NOTES SUR L’ARMÉE ROMAINE DU QUATRIÈME SIÈCLE

 

à propos des protectores augustorum[1].

 

 

M. Mommsen vient de faire paraître un important article sur les protecteurs des empereurs, (protectores augustorum[2]). On appelait ainsi, sous le bas empire, les gardes du corps des princes. Le sujet, quelque limité qu’il paraisse, a son intérêt : les protecteurs ont, historiquement, succéda aux prétoriens, ils ont joué un rôle analogue ; ils ont été mêlés à toutes les révolutions du palais et ont pris part aux plus grandes expéditions militaires. Leur nom peut même être cité dans l’histoire littéraire du quatrième siècle : c’est en qualité de protecteur qu’Ammien Marcellin assista aux batailles et aux événements dont il nous a laissé le récit.

J’ai eu l’occasion, il y a plus d’un an, de faire imprimer une monographie du sujet, travail que M. Mommsen ne pouvait ni ne devait connaître[3]. Écrites à une longue distance l’une de l’autre, les deux études ont paru en même temps. Qu’il me soit donc pertuis de revenir sur cette question, à laquelle le nom et l’autorité de M. Mommsen donnent aujourd’hui un nouvel intérêt.

Les résultats auxquels M. Mommsen est arriva concordent rarement avec les miens. La note qui va suivre est destinée moins à justifier les uns et à critiquer les autres qu’à soumettre à un second examen l’ensemble du sujet, et, surtout, à marquer la place qu’il faut faire aux protecteurs dans l’organisation du quatrième siècle[4].

 

DE L’ORIGINE DES PROTECTEURS

Le premier texte que nous possédons sur les protecteurs est une inscription dédiée à un consul de l’an 161, qui a été tour à tour protecteur, tribun prétorien, préfet des vigiles, préfet du prétoire[5]. Il faut supposer, au bas mot, qu’une vingtaine d’années s’est écoulée entre le moment où ce personnage a été fait protecteur, et son consulat. C’est donc vers l’an 140, sous le règne de Gordien III (138-144) que les protecteurs apparaîtraient pour la première fois dans l’histoire. M. Mommsen arrive à un résultat analogue : Les protecteurs, dit-il (p. 126), ont été institués vers le milieu du troisième siècle, peut-être par Philippe ou par Decius.

Malheureusement, quelques lignes plus loin, M. Mommsen ajoute (p. 127) : Je croirais plus volontiers que l’institution date de Septime Sévère. Il est bien difficile de souscrire à cette seconde hypothèse. Les inscriptions abondent dans les quarante premières années du troisième siècle ; on possède sur cette période deux écrivains très consciencieux, très exacts, qui ont soigneusement noté toutes les particularités des règnes de Septime et de ses successeurs, Hérodien et Dion Cassius. Ni chez eux, ni dans l’épigraphie si riche et si brillante alors, on ne trouve la moindre trace des protecteurs. Dion Cassius, par exemple, parle longuement des prétoriens, mais il ne connaît pas d’autres troupes de gardes du corps.

On doit donc s’en tenir à la conclusion que fournit l’inscription du consul de 261. Le règne de Gordien III a été d’ailleurs rempli de réformes militaires, dues surtout à l’intelligente activité du préfet du prétoire et beau-père de l’empereur, Timésithée. Les deux prédécesseurs de Gordien, Maxime Pupien et Balbin, ont été égorgés par les soldats du prétoire, ce qui a été la dernière des sanglantes tragédies de l’an 238 : n’est-il pas permis de croire que l’empereur aura voulu s’entourer d’une garde formée de centurions, d’officiers sur la fidélité et la loyauté desquels il pût compter, et qu’il pût au besoin opposer aux violences des prétoriens ?

Le chroniqueur byzantin Cedrenus faisait commencer à Gordien III l’institution des protecteurs[6]. Cedrenus est une autorité assez misérable. Mais enfin nous n’avons que lui : et rien dans les lestes écrits ou épigraphiques ne vient le contredire. Il est donc permis et naturel de le croire.

Les premiers protecteurs, suivant M. Mommsen (p. 128), n’étaient pas une troupe particulière, ayant son chef et son organisation. Le titre de protecteur, dit-il, était donné à des officiers, préfets, tribuns ou centurions, et surtout à des officiers du prétoire : il leur valait l’honneur de protéger le prince, et une notable augmentation de traitement. La troupe n’a été véritablement organisée que vers le temps d’Aurélien : elle a eu alors son chef. Quelque temps après on a ajouté au corps des protecteurs celui des protecteurs domestiques (p. 131).

Ces hypothèses s’appuient moins sur des textes que sur l’absence de textes. Sans doute, le premier comte de la garde dont l’histoire fasse mention est Dioclétien[7] : mais rien ne prouve qu’il n’ait pas eu de prédécesseur. C’est, il est vrai, dans une constitution de Constance (vers l’an 346)[8] qu’il est question pour la première fois d’une troupe de domestici : faut-il en conclure qu’elle ne date que du milieu du quatrième siècle ?

Vopiscus nous apprend que Dioclétien, lorsqu’il fut proclamé empereur, était comes dontesticorum, comte de la garde. Il ne faut pas en conclure, dit M. Mommsen, qu’il y eût dès lors des domestiques : Dioclétien était seulement chef d’une troupe distincte de prétoriens ; le nom des domestiques n’apparaît qu’au milieu du quatrième siècle. Mais le texte de Vopiscus prouve au moins d’une façon péremptoire, que ce nom existait au temps où ce dernier écrivait, c’est-à-dire vers la fin du règne de Dioclétien. Car, si l’on peut rejeter souvent le témoignage des écrivains de l’histoire auguste, lorsqu’il s’agit de Commode ou de Septime, il faut bien l’admettre pour l’époque contemporaine : or Vopiscus, sans aucun doute était arrivé à l’âge d’homme au moment où Dioclétien reçut l’empire ; pourquoi aurait-il modifié le titre de sa première fonction ?

La création des domestiques peut être postérieure il celle des protecteurs : matis il faut la supposer antérieure à 286. C’est d’ailleurs tout ce que les textes permettent de dire à ce sujet.

Quant aux protecteurs eux-mêmes, nous ne trouvons nulle part qu’il faille distinguer deux périodes dans leur histoire. Nous allons montrer que leur rang, leur place dans la hiérarchie militaire n’a subi aucune modification du troisième au quatrième siècle. Nous verrons ensuite que leur dignité, leur noblesse est toujours demeurée la même

 

LE RANG DES PROTECTEURS AU TROISIÈME SIÈCLE.

Le titre de protecteur n’était pas donné indistinctement à des centurions, à des préfets, ou à des tribuns. On peut fixer exactement quelle place ce grade occupait dans la hiérarchie militaire. Les inscriptions de deux protecteurs permettent de le faire aisément.

Florius Baudio a été protecteur après avoir été centurion ordinaire de la seconde légion italique[9]. Or on appelait centurion ordinaire celui qui commandait les premières centuries, primos ordines, de la légion[10]. Le premier d’entre eux, le centurion primipile, était de beaucoup supérieur, en rang et en importance, à tous les centurions légionnaires, y compris les autres ordinaires. Aussi le distinguait-on en général de ces derniers et l’avancement se faisait régulièrement du poste d’ordinaire à celui de primipile. Les protecteurs occupaient donc dans la hiérarchie militaire la même place que les centurions primipiles.

Marcus Aurelius Processanus reçut le titre de protecteur après avoir commandé, en qualité de centurion, une ou plusieurs compagnies de la sixième cohorte prétorienne[11]. Or les centurions des troupes du prétoire étaient assimilés aux centurions légionnaires de la première cohorte, aux ordinarii : ceux d’entre eux qui voulaient entrer dans les légions y obtenaient le grade de primipile[12].

Aucune des inscriptions de protecteur n’infirme cette hypothèse. Titus Flavius Constans[13] et Superinius Romanus[14] sont appelés, il est vrai centurions, protecteurs ; mais rien ne prouve qu’ils n’aient pas été centurions ordinaires : les titres d’ordinarius, de primus, de princeps sont souvent omis dans les inscriptions.

Titus Torius Gemellianus a été doctor fabrum dans une légion, puis protecteur[15] ; mais ce grade de doctor (ou campidactor), quelque inconnu qu’il soit, a été fort important, supérieur au vulgaire centurionat[16].

D’un autre côté, nous voyons deux tribuns de cohortes prétoriennes[17], un tribun légionnaire[18], trois préfets de légion[19] porter ce titre de protecteur. Mais c’est un fait connu que les tribuns comme les préfets étaient choisis parmi les centurions primipiles[20]. Il est fort possible, comme nous l’avons supposé ailleurs[21], que ces tribuns n’aient pas en réalité servi comme protecteurs : ils ont pu être protecteur honoraires[22]. Ce titre leur a permis d’échanger le centurionat contre un poste supérieur, d’arriver, d’emblée, au tribunal, sans passer par le poste pénible et dangereux de primipile. Mais il est certain, d’autre part, que d’autres personnages ont été successivement protecteurs, puis préfets[23].

L’avancement des protecteurs correspond donc, très exactement, à celui des primipiles : ils sont supérieurs aux centuriones ordinarii, aux campidortores, aux centurions des cohortes prétoriennes ; ils sont inférieurs aux tribuns des légions ou du prétoire et aux préfets légionnaires.

 

DU RANG DES PROTECTEURS À PARTIR DU QUATRIÈME SIÈCLE.

Les inscriptions dont nous nous sommes servis jusqu’ici sont toutes antérieures au quatrième siècle. Faut-il croire que le rang des protecteurs ait été plus tard modifié ?

Il est vrai que nous ne possédons aucune inscription postérieure à Dioclétien qui nous apprenne quel poste occupaient les protecteurs avant d’entrer parmi les gardes. Mais en revanche nous savons d’une manière très précise quels commandements leur étaient confiés à leur sortie de la troupe.

Ammien Marcellin raconte que les protecteurs étaient choisis pour commander aux soldats[24]. Il nous apprend lui-même quels grades on leur conférait : Gratien, dit-il, remit successivement la dignité de protecteur et celle de tribun[25]. De même Constance Chlore fut protecteur, puis tribun[26] ; de même encore Maximin Daza[27].

L’autre poste auquel arrivent les protecteurs est celui de préfet. Ainsi Flavius Memorius, après avoir passé six ans parmi les protecteurs, devint préfet d’une légion de lanciers[28] ; de même, Valerius Thiumpus, après avoir protégé pendant cinq ans, fut mis en qualité de préfet à la tête de la seconde légion herculienne[29].

Les protecteurs deviennent donc préfets ou tribuns : leur avancement est entièrement le même qu’autrefois.

Rien ne nous empêche de croire, d’autre part, qu’ils fussent toujours pris parmi les centurions des premiers ordres, puisque les sous-officiers des légions, comme nous le voyons par Ammien et par Végète, étaient toujours divisés en centurions des premiers ordres et en simples centurions : toutefois, les noms n’étaient point restés les mêmes.

Or, au-dessous des protecteurs étaient, au cinquième siècle, des officiers que l’on appelait principes : la Notitia nous apprend, en effet, que le princeps qui dirigeait les bureaux des gouverneurs militaires devenait, après ses années de service, protecteur. Qu’est-ce au juste que ce titre de princeps[30] ?

Le bureau (officium) des ducs ou des présidents, c’est-à-dire des gouverneurs, militaires ou civils, des provinces, était uniquement composé de soldats ou de sous-officiers[31]. Les uns n’avaient, pas de fonctions en dehors de celles du bureau : par exemple, le cornicularius, le commentariensis ; d’autres étaient délégués extraordinairement (deputati) dans les services administratifs, dans l’intendance : c’étaient par exemple les centurions chargés d’assurer les approvisionnements[32]. Ces derniers conservaient leur grade et leur rang. Mais les premiers avaient aussi leur place marquée dans la hiérarchie militaire[33] : par exemple, le cornicularius était, comme le montrent les inscriptions, immédiatement au-dessous du simple centurion[34]. De même, dans une loi de l’an 336, Constantin distingue, parmi ceux qui servent dans les bureaux des gouverneurs, 1° les principes, 2° les centurions, 3° les autres employés (officiales)[35]. Les principes sont donc supérieurs aux simples centurions, comme ces derniers aux cornicularii.

Le princeps est-il ainsi nommé parce qu’il est le chef du bureau ? ou bien existe-t-il dans la légion une classe d’officiers appelés principes, parmi lesquels on prend celui qui doit remplir les fonctions de princeps officii ?

Peut-être faut-il adopter cette dernière hypothèse. On appelait en effet principes, au temps où écrivait Végèce, sous Théodose ou sous ses fils, les centurions de la première cohorte, ceux-là précisément qu’on nommait autrefois les centuriones ordinarii[36].

Le princeps officii, comme les principes de la première cohorte, comme les ordinarii du quatrième siècle, sont donc tous des officiers supérieurs aux simples centurions. Il est donc fort possible que le premier du bureau ait été choisi nécessairement parmi les premiers de la légion dont l’officium était comme une image réduite.

Le princeps devient protecteur au cinquième siècle, comme l’ordinarius devenait protecteur ou primipile au troisième. La place du protecteur dans la hiérarchie utilitaire n’a donc pas été modifiée[37].

 

DES PROTECTEURS FAISANT PARTIE DE L’ORDRE ÉQUESTRE

Quelques protecteurs du troisième siècle sont appelés viri egregii : c’était le titre que l’on donnait à l’une des classes de chevaliers romains, sans doute à la dernière. Les autres, en plus grand nombre, aussi bien au troisième qu’au quatrième siècle, sont viri perfectissimi[38] ; c’étaient les chevaliers du premier ordre ; ce titre est déjà porté par un protecteur de l’an 280[39].

Enfin les ducenarii — et beaucoup de protecteurs se nomment viri ducenarii[40], épithète qu’ils joignent tantôt à celle de vir perfectissimus[41], tantôt à celle de vir egregius[42] —, les ducenarii sont aussi une subdivision de l’ordre équestre. Plusieurs constitutions de l’an 317 distinguent en effet quatre degrés dans la noblesse des chevaliers : perfectissimatus, ducena, centena, egregiatus[43]. On a dû de bonne heure accorder de préférence aux protecteurs les deux premières dignités : l’égrégiat a perdu singulièrement en importance au quatrième siècle, c’est un simple titre honorifique décerné aux employés d’administration, d’ordre inférieur, qui n’ont encouru aucun reproche pendant leurs années de service[44]. Le perfectissimat, au contraire, demeure la dignité des primipiles[45], des protecteurs, des premiers fonctionnaires des petites provinces, des chefs des bureaux impériaux : Personne, dit Lactance, ne peut devenir perfectissime, s’il n’a passé par tous les grades dus au courage[46] : ce qui veut dire que le perfectissimat est réservé à ceux qui, après avoir longtemps servi sous les drapeaux, sont devenus protecteurs on centurions primipiles.

Autrefois, la dignité de chevalier était un privilège, des primipiles ; le primipilat était considéré comme la première des milices équestres[47]. Voilà donc une analogie de plus entre ce poste et celui de protector, un nouveau lien constaté entre l’organisation militaire des premiers siècles et celle du bas empire.

 

DE L’ACCÈS DES SÉNATEURS DANS LA GARDE IMPÉRIALE ET DANS L’ARMÉE ROMAINE.

Les dernières lignes du travail de M. Mommsen montrent admirablement bien l’importance de la question des protecteurs pour l’histoire générale de l’administration romaine : Gallien avait interdit aux sénateurs et à tous les nobles l’accus des armées : les chefs furent pris désormais parmi les anciens soldats... La troupe des protecteurs fut précisément un séminaire destiné à former des officiers. Mais il y eut plus tard aussi, dans ce corps, à côté des gardes sortis des légions, de jeunes nobles : Constantin et ses fils ont de nouveau permis aux sénateurs de servir, et d’aspirer au commandement des troupes... L’institution des protecteurs a donc une extrême importance, qu’il est particulièrement utile à l’historien de constater (pp. 137-138).

Nous sommes arrivés à la même conclusion : l’organisation de la garde impériale rappelle singulièrement, avions-nous dit, les principes qui régissaient l’armée avant Gallien. Sous Trajan, les fils de sénateurs faisaient leurs premières armes en qualité de tribuns légionnaires ; au quatrième siècle, ils les faisaient comme gardes de l’empereur[48].

Si Pline le jeune eût vécu au temps de Constantin, ce n’est pas comme tribun de légion, mais connue protecteur domestique qu’il eût débuté dans la carrière militaire[49]. M. Mommsen va plus loin et voit là un retour absolu à l’ancien état de choses.

Peut-être est-ce trop dire. Il faut ne garder de croire, pensons-nous, que Constantin ou ses fils ont complètement rétabli l’ancienne constitution, qu’il y a eu de leur temps abolition pure et simple de la mesure prise par Gallien. Les choses ne sont passées beaucoup plus lentement.

Gallien, dit Aurelius Victor, a interdit le premier au sénat le service militaire, et, mène, l’accès des camps[50]. Je ne pense pas que cette interdiction ait été absolue et rigoureuse ; ce fut plutôt, si l’on s’attache étroitement aux termes de Victor, une défense provisoire qu’une mesure destinée à avoir toujours force de loi. Toutefois il semble bien qu’elle fut renouvelée, puisque Gallien fut, dit Victor, le premier à la prendre. C’est à partir de son règne que l’on voit les préfets des légions, anciens primipiles et vieux soldats, prendre la place des légats, anciens préteurs et membres de la noblesse sénatoriale ; en même temps s’accentue la séparation, dans le gouvernement des provinces, des pouvoirs civils, confiés à des sénateurs (sous le nom de praesides), et des pouvoirs militaires, confiés à des chevaliers (sous le nom de duces).

Gallien a rogné jusqu’en 268. La mesure qu’il avait prise fut maintenue par ses premiers successeurs jusqu’à Constantin. Maximin Daza, neveu de Galère, n’était certainement pas sénateur, et, si sa carrière a été peut-être un peu rapide, il n’en a pas moins passé par les degrés nécessaires de soldat, de protecteur, de tribun[51] ; il ne dut rien à la splendeur de ses origines. Il faut en dire autant de Constance Chlore, qui était sans doute noble parmi les Dardaniens, mais qui n’avait point la noblesse romaine : c’est comme soldat qu’il devint protecteur[52].

C’est sous Constance II seulement, qu’on voit apparaître, parmi les protecteurs, des jeunes gens, fils de magistrats ou de sénateurs : le premier en date qui nous soit connu est le fils d’un maître de la milice, Herculanus, qui était protector domesticus en 354[53]. Les exemples abondent ensuite : il est à remarquer que tous ces jeunes nobles servent en qualité de protectores domestici, non pas de simples protecteurs : toutefois les vieux soldats ne sont pas le moins du monde exclus de la première troupe[54].

Cependant, il n’est point probable que les jeunes protecteurs, — ceux qui sont arrivés d’emblée à ce grade, sans avoir passé par les camps, — pussent devenir, comme leurs collègues, tribuns en préfets légionnaires. Ces derniers seuls recevaient sans doute de l’avancement. Ammien Marcellin, qui était noble et qui servit, sous Constance en qualité de protector domesticus, se retira du service, à ce qu’il parait, sans avoir avancé dans la carrière militaire[55]. Envoyé en mission dans l’intérieur de l’Arménie, il reçoit pour guide et conseiller un centurion[56]. Ce même Ammien raconte, à la date de 365, qu’on prit un certain nombre de protecteurs, les plus âgés d’entre nous, dit-il, pour leur donner des commandements[57]. Les plus jeunes, par conséquent, ne pouvaient devenir tribuns.

Enfin, tout ce que nous savons du gouvernement de Constantin et de Constance, ne nous permet pas de leur attribuer une réforme si dangereuse pour la discipline militaire. Leurs lois témoignent d’un singulier désir de maintenir la grandeur et la force des armées romaines, et, bien que Constance se soit relâché de sa sévérité dans les dernières années de sa vie, Il a pu mériter cet éloge d’Ammien Marcellin, qui le détestait : Avant tout, il évitait les innovations... gardien soucieux de la discipline militaire, il examinait les mérites de chacun avec un soin même exagéré. Il arrivait fort rarement, sous son règne, qu’un soldat reçût une charge civile ; il ne donnait des commandements qu’à des hommes endurcis par le métier des armes... Aucun duc ne reçut de lui la noblesse sénatoriale ; ces officiers étaient alors, comme il m’en souvient, viri perfectissimi[58]. C’était donc parmi d’anciens soldats, devenus perfectissimes en entrant dans la garde, que Constance choisissait les ducs, les chefs utilitaires des provinces.

En somme, c’est sans doute Constance qui a supprimé la défense prononcée par Gallien et autorisé les nobles à faire leur service militaire ; mais ils devaient, servir non pas à l’armée, mais à la cour, près de l’empereur, en qualité de protecteurs. En outre les emplois supérieurs, la carrière d’officier leur demeurait toujours interdite[59].

Toutefois, après Julien, qui demeura fidèle aux traditions de son prédécesseur, l’organisation de l’armée romaine fut profondément troublée. Végèce, contemporain de Théodose ou de ses fils, se plaint amèrement de la décadence de l’esprit militaire, de la négligence des derniers empereurs. C’est Gratien surtout qu’il incrimine et auquel il reproche d’avoir modifié des institutions qui dataient, dit-il (1, 20), de la fondation de Rome. On sait combien son règne et celui de Valens ont été funestes à l’honneur des armes romaines : les efforts de Théodose et de Stilicon ont été impuissants à réparer les désastres causés par leur négligence.

Un des plus fâcheux abus introduits alors dans l’armée romaine et qu’il faut attribuer fort probablement à Gratien, est la création de tribuns supérieurs (tribuni majores), nommés non pas à l’avancement, mais au choix. On appelle tribunus major celui qui est choisi par le prince et nommé par diplôme impérial. Le tribunus minor arrive par le travail (2, 7). On reconnaît là la distinction que l’on faisait jadis entre les jeunes tribuns, fils de sénateurs, nommés d’emblée à ce poste, — les tribuns laticlaves. — et ceux qui y arrivaient après le primipilat et de longs services rendus dans les camps. Ce dualisme, si conforme à l’esprit aristocratique de Rome, si nuisible sous plus d’un rapport à l’esprit militaire, reparaît ainsi au quatrième siècle. Si ce retour à l’ancien état de choses est bien dû à Gratien, cet empereur fit plus pour renverser l’œuvre de Gallien, que n’avait fait Constance en permettant à des sénateurs de servir parmi ses gardes. Car, maintenant, ils ont de nouveau le droit de commander.

Toutefois, pour apprécier la portée de cette réforme, il faudrait rechercher quelle part dans le commandement des cohortes de la légion était réservée à ces tribuni majores ; il faudrait, surtout, savoir jusqu’à quel point ils continuaient à avancer dans la carrière militaire. On ne risquerait rien en disant que les empereurs du quatrième siècle ont considéré cet octroi du tribunat à de jeunes nobles comme une concession faite aux susceptibilités de l’ordre sénatorial : la plupart de ces tribuns, de même que les protecteurs de Constance, n’ont point dus devenir préfets ou ducs. Les sécateurs avaient leur carrière, Pomme sous Auguste ; seulement, et c’est ce qui fait la supériorité de l’organisation nouvelle, les sécateurs ne sont jamais employés que dans les fonctions civiles : il suffit, pour s’en rendre compte, de parcourir les nombreuses inscriptions gravées par l’aristocratie romaine du quatrième siècle. En revanche, la carrière militaire leur demeure toujours plus qu’à demi fermée. Nous connaissons, par les inscriptions, un assez grand nombre de ducs du temps de Gratien et de Valens ; ce sont tous des viri perfectissimi, des soldats ayant déjà fourni une longue carrière[60]. Et si, plus tard, dans les dernières années du règne de Gratien, ou sous Théodose, il y eut des ducs viri clarissimi, il ne faudrait pas en conclure qu’ils aient été choisis parmi les sénateurs. Tous les chefs militaires de cette période sont des parvenus, barbares pour la plupart, sortis des rangs de l’armée : ils sont devenus, ils ne sont pas nés sénateurs. Déjà, sous Constance, le comte de la garde (comes domesticorum) était de droit sénateur, vir clarissimus[61]. Plus tard cette noblesse fut conférée aux comtes de province[62]. Plus tard encore, sous Gratien ou sous Théodose, ce sont les ducs qui l’obtiennent. Cela ne veut pas dire le moins du monde que les sénateurs pussent aspirer aux plus hauts commandements.

Il est curieux de voir que les empereurs ne s’arrêtèrent point là et que la dignité sénatoriale fut de plus en plus prodiguée, accordée à des grades de plus en plus inférieurs. Il est fort possible qu’au temps où écrivait Végèce les tribuns et les préfets légionnaires en étaient revêtus de droit. En 414, Honorius décide que les dix premiers des protecteurs (decemprimi) deviendront d’emblée sénateurs du jour même où ils arriveront au décemprimat[63] : or les decemprimi étaient inférieurs aux tribuns.

Saint Jérôme énumère ainsi les grades et dignités que peut recevoir un simple cavalier : eques, circitor, centenarius, ducenarius (protecteur domestique), senator, primicerius, tribunus[64]. Ainsi le simple protectorat est alors la dernière des milices équestres. Peu à peu l’expression de senator ne signifiera rien de plus qu’un titre militaire : il existe, au dixième siècle, une catégorie de sous-officiers qui s’appellent les sénateurs, σινάτορες.

De cet octroi libéral de la dignité sénatoriale ce n’était pas la discipline militaire qui souffrait, mais, bien plutôt, l’orgueil de la noblesse. Un des derniers actes de Stilicon, l’un des plus grands réformateurs que Rome ait possédés, a été précisément dirigé contre les tribuns nobles, ceux que nous pourrions appeler tribuns à diplômes. Il leur enleva en 407 tous les privilèges attachés au tribunat : Il importe, dit la loi promulguée à son instigation, il importe qu’il y ait une différence entre ceux qui arrivent au tribunat par la faveur ou les suffrages, et ceux qui y parviennent par le travail, à travers les dangers, en passant par la filière des grades[65].

 

DE QUELLES TROUPES VENAIENT LES PROTECTEURS.

Il n’est pas inutile, pour comprendre l’organisation de l’armée romaine au quatrième siècle, de dresser la liste de corps qui ont fourni des hommes à la garde impériale.

1° Les cohortes prétoriennes[66].

2° Le corps des scutarii[67]. Les scutarii dont il s’agit ici sont très vraisemblablement ces soldats de parade qui gardaient le palais impérial (ostensionales, candidati, scholares) et qui étaient placés sous les ordres du magister officiorum. Or ces soldats venaient immédiatement dans la hiérarchie militaire, après les protecteurs[68], de même que le comte de la garde était le supérieur immédiat du maître des offices[69].

3° La légion des Joviani[70]. Cette légion qui appelait officiellement legio Ia Jovia, avait la préséance sur toutes les troupes de l’armée romaine[71] ; c’était la première des légions palatines, lesquelles étaient supérieures aux autres légions.

4° Le corps des lanciarii (legio lanciaria)[72]. La légion des lanciers était classée parmi les légions palatines legio Ia Jovia et la legio IIa Herculia[73].

3° Le corps des divitenses[74]. C’est l’ancienne legio IIa Italica à laquelle l’inscription d’un protecteur ajoute l’épithète de divitensis. Or les divitenses formaient également une légion palatine[75].

6° Le corps des armigeri[76]. Il y a encore une légion palatine[77] qui porte ce nom ; mais nous trouvons aussi des armigeri parmi les légions comitatenses, inférieures en rang aux légions palatines[78].

7° Le corps des martenses[79]. Les Martenses ne sont pas des légions palatines, ruais probablement comitatenses[80].

8° Le corps des Ratavi seniores[81]. C’étaient des troupes barbares auxiliaires, mais attachées spécialement aux légions palatines : on les appelait auxilia palatina[82].

9° Le corps des Herculi[83]. Ce sont également des auxilia palatina[84].

10° La legio IIa adjutrix[85]. Cette légion existe toujours au cinquième siècle : on en trouve encore des détachements campés en Pannonie, son antique et traditionnelle résidence[86]. La Notitia l’oublie dans sa liste des légions : nous ignorons par suite quel était son rang. J’incline à croire qu’elle était une légion palatine : toutes les troupes du Danube ont obtenu cette dignité ; en outre, la Notitia mentionne, parmi les légions palatines, un corps de Pannoniciani seniores, qui peut bien être la secunda adjutrix, la légion pannonienne par excellence[87].

11° Le corps des Fesianesi[88]. Cette troupe est entièrement inconnue.

Cette liste nous permet d’arriver à la conclusion suivante.

Tous les protecteurs du troisième ou du quatrième siècle sont sortis des prétoriens, des gardes du palais, ou des troupes palatines (légionnaires ou auxiliaires). Ce qui s’explique, d’abord parce que les soldats de ces trois dernières troupes servaient auprès de l’empereur, le suivaient à la guerre, l’entouraient sur le champ de bataille : il était naturel qu’il choisit pour ses gardes ceux dont il avait expérimenté la bravoure. Cela s’explique aussi par le groupement hiérarchique des légions : on ne devait arriver au corps des protecteurs qu’après avoir servi dans les troupes qui lui étaient immédiatement inférieures. On pouvait avancer dans l’intérieur des légions ; on pouvait aussi avancer d’une classe de légion dans une autre classe.

Il faut encore remarquer que les protecteurs sortis des Martenses et des armigeri, — qui n’étaient pas des troupes palatines, — portent un singulier titre dans leurs inscriptions. Ils s’appellent protector de numero, ou protector numeri[89]. Comme ces inscriptions sont d’une date récente, l’une du cinquième, l’autre du sixième siècle[90], il est permis d’attribuer cette bizarre expression à l’incorrection de la langue. On peut en coucha e autre chose : peut-être, à partir du règne de Théodose, les protecteurs furent-ils indistinctement choisis dans toutes les légions : il se passa alors pour cette garde quelque chose d’analogue à ce qui s’était passé pour les prétoriens sous Septime. Synesius, un contemporain des fils de Théodose, dit que la troupe des protecteurs était une armée triée dans l’armée[91]. Il peut se faire que chaque corps eut alors son protecteur : l’expression de numero et le génitif numeri s’expliqueraient. On trouvera une confirmation de celte hypothèse dans une loi singulière de Justin, postérieure d’une année seulement à l’inscription du protector Martensium. Cette loi décide que l’ordre des avocats aura le droit de nommer chaque année deux de ses membres pour servir dans la garde impériale, l’un parmi les protecteurs à cheval (domestici equites), l’autre parmi les protecteurs à pied (domestici pedites). On n’ira pas jusqu’à prétendre que chaque troupe désignait ainsi elle-même son protecteur : mais en ce temps-là il devait y avoir dans la garde impériale des représentants de tous les corps militaires, et sans doute aussi, des ordres civils[92].

 

DE L’INVESTITURE D’UN PROTECTEUR

La description de la cérémonie d’investiture d’un protecteur nous a été conservée par l’empereur Constantin le Porphyrogénète, dans son recueil Des cérémonies de la cour de Constantinople ; et il est assez étonnant que personne n’ait encore songé à examiner ce document. Il importe de l’analyser en détail.

Les divers fragments qui composent le traité Des cérémonies ont tous un caractère officiel ; ils ont été copiés dans les archives du palais, Constantin a bien soin de le dire au début de son livre. Ce serait un travail intéressant à faire que de retrouver la date des différentes pièces : il ne présenterait pas de sérieux obstacles, et il apprendrait beaucoup sur les coutumes officielles et sur l’administration des siècles de Julien, de Justinien ou de Tibère, les moins connus de l’histoire romaine.

Car il y a, dans ce recueil, des documents qui remontent au quatrième siècle : par exemple, celui qui nous occupe. Il est bien de l’époque des Valentiniens et de la dynastie théodosienne : cela est visible à première vue, nous allons le reconnaître pour ce qui concerne les gardes du corps.

Il est parlé dans ce chapitre[93] de la promotion des silentiaires, des protecteurs, des candidats. Les silentiaires (silentiarii), sont les huissiers ou les chambellans d’honneur du prince ; les candidats (candidati), comme on l’a vu, sont les soldats d’apparat, milites ostensionales, qui montent la garde dans l’intérieur du palais impérial : nous avons dit qu’ils venaient après les protecteurs, ce que confirme le document du Porphyrogénète. Silentiaires, protecteurs, candidats : c’est bien dans cet ordre que les différentes dignités se trouvent énumérées dans le Code théodosien, promulgué en 438 : de même, dans la description que donne Claudien de la procession consulaire d’Honorius (396), les protecteurs, les silentiaires et les candidats sont cités à la suite les uns des autres, suivant l’ordre qui leur était assigné dans le cortège impérial[94]. C’est que ces trois troupes étaient considérées comme de véritables classes de dignitaires ; c’étaient des corps privilégiés, semblables au sénat et aux grands collèges de Rome[95].

Négligeons ce que Constantin dit des silentiaires et des candidats, et ne nous occupons que de la cérémonie d’investiture du protecteur.

Voici, dit Constantin, comment on devient domestique et protecteur[96]. Dans ce début, les deux groupes de gardes sont bien distinguées l’une de l’autre.

Autrefois, continue-t-il, l’investiture ne se faisait que par l’adoration (προσκύνησις) ; mais, maintenant, l’empereur délivre un diplôme. Cette expression de maintenant ne se rapporte pas au temps où écrirait le Porphyrogénète : les protecteurs du dixième siècle ne ressemblent plus en rien à ceux d’autrefois, ils ne sont plus qu’une petite subdivision du corps des gardes. Maintenant est transcrit du document que l’empereur avait sous les yeux ; autrefois désigne les temps où la troupe a été fondée, le milieu du troisième siècle.

Il est d’ailleurs aisé d’expliquer cette précaution prise par les souverains.

Quand il suffisait, pour devenir protecteur, d’adorer le prince, il était facile d’obtenir par surprise ce titre, et, par suite, les privilèges qui y étaient attachés ; on n’avait qu’à se glisser parmi les rangs des officiers qui venaient saluer le prince[97]. Les empereurs furent obligés de prendre de violentes mesures contre les officiers du palais qui venaient adorer la pourpre impériale, sans avoir servi au camp ou pris part à quelque campagne[98]. C’est sans doute sous le règne de Constantin, qu’il fut décidé que l’empereur rédigerait lui-même le diplôme du nouveau protecteur : ce diplôme s’appelait la lettre probatoire (προβατωρείαν).

Peut-être aussi l’usage du diplôme a-t-il été adopté lorsque les jeunes nobles ont été admis parmi les protecteurs. Végèce, nous l’avons vu, dit que ceux-là seuls parmi les tribuns, recevaient un diplôme (epistola sacra), qui n’étaient pas d’anciens soldats, qui devaient leur titre uniquement à la faveur impériale. De même, les protecteurs, au temps où ils étaient recrutés uniquement parmi les vétérans, étaient admis d’emblée à l’adoration[99]. La formalité du diplôme a pu être introduite pour les clarissimes, lorsqu’ils ont été autorisés à servir dans la garde ; puis l’usage s’en est généralisé.

On délibérait sans doute dans le conseil impérial sur les mérites et qualités du postulant ; la nomination décidée et signée par l’empereur, la séance du conseil une fois levée, on donnait ordre d’introduire le nouvel officier. Voici comment s’exprime le Porphyrogénète ou, plutôt, l’auteur qu’il reproduit : L’empereur rédige la lettre ; le décurion introduit le protecteur revêtu de la tunique atrabatique, ce qui a lieu quelquefois à la sortie du conseil, après l’expédition des affaires.

Le décurion δηκουρίων, dont il s’agit, est le chef, le supérieur des silentiaires. On appelait aussi ces officiers décurions du palais[100]. Ce nom vient de ce que les silentiaires étaient au moins à l’origine, divisés par décuries : les chambellans du premier siècle étaient ainsi groupés ; l’histoire nous a conservé le nom d’un décurion des cubiculaires, qui participa au meurtre de Domitien[101]. L’ancienne organisation a dû être conservée, quoique les cubiculaires des Césars fussent des esclaves, les silentiaires du quatrième siècle, de très hauts personnages.

Nous n’avons pas à nous occuper de la tunique atrabatique : c’est le vêtement de cérémonie, non seulement du protecteur, mais encore du silentiaire ; seuls, les candidats portent devant le prince des tuniques blanches, ce qui leur a valu leur nom[102]. On a beaucoup discuté sur la couleur de la tunique atrabatique ; les uns, et c’est le plus grand nombre, veulent qu’elle soit noire ; d’autres la font rouge. Il faut peut-être se ranger à l’avis de ces derniers : la tunique rouge devint, à partir du troisième siècle, le vêtement d’honneur, la tunique de cérémonie des officiers. Mais il est difficile de préciser.

Cette cérémonie d’investiture avait lieu aussi, parfois, pendant les jeux du cirque. C’était également au cirque que les empereurs avaient l’habitude d’affranchir les esclaves, lors des premiers jours de leur consulat[103].

Le protecteur introduit, le prince lui dit : Adore, protecteur[104], et lui tend le diplôme, que l’officier reçoit à genoux[105]. Ce dernier approche alors ses lèvres de la mule du prince : c’était l’acte d’adoration proprement dit. Quelquefois cet acte consistait à toucher de la main un pan de la chlamyde de pourpre que portait l’empereur[106], et il est visible, d’après les nombreux témoignages du code théodosien, que les protecteurs avaient aussi ce droit : peut-être aussi l’acte d’adoration se composait-il de cette double formalité[107].

Il importe bien de remarquer, dans ce récit de Constantin le Porphyrogénète, les termes que l’empereur adresse au postulant : Adore, protecteur. Ils sont le meilleur commentaire du passage de la Notitia dignitatum, auquel nous avons déjà fait allusion, passage où il était dit que certains officiers des bureaux militaires, après leurs années de service (impleta militia), adoraient le protecteur (adorant protectorem)[108]. On a conjecturé, avec raison, que la tradition des manuscrits était fautive, qu’il fallait lire adorat, protector, adore en qualité de protecteur. L’expression n’en demeurait pas moins singulière[109] : le texte du Porphyrogénète l’explique admirablement. Elle trouve sa justification entière dans la cérémonie d’investiture du protecteur.

Enfin, il reste un dernier point à noter, le plus important de tous.

Aux protecteurs, l’empereur dit : Adorato, protector ; aux domestiques, il dit : Adorato, protector domesticus. Ainsi ces deux mots domesticus et protector domesticus désignent un seul et même titre. Les protectores domestici font partie de la troupe des protectores : ils en forment une des deux subdivisions ; la seconde est celle des protectores proprement dits. Protectores s’entend à la fois de l’ensemble de la garde et de chacune des compagnies qu’elle forme ; domesticus ou protector domesticus, d’une seule d’entre elles. Ce que nous ne présentions autrefois que comme une hypothèse, se trouve entièrement confirmé[110].

 

LES PROTECTEURS HONORAIRES.

Le grade de protecteur, dit M. Mommsen, a est un grade inférieur ; aussi, il n’y a pas de protecteurs honoraires ; ceux qui s’appellent ex protectore ou ex protectoribus sont des soldats qui, après avoir servi comme protecteurs, ont cessé de l’être (p. 130).

Il résulte bien de tout ce que nous avons dit que le titre de protecteur était véritablement quelque chose de très désirable, le nom d’une dignité, comme dit Suidas, comme le répètent sans cesse les constitutions impériales. Le protecteur est un officier, connue l’était autrefois le primipile.

Il s’ensuit qu’il devait y avoir des diplômes de protecteurs honoraires, comme il y en avait pour les tribuns ou pour les præpositi. De fait, à côté des ex-protectoribus qui avaient réellement servi, se trouvaient des ex-protectoribus qui jouissaient de tous les privilèges attachés à ce titre, sans avoir passé par les rangs de la garde : c’étaient des soldats qui avaient fini leur service dans le poste immédiatement inférieur à celui de protecteur ; on leur donnait les avantages du grade dont ils s’étaient le plus rapprochés. De semblables distinctions étaient faites pour les ex-tribunis, les ex-præpositis, ex-præfectis, et ainsi de suite jusqu’aux ex-magistris militiæ.

La première fois que l’on trouve cette dignité d’ex-protectoribus accordée à d’autres qu’à des protecteurs, c’est dans une loi de Constantin, datée de l’an 313. Cette loi s’adresse à tous ceux auxquels Maxence avait accordé le diplôme d’ex-protectoribus, d’ex-præpositis, où d’ex-tribunis, sans qu’ils aient vu les drapeaux, ou louché à des armes : Constantin leur laisse les titres, mais leur défend de prétendre aux privilèges qu’ils concédaient[111].

Depuis, on voit maintes fois les nouveaux empereurs retirer ces diplômes indûment accordés soit par leurs prédécesseurs, soit par des fonctionnaires négligents ou faciles à acheter. Il s’en faisait un véritable trafic, toujours défendu, toujours renouvelé. D’ailleurs les empereurs ont été la cause première du mal, en accordant les droits d’ex-protectoribus à des soldats ou à des officiers qui n’avaient point en fait servi dans la garde impériale. Voici la liste des employés civils ou utilitaires auxquels on permit successivement après leurs années de service, de prendre le titre et de jouir des privilèges réservés aux anciens protecteurs :

1° Certains sous-officiers des légions. Dès l’an 328, on voit mentionner des vétérans qui, quoique n’ayant pas été protecteurs, ont obtenu cependant, par faveur spéciale, le diplôme d’ex-protectoribus[112].

2° Le cornicularius du préfet du prétoire obtient en 365 le droit d’adorer la pourpre impériale, sans aucun doute en qualité de protecteur[113]. Il ne faut point trop s’étonner de ce que cet honneur lui ait été accordé : ce cornicularius du prétoire est un vieux soldat ; il est inscrit dans les cadres d’une légion ou d’une cohorte. Comme tous les employés, même civils, ils étaient censés servir à l’armée, quoique délégués, deputati, dans les bureaux[114]. Cette loi élève en grade les cornicularii qui, au quatrième siècle, comme nous l’avons vu, étaient inférieurs aux centurions.

3° Le cornicalarius des gouverneurs civils reçoit le même privilège par une loi de l’année suivante[115].

4° Les numerarii le possédaient en l’an 382 et vraisemblablement déjà en 366[116]. Il ne s’agit sans doute que de ceux des préfets du prétoire[117]. Les numerarii venaient après les cornicularii, en second ou en troisième lieu.

5° Le princeps des bureaux des gouverneurs militaires. Au temps de la Notitia, il n’y avait que les bureaux des ducs de Scythie, de Mésie seconde, de Mésie première et de Dacie, dont les principes pussent aspirer à la dignité de protecteurs[118]. D’eux seuls il est dit ; Adorant, protectores. C’est qu’en effet les autres bureaux sont dirigés par des employés envoyés de Rome, détachés de la Schola des agentes in rebus. Au contraire, en Scythie, en Mésie et en Dacie, les principes sont pris parmi les soldats des légions mêmes qui obéissent au duc. Les chefs des autres bureaux militaires et des grands bureaux civils ont aussi le droit d’adorer la pourpre, mais en qualité d’agentes in rebus, non pas en qualité de protecteurs. Leur dignité est supérieure.

6° Le primicerius fabricæ, en vertu d’une loi de 390 (10, 33). C’était le chef des employés des fabriques impériales, lesquelles étaient dirigées par des tribuns[119], des procurateurs, ou des præpositi[120].

Si l’on rapproche les données que nous fournit le Code théodosien du document transcrit par le Porphyrogénète, on se rendra compte aisément de la manière dont on procédait pour conférer à d’autres qu’à des gardes du corps ce titre d’ex-protectoribus. L’année de service terminée, le chef de fabrique, par exemple, se rendait immédiatement à Rome[121] ; lors de la première cérémonie publique où l’empereur se faisait adorer, il se présentait au palais, et allait saluer le prince au milieu des protecteurs, lorsque venait le tour de la garde impériale. Pendant qu’il adorait[122], l’empereur lui délivrait son diplôme d’ex-protectoribus[123] ; dès ce moment il était censé avoir servi et reçu son congé comme garde. Plus tard, comme l’indique le document cité par Constantin le Porphyrogénète, l’adoration eut lieu à huis-clos, afin d’éviter les fraudes si faciles à commettre.

 

CONCLUSION

Nous ne pouvons donc, même après la lecture du travail de M. Mommsen, si intéressant et si original à tous égards, renoncer à aucune des conclusions auxquelles nous étions arrivé, des thèses que nous avions posées[124].

En revanche, nous pouvons ajouter à ces résultats ceux que nous venons de résumer ou de consigner. Nous nous sommes efforcés ici surtout de rattacher l’institution des protecteurs à toute l’organisation militaire du quatrième siècle, notre première étude n’était qu’une monographie de la garde impériale. Ces notes, d’ailleurs fort incomplètes, nous permettront peut-être de nous faire une idée de la constitution intérieure de l’armée romaine au quatrième siècle.

Ce qu’il faut remarquer avant tout, c’est le soin rigoureux avec lequel les rangs étaient maintenus. Il n’y a pas seulement, dans chaque légion, une hiérarchie de grades, il y a encore une hiérarchie de légions. L’avancement se fait lentement, mais sûrement.

Le service à la cour ou auprès de l’empereur est toujours jugé supérieur au service des camps ; les légions du palais ont le pas sur les légions de la frontière ; le moindre soldat de la garde est l’égal du premier centurion légionnaire.

Les services publics sont tous aux mains d’anciens soldats ; l’armée pénètre même dans les bureaux des fonctionnaires civils.

L’organisation militaire du quatrième siècle, quoique diamétralement opposée à celle du haut empire, s’y rattache néanmoins fort aisément : nous avons essayé de trouver le lien qui existe entre chaque institution de cet âge et une institution antérieure. Par exemple, la hiérarchie des postes d’officiers n’a point changé ; il y a toujours, parmi les tribuns, aussi bien des fils de sénateurs que d’anciens soldats.

Toutefois, on peut dire que l’armée parait plus fortement constituée qu’elle ne l’a jamais été. Les jeunes nobles ont peu d’espoir d’avancement ; la carrière militaire est entièrement séparée de la carrière civile ; un soldat, entré au service à dix-neuf ans, peut aspirer au titre de duc, de comte, plus haut même. Tout est presque donné à l’ancienneté. La constitution de l’armée est devenue aussi démocratique qu’elle était aristocratique sous Auguste.

Il ne s’agit d’ailleurs là que des règlements, que de la vérité officielle : nous n’avons voulu étudier ici que la loi, et non les faits.

 

CAMILLE JULLIAN.

 

 

 



[1] Je tiens à déclarer hautement ici que ces deux travaux sont entièrement indépendants l’un de l’autre, et à protester une fois pour toutes contre les assertions de ceux qui me reprochent d’avoir copié M. Mommsen ou reproduit ses leçons, et aussi et surtout de ceux qui prétendront ou qui prétendent que M. Mommsen n’est approprié mes résultats. Cet article démontrera suffisamment, je l’espère, le mal fondé et l’indignité de l’une et l’autre accusations.

[2] Ephemeris epigraphica, V, fasc. 1-2 (1884), pages 121-141.

[3] De protectoribus et domesticis augustorum, 1883, Paris, Thorin, in-8°.

[4] M. Mommsen a fait précéder son étude d’une liste des inscriptions relatives à des protecteurs, liste aussi complète qu’on pouvait l’attendre.

[5] Orelli, 3100.

[6] Page 451 de l’édit. de Bonn, t. I.

[7] Vopiscus, Vita Numeriani, 13 ; Aurelius Victor, De Cæsoribus, 39 ; Zonaras, 18, 31.

[8] Code Théodosien, 12, 1, 38.

[9] Protertori, — ex ordinario leg(ionis) II Ital(icæ) Divit(ensis) ; M. Mommsen lit Divit(ensium) (inscription de Spolète, Orelli, 3391).

[10] Déjà Polybe (6, 24, 5) distingue les κεντυρίωνας et les ταξιάρχους (ordinaria) ; les inscriptions relatives à des ordinarii ont été réunies par M. Mommsen dans l’Ephemeris epigraphica (t. IV, p. 239). Ordinarius n’est employé que par Jules Capitolin (centuriones ordinarios, dans la Vita Albini, 11, 6) et par Végèce : Ordinarii dicuntur qui in prœlio, quia primi sunt, ordines ducunt (2, 1). Decem centuriæ cohortis primæ a quinque ordinariis regebantur (2, 8). Principes... hoc est ordinarii (2, 15, édition Lang). Il n’est pas douteux que les centuriones ordinarii ne correspondent aux primi ordines si souvent mentionnés par les écrivains de la période classique : la question est de savoir quelles cohortes, quels centurions, sont ainsi appelés. Marquardt (Staatsverwaltung, II, p. 360) songeait aux dix premiers centurions des triarii (par conséquent au premier centurion de toutes les cohortes) ; M. Mommsen (Ephemeris, IV, p. 310) pense, avec infiniment plus de raison, aux trois premiers centurions de la première cohorte. Peut-être vaut-il mieux étendre, comme le fait M. Desjardins (Bulletin des Antiquités africaines, avril 1884, p. 401), ce titre d’ordinarius, de primus ordo, à tous les centurions de la première cohorte. Nous trouvons une inscription d’un soldat secundus ordo (Corpus, III, 3779), c’est-à-dire centurion de la seconde cohorte : primus ordo doit donc désigner n’importe quelle centurie de la première cohorte. De même que l’on disait nonus hastatus posterior pour désigner l’hastatus posterior de la neuvième cohorte (Corpus, VIII, 4811), on pouvait aussi appeler primus même l’hastatus posterior et le princeps posterior de la première cohorte. Enfin il faut tenir compte, quoi qu’en dise M. Mommsen, du témoignage de Végèce.

[11] Ex cent(urione) praet(oriae) cohor(tis) VI, — pro(ector) (Gruter, 539, 9 = Corpus, XI, 831, d’après M. Mommsen.)

[12] Corpus, II, 4461 ; III, 6224 ; VI, 3618 ; X, 4812, etc. ; et Mommsen, Ephemeris, IV, pp. 241-243.

[13] Jahrbücher des Vereins von Altertumsfreunden, LVII, p. 81.

[14] Corpus inscriptionarum rhenanarum, 318.

[15] Corpus, III, 3126.

[16] Voyez les inscriptions auxquelles renvoie M. Mommsen, Ephemeris, V, p. 121. Il faut y ajouter les nombreux textes de Végèce où il est question des campidoctores ou des doctores, en particulier ceux (3, 6, p. 77, 19 ; 3, 8, p. 83, 11) où il établit nettement que le campidoctor était un des premiers officiers de la légion.

[17] Orelli, 3100 ; Corpus, III, 3126.

[18] Corpus, 1985 = Ephemeris, IV, 256.

[19] Corpus, III, 3424, 3529 ; Ephemeris, II, 618.

[20] Marquardt, Staatsverwaltung, II, p. 365 et p. 443 ; voyez les listes de centurions dressées par M. Mommsen, Ephemeris, IV, p. 31. Les inscriptions de centurions devenus praefecti legionum ont été réunies par Wilmanns, Ephemeris, II, p. 89.

[21] De protectoribus, p. 55.

[22] Par exemple L. Petronius Taunus Volusianus (Orelli, 3100), qui a parfaitement pu conserver son titre de protector après avoir été fait tribun.

[23] Aur. Firminus, pr(a)ef(ectus) leq(ionis) Il a[dj(utricis)], — ex protectorib(us), (Ephemeris, II, 678).

[24] Provectis e consortio nostro ad regendos milites natus majoribus (16, 10, 21).

[25] Post protectoris dignitatem et tribuni (Ammien, 30, 7, 3).

[26] Anonyme de Valois, I, 1.

[27] Lactance, De mortibus persecutorum, 19.

[28] Bulletin épigraphique, 1884, p. 2 = Hirschfeld, Corpus, XII, 613.

[29] Corpus, III, 6181.

[30] Notitia, orient., 30, 31 ; 40, 38 ; 41, 41 ; 43, 43. Peu importe ici la question de savoir s’ils étaient protecteurs honoraires ou effectifs.

[31] Kuhn, Die... Verfassung des rœmischen Reichs, I (1864), p. 153.

[32] Centuriones annonœ (Digeste, 13, 1, 43 : Missus ex officio, centurio annonæ), Henzen, 6533 (inscription de Porto).

[33] Aussi le scholiaste de Cicéron (in Verrem, 2, 1, 2, 4, p. 179, Orelli), dit-il que les titres de princeps, de cornicularius et de commentariensis étaient des titres ordinis et promotionis in militia. On lit quelque chose d’analogue dans une loi de 384 : Omnes omnino, qui ordine militiae ad principatum venturi sunt (Code théodosien, 12, 1, 103).

[34] De Boissieu, Inscriptions de Lyon, p. 300 ; Corpus, VI, 414, 1645 ; VIII, 703 ; X, 1763 ; Orelli, 3156, 3589. Voyez le travail si utile de M. Cauer, Ephemeris, IV, p. 173.

[35] Code théodosien, 1, 7, 1, Godefroy = 16, 7, Haenel.

[36] Ante signa et circa signa necnon etiam in prima acie dimicantes principes vocabantur (hoc est ordinarii) ceterique principales (2, 15), phrase qui doit s’interpréter comme s’il y avait in prima acie dimicabant principes ceterique principales ; car les principales sont tous les sous-officiers de la légion, y compris les ordinarii, les centurions, les porte-étendards et autres, tous ceux en un mot, qui privilegiis muniuntur (Végèce, 8, 7). Principales a pour synonyme, au quatrième siècle, principia.

[37] Les primipili existent toujours et il est fort probable, comme l’a admis Kuhn (Verfassung, I, p. 167), qu’ils étaient, dans la hiérarchie, au-dessus des principes. Toutefois les primipiles, dont le nom ordinaire est maintenant celui de primipilares, n’exercent plus de commandement, mais sont délégués (deputati) à la manutention (Godefroy, Code théodosien, II, p. 501, édition Ritter). — Le rôle du primipile dans l’armée romaine est passé aux mains d’un nouvel officier appelé le vicaire (vicarius) ; en effet, Végèce regarde le poste de vicarius comme intermédiaire entre celui de tribun et celui de princeps. Tribunorum vel vicariorum necnon etiam principiorum (les principes et autres principales, 3, 4, p. 70, 11). A tribunis vicariis principiisque (3, 1, p. 71, 10). — Quant aux simples centurions, ils s’appellent toujours centuriones, mais plus souvent aussi centenarii ; Erant enim centuriones qui singulas cenluriae curabant : qui nunc centenarii vocantur (Végèce, 3, 8). Centuriones insuper, qui nunc centenarii vocantur (2, 13). Ceux que l’on appelle centariones sont surtout, je crois, les centurions deputati. Voici, par ordre d’importance (sans distinction d’époque), la liste des grades dont nous venons ou dont nous aurons l’occasion de parler :

[38] Gruter, 539, 9 : Corpus, III, 1985 ; Orelli, 3180 (si l’on admet que Volusianus a été successivement vir egregius, vir perfectissimus, vir eminentissimus, vir clarissimus).

[39] Corpus, III, 1805 : d’autres, Bulletin épigraphique, 1884, p. 2 ; III, 4183.

[40] Bulletin épigraphique de la Gaule, I, p. 4 = Hirschfeld, Corpus, XII, 228 (inscription de 269) ; — Herzog, 584 = Hirschfeld, Corpus, XII, 2376 ; — Orelli, 3391.

[41] Corpus, III, 1830 (inscription de 280).

[42] Corpus, III, 1985.

[43] Code théodosien, 13, 1, 5 ; 8, 4, 3. Les mêmes quatre dignités sont accordées aux officiales des rationales rerum privatarum (10, 7, 1) ; on les interdit aux employés des bureaux monétaires, monetarii (10, 20, 1).

[44] Lactance, Div. Inst., 5, 15 (Migne) ; Cassiodore, Variae, I, 4 ; ces viri egregii, dit-il, sont ceux in quibus reprehensionis vitium inveniri nequeat. M. Hirschfeld (Untersuchungen, I, p. 273, n. 4) croit que le titre de vir egregius disparaît, dans la nomenclature officielle, après Constantin.

[45] Code théodosien, 8, 4, 5.

[46] Div. Inst., 5, 15.

[47] Il suffit de renvoyer à Marquardt, Staatsverwaltung, II, p. 365.

[48] De protectoribus, page 36.

[49] De protectoribus, page 43.

[50] De Caesaribus, 33, 34.

[51] Lactance, De Mortibus persecutorum, 19 ; et contra, Mommsen, p. 135.

[52] Anonyme de Valois, I, 1.

[53] Ammien Marcellin, 14, 10, 2.

[54] Voyez les exemples cités De protectoribus, p. 37 : et, pp. 47 et 49.

[55] Cette hypothèse de M. Gardthausen (édition d’Ammien, Teubner, 1874, p. VI) est assez vraisemblable. Ammien termine ainsi son écrit : Haec ut miles quondam et graecus... explicari (31, 16, 9).

[56] Ammien, 18, 6, 21.

[57] Ammien, 16, 10, 21.

[58] Ammien, 21, 16, 1. M. Mommsen (Corpus, III, n° 5565) attribue à tort ce portrait à l’empereur Julien.

[59] Une inscription (Corpus, III, 6159) que M. Mommsen place sous Constantin, mentionne un dux, vir clarissimus. Mais la restitution est plus que douteuse.

[60] Corpus, III, 3761, 3762, 3764.

[61] Constitution de l’an 342 (Code théodosien, 12, 1, 38).

[62] Une inscription postérieure à 368 et antérieure à 378, mentionne un comes, vir clarissimus (VIII, 10937). En revanche Memorius, comes au plus tôt sous Constance, est vir perfectissius (Bulletin épigraphique, 1881, p. 2).

[63] Code théodosien, 8, 24, 7.

[64] Adversus Johannem hierosolymitanum, 19 (Migne, Opera, II, p. 370).

[65] Cette loi (Code théodosien, 7, 20, 13) et une autre loi analogue (7, 13, 18) sont d’avril 401, antérieures d’un an à la mort de Stilicon.

[66] Processanus (Gruter, 539, 9) ; Mucianus (Corpus, VI, 2773).

[67] Processanus (Gruter, 539, 9) ; Mucianus (Corpus, VI, 2773).

[68] Maximin Dasa (Lactance, De mortibus, 19).

[69] Ammien, 14, 7, 9.

[70] Memorius (Bulletin épigraphique, 1884, p. 8).

[71] Végèce, 1, 17.

[72] Thumpus (Corpus, III, 6194) ; Martine (Ephemeris, IV, 911).

[73] Notitia, occident, 5, 152 ; orient, 5, 42 ; 6, 47 ; sans doute en troisième lieu.

[74] Baudio (Orelli, 3391).

[75] Notitia, occident, 5, 141. Ammien (27, 1, 2) les mentionne à côté de la légion palatine des Tungricani.

[76] Fandigilus (Corpus, V, 8747, inscription du Ve siècle).

[77] Notitia, occident 5, 131 et 136.

[78] Voyez les indices de Seeck.

[79] Eugnomonios (inscription de 518. Corpus inscr. graec., 9449).

[80] Notitia, occident, 5, 265 : orient, 7, 40.

[81] Carpillo (Corpus, V, 8743).

[82] Notitia, occident, 7, 14 ; orient, 5, 49.

[83] Vitalianus (Ammien, 25, 10, 9).

[84] Notitia, occident, 5, 163.

[85] Gemellianus (Corpus, III, 3563).

[86] Notitia, occident, 33, 53-57.

[87] Notitia, occident, 5, 149. De même les Mœsiaci représentent la légion mésienne XIa Claudia.

[88] Marcus (Corpus, III, 361).

[89] Corpus inscr. graec., 9449 ; Corpus, V, 8747) ; Corpus, V, 8743.

[90] Cf. Mommsen, p. 138, n. 1.

[91] De regno, 12.

[92] Loi de 519 (Code Justinien, 2, 1, 23). Nous avions pensé d’abord (De protectoribus, p. 59) que ces avocats servaient tanquam honorarii ; il semble étonnant, en effet, qu’ils fussent astreints au service militaire. Peut-être faut-il l’admettre cependant : Justin emploie les expressions stipendia et merere. S’il en était ainsi, on peut croire que c’étaient les jeunes gens auxquels on permettait par faveur (comme autrefois aux fils de clarissimes), de faire leur service militaire parmi les gardes, en tant que membres d’un corps privilégié. — La même question peut se poser au sujet des protecteurs qui sortent des bureaux militaires, principes officii, qui, post completam militiam, adorant, protectores : mais il est bien moins probable qu’ils fassent protecteurs effectifs. Voyez plus loin la liste de tous les fonctionnaires qui deviennent protecteurs honoraires.

[93] Le chapitre est intitulé : De la différence des services, comment en y est promu, et de ce qui convient à chaque ordre de fonctions, ch. 86 du premier livre de l’Έκθεσις τής βασιλείου τάξεως, p. 389 de l’édition de Bonn (1829, in-8°).

[94] Revue de philologie, 1883, p. 156.

[95] Claudien appelle le corps des silentiaires : senatus palatinus (De IV cons. Rom., 11) ; Suidas définit le mot de protecteur un genre de dignité romaine (au mot Προτίκτωρ) ; enfin voyez ce que dit Agathias, (5, 115) des candidati.

[96] Δομέστικοι δέ καί προτίκτορες οΰτως. On trouve chez les écrivains grecs plus souvent προτίκτωρ que προτήκτωρ. Une inscription grecque (Corpus, 9449), ΠΡΟΤΙΚΤΟΡ au nominatif. Προτίκτωρ est extrêmement rare. Δομέστικος est la forme usitée ; δωμέστικος est peu fréquent : les Grecs traduisaient quelquefois l’expression latine par οίκεΐο ou même par οίκειακός.

[97] La chose parait étrange, mais les textes ne permettent pas de doute (Code théodosien, 8, 7, 4 ; 7, 21, 2) de la véracité de Constantin le Porphyrogénète.

[98] Loi de 354, Code théodosien, 8, 8, 4.

[99] C’est parce qu’à l’origine il suffisait d’adorer la pourpre pour devenir protecteur qu’on a pu identifier dans les textes de lois la dignité de protecteur et le droit d’adoration.

[100] Ammien Marcellin, 40, 4, 20 ; Code théodosien, 6, 40.

[101] Suétone, Vita Domitiani, 17. On peut même pousser plus loin la comparaison : de même que les decuriones occupent toujours une place à part parmi les silentiaires, de même les décurions du premier siècle forment une classe particulière, comme il résulte des inscriptions. Cf. Bulletin épigraphique, 1883, p. 60, n. 7.

[102] Voyez le reste du chapitre du De Caeremoniis.

[103] Ammien Marcellin, 22, 7, 2. Cf. Revue de philologie, 1883, p. 159, n. 3.

[104] Constantin emploie l’expression άδοράτορ, comme si l’empereur appelait le protecteur adorator. Je pense plutôt qu’il faut entendre adorato, quoique cette forme puisse paraître singulière.

[105] Φιλεϊ τούς πόδας, dit Constantin.

[106] Code théodosien (éd. Godefroy Ritter), II, p. 83.

[107] Cela parait ressortir du texte de Thémistius, Orationes, 4, p. 52, Harduin (cité par Godefroy) : Τής χλαμίδος αύτοΰ καί τών ποδών προύκαλινδεΐτο.

[108] Orient, 39, 37 ; 49, 38 ; 41, 41 ; 42, 45, Seeck.

[109] M. Mommsen, Ephemeris, V, p. 134, n. 1, propose pro protectore, ce que le texte du Porphyrogénète empêche d’admettre.

[110] De protectoribus, p. 17. M. Mommsen, p. 132, est arrivé à peu de choses près, à la même conclusion. Toutefois, nous ne saurions admettre en aucune manière ce qu’il dit au sujet des lois du Code théodosien qui, selon lui, emploient toujours indistinctement les deux termes de domesticus et de protector. Nous sommes obligés de nous en tenir à notre première opinion ; les protectores formulent deux troupes, celle des protectores domestici, supérieure en dignité, la seule où fût admis la noblesse (mais où entraient aussi les vétérans) : ils servaient à cheval ; les protectores proprement dits, qui étaient des fantassins. Si l’on n’admet cette distinction de domestici, ou equites, et de protectores, ou pedites, il est impossible de comprendre les changements apportés aux noms du la troupe vers le premier quart du cinquième siècle. Tous les gardes s’appellent alors, indistinctement, domestici (qui est cependant le seul terme employé officiellement), ou protectores : par suite, les anciens protectores domestici se nomment domestici equites, les anciens protectores domestici, pedites. La chose est très naturelle ; et, d’ailleurs, les domestici sont appelés par Suidas et par Zonaras (12, 31) ίππεΐς, ce qui ne saurait s’entendre que des protectores domestici du IVe siècle.

[111] Code théodosien, 7, 21, 1. Ces diplômes étaient appelés testimoniales epistolae ou missiones (loi de 396, 7, 21, 3).

[112] Code théodosien, 7, 20, 5, à rapprocher de 7, 20, 8 et de Symmaque, Epistolae, 3, 67. Nous avons un exemple de ces vétérans privilégiée dans l’inscription d’Albinus où il faut lire ex-si[gniferis) betranus (pour veteranus) [ex]-protectore (Corpus, V, 1796). Albinus a quitté le service militaire avec le grade de signifer et le diplôme d’ex-protectore.

[113] Code théodosien, 8, 7, 8 ; cf. 9.

[114] Voyez le texte si caractéristique de la Notitia (orient, 8, 54 ; 9, 49) — Officium in numeris militat et in officio deputatur.

[115] Code théodosien, 8, 7, 9.

[116] Code théodosien, 8, 1, 13 ; cf. 8, 7, 8 et De protectoribus, p. 50.

[117] D’après Godefroy, II, p. 483.

[118] Cf. supra.

[119] Ammien, 14, 7, 18 ; 14, 9, 45.

[120] Notitia, occident, 11 ; orient, 13.

[121] Inter protectores adoraturus Aeternitatem Nostram, sua quisque tempore, dirigatur (10, 43, 3.)

[122] Il adorait en qualité de protecteur ; puis il devenait ex-protectoribus. C’est ce qui explique pourquoi les textes semblent toujours confondre les dignités honoraires de protecteur et d’ex-protecteur ; en peu de temps, le même homme passait par ces deux grades.

[123] Il rapportait le diplôme de la cérémonie : Si qui ex-protectoribus... epistolas reportaverint (7, 11, 1).

[124] De protectoribus, p. 87.