conseil provincial, ce ne fut plus seulement l’image reformée des nations autrefois détruites, mais encore la première revanche des vaincus sur l’imperium du peuple romain[72].

Cette action politique se limitait au contrôle de la conduite du proconsul[73], et encore à un contrôle après coup, qui ressemblait plutôt à un témoignage d’ensemble qu’à l’examen détaillé des actes. Aucune part n’était faite au conseil dans l’expédition des affaires provinciales. Mais, quand un gouverneur se retirait, l’assemblée pouvait lui voter une statue ou d’autres honneurs[74] : ce qui équivalait à l’approbation de sa conduite. S’il avait agi en Fontéius, elle possédait le droit de l’accuser à Rome devant le tribunal du prince[75]. Il ne lui était possible de casser aucune des mesures qu’il avait prises : elle se bornait à faire savoir ce qu’elle pensait de lui, et le reste regardait l’État[76].

C’était déjà une importante prérogative que ce triple droit d’examen, de félicitation, d’accusation. Certains proconsuls, soutenus par l’amitié des princes ou la faveur des bureaux, ont pu s’en moquer. Mais les princes et leurs employés n’étaient point éternels, et la province durait toujours. De ces deux forces qui s’opposaient l’une à l’autre, l’envoyé de Rome et l’assemblée provinciale, ce fut la plus ancienne et la plus redoutable, celle des gouverneurs, qu’on vit à la fin fléchir la première[77].

En Narbonnaise, ces progrès de l’esprit provincial ne faisaient point courir de danger à la domination romaine. Les cités qui envoyaient leurs délégués au conseil étaient ou des colonies de Rome ou des villes de droit latin. La plupart de ces délégués devaient avoir une origine italienne. Tous appartenaient à des familles entrées depuis longtemps dans la bourgeoisie romaine. La prêtrise de la province avait pu être organisée sur le modèle du flaminat latin de Jupiter[78]. Il résultait de ces réunions un peu plus de liberté, mais elles ne réveillaient aucun des souvenirs gaulois d’avant la conquête de Domitius[79]

 

VI. — LE CONSEIL DES TROIS GAULES[80] : LES PRÉCÉDENTS.

L’État romain allait-il appliquer aux autres provinces gauloises ce régime de l’unité religieuse et d’une assemblée commune ? Ne serait-ce point un danger dans ces pays récemment soumis, vibrant toujours au souvenir de l’indépendance, fidèles aux habitudes qu’elle leur avait données ?

Or, non seulement Auguste accorda à la Gaule Chevelue les mêmes droits qu’à la Narbonnaise, mais il fit plus encore en sa faveur : ce qui est pour l’historien un sujet de surprise et d’admiration.

A faire comme en Narbonnaise et dans le reste de l’Empire, il eût fallu créer un conseil et un prêtre en Belgique, en Celtique, en Aquitaine, les trois provinces de cette Gaule Chevelue ; et t’eût été un excellent moyen de leur donner à chacune plus de liberté, et de leur faire plus vite oublier à toutes l’antique unité de la nation et de l’Empire gaulois. — Au lieu de cela, c’est le cadre même de cet empire qui fut solennellement rétabli. Celtique, Belgique, Aquitaine, restèrent comme provinces ou divisions administratives, chacune avec son gouverneur, sa métropole, ses bureaux, mais sans assemblée ni prêtrise générales. L’unité religieuse et morale, la personnalité de nation fut constituée par les Trois Gaules[81] réunies en un seul corps sous ce nom, formant une fédération unique de soixante cités : et ce fut ce corps qui reçut son conseil, son grand-prêtre, son autel, son temple, ses dieux communs, ses droits politiques et ses pouvoirs publics. Pour cette contrée des Trois Gaules, il n’y avait point de fonctionnaires représentant l’État romain : gouverneurs et intendants étaient en quelque sorte parqués au–dessous d’elle, dans les districts d’administration. Elle semblait une grande société indigène, tirant uniquement sa vie du sol, des hommes et des cités de la Gaule, supérieure en étendue et en dignité aux provinces créées par Rome, aux gouverneurs envoyés par César. Et s’il s’agissait de blâmer ou d’accuser un légat impérial, de la Belgique, de la Celtique ou de l’Aquitaine, ce n’était pas sa province, c’était la Gaule entière qui se dressait pour le juger au nom des Gaulois.

Cette fois, ce sont bien les traditions de la plus ancienne Gaule qui reparaissent.

Il existait, dans ces trois provinces, des cités qui n’étaient point d’origine gauloise, comme les colonies romaines de Nyon, d’Augst et de Lyon, comme les neuf peuplades de l’Aquitaine ibérique : ni les unes ni les autres n’eurent part à la religion des Trois Gaules[82]. En revanche, les nécessités militaires avaient obligé les empereurs à incorporer au département de la Germanie les cités celtiques voisines de la frontière, Lingons, Séquanes, Rauraques et Helvètes : elles n’en envoyaient pas moins leurs délégués au conseil souverain[83]. Devant l’autel gaulois du Confluent, il n’y avait place que pour les représentants de peuples gaulois : mais aucun de ces peuples ne devait ignorer ce rendez-vous national.

Il est vrai que ce rendez-vous est au pied de Lyon, colonie romaine. — Mais ne disons pas qu’il est à Lyon. Pas une seule fois les inscriptions qui mentionnent ce conseil, ses prêtres et son culte, ne prononcent le nom de la colonie de Plancus. Ce noie est toujours évité soigneusement. On dit l’autel, le temple, le prêtre du Confluent. C’est ce mot de Confluent qui revient sans cesse[84]. Il désigne également le lieu sacré des rendez-vous et le siège des assemblées. Car les délégués ne se réunissent pas à Lyon, mais de l’autre côté de la Saône, sur le flanc de la colline qui s’en vient mourir aux Terreaux, dans cette fin de terre qu’encadre et que termine la rencontre des deux grandes rivières. Là est maintenant pour les Trois Gaules le foyer permanent de leur vie commune, ce que fut jadis l’ombilic de la terre carnute, le sanctuaire où se groupaient les druides.

Qui sait même si cette sainteté du Confluent, loin d’être l’œuvre de Rome, ne remontait pas à des temps antérieurs à la conquête ? Un confluent, n’était-ce pas le mélange de ces deux êtres sacrés, la conjonction de ces deux divinités que sont les rivières ? et, parmi les rivières de la Gaule, il ne pouvait s’en trouver de plus fameuses et de plus saintes que celles qui mêlent leurs eaux sous la colline de Fourvières : comment cet endroit aurait-il pu échapper à l’adoration des hommes[85] ? — Puis, près de ce confluent, c’était le carrefour de routes innombrables, parties de tous les points de la Gaule. Prés de là encore, c’est le point où se rencontrent les deux principaux peuples de la vieille Gaule, les Éduens du Centre et les Allobroges du Midi. Or, de même que le confluent, le carrefour et la frontière étaient des terrains sacrés chez les hommes d’autrefois, pourvus de leurs autels, vénérés par les pèlerins[86] Je ne serais pas étonné si, bien avant l’assemblée des Trois Gaules romaines, la presqu’île des rivières lyonnaises avait été pour les Celtes un lieu de prières nationales et de pieuses panégyries[87].

Si on examine, non plus le lieu, mais le caractère de l’assemblée, les souvenirs gaulois se présentent à notre pensée avec plus de précision encore. — Ces délégués des cités, on les regarde comme des prêtres, et leur office primitif et essentiel est de célébrer le culte auprès d’un même autel[88]. Mais la Gaule indépendante n’avait-elle pas eu son concile de prêtres ou de druides, envoyés par toutes les cités au sanctuaire carnute pour prier ensemble des dieux communs ? — A la tête du conseil du Confluent se trouve un prêtre suprême, sacrificateur souverain des Trois Gaules[89]. Mais est-ce que les druides ne relevaient pas, eux aussi, d’un seul chef, grand pontife de leur église ? — Cette assemblée des druides figurait la Gaule entière, concentrée en une église pour communier avec les dieux de son nom. Et du conseil sacerdotal des Trois Gaules, il est impossible que nous ne pensions pas la même chose.

L’assemblée des druides n’est point le seul précédent qu’on puisse trouver à celle du Confluent. Jules César, au cours de ses campagnes, avait pris l’habitude de convoquer chaque année auprès de lui les principaux chefs des cités. Il appelait cette réunion le conseil des Gaules. La réunion qui se tenait près de Lyon, portait ce même nom, et était composée de la même manière[90]. Si nous connaissions mieux l’histoire du pays après le départ de César, peut-être verrions-nous que Plancus, Agrippa et Drusus avaient conservé les pratiques de leur prédécesseur, et que Drusus, en créant le grand prêtre et l’autel des Gaules, a voulu donner à cette assemblée des chefs une allure religieuse, et la consacrer à une dévotion romaine.

 

VII. — LES PANÉGÉRIES DU CONFLUENT.

Le conseil se réunissait sur un terrain qui lui appartenait. On avait constitué le quartier du Confluent en une sorte de canton autonome, et sans doute d’enceinte inviolable. L’assemblée y était souveraine, ainsi que les chefs de l’Église catholique le sont encore dans leur domaine du Vatican. Rome lui garantissait au moins les plus solennelles apparences de la liberté[91].

Ce quartier du Confluent devint une véritable cité sainte, le plus vaste et le plus fameux des champs sacrés de la Gaule. Toutes les manières de servir les dieux, toutes les sortes de bâtisses humaines et tous les genres de fêtes que suscite l’exploitation d’un culte, s’y trouvèrent réunis comme en une Délos du monde occidental.

Au centre[92], c’est l’autel colossal, où les noms de Rome et d’Auguste brillent en lettres d’or sur la façade de marbre[93]. Des couronnes, des palmes, des trépieds, des lampadaires[94], des Victoires aux ailes éployées[95], d’autres emblèmes plus mystérieux[96], le décorent ou l’encadrent. Et sur ses parois on peut lire les noms des soixante cités de la Gaule[97], c’est-à-dire des membres de l’édifice social dont il est le couronnement.

Plus loin, c’est le temple où se tiennent les assemblées, où se conservent les archives[98], ce sont les jardins sacrés qui en embellissent les avenues[99], l’amphithéâtre où se donnent les jeux publics, inséparables des grandes fêtes[100], les thermes[101] et les abris nécessaires à un monde de pèlerins, de prêtres et de serviteurs[102]. Et c’est partout, dans les jardins[103], dans les places, dans les avenues, sous les portiques, un peuple de statues innombrables, idoles de dieux[104], images d’empereurs[105], de magistrats ou de prêtres[106], figures de nations ou de provinces[107], et encore d’autres autels, des chapelles, des niches à dévotions[108], toute cette végétation de cultes parasites qui vient s’entremêler à la religion d’un grand dieu.

Dans les premiers jours du mois d’août[109], l’assemblée se réunissait, tenait ses séances, célébrait ses sacrifices, donnait ses fêtes et ses jeux[110]. Ceux-ci étaient fort variés[111] : aux combats de bêtes ou de gladiateurs dans l’amphithéâtre[112] s’ajoutaient des concours d’éloquence en langue grecque ou latine[113]. Les classes d’hommes les plus diverses pouvaient y trouver leur plaisir, les lettrés de la colonie romaine, la populace des cités gauloises, les rudes paysans des campagnes.

Ces jours-là, toute la Gaule semblait accourir autour de l’autel du Confluent[114]. C’était un extraordinaire mouvement de foule. Un grand marché se tenait pendant la fête[115]. Lyon apparaissait alors, comme l’avait voulu la nature, un lieu de foire universelle.

Que de craintes aurait dû inspirer à l’État romain cette réunion d’hommes, de chefs et de populaire ! Il y a là, assemblés en corps, les premiers des citoyens de la Gaule[116], délégués de cette nation qui fut jadis indépendante. Et il y a là, autour d’eux, une armée formidable de prolétaires et de campagnards[117]. Cela rappelle les grands jours du nom celtique à Bibracte ou à Alésia. De chers souvenirs peuvent se réveiller, des espérances renaître, de folles résolutions grandir.

Mais, — et ceci est une nouvelle merveille de l’habileté romaine, — ces assemblées se tenaient au pied de Lyon, sous le regard de son gouverneur, de ses vétérans de sa garnison. La grande citadelle surveillait et menaçait les propos ou les désirs de la Gaule indigène, tassée à l’ombre de ses remparts. Otages aussi bien que délégués[118] les membres du conseil n’avaient, de l’autre bord de la Saône, qu’à regarder sur Fourvières la colonie de Lyon, pour retrouver l’image même de Rome, pour recevoir l’impression nette et profonde de ce qu’était la Ville Éternelle, sa force, sa solidité et son pouvoir. Ils étaient venus, afin de représenter la Gaule, de tous les points du pays ; ils étaient, pour ainsi dire, sortis de toutes les racines de la vieille nation. Mais, s’ils se groupaient au Confluent, c’était afin d’adorer, contempler et redouter Rome. Et ils revenaient ensuite sur le sol natal, l’âme et les yeux remplis de sensations latines.

 

VIII. — L’ORGANISATION DU CONSEIL.

Les membres du conseil étaient élus parles sénats locaux[119], et choisis parmi les anciens magistrats des cités : le titre de délégué ou de prêtre à l’autel du Confluent était comme le dernier et le plus noble degré dans la hiérarchie des honneurs municipaux[120]. — Je crois qu’on le réservait aux plus riches. Les fêtes qui se donnaient à Lyon, coûtaient fort cher, surtout les combats de gladiateurs, et une grande partie des frais incombaient, en tant que charge personnelle, aux délégués des Trois Gaules[121].

Soixante cités, grandes ou petites, étaient représentées. Nous ignorons combien chacune envoyait de députés. Il est probable que cela dépendait de leur importance, et que les plus vastes avaient plusieurs délégués[122]. L’effectif du conseil devait dépasser de beaucoup une centaine, de membres, atteindre deux cents, aller même au delà[123]. C’était une assemblée considérable. Elle se renouvelait, je crois, très souvent : car il semble que le mandat de député fût annuel, comme la plupart des honneurs municipaux et publics des cités gauloises et de l’Empire romain.

Un de ces délégués remplissait la fonction suprême de « prêtre à l’autel de Rome et d’Auguste[124], qui faisait de lui le roi des cérémonies, le prince ou le premier de la Gaule, ainsi qu’aurait dit Jules César : elle ne durait qu’un an[125], et peut-être même que le temps sacré de l’assemblée et des fêtes. C’est lui, j’imagine, qui dirige l’office à l’autel, ordonne les jeux, préside les séances du conseil. Choisi par ses confrères, il est pris d’ordinaire parmi les représentants des cités les plus importantes : ce qui fut pour elles une manière d’exercer le principat, cause de tant de luttes à l’époque de l’indépendance. Le premier qui reçut la prêtrise fut, en effet, un Éduen[126], citoyen de cette nation à laquelle Rome et César avaient voulu assurer la primauté dans les Gaules. Puis, l’honneur passa à d’autres cités, et finit par arriver aux moins notables[127].

On se demandera pourquoi le prêtre des Trois Gaules, à la différence de celui de la Narbonnaise, s’appelle sacerdos, et non pas flamine. — La réponse est facile à faire, et montre une nouvelle fois quel respect les hommes d’État ont conservé pour les traditions indigènes. Le flamine, c’est un prêtre de nom et de rituel romains, et il convient à la Narbonnaise, entièrement faite de cités latines : il eût été déplacé dans la Gaule Chevelue, où il n’y avait guère que des cités de droit pérégrin. Mieux valait donner à son grand-prêtre le titre vague de sacerdos, que les Gaulois pouvaient traduire à leur manière : César n’avait-il pas désigné ainsi les druides eux-mêmes ?

On ne sait rien des rites suivant lesquels se déroulaient les cérémonies et les sacrifices devant l’autel impérial. Certains indices font supposer qu’ils n’étaient point tous conformes au mode latin : il y a, dans l’ornementation de cet autel, des figures ou des emblèmes que la religion romaine n’explique pas, et qui doivent venir de traditions indigènes ou du cérémonial druidique[128].

Culte et assemblée, bâtisses, fêtes et jeux, nécessitaient de grands frais et un nombreux personnel. Le corps des Trois Gaules avait son budget propre[129], qu’alimentaient deux sortes de ressources : des fonds de concours provenant des cités[130], les revenus de biens domaniaux appartenant au conseil[131]. Pour l’administrer, il déléguait les plus considérés de ses membres. On leur donnait les titres de juge du trésor[132], d’inquisiteur des Gaules[133]. Et ces titres étranges et glorieux étaient peut-être l’écho du temps où l’assemblée religieuse des druides formait une cour suprême de justice sur toutes les cités gauloises[134].

 

IX. — RÔLE POLITIQUE DU CONSEIL.

Voici enfin une dernière analogie entre le conseil des Gaules et l’assemblée des druides. Celle-ci s’arrogeait une autorité supérieure à celle des magistrats de cités : et les empereurs ont donné au conseil un droit de contrôle sur les actes des gouverneurs. En faisant cela, j’en suis sûr, ils ne songeaient point aux druides ni à un retour à la tradition indigène ; ils ne faisaient qu’introduire en Gaule les pratiques politiques admises pour tout l’Empire. Mais telles étaient ces pratiques, que les peuples pouvaient retrouver en elles les souvenirs de leur passé.

Les gouverneurs des trois provinces avaient-ils le droit ou le devoir d’assister aux séances du conseil ? On ne sait[135]. Mais ce qui est certain, c’est que le conseil s’occupait d’eux, et fort longuement, et de la façon dont celui de la Narbonnaise s’occupait de son proconsul. Les pouvoirs des Trois Gaules n’étaient point inférieurs à ceux de la province latine d’à côté : suivant les cas, elles votaient aux légats des statues qui s’en allaient rejoindre dans les jardins du Confluent les images des gouverneurs émérites, ou elles dressaient des actes d’accusation que des délégués avaient mission de porter à l’empereur.

Le conseil possédait, sans doute, d’autres attributions que l’examen de la conduite des trois gouverneurs. Il pouvait, je pense, faire entendre des plaintes au sujet des intendants[136]. Il lui était permis de correspondre directement avec l’autorité romaine, d’envoyer des présents au prince, de lui adresser des pétitions sur les affaires du pays, de revendiquer de nouveaux droits et de solliciter des diminutions de charges[137]. Délégation religieuse à l’origine, l’assemblée se transforma, par la force des choses, en une représentation politique.

L’approche de la session causait aux légats de vives appréhensions. Dans cette réunion de deux cents membres, il était rare qu’ils n’eussent pas quelque ennemi. Si la discussion tournait à leur désavantage, c’étaient pour eux des ennuis sans nombre, et en tout cas le prélude de la défaveur à la cour. Aussi s’assuraient-ils d’ordinaire, parmi les membres de l’assemblée, le concours de quelques amis dévoués qui pussent plaider chaudement leur cause[138]. Et il est à croire que, si leur situation devenait critique, ils ne reculaient devant aucun procédé pour se procurer une majorité complaisante. Je ne parle pas de menaces ou de contrainte ; il parait difficile que les légats aient pu violenter ou intimider les députés sans motif légitime : ceux-ci étaient doublement inviolables, comme prêtres et prêtres d’Auguste. Mais il restait toujours les moyens de corruption ordinaires, flatteries, faveurs et présents.

D’autre part, ces membres du conseil étaient les chefs de l’aristocratie locale, les plus nobles et les plus opulents de leurs peuples. Pour se maintenir en bons termes avec eux, le mieux était encore de consolider leur pouvoir et leur influence. Le contrôle qu’ils exerçaient à Lyon sur les gouverneurs, leur permit sans doute de se soustraire souvent, dans leur propre cité, à l’autorité du délégué de l’État. En dernière analyse, il se peut donc que le conseil des Gaules, au lieu de donner à tous des garanties de justice, ait servi surtout à sauvegarder les intérêts des plus riches.

Un tel résultat n’avait rien de fâcheux pour l’autorité romaine. Cette aristocratie locale fut toujours le plus sûr de ses appuis. Avant l’arrivée de César, elle aspirait déjà à se laisser conquérir. Elle aida le proconsul à vaincre et Drusus à gouverner. L’Empire lui procura la sécurité, lui donna des titres et des honneurs. C’était la bien connaître que de lui offrir, comme la plus belle des fonctions, celle de prêtre de Nome et d’Auguste. Elle n’était pas plus inquiétante que les gouverneurs, si souvent fauteurs de révoltes et candidats à l’Empire. A placer ceux-ci, de temps à autre, sous la surveillance des puissants du pays, l’empereur n’ôtait rien à l’unité et à la force de l’État, et, avec les apparences du libéralisme, protégeait sa propre souveraineté.

L’histoire du conseil des Trois Gaules donna raison à la clairvoyante pensée de ses fondateurs. Il ne sortit de lui, à l’endroit de l’Empire, ni paroles de colère ni gestes d’insurrection. Peut-être, dans les périodes de troubles, ne demeura-t-il point étranger aux passions politiques qui déchiraient le monde. Il est possible qu’il se soit entendu avec Vindex pour proclamer Galba[139], et qu’il ait, quelques mois plus tard, préparé cette assemblée de Reims où se discuta la question de la liberté. Mais Vindex ne faisait que parler des droits du peuple romain ; et les délégués à l’assemblée de Reims votèrent à l’unanimité, moins une voix, l’obéissance à Vespasien. Le jour de ce vote, l’habitude que les empereurs avaient rendue aux cités de la Gaule, de se grouper et de délibérer ensemble, fit autant pour raffermir l’Empire que la force des légions.

 

X. — PETITES ASSEMBLÉES RÉGIONALES.

L’assemblée du Confluent n’admettant que des nations gauloises, le conseil de Narbonne n’étant ouvert qu’aux cités de la province proconsulaire, les villes et les peuplades qui étaient en dehors de ces cadres, Germains du Rhin, montagnards des Alpes, Aquitains de Gascogne, les hommes de ces terres n’auraient-ils donc aucune part aux libertés régionales ? L’Empire ne pensa pas qu’il dût en être ainsi, et il accorda à ces pays de médiocre envergure et de passé modeste les mêmes faveurs qu’à la glorieuse nation des Gaules ou au corps splendide des colonies de la Narbonnaise.

Les cités des deux Germanies eurent à Cologne leur autel commun[140]. A chacune des provinces alpestres, on attribua un flamine impérial[141]. Et pour prier à cet autel ou pour entourer ces flamines, il faut supposer aussi des délégués des habitants et un conseil régional.

La situation de l’Aquitaine gasconne, entre Garonne et Pyrénées, fut un peu différente. Les neuf peuples qu’elle formait dépendaient bien du légat de l’Aquitaine, mais ils ne ressortissaient pas au conseil du Confluent. On fonda dans une de ses villes principales, Eauze, Auch ou Lectoure, un temple ou un autel où se donnèrent rendez-vous les députés de toutes ses tribus[142]. Elles furent autorisées à délibérer ensemble, à adresser en leur nom collectif des suppliques et des mandataires à l’empereur. Même, elles finirent, dans le cours du second siècle, par obtenir qu’elles seraient tout à fait détachées du reste de la Gaule, et qu’elles constitueraient une province distincte sous le nom de Novempopulanie[143]. Il n’y eut dans cette province que des peuplades d’origine ibérique. La future Gascogne reprit, dans un cadre romain, l’unité que lui avaient donnée la nature de son pays et le caractère de ses hommes.

 

XI. — PERSISTANCE DE LA NATIONALITÉ GAULOISE.

Le corps des Trois Gaules, lui aussi, était un simulacre d’unité nationale, l’image romaine de la patrie gauloise. Et, avec sa forme nouvelle, cette patrie reprenait vie peu à peu, pour s’avancer vers les siècles à venir.

A certains égards, l’unité morale de la contrée gauloise semble plus forte sous les empereurs qu’elle ne l’a été sous Celtill et Vercingétorix. En ce temps-là, le Nord et le Midi vivaient à l’écart l’un de l’autre, étrangers ou hostiles à leur vie respective. Ils ont maintenant un maître unique, qui leur impose des lois semblables et une religion commune. S’ils forment encore deux ressorts séparés, Narbonnaise et Gaule Chevelue, les deux régions sont disposées de manière à se pénétrer intimement. Aucun obstacle physique ne les sépare, il ne s’interpose entre elles ni cordon de douanes ni ligne de forteresses, dix grandes routes et deux larges fleures les réunissent, et de l’une à l’autre circulent sans relâche les mêmes hommes et les mêmes pensées. Les passions et les jalousies humaines ne s’opposent plus, comme au temps de l’indépendance, à ce que la terre de France fasse sentir le bienfait de ses forces d’entente et d’harmonie.

Il y a bien encore, pour cette France romaine, deux capitales, Narbonne et Lyon. Mais au regard de Lyon, Narbonne compte moins chaque jour. La colonie de Fourvières se trouve à la frontière même de la province narbonnaise[144] : celle-ci se laisse envelopper par l’influence de ses richesses et le rayonnement de ses idées[145]. Lyon s’élève au seuil commun des deux Gaules, ouvert, tel qu’un arc de Janus, sur le Nord et sur le Midi[146]. Peu importe que Plancus ait bâti sa ville sur le sol de la Celtique : les eaux dont elle est la tête, descendent vers la province du Sud. C’est elle qui est la métropole de toutes les Gaules, caput Galliarum, comme la saluaient les anciens[147]. La grande contrée que la nature avait bâtie entre le Rhin et les Pyrénées, la Gaule, possède désormais ce qui lui a manqué dans les siècles d’autrefois, une capitale certaine et décisive, et elle la voit s’épanouir à l’endroit même que les dieux avaient désigné. Les empereurs ont fait pour cette contrée ce qu’ils ont fait pour chacune de ses peuplades : ils ont créé la ville qui devait être le foyer de son existence. Cet Empire romain qui fut, dans le monde antique, l’apogée de la vie municipale, qui associa le sort de l’univers à celui d’une seule cité, unit de façon semblable les destinées de la Gaule à celles d’une cité maîtresse.

En dépit de la conquête, de l’assimilation à Rome, du morcellement administratif, les mots de Gaule et de Gaulois persistaient pour désigner une région naturelle, une espèce d’hommes fort vivante. Géographes, rédacteurs d’actes officiels, historiens, rhéteurs, maîtres d’école, appliquaient constamment ces noms à tout ce qui vivait entre le Rhin et les Pyrénées. L’écrivain grec Strabon, qui publia sous le règne de Tibère une description de l’Empire romain, consacrait à cette Gaule un chapitre distinct, à la fois, disait-il, parce que la Providence lui avait donné l’unité[148], et qu’elle était le domicile d’une même famille[149]. Quatre siècles plus tard, au moment même où l’Empire va s’effondrer, les derniers successeurs du géographe grec s’exprimeront encore de la même manière[150]. Les artistes et les poètes, qui, fidèles aux habitudes séculaires de l’anthropomorphisme hellénique, se complaisaient à chercher une figure humaine pour tous les êtres et tous les sentiments, représentaient la Gaule sous les traits d’une fière matrone, à demi femme et à demi déesse, au regard énergique, à la tête couronnée de tours, pareille à une Cybèle, et, comme elle, mère féconde d’épis, d’hommes et de dieux[151].

Il arriva même ceci sous l’Empire romain, que les hommes concentrèrent sur cette Gaule tous les souvenirs qu’éveillait le mot de Gaulois. Ce nom, jadis, et les faits qu’il rappelait, s’étaient dispersés sur le monde entier : il y avait eu des Celtes, des Galates, des neveux d’Ambigat, en Orient aussi bien qu’en Italie. Mais comme, au temps des Césars, le nom ne vit plus que sur la terre au delà des Alpes[152], qu’il s’y est replié pour y prolonger son existence, c’est à cette terre que les écrivains rapportent son histoire et sa gloire. La Gaule de Lyon devint pour les peuples la demeure prédestinée d’une grande société humaine, autrefois terrible et conquérante, aujourd’hui soumise et disciplinée, toujours intacte et distincte, orgueilleuse de son titre de Gaule, le perpétuant obstinément en face du nom romain. Un demi-millénaire après Domitius et César, on parlait encore de la Gaule, non pas comme d’un simple district de l’Empire, mais comme d’une nation obéissante[153].

Cela, le plus souvent, n’était que vains propos, de ces épithètes consacrées ou de ces phrases toutes faites que se transmettent avocats et poètes. Mais enfin cela faisait vivre, à travers les âges, les mots de Gaule et de Gaulois : et la vie de tels mots était déjà un fait considérable. Elle l’était d’autant plus que bien des réalités s’attachaient encore à ces mots : une région naturelle, une grande capitale, des souvenirs communs, l’accord des intérêts matériels, l’union des intérêts politiques, des relations de tout genre, l’usage d’un idiome national, l’habitude de certains dieux[154], et un même tempérament[155].

 

 

 



[1] Pline, Hist. nat., III, 31.

[2] Comparez avec l’œuvre départementale de l’Assemblée Constituante, encore qu’il ne faille pas exagérer, pour cette œuvre, le désir de rompre avec le passé (cf. Mavidal et Laurent, Archives parlementaires, IX, p. 651 et s.).

[3] Outre l’expression de Tres Galliæ, remarquez ces textes : rogant Galliæ lux, dit à Néron un orateur, peut-être au nom du conseil du Confluent (Quintilien, VIII, 5, 15) ; dans une discussion au sénat de Rome, sous Marc-Aurèle, un membre parlait de sacerdotes fidelissimarum Gafliarum vestrarum (C. I. L., II, 6278). On trouverait aisément d’autres emplois de cette expression.

[4] Nous devons poser ici, sans pouvoir la résoudre à coup sûr, la question suivante : y avait-il, à l’intérieur des quatre grandes provinces de Gaule, des subdivisions, judiciaires (conventus), fiscales ou autres ? Nous le croyons, et pour les motifs suivants. — 1° Voici d’abord l’Aquitaine non gauloise, qui formera plus tard la province de Novempopulanie, et dont différents indices permettent de supposer qu’elle était à l’origine un ressort administratif distinct. — 2° Voici la sous-intendance de la Celtique intérieure, Sens, Paris, Meaux, Troyes et Autun, au milieu du IIIe siècle. — 3° Le conventus helvétique civium Romanorum s’est peut-être étendu sur les cités gauloises de la Germanie, Helvètes, Lingons, Séquanes, Rauraques. — 4° Agricola, comme gouverneur d’Aquitaine, avait à tenir ses assises de juge dans différents ressorts, ubi conventus ac judicia poscerent (Tacite Agr., 9). — Il ne serait pas impossible que ces ressorts ne fussent l’origine des nouvelles provinces que nous trouverons plus tard en Gaule (t. VI).

[5] L’expression est devenue, sous l’Empire, générale pour tous les gouverneurs (Suétone, Auguste, 23). Elle est en germe dans le præesse de l’époque républicaine.

[6] C’est ce que signifiait l’axiome juridique : Omnium Romæ magistratuum vice et officio fungi debet (Digeste, I, 18, 12 ; cf. 11 et 10). — L’installation d’un intendant impérial ne parait pas avoir été regardée comme une infraction à cette règle, le procurator n’étant pas un magistrat, et d’ailleurs l’empereur ayant en droit l’imperium souverain dans chaque province.

[7] Dion, LIII, 14, 2 ; Strabon, XVII, 3, 25.

[8] Tacite, Annales, III, 41 (légat prétorien de la Belgique ; Hist., II, 12, procurateur des Alpes ; Digeste, I, 18, 4). — A ce point de vue, il parait probable que les deux légats consulaires de la Germanie ont eu un imperium majus sur les légats de la Gaule et sur les procurateurs des Alpes (Tacite, Ann., III, 43 ; C. I. L., XII, 113).

[9] Digeste, I, 18, 10 ; I, 18, 6, 8 ; I, 18, 21. Pour les affaires civiles et commerciales, il juge sur toutes les sommes au delà du chiffre ixé à la compétence des juges municipaux.

[10] Digeste, I, 18, 13, pr. ; Tacite, Hist., II, 12.

[11] Digeste, I, 18, 7.

[12] Digeste, I, 18, 6.

[13] Dion, LIII, 15, 4 et s.

[14] En principe : car l’empereur autorisait bien des prorogations ; Dion, LIII, 14, 4 ; LVIII, 23, 5 ; Suétone, Auguste, 23 ; cf. Mommsen, Staatsrecht, II, 2e éd., p. 244-6 ; 3e éd., p. 254-7.

[15] Dion, LVIII, 23, 6 ; etc.

[16] Dion, LII, 33, 1. Je crois bien que l’inscription de Garguier mentionne un appel d’une décision du gouverneur en matière contentieuse.

[17] De Tocqueville, L’Ancien Régime et la Révolution, p. 53 et s.

[18] Suétone, Galba, 6, 2-3 ; Vespasien, 4 (legatus legionis in Germania) ; Pline, Panegyrici, 9 ; Hist. Auguste, Sev., 4, 1. Voyez la manière dont Tacite dépeint la conduite d’Agricola comme légat de l’Aquitaine (Agr., 9).

[19] Toutefois, vu l’absence de troupes en Narbonnaise et le grand nombre de cives Romani qui y vivaient, l’empereur paraît avoir imposé l’usage de la toge au proconsul de la province, comme résidant inter togatos (Dion, LIII, 13, 3).

[20] Six faisceaux pour le proconsul (Ulpien, Digeste, I, 16, 14), cinq pour les légats (Dion, LIII, 13, 8 ; C. I. L., XIII, 3162).

[21] Reims pour la Belgique, et Lyon pour la Celtique (Strabon, IV, 3, 2 et 5) ; Narbonne, sans aucun doute, pour la Narbonnaise (je crois qu’on a eu tort de supposer Nîmes pour une époque) ; Bordeaux, sans doute, pour l’Aquitaine, ou, peut-être aussi, Poitiers (C. I. L., XIII, 1129) ; Mayence pour la Germanie Supérieure (XIII, 11, p. 298), et Cologne pour la Germanie Inférieure (XIII, 11, p. 506) ; Aime pour les Alpes Grées et Pennines (C. I. L., XII, 102, 103, 110, etc.), Suse pour les Cottiennes (V, p. 814), Cimiez, plutôt que Vence, pour les Alpes Maritimes (XII, 7 ; V, p. 902). Je ne parle que des trois premiers siècles de l’Empire.

[22] Quæstor pro prætore, en Narbonnaise : l’expression quæstor paraît une simple abréviation (C. I. L., V, 6419 ; VI, 1549 ; X, 4580 ; etc.).

[23] Legati de rang prétorien, pour commander chacun une légion, dans les provinces de Germanie (voir surtout C. I. L., XIII, indices [à paraître]). — Un legatus pro prætore, pour rendre la justice, en Narbonnaise (C. I. L., II, 112, 2073 ; XIV, 2607 ; etc.). Sur sa juridiction, surtout civile, Digeste, I, 16, 11-13.

[24] Comes et adsessor procos., C. I. L., II, 2129 = Dessau, n° 1404. Il n’y a jamais qu’un adsessor en fonction, pris d’ordinaire parmi les Juris studiosi (Digeste, I, 22, 1). La règle était que ces assesseurs fussent étrangers à la province (Hist. Auguste, Niger, 7, 5 ; Digeste, I, 22, 3), mais des dispenses impériales pouvaient l’écarter (Digeste, IV, 6, 37-38).

[25] Beneficiarii, par exemple legati (C. I. L., XII, 2602), sous-officiers d’état-major ou de confiance du légat. Cornicularii, au-dessus d’eux, chefs de bureaux ou de cabinet (XII, 2602). Cf. Digeste, I, 16, 4, 1. Von Domaszewski, Rangordnung (Bonner Jahrb., CXVII, 1908), p. 63-67.

[26] Accensi, C. I. L., XII, 2564 ; tabellarii ou courriers (C. I. L., XII. 4449). Officiales pour l’ensemble (C. I. L., XI, 4182). Cf. Mommsen, Staatsrecht, I, 2° éd., p. 318 et s. ; 3e, p. 332 et s.

[27] Comites, parmi lesquels il pouvait prendre ses assesseurs (C. I. L., II, 2129) ; Digeste, I, 18, 16 ; R.-Enc., IV, c. 623-5.

[28] Ministeria, Tacite, Hist., II, 59.

[29] Tacite, Hist., II, 59 : Junius Blésus, gouverneur de la Belgique, prête son domestique et son équipage à Vitellius, ce qui permet à celui-ci de faire figure d’empereur.

[30] Par exemple, autour de Vitellius en Germanie ; Tacite, Hist., I, 52.

[31] La règle ordinaire était qu’un gouverneur n’eût pas sa femme avec lui (Digeste, I, 16, 4, 2 ; contra, C. I. L., XIII, 1129). Voyez les prescriptions au sujet des assesseurs.

[32] Un des rares exemples est celui d’Agricola, de Fréjus, envoyé en Aquitaine ; cf. Dessau, Hermès, XLV, 1910, p. 10-13, et les listes des p. 500-1, 537-8, 568-9. Marc-Aurèle défendit expressément par une loi l’envoi dans une province d’un gouverneur qui y serait né : Μηδένα έν τώ έθνει, όθεν τό άρχαΐον έστιν, άρχειν (en 176 ; Dion, LXXI, 31, 1). Cf. έν τή άλλοτρία, id., LII, 23, 1.

[33] Dion Cassius, LII, 25, 1.

[34] Voyez les listes (incomplètes) de procuratores données par Liebenam, Beitr. zur Verwaltungsgeschichte, etc., Iéna, 1886, et Lebègue, Fastes de la Narbonnaise, [1887], p. 46 et s. — Notez cependant en Gaule une particularité importante. Au début, avant le morcellement, il y eut peut-être un seul procurator pour la Gaule Chevelue. Après, on n’identifia pas les ressorts des gouverneurs et ceux des intendants : il y eut deux procurateurs, l’un pour la Belgique et les deux Germanies (C. I. L., III, 5212-6, 1456), l’autre pour la Celtique et l’Aquitaine (XIII, 1807-10 ; V, 867, 875 ; VI, 1620, 1626). Les exceptions apparentes à cette règle (II, 1970 ; III, 553, 5212 ; Pais, C. I. L., Suppl. It., 1227 ; Tacite, Hist., I, 12 et 58 ; C. I. L., X, 3871 ; Année épigr., 1911, n° 112) s’expliquent peut-être par des titres incomplètement rédigés (Hirschfeld, Verwalt., p. 378-9) ; mais il est possible que les choses n’aient point été fixées une fois pour toutes.

[35] Après la suppression du système des préfets pour ces provinces. Tacite, Hist., III, 42 ; procurator (cum) jure gladii, C. I. L., IX, 5439 ; proc. et præses (IIIe siècle, XII, 7, 78).

[36] Tacite, Hist., III, 42-43 ; C. I. L., XIII, 1807 : ici même, ce n’est que le procurator patrimonii (encore vice) en Belgique et Germanies, qui est vice præsidis dans la Germanie Inférieure (vers 234-235 ?). Cf. Hirschfeld, p. 387 et s.

[37] Très rarement affranchi : Licinus ; un autre, sous Marc-Aurèle ? VI, 8569.

[38] Dispensator ad fiscum Gallicum provinciæ Lugdunensis, VI, 5197 = Dessau, n° 1514.

[39] Dion, LIII, 15, 3 ; Strabon, III, 4, 20. — Il y a cependant, à cet égard, discussion pour leur rôle dans les provinces proconsulaires (Dion, LIII, 15, 3 ; Digeste, I, 16, 9, pr.) ; cf. Mommsen, Staatsrecht, II, 2e éd., p. 256 [3e éd., p. 267-8] et 965.

[40] Au moins depuis Claude en 53 (Tacite, Ann., XII, 60). — La question est de savoir si la connaissance de toutes les affaires fiscales allait au procurateur de la province, ou si chaque procurateur spécial (XXe, etc.) jugeait celles de son service.

[41] Les intérêts du fisc étaient soutenus, depuis Hadrien, par les advocati fisci (Hirschfeld, p. 48 et s.). On en délègue souvent un par province : electus ad causas fisci tuendas in provincia Alpium Maritimarum (Cagnat, Année épigr., 1888, n° 132) ; functo advocatione fisci... Alpium (C. I. L., VIII, 11341).

[42] Nombreux exemples dans les recueils juridiques ; Hirschfeld, Verw., p. 403.

[43] Tacite, Agr., 9 ; Hist., I, 12 ; I, 58 ; etc. — C’est sans doute pour éviter des conflits que l’intendant de Belgique et Germanies résidait à Trèves, non à Reims, Cologne ou Mayence.

[44] Subprocurator pour la Belgique seulement, peut-être comme subdivision de la grande intendance : C. I. L., III, 6065, 14195, 4-9 (mais c’est peut-être aussi un adjutor procuratoris pour l’ensemble de cette intendance). — L’adjutor procuratorum [sic] pour les cités de Sens, Paris, Autun, Troyes et Meaux (XIII, 2924), me parait être un subprocurator de la grande intendance de Lyonnaise et Aquitaine. — Le procurator Lactoræ (V, 875) me parait plutôt un intendant de domaines impériaux dans la cité de Lectoure. — Le procurator Λουγδούνου (C. Inscr. Græc., 3888) me parait un procurator ordinaire de Lyonnaise et Aquitaine.

[45] Au chef-lieu (?) de l’intendance, des adjutores procuratoris (XII, 671 ; cf. XIII, 2924 ?), peut-être les mêmes que les subprocuratores (n. précédente). — Chaque province a sa trésorerie, fiscus, avec caissiers en chef, dispensatores (VI, 8578 ; peut-être XIII, 1054, 1818, 1824 et 3161), et sous-caissiers, arcarii (VI, 8574). A côté d’eux, les employés de bureaux, tabularii, etc. Cf. Hirschfeld, p. 460 et s.

[46] Comme les gouverneurs, les intendants ont leurs soldats détachés, beneficiarii (Cagnat, Année ép., 1910, n° 119), cornicularii (XIII, 1810), exacti ou expéditionnaires ? (XIII, 1822, 1847). Von Domaszewski, Rangordnung, p. 66-67.

[47] On finit par distinguer entre le patrimonium (bien de la couronne ?) et la res privata (la cassette du prince ?) ; cf. la discussion entre Karlowa (Rœm. Rechtsg., I, p. 505 et s.) et Hirschfeld (Verw., p. 18 et s.). — Deux districts : d’un côté Belgique et Germanies, et de l’autre sans doute le reste : procurator patrimonii Belgicæ et duarum Germaniarum, procurator rationis privatæ per Belgicarn et duas Germanias (sous les Sévères, C. I. L., XIII, 1807). — District spécial à Lectoure ? — Pour les mines de fer impériales : un procurator général pour toute la Gaule, procurator ferrariarum ou ad vectigal ferrariarum, résidant à Lyon (XIII, 1797 ; X, 75834), avec employés ou tabularii (XIII, 1808, 1825). Cf. Hirschfeld, p. 157-8. — Certains services du prince avaient encore leurs chefs spéciaux, par exemple celui de ses gladiateurs : procurator familiæ gladiatoriæ per Gallias, Britanniam, Hispanias, Germanias et Rætiam (III, 249), tabularius ludi Gallici et Hispanici (II, 4519), chargés du recrutement et, sans doute, de la première formation des écoles impériales de gladiateurs.

[48] C. I. L., XII, 672 : il s’agit d’un procurator Augustorum ad annonam provinciæ Narbonensis et Liguriæ, c’est-à-dire avec la surveillance des transports sur le rivage entre les Pyrénées et la Toscane.

[49] A la tête, un præfectus vehiculorum de district. — Deux districts : le district militaire du Nord, sur les routes du Rhin et de Bretagne, præfectus vehiculorum per Belgicam et duos Germanias (C. I. L., VIII, 12020) ; le district de Celtique, Aquitaine, Narbonnaise, sur les routes d’Italie et d’Espagne : præfectus vehiculorum trium provinciarum Galliarum Lugdunensis, Narbonensis et Aquitanicæ (C. I. L., VI, 1624 ; VI, 1641 ? ; Inscr. Gr. ad res Rom., III, n° 181). — Une très importante station de courriers d’État était celle de Narbonne (C. I. L., XII, 4449) : elle avait une concession funéraire de 325 pieds sur 305.

[50] Ou Belgique et Germanies d’un côté, le reste de l’autre. Le cens et le recrutement sont organisés par provinces.

[51] Aucun renseignement sur ces rapports.

[52] Pour ce § et les suiv. : Paul Guiraud, Les Assemblées provinciales dans l’Empire romain, 1887 ; le même, Séances et Travaux de l’Académie des Sciences Morales, Compte Rendu, CXXX, 1888, p. 262-276 ; Beurlier, Le Culte impérial, 1891, p. 99 et s. ; Beaudouin ; Carette, Les Assemblées provinciales de la Gaule romaine, 1895 ; Alibrandi, Sopra una legge Romana, etc., Bull. dell’Istituio di diritto Romano, I, 1889, p. 173-193 ; Hirschfeld, Zur Geschichte des rœm. Kaiserkultus, dans les Silzungsb. de l’Ac. de Berlin, ph.-h. Cl., 1888, XXXV ; Krascheninnikolf, Ueber die Einführang des provincialen Kaisercultus im rœm. Westen, dans le Philologus, LIII, 1894 ; Kornemann, Klio [Beiträge], I, 1901, p. 95 et s. ; Mommsen, Ges. Schr., V, p. 552-6 [1904, posthume]. Pour la bibliographie ancienne, cf. Carette, p. 441 et s.

[53] Il est bien possible que ces réunions aient été déjà accompagnées de fêtes et de sacrifices.

[54] Sans doute lors de son séjour à Narbonne en 27 av. J.-C., cum ille conventum Narbone ageret (Tite-Live, Epit., 134).

[55] C. I. L., XII, 6038, ligne 23.

[56] Dans un article d’une grande finesse, Krascheninnikoff (Ueber die Einführang des provincialen Kaisercultus im rœm. Westen, dans le Philologus, LIII, 1894) a essayé de prouver que le culte provincial de la Narbonnaise avait été organisé par Vespasien. De fait : 1° la loi du flaminat, formules, style et gravure, convient mieux aux Flaviens qu’à Auguste ; 2° aucune mention d’un flamine de la province n’est à coup sûr antérieure à Domitien ; 3° une inscription d’Athènes (C. I. Att., III, 623-4), du début du second siècle, mentionne un Toulousain, Quintus Trébellius Rufus, qui aurait été flamen primus de la Narbonnaise quelques années auparavant. — Mais, comme il est difficile de supposer que le conseil de Narbonne n’existât pas dès le temps d’Auguste, également impossible de supposer et un conseil de ce genre et une province sans un culte et un culte impérial, voici ce qui peut tout concilier. — Auguste n’aura permis pour la Narbonnaise, comme pour les Trois Gaules, qu’un autel et un simple prêtre à son nom. Le temple sera venu après ; et, plus tard aussi, le sacerdos aura été remplacé par un flamen : et si la loi de Narbonne est de Vespasien, elle aura réglé les conditions du flaminat alors institué. N’oublions pas, en effet, que le flaminat est une prêtrise supérieure au simple sacerdotium (C. I. L., VIII, 12039 ; II, 4248), organisée à la romaine (cf. Dict. Saglio, au mot Flamen, p. 1180-1), et il est donc possible que, pour l’instituer en Narbonnaise, on ait attendu que la province n’ait plus renfermé que des togati. On oublie toujours qu’un culte comportait des degrés, ara, sacerdos, templum, flamen, qui n’étaient point franchis immédiatement par toutes les provinces et par tous les dieux.

[57] On ne peut dire s’il v avait un ou plusieurs délégués par cité. Le titre officiel (qui manque pour la Narbonnaise) parait avoir été celui de legatus (cf. Guiraud, p. 61 et s.). — Dans un de ses derniers travaux et peut-être dans son dernier, Mommsen a bien vu, lui le premier, qu’une question se posait à propos de ces ligues provinciales que constituaient les conseils : les colonies romaines pouvaient-elles en faire partie ? et il n’hésite pas à croire que non (in der Narbonensis scheinen die Bürgerstädte von dem Stüdteverband ausgeschlossen gewesen zu sein). Et je crois bien que, pour l’époque primitive, il a pu en être ainsi, et en théorie, peut-être, plutôt qu’en fait. Mais il semble bien que, de très bonne heure (avant Néron), on a dû cesser de maintenir une exclusion qui, honorifique en principe, devint très vite, pour Narbonne ou Arles par exemple, une cause d’infériorité. Il y a, en cette matière, quantité de nuances juridiques qui nous échappent : les délégués des colonies romaines pouvaient, par exemple, prendre part aux délibérations politiques, et s’interdire certaines cérémonies religieuses (ce qui explique l’absence, jusqu’ici, de flamines provinciaux originaires de Narbonne).

[58] D’après l’expression (dans C. I. L., II, 6278, 1. 14.15) de sacerdotes fidelissimarum Galliarum vestrarum, qui doit viser des délégués des Trois Gaules. Il ne serait pas impossible que la qualité de prêtre municipal ait été requise pour cette legatio.

[59] Provinciæ flamonio functus, XII, 3275. On connaît surtout des Nîmois comme flamines (XII, 3275, 3212-3, 3184), un Arlésien (XII, 392, celui-ci peut-être seulement sacerdos templi), un Toulousain, des Viennois peut-être (XII, 2516, 2235 ; Herzog, n° 501). Tous paraissent avoir été omnibus honoribus in patria sua functi.

[60] Cf. Guiraud, Assemblées, p. 6 et s.

[61] Cf. Mommsen, Staatsrecht, III, p. 613-4 ; Dict. Saglio, II, p. 1068.

[62] Etruriæ Quindecim Populi ; cf. Mommsen, id., p. 667.

[63] C. I. L., XII, 6038, p. 864 (phototypie chez Carette, p. 444). Il ne me paraît pas douteux qu’il ne s’agisse d’une lex concilii ou d’une lex provinciæ de la Narbonnaise ; cf. l. 3 : lege]m jusque ejus provinciæ ; l. 14-5 ; l. 22-4 : article sur la tenue du concilium. — La seule prescription administrative conservée dans ce texte, concerne, semble-t-il, l’obligation de tenir le concilium à Narbonne (l. 22-4) : quo loco conciliu[m, etc.

[64] Il faut cependant remarquer qu’aucun des documents relatifs à la Narbonnaise (sauf XII, 4435 ?) ne mentionne le nom de Rome : mais on ne peut pas douter que le culte provincial ne s’adressât à elle aussi bien qu’à Auguste (cf. Suétone, Auguste, 52).

[65] Cf. ici, ch. I, § 2 et 3.

[66] Loi du conseil, l. 21 (s’il s’agit ici du flamine provincial, ce dont on peut douter) : Flamen Augusti ; C. I. L., XII, 81.

[67] On suppose qu’il s’élevait sur la butte des Moulinasses (Allmer, Rev. épigr., I, p. 149 ; Bull. arch., 1884, p. 376), par conséquent à l’intérieur de la cité et de l’enceinte coloniale. Je croirais plus volontiers qu’il faut le chercher, comme à Lyon, hors de la ville, et sur le terrain, encombré encore de débris, où l’on, a trouvé le fragment de la loi, près du carrefour des chemins d’Armissan et de Gruissan. Il y a là un des beaux champs de fouilles de la Gaule.

[68] Templi divi [Augusti quod est Nar]bone, C. I. L., XII, 392.

[69] Voyez C. I. L., XII, 392, où l’ensemble des membres du conseil est désigné par universa provincia.

[70] Le flamine parait obligé à faire de Narbonne sa résidence permanente pendant l’année de sa prêtrise : car je crois qu’il faut interpréter l’article 1. 17-21 comme signifiant que le flamine provincial doit, en cas de vacance du flamine municipal (si flamen in civitate [Narbonne] esse desierit), le remplacer. Il est vrai que l’on peut interpréter cette expression de la façon contraire (Hirschfeld, Zeitschrift für Rechtsgeschichte, XXII [IX], 1888, Rœm. Abth., p. 403-4 : Si le flamine [provincial] cesse de faire partie de la cité [romaine] le flamine municipal fera l’intérim. Mais cette explication ne change rien au principe de la résidence d’un flamine : l’autel provincial ne peut pas demeurer sans son prêtre.

[71] Cela peut être tiré de deux articles de la loi : que le flamine sortant de charge conserve le droit de siéger et voter in curia sua et concilio provinciæ (l. 14) ; que, durant son année de prêtrise, il a ce même droit, semble-t-il, dans le sénat de Narbonne (l. 4).

[72] Remarquez l’expression de Tacite à propos de ces conseils, tutelæ sociorum (les provinciaux), Ann., XV, 20.

[73] L’examen des actes du proconsul commençait dans les curies ou sénats locaux au moment de l’élection des délégués au conseil, lesquels recevaient ainsi un véritable mandat impératif sur l’attitude à prendre à l’endroit du gouverneur (C. I. L., XIII, 3162).

[74] Dion, LVI, 25, 6 ; Tacite, Ann., XV, 20-2. Cf. Guiraud, p. 168-171. En 62, on interdit aux conseils le droit de députer au sénat pour lui porter des actions de grâces en l’honneur des gouverneurs ; mais je ne sais si l’interdiction a pu durer longtemps (Tacite, Ann., XV, 22). — Il est remarquable que nous n’ayons aucune trace des statues élevées par le conseil de la Narbonnaise, sans doute parce qu’on n’a pas encore fouillé le sol du temple.

[75] D’après les textes généraux sur les conseils ; Tacite, Ann., XV, 21 ; C. I. L., XIII, 3162 ; Guiraud, p. 172 et s.

[76] Sur la procédure alors suivie, Guiraud, p. 176 et s.

[77] Il est probable que le conseil put, mais plus tard seulement contrôler de la même façon l’attitude des intendants (cf. C. I. L., XIII, 1680). — D’assez bonne heure, il put élever une statue même à ses fonctionnaires ou à ses prêtres, ce qui devait équivaloir au contrôle de leur gestion (loi de Narbonne, l. 10-13 ; cf. XIII, 1686-1719).

[78] Voyez la loi, C. I. L., XII, p. 864 : l’épouse du flamine de la province participe à ses privilèges et à sa condition : neve invita jurato neve corpus hominis mor[tui attingito, prescription classique pour le flamen Dialis à Rome (Aulu-Gelle, X, 15, 5 et 25).

[79] Si le conseil se réunit ailleurs qu’à Narbonne, c’est-à-dire hors de la portée du gouverneur, ses décisions sont sans doute nulles : Si quid extra Narbonen finesve Narbonen]sium concilio habito actum erit, id jus rat[umque ne esto. Voyez, de même, pour le conseil des Trois Gaules, qui se réunit au pied de Lyon.

[80] Auguste Bernard, Le Temple d’Auguste et la Nationalité gauloise, Lyon, 1863 ; Hirschfeld, C. I. L., XIII, I, 1899, p. 227 et s. ; le même, Soc. nat. des Antiquaires de France, Centenaire, 1904, p. 211 et s. (Le Conseil des Gaules).

[81] L’expression de Tres Galliæ ou, plutôt, Tres Provinciæ Galliæ est en germe chez Agrippa (Pline, IV, 105) ; elle est courante dans les dédicaces des monuments élevés par le conseil (C. I. L., XIII, 1671 et s.). Elle dut remplacer dans le langage officiel celle de Gallia Comata. On trouve Tres Galliæ dans des monnaies de Galba (Cab., n° 4798, 4199 ; Cohen, 2° éd., Galba, n° 307-8).

[82] Cela, sans être absolument hors de doute, résulte de l’absence complète d’inscriptions mentionnant des prêtres issus de ces régions. Mais j’ai peine à croire, d’une part, qu’il en fût toujours ainsi, et ensuite, que ces trois colonies n’eussent pas des l’origine leurs représentants à l’assemblée. — Je parle ici du début, puisque Nyon et Augst furent ensuite rattaché, à la Germanie Supérieure.

[83] Mais pouvaient-ils y exercer une action politique, puisque leurs cités dépendaient d’un légat de la Germanie ?

[84] L’expression courante pour désigner le sanctuaire des Trois Gaules, est ara ad Confluentem, ad Confluentes, inter Confluentes ; C. I. L., XIII, p. 228-9 ; Tite-Live, Epit., 137 ; Strabon, IV, 3, 2.

[85] Sur le culte des confluents : le tricéphale de Condat, Espérandieu, n° 1316 ; d(eo) M(arti ?) Condati, C. I. L., VII, 420.

[86] Pour le culte des carrefours, voyez les nombreuses inscriptions Biviis, Triviis, Quadriviis (Ihm, Bonner Jahrb., LXXXIII, 1887, p. 87-92).

[87] Cette sainteté traditionnelle du Confluent expliquerait l’importance prise par cette expression de Confluentes dans les documents. — On a supposé que la date de la fête impériale, let’ août, correspondait à une date sacrée chez les indigènes, sans rapport avec le calendrier romain, et l’on s’est appuyé, pour cela, sur le fait que le 1er août était encore, chez les Irlandais, dit la fête de Lug ; d’Arbois de Jubainville, Cycle (Cours de littérature celtique, II, 1884), p. 138 ; Hirschfeld, Soc. des Antiqu., Centenaire, p. 213-215. Cela n’est pas absolument impossible. Mais, d’une part, rien ne prouve l’existence ou la prééminence du dieu Lug en Gaule : d’autre part, le dieu de l’autel est et n’est qu’Auguste, et, quoique le mois d’août s’appelât encore sextilis en l’an 12, lors de la fondation de l’autel, il n’en était pas moins déjà le mois des fêtes impériales, notamment celle du 1er, date de la prise d’Alexandrie : c’est pour cela qu’en l’an 8 av. J.-C. il reçut ce nom de Augustus (Macrobe, I, 12, 35 ; Dion, LV, 6, 7 ; cf. Marquardt, Staatsverwaltung, III, p. 580 et s. ; Hirschfeld, Westdeutsche Zeitschrift, XXIII, 1904, p. 91).

[88] Tite-Live, Ép., 137.

[89] Tite-Live, Ép., 137.

[90] Concilium Galliarum, C. I. L., XIII, 3162. Convent]us arensis ?, 1671.

[91] Pagus Condate, gouverné par des magistri (XIII, 1670), avec des patrons ? (XIII, 1684). Tout ceci est plutôt probable que certain.

[92] L’emplacement exact, sinon de l’autel, du moins du temple, est fourni par la découverte du discours de Claude, au penchant de la colline Saint-Sébastien, plus ou moins près derrière l’église Saint-Polycarpe (qui a peut-être remplacé le temple), juste sur l’arête qui partage la déclivité du coteau en deux versants opposés ; Allmer, Musée, II, p. 29. Cf. Martin-Daussigny, Notice sur la découverte de l’amphithéâtre, etc., Caen, 1863 (Congrès arch. de Lyon, 1862).

[93] On possède peut-être des fragments de l’autel, avec la gravure des lettres et la trace des clous qui devaient servir à fixer les caractères en bronze doré (C. I. L., XIII, 1664). Ils ont été trouvés dans la partie inférieure du Jardin des Plantes. Le texte de Strabon (IV, 3, 2) semble indiquer qu’il portait les noms et les images des cités, ce qui est le cas de l’arc de Suse.

[94] C’est ainsi que j’interprète les deux pièces centrales au-dessus de l’autel ; cf. la planche 1, Rev. num., 1904.

[95] Pour tous ces détails et les suivants, voir les figurations de l’autel sur les monnaies, ici, n. précédente et suivante ; Cabinet des Médailles, n° 4691-4769.

[96] Je songe aux six objets posés sur l’autel à gauche et à droite des lampadaires, et qui demeurent inexplicables. On y a vu, tout à fait à tort, des corps ovoïdes, rappelant les oves des cirques (Willers, Num. Zeitschrift de Vienne, XXXIV, 1902, 101-111 ; contra, Poncet et Morel, Revue num., 1904, p. 46 et s.). Ce peuvent être des emblèmes gaulois, assez semblables, du reste, aux lampadaires ou trépieds centraux, mais plus petits. Au surplus, la forme longue et quadrangulaire de l’autel ne rappelle pas les types classiques.

[97] Strabon, IV, 3, 2.

[98] Le texte de Strabon, corrompu, ne parait pas cependant mentionner le temple. Il est indiqué par les inscriptions, dont aucune ne me parait du premier siècle (C. I. L., XIII, 1691, 1706, 1712, 1714, 17161. Comme ces inscriptions sont beaucoup plus rares que celles mentionnant l’autel. il y a lieu de croire que celui-ci était l’organe principal et primitif du culte, et que le temple a été ajouté après coup, au plus tôt sous Tibère.

[99] Si on lit άλσος chez Strabon, au lieu de la leçon άλλος, et, avant ce mot, peut-être τέμενος. — Peut-être autour et surtout au-devant de l’autel, jusque vers les Terreaux et même Saint-Pierre.

[100] Sur l’emplacement du Jardin des Plantes ; Allmer, II, p. 31-43 ; C. I. L., XIII, 1667.

[101] Supposé moins d’après l’existence d’aqueducs spéciaux au quartier du Confluent (Germain de Montauzan en doute, Aqueducs, p. 135-139) que d’après ce qui se voit ailleurs (n. suivante). Les débris trouvés du côté de la place Sathonay ont été attribués à des thermes (Artaud, Lyon souterrain, 1346, p. 95-7 ; Allmer, Musée, II, p. 332).

[102] Supposé d’après les agglomérations ou champs sacrés similaires (Champlieu, Sanxay, la colline Sainte-Geneviève à Paris, etc.). Cf. Allmer, Musée, II, p. 332.

[103] Peut-être aux quartiers des Terreaux et de Saint-Pierre, où la majorité de ces statues ont été découvertes (XIII, 1669-1772).

[104] XIII, 1669-1678.

[105] XIII, 1672, 1677-8. C’est la série qui est la moins représentée dans les découvertes.

[106] XIII, 1679 et s.

[107] Strabon, IV, 3, 2 : Είκόνες τούτων, les images des soixante cités : texte et interprétation discutés. Le texte de Strabon semble rattacher les images des cités à l’autel, qu’elles fussent sculptées sur la base ou dressées au-dessus.

[108] Une chapelle à Mars (?), Vesta et Vulcain près de Saint-Pierre ? (XIII, 1676) ; XIII, 1673, 1677 : cf. Artaud, Lyon souterrain, p. 195-6.

[109] Le 1er août et sans doute les jours suivants ; Suétone, Claude, 2 ; Dion, LIV, 32, 1.

[110] Dion, LIV, 32, 1 ; Eusèbe, V, 1, 47 et s.

[111] Cf. ludi miscelli, Suétone, Caligula, 20.

[112] Chrétiens livrés aux bêtes. Les combats de gladiateurs donnèrent lieu à de telles dépenses chez les membres du conseil, qu’un sénatus-consulte, sous Marc-Aurèle, dut fixer un maximum au prix des gladiateurs (C. I. L., II, 6278, l. 13-15). — 11 n’est question ni d’un cirque ni de courses de chars : c’est peut-être l’effet du hasard. Cf. Allmer, Musée, II, p. 301-3.

[113] Suétone, Cal., 20 ; Juvénal, 1, 44.

[114] Eusèbe, V, 1, 47.

[115] D’après les analogies qui se montrent, dans l’antiquité, pour toutes les fêtes fédérales de ce genre ; cf. Denys, IV, 49 ; etc.

[116] Dion, LIV, 32, 1.

[117] Eusèbe, V, 1, 47.

[118] Cf. Dion, LIV, 32, 1.

[119] L’inscription de Vieux (XIII, 3162) dit quod patria ejus cum inter ce[teros] legatum eum creasset. Mais tout ce que nous savons des élections en Gaule, exclut un suffrage autre que celui des décurions.

[120] Dion, LIV, 32, 1 ; Censorinus, De die natali, 15, 4 ; C. I. L., II, 6278, l. 24 : Principales viri ; XIII, 1674, 1690, 1691, 1694, 1714, 3162, 5353, etc. — Le titre exact est ce que nous ignorons le plus (cf. n. précédente), et il demeure étrange que les inscriptions n’en fassent pas mention.

[121] Voyez præcipitantes jam in ruinas principalium virorum fortunas, C. I. L., II, 6278, l. 23-24.

[122] C. I. L., XIII, 1667 ; cf. 3162.

[123] Je crois qu’il y eut autant de délégués que de pagi, ce que j’ai aussi supposé pour les druides, le pagus étant l’unité religieuse.

[124] C’est celui que les inscriptions appellent sacerdos Romæ et Augusti ad aram ad Confluentes, ad Confluentem, quæ est ad Confluentem, etc. (XIII, 1674-5, 1036, 1042-5), et, plus souvent, sacerdos ad (ou apud) aram [templum est postérieur] Romæ et Augusti, ce qui est peut-être l’expression technique (XIII, 1699, 1702, etc.). Plus rarement (XIII, 5353), sacerdos III prov. Gall., ou (XIII, 939) sacerdos arensis.

[125] Ce n’est pas directement prouvé, mais parait hors de doute d’après le nombre et la nature des inscriptions.

[126] Tite-Live, Ép., 137.

[127] Rien n’indique un roulement. On trouve des prêtres ou des fonctionnaires chez les Éduens, Ségusiaves, Turons, Sénons, Carnutes, Tricasses, Véliocasses, Viducasses, Vénètes (Lyonnaise) ; chez les Santons, Pictons, Pétrocores, Bituriges Cubes, Lémoviques, Cadurques, Arvernes (Aquitaine) ; chez les Mediumatriques, Nerviens, Viromandues, Suessions (Belgique) ; chez les Séquanes, alors en Germanie (C. I. L., XIII, 1674-5).

[128] Hirschfeld (Centenaire, p. 214) rapporte à ce culte provincial un curieux passage de l’Histoire Auguste (Niger, 6, 7) : Sacra quædam in Gallia, quæ se [?] castissimis decernunt, consensu publico [de la province] celebranda suscepit, et ce sont peut-être d’anciennes cérémonies indigènes ; mais il peut s’agir des cérémonies du culte de la Mère des Dieux, que le conseil de Lyon a pu adopter à la fin du second siècle.

[129] Arca Galliarum.

[130] En supposant, d’après Strabon (IV, 3, 2), que toutes les cités contribuèrent, κοινή, aux frais de la fondation.

[131] Nommément de mines de fer : C. I. L., XIII, 3162 : Judici arcæ ferrar(iarum) [et cette arca est peut-être la même que l’arca Galliarum ; c’est à cette arca que je rapporte peut-être l’a(llectus ?) ferrariarum de deux inscriptions des Vellaves (XIII, 1576-7, quoique, surtout dans 1577, on puisse songer à un munus local). — Cette union entre un corps religieux et une propriété de mines de fer, est une chose très remarquable, et doit remonter au delà des temps romains. Peut-être n’y eut-il là qu’un domaine druidique transféré au conseil des Trois Gaules. — Le conseil des Gaules possède, pour le service de ses bureaux, des esclaves (Galliarum sous-entendu servus, XIII, 1725 ; XIV, 328 ; tabularius, XIII, 1725), auxquels il peut donner la liberté (Trium Galliarum libertus, XIV, 324-8).

[132] Judex arcæ Galliarum : XIII, 1686, 1707-8. — Du même genre, peut-être en sous-ordre, l’allectus arcæ, 1688, 1709.

[133] Inquisitor Galliarum, 1690, 1695, 1697, 1703.

[134] Sur ces titres, en sens divers, Guiraud, p. 140 et s. (voir dans le judex un juge des contestations provoquées par les contributions provinciales, et dans l’inquisitor le juge d’instruction en cas de poursuites contre le gouverneur) ; Cuq, Études d’épigraphie juridique, 1881, p. 31 (voit dans l’inquisitor le contrôleur général chargé de répartir entre les cités de la Gaule les sommes nécessaires à couvrir les frais de l’assemblée provinciale) ; Carette, p. 169 et s. ; Hirschfeld, Centenaire, p. 212-3 (qui a soupçonné des traductions de titres celtiques) ; le même, C. I. L., XIII, 1, p. 230.

[135] Les empereurs et leurs plus hauts délégués, comme Drusus, ont sans doute plus d’une fois assisté aux fêtes.

[136] Cela résulte indirectement de ce qu’on pouvait leur élever des statues. Les plaintes contre Licinus sont antérieures à l’organisation religieuse du conseil.

[137] Il ne serait pas impossible que le conseil des Gaules ou ses hauts fonctionnaires aient eu à s’occuper des affaires du recensement, du tribut et surtout des reliqua. La fondation de l’autel de Lyon correspond, en effet, à la fin du recensement des Gaules. Et on a remarqué que, dans certaines provinces de l’Orient, les chefs des conseils assumaient parfois d’eux-mêmes une certaine responsabilité dans la rentrée du tribut (cf. Rostowzew, Geschichte der Staatspacht, p. 418-420). C’est peut-être à un fait de ce genre que fait allusion l’inscription (C. I. L., XIII, 1694) d’un prêtre, qui] totius cens[us reliqua s(ua) p(ecunia)] dedi[t ; mais la restitution de ce texte est fort incertaine (cf. aussi C. I. L., II, 4248).

[138] Inscription de Vieux (XIII, 3162), où un légat écrit : In provincia Lugdunensi cum agerem, plerosq. bonos viros perspexi, etc., parlant et procédant de la même manière qu’au temps de Cicéron un candidat au consulat visitant ses électeurs italiens (cf. Cicéron, De prov. cons., 8, 30 et s.).

[139] On a objecté que la révolte eut lieu en mars ou avril 68 et que le conseil se réunissait en août. Mais nous ne savons pas s’il n’a pas préparé la révolte dès 67. Nous connaissons si mal cette histoire, qu’on doit se garder de toute affirmation dans un sens ou dans l’autre.

[140] En admettant que la chose ait continué après Varus.

[141] Connu seulement pour les Alpes Cottiennes et les Alpes Maritimes, sous le titre de flamen Augusti provinciæ (XII, 81 : V, 7917, 7259).

[142] Je le suppose, pour expliquer l’entente indiquée par l’inscription d’Hasparren (n. suivante). Je croirais volontiers que le sanctuaire commun fut à Lectoure, la plus importante de ces cités au point de vue religieux (C. I. L., XIII, 502 et s.).

[143] Tout cela, d’après l’inscription d’Hasparren, que je placerais au plus tard sous Septime Sévère (C. I. L., XIII, 412) : Verus, ad Augustum legatum [sic] munere functus, pro Novem optinuit Populis sejungere Gallos. — L’interprétation donnée ici n’est point certaine (remarquez l’absence, dans les listes, de gouverneurs de la Novempopulanie). On trouvera bien d’autres hypothèses chez les auteurs cités au Corpus.

[144] La frontière parait avoir été marquée par le cours de l’Ozon, au nord de Vienne.

[145] Voyez les relations des corporations lyonnaises avec le Midi ; voyez aussi, chez les Chrétiens, la solidarité des églises de Vienne et de Lyon.

[146] C’est le mot de Strabon, έγγύς εΐναι πάσι τοΐς μέρεσι (IV, 6, 11).

[147] Table de Peutinger, s. 1, 4 (Revue des Ét. anc., 1912, pl. 4).

[148] Strabon, IV, 1, 14.

[149] Strabon, IV, 4, 2. Et c’est le devoir du géographe, dit Strabon (IV, 1, 1), de s’attacher à ce qui est délimité φυσικώς et έθνικώς.

[150] Ammien Marcellin, IV, 9-12 ; Expositio totius mundi, 58 (Geogr. Lat. minores, Riese).

[151] Mosaïque de Zeugma ; Reinach, Revue celtique, XXVIII, 1907, p. 1-3. — Cf. Juvénal, VII, 148 ; XV, 111 ; etc.

[152] L’expression de Gallia pour désigner la Circumpadane, disparut du langage officiel en même temps que fut supprimée la province de Gaule Cisalpine, en 42 av. J.-C. (d’après les projets de César ; Appien, V, 3, 12). Elle se maintint quelque temps encore chez les géographes et historiens (Strabon, V, 1, 4 ; Méla, II, 59 ; Pline, III, 112 ; Ptolémée, III, 1, 42, qui applique l’expression de Gallia Togata à la seule Émilie ; Suétone, De grammaticis, 3), et elle reparut peut-être çà et là dans la langue administrative (cf. Suétone, De rhet., 6 ; άπό Β]ονωνίας τής έν Γαλλίαι, inscription du temps d’Auguste, Klio, IX, p. 422).

[153] Ammien Marcellin, XV, 9-12.

[154] Voyez, par exemple, les dédicaces Matribus Gallis, C. I. L., VII, 5, 238.

[155] T. II, ch. XII ; t. V. Gens hominum, etc. ; cf. Histoire Auguste, Trig. tyr., 3, 7 ; Gallieni, 4, 3 ; Saturn., 7, 1.