HISTOIRE DE LA GAULE

TOME III. — LA CONQUÊTE ROMAINE ET LES PREMIÈRES INVASIONS GERMANIQUES.

CHAPITRE VIII. — CONQUÊTE DE LA BELGIQUE[1].

 

 

I. — MAINMISE DE CÉSAR SUR LA CELTIQUE.

La situation respective de César et de la Gaule, le jour de la défaite d’Arioviste, redevint ce qu’elle était le jour de la défaite des Helvètes. Le proconsul avait terminé la tâche qui lui incombait en vertu des sénatus-consultes : la liberté et la puissance étaient rendues aux Éduens, alliés du peuple romain. Il n’existait plus un seul ennemi légitime des deux nations de Rome et de Bibracte ; César n’avait plus qu’à ramener ses troupes sur les bords du Rhône, comme Flamininus avait retiré son armée de la Grèce après la défaite de Philippe et la proclamation de Corinthe.

A la différence de Flamininus, César donna à ses légions l’ordre de rester. Il les installa en Franche-Comté pour leur campement d’hiver. Le quartier général fut sans doute à Besançon ; Labienus reçut le commandement suprême. Ces mesures prises, le proconsul repassa les Alpes et se rendit dans sa province italienne[2].

Ce fut là le premier et le plus grand scandale de sa politique gauloise. Ni Marius ou Sylla ni Lucullus ou Pompée n’avaient jamais agi, à l’endroit des alliés et des voisins de l’Empire, avec une aussi impudente désinvolture ; aucun d’eux non plus n’avait pris aussi peu de souci de la volonté et de la dignité du peuple romain. Cet ordre d’hivernage en pays ami était un double coup d’État, et contre la liberté de la Gaule et contre l’autorité du sénat.

On voudrait savoir comment César put justifier sa conduite, et comment elle fut accueillie chez les Celtes et chez les Romains. Par malheur, sauf ces trois lignes sur l’ordre d’hivernage, il n’a rien dit là-dessus dans ses Commentaires, et les autres historiens ont imité son silence. Tous ont fait l’oubli sur cet hiver de 58, où le proconsul confisqua la liberté de la Gaule et se débarrassa de la tutelle du sénat.

Ce silence même et celui des contemporains nous permettent de croire qu’il laissa dans le vague ou le secret toutes les affaires de la Gaule. Sur elles, il parla, écrivit, décida le moins possible. Qu’il ne la réduisît pas en province, que ce mot ne fût même point prononcé dans son entourage, cela parait certain. Il n’indiqua pas davantage, je crois, la manière dont il entendait à l’avenir traiter les nations. Peut-être se borna-t-il à deux déclarations : l’une, que le sénat leur avait laissé, après la défaite de Bituit, leurs lois et leurs libertés[3] : l’autre, que les légions hiverneraient chez les Séquanes[4]. Les deux choses étaient contradictoires : mais, dans la conduite des conquérants envoyés par Rome, la parole et l’acte s’opposaient toujours, ici formules d’amitié, et là gestes de brigandage.

Mais, à côté des légions immobiles, en dehors du proconsul absent, les Éduens et Diviciac durent agir. Ce fut pendant cet hiver qu’ils recueillirent les profits de la victoire de leur allié. On leur rendit tous leurs otages[5] ; les anciens clients de la nation se remirent sous sa dépendance ; d’autres vinrent à elle : car on sut partout que les amis des Éduens étaient traités par Rome avec plus d’égards[6]. Le peuple de Bibracte fut dès lors regardé comme le premier de toute la Gaule[7], et peut-être quelque assemblée générale, à l’automne ou au printemps, décerna-t-elle solennellement ce titre aux Éduens.

Ceux des Gaulois qui ne reconnurent pas leur suprématie s& virent exposés à la malveillance de César et de ses lieutenants. Des ordres plus durs leur furent imposés[8]. Ce fut chez les Séquanes, autrefois les chefs du parti hostile aux Éduens, qu’il faisait hiverner ses légions, et ce séjour entraînait des fournitures onéreuses et l’apparence de la servitude[9]. Les Séquanes perdirent leurs clients et alliés[10] ; les Carnutes et les Arvernes retournèrent à l’isolement[11] : ces deux peuples célèbres ne pouvaient se résigner à l’empire des Éduens, et ils attendirent l’occasion d’une revanche.

Dans l’intérieur de chaque nation, la puissance des magistrats et des sénats avait grandi depuis l’échec de Dumnorix. Des mesures furent prises un peu partout contre les prétendants à la tyrannie et les enrôleurs de mercenaires, mesures inspirées par César ou ses amis[12] : car l’autorité de Rome était incompatible avec des menaces de révolution et l’audace des bandes armées[13], et les intérêts de l’aristocratie gauloise se trouvaient d’accord avec ceux de son protecteur.

Rien ne paraissait donc changé à l’état politique de la Gaule : les ligues, les clientèles, les luttes des partis, les jalousies des peuples, tout ce qui avait fait ses misères et sa défaite se continuait sous les yeux de Labienus[14]. Et ceux des Celtes qui ne voulaient point observer la réalité, avaient mille occasions de se mentir à eux-mêmes.

César, pendant ce temps, promenait sa gloire naissante sur les routes et dans les villes de l’Italie gauloise, répandant partout des largesses, des promesses et le charme de son amitié[15]. Comme il était fort attaché à ses devoirs de proconsul, ne fût-ce que pour se créer un parti en Cisalpine, il y tint régulièrement ses assises judiciaires[16]. Ce qui ne l’empêchait pas de se mettre au courant des affaires du sénat et du forum[17].

A Rome, ses deux campagnes de l’été avaient fait, semble-t-il, assez peu de bruit[18], beaucoup moins qu’il ne l’espérait. On ne dut pas se rendre compte de la portée de ses victoires. Son rôle n’apparaissait ni très digne ni très net : il avait combattu un roi que le sénat déclarait l’ami du peuple romain. Le butin fut sans doute trop médiocre pour faire oublier l’étrangeté de sa conduite. Aucune réjouissance ne fut décrétée à la nouvelle de ses victoires. Et nul ne se douta qu’il avait doté Rome de son plus grand empire.

Il est visible, en effet, que l’influence de César n’a cessé de fléchir à Rome depuis le jour de son départ[19]. Entre Crassus, Pompée et lui, l’alliance est devenue précaire. Son agent, le tribun Clodius, finit par se moquer de lui, et, dans le temps qu’il combat Arioviste, propose d’annuler tous ses actes passés[20]. Au début de l’automne, le proconsul doit consentir au rappel de Cicéron[21] : ce rappel est, bien plus que la guerre des Gaules, la grande affaire de l’année[22]. Pompée est demeuré le prince de la cité[23]. De grandes expéditions militaires se préparent en Macédoine et en Syrie[24]. Il faut que César imagine d’autres occasions de combats et de victoires[25].

 

II. — ASSEMBLÉE DES BELGES ET ENTENTE DE CÉSAR AVEC LES RÈMES.

Quels étaient, pour l’année nouvelle (57), les projets militaires de César ? Il ne l’a point dit. Mais, comme toute son armée ne bougea pas des abords de Besançon, la grande forteresse qui commandait les routes du Nord-Est, on peut supposer que dès l’hiver il projeta de marcher vers le Rhin ou l’Océan, les Germains ou les Belges[26].

Les Belges n’attendirent point son offensive. Leur intérêt était d’attaquer les premiers. Puis, de différents côtés de la Celtique, on réclamait leur secours[27].

Quand César disait ou faisait dire, pendant l’hiver, que toute la Gaule était pacifiée[28], il lançait une de ces formules habiles et mensongères où se prennent les complices et les dupes des coups d’État et des conquêtes. Mais la Gaule ne manquait point d’hommes pour comprendre que cette sorte de paix ressemblait à l’empire de Rome : candidats aux royautés locales, chefs de bandes aspirant à la tyrannie, Arvernes, Séquanes ou Carnutes désireux de susciter des rivaux à l’Empire éduen[29], patriotes jaloux de la liberté gauloise et indignés de la présence des légions, tous les mécontents du jour appelèrent les Belges à la délivrance de la Celtique opprimée[30].

L’assemblée de la ligue se réunit[31]. Presque tous les peuples étaient décidés à la guerre[32] : seuls, les Rèmes s’y opposèrent formellement[33], soit par haine des Bellovaques ou des Suessions, soit parce que cette nation riche et pacifique avait tout intérêt à s’entendre avec Rome. Il y eut aussi quelque résistance chez les Bellovaques, alliés traditionnels des Éduens : mais les partisans de la guerre déclarèrent le pacte rompu depuis la soumission de leurs amis à César[34]. Les autres acceptèrent avec enthousiasme l’idée de grands combats[35]. On fixa le contingent de chaque peuplade[36]. Le commandement suprême fut réservé à Galba, roi des Suessions, célèbre par sa justice et sa prudence, et chef d’une nation prépondérante[37]. Les Germains des Ardennes promirent un contingent[38]. Trois cent mille hommes devaient être réunis[39].

Labienus ne se laissait jamais surprendre par les évènements. Il fut mis au courant, et avertit César[40]. C’était une grande guerre qu’il fallait organiser, contre un ennemi deux à trois fois plus nombreux que les Helvètes et que les Suèves. Le proconsul expédia tout de suite en Gaule deux légions levées cet hiver en Cisalpine (fin mars)[41] ; il rejoignit à son tour le quartier général ; et, les dernières dispositions prises[42], il quitta Besançon dans la direction des plaines de Champagne (fin mai[43]). Diviciac et les escadrons éduens étaient revenus avec lui, dans l’espérance de tirer parti de la campagne qui commençait[44].

Près des rives de la Marne, à l’entrée du pays des Rèmes[45] César vit arriver une ambassade de ce peuple[46]. Solennellement, et suivant les formules consacrées, les Rèmes firent acte de soumission. — Ils s’abandonnaient, eux et tous leurs biens, à la foi et au pouvoir du peuple romain : ils étaient prêts à livrer des otages, à obéir aux ordres, à ouvrir leurs places fortes, à fournir du blé et le reste[47].

C’était la première fois, depuis que César avait franchi la frontière de la Gaule, qu’il recevait la soumission complète et spontanée d’une nation gauloise. Les paroles prononcées par les Rèmes ressemblaient étrangement à celles que les ambassadeurs de Capoue adressèrent jadis au sénat et qui lui livrèrent la Campanie[48]. Cette démarche était l’acte politique le plus important qui eût encore préparé la création d’une nouvelle province : en Celtique, les Éduens étaient frères et alliés du peuple romain, partant libres et autonomes ; en Belgique, les Rèmes se donnaient à lui, et il n’y avait plus de différence entre leur condition et celle des peuples de la Gaule latine.

L’exemple des Rèmes est unique dans l’histoire des nations gauloises. Ils ont voulu faire partie de l’Empire romain ; et le don qu’ils lui ont fait d’eux-mêmes ; ils ne l’ont jamais ni repris ni regretté. A voir la fidélité touchante et continue avec laquelle ils le serviront désormais[49], on n’ose leur reprocher, comme aux Éduens, d’avoir trahi la Gaule : ils n’ont fait que se présenter sans retard aux maîtres que les dieux leur envoyaient, et cet abandon de leur liberté ressemble moins à un calcul ou à une lâcheté qu’à un acte de religieuse résignation.

César évita la brutalité d’une annexion, qui eût inquiété les Éduens et bien d’autres. Ce fut en ami qu’il répondit aux Rèmes. Il accepta leurs otages, il fit venir près de lui leurs chefs et leur sénat ; mais il les assura de sa protection[50], et leur promit sans doute d’accroître leur empire : il allait travailler pour eux en Belgique[51], comme, chez les Celtes, il avait fait pour les Éduens.

 

III. — COMBATS SUR L’AISNE[52].

La campagne militaire s’engageait donc dans d’excellentes conditions. Maître de la Champagne, César possédait, au cœur de la Belgique, une base d’opérations inestimable. De Reims ou de Châlons, il dominerait toutes les routes de l’Est et du Nord ; le pays était fort riche, abondant en blé et en fourrage[53]. De sages précautions mirent son armée à l’abri de toute surprise. A l’est, les Trévires de la Moselle acceptaient son alliance et lui envoyèrent même quelques escadrons[54]. A l’ouest, les Celtes de la Seine et de la Loire, Sénons, Parisiens ou Carnutes, le renseignaient sur ce que faisaient les Belges du voisinage[55] : un chef carnute, Tasget, ne quittait pas le proconsul et lui rendait mille services[56]. César avait trouvé le moyen d’armer contre la Belgique la moitié de la Gaule.

Les Belges, pendant ce temps, avaient concentré leurs multitudes[57] et s’avançaient sur la route de l’Aisne, qui, de Soissons, les menait en pleine Champagne[58]. César se hâta de gagner cette route[59], par Châlons et Reims. — Mais, en chemin, il détacha Diviciac et le contingent éduen (par Meaux et Paris ?), pour opérer dans la vallée de l’Oise, sur les derrières des ennemis[60]

La frontière entre les Rèmes et les autres Belges coupait la rivière de l’Aisne vers Pont-Arcy[61]. En amont se trouvait la principale traversée de la rivière, à Berry-au-Bac : la grande route gauloise la franchissait sur un pont[62] ; il y avait des gués en aval[63]. César résolut d’attirer l’ennemi sur ce point : rien n’était plus propice pour arrêter et disloquer une armée gauloise que ces lieux de passage, où elle se présentait toujours en désordre et embarrassée de son énorme charroi.

Le camp romain fut installé sur la longue colline[64] (de Mauchamp) qui borde la rive ultérieure de l’Aisne, et domine à la fois la route et le pont de Berry. Ce fut une vraie ville[65] que bâtit César pour y enfermer ses quarante mille hommes : le rempart s’en dressa à douze pieds de hauteur[66], les fossés s’en creusèrent sur dix–huit pieds de largeur[67]. En arrière, du côté des Rèmes, des redoutes et une garnison gardaient le pont et l’autre rive, sous les ordres du légat Quintus Titurius Sabinus[68]. A gauche et à droite du camp, aux extrémités de la colline, d’autres fossés et d’autres redoutes garnies de machines[69]. Du côté ennemi, le camp était bordé par les marécages d’un long ruisseau[70]. Plus loin, à huit milles en avant, à l’entrée même du territoire des Rèmes, leur forteresse de Bibrax (Beaurieux ?) observait la frontière et veillait sur la route[71].

Les Belges n’arrivèrent que lorsque l’œuvre de bâtisse fut terminée : Ils assiégèrent d’abord Bibrax, qui résista[72]. Pendant la nuit, le proconsul y fit entrer ses cavaliers numides, ses archers crétois, ses frondeurs baléares[73]. L’ennemi abandonna la partie pour marcher à César[74], et il vint s’établir sur les collines qui regardaient le camp romain, de l’autre côté des marécages. En face de la ville des légions, droite, régulière, ramassée dans l’enceinte continue de son rempart et de son fossé, s’étalait le campement des Gaulois, immense, désordonné, allongeant sur huit milles de profondeur la ligne incohérente de ses tentes et de ses feux[75].

César ignorait la valeur réelle de cette espèce d’ennemi, qu’il voyait pour la première fois. Il se borna, les premiers jours, à faire sortir ses cavaliers et à risquer quelques escarmouches[76]. Quand il eut reconnu à quels hommes il avait affaire, il rangea ses six meilleures légions sur l’esplanade qui bordait son camp[77], et, protégé de tous côtés par la rivière, le camp et le marécage, il offrit le combat[78]. Il eût fallu aux Belges, pour le commencer, franchir le marais, descendre et gravir des pentes sous la menace des javelots. Ils furent assez avisés pour demeurer tranquilles[79].

Mais ils exploraient le pays autour d’eux, et trouvaient les gués de l’Aisne[80]. L’espoir leur vint alors de la traverser malgré les Romains, de les attaquer par derrière, ou, tout au moins, de leur couper les vivres. César n’avait point fait occuper les gués[81], sans doute avec l’arrière-pensée d’y amener les Gaulois : Par le pont, il courut sur l’autre rive avec sa cavalerie et ses troupes de jet[82]. Un violent combat eut lieu sur les bords et dans le lit de la rivière. Quelques groupes avaient déjà passé : la cavalerie les entoura et les écharpa. D’autres, fort nombreux, demeuraient engagés dans le courant : on les massacra. Leurs corps amoncelés formèrent comme une digue d’un bord à l’autre, et de nouveaux Gaulois s’avancèrent par-dessus les cadavres : ils furent criblés de traits. Les chefs donnèrent l’ordre de la retraite[83].

Il s’en fallait de beaucoup que ce fût un désastre pour les Belges. La rencontre des bords de l’Aisne, vu leur multitude, ne pouvait passer que pour une escarmouche. Mais les Gaulois se désespéraient vite. Jusque-là rien ne leur avait réussi. Peu habitués à ces grandes guerres collectives hors de leurs frontières, ils ne savaient comment nourrir leurs foules, et les vivres leur manquaient déjà. Les Éduens approchaient du Beauvaisis, et les Bellovaques ne se résignaient pas à laisser les leurs sans secours. — Le conseil des chefs fut réuni. Ils décidèrent la dislocation momentanée de l’immense armée : on devait laisser le Romain pénétrer en Belgique, puis se réunir à nouveau pour l’y attaquer. Combattant chez eux, les Gaulois auraient l’avantage de connaître le pays et de ne point manquer de vivres[84]. Et le plan était excellent s’ils persistaient dans l’accord, s’ils savaient attirer César très loin sur leurs propres terres, et s’ils revenaient tous assez vite pour le surprendre, l’affamer et l’envelopper.

 

IV. — SOUMISSION DE LA BELGIQUE AU SUD DES ARDENNES.

Mais les Gaulois n’étaient pas encore faits aux décisions et aux mouvements rapides des généraux et des légions de Rome. Il suffit de quelques heures à César pour déjouer le plan des Belges.

Ils avaient levé leur camp à la nuit, et, suivant leur habitude, à la débandade et en menant grand bruit[85]. Quelques heures après, à la pointe du jour, César lançait contre eux sa cavalerie, trois légions et Labienus. On atteignit vite les Belges en retraite[86], et on se mit à traquer l’arrière-garde. Elle fit bonne contenance : mais toute cette armée n’était déjà plus qu’une foule aveugle. Et jusqu’au coucher du soleil, dit César, les Romains purent égorger sans péril dans cette multitude[87]. — Ce jour-là, comme le jour des Tigurins, le service du légionnaire fut une besogne d’abattoir.

Vingt-quatre heures après, César se présentait devant la place forte des Suessions, Noviodunum (le mont de Pommiers près de Soissons ?)[88] : en une seule étape de trente milles, quarante–cinq kilomètres, il avait transporté son armée de Berry-au-Bac à Soissons[89]. Les fugitifs n’étaient pas encore arrivés : si bien que le proconsul, dans la rapidité de sa marche, les avait devancés, et que les fuyards couraient derrière lui[90].

Les Suessions, chef en tête, se montrèrent durant la nuit et purent entrer dans leur ville. César ne les en empêcha pas, assuré d’ailleurs qu’il les prendrait au piège[91]. Il tenait prêts ses mantelets, les matériaux d’une terrasse d’approche, ses tours d’attaque[92]. Le matin même, l’ouvrage du siège commença : les tours se dressèrent et la terrasse s’éleva peu à peu[93].

Les évènements de ces trois jours avaient troublé l’esprit des Gaulois. Un ennemi qui vous poursuit et qui arrive avant vous, d’énormes et mystérieuses machines qui bloquent le matin une ville où l’on est entré dans la nuit, le double prodige de cette marche rapide et de cette construction colossale terrifia les Suessions. Ils se rendirent. A la prière des Rèmes qui l’accompagnaient, César se contenta d’otages et des armes[94].

En droite ligne, la route de l’Aisne le mena chez les Bellovaques (par Compiègne ?)[95]. Diviciac l’avait rejoint[96]. On était à cinq milles de leur place forte, Bratuspantium (près de Beauvais ?)[97], lorsqu’arrivèrent les anciens de la nation, portant les paroles habituelles de la soumission[98]. César leur fit attendre sa réponse jusqu’aux portes de la ville. A la prière de Diviciac, il leur accorda les mêmes conditions qu’aux hommes du Soissonnais[99].

Au nord des Bellovaques, le proconsul trouva les Ambiens, sur les deux rives de la Somme. Ils se rendirent dès son approche[100].

Jusque-là, César avait parcouru sans danger les plus belles terres de la Belgique. De Reims à Soissons, de Soissons à Beauvais, de Beauvais à Amiens, c’étaient, par ces mois ensoleillés où les légionnaires montèrent vers le nord, de merveilleux pays qu’ils traversaient, avec les claires rivières qui marquaient leur chemin, les champs de blé mûrissant qui s’étalaient sur les plateaux, les bois qui rafraîchissaient les sentiers et coupaient la monotonie des longues routes. Ils n’avaient combattu que juste assez pour s’apercevoir de leur tâche de conquérants. Cette Belgique des bords de l’Oise était aussi radieuse et aussi accueillante que la Celtique du Beaujolais et de la Bourgogne.

Mais au nord d’Amiens, le pays et les hommes changeaient de caractère. Les forêts interminables commençaient, pleines de déserts, de marécages et de bêtes fauves ; elles abritaient des tribus à demi sauvages, en partie d’origine germanique, surpassant les autres Belges en bravoure et en rudesse. Elles étaient même plus redoutables que les hommes d’Arioviste : car, vivant d’une vie sédentaire, attachées à leur sol, familières de leurs bois et de leurs marais, elles sauraient les défendre avec l’âpreté du maître qui garde son bien et la ruse du paysan qui connaît les mille recoins de son pays[101]. — D’autre part, César ne voulut pas laisser cette contrée des Ardennes dans l’ignorance de ses légions : la route de Sambre-et-Meuse, qui la traversait, était la voie maîtresse de toute la Gaule du Nord, et les nations qui y commandaient pouvaient à leur gré ouvrir ou fermer la Gaule aux invasions germaniques. D’Amiens, le proconsul se dirigea (par Bapaume ?) vers la ligne de la Sambre[102]. Aux bords de l’Escaut, à Cambrai, il se trouvait chez les Nerviens[103].

 

V. — BATAILLE DE LA SAMBRE.

Les Nerviens avaient décidé à la résistance les trois peuplades voisines, les gens du Vermandois, les Atrébates de l’Artois, les Aduatiques de la Meuse[104]. Ces derniers n’étaient pas encore prêts[105] ; mais les autres attendaient César sur la Sambre[106], près de Maubeuge, à l’endroit où la route de Gaule quitte le plateau pour descendre dans la rivière (à Hautmont[107]). Leur armée se composait d’au moins 80.000 hommes, dont les trois quarts, et les meilleurs, appartenaient aux Nerviens. C’était un homme de cette nation, Boduognat, qui commandait en chef[108].

César marchait à la bataille dans la calme confiance en son bonheur. Il avait déjà, sur les bords de l’Aisne, deux fois rencontré et deux fois battu les Nerviens et leurs alliés, réunis à beaucoup d’autres. La nouvelle campagne paraissait jeu d’enfant, telle que les précédentes.

Aussi, le proconsul semble s’être départi de sa prudence ordinaire. Dans le pays de Bavai, où il passa la nuit[109], il apprit que le campement ennemi se trouvait à dix milles de là, sur la rive ultérieure de la Sambre[110]. Il aurait dû, ou s’avancer en ordre de combat, ou demeurer à Bavai, s’y fortifier et attendre : d’autant plus que, le long du chemin, de nombreux obstacles surgissaient, de ces haies artificielles, faites de ronces et d’arbustes, que l’ennemi avait multipliées sur la route, au ras du sol, à peine visibles, et qui entravaient la marche à chaque instant[111]. Mais César, pressé d’en finir, expédia ses éclaireurs et des centurions pour établir un nouveau camp face à celui de l’adversaire, sur la rive citérieure de la Sambre : de là, comme à Berry-au-Bac, il maîtriserait le passage[112]. Puis, il continua avec ses troupes, les laissant échelonnées en longue file, les bagages intercalés entre les légions[113], tout comme s’il se promenait en pays ami. Ce n’est qu’aux abords de la rivière qu’il se décida à faire prendre les devants à ses six meilleures légions[114]. Et encore, au lieu de les tenir rassemblées afin de les préparer au combat, il les dispersa pour les mettre à la construction du camp (sur la colline en face d’Hautmont)[115]. — L’ennemi, sur l’autre rive de la Sambre, voyait et suivait tous les mouvements de César[116].

Pour la première fois, il rencontra chez un peuple barbare un adversaire digne de lui. Les Nerviens avaient établi leur camp sur les hauteurs, couvertes de bois, qui dominent la Sambre (derrière Hautmont)[117] ; il n’y avait là ni femmes ni vieillards ni enfants, aucun de ces embarras que traînaient après elles les armées gauloises. On les avait expédiés au loin, dans un lieu de refuge défendu par les marécages[118]. Il ne restait que les soldats, tous décidés à mourir. Leur campement et leur nombre étaient dissimulés par la forêt broussailleuse où ils se tenaient, à l’abri des surprises[119]. Des transfuges venus de l’armée de César les tenaient au courant de ses manœuvres[120], et celui-ci ignora tout de leurs dispositions[121].

Le proconsul crut les siens suffisamment protégés par la rivière, qui était large, profonde de trois pieds et encaissée par endroits[122]. Ses cavaliers et ses hommes de trait, qui firent une première reconnaissance sur l’autre rive, rapportèrent qu’on avait chassé sans peine quelques cavaliers gaulois, et qu’ils étaient disparus dans les bois[123]. Les six légions d’avant-garde continuèrent la besogne du camp[124] ; la tête du convoi des bagages se montra sur le plateau[125] ; les hommes commencèrent l’installation[126].

Il y avait toujours, à ces moments d’arrivée, un peu de désordre. Personne, d’ailleurs, ne pensait au combat[127]. — C’était l’heure que l’ennemi, habilement renseigné, guettait depuis longtemps. En un clin d’œil, des milliers d’hommes sortent des bois, bousculent cavaliers, archers et frondeurs, dévalent vers le fleuve, le traversent, escaladent l’autre rive, et touchent aux légions. Sur deux milles de front, les Barbares se sont rués à l’assaut des Romains, dispersés sur le plateau et à moitié désarmés[128]

Jamais encore César, son bonheur et sa gloire, n’avaient couru un tel danger. Ce fut pour lui l’humiliation de la surprise : il ne put donner les ordres les plus utiles, et les légats des légions, chacun de son côté, durent prendre les mesures nécessaires[129]. Il ne réussit même pas à combiner les mouvements et à rétablir les rangs : c’était une bataille aveugle, où le soldat prit la place que le hasard lui imposa, où des légionnaires combattirent sous des enseignes qui n’étaient point les leurs, où des subalternes s’improvisèrent chefs responsables[130] ; et ce désordre dune armée romaine, habituée aux belles ordonnances de combat, fut une nouvelle honte pour César. Enfin, la disposition générale des légions acheva de montrer les imprudences du proconsul : au centre, devant le camp, la VIIIe et la XIe s’opposaient aux gens du Vermandois[131], ce qui faisait une force trop grande pour un si petit adversaire ; à gauche, contre les Atrébates, qui étaient également peu de chose, la IXe et la Xe, les deux meilleures troupes de César, et Labienus, son meilleur officier[132] ; à droite, enfin, en face des 60.000 hommes des Nerviens[133], il n’y avait que deux légions, dont une seule de vétérans, la VIIe et la XIIe[134]. Et par une dernière malchance, César se trouva d’abord du côté de la Xe, qui n’avait pas besoin de lui, et qu’il passa quelque temps à haranguer[135] : car les généraux romains, même les plus indépendants d’allure, ne pouvaient se défaire des habitudes d’un long passé. — Les conséquences de toutes ces erreurs se firent bientôt sentir[136].

Au centre, les Viromandues furent repoussés, et rejetés dans la rivière[137]. — A gauche, Labienus, la Xe et la IXe firent, sans grand effort, de belles prouesses. Une salve de javelots, ordonnée au bon moment, jeta le trouble parmi les assaillants ; une charge à l’épée les culbuta dans la Sambre[138]. Emportés par leur élan, les Romains gravirent la pente opposée, et, après un nouveau combat, s’aventurèrent dans le camp gaulois, vide de soldats[139]. — Mais ces pointes hardies vers la rivière et la forêt firent perdre de vue aux vainqueurs leur propre camp et le gros des ennemis.

Les Nerviens montaient contre la droite romaine pendant que César pérorait encore à l’aile gauche. Ils arrivèrent avec toutes leurs forces, en masses serrées, en rangs profonds, sous les ordres du chef suprême, Boduognat[140]. Comme ils étaient fort nombreux, ils se divisèrent. — Une partie des hommes assaillit les deux légions, les enveloppa presque en entier[141]. Ce fut une mêlée sauvage. La VIIe résista assez bien ; mais la XIIe, composée de jeunes soldats, ne sut pas manœuvrer, perdit presque tous ses centurions, même son primipile et une enseigne ; et la fuite des Romains commença[142]. — L’autre troupe des Nerviens continuait vers le camp, demeuré à peu près sans défense et d’ailleurs inachevé[143]. En un instant, l’ennemi put entrer dans l’enceinte et s’y répandre sans obstacle. Et alors, valets d’armée, cavaliers gaulois, Numides, frondeurs des Baléares, la foule égoïste et lâche des subalternes et des auxiliaires, saisie d’une terreur panique, s’enfuit dans tous les sens[144]. — Encore quelques minutes, et c’était le désastre, le pillage du camp, le massacre de deux légions[145]. Et déjà les Trévires, reniant en toute hâte l’allié qu’ils s’étaient donné, quittaient au galop le champ de bataille pour annoncer à leur peuple la ruine de César[146].

Celui-ci accourait à ce moment, ayant terminé ses harangues[147]. Il prit en toute hâte le commandement de la XIIe, espaça les rangs[148], s’élança, le bouclier à la main, sur le front de bataille, interpella les hommes, cria, s’agita, combattit lui-même, et, remise en état de courage et de confiance, la légion put retarder la poussée des ennemis[149] Puis, il fit rapprocher la VIIe, elle aussi en mauvaise posture, et les deux troupes réunies rétablirent le combat[150]. — Mais la situation demeurait critique. S’il ne survenait pas quelque secours, l’arrivée de César n’aurait fait que retarder la catastrophe et l’aggraver encore[151].

Les renforts accoururent enfin. Les deux légions d’arrière-garde débouchaient au pas de course sur le champ de bataille[152]. Et Labienus, ayant vu du haut de la colline opposée la prise du camp romain, lança la Xe au secours de César[153].

La mêlée se continua, avec un effroyable acharnement des deux côtés. Les fuyards de l’armée romaine, honteux de leur peur, voulurent y prendre part, même les valets sans armes[154]. Aucun des Nerviens ne bronchait : quand leurs premiers rangs furent tombés, les seconds rangs montèrent sur les cadavres et se présentèrent au combat ; quand il eut péri un trop grand nombre, les survivants durent gravir les monceaux de corps, et renvoyèrent d’en haut les javelots qu’on lançait contre eux. Les morts s’accumulaient devant les légionnaires, et ceux-ci trouvaient toujours des vivants à combattre[155]. Et César, émerveillé à la fin de tant de bravoure, ne put s’empêcher d’admirer ces Barbares[156].

Ce ne fut qu’après l’égorgement de tous les Gaulois que la bataille nervienne prit fin. Des 60.000 hommes, 500 seulement, dit-on, gagnèrent le refuge où les attendaient les non-combattants[157]. L’énormité du massacre, la destruction de la jeunesse entière des Nerviens, consolèrent César de ses fautes et les cachèrent à ses soldats.

 

VI. — CONQUÊTE DES ARDENNES ; LA FORTERESSE DES ADUATIOUES.

Il ne restait plus, du nom des Nerviens, que la multitude des femmes, des enfants et des vieillards, cachés dans les marécages du Hainaut. A la nouvelle du désastre, ils envoyèrent dire au proconsul qu’ils se rendaient à discrétion[158].

César déclara plus tard qu’à l’endroit d’une telle infortune, la miséricorde fut un devoir, et qu’il pardonna pour ne point paraître impitoyable[159]. En réalité, il était inutile et dangereux de supprimer la nation des Nerviens : la place qu’elle occupait en Gaule, cette route de Sambre-et-Meuse par où des Germains se présentaient sans cesse, ne pouvait être livrée à leurs convoitises ; l’intérêt de Rome exigeait qu’on y maintint des défenseurs, comme on avait fait dans le pays des Helvètes. Et ces Nerviens étaient une race de splendides combattants à ne point perdre. On leur laissa donc leurs terres, leurs places fortes et leur nom national, et, comme tout ce qui en restait n’était plus qu’une multitude sans armes, César fit dire aux peuples voisins qu’il la prenait sous sa protection, et qu’ils eussent à la respecter[160].

Continuant alors sa marche vers le Rhin, il atteignit le pays des Aduatiques, qui tenaient le confluent de la Sambre et de la Meuse[161].

Leur contingent était en route lorsqu’ils apprirent la défaite de leurs alliés[162]. Trop peu nombreux pour lutter en rase campagne, trop braves pour se soumettre, ces fils des Teutons[163] essayèrent un genre de résistance que César n’avait pas encore rencontré. Leurs guerriers et leur population presque entière se rassemblèrent dans leur plus solide place forte, et s’y disposèrent pour un long siège[164].

C’était, je crois, le rocher de la citadelle de Namur[165], au confluent de la Sambre et de la Meuse. Il surgit, comme un promontoire sauvage, à cent mètres[166] au-dessus des deux rivières, dominant leurs bas-fonds de ses pointes aiguës, de ses escarpements sinistres, de ses flancs à pic. C’est, presque partout, un bloc inabordable[167], sauf sur l’isthme de deux cents pieds qui réunit la montagne au plateau voisin[168] ; et en face de ce seuil, les Barbares avaient construit un double mur d’une grande hauteur[169]. Ils pensaient, du haut de ces roches et derrières ces murailles, n’avoir plus rien à craindre d’un ennemi[170].

Mais dès qu’il s’agissait d’attaquer une place forte, les Romains sortaient d’embarras, et ils n’avaient plus qu’à appliquer les règles classiques des poliorcètes. — On procéda d’abord à l’investissement de la place, en dressant autour de la montagne une ligne continue de levées et de redoutes[171]. Puis, quand les assiégés se trouvèrent enfermés dans leurs murailles et sur leur rocher, on les y menaça : César installa ses hommes sur le seuil d’accès, bâtit une terrasse en avant des murs, et fit approcher une tour d’attaque[172]. A ce spectacle inattendu, les Aduatiques se déclarèrent combattus par des dieux, et se rendirent[173].

Mais ils ne respectèrent pas la foi jurée. Fils de vagabonds, traités longtemps en intrus par leurs voisins, ils avaient des habitudes de ruse ou de trahison qui répugnaient d’ordinaire aux Gaulois. Pendant la nuit, ils sortirent en masse de la ville et assaillirent les Romains[174].

César se tenait sur ses gardes. Il eut raison d’eux en leur tuant quatre mille hommes[175]. Et le lendemain, il entrait dans la ville en forçant les portes[176]. Comme on ne lui résista pas, il fut dispensé d’égorger, et il se contenta de faire vendre à l’encan, au bénéfice du trésor public, tous les êtres vivants qu’on lui amena. Il y en eut 53.000[177]. Mais beaucoup d’Aduatiques réussirent à échapper ; et, malgré César, ce nom, deux fois odieux aux Romains, ne disparut pas encore de la Gaule[178].

 

VII. — EXPÉDITION DE CRASSUS EN ARMORIQUE.

Les légions n’avançaient plus que lentement, depuis qu’elles avaient quitté les belles terres de la Somme. Il leur avait fallu plusieurs semaines[179] pour conquérir un tronçon de route, de Bavai à Namur, et cela, au prix de pénibles combats et sur deux peuples seulement. On arrivait à l’automne[180]. Le général ne se risqua pas plus loin dans les forêts du Nord, et il songea à ses quartiers d’hiver.

Mais il avait tué tant d’hommes, pris tant de villes et ramassé tant d’esclaves, que toutes les peuplades des Ardennes et du Rhin tremblèrent, et que, sans coup férir, il fut facile de leur en imposer. Un accord fut conclu avec les chefs des Éburons[181], qui occupaient, après Namur, les deux rives de la Meuse[182]. Il vint même aux Romains quelques députés d’au delà du Rhin, offrant des otages et la soumission[183]. César pouvait dire, sans trop se vanter, qu’il avait étendu son empire jusqu’au grand fleuve, et qu’il dépendait de lui de le franchir en maître[184].

En même temps que le Rhin, c’était l’Océan qu’il fixait cette année comme terme de ses victoires et des conquêtes de Rome. Pendant le dernier siège, il avait envoyé une de ses bonnes légions, la VIIe[185], et l’un de ses officiers, Publius Crassus le jeune, dans la direction de l’Armorique[186]. Ce fils du triumvir fut un des mieux doués des lieutenants de César. Il avait déjà montré du coup d’œil dans le combat, de l’esprit d’initiative et d’à propos, et il sembla désigné pour les entreprises où il fallait de l’audace et de la décision, les pointes aventureuses en pays ennemi.

Ce que César lui donnait à réduire, c’était la Gaule entre la Seine et la Loire, la Normandie, l’Armorique, le Naine et l’Anjou, nations riches et puissantes sur terre ou sur mer, habituées à l’isolement et à l’indépendance, peu mêlées à la vie et aux compromis du reste de la Celtique. Et il fallait que le jeune Crassus eût un tempérament de conquérant, pour partir avec une seule légion vers ces terres inconnues qui finissaient par se perdre dans l’Océan, les plus éloignées de Rome qu’aurait foulées en Occident un soldat de César.

Crassus fut aussi heureux que son chef. De Namur à Angers[187], il fit 125 lieues sans rencontrer de résistance. La rapidité des marches romaines, le bruit des succès de César, cette crise de peur et de lâcheté qui pesait en ce temps-là sur la Gaule, décidèrent les Armoricains à se soumettre[188]. Partout, d’humbles ambassades se présentèrent devant le jeune officier. Il en vint des petites nations normandes, du pays de Séez et du Cotentin[189] ; il en vint des Aulerques, dont la VIIe légion dut traverser les terres ; il en vint enfin des quatre grandes peuplades de la Bretagne, Redons de Rennes, Coriosolites du golfe de Saint-Brieuc, Vénètes du Morbihan, Osismiens de la fin des terres[190] : et ces peuples, qu’avaient jadis visités les Grecs de Pythéas, qui avaient vu des hommes du Midi débarquer au couchant sur leurs rivages, leur apportant des paroles de paix et des désirs d’échanges, voyaient maintenant arriver du levant des hommes semblables, mais d’un autre nom, qui entraient de force sur leurs terres et qui leur imposaient l’obéissance. L’histoire entière du monde d’autrefois, Grèce et Rome, se retrouve dans ce contraste.

Tous ces peuples livrèrent des otages. Crassus fut si sûr de sa conquête, qu’il leur envoya, presque sans soldats, quelques-uns de ses officiers pour procéder à des réquisitions de vivres ; des préfets et des tribuns circulèrent dans le pays du Morbihan et sur les côtes de la Manche, parlant et agissant en maîtres[191]. Après tout, du moment que les Vénètes, les suzerains de l’Armorique, avaient cédé devant les légionnaires, cela signifiait qu’elle abandonnait à César l’Océan du Nord, rivages et mers. Ce que le proconsul n’avait encore dit de personne en Gaule, pas même des Belges, il le prononça au sujet des nations armoricaines : elles furent réduites en la puissance du peuple romain[192].

 

VIII. — L’ANNEXION APPARENTE DE TOUTE LA GAULE.

La conquête de l’Armorique levait tous les doutes : la Gaule devenait une province romaine, jusqu’au Rhin et jusqu’à l’Océan. Car, pour pénétrer en Armorique et pour y loger des soldats, le moindre prétexte fit défaut au proconsul. Au printemps, il avait marché au-devant des Belges afin de se prémunir contre leurs attaques ; à l’automne, il attaqua les peuples de la mer, qui n’avaient nul souci de lui. En deux ans, il avait combattu tour à tour pour garantir sa province, pour protéger ses alliés, pour contenir ses adversaires et pour soumettre les indifférents.

Tout paraissait bien fini maintenant. Il touchait au Rhin et à l’Océan, limites du nom gaulois. Les marques de la conquête s’étalaient librement sur les terres qui portaient ce nom. Après la campagne, les légions restèrent en Gaule pour y prendre leurs quartiers d’hiver : la VIIe en Anjou, deux sur la Loire, d’Orléans à Tours, la XIIe dans le Valais, les autres en Belgique[193] L’hiver précédent, elles avaient campé ensemble, non loin de la frontière romaine, comme si elles allaient la repasser ; cette année, elles sont distribuées par toute la contrée, telles que des garnisons qui s’installent. Les préfets et les tribuns préposés aux vivres opèrent sur tout le territoire[194]. Des convois de butin et d’esclaves s’acheminent vers l’Italie[195] ; les marchands arrivent en foule, malgré les ennuis des Alpes, et César songe déjà à ouvrir de nouvelles routes[196] Dans le cours de la dernière guerre, les formules consacrées de l’obéissance ont été prononcées par les peuples du Nord. Même en droit, il n’y avait plus une différence sensible entre la condition des Belges ou des Armoricains et celle des provinciaux soumis à l’Empire romain[197].

Au sud de l’Aisne ou de la Loire, Rèmes et Celtes demeurent des nations libres, alliées du peuple romain, et qui continuent à se grouper à leur guise. L’année qui finit a vu grandir, à côté de l’hégémonie éduenne, l’influence du peuple des Rèmes. César l’avait laissé libre et lui témoignait sa bienveillance : aussitôt, ceux des Celtes qui avaient jadis soutenu les Séquanes et combattu Bibracte, Carnutes et autres, offrirent leur amitié à la nouvelle puissance qui s’élevait dans le Nord, et les Rèmes les acceptèrent comme clients ou vassaux[198]. Les Éduens auraient pu concevoir quelque jalousie contre ce nouvel empire : mais César, très désireux de ménager ses alliés de la première heure, déclara ou laissa déclarer par quelque assemblée gauloise[199], que les Rèmes seraient seulement le deuxième peuple en dignité, et que les Éduens demeuraient, et de beaucoup, les premiers et les princes de toute la Gaule[200]. Une hiérarchie des nations s’établissait sous le contrôle du proconsul, hiérarchie où les premières étaient ses amies les plus utiles.

L’habileté de César consista précisément à faire que ces deux Empires, éduen et rème, fussent enveloppés de toutes parts, au nord comme au sud, par des terres de vaincus, Helvètes, Belges et Armoricains. Il venait de répéter la manœuvre des Romains en Grèce, lorsqu’ils avaient laissé l’autonomie aux Hellènes, mais en les bloquant par les provinces de Macédoine et d’Asie. La liberté gauloise n’existait plus qu’à l’état d’enclave.

Nulle part d’ailleurs, ni sur la Sambre ni sur l’Océan, César ne prononça encore le mot de province[201]. Il s’arrangea de façon à ce que le sénat de Rome n’intervînt pas pour régler la condition de la nouvelle conquête. Des otages, des auxiliaires, les vivres et le logement des troupes, voilà, semble-t-il, les seules obligations qu’il imposa aux vaincus[202]. Le proconsul fit durer l’équivoque. Il y gagnait deux choses : d’habituer les Gaulois à obéir sans blesser leur amour-propre, et d’obliger le sénat à lui laisser le pouvoir et l’armée.

A Rome, on fut moins discret qu’au quartier général, et, du reste, César voulait qu’on y parlât le plus possible de lui et de ses victoires. L’année précédente, l’affaire des Helvètes et celle d’Arioviste n’avaient amené qu’un sentiment d’inquiétude. Il s’était encore accentué, je crois, au début des nouvelles campagnes, lorsqu’on avait vu le proconsul reprendre sa marche vers le nord, et attaquer de nouveaux ennemis sans guerre déclarée. Il fut même question au sénat d’envoyer des commissaires pour faire une enquête sur la situation des Gaules[203]. Mais les nouvelles des victoires arrivèrent ; les résultats étaient superbes : cent mille morts, cinquante mille esclaves, les fils des Teutons anéantis[204]. Si Pompée, lors de la défaite de Mithridate, s’était approché de la mer Caspienne, les légions de César touchaient au grand fleuve du Rhin et aux mystères de l’Océan du Nord. C’était Cicéron, l’adversaire de César et l’ami de Pompée, qui maintenant rapprochait ces deux noms[205]. Le vainqueur des Gaules devenait enfin un héros consacré par les dieux[206]. Tous les scrupules tombèrent ; il ne fut plus question d’enquête, et chacun ne songea qu’à prendre sa part du butin. Le sénat, qui avait voté jadis douze jours d’actions de grâces en l’honneur de Pompée, en décréta quinze en l’honneur de César[207]. Et, durant deux semaines, le peuple de Rome remercia les dieux de lui avoir donné la Gaule (automne 57).

 

 

 



[1] Cf. Pecis, p. 167 et s. ; Fréret, Observations, etc., Mém. de l’Ac. des Inscr., XLVII, 1809, lu en 1746 ; Le Long, Hist. eccl. et civ. du diocèse de Laon, Châlons, 1783, p. 7 et s. ; des Roches, Hist. anc. des Pays-Bas autrichiens, Anvers, 1787, p. 270 et s. ; Dewez, Mém.... de l’ancienne Belgique, dans les Nouveaux Mém. de l’Ac. roy. ... de Bruxelles, in-4°, II, 1822 ; P[aert], Mémoire sur les campagnes de César dans la Belgique, écrit vers 1807, publié par Roulez, Louvain, 1833 ; d’Allonville, Diss. sur les camps romains du dép. de la Somme, Clermont-Ferrand, 1828 ; Moët de La Forte-Maison, Antiquités de Noyon, Rennes, 1845, p. 31 et s. ; Moke, La Belgique ancienne, Gand, 1858, p. 167 et s. ; Abel, César dans le Nord-Est de la Gaule, Metz, 1862 (Soc. d’Arch. de la Moselle) ; Sarrette, Quelques pages, etc., p. 74 et s. ; Caudel, Première Campagne de César dans la Gaule-Belgique, Com. arch. de Senlis, II, IV, 1878 ; Gantier, La Conquête de la Belgique par Jules César, Bruxelles, 1882 ; Thomann, Der franzœsische Atlas, 1871, p. 1-13 ; Lehmann : 1° Neue Jahrbücher für das klassische Altertum, 1901, VII, p. 506 et s. ; 2° Klio (Beiträge z. a. G.), VI, 1906, p. 287 et s. — Il y a, pour ces campagnes, peu de traces, et pas très nettes, de sources différentes de César : chez Dion, Plutarque et Appien.

[2] I, 54, 2-3 ; Plutarque, César, 20.

[3] Cf. I, 45, 2-3.

[4] I, 54, 2.

[5] VI, 12, 6. Il est probable que ceux qu’ils avaient fournis aux Suèves furent trouvés dans le camp d’Arioviste (cf. I, 53, 5-8).

[6] VI, 12, 6.

[7] VI, 12, 6 et 9.

[8] VI, 12, 6.

[9] Cf. II, 1, 3.

[10] VI, 12, 6.

[11] Cela me parait résulter de VI, 12, 6-7, et de VI, 4, 5.

[12] Cela me parait la conséquence de ce que dit César, II, 1, 4.

[13] Cf. II, 1, 4.

[14] Cf. II, 1.

[15] Plutarque, César, 20 ; Zonaras, X, 6.

[16] I, 54, 3.

[17] Plutarque, César, 20 ; Zonaras, X, 6 ; Cicéron, Ad Att., III, 18.

[18] Il n’en est question dans aucun document contemporain.

[19] Un signe assez caractéristique, c’est le peu d’attention que Cicéron accorde à César dans ses Post reditum et dans son Pro domo (fin de l’été 57, calendrier restitué).

[20] Cicéron, Pro domo, 15, 40.

[21] Cicéron, Pro Sestio, 33, 71 (iter Sestii ad Cæsarem, août 58 au plus tôt) ; Ad Atticum, III, 18 ; De prov. consul., 18, 43 ; Dion, XXXIX, 10, 1.

[22] Cf. Ferrero, p. 36 et suiv.

[23] Omnium gentium... facile princeps, Cicéron, Post reditum in sen., 3, 5 ; de même, P. r. ad Quir., 7, 16.

[24] Les deux consuls de l’année, L. Calpurnius Pison envoyé en Macédoine, A. Gabinius en Syrie, avec infinitum imperium, à la fin de 58 ; Pro domo, 9, 23 ; 21, 55 ; 23, 60 ; 47, 124 ; In Pisonem, 16, 37 ; 37, 90. Au surplus, ni l’un ni l’autre ne firent rien.

[25] Cela a été bien vu par Ferrero, p. 40.

[26] Cf. César, II, 1, 2 ; Dion, XXXIX, 1, 2. Dion semble dire que des conventions avaient été déjà conclues par Rome avec quelques Belges (οί μέν ένσπονδοι) : peut-être fait-il allusion à la soumission des Rèmes, peut-être à des traités antérieurs qui auraient été conclus en 58 avec eux, avec les Leuques (I, 40, 11) et avec les Trévires (II, 24, 4 ; I, 37, 1).

[27] II, 1, 1.

[28] Omni pacata Gallia, II, 1, 2.

[29] Cf. VI, 12, 6-7.

[30] Tout cela, d’après II, 1.

[31] Concilium commune Belgarum ; II, 3, 4-5 ; 4, 4-10 ; II, 1, 1 ; cf. Dion, XXXIX, 1, 2.

[32] Outre les Rèmes, il manqua à la ligue (II, 4, 4-10) les Trévires, sans doute déjà alliés de César, les Leuques, de même (I, 40, 11), les Médiomatriques. Il n’est pas sûr, du reste, que ces trois nations de la Moselle lissent partie à l’ordinaire du concilium commune Belgarum. Peut-être les Armoricains ont-ils promis des secours aux Belges (cf. Plutarque, César, 20) ; sans doute aussi les Bretons (cf. IV, 20, 1 ; II, 14, 4).

[33] II, 3, 5.

[34] II, 14, 3.

[35] Omnium furorem, II, 3, 5.

[36] César, II, 4, 5-10.

[37] II, 4, 7 ; Dion, XXXIX, 1, 2 (l’appelle Άδράν).

[38] II, 3, 4 ; 4, 10.

[39] César, II, 4, 5-10 : les Bellovaques, qui peuvent lever 100.000 hommes, en promettent 60.000 ; les Suessions, 50.000 ; les Nerviens, 50.000 ; les Atrébates, 15.000 [decem, Orose] ; les Ambiens, 10.000 ; les Morins, 25.000 ; les Ménapes, 7000 ? [VII, mss. α ; VIII et VIIII, mss. β ; novem, Orose] ; les Calètes, 10.000 ; les Véliocasses et les Viromandues, 10.000 [peut-être 10.000 chacun] ; les Aduatiques, 19.000 [decem et octo, Orose] ; les Germains cisrhénans (Condrusi, Eburones, Cærosi, Pæmani ou Cæmani), 40.000 ; au total, 296.000 ; Orose, VI, 7, 12-16 (arrive au chiffre erroné de 272.000) ; Strabon, IV, 4, 3 (parle de 300.000 hommes) ; cf. Plutarque, César, 20. Cf., sur ces chiffres, t. II, chapitre I.

[40] II, 1, 1 ; 2, 1.

[41] II, 2, 1, inita state [ineunte, mss. β]. Ce sont sans doute la XIIIe et la XIVe, dont les numéros n’apparaîtront que plus tard. Pour les conduire, Q. Pedius, legatus.

[42] Ordre aux Sénons et autres (Carnutes ?) de fournir des renseignements ; concentration de vivres ; II, 2, 2-3.

[43] Il arriva à l’armée cum primum pabuli copia esse inciperet (II, 2, 2), et il ne partit pas de suite, peut-être douze jours après son arrivée, si on accepte le XII die des mss. β (II, 2, 6).

[44] II, 5, 2-3 ; 10, 5 ; 14 ; 15, 1.

[45] Ad fines Belgarum, II, 2, 6. César a dû suivre la route directe de Besançon vers Reims et l’Aisne, par Langres, Seveux, Brienne, le pont de Châlons. C’est là, au plus tard, qu’il a rencontré l’ambassade des Rèmes. Il fit la route, dit-il, en 15 jours environ (II, 2, 6), soit 10 à 12 milles par jour tout au plus, ce qui est une marche fort lente ; et il aura marché moins vite encore, s’il a rencontré l’ambassade aux frontières mêmes de leur territoire (vers Sompuis par la route de l’intérieur, vers Joinville par celle de la Marne). Ce qui est plus extraordinaire encore, c’est que César ajoute (11, 3, 1) qu’il arriva de improviso celeriusque, etc. Je me demande donc s’il ne faut pas lire diebus quinque, et songer à la route de Besançon à Joinville, 150 kil.

[46] A sa tête (II, 3, 1), Iccium (les mss. ont Siccium) et Andecombogium (?, les mss. ont Andocumborium et Andebrogium).

[47] Se suaque omnia in fidem atque in potestatem populi Romani permittere, etc., II, 3, 2 et suiv.

[48] Omnia in vestram, Patres Conscripti, populique Romani dicionem dedimus, etc. ; Tite-Live, VII, 31, 4.

[49] César, VII, 63, 7 ; VIII, 11, 1 ; 12, 3 et suiv. ; etc. Ce qu’on peut du reste dire aussi des Lingons.

[50] II, 5, 1.

[51] Cf. VI, 12, 7-9 ; VIII, 6, 2.

[52] [Lempereur], Dissertations hist., 1706 ; Le Moine, Hist. des Antiquités... de Soissons, I, 1771, p. 26 et suiv. ; anonyme dans l’Annuaire du département de l’Aisne pour 1813, p. 83 et suiv. ; Thillois, Bull. de la Soc. ac. de Laon, XIX, 1869-70, p. 263 et suiv. (écrit avant 1832) ; Leroux, Bull. de la Soc. arch. du dép. de l’Aisne, 1844, p. 212 et suiv. ; Henry Martin et Paul. L.-Jacob, Hist. de Soissons, I, 1837, p. 29 et suiv. ; Fallue, Le Passage de l’Aisne, Revue française, 1er mars 1863, p. 395 et suiv., et ailleurs ; Melleville, Bull. de la Soc. arch. du dép. de l’Aisne, 1841, p. 217 et suiv. ; le même, Bull. de la Soc. acad. de Laon, X, 1860, p. 215 et suiv. ; le même, Le Passage de l’Aisne, Laon, 1864 ; etc. ; Vuaflart, Bull. de la Soc. arch. ... de Soissons, XV, 1860, p. 106 et suiv. ; Poquet, Jules César et son entrée dans la Gaule Belgique, Laon, 1864, et Bulletin de la Soc. arch. de Soissons, XVII, 1863, p. 316 et suiv. ; Marville, Bulletins de la Soc. des Antiquaires de Picardie, VIII, 1862-4 ; Mercier, Bibrax, dans les Mém. de la Soc. des Sc. mor.... de Seine-et-Oise, XII, 1880.

[53] Cf. II, 3, 3.

[54] II, 24, 4.

[55] II, 2, 2-6.

[56] In omnibus bellis, V, 25, 4.

[57] II, 5, 4. — Le lieu de concentration des Belges me paraît devoir être cherché sur l’Aisne, chez les Suessions : 1° leur roi commande à toute l’armée (II, 4, 7) ; 2° ce sont les deux peuples méridionaux de la Belgique, Suessions et Bellovaques, qui fournissent à eux seuls 110.000 hommes (II, 4, 6-7), et qui sont les plus importants ; 3° la ligne de l’Aisne est la voie de pénétration en Belgique et chez les Rèmes, et il eût été étrange que Bellovaques et Suessions l’abandonnassent pour aller rejoindre leurs confédérés plus au nord. Dans un sens analogue, von Gœler, 2e éd., p. 67. — L’objection qu’on peut faire à cette hypothèse est la suivante : si les Belges se sont concentrés sur l’Aisne, ils auraient dû marcher à César et César à eux par la Vesle, route directe de Soissons à Reims, et la rencontre se comprend moins à Berry-au-Bac. A quoi on peut répondre que les Belges ont pu choisir la route de l’Aisne pour attaquer Bibrax ou Beaurieux, ce qui a obligé César à marcher sur Berry-au-Bac. — Mais cette objection est assez forte pour que je ne puisse écarter absolument l’hypothèse du rassemblement dans le pays de Vermandois, sur l’Oise moyenne, de la marche des Belges par la grande route de Laon à Reims, et de l’attaque de Bibrax (celui-ci à Vieux-Laon) sur cette route : opinion, après d’autres, de Creuly, Carte, p. 51-2, Napoléon III, p. 114, Rice Holmes, p. 644-5.

[58] Ad se venire, II, 5, 4 : par la rive septentrionale de l’Aisne (cf. note précédente).

[59] II, 5, 4.

[60] II, 5, 1-3.

[61] Cf. II, 5, 4. Je donne la limite des anciens diocèses de Reims et de Soissons, qui est aujourd’hui encore celle des arrondissements de Laon et de Soissons.

[62] II, 5, 6.

[63] II, 9, 4.

[64] II, 5, 4-5 ; 8, 3 et 5.

[65] Environ 41 hectares pour 8 légions, 40.000 hommes ; 25 mètres de hauteur au maximum ; cf. Napoléon III, pl. 9. C’était moins un camp de marche ou de nuit qu’un camp de combat. Je comprends d’ailleurs que son peu d’élévation ait dérouté parfois ceux qui ont vu le terrain. Mais cela explique la force exceptionnelle donnée par César aux défenses, et, au surplus, la mise en culture continue de ce plateau très fertile a pu adoucir les pentes.

[66] II, 5, 6.

[67] II, 5, 6. C’est bien la largeur des fossés découverts en 1862 (N., p. 114 et pl. 9). Ils avaient (id.) la profondeur normale (cf. Végèce, I, 24), 9 pieds, et étaient de profil triangulaire. Au total 21 pieds de commandement sur le fond du fossé.

[68] II, 5, 6 ; 9, 3 : le gros de la garnison était sur la rive gauche ou ultérieure, dans un castellum, une redoute formant sans doute tête de pont. On aurait reconnu les traces des levées et fossés en 1862 (Napoléon III, p. 100).

[69] Il semble d’après César (II, 8, 3) qu’il ait creusé deux fossés de 400 pas, coupant de part et d’autre toute la colline. Mais il résulte des fouilles de 1862 (pl. 9), et peut-être aussi de César lui-même (II, 8, 3), que les deux fossés partaient du camp, l’un de l’angle nord-ouest, l’autre de l’angle sud-est, pour aboutir au pied de la colline, l’un au nord au ruisseau, l’autre au sud à l’Aisne, et qu’ils se terminaient par une redoute ; la colline qui portait le camp était donc, de ce côté, complètement barrée ; elle était ouverte du côté où on offrit le combat ; cf., sur ce texte, en dernier lieu, Rice Holmes, p. 645-8. — Je ne suis pas sûr que le cours de la rivière fût alors plus au sud (Napoléon III, pl. 9). Il me paraît plus probable que l’Aisne coulait, alors comme aujourd’hui, au pied de la colline du camp (cf. César, II, 5, 5). Il est vrai que, dans ce cas, le fossé du midi aurait eu moins que les 403 pas indiqués par César, si du moins l’emplacement et la direction de ce fossé sont tels que les a donnés Napoléon : mais il suffirait de très peu de changement pour retrouver exactement ces 400 pas.

[70] II, 9, 1. Le marais du ruisseau de la Miette.

[71] Bibrax est : 1° à 8 milles, 12 kilomètres (II, 6, 1), du camp de César à Berry-au-Bac ; 2° sur la route que suivent les Belges pour venir à César (II, 6, 2) ; 3° au centre d’un pays riche, où se trouvent villages et fermes (II, 7, 3) ; 4° in extremis Remorum finibus (II, 5, 4) ; 5° ce ne peut pas être un oppidum considérable, étant à la frontière. C’est ce qui me fait préférer Beaurieux, qui peut répondre à ces cinq conditions. Au reste, le mont de Beaurieux, isolé, campé droit sur la route (du camp de Mauchamp on l’aperçoit fort bien barrant l’horizon), présente sur son plateau et dans sa situation toute l’apparence d’un oppidum gaulois. — Mais Vieux-Laon, près de Berrieux, n’est pas non plus impossible, quoique répondant moins bien aux dernières conditions. — Beaurieux a été proposé par von Gœler (2e éd., p. 67). — Vieux-Laon, par Thillois avant 1832 (Bull. de la Soc. ac. de Laon, SIX, 1869-10, p. 263-76), Napoléon III (II, p. 114), de Saulcy (Campagnes, p. 110). — Le moulin de Vauclere sur Craonnelle, par Mercier ; Pont-Arcy, par Fallue ; Bièvres, par Lebeuf (Diss. sur l’état des anciens habitans du Soissonnois, 1735, p. 20), d’Anville (Notice, p. 160) et bien d’autres ; Corbeny, par Lefèvre (Bull. de la Soc. de Laon, XIII, 1863, p. 187 et suiv.) ; Laon, par de Valois (Not., p. 291), Jacob (Mém. ... des Antiquaires de France, I, 1817, p. 328 et suiv.), Melleville (Passage, p. 14 et suiv. ; etc.) ; Fismes, par Sanson (§ 40) ; Braisne, par de Vigenere (p. 527) ; Brienne près de Neufchâtel sur l’Aisne, Bray en Picardie ; Bruyères (Rousselle-Derocquigny, Notice sur la ville de Bibrax, Noyon, 1861) et Braye près de Laon ; Barby et Braye en Réthelois [?] ; etc. — Je n’attache pas grande importance aux textes qui donnent le nom de Bibrax à Laon, et je n’y vois un argument ni en faveur de Laon ni en faveur de Vieux-Laon (dont les habitants, suppose-t-on, se seraient transportés à Laon avec leur vieux nom) : ces textes me paraissent l’œuvre d’érudits médiévaux, qui auront voulu identifier Laon et le Bibrax de César (Acta sanct., 20 juin, V, p. 21 ; 8 octobre, IV, p. 219 ; Guibert de Nogent, De Vita sua, III, 9, p. 172, Bourgin ; Dudon, De gestis Normanniæ ducum, 3, Migne, P. L., CXLI, c. 673 ; anonyme ap. Martene et Durand, Amplissima collectio, I, c. 662 ; Pardessus, I, p. 123, diplôme de Chilpéric Ier, 562 [la mention apud Bibrax est un bon argument contre l’authenticité] ; etc.).

Je crois l’emplacement du camp de César à Berry-au-Bac, sinon évident, du moins à peu près certain : 1° c’est le passage naturel de l’Aisne et le point stratégique de la vallée ; 2° la présence d’un pont gaulois (II, 5, 6) suppose une grande route, celle de Reims vers la Belgique septentrionale, et c’est en effet là qu’elle passait ; 3° nous sommes dans le voisinage de la frontière des Rèmes (II, 5, 4) ; 4° on y constate la présence d’une colline parallèle à l’Aisne (colline de Mauchamp ; II, 8, 3 ; cf. 5, 5), et d’un étroit marais parallèle à cette colline et par suite à l’Aisne (marais de la Miette ; II, 9, 1) ; 5° de gués en aval du pont et de cette colline (gués de Gernicourt, de La Pêcherie ; II, 9, 4) ; 6° l’exacte conformité de la colline à la description de César (8, 2 : in fronte, du côté regardant Beaurieux) ; 7° les découvertes de fossés et levées faites en 1862 (Bull. de la Soc. acad. de Laon, XIII, 1863, p. 141 et suiv., et plan ; Poquet, travaux cités ; Napoléon, II, p. 114, pl. 9). — Berry-au-Bac a été soupçonné par Le Long, indiqué par Thillois, repris par von Gœler (1re éd., p. 59 et suiv.), Piette, Bull. de la Soc. acad. de Laon, VII, 1858, p. 184 et suiv. (Voies romaines, etc.), confirmé par Napoléon III (p. 113), préféré depuis (Rice Holmes, p. 645 et suiv.). — Autres hypothèses, d’ailleurs aux abords de Berry : I. Pontavert et la colline de Chaudardes (Sanson, § 156, et Disquisitiones, B, p. 158 et suiv. ; d’Anville, Notice, p. 134 ; Napoléon, Précis, p. 43 ; Melleville, Passage, p. 18 et suiv., avec le camp à Vieux-Laon ; Fallue, Revue, p. 396 et suiv. ; Lehmann ; etc.) ; II. Pont-Arcy (Moët de La Forte-Maison, p. 45 ; de Saulcy, Campagnes, p. 111 ; Mercier). Mais il n’est pas sûr qu’une grande route passât par là, et je ne retrouve pas dans ces localités les descriptions de César.

[72] La place était commandée par Iccius, un des ambassadeurs rèmes reçus par César (II, 6, 4).

[73] II, 6 ; 7, 1-2. On a objecté contre Beaurieux que César n’y aurait pas introduit des secours, la colline de l’oppidum pouvant être investie de toutes parts (Napoléon III, p. 114). Mais on oublie que ces secours sont entrés de media nocte (II, 7, 1), et que les Belges n’ont pas dû garder toute la nuit les lignes d’investissement, d’autant plus qu’ils ont voulu, non pas bloquer la ville, mais l’enlever ex itinere magno impetu (II, 6, 1).

[74] Non sans avoir pillé et brûlé tout, omnibus vicis ædificiisque (II, 7, 3) : le bas pays, si riche, que longe l’Aisne de Pont-Arcy à Berry.

[75] II, 7, 3 et 4. — L’armée a dû s’étendre depuis la Miette jusqu’aux sommets de Craonne et Vauclerc. Le gros des troupes campent, face à César, sur le vaste plateau de Juvincourt, à moins de deux milles du camp romain (II, 7, 3).

[76] II, 8, 1 et 2 ; Dion, XXXIX, 1, 3.

[77] Ici se place la description de la colline, II, 8, 3 ; texte sur lequel voyez Nice Holmes, p. 646.

[78] II, 8, 2-5. Pro castris : en réalité, les légions étaient rangées moins devant le camp qu’à côté, sur la ligne qui le prolongeait à l’ouest ; cf. Rice Holmes, p. 647 et s.

[79] II, 9, 1-2 ; César parle seulement d’un combat de cavalerie, qui lui fut favorable : sans doute sur les bords du ruisseau.

[80] II, 9, 3-4 : en aval, gués de Gernicourt et de La Pêcherie. Piette (p. 191) place cette attaque et les gués en amont du camp, à Condé et à Guignicourt.

[81] Il les a fait occuper sur le Rhône.

[82] César (10, 1) dit contendit, Dion (XXXIX, 1, 4) έπεμψεν, et il ajoute que ce fut de nuit, et que César apprit le projet par des transfuges.

[83] De II, 9, 3, à 10, 4 ; Plutarque, César, 20 (qui parle de marais et de fleuves profonds remplis de morts) ; Appien, 1, 4 ; Dion, XXXIX, 2, 1.

[84] II, 10, 4-5 ; Dion, XXXIX, 2, 1.

[85] II, 11, 1 : la dislocation eut lieu dès ce moment, et chaque contingent gagna son pays par une route différente. Ce qui semble bien indiquer que nous sommes à un carrefour, Bellovaques et Suessions prenant clans la direction de Soissons, Nerviens et autres par la route de Laon.

[86] Sans doute seulement Suessions et Bellovaques (note précédente).

[87] Nostri interfecerunt quantum fuit diei spatium ; II, 11. Il est possible que cette opération, confiée aux légats Q. Pedius, L. Aurunculeius Cotta et Labienus, se fit sur la route de Beaurieux, et pour la déblayer. — Dion, XXXIX, 2, 2, donne trois détails différents : ce fut César qui dirigea l’affaire, il attendit son infanterie pour l’engager à fond, et elle fut suivie d’une capitulation. Tous ces détails peuvent résulter d’une lecture rapide de César. — Pecis, p. 186, a bien marqué le caractère de ces opérations de César : C’est par les véritables maximes de soutenir une guerre défensive, en la tournant le plus qu’on peut en offensive, que César est venu à bout d’arrêter ce torrent. —Trésors de monnaies se rapportant peut-être à cette fuite : près de Guignicourt et de Vie (Blanchet, n° 6 et 8).

[88] Noviodunum, étant la principale place de refuge des Suessions (cf. II, 12, 4 ; 13, 1), doit être cherché au centre du pays, par suite non loin de Soissons ; la rapidité de la marche de César ne peut s’expliquer que s’il a suivi un chemin facile et découvert, et ce ne peut être que la route de l’Aisne ; le fait que César est arrivé à Noviodunum sans rencontrer les fugitifs, montre que plusieurs routes y conduisaient. Tout cela me fait incliner à accepter l’oppidum de Pommiers (fouilles de Vauvillé), qui du reste est des derniers temps de l’indépendance, et qui se trouve au croisement de l’Aisne et de la grande voie antique qui coupe du nord au sud le pays des Suessions. De même : Vauvillé, Congrès arch. de France, LIVe s., 1887, p. 183 et suiv. : Rice Holmes, p. 474.— Soissons, accepté si souvent (Sanson, § 136 ; von Gœler, 2r éd., p. 72 ; de Grattier, Essai, etc., 1861, p. 19, dans le Bull. de la Soc. des Antiquaires de Picardie, VII ; Napoléon III, p. 118), est impossible : c’est une ville de fondation romaine. — Le mont de Noyant au sud de Soissons (Lebeuf, Diss. sur l’état des anciens habitans du Soissonnois, 1735, p. 18, et Mercure de France, avril 1736, p. 637) ne me parait pas offrir un site d’oppidum gaulois. — Autres hypothèses : Noyon (ancienne opinion : Marlianus ; de Vigenere, p 70 ; Le Long, Hist. eccl. du diocèse de Laon, 1783, p. 10), Nouvion-le-Vineux (Wauters, Bull. de l’Ac.... de Belg., L, IIIe s., I, 1881, p. 561-5), le mont de Noyon près de Chevincourt (Peigné-Delacourt, Recherches sur la position, etc., 1862, extrait des Mém. de la Soc. des Ant. de Pic., XIV, 1856 ; le même, Supplément aux Recherches, etc., 1859, p. 2 et suiv., dans les Mém. de la Soc. des Ant. de Picardie, IIe s., VII = XVII ; le même, Comité arch. de Noyon, [I]. 1856-60, p. 103 ; contra, de Grattier, Essai, p. 19, etc.).

[89] César, II, 12, 1 : Magna itinere confecto ; postridie me parait déterminer toute la phrase. Cf., là-dessus, en divers sens, outre les éditeurs de César : Bécu, Com. arch. de Noyon, [I], 1856-60, p. 117 et suiv. ; Rice Holmes, p. 652-4 ; etc.

[90] II, 12, 1-4. Pour que César ne les ait pas rencontrés, il faut que le combat de la veille les ait rejetés, soit (ce que je préfère) sur la route des hauteurs (chemin des Dames), soit sur la rive gauche de l’Aisne. Il n’en demeure pas moins étonnant que César soit arrivé avant eux (cf., contra, à Alésia). — On a supposé, pour remédier à la difficulté, que les Suessions et tous leurs confédérés s’étaient repliés par la voie de Laon sur La Fère, et que la dislocation s’y était opérée (Creuly, Carte, p. 53). Mais : 1° ils n’auraient pas eu le temps d’arriver quelques heures après César ; 2° le départ des Suessions domum a commencé après la bataille de l’Aisne (II, 11, 1) : 3° le texte de César (12, 1 et 3, ex fuga) montre bien que Romains et fugitifs marchent presque ensemble.

[91] II, 12, 4 ; 13, 1.

[92] II, 12, 3. Il semble qu’il ait songé à l’assaut, mais qu’il recula devant la hauteur du mur et la largeur du fossé (12, 2) : comme il ne parle pas (pas davantage 12, 5) d’obstacles naturels, il a donc voulu attaquer l’oppidum par la croupe ou le large col qui le continue au nord, et qui est en effet de plain-pied avec lui. C’est sur cette croupe qu’il dut munire castra (12, 3) ; Vauvillé (Congrès, p. 184-5) place le camp et la terrasse plus au nord-ouest.

[93] II, 12, 5 : il s’agit d’une terrasse bâtie uniquement pour combler le fossé (aggere facto), cf. note précédente.

[94] II, 12, 5 ; 13, 1. Comme otages, les primi civitatis et les deux fils du roi Galba. Il y eut, de la part des Suessions, un acte formel de deditio (13, 1).

[95] II, 13, 1.

[96] II, 14, 1. A Compiègne ? Les Éduens avaient été renvoyés chez eux, peut-être pour ne pas les obliger à combattre les Bellovaques, leurs clients.

[97] II, 13, 2. Bratuspantium, étant le refuge principal des Bellovaques (II, 13, 2, se suaque omnia), me parait devoir être cherché au centre de leur territoire, sur leur voie maîtresse, qui était le Thérain, pas très loin de Beauvais, qui l’a remplacé à l’époque romaine. — Je n’hésiterais pas à accepter le mont César, auquel on a pensé si souvent dans ces temps-ci, excellente position d’oppidum gaulois, plus isolé encore qu’Alésia, défendu par sa hauteur solitaire et couvert par ses tourbières, et où il est certain qu’il y eut une ville dans les derniers temps de la liberté, si le texte de César (13, 3) ne me semblait indiquer un oppidum facile à attaquer, dont les Romains ont pu s’approcher sans peine et de très près, plantant leur camp presque aux portes. — Breteuil ou Vendeuil, auxquels on pense souvent (depuis le XVIe siècle ; Bonamy, Mém. ... de l’Ac. des Inscr., XXVIII, 1761, p. 423 et suiv. ; d’Allonville, p. 145 et suiv. ; Graves, Notice arch. sur le dép. de l’Oise, 2° éd., Beauvais, 1856, p. 85 et suiv. ; Devic, Bratuspantium, dans L’Investigateur, 1843, III, IIe s., Xe a., p. 81 et suiv., cf. ses Études, Arras, 1865 ; Napoléon III, p. 120 ; Dict. arch., I, p. 193 ; Rice Holmes, p. 398 ; etc.), me paraissent trop près de la frontière (cf. César, II, 15, 2). Il est vrai qu’il y avait là en ce temps un habitat gaulois considérable. — On a aussi proposé : Gratepanse dans Ferrières près de Montdidier (de Vigenere, p. [663] ; Maillet, Com. arch. de Noyon, [I], 1856-60, p. 197 et suiv. ; de Beauvillé, Hist. ... de Montdidier, I, 1875, p. 24 et suiv. ; Peigné-Delacourt, Supplément, 1859, p. 7 et suiv., etc. ; Caudel, C.-r. et Mém. du Comité arch. de Senlis, IIe s., IV, 1878, p. 26 ; etc.) ; Montdidier (après bien d’autres, von Gœler, 2° éd., p. 73) ; Clermont ; Beaumont (cf. de Vigenere, p. [663]) ; Grandvilliers ; Grattepanche près d’Amiens ; même le Brabant (au Moyen Age, Mabillon, Acta sanctorum, V, p. 306) ; etc. — Beauvais (Sanson, § 47 ; de Valois, Not. G., p. 113 ; Barraud, Bull. mon., II, XI, 1845, p. 31 et suiv. ; de Grattier, Essai, etc., 1861, dans le Bull. de la Soc. des Ant. de Picardie, VII ; etc.) est impossible, comme Soissons pour Noviodunum. — Je propose donc, sous toutes réserves, quelque croupe dans les environs immédiats de Beauvais.

[98] II, 13, 2. Il les rencontra à 5 milles de la ville (au passage du Thérain ?).

[99] II, de 13, 3, à 15, 2 : il y eut 600 otages (15, 1) et acte formel de deditio (13, 2). Cette incroyable docilité des Bellovaques, si nombreux et si fiers, et si tenaces plus tard (p. 547 et suiv.), s’explique : 1° par quelque négociation entre eux et Diviciac ; 2° par la fuite des principaux chefs en Bretagne (14, 3 et 4). La reddition a dû être précédée de quelque révolution qui rendit le pouvoir au sénat.

[100] II, 15, 2 (sans doute par la route de Beauvais à Amiens) : là encore, il y eut deditio. Il dut y avoir, en même temps, soumission des Calètes et des Véliocasses.

[101] Cf. César, II, 13-17.

[102] Cf. II, 16, 1. Nous le faisons donc arriver vers Bavai et sur la rive gauche de la Sambre, ce qui nous parait la mute naturelle. Sur ceux qui le font arriver sur la rive droite, Bucherius, Piérart, Raisin, etc.

[103] La frontière des Nerviens devait passer entre Bapaume et Cambrai.

[104] II, 16, 2-4.

[105] II, 16, 4.

[106] Sabis, II, 16, 1 et 2.

[107] Le champ de bataille doit être cherché : 1° sur la rive gauche de la Sambre (II, 16, 1 et 2 ; 18, 1) ; 2° sur la route directe de la Sambre à Amiens (II, 15, 2-3 ; 16, 1) ; 3° à un passage nécessaire de la rivière, puisque les Belges y attendent César (16, 2) ; 4° sans doute à un endroit d’où partait une route vers le pays trévire (24, 4 et 5) : tout cela, évidemment, conduit aux environs de Maubeuge, où la Sambre est coupée par la vieille route romaine de Boulogne et Bavai à Reims et sans doute Trèves, et qui ont toujours été le lieu stratégique de cette région ; 5° enfin, les détails topographiques, la Sambre profonde de trois pieds (18, 3), une colline à pente régulière présentant l’esplanade d’un grand camp sur la rive gauche (18, 1), et, de l’autre côté, à 200 pas (?) de distance, une colline à pente semblable, boisée dans le haut (18, 2), en amont, la rivière s’élargissant et présentant des bords escarpés sur la rive gauche 27, 5, tout parait indiquer le terrain entre Neuf-Mesnil et Hautmont. — Cet endroit, soupçonné de bonne heure (sans doute avant Bucherius, Belgium Romanum, 1655, p. 611, qui intervertit les positions des deux armées), a été souvent reconnu depuis (Dinaux, Arch. hist. et litt. du Nord, IIIe s., III, 1852, p. 176 et s., etc. ; Lebeau, même recueil, V, 1855, p. 327 et suiv. ; Piérart, Excursions arch. et hist. ... à Maubeuge, 2° éd., 1862, p. 221 et suiv. : tous trois intervertissent les positions) et accepté (avec rectification des positions : von Gœler, p. 80 et suiv. ; Napoléon III, p. 122 et suiv. ; Creuly et Bertrand, Rev. arch., 1861, II, p. 433 et suiv. ; Long, IV, p. 56 et suiv. ; Rice Holmes, p. 654 et suiv. ; K. Lang, Die Schlacht an der Sambre, Festschrift des Gr. Gymnasiums de Karlsruhe, 1902, p. 46 et s. ; etc.). — En amont : Pont-sur-Sambre ; Berlaimont (Kœchly et Rüstow, p. 120) ; vers Landrecies (Le Long, Hist. de Laon, p. 12) ; Catillon (de C[ayrol], Diss sur l’emplac. du champ de bat. des Nervii, Amiens, 1832 ; Caudel, p. 28). — En aval, sur la même rive gauche de la Sambre : vers La Buissière près Thuin (B[ært], p. 58 et suiv. ; van der Elst, Docum. et Rapports de la Soc. paléont. et arch. de Charleroi, I, 1863, p. 110-127 ; etc.) ; à Presles (des Roches, Hist. des Pays-Bas, p. 270 et suiv., avec une note du marquis du Chasteler ; Dewez, Nouv. Mém. de l’Ac. ... de Bruxelles, II, 1822, P. 238 et suiv.). — Sur la rive droite en aval (tout à fait impossible) : à Presles (Raisin, depuis 1872 et en dernier lieu Doc. et Rapports de la Soc. ... de Charleroi, XXVI, 1892-3, avec une très riche bibliographie ; Gantier, La Conquête, p. 107 et suiv.) ; près Hantes-Wihéries (Gauchez, Ann. de l’Ac. d’Arch. de Belg., IIIe s., VIII, 1882, p. 422 et suiv.) ; etc. — Sur l’Escaut (César aurait écrit Sabim pour Scaldem) : entre Bouchain et Valenciennes (Achaintre et Lemaire, éd. de César, I, 1819, p. 98-9) ; à Bonavy (Le Glay, Mém. de la Soc. d’Émul. de Cambrai, 1828-9, p. en 1831, p. 81 et suiv. ; etc. — Et on a même vu dans Sabis la Selle (de Marneffe, Congrès... d’Enghien, 1899, p. 219 et suiv.). — Rien à prendre chez Desmasures, César à Valenciennes, Valenciennes, 1864.

[108] II, 23, 4 ; Plutarque, César, 20 ; Appien, Celt., 1, 4.

[109] A dix milles du campement ennemi (II, 16, 1), ce qui nous mène vers Bavai (en admettant, ce que je crois, que César ait passé par là au lieu d’aller directement, à travers bois, du Quesnoy à la Sambre). Le camp a pu être installé soit à Bavai, soit, plutôt, sur le mamelon qui le sépare de la gare. César a fait, de la frontière nervienne à Bavai, une marche de 3 jours (II, 16, 1), 20 kilomètres par jour.

[110] II, 16, 1 et suiv.

[111] Comme César en parle à propos de sa marche entre Bavai (?) et la Sambre (II, 17, 4-5), il semble que ces obstacles aient été multipliés surtout sur ce chemin par les Nerviens, et sans doute pour protéger leur lieu central de Bavai. César suivait en ce moment la lisière ou la queue nord de la célèbre forêt de Normal, et l’on se représente aisément ces haies venant couper sa route.

[112] II, 17, 1. Ce devait être, comme à Berry-au-Bac, moins un camp de nuit qu’un camp de combat. Cet emplacement de camp, d’ailleurs, sur une colline à forte pente, dominant le pays et surtout le fond de la vallée (cf. 24, 2), face à une rivière, à portée de bois, était bien choisi.

[113] II, 17, 2. Remarquez que César ne parait pas dissimuler sa faute.

[114] II, 19, 2 et 5. Les VIIe, VIIIe, IXe, Xe, XIe et XIIe, qui prirent part au combat (II, 23).

[115] II, 19, 5. — Les imprudences de César ont été bien notées par Pecis, p. 217 et s., et, avec exagération, par Davon, p. 34-42.

[116] II, 19, 6 ; cf. 18, 2.

[117] II, 19, 5 et 6 ; 18, 2-3 : il y a en réalité deux collines, celle d’Hautmont, aujourd’hui dénudée, et qu’on a supposée alors boisée (défrichée par l’abbaye d’Hautmont ?), et celle qui porte les bois dits du Quesnoy. Au surplus, César reconnaît que le bas de cette colline était apertus (la grande place d’Hautmont ?). Le gros du campement, chariots par exemple, devait se trouver sur le sommet (peut-être dès lors découvert) qu’occupe le moulin.

[118] II, 16, 5 (paludes) ; Plutarque, 20. A Thuin ? à Mons (Napoléon III, p. 122) ?

[119] II, 18, 2-3 ; 19, 5 et 6.

[120] II, 17, 2.

[121] Cela résulte de l’ensemble du récit.

[122] 18, 3 ; 27, 5 : latissimum ne peut avoir qu’un sens relatif ; altissimas ripas, les pentes entre le bois d’Hautmont (rive gauche) et la boucle de Boussières.

[123] II, 19, 4 et 5. La reconnaissance a dû se faire dans le creux d’Hautmont, secundum flumen, II, 18, 3.

[124] II, 19, 5.

[125] II, 19, 6. Au carrefour de l’Agache.

[126] II, 19, 6 et 8.

[127] Cf. II, 20 et 22.

[128] II, 19, 6-8 ; Dion, XXXIX, 3, 1 ; Appien, 1, 4 : Plutarque, 20. De la halte des Grattières à Poussières.

[129] II, 20, 3-4. Remarquez cet éloge des légats.

[130] II, 21, 5-6 ; 22, 1.

[131] II, 23, 3 : ce sont les deux légions a fronte (23, 4). Elles sont au centre de la colline, face au pont actuel d’Hautmont.

[132] 23, 1 ; cf. 26, 4. Elles sont sur la partie nord-est de la colline, face à la halle.

[133] Cf. II, 28, 2.

[134] II, 26, 1 ; 25, 1. Sur la partie sud-ouest de la colline, du côté des bois dits d’Hautmont et du Mesnil, dont il n’est pas question dans César : il est possible qu’ils n’aient pas existé, mais bien plus vraisemblable que oui, et qu’ils aient précisément dissimulé la grande attaque des Nerviens, et peut-être est-ce une allusion à cela que 22, 1 : Sæpibus densissimis... interjectis prospectus impediretur [ce que l’on peut fort bien constater encore du haut du plateau du camp]. Eberz (Neue Jahrbücher, LXXXV, 1862, p. 22 et suiv.) a tort de supprimer ce passage ; cf. Rice Holmes, p. 660.

[135] II, 21, 1-4 ; 25, 1.

[136] Après avoir harangué la Xe, il se dirigea vers les autres, pour faire de même, II, 21, 4 ; l’approche de l’ennemi coupa court à ses discours, 25, 1.

[137] II, 23, 3 : bataille dans le bourg d’Hautmont, des deux côtés du pont actuel.

[138] II, 23, 1.

[139] II, 23, 2 ; 26, 4 : combats du côté de la halte ; montée sur la colline d’Hautmont (vers le cimetière ? in locum iniquum progressa) ; enfin, capture du campement ennemi, vers le moulin.

[140] II, 23, 4. Comme César dira plus loin qu’ils ont franchi la rivière là où elle est très large et où les rives sont très escarpées (27, 5), il semble bien qu’ils aient fait le détour de Boussières, dissimulés peut-être par le bois d’Hautmont.

[141] II, 23, 4 ; 24, 4 ; 25, 1 : elle les enveloppe aperto latere (sur leur droite), peut-être en les tournant par le bois du Mesail.

[142] II, 25, 1 ; 26, 1 ; Plutarque, 20 ; Appien, 1, 4. Les deux légions étaient séparées, la N11e peut-être du .côté de la rivière, partant plus menacée (II, 25, 1), la VIIe peut-être en arrière, du côté du bois du Mesnil (II, 26, 1). Je doute qu’elles s’alignassent à la suite, face à la rivière (von Gœler, 1re éd., pl. 7 ; Napoléon III, pl. 10).

[143] II, 23, 4. Ils ont dû faire le tour par leur gauche, continuant l’enveloppement des légions, et se heurtant, vers le carrefour de L’Agache, au convoi des bagages qui arrivait. Je place le camp romain des deux côtés du chemin qui va de ce carrefour au pont.

[144] II, 24 : ajoutez la fuite des gens qui arrivaient en ce moment avec les bagages, 24, 3.

[145] Rem esse in angusto neque ullum esse subsidium, 25, 1 ; Plutarque, César, 20.

[146] 24, 4-5. Par la route de Givet, Bastogne, Echternach ?

[147] 21, 4 ; 25, 1.

[148] Il ordonna de laxare maniputos, c’est-à-dire de desserrer les files, d’espacer les rangs, de manière à élargir le champ de bataille, donner du jeu aux épées et multiplier le contact avec l’ennemi (25, 2 ; cf. 25, 1).

[149] 25, 2 et 3 ; Plutarque, César, 20.

[150] 26, 1 : la manœuvre (paulatim sese legiones conjungerent, etc.) a consisté à écarter l’ennemi glissé entre les deux légions, à les réunir, à remplacer les deux carrés séparés et compacts (25, 1) par un front de bataille continu et dégagé, se présentant sur le plateau, soit en demi-cercle, soit en angle (voyez, avec des variantes, von Gœler, 1re éd., p. 77, Napoléon III, p. 129).

[151] Appien, Celt., 1, 4, dit qu’il fut cerné.

[152] II, 26, 3 : In summo colle : par la montée de l’Agache.

[153] II, 26, 4 ; Plutarque, César, 20 ; Appien, 1, 4 ; cf. Dion, XXXIX, 3. Labienus ne vit ou ne soupçonna le danger de son camp que lorsque, le campement gaulois capturé, il put regarder ex loco superiore : cela n’est possible (avec une bonne vue et par un temps clair), que du haut de la colline d’Hautmont, là où sont le moulin et le fort.

[154] II, 26, 5 ; 27, 1-2.

[155] II, 27, 3-4.

[156] Tantæ virtutis, II, 27, 5 et 3 ; cf. 28, 3 ; Plutarque, César, 20.

[157] II, 28, 1-2 ; Plutarque, César, 20. Ce massacre s’expliquera plus facilement si l’on ajoute aux détails fournis par César celui qu’on trouve chez Dion (XXXIX, 3) : il enveloppa les Barbares en train de piller et les massacra. Le reste du récit de Dion parait une déformation des Commentaires : Les Nerviens, incapables de combattre [comme cavaliers, cf. II, 17, 4], s’éloignèrent de César sur plaine [cf. in aperto loco, 18, 3], mais se transportèrent dans les montagnes les plus boisées, et, après s’être élancés en désespérés [corrompu, cf. Boissevain, p. 468-9], furent chassés et mis en pièces du côté où était César [affaire de la Xe], mais l’emportèrent sur la majeure partie de l’armée et prirent d’emblée le camp. Mais alors César, qui poursuivait les fuyards [erreur pour Labienus], revint et les enveloppa, etc. — Orose remplace les Nerviens par tous les Belges (VI, 7, 16).

[158] II, 28 ; Dion, XXXIX, 3, 2.

[159] II, 28, 3.

[160] II, 28, 3.

[161] Aduatuci, Atuatuci, plus rarement Atuatici, Antuatuci, Antuatici, suivant les mss. et les passages. — On peut douter que leur principal oppidum fût Namur ; on ne peut douter que la peuplade ne fût installée entre les Éburons, qui sont à Tongres et qui sont dits leurs voisins (V, 27, 2 ; 38, 1), et les Nerviens, également leurs voisins (cf. V, 38, 2 ; Il, 16, 4 ; 29, 1). Ces trois peuples se suivent sur une même route, celle de Sambre-et-Meuse ; et, comme les Nerviens correspondent au Hainaut, les Éburons de Tongres à la Hesbaye, les Condrusi, alliés des Éburons (II, 4, 10), au Condroz, derrière Huy, sur la rive droite de la Meuse, il ne reste guère pour les Aduatiques que les environs de Namur (pagus Lommensis, Martagne et pays de Lomme, entre Sambre et Meuse ; pagus Darnuensis ou de Darnau au nord de la Meuse, de Marchienne à Namur ; cf. Piot, Les Pagi, p. 173 et suiv.). — Voyez, avec des conclusions légèrement différentes, Piot, Les Éburons et les Atuatiques, dans le Messager des sciences hist., de Gand, 1874, p. 131 et suiv. — La théorie de de Vlaminck (Les Aduatuques, etc., dans le Messager des sc. hist., de Gand, 1882 ; le même, id., 1884 et 1887 ; etc.), que les Aduatiques étaient entre Meuse et Rhin, a été acceptée par Longnon, Atlas, 1er fasc., p. 4 et pl. 1. Contra, Rice Holmes, p. 349 et suiv. — C’est une question embarrassante que celle du rapport entre le nom des Aduatuci et celui d’Aduatuca le castellum des Éburons. Peut-être y a-t-il là une simple coïncidence, ce que je préfère. Peut-être les Aduatiques se sont-ils établis à Tongres au début, en ont pris le nom, et en ont-ils été chassés (exagitati, II, 29, 5).

[162] César, II, 29, 1 ; Dion, XXXIX, 4, 1.

[163] Appien, erroné comme toujours, donne cette origine aux Nerviens (Celt., 1, 4).

[164] II, 29, 1-4 ; Dion, XXXIX, 4, 1.

[165] Il me semble difficile d’hésiter entre deux localités autres que la citadelle de Namur (montagne de Champeau) et le mont Falhize sur la Meuse, face à Huy de l’autre côté du fleuve. Mais ni l’une ni l’autre ne sont entièrement satisfaisantes. Si j’ai accepté Namur, après de longues hésitations que la vue du terrain a en grande partie dissipées, c’est pour les motifs suivants : 1° je trouve bien à Falhize le col de 200 pieds dont parle César, mais il ne présente pas une inclinaison ou une dépression assez sensible pour justifier ce qu’il en dit, ainsi que la construction d’un agger ; 2° à Falhize, les redoutes d’investissement n’auraient pas été assez rapprochées de l’agger pour permettre aux légionnaires d’arriver aussitôt contre les assiégés faisant leur sortie ; 3° l’emplacement du mont Falhize est merveilleux pour un oppidum, mais il n’a livré, que je sache, aucune antiquité, au contraire de Namur et de sa citadelle (Borgnet, Promenades, I, p. 354 et suiv. ; Dict. arch. de la Gaule, p. 14 ; C. I. L., XIII, 2620-5 ; Le Musée Belge, 1903, p. 349 ; 4° le mont Falhize, qui dépend de la commune de Huy, a dû appartenir, comme cette dernière ville, au Condroz, Condrusi ; la rive de la Meuse sur laquelle il se trouve, confine à la Hesbaye, territoire des Éburons. — Les objections à faire à la citadelle de Namur (déjà bien vues par de Marne, Histoire du comté de Namur, 1754, p. 11 et suiv., et par Pecis, p. 272 et suiv.) sont : 1° son peu d’étendue, 12 hectares, insuffisante pour loger 60.000 hommes (César, II, 33, 7) : mais qui nous dit (réponse de Borgnet, Prom., I, p. 29) qu’ils ne se sont pas entassés, et en partie sur les flancs de la montagne (cf. VII, 36, 2 ; 69, 5) ? 2° le silence de César sur la Sambre et la Meuse : mais il y a tant de choses dont il ne parle pas (p. ex., la Marne près de Paris, le lac de Sarlièves à Gergovie, la Brenne à Alésia), et du reste cette objection vaut contre Falhize. — On a songé à Namur dès le XVIIe siècle au moins : Sanson, § 2 ; Borgnet, Promenades dans Namur (tiré des Ann. de la Soc. arch.), Namur, I, 1851-9, p. 19 et suiv. (très utile) ; Gantier, p. 165 et suiv. : etc. — Falhize a été signalé en 1858 par von Gœler (1re éd., p. 83), accepté par Bertrand et Creuly (Rev. arch., 1861, II, p. 461 : Carte, p. 8 et suiv.), Bocquet (Bull. de l’Institut arch. liégeois, V, 1862, p. 167 et suiv.), Roulez (Bull. de l’Ac. roy. ... de Belgique, XXXIe a., IIe s., XIII, 1862, p. 384). Heller (Philologus, XXVI, 1867, p. 666), Piot (Messager, 1874, p. 156), von Veith (Monatsschrift de Pick, VI, 1880, p. 231 et suiv.), van Kampen (pl. 4), Dock (Études sur quelques campagnes de Jules César dans la Gaule-Belgique, Namur, 1897, p. 7 et suiv.). — Les autres hypothèses paraissent négligeables : Tongres (de Marne, p. 17 ; etc.) ; Montaigu sur le Demer (Roulez et B[ært], p. 19) ; Fallais sur la Méhaigne (d’Anville, p. 34 [peut-être erreur pour Falhize] ; Napoléon Ier, p. 41-2) ; Sautour près de Philippeville (ap. Napoléon III, p. 132) ; Beaumont près de Maubeuge (ap. Bertrand, Rev. arch., l. c., p. 459) ; Hastedon près de Namur (Dewez, Nouv. Mém., p. 251 : Arnould et de Radiguès, Congrès internat. d’Anthropologie, VI° s., Bruxelles, 1872, p. en 1873, p. 318 et suiv. ; les mêmes, Ann. de la Soc. arch. de Namur, XII, 1872-3, p. 229 et suiv.) ; près de Sosove (van der Elst, dans Nederduitsch Tijdschrift, Bruxelles, II, II, 1864, p. 216-227) ; les Kessellergen près de Louvain (Wauters, Bull. de l’Ac. roy. de Belgique, Le a., IIIe s., I, 1881, p. 343 et suiv.) ; le plateau d’Embourg près de Liège (von Cohausen, Jahrbücher de Bonn, XLIII, 1867, p. 7 et s.) ; le plateau de Ferschweiler près d’Echternach (Bone, Das Plateau, etc., Trèves, 1876 ; cf. Jahrbücher de Bonn, LVIII, p. 181 et suiv.) ; etc. — L’ancienne opinion était Bois-le-Duc (Marlianus, de Vigenere, p. 664 ; etc.), et on a même pensé, au XVIe siècle, à Rocroi, Douai et Anvers. — Il n’y a pas non plus à discuter l’opinion qui confond cet oppidum avec l’Aduatuca des Éburons (Wauters, Bull. de l’Ac. ... de Belg., XXXI, II, XIII, 1862, p. 400 ; von Cohausen, Jahrbücher de Bonn, XLIII, 1867, p. 7 et suiv.) : il suffit de lire César pour constater que les deux localités sont toutes différentes.

[166] Les rivières coulent à 82 mètres, le point culminant de la citadelle est à 195.

[167] César, II, 29, 2 et 3 : Oppidum egregie natura munitum.... Quod cum ex omnibus in circuitu partibus (dans le sens de celeris) altissimas rupes despectusque haberet.

[168] II, 29, 3 : Una ex parte leniter acclivis aditus in latitudinem [mss. β, alt- α], non amplius ducentorum pedum relinquebatur. — C’est la langue de terre qui porte l’hôtel de la Citadelle et la route qui le longe. Elle a, semble-t-il, un peu plus de 200 pieds de large : mais il faut tenir compte des travaux de siège, de défense et de construction qui ont bouleversé cette croupe, l’espace de terre le plus remué peut-être de toute la Belgique. — Cette langue de terre descend par une rampe prononcée vers le plateau qui porte la citadelle (l’hôtel est à 214 m., la citadelle à 195) : cela explique le leniter acclivis de César et la construction d’un agger (II, 30, 3), destiné à annuler ou combler cette pente. — Les travaux en cours (mai 1908) vont achever, sur ce point, le bouleversement des lieux. Aussi est-il bon de consulter les anciennes cartes, en particulier l’admirable plan donné par Visscher, Plan de la ville et du château de Namur, où les travaux du siège de 1695 (et aussi de celui de 1692) ne sont pas inutiles pour comprendre ceux de César.

[169] César, II, 29, 3. — Sans doute sur le terre-plein entre la promenade, l’hôtel et la citadelle.

[170] César, II, 30, 3-4 ; cf. Dion, XXXIX, 4, 2.

[171] II, 30, 2 : Vallo pedum XII [ce chiffre n’existe, en première leçon, que dans les mss. β] in circuitu quindecim millium crebrisqua castellis circummuniti. Il ne s’agit [même avec la leçon des mss. β] que de 15.000 pieds, 5 kilomètres. Le chiffre me parait désigner, non pas la longueur du velum, mais du circuitus de contrevallation, velum et castella compris. Des castella ont pu être disposés sur les rivières, pour en interdire l’accès aux assiégeants, le vallum a dû couper la presqu’île et suivre les hauteurs qui entourent la citadelle entre la Sambre et la Meuse, et il y a eu aussi des redoutes et des tours sur ces collines (II, 33, 3-4). Le camp de César et la principale et plus proche redoute (proximis castellis, 33, 3) devaient être sur le plateau derrière l’hôtel (cote 214, le mont de l’ermitage de Saint-Georges) et sur le plateau derrière le ravin de la Foliette (cote 194, la montagne du fortin du Diable). — Je n’exclus pas du reste l’hypothèse d’un vallon continu, suivant les berges des rivières.

[172] II, 30, 3 ; 31, 1. L’agger, ou la chaussée destinée à porter les engins d’attaque, a dû être construit sur la rampe, entre le plateau derrière l’hôtel et la citadelle.

[173] I, 31-32 : Dion, XXXIX, 4, 3 : les armes furent jetées dans le fossé, et il y en eut tellement que le monceau en arriva presque jusqu’au sommet de la muraille. Je doute qu’il y ait eu un fossé continu autour de la citadelle de Namur : il ne peut s’agir que d’un fossé coupant le seuil d’accès. A moins que César n’ait entendu par fossa le grand ravin de la Foliette, qui borde à l’ouest la citadelle.

[174] I, 33, 2 ; Dion, XXXIX, 4, 4. Ils avaient fabriqué des boucliers d’écorces ou de joncs recouverts de peaux (33, 2).

[175] I, 33, 3-4. Le combat eut lieu iniquo loco pour les assaillants, dominés qu’ils étaient par le mur du camp (vallo), les redoutes les plus proches des Romains et les tours de l’agger (turribus) : il doit donc se placer dans les creux où se trouvent aujourd’hui les promenades, à l’ouest et au nord de l’hôtel, sur les premières pentes du ravin de la Foliette, et c’est par là (minime arduus ascensus) qu’ils sont venus assaillir l’agger (munitiones), qui dominait le seuil de l’hôtel.

[176] Ce qui prouve que l’agger était arrivé de plain-pied avec la porte.

[177] II, 33, 6-7 (la précision de ce chiffre, emprunté aux registres de vente, est un argument en faveur de l’authenticité des nombres donnés par César) ; Dion, XXXIX, 4, 4.

[178] V, 38, 1 ; 39, 3.

[179] Simple hypothèse ; il n’y a aucune donnée chronologique chez César.

[180] Dion, XXXIX, 5.

[181] César rendit la liberté aux Éburons et en particulier à Ambiorix, qui payaient tribut et fournissaient des otages aux Aduatiques (V, 27, 2 et 7). Il semble bien que César eut dès lors un résident accrédité auprès d’Ambiorix (V, 27, 1 et 7), et je crois que, jusqu’en 54, ce dernier ne cessera d’aider César dans les expéditions qu’il fit de ce côté, ce qui explique la sécurité des Romains à cette dernière date.

[182] Je crois, avec bien d’autres, que tes Éburons formaient deux tribus (cf. dimidia pars, VI, 31, 5) : l’une, entre la Meuse et le Rhin (V, 24, 4 ; VI, 33, 6), sans doute le futur pays de Liège, peut-être avec les pays de Juliers et de Maëstricht ; l’autre, autour de Tongres, Aduatuca (VI, 32, 4), le futur pays de la Hesbaye ; cf. Piot, Pagi, p. 107 et suiv. La première partie était, je crois, le royaume de Catuvolc, la seconde, d’Ambiorix.

[183] II, 35, 1 : des Ubiens sans doute, peut-être aussi des Usipètes et des Tenctères.

[184] Cf. III, 7, 1 (expulsis Germanis).

[185] III, 7, 2.

[186] Pour tout ce qui suit, César, II, 34 (très bref), et un mot chez Plutarque, 20, et chez Dion, XXXIX, 5 (qui semble dire que César soumit d’autres peuples par lui-même). — Je crois bien que la VIIe a campé à Angers ou tout près d’Angers (de même, Renzi, Le Camp de César dans le pays des Andes, Saint-Germain, 1867, extrait de L’Investigateur d’oct. 1866).

[187] Cf. III, 7, 2.

[188] Άμαχεί, Plutarque, César, 20.

[189] Unellos... Esuvios [mss. Sesuvios], II, 34.

[190] II, 34.

[191] II, 34 ; III, 7, 3-4 ; 8, 2 et 5.

[192] Omnes eas civitates in deditionem [var. ditionem] potestatemque populi Romani esse redactas ; II, 34.

[193] II, 35, 3 ; III, 1, 1 ; 7, 2. Dans II, 33, 3, quæque civitates [= et in civitates quæ, cf. VII, 31, 5] propinque his lotis erant ubi bellum gesserat se rapporte, non pas aux Turons, etc., qui précèdent, mais aux cités de Belgique, Suessions, Ambiens, Bellovaques, Atrébates. Contra, von Gœler, 2e éd., p. 100, Napoléon III, p. 134, et bien d’autres.

[194] III, 7, 3-4.

[195] Cf. Plutarque, César, 21 ; César, II, 33, 6-7.

[196] III, 1, 2.

[197] Cicéron, De prov. cons., 13, 33 : Ceteras [les Belges]... imperio populi Romani parere assuefecit.

[198] VI, 12, 7 et 8 ; cf. VI, 4, 5.

[199] Peut-être à l’automne de 57.

[200] Eo tum stata res erat, ut longe principes haberentur Ædui, secundum locum dignitatis Remi obtinerent, VI, 12, 9.

[201] On a prétendu (Ferrero, p. 50) que la Gaule fut proclamée province à la fin de 57. Aucun texte ne le dit, et il suffit de lire le De provinciis consularibus de Cicéron, prononcé au milieu de 50, pour s’assurer que le sort des nouvelles conquêtes n’est pas encore réglé : Nationes nondum legibus, nondum jure certo, nondum satis firma pace decinctæ (8, 19), affecta (12, 29) ; cf. 14, 34 et 35. Voyez aussi César, VII, 77, 15 et 16. César avait deux motifs pour ne pas proclamer l’état de province : se faire proroger le proconsulat, ne pas provoquer les indigènes. Du reste, la date de la déclaration est donnée par les anciens.

[202] Il semblerait qu’il y eut aussi des tributs pour certaines peuplades (cf. VII, 76, 1, à moins que immunis ne signifie la suppression du tribut payé, non à Rome, mais à une autre cité).

[203] Suétone, César, 24, 3 : Legatos ad explorandum statum Calliarum. Il n’est pas impossible du reste que le fait se passe en 56. Cf. Dion, XXXIX, 25, 2.

[204] Cf. Plutarque, César, 21 ; Dion, XXXIX, 5, 1 ; præda parta, Cicéron, De provinciis consularibus, 11, 28.

[205] Cicéron, De prov. cons., 11, 27 ; 12, 31.

[206] Cicéron, De provinciis consularibus, 11, 27 et 28 ; de 12, 31, à 14, 34 ; le même, Pro Balbo, 27, 61.

[207] César, II, 35, 4 ; Plutarque, César, 21 ; Dion, XXXIX, 5, 1 ; Cicéron, Pro Balbo, 27, 61 ; De prov. cons., 10, 25 ; 11, 26.