HISTOIRE DE LA GAULE

TOME III. — LA CONQUÊTE ROMAINE ET LES PREMIÈRES INVASIONS GERMANIQUES.

CHAPITRE X. — CAMPAGNES DE GERMANIE ET DE BRETAGNE.

 

 

I. — MOTIFS DES GUERRES DE GERMANIE ET DE BRETAGNE.

César, l’année suivante, franchit le Rhin et le détroit de Boulogne, et porta la guerre chez les Germains et chez les Bretons (55).

Il était libre enfin de poursuivre ses chimères. La Gaule ne bougeait plus. Épouvantée par les dernières exécutions, bridée par les chefs que César lui donnait, elle était encore incapable d’autre chose que de souhaiter un libérateur et d’obéir à son maître. Avec quelques bonnes paroles, il tira d’elle, cette année, ce qu’il voulut[1].

Rome, depuis les accords de Lucques, paraissait aussi sûre, aussi complaisante que la Gaule[2]. Caton était réduit à l’impuissance, et ses attaques éternelles ne ressemblaient plus qu’aux railleries nécessaires qui accompagnaient les cortèges triomphaux[3]. Les deux complices de César, Crassus et Pompée, avaient été nommés consuls[4], un peu grâce aux soldats que le général laissa partir en congé[5], et un de leurs premiers actes, en 55, avait été de faire voter une loi qui prolongeait d’au moins quatre ans (51-50) les pouvoirs de leur allié[6]. De plus, il est probable qu’on le débarrassa du contrôle du sénat ou du peuple, et qu’on l’autorisa à faire la guerre à sa guise, contre qui il lui paraîtrait bon[7]. Il avait donc devant lui un vaste horizon de six années (56-51), où il pourrait courir sans frein et sans mesure, et devenir l’Alexandre de l’Occident[8].

En apparence, ces guerres de Germanie et de Bretagne furent destinées à compléter la défaite et l’isolement des Gaulois. Des Bretons, l’année précédente, avaient aidé leurs frères d’Armorique[9] ; les Trévires et les Gaulois eux-mêmes appelaient, disait-on, les Germains à leur secours[10]. Il fallait les châtier tous et leur ôter l’envie de revenir[11] : le jour où la Gaule se verrait abandonnée du reste du monde, elle renoncerait à ses dernières illusions. L’esclavage la gagnerait, pour ainsi dire, des extrémités jusqu’au centre.

Mais César, lorsqu’il franchit le Rhin et le détroit, eut d’autres soucis que de parfaire sa nouvelle conquête. J’ai déjà dit son besoin des victoires impossibles et des gloires inconnues[12] : en attendant le Danube et la Scythie, il les rencontrerait dans les îles de l’Océan et les forêts du Nord. Car, vraiment, il y avait, dans ces étranges pays de Bretagne et de Germanie, autant d’attraits et plus de terreurs[13] que dans cet Orient où Pompée s’était taillé à si bon compte une renommée éternelle, et où Crassus allait chercher, lui aussi, à devenir un grand homme[14]. Pour faire concurrence à ses deux amis et à Alexandre même, César énumérait avec complaisance les horreurs grandioses du monde qu’il découvrait : il prenait çà et là, chez les vieux écrivains grecs ou dans les propos des marchands, tous les récits et tous les mensonges qui se débitaient sur les peuples du Nord, et il les mêlait à la narration de ses guerres avec une imperturbable gravité. Cette Germanie que les légions foulaient sous leurs pieds, était la terre des forêts et des fleuves immenses, des peuples innombrables, des animaux monstrueux qu’on ne voit nulle part ailleurs[15] ; ces Suèves qu’elles menaçaient, étaient des hommes d’une taille prodigieuse, d’une force irrésistible, auxquels les dieux immortels eux-mêmes ne sauraient être comparés[16] ; quant à l’île de Bretagne, c’était le pays du mystère[17], on en ignorait tout, disait-il, et la grandeur et la nature, les Gaulois eux-mêmes ne connaissaient rien sur elle[18], et César, omettant Pythéas et les Grecs, donnait à entendre qu’il avait découvert la terre extrême du monde habité[19].

Mais c’est encore de l’idéal qu’un tel amour de gloire. Gardons-nous, en y insistant pour César, de trop embellir son âme. En réalité, d’autres besoins, vulgaires et mauvais, le poussaient aussi à ces nouvelles aventures. Du moment que la Gaule était pacifiée, ni lui ni ses complices ne pouvaient, de quelque temps, y espérer de très belles affaires : il fallait chercher ailleurs l’occasion de ces coups de fortune, comme la mise à l’encan de 50.000 Aduatiques et de la nation des Vénètes. Dans ces multitudes de Bretagne et de Germanie[20] on ramasserait des hommes à foison. La Bretagne, c’était le pays fabuleux de l’étain, où Carthaginois et Marseillais avaient acquis tant de richesses, et c’était l’île aux perles grosses comme le poing[21]. César voulait maintenant de tout cela. Un âpre désir de luxe et de dépense l’avait saisi, aussi fort que son ambition : esclaves, tableaux, meubles et statues, il achetait tout à en avoir honte lui-même[22]. Officiers, soldats et marchands qui l’entouraient, étaient à l’unisson. Dans quelques mois, Quintus Cicéron le suivra chez les Bretons en qualité de légat : et ce qui préoccupe le plus son frère l’orateur, c’est de savoir le butin qu’on y fera[23].

 

II. — LE MASSACRE DES USIPÈTES ET TENCTÈRES.

La fortune de César lui offrit, dès le printemps, l’occasion d’intervenir en Germanie.

Une seconde fois, l’État suève de Franconie et Souabe menaçait de disloquer l’Europe. La défaite d’Arioviste[24] avait fait refluer vers l’Allemagne ces milliers de Barbares qui se pressaient sur les bords du Rhin, de Bâle à Mayence[25]. Comme il leur fallait de la place et des terres, ils les prirent sur la rive droite, au nord du Taunus. Les nations germaniques du Nassau, Usipètes et Tenctères, qui depuis des années soutenaient le choc des hordes de l’Est, furent submergées à la fin, et rejetées en masse hors de leur pays (58-57)[26]. A leur tour, les Ubiens du bassin de Cologne furent attaqués : ils étaient assez forts et assez disciplinés pour résister aux bandes d’Arioviste et de ses héritiers, et ils surent éviter le sort de leurs voisins. Mais leur puissance s’affaiblit dans toutes ces luttes, ils durent payer tribut aux Suèves[27], et ils commencèrent alors à regarder du côté de Rome et de César (automne 57)[28].

Et alors, c’est l’histoire d’il y a trois ans qui recommence. Comme les Helvètes, les Usipètes et les Tenctères cherchent de nouveaux domaines, et leurs tribus nomades jettent le trouble en Germanie[29] ; comme les Éduens, les Ubiens veulent se débarrasser des Suèves, même au prix d’une alliance avec le proconsul romain[30]. La politique que César a appliquée sur le Rhône et la Saône, va lui servir sur la Meuse et le Rhin.

Usipètes et Tenctères errèrent en Westphalie pendant trois années (58-56) : c’était une foule de 430.000 hommes, la terreur de ceux dont elle s’approchait[31]. Les Ubiens et les Sicambres ne purent les accueillir ou les garder[32]. Ils descendirent plus au nord, vers les terres des marécages. Au delà de la Lippe[33], ils se dirigèrent contre les Ménapes, peuplade gauloise qui occupait les deux rives inférieures du Rhin et de la Meuse et les terres basses de la Flandre et du Brabant : régions alors médiocres, pauvres en hommes, où la place ne manquait pas. Les Ménapes ne réussirent pas à les arrêter : la horde franchit le Rhin (à Xanten ?)[34], et se répandit des deux côtés de la Meuse (56-55)[35].

Cela se passa pendant l’hiver, César étant en Italie. Lorsque la chose fut sue en Gaule, elle excita une vive agitation chez quelques peuples. Ces Germains qui arrivaient, sans feu ni lieu, c’étaient, comme on l’avait dit des Helvètes, les libérateurs attendus : et, de différents côtés, on leur offrit de servir comme auxiliaires[36]. Ils ne refusèrent pas, et, remontant la Meuse, leurs avant-gardes prirent contact avec Ambiorix et les Belges de Tongres et du Condroz, amis de César (vers Maëstricht ?)[37].

Quoique le printemps commençât à peine[38], César rejoignit son quartier général, plus tôt qu’à son habitude : rien ne le retenait en Italie, où il venait de tout obtenir du peuple romain. Il voulait, expliquait-il, arriver sur la Meuse avant que l’entente ne fût conclue entre Germains et Gaulois, et ravir à ces derniers jusqu’à l’occasion de l’espérance[39]. Et, ce qu’il ne disait pas, si la campagne devait l’entraîner en Germanie, il fallait la commencer de très bonne heure.

Il avait convoqué auprès de lui (à Amiens ?) l’assemblée des chefs gaulois[40]. A tous, il parla comme à des amis, dissimulant ce qu’il savait de leurs menées : il les plaignit d’être exposés au péril de l’invasion, mais il leur rappela qu’il était là pour les protéger[41], et il ne leur demandait, comme troupes de concours, que quatre à cinq mille cavaliers[42]. César se présentait aux Gaulois en qualité de défenseur contre le Germain : c’était le rôle qu’ils lui avaient offert en 58 contre Arioviste ; l’habile homme le reprenait maintenant, de lui-même et malgré eux. Et il partit pour délivrer les Ménapes[43], qu’il avait combattus l’année précédente, et qu’il se réservait de conquérir à la première occasion.

La campagne contre les Usipètes et les Tenctères ne dura que quelques jours. Ce fut la plus banale des opérations de César et la plus lâche de ses actions. Quand il approcha[44] de cette foule, où dominaient les femmes et les enfants[45], les chefs lui adressèrent un message, plein tout à la fois de franchise, d’orgueil et de détresse : ils ne craignaient personne, sauf les Suèves, mais ils étaient des fugitifs, et suppliaient César de leur laisser les terres qu’ils avaient conquises sur les Ménapes[46]. Le proconsul leur répondit durement que, n’ayant pas su défendre leurs domaines, ils n’avaient pas à conquérir ceux d’autrui, et qu’il ne permettrait jamais une concession de terres qui ferait tort aux Gaulois[47]. — Les Celtes et les Belges qui entouraient César, purent, à ces belles paroles, faire d’étranges réflexions.

Les Germains le prièrent d’arrêter au moins sa marche et de consentir à une trêve de trois jours[48] : ils promettaient de consacrer ce temps à la recherche d’un domicile en Germanie. Le proconsul ne voulut rien accorder, et continua sa marche[49] ; puis, quand il fut à portée de l’ennemi[50], il donna rendez-vous dans son camp à tous les chefs et à tous les anciens de la nation[51].

Les deux armées n’étaient plus qu’à quelques milles de distance[52]. Il devenait bien difficile d’éviter une rencontre[53]. Une troupe de cavaliers barbares, 800 tout au plus, attaquèrent à l’improviste les 5000 cavaliers gaulois, qui, témoins des pourparlers, croyaient déjà à l’armistice. Il en coûta à ces derniers d’être si mal informés et si peu prudents. La charge des ennemis les mit en désordre : quand ils se ressaisirent pour résister, les Germains, selon leur tactique, avaient mis pied à terre, s’étaient glissés parmi les chevaux, éventraient les bêtes, égorgeaient Ies hommes renversés. Il périt de cette manière et d’autre 74 cavaliers[54], et parmi eux quelques-uns des chefs indigènes les plus chers à César[55]. Le reste des escadrons gaulois, quoique six fois supérieurs en nombre à cette poignée d’adversaires, se laissa’ poursuivre, il son habitude, jusqu’en vue de l’armée romaine[56].

Ce ne fut pas un guet-apens, puisque César avait refusé la trêve[57]. Mais après cela les Germains n’eurent à attendre de lui ni justice ni pitié. Le soir, il fit dire aux officiers de tout disposer en vue du combat[58]. Le lendemain, quand les chefs se présentèrent en toute confiance, pour s’excuser de la rencontre et reprendre les pourparlers, il les fit entrer dans son camp, les y enferma[59], et marcha aussitôt avec ses troupes contre le campement ennemi, à huit milles de là (vers Xanten ?)[60] Il l’atteignit passé midi.

Les Germains se trouvaient sans chefs et ne s’attendaient guère au combat[61] ; beaucoup même, dit-on, faisaient la sieste[62]. A vrai dire, il n’y eut pas de bataille. Quelques braves gens essayèrent d’organiser la résistance derrière les chariots : mais les femmes et les enfants prirent la fuite à la vue des Romains, et, après quelques passes d’armes, les hommes suivirent[63].

César lança contre cette foule éperdue ses 5000 cavaliers[64], qui avaient à se faire pardonner leur propre fuite de la veille. Ils tuèrent tout ce qu’ils purent atteindre. Sous l’épouvante de la poursuite, les Barbares arrivèrent dans l’impasse que formait le confluent de la Meuse et du Rhin[65]. Il ne leur resta plus qu’à se précipiter dans les fleuves ; les cavaliers survinrent, et l’eau, la fatigue et l’ennemi achevèrent l’œuvre de destruction. Bien peu de Germains survécurent, et César eut la joie de constater qu’il n’avait, ce jour-là, perdu aucun de ses hommes[66].

Par une ironie qui fut une nouvelle cruauté, le proconsul rendit alors la liberté aux chefs, prisonniers dans son camp. Mais leur nation était détruite, les Ménapes les guettaient pour les livrer au supplice. Ils demandèrent à rester dans le camp romain, ce qui leur fut accordé[67] : et la campagne eut cette conclusion extraordinaire, qu’elle avait été entreprise pour empêcher les Gaulois de prendre les Germains à leur solde, et que César les garda à la sienne.

Il parait qu’à Rome, à la nouvelle de cette triste victoire, le sénat décréta des fêtes et des sacrifices[68]. Caton seul parla haut et ferme, comme à l’ordinaire : il accusa ouvertement César d’avoir Violé le droit des gens, et il proposa de le livrer aux Germains pour détourner de la République la vengeance des dieux[69]

Rome sceptique et gouailleuse dut rire de ces sinistres prophéties et de ce formalisme démodé. Elle était en proie à la même fièvre d’orgueil, d’ambition et de luxe que les trois chefs qui la maîtrisaient[70]. Crassus allait partir (novembre 55) pour franchir l’Euphrate et conquérir la Perse. Et c’est aux applaudissements de tous que César passerait le Rhin et entrerait en Germanie.

 

III. — PASSAGE DU RHIN.

Il y entra comme il était entré en Celtique, sous les auspices d’un peuple ami et avec l’allure d’un libérateur. Les Ubiens, serrés de près par les Suèves, l’appelaient à leur aide ; leurs ambassades ne quittaient plus le camp romain, ils envoyaient des otages, ils offraient des navires, ils suppliaient César de franchir le Rhin et de montrer son armée aux peuples[71]. — C’était le langage que le proconsul aimait le plus à entendre : débarrassé des Usipètes et des Tenctères, il se hâta de consommer l’alliance et de préparer le passage[72].

Ce passage était un acte décisif et solennel. D’abord, César avait proclamé que le Rhin était la limite naturelle de la Gaule et de l’Empire romain[73], et il la franchissait, à peine atteinte, et sans ordre. Ce fleuve, disait-on à Rome, était le fossé creusé par la Providence pour isoler les Barbares du reste du monde[74], et César, sans la moindre provocation, allait mettre le pied dans ces fourmilières humaines. Puis, de tous les grands fleuves dont parlaient les hommes de l’Occident, c’était, le Tibre mis à part, le plus élevé en noblesse et en sainteté ancêtre des guerriers belges[75], juge entre les hommes, protecteur du droit et soutien des forts, le Rhin passait pour un dieu souverain, inviolable et incorruptibles[76].

Mais César se moquait des divinités, des formules et des traditions, ou, plutôt, il y pensait seulement pour montrer qu’il était plus fort que les dieux et que les mots. — Jusque-là, le passage du Rhin ne s’était effectué que par bateau, le fleuve portant et guidant l’homme. César décida de construire un pont, c’est-à-dire de dompter et de supprimer le fleuve. Le franchir sur des barques, disait-il, serait une opération longue et dangereuse, et qui mettrait ses troupes à la merci de leurs auxiliaires[77]. Elle n’aurait pas l’ampleur théâtrale des défilés militaires : il était de sa dignité et de celle du peuple romain, que les légions pénétrassent en Germanie sur un terrain bâti par elles et dans l’ordonnance majestueuse d’une armée triomphale[78].

C’est à Cologne[79], je crois, que César décida la construction du pont : le Rhin y a une largeur de cinq cents mètres, une profondeur moyenne de dix pieds, un courant fort et rapide[80] ; mais c’est le lieu de passage traditionnel pour les riverains de la Basse Allemagne, les barques y étaient nombreuses sur les deux bords[81], et les forêts du voisinage offrent des matériaux en abondance[82].

Ce pont fut construit en bois, sur pilotis et à tablier continu. Les pieux des pilotis étaient disposés deux par deux, séparés, dans chaque couple, par un intervalle de deux pieds[83], mais unis cependant l’un à l’autre par d’épais crampons de bois[84] ; les traverses qui portaient le tablier ne reposaient pas directement sur les pieux, mais s’engageaient dans cet intervalle et venaient s’appuyer sur ces mêmes crampons. Comme ces traverses avaient précisément la largeur de cet intervalle[85], elles se trouvaient emboîtées chacune avec un couple de pieux, la charpente du tablier ne faisait qu’un avec celle du pilotis, et le tout formait un assemblage lié et cohérent, dont les pièces se soutenaient et s’enchaînaient l’une l’autre[86], ainsi que les fils et la trame d’un tissu. Toutes les précautions furent prises pour amortir l’action du courant et le choc des bateaux ou des troncs d’arbres que les ennemis pourraient envoyer contre le pont : les pilotis étaient enfoncés obliques au fil de l’eau[87], des arcs-boutants les renforcèrent en aval[88], des estacades les protégèrent en amont[89]. Sur les traverses, on disposa un triple système de poutrelles, de lattes et de claies[90]. Et cela fit, sur quinze cents pieds de long et quarante pieds de large, un chemin presque aussi résistant que les vieilles chaussées d’Italie. — Les soldats de César ne mirent que dix jours pour construire ce chef-d’œuvre[91] : ce dont le proconsul, à juste titre, fut fier comme d’une victoire[92]. Mais il ne fait pas connaître le nom de l’ingénieur qui la remporta, je veux dire qui traça le plan et dirigea les travaux[93].

Les légions romaines passèrent en ordre sur la route qu’elles s’étaient donnée. Sur l’autre rive, on se trouvait en territoire ami, chez les Ubiens. Mais à peu de distance, vers le nord, commençait celui des Sicambres[94].

Les Sicambres avaient, quelques semaines auparavant, recueilli les cavaliers échappés au désastre des Usipètes et Tenctères[95]. César osa les réclamer : mais les Germains lui rétorquèrent que, puisqu’il leur refusait le droit de passer sur la rive gauche, il n’avait pas à s’inquiéter de la rive droite[96]. Le Rhin franchi, le proconsul descendit contre eux[97].

Il entra dans un pays vide d’hommes. Les Sicambres, depuis le jour où le pont s’était commencé, avaient gagné les marécages et les déserts qui leur servaient de frontières au levant[98]. Pour les atteindre, il eût fallu s’engager dans l’intérieur (par la Ruhr ?), et, comme chez les Morins, faire la guerre aux arbres. César hésitait à s’éloigner du Rhin : quand il eut brûlé les villages et coupé les moissons, il revint sur ses pas et rejoignit ses alliés les Ubiens[99].

De plusieurs nations germaniques des députés arrivèrent à César[100] : le nom de Rome se répandait au loin, les uns le redoutaient, les autres l’invoquaient contre les Suèves[101]. Le moment était venu de commencer la grande guerre pour la liberté de la Germanie et la destruction du peuple qui l’opprimait.

Les Suèves s’y préparaient. L’assemblée générale de la nation s’était réunie et avait pris les plus graves décisions. Ordre fut donné d’évacuer les places fortes et d’expédier dans la forêt les femmes, les enfants et les biens[102]. Tous les hommes valides durent prendre les armes. Ils se donnèrent rendez-vous au lieu central de leur immense domaine (sur le Mein ?)[103] : et là, au cœur de l’Empire, des centaines de milliers d’hommes attendirent César.

Une lutte splendide s’annonçait en face du proconsul, autrement grandiose que celles qu’il avait déjà soutenues. Pour adversaire, le peuple souverain du monde barbare ; pour enjeu, ce monde tout entier ; comme champ de bataille, l’ombilic de l’Europe ; comme cadre au combat, ses prodigieuses forêts ; et, au lendemain de la victoire, l’arrivée sur le Danube, et la descente vers l’Orient et les pays d’Alexandre.

César touchait enfin l’occasion d’une de ces gloires prestigieuses qui hantaient ses rêves. Son armée se trouvait rassemblée autour de lui, solide et entraînée, n’ayant encore dans cette campagne trouvé. ni fatigues ni combats : on était à la belle saison de l’année ; la Gaule paraissait tranquille, les Ubiens guidaient sa marche, l’énorme pont lui assurait la retraite. Le moment était décisif pour la fortune de César et la destinée de l’Empire romain.

Mais cette fois, la sagesse l’emporta sur l’orgueil ; au moment de s’engager dans les profondeurs de la Germanie, César recula, et, comme Alexandre sur l’Indus, il donna l’ordre du retour[104]. — Jugea-t-il la tâche trop dure pour ses hommes ? refusèrent-ils d’aller plus loin ? reçut-il des ordres du sénat ou de mauvaises nouvelles de son parti ou de la Gaule[105] ? Toujours est-il que moins de trois semaines après l’entrée en Germanie, les légions repassèrent le fleuve et détruisirent le pont[106]. Toute la fatigue de la campagne avait été en pure perte : les Sicambres revinrent dans leurs villages, prêts à franchir le Rhin s’il leur plaisait[107], les Suèves demeurèrent les maîtres en Germanie[108], et le fleuve entraîna à la mer les débris du pont de César.

 

IV. — DÉBARQUEMENT EN BRETAGNE[109].

César avait sa revanche à prendre. L’été commençait à peine : il pensa la trouver, cette année même, dans l’île de Bretagne.

La nouvelle expédition fut préparée aussitôt, très vite, mais non sans prudence. Pour se renseigner sur le pays, César ne négligea aucun moyen : il convoqua les marchands et les interrogea lui-même[110] ; il fit partir sur un vaisseau de guerre un de ses meilleurs officiers, le tribun Volusénus, avec la mission de reconnaître les lieux de débarquement[111] ; des tribus de l’île (du pays de Kent ?) lui ayant envoyé des députés, il les reçut de la façon la plus courtoise, et les renvoya chez eux en compagnie de l’Atrébate Comm et de trente cavaliers gaulois[112] : Comm, avisé, brave et beau parleur, connu de longue date en Bretagne, devait servir d’orateur et de fourrier à l’armée du peuple romain[113]. Pour transporter cette armée, le proconsul avait sa flotte victorieuse de la campagne vénète et les vaisseaux des peuplades du littoral, soumises après cette campagne[114] : cent bâtiments de transport, destinés au gros des légions, aux chevaux et aux bagages[115] ; en cas de combat, les vaisseaux longs à la romaine[116], avec leurs équipages de frondeurs, d’archers et d’artilleurs[117] ; sur leurs flancs, des chaloupes prêtes, qui débarqueraient des hommes de première ligne[118] ; en avant-garde, de légers navires servant d’éclaireurs[119] : c’était là une escadre ordonnée, et pourvue de tous ses éléments. — Comme lieux de concentration et d’appareillage, le proconsul s’était hâté d’occuper tous les ports du détroit : au sud de la Canche, ceux des Ambiens, depuis 57, reconnaissaient son autorité[120] ; mais au nord, ceux des Morins, et le principal, Boulogne (portus Itius)[121], étaient demeurés indépendants. César, dès son retour de Germanie, se dirigea de ce côté avec toute son armée : les Morins du Boulonnais se soumirent, il leur prit le plus d’otages possible[122], et, afin de les contenir, il leur donna comme roi Comm l’Atrébate[123]. — Le quartier général s’établit à Boulogne : toute la flotte y fut convoquée, toute l’armée y fut rassemblée[124]. Aucun ennemi ne paraissait sur les eaux du détroit ; la mer était libre[125]. En neuf heures, les légions seraient dans l’île[126], et les vétérans auraient beau jeu contre ce ramassis de sauvages.

Mais rien ne se passa suivant les prévisions de César. Les trafiquants gaulois, qui voyaient sans plaisir les Italiens s’approcher des marchés de l’île[127], répondirent à César qu’ils ne savaient rien du pays, de ses habitants et de ses ports[128] ; puis, laissant le proconsul se tirer tout seul d’embarras, ils avertirent de ses desseins leurs hôtes de Bretagne[129]. Volusénus et ses marins ne firent que louvoyer sur la côte ; ils revinrent au bout de cinq jours, sans avoir osé débarquer et ne rapportant que de vagues indications[130]. Comm, en revanche, put descendre à terre avec ses cavaliers (à Douvres ?), et aborder les indigènes qui avaient député à César ; mais à peine commença-t-il sa harangue, qu’on se saisit de lui et de son escorte[131] : les messages d’amitié envoyés au proconsul ressemblaient fort à une manœuvre d’espionnage.

De plus graves contretemps gênaient César sur le continent. Dix-huit navires de transport restèrent en souffrance, à quelques milles du port (à Ambleteuse), faute d’un vent favorable[132]. Il ne lui fut même pas possible d’emmener beaucoup d’hommes : il dut laisser une légion à Boulogne[133], et en envoyer d’autres contre les Ménapes et le reste des Morins[134] : tous ces Barbares étaient encore insoumis ; ils avaient leurs vaisseaux, leurs marins, des habitudes de brigands et de pirates ; qui sait ce qu’ils tenteraient contre la flotte et la garnison, si on ne les tenait pas en respect ? Et César ne put disposer que de quelques cavaliers, qu’il envoya s’embarquer sur les vaisseaux en retard[135], et de ses deux meilleures légions, la VIIe et la Xe[136]. Ce n’était pas cette petite armée, dix mille hommes à peine, qui ferait de lui le conquérant de la Bretagne : l’été finissait, les mauvais temps survenaient ; à moins d’une chance inespérée, l’affaire, dès lors, paraissait manquée.

César espéra encore cette chance. Quand tout fut prêt, un jour de septembre, il leva l’ancre vers minuit, et, vers neuf heures du matin, les premiers navires s’arrêtèrent devant le rivage breton[137] (le 26 août ?[138]).

L’expédition prit tout de suite le caractère d’une fâcheuse aventure. En face de lui, César trouvait un port excellent, celui de Douvres[139], mais en ce moment inabordable : autour de l’échancrure où pénètre la mer, des rochers, des coltinés, des falaises couvertes d’ennemis[140] ; sur quelque point qu’on débarquât, les traits décimeraient les légions[141] ; en avant de la rade, des jetées ou des barrières de toutes sortes[142] ; partout, des adversaires ou des obstacles, et nulle trace de ces messagers auxquels on avait donné rendez-vous et de Comm leur compagnon. — César fit jeter l’ancre[143], délibéra avec ses officiers, interrogea Volusénus[144] et, dans l’après-midi, se remit en route[145] pour gagner, à sept milles au nord, la grande plage de Deal[146] : c’est là qu’il décida de débarquer (à Walmer ?[147]) : s’il y avait un ennemi à combattre, ce serait sur terrain plan, face à face. — Les Barbares avaient suivi les mouvements de la flotte : grâce à leur cavalerie et à leurs chars de guerre, ils arrivèrent les premiers[148], et poussèrent leurs chevaux sur la grève et les vagues, jusqu’au pied des plus gros vaisseaux[149].

Les premières minutes du débarquement furent terribles : les légionnaires durent aussitôt sauter du haut des navires avec toutes leurs armes[150], et, le corps enfoncé dans l’eau, les mains embarrassées, ne sachant où prendre pied[151], ils eurent à soutenir la charge et à parer les coups[152]. Par bonheur, César put, à force de rames, faire avancer sur la plage les vaisseaux longs, d’où l’artillerie, les archers et les frondeurs assaillirent de mille traits le flanc de l’ennemi[153]. Cela donna à la Xe légion le temps de débarquer et d’engager sérieusement le combat[154]. Pour en finir, le proconsul fit remplir d’hommes les chaloupes, et les envoya sur les points où les Bretons étaient le plus gênants. Débordés et pressés de partout, les indigènes s’enfuirent[155]. Mais la cavalerie romaine n’était point encore arrivée : César n’avait conquis que son champ de bataille[156].

Les Bretons, se sentant les moins forts pour l’heure, délivrèrent Comm et son escorte, et envoyèrent à César des messagers porteurs d’excuses et de promesses. Le chef romain ne se sentait pas en mesure de parler en maître. Il pardonna et accepta tout[157], et il attendit ses chevaux. Son camp fut établi près de la plage, aussi resserré que possible[158].

Après trois jours d’inaction, il aperçut enfin, le matin du quatrième[159], les dix-huit navires qui portaient ses cavaliers[160]. Mais, comme il l’écrivit plus tard, sa fortune d’autrefois lui manqua[161]. Un ouragan subit s’éleva, et, à la vue même de César, sa flottille de renfort se dispersa pour regagner le continent[162].

C’était le temps de la pleine lune et des grandes marées[163] ; la tempête les rendit plus terribles encore. Et le flot montant, cette nuit même, assaillit les vaisseaux de César, arrachant les ancres, rompant les amarres, recouvrant les ponts, brisant les carènes mêmes[164]. Au matin, en présence de sa flotte détruite et de la mer déchaînée, isolée sur cette plage pleine de débris, sans vivres, sans chevaux, sans moyen de retraite, la troupe de César désespéra de la victoire et du salut[165] ; et les indigènes, trahissant une seconde fois, s’apprêtèrent à l’attaquer[166].

Mais dans ces heures d’extrême péril, le proconsul ne perdait rien de son sang-froid et de sa volonté ; et ses hommes, guidés par lui, se pliaient à toutes les besognes. Avec ses deux légions, il fit des prodiges. Chaque jour, l’une d’elles quittait le camp, allant à la recherche des vivres, et, au besoin, moissonnant le blé resté sur pied. L’autre radoubait les navires, avec le bois et le métal qu’on put trouver[167]. Il fallait aussi compter avec l’ennemi. Une fois, la VIIe fut enveloppée par les cavaliers et les chars des Bretons, mais la poussière de l’horizon avertit César, et il put, avec quelques cohortes de la Xe, la dégager sans qu’elle eût trop souffert[168]. Les pluies de septembre survinrent, les indigènes rentrèrent dans leurs villages, les légions restèrent dans le camp, tranquilles et inoccupées[169]. Ce n’était pas cependant un ennemi bien redoutable que les Barbares de ce pays. Quand ils revinrent en nombre assiéger le camp romain, il suffit des deux légions en rang de bataille pour les chasser, et des trente cavaliers de Comm pour décimer les fuyards[170]. — Le jour même de cette rencontre, les indigènes envoyaient une fois de plus un message de paix. Mais César n’attendit pas la conclusion du traité, et, au milieu de la nuit, il leva l’ancre et s’échappa[171].

 

V. — PRÉPARATIFS DE LA CONQUÊTE DE LA BRETAGNE.

Le bénéfice de cette campagne fut plus mince encore que celui de la campagne de Germanie. Au delà du Rhin, César n’avait du moins couru aucun danger, il s’était acquis des amis, il avait fait fuir des peuples et visité des terres nouvelles. En Bretagne, il ne quitta pas les quelques arpents de sable où ses soldats descendirent d’abord, et il faillit y rester pour toujours.

De retour en Gaule, coup sur coup, ce furent de nouveaux désagréments. Les Morins du Boulonnais, le voyant revenir sur ses vaisseaux mutilés, crurent que la petite armée n’était plus qu’une proie bonne à prendre ; et, le jour même du retour, 300 soldats, qui avaient débarqué assez loin du port[172], furent enveloppés par 6000 Barbares, et ne sortirent d’affaire qu’après quatre heures de combat et l’arrivée de cavaliers de renfort[173]. Puis il fallut, dès le lendemain, expédier Labienus et les deux légions de Bretagne contre les Morins des marécages, qui s’étaient révoltés eux aussi : on put du reste les mettre facilement à la raison, grâce à la persistance des temps secs, qui permit de les atteindre dans leurs palus[174]. Quant aux Ménapes, Sabinus et Cotta guerroyaient encore contre eux depuis un mois, brûlant des villages et incendiant des maisons, n’osant poursuivre dans leurs forêts un ennemi insaisissable[175]. Lorsqu’ils rejoignirent César revenu de Bretagne, le proconsul put se dire que ses lieutenants n’avaient pas gagné plus de terrain que lui.

Il ne lui restait plus qu’à ordonner l’hivernage. Les légions furent toutes installées en Belgique, non loin du détroit[176]. Car, dès son retour, César fit annoncer, dans les camps et en Italie, que la campagne prochaine serait consacrée à la conquête de la Bretagne[177]. Ce qui lui permit deux choses : de présenter la misérable expédition de l’été comme une reconnaissance nécessaire, d’intéresser Rome entière à la grande guerre qu’il préparait.

On ne sait de quelle manière furent rédigées les lettres où il raconta au sénat les deux dernières campagnes de l’année, le passage du Rhin et la traversée du détroit : mais soyons sûrs qu’elles l’étaient de manière, les deux consuls aidant, à exciter toutes les passions romaines. En vain, Caton se leva encore pour dénoncer les actes et les desseins du proconsul : ce n’étaient ni le Germain ni le Breton que le peuple devait regarder comme son ennemi, mais César seul ; à moins, ajoutait l’orateur, que Rome ne fût atteinte de folie[178]. Elle l’était bien, en effet, depuis les journées de Lucques, et la parole de Caton, cette fois de plus, ne put rien contre la démence de tous. Le sénat crut tout ce que César et les consuls lui dirent, et l’on décréta vingt jours d’actions de grâces[179], cinq jours de plus que pour la conquête de toute la Gaule, deux fois plus que pour Mithridate, quatre fois plus que pour Jugurtha. Cicéron, dont l’âme mobile et crédule suivait volontiers l’opinion populaire, oublia qu’un an auparavant il avait souhaité de César l’avènement de la paix romaine, et il se réjouit publiquement de ce que le peuple se refusait désormais à fixer des limites à son empire[180].

Aussi le proconsul put, ouvertement, préparer pendant tout l’hiver contre la Bretagne une formidable expédition. En automne, avant de quitter son armée pour revenir en Italie, il laissa à ses légats des instructions minutieuses. Et en son absence, six mois durant, on ne cessa de travailler dans les camps de l’intérieur, sur les ports maritimes, le long des fleuves, dans les forêts et sur les rivages. La Belgique semblait transformée en un vaste chantier, où le légionnaire était charpentier et forgeron[181]. Sur la Marne, à Meaux, les futaies de la Brie fournirent la matière de soixante navires, qui furent achevés sur place[182] ; vingt-huit vaisseaux longs, six cents bâtiments de transport, se construisirent un peu partout[183]. D’Espagne arrivaient des convois de matériaux, métal ou sparte, pour gréer la flotte[184]. On entassa des vivres dans les magasins, des milliers de bêtes de somme dans les parcs[185]. Et comme, sur l’ordre de César, tous les bateaux pouvaient marcher à la rame[186], il fallut réunir, pour cette flotte de 800 carènes, une multitude prodigieuse de rameurs. Elle porterait cinq légions, plus de 2000 cavaliers, au moins 20.000 soldats[187] : ce qui, avec les matelots et les valets, fit près de 50.000 hommes que César allait jeter sur les côtes de Bretagne.

Mais l’expédition militaire se doubla, comme toujours, d’une entreprise commerciale. Tous ceux qui partaient pour File se préparèrent en vue du butin à ramasser, métaux ou esclaves : les officiers de l’état-major et les marchands italiens eurent leurs vaisseaux à eux ; chacun équipa le sien à sa guise et suivant ses ressources[188]. Il semblait qu’on voulût, non pas seulement conquérir la Bretagne, mais en emporter tout ce qui pouvait être pris. A la même date, Crassus organisait de façon semblable sa guerre d’Orient, contre les Parthes et vers les Indes[189]. En aucun moment de sa vie, Rome ne parut davantage la bête monstrueuse qui veut étreindre toutes les terres[190].

De ses résidences italiennes, César conviait le monde à la curée qu’il dirigeait. Ce fut, cet hiver (55-54), le temps où l’or transalpin afflua. Son préfet 1llamurra, son légat Labienus, d’autres sans doute, commençaient à se faire bâtir leurs somptueuses demeures d’Italie[191] ; le proconsul entreprenait à ses frais, en pleine Borne, ce nouveau forum pour lequel on parlait déjà de plus de soixante millions de sesterces à dépenser[192] ; Cicéron lui empruntait de fortes sommes[193] et son frère Quintus venait d’être choisi comme légat[194], ce qui, pour la famille, équivalait à une bonne part dans les bénéfices prochains. En échange, l’orateur couvrait César de gloire dans ses discours, ses lettres et ses vers[195], et il se demandait s’il ne composerait pas un poème sur la guerre de Bretagne[196].

Mais ce parti des éhontés alla si loin, dans ses actes et dans ses propos, qu’une réaction se produisit, et pendant l’hiver même. Le 1er janvier de la nouvelle année (54), Crassus et Pompée quittèrent le pouvoir consulaire, et les honnêtes gens furent plus libres de parler[197]. Des nouvelles précises arrivèrent de Gaule, et on dut se rendre compte de l’incroyable duperie qu’avait été la dernière campagne. Catulle écrivit, contre le proconsul, ces terribles épigrammes qui, plus que les Commentaires de César et que les harangues de Cicéron, disent la vérité sur cette époque : Ces richesses de la Gaule, ces biens de la Bretagne, ces guerres et ces vols, ces sinistres générosités, tout cela ne servira qu’à payer les débauches d’ignobles jouisseurs[198]. Avant même d’être commencée, l’expédition de Bretagne se discréditait peu à peu. Et il arriva même ceci d’extraordinaire, que César, semble-t-il, s’en détacha un des premiers.

Je ne crois certes pas qu’une seule campagne eût suffi pour la soumission de l’île. Du moins, avec de tels soldats et un tel général, on pouvait s’attendre, cette année, à de glorieux succès et à de rapides conquêtes. Mais il eût fallu, pour cela, s’y prendre de bonne heure et s’y donner tout entier. Au contraire, maintenant, César s’attarde plus que jamais en Italie. Il veut, évidemment, tenir tête à ses adversaires, assurer à son parti les élections prochaines, corrompre les uns et effrayer les autres. Et pendant ce temps, l’hiver s’achève, le printemps touche à sa fin. En mai[199], il est encore à Plaisance[200]. Ce n’est qu’au début de juin[201] qu’il revient en Belgique, alors que depuis longtemps il aurait dû camper sur la Tamise. En Gaule même, il cherche des raisons de rester, et il hésite à mettre l’Océan entre ses amis et lui. Si bien que, cette année encore, tiraillé entre le forum et la Bretagne, il ne réussira ni à dominer l’un ni à conquérir l’autre, et il risquera de perdre la Gaule elle-même.

 

VI. — HÉSITATIONS ET RETARDS DE CÉSAR.

Car, pendant cette longue absence de huit mois, tout ne s’était point passé au gré de César. Arrivé en Belgique, il inspecta la flotte : il fallait quelques jours encore pour qu’elle pût prendre la mer et se concentrer[202]. Le conseil des Gaules se rassembla au quartier général : les Trévires n’y parurent point, et le Romain s’aperçut qu’on tramait quelque chose[203].

Ces Trévires étaient alors le seul peuple intact de la Gaule. Ils n’avaient été compromis ni par une connivence étroite avec César ni par des combats contre les légions. Alliés négligents ou ennemis latents, le proconsul ne savait que penser de ces hommes, les plus redoutables, disait-on, de la Gaule indépendante[204]. Aux ordres envoyés par lui, ils se bornèrent à ne point répondre[205]. César disposait encore de quelques jours avant le rassemblement de ses vaisseaux et de ses soldats : avec quatre légions sans bagages et 800 cavaliers, il courut chez les Trévires[206].

Le chef de la cité, Indutiomar, se prépara à la résistance : il expédia les non-combattants dans les Ardennes, et réunit ses troupes[207]. Si la guerre avait lieu, c’était l’expédition de Bretagne compromise. Par bonheur pour César, le Trévire avait un rival, son gendre Cingétorix : à l’approche des Romains, celui-ci accourut se soumettre, d’autres chefs suivirent son exemple, Indutiomar envoya des excuses et des otages, et vint lui-même faire sa cour à César[208]. Le proconsul s’arrangea de façon à brouiller le gendre et le beau-père[209], et, tranquille pour un temps de ce côté, il revint à Boulogne[210].

La flotte était concentrée, mais les soixante bateaux meldois ne purent tenir la mer et restèrent dans les eaux de la Seine[211]. Les contingents gaulois arrivaient, 4000 cavaliers levés dans toutes les cités ; l’Éduen Dumnorix, le plus célèbre d’entre eux, devait prendre part à la guerre[212]. Ce n’étaient pas seulement d’utiles auxiliaires que César entendait emmener ; ces 4000 cavaliers représentaient le meilleur de la noblesse[213] : une fois passés de l’autre côté du détroit, ils deviendraient le plus beau lot d’otages qui pussent garantir au proconsul la fidélité de toute la Gaule, et ce départ de César, loin d’ouvrir aux patriotes de nouveaux espoirs, consacrait leur impuissance[214].

Tout était donc prêt, et cependant César ne partit pas encore. Durant vingt-cinq jours il resta immobile à Boulogne, perdant en vaines attentes le meilleur mois de la guerre (juin-juillet[215]). Il allégua plus tard que les vents du nord-ouest n’avaient cessé de souffler, empêchant de mettre à la voile[216] : c’est possible, mais il se peut aussi qu’il ait eu de nouveaux soucis, venus de Rome ou de la Gaule. En tout cas, dans le désœuvrement du camp, les imaginations travaillaient[217], et Dumnorix se résolut enfin à tenter quelque entreprise.

Depuis six ans, la vie de ce chef se passait dans des alternatives de grands projets et de misérables échecs. Il concevait de glorieux desseins, et, pour les exécuter, n’imaginait que des moyens médiocres, complots et trahisons. Toujours prêt à trahir César, il ne cessait de le servir ; il rêvait de rendre la liberté à la Gaule, et il se laissait offrir la royauté par le proconsul[218]. Même, il commit la sottise de parler de cette offre dans le conseil de son peuple, ce qui brouilla tout le monde ensemble, les Éduens, César et Dumnorix[219]. Celui-ci demeura toujours l’homme des situations fausses. En ce moment, il lâchait Rome, et ne parlait plus que d’indépendance. Dans le camp, il allait mystérieusement de l’un à l’autre chef, donnait sa parole qu’il était tout acquis à la cause gauloise, déclarait qu’il ne fallait point s’embarquer, et exposait son plan d’insurrection générale. Quelques-uns l’écoutèrent, mais beaucoup racontèrent tout à César[220].

Le général ne le perdait pas de vue. Quand Dumnorix le supplia de le laisser en Gaule, prétextant tantôt sa peur de la mer et tantôt des scrupules religieux, il lui intima l’ordre de s’embarquer[221]. Mais le jour du départ, l’Éduen profita du désordre pour quitter le camp à cheval, à la tête des hommes de sa nation[222].

César ne pouvait laisser derrière lui ce fauteur de troubles. Il lança tous ses cavaliers à sa poursuite, avec ordre de le ramener mort ou vif. Dumnorix fut rejoint, et résista bravement. On le tua, et les Éduens, qui paraissent l’avoir peu défendu, revinrent à César[223]. — C’est le plus fameux des chefs gaulois qui disparaît. Avant de mourir, il s’était écrié qu’il était libre et appartenait à une cité libre[224] : suprême déclaration d’indépendance, jetée presque à la face de César, au nom des vaincus et par celui-là même qui aurait dû être leur chef. A sa dernière heure seulement, dans le geste et le mot qui provoquèrent sa mort, Dumnorix rencontra l’attitude du devoir.

Toutes ces affaires, Dumnorix après Indutiomar, montraient à César que la Gaule n’était point sûre, et qu’avant de prendre de nouvelles terres, il fallait consolider ses premières conquêtes. Mais différer une entreprise grandiose, escomptée par tant d’Italiens et déjà rêvée par les poètes, la remplacer par d’obscures campagnes[225] contre des peuplades depuis longtemps connues, cela lui parut indigne de sa gloire et de la majesté du peuple romain. Le signal du départ fut enfin donné. Il laissait, pour surveiller la Gaule, deux mille cavaliers, trois légions, et Labienus à leur tête[226]. Et, un soir de juillet (le 21 ?)[227], les huit cents navires qui portaient sa fortune cinglèrent de concert avers le nord.

 

VII. — LA GRANDE EXPÉDITION DE BRETAGNE.

Toutes les précautions militaires, navales et politiques semblaient prises pour obtenir des succès rapides et décisifs. Les légionnaires étaient nombreux, pleins d’entrain et de vigueur, et depuis trois saisons ils se reposaient de combattre. Ils partaient escortés par la plus belle cavalerie de la Gaule, et par quelques-uns des Romains les plus nobles. La flotte qui les portait était la plus formidable qui eût navigué sur l’Océan depuis Ies temps fabuleux. César, dit-on, avait tracé lui-même le dessin et fixé les dimensions des navires, et il expose dans ses Commentaires son œuvre d’architecte naval avec la même complaisance que ses mérites de pontonnier sur le Rhin[228]. Il renonça, explique-t-il[229], aux vaisseaux de transport traditionnels, à la romaine ou à la gauloise ; l’expérience de l’année précédente avait montré que les hauts bords alourdissaient le navire, et retardaient toutes les opérations de chargement, débarquement et mise à sec : il fit donc ses transports très bas et très larges, de manière à développer les lignes de façade et à multiplier ainsi les sabords et les points de descente ; moins pesants et plus équilibrés, ils seraient plus aisément traînés sur rouleaux et placés à l’abri sur terre ferme ; et enfin, la hauteur des bâtiments se trouvant réduite, on put les faire aller à la rame, même contre le vent, et les gouverner par là avec précision et rapidité. César eut ainsi les instruments de guerre qu’il préférait, ceux qui allaient à sa volonté, marchaient vite et sûrement. — Enfin, il avait préparé à ses légions, de l’autre côté du détroit, des alliances utiles, l’équivalent, croyait-il, des Éduens, des Rèmes et des Ubiens.

La Bretagne gauloise, au temps de César, ressemblait en effet à la Celtique de Dumnorix ou à la Belgique de Galba. C’était le même besoin de se grouper sous une direction forte, et la même impuissance à. abdiquer ses égoïsmes et ses jalousies. De l’estuaire de la Tamise à l’île de Wight, trois ou quatre nations se partageaient les pays du Midi[230]. Au nord du fleuve, les puissants Trinobantes dominaient du côté de l’Océan[231] ; un autre peuple occupait les régions de Hertford et du Middlesex[232], un troisième s’étendait vers Bristol[233]. Plus au nord, c’étaient terres et nations inconnues[234], et il est possible qu’au temps de César, la langue et la parenté gauloises fussent encore limitées à ces régions du sud-est[235].

De ces peuples, le mieux situé était celui de Hertford, dont César ne nous donne pas le nom[236]. Il tenait le milieu de ces régions, à égale distance des trois mers ; il touchait à la Tamise et à l’isthme de Reading, la route vitale de l’Angleterre ; le carrefour de Londres était à sa frontière[237] ; en arrière, les collines boisées des Chiltern Hills lui servaient d’appui et de retraite ; ses terres formaient un plateau élevé, où abondaient les bonnes redoutes. Et il ressemblait à l’État éduen, qui dominait ; du centre de la Gaule, les passages de l’Auxois, la route du Rhône et le confluent de Lyon.

C’est au profit de cet Etat que se tentait alors l’unité de la Bretagne gauloise. La valeur de sa situation était accrue par le mérite de son chef, Cassivellaun[238]. Ce fut un homme ambitieux, habile, fort brave, plus obstiné et plus avisé que la plupart des Gaulois du continent. Il avait conservé, comme ses voisins, l’usage des chars de guerre, et il sut utiliser cette vieille arme pour de rudes charges et de savantes manœuvres[239]. Depuis plusieurs années, à la tête de ses quelques mille essédaires, il s’était rendu redoutable à ses voisins et surtout aux Trinobantes, la nation rivale de la sienne : il avait tué leur roi, chassé son fils, réduit sans doute le pays et les hommes[240]. Un robuste empire naissait sur les bords de la Tamise. — César se hâta d’exploiter les haines qu’il suscitait. Le fils du roi vaincu, Mandubrac, s’était réfugié sur le continent, réclamant les secours de Rome : le proconsul le ramena avec lui pour le rendre à son peuple et se faire aider de l’un et de l’autre[241].

Toutes ces précautions prises, la campagne, le premier jour, ressembla à un triomphe. Au lever du soleil[242], à la vue de ces huit cents navires qui couvraient la mer, les indigènes du pays de Kent, massés sur le rivage, furent saisis d’épouvante et s’enfuirent dans les terres[243]. On débarqua vers midi, en ordre et à loisir[244] (vers Sandown Castle[245]), et, le jour même, un vaste camp fut installé près de la plage, à portée des navires[246].

La nuit même, quatre légions et presque tous les cavaliers partirent avec César à la recherche des ennemis. On les trouva le matin, à douze milles du rivage, sur les bords d’une rivière[247] (à Canterbury sur la Grande Stour ?[248]) : on les chassa, ils se réfugièrent dans la forêt, sur une hauteur, au milieu d’abatis d’arbres formant rempart[249]. La VIIe légion dut, pour les atteindre, faire un siège en règle. Mais, à peine touchés, les indigènes s’enfuirent plus loin. La nuit s’approchait, César dut s’arrêter et camper sur ce point[250]. Les choses n’allaient déjà plus aussi bien.

Elles allèrent mal le lendemain. César venait à peine de repartir à la poursuite des Bretons, que des messagers accourus du port lui apprirent le désastre de sa flotte. Une tempête avait éclaté pendant la nuit ; les navires n’étaient pas encore mis à sec ; trop légers peut-être pour résister aux grosses lames[251], ils avaient été jetés à la côte, quarante étaient détruits, les autres n’étaient plus en état de tenir la mer[252]. Cette belle flotte dont César fut l’inventeur ne vécut que deux journées.

Il revint en toute hâte[253], afin d’en créer une nouvelle. Les légionnaires se remirent à la besogne pour réparer les vaisseaux naufragés. L’ordre fut envoyé à Labienus d’en construire et d’en expédier de nouveaux. Tous les bâtiments furent tirés sur le rivage, enfermés dans le camp. Et ce camp devint une sorte de ville énorme et étrange, dont les remparts embrassaient à la fois la flotte et l’armée, des centaines de navires aux masses imposantes surgissant du milieu des tentes disséminées à leur ombre[254].

Nuit et jour tout le monde travailla. Mais cela nécessita dix journées de temps et de fatigue[255]. Et ces journées vinrent s’ajouter au mois perdu à Boulogne, à la semaine perdue chez les Trévires, au printemps perdu en Italie. On atteignait le mois d’août. Rien encore n’était commencé de la conquête[256].

Pendant ce temps, les Bretons profitaient de ce long répit pour se préparer et pour s’entendre. Devant la menace de César, la plupart oublièrent leurs jalousies. On jugea que Cassivellaun était seul capable de grouper toutes les résistances, et les nations gauloises lui remirent le commandement suprême[257]. — Ainsi, cette colonie de Bretagne, qui fournissait aux druides les plus pures leçons du droit religieux, lui montrait en ce moment le plus pur exemple dû devoir politique.

Cassivellaun réunit toutes les forces des alliés, et il attendit César près de l’endroit où s’était livré le dernier combat[258]. Les Romains auraient maintenant à combattre, non plus des indigènes désunis, mais l’armée compacte d’un grand peuple. Il est vrai que c’était pour les Romains un motif d’espérer encore : si Cassivellaun et les Bretons, unis en masse, acceptaient la bataille, il suffirait de quelques heures à César pour en finir avec lui et avec la Bretagne toute entière.

Mais Cassivellaun trouva la seule tactique qui pût avoir raison d’une armée romaine. Pas une seule fois il n’offrit ou n’accepta la bataille, pas une seule fois il n’engagea plus de quelques chars ou de quelques cavaliers, et chaque fois il les engageait presque à coup sûr. Les ennemis étaient-ils serrés en rang de marche ou en ordre de combat, les indigènes restaient dissimulés dans les bois. Mais si les cavaliers romains s’aventuraient dans une reconnaissance, si les légionnaires se dispersaient pour aller au fourrage ou bâtir le camp, les chars accouraient de la forêt, s’enfonçaient au galop à travers les rangs épouvantés, lançaient les javelines, s’échappaient avant qu’on pût les atteindre, et, après le passage de la charge, les Romains n’avaient plus qu’à compter leurs morts. On essaya bien, tout d’abord, d’envoyer derrière eux les escadrons gaulois. Mais les Bretons se laissaient pourchasser ; et, quand ils avaient isolé leurs adversaires du gros de l’armée, ils s’arrêtaient, sautaient à terre, et la lance ou la javeline jetaient vite à bas le cavalier ou sa monture. Cette brillante cavalerie amenée de Gaule devint inutile : César lui ordonna de garder le contact des légions, à celles-ci de demeurer groupées ; et l’armée romaine n’avança plus que lentement, massée comme un troupeau qui fuit l’orage, guettée à tous les sentiers qui croisaient son chemin, traquée à tous les bouquets d’arbres qui le bordaient. Et devant elle, l’ennemi disparaissait, et faisait disparaître bestiaux et vivres[259].

Elle avança en dépit de tout, soutenue à chaque étape par quelque succès[260]. On passa la Tamise à gué, malgré les démonstrations de l’ennemi et les pieux dissimulés dans le courant (à Brentford ?)[261]. On entra alors sur le territoire de Cassivellaun[262] ; les Trinobantes se détachèrent de lui, reprirent leur roi des mains de César, et nourrirent son armée ; d’autres nations suivirent leur exemple[263]. On put continuer à marcher vers le nord[264], et on trouva, au milieu des bois et des marécages, le grand refuge de Cassivellaun, entouré de fossés et de palissades. Les légions, heureuses de rencontrer enfin quelque résistance, l’enlevèrent du premier élan, firent main basse sur quantité de bestiaux ; mais le chef leur échappa[265].

Pour délivrer ses terres, il lança contre le camp de la flotte, par derrière l’armée de César, les quatre rois et tous les guerriers du pays de lient. L’attaque fut repoussée[266]. Quand il eut perdu ses alliés, ses sujets, ses bestiaux et sa capitale, il songea enfin à se rendre. Mais ce fut en prenant ses précautions pour ne pas subir toute la loi du vainqueur. Il s’adressa à Comm, l’ami de César et l’hôte des Bretons, et il obtint du proconsul, moyennant des otages et la promesse d’un tribut, la vie, la liberté, le retour dans ses États et la retraite des légions[267]. Ce Breton fut le plus heureux de tous les adversaires qu’ait rencontrés César ; et, au demeurant, il ne tarda pas à devenir le véritable vainqueur : car, peu de jours après, il était à tout jamais délivré du Romain et délié de ses promesses.

Si le proconsul avait accepté de traiter, c’est qu’il ne pouvait continuer la guerre en automne, à cinquante lieues de ses vaisseaux et de ses réserves[268]. Il avait même renoncé à hiverner en Bretagne : que les Gaulois ne le vissent pas revenir, et ils débiteraient mille sottises pour s’exciter à la révolte. Le retour de l’armée fut décidé[269].

En apparence, elle venait de conquérir la Bretagne gauloise. Les six à huit grandes peuplades du Sud-Est s’étaient soumises et avaient livré des otages[270]. On rapportait des cargaisons d’esclaves[271]. Pour que cette guerre ne ressemblât point trop à une entreprise de marchands d’hommes, pour en consacrer les résultats par des formules précises et solennelles, César édicta un tribut annuel à payer par la Bretagne au peuple romain[272], et peu s’en fallut que le mot de province ne fût prononcé[273].

Peu avant l’automne, toute l’armée repassa le détroit : il ne resta, de l’autre côté, ni un homme ni un vaisseau[274]. César et ses légions ne reviendront plus en Bretagne ; les affaires du continent les absorberont désormais. On ne sait ce qu’il advint des otages et du tribut : s’il fut payé, ce ne fut pas longtemps. Dès l’année suivante, l’île est aussi indifférente à César que s’il n’y a jamais été. Elle accueille les proscrits et les fugitifs des guerres de Belgique, et il néglige de les poursuivre ou de les réclamer. La Bretagne va devenir l’asile des Gaulois obstinés dans leur indépendance ; elle reprit tout naturellement la sienne, le jour où le dernier vaisseau de César disparut à l’horizon[275].

 

VIII. — ÉCHEC DES GRANDS DESSEINS DE CÉSAR.

Cette flotte et cette armée formidables n’ont donc été construites, occupées et fatiguées que pour forger un mensonge de plus à la gloire de César. Il s’ajouta à ceux de l’année précédente, du passage du Rhin et de la marche contre les Suèves. Les campagnes de Germanie et de Bretagne ne furent que les coupables fantaisies de la saison d’été.

Il est probable qu’il songeait, pour l’année suivante, à de nouvelles aventures au delà des frontières[276]. A son retour d’Angleterre, il n’avait trouvé d’autres ennuis que ceux qui lui venaient de Rome, la mort de sa fille Julie[277], les querelles du forum[278], la menace d’une dictature de Pompée[279]. Mais Belges et Celtes, bien surveillés par Labienus, n’avaient point bougé[280]. L’assemblée gauloise d’automne eut lieu à Amiens, sans incident[281]. On commença les préparatifs de l’hivernage : l’été ayant été très sec et le blé rare, on fut obligé de distribuer les légions depuis la Normandie jusqu’aux Ardennes[282]. Mais elles ne s’éloignèrent ni du Rhin ni de la Manche, comme si les rêves de César demeuraient encore fixés sur la Bretagne et la Germanie.

Mais l’automne qui commence en ce moment (54) marque le terme des grands desseins et des illusions militaires du proconsul. Dans les cinq ans qui s’achèvent, il avait cru soumettre ou conquérir la Celtique, la Belgique, l’Aquitaine, la Germanie et la Bretagne. En réalité, il n’a fait que les effleurer de ses légions et de la crainte de Rome : la destruction de quelques peuples n’était point l’esclavage de tous. Pour trop embrasser de terres et de nations, son autorité n’a encore réussi à rien étreindre. Désormais, elle va être ébranlée sans repos, secouée et rejetée par ceux dont il se dit le maître. Chaque saison verra une révolte nouvelle, et plus étendue que la précédente. César ne fera plus que repousser des attaques et défendre ses positions.

Mais, par cela même, il les rendra plus solides. Après la répression de chaque révolte, la domination romaine se fera plus complète ; et, après la dernière, le régime provincial commencera, avec des charges précises et un statut régulier. César, qui jusque-là n’a rien fait qu’à moitié, se verra contraint d’achever sa tâche, et, après avoir cherché en Gaule la gloire du moment, il y construira une œuvre éternelle.

 

 

 



[1] César, IV, 6, 3 ; 7, 1.

[2] Dion, XXXIX, 29 et suiv.

[3] Dion, XXXIX, 28, 2 et suiv. ; 34, 1 et 2 ; etc.

[4] Dion, XXXIX, 31, 1.

[5] Dion, XXXIX, 31, 2 ; Plutarque, Pompée, 51 : Publius Crassus le jeune les amena ; il revint ensuite en Gaule pour chercher des mercenaires en vue de la guerre parthique, en 54-53 (Plutarque, Crassus, 17).

[6] Les pouvoirs de César expiraient, je crois, le 1er mars 54. — Que son proconsulat ait été prorogé de cinq ans (mars 54-mars 49) par la lex Pompeia Licinia, c’est ce que je ne peux croire : aucun texte ne le dit, et quelques-uns semblent dire le contraire (Cicéron, textes indiqués plus bas ; Hirtius, De b. G., VIII, 39, 3 ; le même, 49, 2). Il est seulement certain que ses pouvoirs allaient jusqu’au 1er mars 50 (Célius ap. Cicéron, Ad fam., VIII, 8, 9. — Pour tout le temps au delà, du 1er mars 50 jusque vers juillet 49, soit seize mois (cf. César, De b. c., I, 9, 2), il y eut débat entre César et ses adversaires ; la proposition de terminer le proconsulat en novembre 50 (Cicéron, Ad fam., VIII, 11, 3) consistait, je crois, à partager le différend par moitié. — Ce débat avait son origine, à ce qu’il semble, dans les faits suivants. 1° La lex Pompeia Licinia stipulait sans cloute qu’il ne serait pas délibéré sur les provinces de César avant le 1er mars 50 (Célius, l. c.) : c’est-à-dire que ses pouvoirs lui étaient implicitement ou explicitement prorogés de quatre ans (ce qui leur donnait, en ne tenant pas compte du consulat, une durée de huit ans, de mars 58 à mars 50, cf. Dion, XXXIX, 33, 3). 2° Le choix de cette date, mars 50, s’explique parce que les provinces proconsulaires étaient réparties, d’après la lex Sempronia environ un an et demi avant l’entrée en fonction des proconsuls, et que le successeur de César, choisi vers ce mois de mars 50, et qui serait un des consuls de 49, n’arriverait en Gaule qu’en janvier 48, date à laquelle César pourrait être consul de nouveau : ce qui, en fait, lui donnait dix ans de gouvernement en Gaule, 58-49. 3° Mais une loi de Pompée en 52 abrogea la lex Sempronia (Dion, XL, 56, 1) : ce qui permettait au sénat, en délibérant dès le 1er mars 50 sur les provinces de César, de le remplacer sur-le-champ ; il est possible que César n’accepta pas cette conséquence de la loi de Pompée. 4° Un plébiscite, en mars 52 (?), stipula que César pourrait se présenter au consulat quoique absent (César, De b. c., I, 9, 2 ; Suétone, César, 26 et 28 ; Cicéron, Ad Att., VIII, 3, 3) : or, comme il ne pouvait être consul, vu la loi du decennium, avant janvier 48, être élu par suite avant juillet 49, il suivait de là que César pouvait se croire le droit de garder ses pouvoirs jusqu’en juillet 49 (César, De b. c., I, 9, 2 ; Cicéron, Ad Att., VII, 7, 6 ; 9, 4 ; Célius ap. Cicéron, Ad fam., VIII, 11, 3 ; Cicéron, Ad fam., VIII, 8, 9 ? ; Phil., II, 10, 24 ; Tite-Live, Ép., 108). 5° Mais une loi postérieure de Pompée, en 52, interdit toute présentation d’absent au consulat (Suétone, César, 28, 2 et 3 : lire lege et non nec ; Dion, XL, 56, 1 et 3) : ce qui ramenait César aux prescriptions de la lex Pompeia Licinia, à son remplacement possible le 1er mars 50 : il est probable, comme pour la loi provinciale de 52, que César n’accepta pas cet effet rétroactif de la loi de Pompée (cf. Dion, XL, 56, 2). Le principal du débat concernait donc l’absentis ratio (Cicéron, Ad Att., VII, 7, 6 ; 9, 4). 6° Les plus acharnés des ennemis de César interprétaient la lex Pompeia Licinia comme si elle autorisait, pour le ter mars 50, non pas la délibération sur les provinces de César, mais son rappel, et proposaient de lui nommer, dès 51, un successeur pour cette date du 1er mars 50 : ils s’appuyaient sur le fait, disaient-ils, que son proconsulat était une mission militaire, liée à la conduite d’une guerre, et que cette guerre était finie (Cicéron, Ad fam., VIII, 1, 2 ; Ad Att., III, 3, 3 ; Suétone, César, 28, 2) : ce qu’on avait déjà dit en 56 à propos de la première période du proconsulat.

[7] Cf. Dion Cassius, XXXIX, 33, 2 (il est vrai que la chose n’est indiquée que pour Crassus en Syrie et Pompée en Espagne).

[8] Cf. Cicéron, Pro Balbo, 28, 64 ; In Pisonem, 33, 81 et 82 ; Dion, XXXIX, 53.

[9] IV, 20, 1 (peut-être aussi en 57 ; cf. II, 14, 4) ; III, 9, 10.

[10] IV, 6, 3 ; III, 11, 2 ; IV, 16, 1.

[11] IV, 16, 1 ; 20, 1.

[12] C’est ce que dit Dion (XXXIX, 48, 4) à propos du passage du Rhin. De même, à propos de la Bretagne (53, 2).

[13] Dion, XXXIX, 53 ; Cicéron, Ad Quintum fratrem (alors en Bretagne, en 54), II, 16, 4 : Quos tu sites, quas naturas rerum et locorum, quos mores, quas gentes, quas pugnas, quem vero ipsum imperatorem habes !

[14] Dion, XXXIX, 39, 5.

[15] VI, 25, 5 : Quæ reliquis in locis visa non sint. César, VI, 21-28 : il cite Ératosthène et autres Grecs (24, 2, par Timée ?), je crois d’après Posidonius, à qui il me semble emprunter 24-28, avec additions de remarques personnelles (VI, 25, 2 ? : 24, 4-5) ; le reste (21-23) parait venir surtout d’enquêtes faites chez les Ubiens, et se rapporter moins à tous les Germains qu’aux Suèves (cf. IV, 1-3).

[16] IV, 1, 3 ; IV, 7, 5.

[17] Plutarque, César, 23.

[18] César écrit de la Bretagne (IV, 20, 2) : Omnia fere Gallis erant incognita, et il ajoute (20, 3, 3) que les marchands seuls y vont, alors que, dans presque chaque livre (II, 14, 4 ; III, 9, 10 ; 8, 1 ; IV, 20, 1 ; 21, 7 ; V, 12, 2 ; etc.), il insiste sur les rapports entre Belges et Bretons. Sur ce point, César dépasse la mesure : ce qui est du reste la caractéristique de presque tout ce qu’il a écrit sur l’année 55.

[19] Cf. Appien, Civilia, II, 150, 625 ; Plutarque, César, 23 (il y a même έξω τής οίκουμένης). C’est pour cela qu’il ne décrira la Bretagne qu’après la mise en marche de ses légions en 31 (V, 12 et suiv.) : description faite en partie de visu (12, 2-5 ; 13, 1 et 4 ; 14, 1), en partie empruntée à d’autres (13, 3), peut-être surtout à Timée : les mesures de l’île, un triangle de 500, 700, 800 milles (13, 1, 5, 6), semblent venir en dernière analyse de ce dernier.

[20] Hominum... infinita multitudo, V, 12, 3 ; IV, 1, 1.

[21] Suétone, César, 47 ; cf. Pline, IX, 116, et Solin, XXII, 10.

[22] Suétone, César, 47.

[23] En 54 : Ad Att., IV, 16, 13 (præda ex mancipiis) ; Ad fam., VII, 7, 1.

[24] Il a dû mourir des suites de ses blessures ; César, V, 29, 3.

[25] I, 54, 1 ; III, 7, 1.

[26] IV, 4, 2 ; 1, 2.

[27] IV, 3, 4.

[28] II, 33, 1.

[29] IV, 4, 2.

[30] IV, 8, 3 ; 16, 5.

[31] IV, 4, 2 ; 15, 3 ; Appien, Celt., 18 ; 1, 4 ; Plutarque, César, 22.

[32] D’après IV, 4, 2. Je crois d’ailleurs que les Usipètes et les Tenctères restèrent en bons termes avec les Sicambres.

[33] IV, 4, 2-7

[34] César raconte (IV, 4, 2-7) que les Ménapes évacuèrent leurs terres transrhénanes (c’était donc assez peu de chose : les environs de Wesel, Rees et Emmerich, partie transrhénane du pagus Dubla ?) et garnirent de postes la rive gauche ; les Germains n’ayant pu franchir le Rhin faute de vaisseaux et crainte des gardes, s’éloignèrent du fleuve par ruse, jusqu’à trois jours de marche (le long de la Lippe ?) ; les Ménapes les crurent partis pour toujours, ramenèrent leurs barques et réoccupèrent la rive droite ; alors les Germains revinrent, écrasèrent les Gaulois et profitèrent des barques pour traverser. Le passage n’a donc pu avoir lieu qu’à un endroit et sur une route fréquentés. Je propose Wesel ou Xanten, et l’installation des Germains dans le pays de Xanten. — On a proposé bien d’autres endroits, et jusque près de Leyde (de Vlaminck, Messager, 1882, p. 444).

[35] Cf. IV, 9, 3 ; 6, 4.

[36] IV, 5 ; 6, 3.

[37] S’il faut prendre à la lettre in fines Eburonum et Condrusorum (6, 4), leurs éclaireurs ont poussé jusque vers Huy. Mais je crois que le campement principal est resté près de Xanten.

[38] Supposé d’après IV, 6, 1.

[39] IV, 6 et 5.

[40] Principibus Galliæ evocatis, IV, 6, 5. Je crois que l’armée, qui avait hiverné chez les Aulerques, les Lexoviens, sans doute aussi en Normandie, en Bretagne et près des Morins (III, 29, 3), fut concentrée au printemps (cf. 6, 1). Je songe à Amiens, que nous allons retrouver comme quartier général en 54-53 (V, 24, 1 ; 47, 2).

[41] IV, 6, 5.

[42] IV, 6, 5 ; 7, 1 ; 12, I.

[43] Il a pu prendre la route d’Amiens, Bavai. Tongres, passer la Meuse à Maëstricht, en suivre la rive droite dans la direction de Gueldres et Xanten (future voie romaine).

[44] A Maëstricht ? IV, 7, 2 : à une distance du campement de paucorum dierum iter, sans doute de 2 à 3 jours (cf. 9, 1 ; 11, 1).

[45] Cf. IV, 14, 5.

[46] IV, 7, 2-5 ; Dion, XXXIX, 47, 2.

[47] IV, 8, 2 : Neque ullos in Gallia vacare agros, qui dari... sine injuria possint ; Dion, XXXIX, 47, 2. Il leur offrit des terres chez les Ubiens (IV, 8, 3 ; 11, 2).

[48] IV, 9, 1 et 2.

[49] Pendant deux jours et demi ? cf. 9, 1 ; 11, 1. Il refusa la trêve, sous prétexte que les Germains ne la demandaient que pour faire revenir leurs cavaliers, en train de piller trans Mosam ad Ambivaritos (9, 3 ; 11, 4 ; 12, 1 : parties septentrionales du Brabant ou du Limbourg ?).

[50] A douze milles de leur campement: César était donc alors à Strælen ? Il reçut là une nouvelle ambassade, demandant de nouveau une trêve de trois jours (IV, 11). Il refusa encore, pour le même motif.

[51] IV, 11, 5.

[52] A douze milles, avec la cavalerie en avant (note 50).

[53] César affirme avoir donné des ordres en conséquence (IV, 11, 6).

[54] IV, 12, 1-6. Il ne faut pas oublier la célébrité de la cavalerie des Usipètes et Tenctères.

[55] Entre autres Piso Aquitanus et son frère (12, 4-6).

[56] IV, 12, 2 ; Appien, Celt., 18 ; Plutarque, César, 22 ; Dion, 47, 3. Il est possible qu’il y ait eu trahison (cf. 13, 3), comme lors de la poursuite des Helvètes. — Le combat eut lieu dans la plaine, entre Simien et Gueldres ?

[57] César lui-même dit petitus et non impetratus (IV, 11, 2), petita pace (13, 1).

[58] IV, 13, 1-4. Il campa à huit milles de l’ennemi (11, 4 ; 14, 1), soit vers Gueldres ? car il s’était avancé de quatre milles depuis la dernière entrevue, aquationis causa, pour abreuver la cavalerie dans les eaux de la Niers (Napoléon III, p. 159) ? — Pour se justifier, César énumère ici les motifs qu’il avait de combattre sur-le-champ : 1° venger le guet-apens ; 2° ne pas attendre le retour des cavaliers des Germains ; 3° ne pas compromettre son prestige chez les Gaulois.

[59] IV, 13, 4-6 ; Appien, Celt., 18 ; Dion, 48, 1 ; Plutarque, César, 22.

[60] C’est sur les hauteurs boisées de derrière Sonsbeck, chez les Ménapes, que je place le campement des Germains, à moins de 10 kilomètres de Xanten, où je crois qu’ils ont passé le Rhin. En effet : 1° César dit en termes formels que la bataille s’est livrée ad confluentem, Mosæ et Rheni (15, 2) ; 2° que les Barbares campaient non loin de la Meuse, du côté de sa rive droite (cf. 12, 1) ; 3’ il n’eût pas décrit la Meuse (IV, 10) s’il ne s’était pas agi de cette rivière ; 4° les Germains, même dans leurs plus longues courses, ne s’en sont pas éloignés (6, 4) ; 5° ils se sont nourris, tout l’hiver, dans le pays des Ménapes (4, 7) ; 6° ils ont occupé fortement, pour une installation à demeure, les terres qu’ils ont rencontrées après le passage (7, 4 ; cf. 4, 7). — Il faut donc écarter la théorie qui corrige Mosa en Mosella (s’appuyant sur Florus, I, 45 [III, 10], 14, et sur Dion, 47, 1), et place la bataille vers Coblentz : théorie de Cluvier (Germ. ant., p. 543), reprise par H. Müller (Bonner Jahrbücher, VII, 1845, p. 12 et suiv.), von Gœler (2° éd., p. 121), Stolle (Wo schlug Cæsar die Usipeter ?, programme de Schlestadt, 1897, p. 10 et suiv.), Rice Holmes (p. 71 et 691), etc. — La théorie de la Meuse a donné lieu à des variantes qu’on peut écarter : 1° le camp placé sur la rive gauche de la Meuse (Creuly, Carte, p. 16 et suiv.) ; 2° le confluent se rapporte, non au Rhin, mais à une rivière, la ber (Bergk, Zur Geschichte und Topographie der Rheinlande, 1882, p. 7 et suiv. ; von Veitli, Monatsschrift de Pick, VI, 1880, p. 16-19). — Dans la même région que nous : vers Gennep ou Kevelaer (des Roches, p. 324) ; près de Goch (Dederich, dès 1814, et, en dernier lieu, Julius Cæsar am Rhein, 1870, p. 28 et suiv. ; Napoléon III, p. 159) ; à Wissen au sud de Goch (von Cohausen, Bonner Jahrbücher, XLIII, 1867, p. 44 ; van Kampen, pl. 6) ; dans le même pays encore, Levesque de La Ravaliere, Hist. de l’Ac.... des Inscr., XVIII, 1753, p. 212 et suiv. (peut-être le premier à le dire).

[61] IV, 14, 1-2 ; Dion, 48, 2.

[62] Dion, XXXIX, 48, 2 (addition à César).

[63] 14, 4-5 ; 15, 1. Le camp fut tourné par la cavalerie : par la route qui contourne les hauteurs à l’est, de Sonsbeck à Pauelshof ?

[64] 14, 5.

[65] IV, 15, 2. — La route étant barrée vers l’est (cf. n. 63), il est probable que les Barbares ont fui surtout vers l’ouest et la Meuse (par Goch et Gennep ?), du reste avec l’intention de rejoindre leur cavalerie. Je ne crois pas nécessaire de conclure du texte de César, ad confluentem Mosæ et Rheni, que les fugitifs soient arrivés jusqu’au confluent, même en supposant que ce confluent fût alors plus près de Nimègue. Ils ont dû être jetés dans la Meuse au passage de Gennep, à 30 kilomètres du champ de bataille.

[66] 15, 2-3.

[67] 15, 4-5. Les cavaliers des Usipètes et Tenctères revinrent au delà du Rhin, furent accueillis par les Sicambres (16, 2 ; Dion, 48, 3), et reconstituèrent la nation.

[68] Tanusius ap. Plutarque, César, 22.

[69] Tanusius, ibid. ; Plutarque, Caton, 51 ; Appien, Celtica, 18.

[70] Il est probable qu’on a parlé alors à Rome de conquérir le monde entier, et de donner pour limites à l’Empire l’air et le fleuve Océan (cf. Dion, XLIV, 43, 1).

[71] César, IV, 8, 3 ; 16, 5-7 ; Dion, XXXIX, 48, 4 (dit que les Ubiens l’appelèrent contre les Sicambres).

[72] Il a dû revenir de Goch à Cologne, et y rejoindre la grande route naturelle du Nord, plus tard voie romaine, de Bavai, Tongres, Maëstricht, Juliers et le Rhin. L’alliance étroite de César avec Ambiorix, à Tongres (V, 27, 1, 2 et 7) peut s’expliquer par la nécessité pour le proconsul de garder cette route.

[73] Populi Romani imperium Rhenum finire, César, IV, 16, 4.

[74] Cf. Cicéron, In Pisonem, 33, 81.

[75] Properce, V, 10, 41.

[76] Que les soldats romains, plus dévots que leurs chefs, aient eu de la répugnance à franchir les fleuves sacrés, c’est ce que prouve l’exemple des Romains en Espagne (Tite-Live, Épitomé, 55).

[77] IV, 17, 1.

[78] Navibus transira... neque suæ neque populi Romani dignitatis esse, 17, 1. La complaisance avec laquelle il énumère les motifs de passer le Rhin (16), et sur un pont (17), semble une réponse à des critiques.

[79] César a passé le Rhin : 1° à un endroit très fréquenté (16, 8 ; 17, 1) ; 2° sur le territoire ubien (16, 8 ; 19, 1) ; 3° mais pas très loin du territoire sicambre (18, 2 et 4) ; 4° il a bâti son pont, semble-t-il, hors du territoire des Trévires, dont il ne parle pas et dont il n’était pas très sûr (cf. IV, 6, 3-4 ; V, 2, 4) ; 5° César, qui vient de la Gueldre, n’avait aucun intérêt à passer le Rhin trop en amont ; il était naturel qu’il cherchât à le passer sur le prolongement de la route qu’il avait suivie pour venir de Belgique et qu’il devait reprendre pour s’embarquer à Boulogne (Bavai, Tongres, Maëstricht, Juliers, Cologne, la grande route naturelle de cette région), et qu’il cherchât à bâtir son pont hors de la portée des Sicambres ses ennemis, mais le plus près d’eux. Tout cela rend Cologne assez vraisemblable. — De même : Essellen, Geschichte der Sigambern, 1868, p. 13, etc. ; Bergk, p. 16 (entre Cologne et Bonn) ; von Veith, Monatsschrift, VI, 1880, p. 89 (Wesseling) ; Wolf, Bonner Jahrbücher, LXXVIII, 1884, p. 38 et suiv., et Beihefte zum Militär-Wochenblatt, 1901, p. 37 et s. (les deux ponts près de Cologne) ; von Peucker, p. 146 et 174 (id.). — Xanten est trop loin des Ubiens (von Cohausen, Bonner Jahrbücher, XLIII, 1867, p. 54 et suiv., etc. ; d’après lui, van Kampen, pl. 6). — A fortiori, Clèves. — Bonn, trop loin des Sicambres (Dederich, Cæsar am Rhein, p. 51 et suiv., etc. ; Napoléon III, p. 162). — A plus forte raison, les abords de la Moselle : Neuwied (cf. Nissen, Bonner Jahrbücher, CIV, 1899, p. 1 et suiv.) ; Engers (Hontheim, Prodromus historie Trevirensis, I, 1757, p. 209) ; Andernach ; Coblenlz (Cluvier, p. 382 ; Sanson, § 163 ; Rice Holmes, p. 697 ; etc.).

[80] Latitudinem, rapiditatem altitudinemque fluminis, 17, 2.

[81] 16, 8 (et il lui en fallut beaucoup pour mener à bien la construction).

[82] Cf. 18, 1. Surtout la célèbre forêt de la Ville ?

[83] IV, 17, 3. Épaisseur des pieux, un pied et demi.

[84] C’est ce qu’on appelle des moises, IV, 17, 6 : ce sont les fibulæ sur lesquelles on a si souvent discuté, dès le XVIe siècle et de nos jours encore : Nihil tota pontis structura magis ambiguum (Ramus, De C. militia, p. 17-8).

[85] IV, 17, 6 : Quantum etc. ; épaisseur des traverses, deux pieds.

[86] Cf. IV, 17, 7.

[87] IV, 17, 4 et 5.

[88] IV, 17, 9.

[89] IV, 17, 10.

[90] IV, 17, 8.

[91] IV, 18, 1.

[92] Cela parait résulter de la complaisance avec laquelle il raconte la construction.

[93] Rien ne prouve qu’il s’agisse de Mamurra. — Sur les détails de la construction, entre cent depuis Ramus : Prevost (officier supérieur du Génie), Diss. sur le pont construit, etc., 1865, Saumur ; von Cohausen, Cæsar’s Rheinbrücken, Leipzig, 1867, p. 12 et suiv. ; Maxa, Zeitschrift für die Œster. Gymnasien, XXXI, 1880, p. 481 et suiv. ; Maurer, Cruces philologicæ, Mayence, 1882, p. 1 et s. ; Noiré, Beilage zur Allgemeinen Zeitung, 25 juillet 1882, n° 206 ; Schleussinger, Cesars Rheinbrücke, dans les Blätter für das Bayer. Gymnasialschulwesen, XX, 1884 ; Menge, Philologus, XLIV, 1885, p. 279 et suiv. ; Heller, Philologischer Anzeiger, XIV, 1884, p. 531 et suiv. ; Frœhlich, p. 214 et suiv. ; Hubo, Neue Jahrbücher, CXLV, 1892, p. 485 et suiv. ; Rheinhard, C. Jul. Cæsar’s Rheinbrücke, Stuttgart, 1883 ; Zimmerhœckel, Zeitschrift für math.... Unterricht, XXIX, 1898, p. 481 et s., XXX, 1899, p. 12 et s. ; Pleyte, Verslagen en Mededeelingen der k. Akademie, Afdeeling Letterkunde, 1896, III, XII, p. 290 et s. ; Rice Holmes, p. 697 et suiv. ; Ritson Clark, The classical Review, août 1908, XXII, p. 144 et suiv. Et je remercie mon ami Ch. Biais, commandant du Génie, des observations faites à propos de ces pages.

[94] IV, 18, 1 et 2 ; 19, 1 ; cf. 16, 2.

[95] 16, 2.

[96] 16, 2-4 : cette négociation parait avoir eu lieu avant la construction du pont.

[97] 18, 2.

[98] 18, 4 ; Dion, XXXIX, 48, 5. Vers Witten et au delà sur la Ruhr ?

[99] 19, 1.

[100] A compluribus civitatibus (18, 3) : sans doute exagéré ; peut-être de chez les Chérusques (VI, 10, 5).

[101] Nomen... etiam ad ultimas Germanorum nationes, 17, 7 : les Chérusques (cf. VI, 10, 5) ?

[102] 19, 2.

[103] Medium fere regionum : il ne peut s’agir que du pays des Suèves acquis au temps d’Arioviste ; IV, 19, 2-3 ; Dion, XXXIX, 48, 5.

[104] IV, 19, 4 : il déclara qu’il n’avait passé le Rhin que ut Germanis metum injiceret, ut Sugambros ulcisceretur, ut Ubios obsidione liberaret ; prétexte, dit justement Dion, XXXIX, 48, 3. J’ai peine à croire, en effet, qu’il n’ait mis dix jours à bâtir un pont que pour une vaine démonstration de dix-huit jours.

[105] J’incline à croire que la proposition de Caton l’inquiéta sérieusement. Car, dès qu’il l’apprit, il écrivit au sénat une lettre pleine d’injures à l’endroit de Caton (Plutarque, Caton, 51), et l’envoi de cette lettre doit correspondre à son séjour en Germanie.

[106] IV, 19, 4 ; Dion, XXXIX, 49, 3.

[107] VI, 35, 5.

[108] Cf. VI, 9, 8.

[109] Entre autres : Camden, Britannia, 3e éd., Francfort, 1590, p. 259, etc. ; Halley, Philosophical Transactions, 1691, XVII, 1694, p. 495 et suiv. ; Rennell, Archæologia, XXI, 1827, p. 501-5 ; Airy, Archæologia, XXXIV, 1852, p. 231 et suiv. ; le même, Essays on the invasion of Britain, 1865 (réimpr.), etc. ; de Saulcy, Campagnes, 1862, p. 123 et suiv. : Lewin, The Invasion of Britain, 2e éd., 1862 ; le même, Archæologia, XXXIX, 1863, p. 309 et suiv. ; XL, 1866, p. 361 et suiv. ; Becher, The nautical Magazine pour 1862, p. 373 et suiv. ; Guest, The Athenæum, n° 1868, 1869 et 1874, 15 et 22 août, 26 sept. 1863 ; le même, The archæol. Journal, XXI, 1864 ; Heller, Cæsar’s Expeditionen, etc., Zeitschrift für allgemeine Erdkunde, n. s., XVIII, 1865, p. 81 et suiv., p. 161 et suiv. ; Surtees (fantaisiste), Julius Cæsar, etc., 1866, et ailleurs ; Appach, Caïus Julius Cæsar’s British Expeditions, 1868 ; Malden, The Journal of philology, XVII, 1888, p. 163 et suiv. ; Vine, Cæsar in Kent, 2e éd., 1887 (très hypothétique) ; Ridgeway, The Journal of philology, XIX, 1891, p. 138 et suiv. ; Fr. Vogel, Cæsars zweite Expedition, Neue Jahrbücher, CLIII, 1896, p. 269 et suiv. ; Rice Holmes, Ancient Britain, 1907 (très complet et très judicieux).

[110] IV, 20, 4.

[111] IV, 21, 1-2.

[112] IV, 21, 25-8.

[113] Se celeriter venturum nuntiet, IV, 21, 8.

[114] IV, 21, 4.

[115] IV, 22, 3 et 4.

[116] IV, 21, 4 ; 22, 3 ; 25, 1.

[117] IV, 25, 1 et 2. Vaisseaux d’ailleurs inspirés des Grecs.

[118] IV, 26, 4.

[119] IV, 26, 4.

[120] C’est peut-être d’un port ambien qu’est parti Volusénus.

[121] Voici les preuves qui permettent de placer à Boulogne le port du pays morin, port non nommé, où César s’embarqua en 55 (IV, 21, 3 ; 22, 6 ; 23, 1), et, identique au précédent, le portus Itius de 54 (V, 2, 3 ; 5, 1). 1° Le port de Boulogne, avec l’estuaire de la Liane, est le seul, du pays des Morins, capable de recevoir plusieurs centaines de navires (cf. V, 8, 6). 2° Ce fut, dès le temps d’Auguste (Mela, III, 2, 23), le principal lieu d’embarquement, et je ne pense pas que les Romains aient changé les directions des grandes voies commerciales de la Gaule. 3° Méta (III, 2, 23) et Ptolémée (1I, 9, 3) appellent Gesoriacum ou Boulogne le port des Morins, et Florus (I, 45 [III, 10], 16) donne ce nom de port des Morins à celui où César s’embarqua. 4° A huit milles du portus Itius, il y a portus ulterior ou superior, c’est-à-dire plus haut sur la côte (IV, 23, 1 ; 22, 4 ; 28, 1) : ce sont les positions respectives (il est vrai moins distantes, six milles seulement) de Boulogne et d’Ambleteuse. 5° Je doute qu’il y ait eu, sur ce rivage, en dehors de Boulogne, un pays assez riche pour nourrir une grande armée et ses trains d’équipage. 6° Je doute aussi qu’on puisse trouver, hors de Boulogne et de la vallée de la Liane, une population de 6000 guerriers (IV, 37, 2). Voyez d’autres arguments, tirés surtout de la direction des courants et des vents qui ont poussé César, chez les partisans de Boulogne. — Elle a été mise en avant dès le Moyen Age (Wace, Li Romans de Brut, I, p. 203, éd. Le Roux de Lincy) : Somner, Julii Cæsaris Portus Iccius (écrit avant 1600), Oxford, 1694 ; Cluvier, p. 440 ; Sanson, § 98 ; le même, Le Port Icius, demonstré à Boulogne, 1630 [ms., B. n., fr. 5691] (mériterait l’impression) ; Fleming et Lagerlœf, De trajectu J. Cæsaris in Britanniam, Upsal, 1697, p. 44 et suiv. ; [Lequien], Dissertation, etc., dans la Continuation des Mémoires... par le P. Desmolets, VIII, I, 1749, p. 325 et suiv. ; Mann, Dissert., etc., Mémoires de l’Acad.... de Bruxelles, III, 1780 ; Mariette, Lettre à M. Bouillet... sur l’article Boulogne, 1847 ; Haigneré, Étude sur le Portus Itius de Jules César, 1862 (important ; voir la discussion provoquée par ce travail, Congrès scient., 1860, Dunkerque, XXVII, 1861, p. 57 et suiv.), etc. ; Robitaille, Mém. de l’Acad. d’Arras, XXXV, 1863 ; Schneider, Portus Itius, Berlin, 1888 ; Napoléon III, p. 192 et suiv. ; Rice Holmes, Anc. Br., p. 585 et suiv. (cf. plus loin). — En faveur de Wissant, auquel on a dû penser durant tout le Moyen Age (voyez Guillaume de Poitiers, Migne, P. L., CXLIX, c. 1212, comparé à Guillaume de Jumièges, id., c. 852) : du Cange, Du port Itius, dans son éd. de Joinville, diss. XXVIII, 1668, p. 321 et suiv. ; Gibson ap. Somner, 1694 ; Voildeul, Mercure de France, sept. 1739, p. 1902 et suiv. ; d’Anville, Not., p. 389 et suiv. ; le même, Mém. de l’Acad. des Inscr., XXVIII, 1761, p. 397 et suiv. ; Schœpflin, Comm. hist., Bâle, 1741, p. 385 et suiv. ; Lefebvre, Hist. ... de Calais, I, 1766, p. 105 et suiv. ; Henry, Essai... sur l’arr.... de Boulogne, Boulogne, 1810, p. 3 et suiv. ; de Poucques d’Herbinghem, Bulletins de la Soc. des Antiquaires de Picardie, 1862-4, VIII ; de Saulcy, p. 174 ; Courtois, Bull. historique des Antiquaires de la Morinie, III, 1866, p. 375 et suiv. ; van Kampen, pl. 7 (qui le croit différent du port de 55, lequel serait Ambleteuse) ; Rice Holmes, The classical Review, XXIII, mai 1909, p. 77-81 (parait préférer maintenant Wissant pour le port de la grande expédition de 54). — Ambleteuse (Creuly, Carte, p. 63 et suiv. ; Dict. arch., II, p. 45 et suiv.). — Calais (opinion primitive : Marlianus ; Ortelius, Synonymia, 1578, s. v. Iccius ; Morel-Disque, Mém. de la Soc. d’Agric. de Calais, 1541-3, p. en 1844, p. 51 et suiv. [écrit en 1810], etc. ; von Gœler, 2e éd., p. 143 ; etc.). — Le port de Marck (de Le Nort, Poligraphic Audomaroise, 1633, réimpr. du Bull. hist. de la Soc. des Ant. de la Morinie, 1861, II, p. 330 et suiv.). — Mardick (Chifflet, Portus Itius, Anvers, 1627, p. 34 et suiv.). — Étaples (de Valois, Not., p. 249 ; Eccardus [Eckhart], De portu Icio, p. 255 et suiv. des Miscellanea Lipsiensia, VIII, 1718). — A l’embouchure de l’Authie (Morel de Campennelle, Mém. de la Soc. d’Émulation d’Abbeville, 1834-5, p. 23 et suiv.). — Saint-Omer ou plutôt un point de son prétendu golfe (Malbrancq, De Morinis, Tournai, I, 1639, p. 26 et suiv. ; Maillart, Mercure de France, févr. 1736, p. 209 et suiv. ; Jules Lion, Le Sinus Itius, Saint-Omer, 1859 ; de Laroière, Ann. du Comité flamand, 1868-9, X, p. 249 et suiv.). — Bruges (cf. Labbe, Pharus, p. 137). — L’estuaire de la Somme (Airy et, avant lui, Devérité, Diss... que César s’embarqua dans les ports placés à l’embouchure de la Somme, présentée au Général-premier-consul Bonaparte, à son passage à Abbeville, le 10 messidor an XI). — Et on a même proposé Dieppe d’un côté et de l’autre l’île de Walcheren (Surtees, Julius Cæsar, 1866, p. 3). Et entre les deux points encore : Montreuil, Le Portel, Isques, Escalles, Sangatte, Gravelines, Nieuport, Gand, L’Écluse (voyez les relevés de Henry). — La question du portus Itius était, avant celle d’Alésia, la plus riche en bibliographie que soulève l’histoire des campagnes de César, et je crois que le débat a commencé dès l’expédition de Guillaume le Conquérant.

[122] IV, 21, 3, et Dion, XXXIX, 51, 1 (Morins du Boulonnais) ; César, 22, 1 et 2 (Morins du Boulonnais, de Thérouanne et des marécages). Il dut reprendre la route Cologne-Tongres-Amiens, et de là à Boulogne par la route directe (chaussée de Domqueur). La soumission fut évidemment imparfaite.

[123] VII, 76, 1.

[124] IV, 22, 3.

[125] Cela résulte du récit de la traversée ; et on peut en conclure que le trafic entre Bretagne et Gaule avait lieu sur des vaisseaux belges et armoricains (cf. III, 8, 1).

[126] Cf. IV, 23, 2.

[127] Cf. Strabon, IV, 4, 1.

[128] César, IV, 20, 4.

[129] IV, 21, 5.

[130] IV, 21, 9.

[131] IV, 27, 3.

[132] IV, 22, 4 ; 23, 1.

[133] IV, 22, 5 : probable seulement ; avec elle, le légat P. Sulpicius Rufus.

[134] IV, 22, 5 : sans doute cinq légions, avec les légats Q. Titurius Sabinus et L. Aurunculeius Cotta.

[135] IV, 22, 4 ; 23, 1.

[136] 22, 3 ; 25, 3 ; 32, 1.

[137] 23, 1 et 2.

[138] Après de longues hésitations entre les dates des 25, 26 et 27 août, j’accepte la seconde pour le motif suivant. — Quatre jours après le débarquement, post diem quarturn quam est in Britanniam ventum (28, 1), les vaisseaux de César qui portaient ses cavaliers quittèrent Ambleteuse, et cela, soit la veille, soit le matin du jour qui précéda la pleine lune, laquelle tomba dans la nuit du 30 au 31. Si c’est le matin, il faut prendre le 27 pour jour du débarquement ; si c’est la veille, le 26. J’ai préféré le 26, parce que ce jour convient mieux que le 27 à l’heure du renversement des courants l’après-midi dans les parages de Douvres. En effet, le 27, quatre jours avant la pleine lune, ils se renverseraient trop tard (pas avant 6 heures) pour permettre le départ de César vers la neuvième heure, qui finit vers 3 heures et demie. Le 26, cinq jours avant la nouvelle lune, le renversement n’a guère lieu normalement qu’après 4 h. (très peu avant 5 h.), mais il a pu être avancé par la présence d’un vent favorable, déterminant plus tût un courant dans la direction de Deal (ventum et æstum uno tempore nactus secundum, 23, 6). — A ce point de vue, même, la date du 25 est plus commode : car le changement de courant a lieu un peu avant 4 heures, et, avec le vent, plus tôt encore, ce qui correspond à l’hora nona de César. Mais pour prendre cette date du 25, il faudrait attribuer au post diem quartum de César le sens du cinquième jour, et non du quatrième, ce qui me parait fort difficile. — Je suis arrivé à ce résultat, qui demeure approximatif, en comparant l’Annuaire des Marées de 1905, mois d’août (j’ai choisi août 1905, parce que la pleine lune du 15 tombe à 3 h. 41 du matin, temps de Paris, soit à 3 h. 32, Greenwich, c’est-à-dire à peu près au même moment que la pleine lune du 31 août 55, 3 h. 33, Greenwich, en comparant, dis-je, cet Annuaire avec les cartes, classiques en France, de Hédouin (Courants de la Manche, 1891). Voyez, par exemple, les cartes G et H : elles représentent les courants aux heures respectives de 5 h. et 6 h. du soir, à la date du 26 août 55 (= 10 août 1905) : on comprend fort bien par ces cartes comment le courant a pu pousser alors César vers Deal, surtout en tenant compte de la remarque préliminaire de Hédouin : On ne perdra pas de vue que la régularité des courants peut être troublée par l’influence des vents. — Je suis arrivé du reste à un résultat semblable en partant de documents d’autre nature, les tables du Pilote de la Manche de Loizillon, 1881, p. 301. — Rice Holmes, en procédant de manière toute différente, préfère également le 26 : il fixe, d’après les calculs faits pour lui au Nautical Almanac Office, à 6 h. 21 la marée du matin de Douvres le 26. — Napoléon III (p. 199-200) préfère le 25. — Cf., sur cette question si controversée des courants : Beechey, Philosophical Transactions, 1851, II, p. 703 et suiv. ; de Saulcy, p. 211 et suiv. ; Archæologia, XXXIX, 1863, p.277 et suiv. ; Napoléon III, p. 198 et suiv. ; Rice Holmes, Anc. Br., p. 695 et suiv.

[139] Il me parait impossible de penser à un autre port que Douvres : outre que l’état des lieux correspond à la description de César (23, 2-3), Douvres est le principal port de débarquement sur cette côte, et les Bretons attendaient César au lieu habituel d’arrivée. — Pour Folkestone, Lewin, Invasion (cf., contra, Rice Holmes, p. 634-5).

[140] 23, 2-3. Malgré montibus angustis [Casile Hill, Shakespeare’s Cliff] mare continebatur, je ne pense pas que le sol de Douvres fût très différent de ce qu’il est aujourd’hui : par mare César entend le rivage.

[141] 23, 3.

[142] Cicéron, Ad Att., IV, 16, 13 : Mirificis molibus (se rapporte, il est vrai, à 54).

[143] 23, 4. Entre Casile Hill et le South Foreland ? cf. de Saulcy, p. 216 ; Rice Holmes, Anc. Britain, p. 315, 652-3.

[144] 23, 5.

[145] 23, 6 : poussé par le vent du sud-ouest et le courant, cf. note suivante.

[146] César débarqua à sept milles de Douvres, sur un terrain ouvert et plan, porté de Douvres par un bon vent (23, 6). La question est de savoir s’il s’agit d’un lieu à l’est de Douvres, Deal, ou à l’ouest. — J’opine sans hésiter pour Deal : 1° César dit progressus (23, 6), ce qu’il n’eût pas dit s’il avait navigué de Douvres vers le sud-ouest : cf. progredi, 23, 1 ; 2° le vent doit être le même que celui qui l’a amené de Boulogne, Ouest ou Sud-Ouest ; 3° il faut, à l’ouest, aller jusqu’à douze milles et non sept, pour trouver un lieu découvert, à Hythe, et encore la plage est peu propre à un débarquement ; 4° l’année suivante, César voulut débarquer au même endroit (V, 8, 3), le dépassa, et se trouva laisser l’île à gauche (V, 8, 2), ce qui n’est pas possible avec une marche vers l’ouest ; 5° César dit que la Tamise est à 80 milles de la côte (V, 11, 8) : ce chiffre n’est vrai qu’entre Deal et le point où il la traversa ; il ne s’explique pas depuis Hythe ; 6° à 12 milles du camp, il rencontra une rivière, coulant entre des collines boisées (V, 9, 2, 3 et 4), non loin d’un carrefour important (V, 11, 8) : on trouve cela à Canterbury, à 12 milles sur la route de Deal à la Tamise, on ne le trouve pas à la même distance de Hythe, à Ashford par exemple ; 7° Dion dit que César, pour débarquer, dut tourner un promontoire (XXXIX, 51, 2) : ce ne peut être que le South Foreland ; 8° César parle, à propos de son point de débarquement, d’une pars inferior de l’île, située vers le couchant (IV,28, 2) : il n’eût pas dit cela, s’il n’était débarqué au nord de ce cap ; 9° le renversement du courant, l’après-midi, quelques jours avant la pleine lune, dans les parages de Douvres, amène un courant d’est et non d’ouest (argument beaucoup moins net). — Deal (y compris ses environs) a été accepté dès le Moyen Age (Nennius, éd. Mommsen, p. 162 : Dolobellus représenterait Deal ; Geoffroy de Monmouth, IV, 3), et, depuis, sauf les attaques de la seconde moitié du XIXe siècle, a été adopté par la grande majorité : Camden, Mann, von Gœler, de Saulcy, Guest, Heller, Napoléon III, van Kampen, Rice Holmes, etc. — Pour Hythe, Lympne et le Romney Marsh : d’Anville, Mém. de l’Ac. des Inscr., XXVIII, p. 406 et suiv., Morel de Campennelle, Lewin, Appach, Malden, etc. — Les autres théories sont moins soutenables. — A l’ouest de Hythe, vers Pevensey : Airy et Hidgeway. — Au nord de Deal, à Croiner dans le Norfolk : Surtees, 1866, p. 14. — A Douvres : Mannert, II, 2e éd., 1822, p. 38.

[147] De même, Rice Holmes, Anc. Br., p. 316.

[148] 24, 1. Par la route de Ringwould ?

[149] IV, 24.

[150] Les vaisseaux longs de César, au moins de l’avant, ne tiraient pas plus de trois pieds d’eau : le saut direct par trois pieds d’eau est très aisé, et par cinq pieds il est impossible (Serre, Les Marines de guerre, 1885 [Ire partie], p. 78).

[151] César parle à ce propos de radis (26, 2), Dion (51, 2) de τενάγη. — C’est à ce débarquement que se place l’anecdote du soldat perdant son bouclier, racontée par Plutarque (César, 16) et Valère Maxime (III, 2, 23). Plutarque parle aussi à ce propos de courants fangeux et d’endroits marécageux et pleins d’eau ; Valère Maxime, de scopulus vicinus insulæ, entouré d’eau à marée haute : les Malms (?), qui sont du reste bien peu de chose, visibles cependant aux très basses marées d’équinoxe (communication orale de Rice Holmes). — Il se forma une vraie légende sur ce débarquement : on raconta que César avait donné l’ordre aux pilotes de briser leurs navires sur les écueils (Appien, Civ., II, 150, 625), et que lui-même sauta le premier à terre (Julien, Conv., p. 321, S. = p. 412, H.).

[152] IV, 24, 2-4.

[153] IV, 25, 1 : sur le flanc droit des ennemis, ad talus apertum hostium.

[154] 25, 2-6.

[155] IV, 26.

[156] IV, 26, 5.

[157] IV, 27 ; 28, 1.

[158] Castrorum exiquitate, 30, 1. A Walmer ? (sur la hauteur, Upper Walmer, entre la voie ferrée et Walmer Castle ? Rice Holmes, p. 737 ; la hauteur du réservoir et du moulin à vent, à l’ouest de la voie ferrée, est un emplacement plus convenable pour un camp, mais cela parait trop loin de la mer).

[159] 28, 1, cf. 3. Le 30 août (cf. 28 à 29, 1, et note suivante).

[160] Partis le 29 au soir (?) d’Ambleteuse et poussés leni vento (du sud-ouest ?), 28, 1-2.

[161] 26, 5 : Hoc unum ad pristinam fortunam Cæsari defuit.

[162] 28, 2-3. Il s’agit d’une tempête du nord-est, qui risqua de briser les vaisseaux sur le South Foreland et les rejeta les uns vers le Dungeness, les autres vers Ambleteuse. — Je ne vois pas bien la nécessité de se poser à ce propos la question si les vaisseaux de César pouvaient aller contre le vent (Rice Holmes, The classical Quaterly, III, 1909, p. 26-39).

[163] 29, 1. La pleine lune tomba (avant l’équinoxe, 36, 2) dans la nuit du 30-31 août ; Napoléon III, p. 182 ; Rice Holmes, Anc. Br., p. 600 (calculs du Nautical Almanac Office, à 3 h. 33, Greenwich) ; Drumann et Groebe, III, p. 769 et 801 (calculs de Ginzel, à 3 h. 36).

[164] 29, 1-3.

[165] Totius exercitus perturbatio, etc. ; 29, 3-4.

[166] IV, 30.

[167] IV, 31 ; 32, 1 : d’où il résulte qu’on était à portée d’une région à blé (31, 2 ; 32, 1 et 4) ; cf. note suivante.

[168] IV, 32 ; 34, 1-2 : le combat eut lieu (sur la route de Deal à Worth ?) sur un terrain poudreux (les Sholden Downs ?), près de forêts où s’embusquent les indigènes (les bois à l’ouest de la route, vers Mongeham et Northbourne ?), près de terres à blé (les champs dans la direction de Worth ?).

[169] IV, 34, 2-4.

[170] IV, 34, 5-6 ; 35 : César (35, 3) parle à ce propos de nombreuses fermes, ædificia.

[171] IV, 36 (propinqua die æquinoctii, 2). Deux navires manquèrent Boulogne et abordèrent (36, 4) paulo infra (à la plage du Portel ?).

[172] Au Portel ? cf. note 171. Je doute, en plaçant l’affaire plus au sud, que le pays eût été assez peuplé pour fournir 6000 combattants.

[173] IV, 37.

[174] IV, 38, 1-2. Labienus a pu aller de Boulogne à Thérouanne, et de là rayonner dans le pays de Saint-Omer (Clairmarais, pays où me parait bien s’expliquer le siccitates paludum) et dans celui d’Aire (Nieppe), que César avait menacé l’année précédente. — Gantier (p. 213) le fait aller à Bruges.

[175] IV, 38, 3. De Boulogne au mont Cassel, à Wervick et à Tournai ? Les Ménapes se sont réfugiés in densissimas silvas : la forêt Charbonnière à l’est de l’Escaut ? — Gantier propose (p. 214) la forêt de Thourout. — Il est bien probable que Labienus a été envoyé pour coordonner ses opérations avec celles de Cotta et Sabinus.

[176] IV, 38, 4. A Amiens ?

[177] Cf. V, 1, 1.

[178] Plutarque, Caton, 51.

[179] César, IV, 38, 5.

[180] Cicéron, Pro Balbo, 28, 64 (prononcé, croit-on, en 56, mais après le discours De prov. cons.) ; In Pisonem, 33, 81 et 82 (prononcé au printemps de 55).

[181] V, 1, 1-4 ; 2, 2-3.

[182] V, 5, 2 (in Meldis ; la correction Unellis ou Venellis [le Cotentin] me parait inutile ; cf. Strabon, IV, 3, 5).

[183] V, 2, 2 ; 5, 2.

[184] V, 1, 4.

[185] V, 1, 2.

[186] Has omnes actuarias, V, 1, 3.

[187] V, 3, 3, rapproché de 8, 1.

[188] César, V, 8, 6.

[189] Plutarque, Crassus, 16. Cf. Mommsen, R. G., III, p. 341 et suiv.

[190] Cf. Apocalypse, 13.

[191] Pline, XXXIV, 48 ; Catulle, Carm., 29 ; Cicéron, Ad Att., VII, 7 ; César, De bello civili, I, 13, 2.

[192] Cicéron, Ad Att., IV, 16, 14 ; Suétone, César, 26, 2 ; cf. Pline, XXXVI, 103.

[193] Cf. Ad Att., IV, 6, 14 ; Ad fam., I, 9, 18 ; A. Lichtenberger, De Ciceronis re privata, 1895, p. 80 et suiv.

[194] Ad Att., VII, 8, 3.

[195] Cicéron, Ad Q., II, 13, 1 ; II, 13 ; III, 1 ; Ad f., I, 9 ; Pro Balbo, 28, 64 ; In Pis., 33, 81.

[196] En collaboration avec son frère ; Ad Q., II, 16, 4. — Cf., sur ces rapports de Cicéron avec César, Drumann, n. éd., III, p. 287 et suiv.

[197] D’autant plus qu’un des nouveaux consuls était L. Domitius.

[198] Catulle, Carmina, 29 : Quis potest pati Mamurram habere quod Comata Gallia habebat ante et ultima Britannia ?

[199] Toute chronologie, pour 54 = 700, dépend de la date qu’on assigne au retour de César. Il rembarqua ses troupes quod æquinoctium suberat (V, 23, 5), et il en informa Cicéron le 6 d’avant les calendes d’octobre du calendrier public (Ad Att., IV, 17, 3). L’équinoxe tombant cette année le 26 septembre, il me paraît bien vraisemblable que César n’a pu guère en parler avant le 15, et j’accepterai volontiers le système chronologique du moindre écart entre l’année officielle et l’année réelle, système qui fait correspondre a. d. VI kal. oct. au 21 sept. 54 (Le Verrier ap. Napoléon III, p. 585). Dans ce système, l’intercalation aurait été régulièrement faite en 700 = 54 et en 698 = 56. — L’autre système, celui du plus grand écart, s’appuyant du reste aussi sur une préoccupation d’équinoxe (Cicéron, Ad Attic., X, 17, 3), fait correspondre cette date au 30 août : il me paraît moins préférable, car il place de trop bonne heure cette crainte de l’équinoxe et ce retour de César, qui, en 55, était parti de Boulogne vers le 26 août. Pour ce système, avec des variantes : Ideler, Onomasticon Tullianum d’Orelli, I, p. 170 ; Holzapfel, Rœm. Chron., p. 322-3 ; Groebe ap. Drumann, III, p. 53-54 ; Rice Holmes, p. 707 et suiv.

[200] Cicéron, Ad Q., II, 15, 1 : lettres de Quintus et de César, envoyées de là et reçues par Cicéron IV non. et non. jan., soit 1er et 4 juin (système Le Verrier ; 10 et 13 mai, dans l’autre système, note précédente).

[201] Les lettres (note précédente) ont pu être écrites au moment du départ ; il faut bien compter 25 jours pour les affaires et opérations de Belgique.

[202] V, 2, 1-3.

[203] V, 2, 4.

[204] V, 3, 1. L’histoire des Trévires montre que ce renom était fort usurpé.

[205] V, 2, 4.

[206] V, 2, 4. D’Amiens à Mouzon et de là vers la Moselle, 300 kilomètres, 200 milles, en ligne droite ?

[207] V, 3, 4.

[208] V, 3, 2-3 et 5-7 ; 4, 1-2.

[209] V, 4, 3-4.

[210] V, 5, 1.

[211] V, 5, 2.

[212] V, 5, 3-4 ; 6, 1.

[213] V, 5, 3.

[214] Cf. V, 6, 5.

[215] Du 27 juin au 21 juillet ?

[216] V, 7, 3 ; mais alors pourquoi avoir construit les bateaux à rames ?

[217] Cf. V, 6.

[218] V, 6, 2-6.

[219] V, 6, 2.

[220] V, 6, 2-6.

[221] V, 6, 3-4 ; 7, 1-3. A cause de la pleine lune ?

[222] V, 7, 5.

[223] V, 7, 6-9.

[224] Liberum se liberæque esse civitatis, V, 7, 8.

[225] Cf. neque has tantularum rerum occupationes Britanniæ anteponendas, IV, 22, 2.

[226] V, 8, 1. Il a dû laisser beaucoup plus de cavaliers qu’il ne le voulait (5, 4), sans doute à la suite de l’affaire de Dumnorix.

[227] Cette date résulte des textes suivants. 1° Cicéron, Ad Att., IV, 15, 10, soupçonne son frère jam esse in Britannia, vers la date du V kal. sext., 26 juillet julien. 2° Cicéron, Ad Q., III, 1, 4, 13, reçoit une lettre de son frère, en Bretagne depuis quelque temps, et lui écrivant a. d. IIII id. sext., 8 août julien. 3° Cicéron, Ad Q., II, 16, 4 : dans une lettre précédente, Quintus avait donné avis de son arrivée, et Cicéron avait reçu cette lettre peu avant le 29 août (cf. Asconius in Scaurianam, p. 18, Orelli, et Ad Q., II, 16, 3) : or, une lettre de Bretagne mettait au minimum 20 jours (III, 1, 5, 17, si le texte est exact), au maximum 32 jours (III, 1, 4, 13), une fois 27 jours (Ad Q., III, 1, 7, 25), donc celle de Quintus a pu partir de Deal entre le 27 juillet et le 9 août. 4° Une précision plus grande résulte de l’heure du renversement du flot. — Tout cela, en acceptant le système de Le Verrier. — Les partisans de l’autre système proposent le 6 juillet (par exemple, Bergk, p. 626, Vogel, p. 276, etc.).

[228] Ce désir de gloire navale chez César apparaît dès son gouvernement d’Espagne. Cf. Plutarque, César, 23.

[229] V, 1, 2-3.

[230] La nation du pays de Kent, Cantium, divisée en quatre tribus (V, 22, 1), et peut-être les Ancalites, Bibroci, Cassi (21, 1), inconnus par ailleurs.

[231] Trinobantes (mss. α) ou Trinovantes ; V, 20 ; 21, 1 ; 22, 5 : comté d’Essex et peut-être aussi partie de celui de Suffolk. On place au-dessus d’eux (Suffolk et Norfolk) les Cenimagni (V, 21, 1), supposés identiques aux Iceni de plus tard.

[232] L’État de Cassivellaun (V, 18, 1 ; 11, 8).

[233] Segontiaci (V, 21, 1) ?

[234] César, V, 12, 1 et 2.

[235] César, V, 12, 1 et 2. Remarquez que César, après nous avoir dit que les tribus de Bretagne ont gardé pour la plupart les noms de tribus gauloises (12, 2), ne cite aucun nom qui se retrouve sur le continent.

[236] L’État de Cassivellaun (V, 18, 1 ; 11, 8).

[237] Cf. V, 18, 1.

[238] Cassivellaunus : les mss. α ont Casi-, les mss. β Cassi-. V, 11 ; 15-22.

[239] V, 16.

[240] V, 11, 9 ; 20, 1.

[241] V, 20, 1.

[242] La flotte de César partit au coucher du soleil, poussée par un léger vent du sud-ouest ; il tomba vers minuit (8, 2 ; au moment de la pleine mer ?), et alors, portée par le courant de la marée, la flotte fut entraînée vers le nord-est, laissant la côte à gauche (8, 2 ; jusqu’à l’est des Goodwin Sands, à la hauteur de Deal, à sept milles à l’est ?). Au lever du soleil (à 4 h. 21 le 22 juillet, à 4 h. 6 le 7 juillet, heure de Paris, temps moyen), elle aperçut la côte (8, 2), mais à ce moment les courants se renversèrent, et le flot ramena la flotte sud-ouest vers la côte (8, 3) : lorsque César se vit près du point où il avait débarqué en 55, il lâcha le flot (entre l’extrémité sud des Goodwin Sands et le South Goodwin Lightship ?), et se dirigea sur Deal à force de rames (8, 3). — Voici comment on peut, sans certitude, trouver le jour du départ et celui de l’arrivée. Le renversement des courants vers le sud-ouest eut lieu, dit César, vers ou peu après le lever du soleil, soit, en juillet, vers 4 h., 4 h. et demie. Or, ce phénomène se produit, dans ces parages, de 5 à 4 heures avant la pleine mer de Cherbourg (Hédouin, Cartes, A et B), ou encore, d’après un autre système, de 4 à 5 heures après la pleine mer de Douvres (Loizillon, Pilote, p. 301). Il faut chercher les jours où la pleine mer est entre 8 et 9 heures et demie le matin à Cherbourg, et entre II heures et 12 et demie la nuit précédente à Douvres. En constatant que la lune de juillet 54 (pleine lune, le 21, à 9 h. 31 du soir, temps moyen de Paris : calculs de Ginzel) ressemble à celle de décembre 1909 (pleine lune, le 26, à 9 h. 39 du soir), et en examinant l’Annuaire des Marées de 1909, on trouvera, comme jours les plus convenables, les lendemain et surlendemain de la pleine lune (22 et 23 juillet 54) ou 14 jours avant (8 et 9 juillet). Comme j’ai accepté le système de Le Verrier, je ne peux choisir qu’entre le 22 et le 23, et je prends le 22 (ce qui fait supposer que César s’est embarqué le 21, jour de la pleine lune) ; le 23 est du reste également possible. J’ajoute, en faveur de ces dates, que la marche nocturne de César s’expliquerait bien par un temps de pleine lune. — Voyez, avec des calculs différents : von Gœler, pl. 8, p. 141 et 147 ; Napoléon III, p. 222-4 (qui préfère le 21 pour le jour de l’arrivée) ; Rice Holmes, Anc. Br., p. 656-8.

[243] V, 8, 6 ; ils se cachèrent in superiora loca, sur les hauteurs boisées de Sutton, Mongeham, Northbourne ?

[244] V, 8, 5 ; Dion, XL, 1, 3 (ajoute qu’il débarqua sur plusieurs points à la fois).

[245] C’est à cette partie du rivage que conviennent litore molli atque aperto (9, 1) : Rice Holmes, p. 335 et 664-5. Le mouillage dans les Small Downs est beaucoup plus sûr, plus abrité, le fond y est de meilleure tenue qu’à Deal (Le Pilote de la Manche [Dépôt, n° 449], p. 392).

[246] V, 9, 1 ; loco castris idoneo (sur la hauteur au sud et près du village de Worth ?) ; cf. Rice Holmes, Anc. Br., p. 335. On y a trouvé des débris romains.

[247] V, 9, 1-3 : les ennemis combattent ex loco superiore (les pentes de Harbledow n vers la Grande Stour ? le passage, au gué de Thanington ?).

[248] L’emplacement résulte : 1° de la distance donnée par César (V, 9, 2) ; 2° de la direction qu’il suit pour atteindre la Tamise ; 3° de la description des lieux ; 4° du fait qu’il y a là un carrefour (10, 1 ; 11, 8). — De même, Rice Holmes, p. 336. — Les autres hypothèses, discutées par Rice Holmes, p. 678 et suiv.

[249] V, 9, 4-6 : c’était un ancien lieu de refuge ; à Bigberrv (?) : Archæologia Cantiana, IX, 1874, p. 13 et suiv. ; Payne, The Journ. of the Brit. Archæol. Association, XLIV, 1888, p. 290-1 ; Boyd Dawkins, The archæol. Journal, LIX, 1902, p. 211 et suiv.

[250] V, 9, 4-8 ; Dion, XL, 2, 1 et 2 (ajoute que César perdit beaucoup de monde). Il campa à Canterbury ? à Harbledown ?

[251] Cf. V, 1, 2.

[252] V, 10 ; 11, 1 et 2 ; Dion, XL, 2, 3 ; Orose, VI, 9, 4. Dans la nuit du 23 au 24 juillet ?

[253] Il laisse le gros de l’armée à son camp de ou près Canterbury (V, 11, 1, 7 et 8).

[254] V, 11, 3-7. Si le camp a été d’abord près de Worth, on ne pouvait y transporter les navires ; il est possible que, dans ce cas, César ait aménagé en camp ou ville maritime les environs de Sandwich, soit l’emplacement de la future cité de Rutupiæ, soit plutôt celui de Stonar.

[255] V, 11, 6. Du 24 juillet au 2 août au plus tôt ?

[256] C’est pour cela que les premières lettres de Quintus (cf. Cicéron, Ad Q., III, 1, 4, 13, au départ du 8 août, a. d. IIII id. sext.) portaient nihil novi.

[257] V, 11, 8-9 ; Dion, XI, 2, 3.

[258] V, 11, 8.

[259] V, 15, 16, 17, 19 ; Dion, XL, 2, 4 ; 3, 1. César parlait de ces cavaliers et essédaires dans une lettre à Cicéron : Multa millia equitum atque essedariorum habet (Cassivellaun) ; Servius [Junius Philargyrus] ad G., III, 204, Thilo.

[260] Voici, hypothétiquement, le détail de la marche avant la Tamise, marche qui suit, je crois, la Watling Street : le 1er jour, rencontre de l’ennemi au carrefour de Canterbury (V, 11, 8), combats le long des forêts et des collines, de Canterbury à Preston, près Faversham ? (V, 13, 1 et 2), camp à la sortie des bois, vers Ospringe ? (V, 15, 3), et violent combat à cet endroit (V, 15, 3-5 ; 16) ; le 2e jour, légers combats le matin dans la traversée des collines, de Ospringe aux approches de Rainham ? bataille l’après-midi dans les pâturages de Rainham ou de Chatham ? (V, 17, 1-4) ; 3e jour, on arrive en pays découvert, non loin de la Tamise ? et on cesse d’être inquiété (V, 17, 5). On a dû arriver au gué le 5e ou le 6e jour. La marche se place du 3 au 8 août au plus tôt, et peut-être seulement après le départ de la lettre de Cicéron le 8 août ?

[261] V, 18 ; Dion, XL, 3 ; Orose, VI, 9, 6-7 ; on parle même (Polyen, VIII, 23, 5) d’un éléphant amené par César, qui aurait effrayé les indigènes. — Sur le gué du passage, d’ailleurs incertain, cf. Sharpe, Bregant-forda, Brentford, 1904, champion de Brentford, et Rice Holmes, qui le suit, p. 344, 692-8 ; en dernier lieu, contre Sharpe, Baring, The Engl. hist. Rev., oct. 1907, p. 725 et suiv.

[262] V, 11, 8.

[263] V, 20 ; 21, 1.

[264] V, 19. Route de Brentford à Saint-Albans par Ealing et Harrow ? Indication, par César de locis impeditis ac silvestribus où se cache l’ennemi pour attaquer viis semitisque les Romains dispersés in agros : peut-être s’agit-il surtout d’une attaque conduite, hors des bois et collines de Harrow Weald et au delà, sur les cavaliers répandus dans le pays de Harrow ?

[265] V, 21, 2-6 ; Dion, XL, 3, 2 ; Orose, VI, 9, 9. Verulamium près de Saint-Albans ? cf. The archæol. Journal, XXII, 1865, p. 299 et suiv. Autres hypothèses, combattues par Rice Holmes, p. 701 et suiv.

[266] V, 22, 1-2 ; Dion, XL, 2, 3 ; 3, 2.

[267] V, 22, 3-5 ; Dion, XL, 3, 2 ; Cicéron, Ad Att., IV, 17, 3 ; Plutarque, César, 23. Florus (I, 45, 18) semble dire que le roi fut fait prisonnier : c’est, je crois, une erreur formelle.

[268] Avant ou après la conclusion du traité, César, semble-t-il, revint seul et à marches forcées vers le camp de la côte, et écrivit à Cicéron (Ad. Q., III, 1, 7, 25) le 28 août (kal. sept.), lettre qu’il reçut le 23 septembre (IIII kat. oct.). — C’est peut-être entre cette lettre et la suivante de Quintus que Cicéron resta si longtemps sans nouvelles (Ad Q., III, 3, 1), dierum L amplius intervallo (entre le 28 août, date de cette lettre de César, et le 19 octobre, date de la réception de la lettre suivante ?) ; cf. Sternkopf, Hermès, XL, 1905, p. 37.

[269] V, 22, 4 ; 23, 1 ; Dion, XL, 4, 1.

[270] V, 20, 4 ; 21, 1 ; 22, 4 ; 23, 1.

[271] V, 23, 2.

[272] Quid in annos singulos vectigalis populo Romano Britannia penderet, 22, 4 : ce qui est une des plus mensongères réclames que César ait imaginée ; Dion, XL, 3, 2 : Plutarque, César, 23 ; Eutrope, VI, 17 [14].

[273] Cf. Tite-Live, Ép., 115 : Partem... in potestatem redegit.

[274] V, 23 : Dion, XL, 4, 1 ; Cicéron, Ad Att., IV, 17, 3 (lettres écrites le 21 septembre, reçues le 19 octobre, calendrier julien).

[275] Les poètes de l’Empire ont souvent rappelé ou raillé les infructueuses campagnes de César : Territa quæsitis ostendit terga Britannis, dit entre autres Lucain (II, 572).

[276] Il semble qu’il ait reproché à ses ennemis de Rome de l’avoir empêché de conquérir la Bretagne et la Germanie, et peut-être même d’avoir fomenté les révoltes qui vont le retenir en Gaule (discours de Marc-Antoine chez Dion, XLIV, 43, 1).

[277] Plutarque, César, 23 (César trouva la nouvelle à son retour). Peut-être lui parvint-elle sur la rive bretonne, Julie étant morte le 16 septembre au plus tard (Cicéron, Ad Q., III, 1, 5, 17).

[278] Dion, XXXIX, 62 et 63 ; XL, 17 ; etc.

[279] Cicéron, Ad Q., II, 15, 5 ; Appien, Civ., II, 18, 67 ; etc.

[280] Cela résulte de ce que la sécurité de César ne fut jamais plus grande que dans l’automne de 54.

[281] V, 24, 1 : Samarobriva, Amiens, qui est ici nommée pour la première fois. Cicéron fait allusion aux assises judiciaires qu’y tint alors César (Ad fam., VII, lettres 10, 11, 13 et 16). — J’avoue ne pas m’expliquer pourquoi on a si souvent voulu placer Samarobriva ailleurs, par exemple à. Cambrai (dès le XVe siècle, et, après bien d’autres, B[ært], p. 76 et suiv.), à Bray-sur-Somme (Ortelius, et, d’après lui, von Gœler, p. 168), à Douai, à Saint-Quentin (dès le XVe siècle, repris en 1825 par Mangon de La Lande [cf. de Lasteyrie, n° 893-9], qui, avec Quentin son partisan, a fait perdre tant de peine et de temps à ses contemporains ; cf., contre lui, surtout : Bruneau, dans les Mémoires de la société centrale de Douai, I, 1826, p. 156 et s. ; Rigollot, Mém., Amiens, 1827, et ailleurs ; de C[ayrol], Samarobriva, Amiens, 1832).

[282] V, 24, 1.