HISTOIRE DE LA VIE BYZANTINE

TOME III – L’EMPIRE DE PÉNÉTRATION LATINE (1081-1453)

 

CHAPITRE DEUXIÈME. LA DÉCHÉANCE DE L'EMPIRE DES COMNÈNES.

 

 

I. — LA SUCCESSION DU GRAND COMNÈNE

 

Cette politique d'un si grand style ne contenait pas les germes d'un avenir tel que pouvait le vouloir Manuel le Restaurateur. Elle n'était pas partie de changements profonds accomplis dans le monde byzantin lui-même ; c'avait été seulement une dynastie bien douée, un petit nombre d'auxiliaires fidèles, et surtout une personnalité extraordinaire qui l'avaient créée.

En assimilant autant que possible sa Byzance à lui aux États occidentaux dépendant de sa couronne, dans les royaumes de Terre Sainte, en contribuant à inspirer aux siens l'estime et l'amour pour ce qui formait le fonds même de la vie politique de l'Occident, Manuel travaillait, sans s'en être jamais rendu compte, à la déchéance de cette unité impériale sur laquelle reposait avant tout sa Rome d'Orient.

Une lecture attentive des sources contemporaines le montre bien, ces sources elles-mêmes, dues à des Froissarts byzantin, s'arrêtant avant tout à l'épisode, à l'aventure, au fait divers de l'histoire.

Dans ces pages, consacrées aux « bons chevaliers » et aux prouesses magnifiques on voit un Constantin Gabras qui, envoyé à Trébizonde, où Grégoire Taronitès a essayé d'une révolte,[1] retient pour lui la ville ; son fils étant gardé comme otage à Constantinople, il trouve le moyen de se le regagner.[2] Il reste comme tyran (τυραννικς) dans cette ville du Nord dont l'atmosphère politique est imprégnée d'influences caucasiennes et turques.[3] Elle est presque indépendante,[4] de même que Philadelphie, autant que Batatzès la défend contre Andronic Comnène.[5] Théodore Angélos reste à Brousse comme un seigneur turc parmi de ceux qui se sont partagé l'héritage des Seldjoukides.[6] Pergame est gouvernée par le « mixo-barbare » Monastras.[7] Chypre connaît tour à tour la révolte d'un Rhapsomatès et celle d'Isaac Comnène, qui se fera proclamer empereur et frappera monnaie[8] ; contre le premier on avait envoyé un « juge et administrateur » qui lui-même avait une situation de quasi' autonomie.[9] La Crète cherche à s'isoler avec un Karykis.

Pour le moment Manuel couvre tout ce désordre de sa grande personnalité. Mais après lui[10] devait descendre le chaos et allaient éclater les révoltes.

D'abord il ne laissa pas un continuateur digne de lui : ce fut un enfant qui lui succéda,[11] sous la régence de la femme qui, bien qu'elle eût changé de religion et de nom, devenant l'impératrice orthodoxe Hélène, gardait encore toute son impopularité d'étrangère, de latine, de schismatique, avec les dangers que devaient lui susciter en plus sa jeunesse et sa grande beauté. Elle prit pour conseiller le vieux courtisan édenté et fainéant qu'était Alexis Comnène, neveu de son mari, et décoré des hauts titres de protosébaste et de protonotaire ; malgré la grande différence d'âge entre elle et Alexis, malgré la laideur et l'insignifiance de ce personnage, la rumeur publique fit de lui l'amant de l'impératrice, et ceux qui avaient brigué la faveur de la régente et l'amour de la femme s'empressèrent de répandre ce bruit insultant :[12] on prétendait même que les deux s'étaient entendus pour empoisonner l'enfant.[13]

Le temps des prétendants proclamés par les armées, des grands seigneurs terriens populaires dans leur province qui aspiraient à monter sur le trône était révolu depuis longtemps.

Les Comnènes avaient implanté vigoureusement le sentiment dynastique. Il fallait être de leur lignée pour porter la couronne, mais quiconque appartenait à cette race avait les mêmes droits au trône. L'aînesse ne décidait pas et les recommandations des empereurs à leur lit de mort pouvaient être écartées pour le bien de l'État et de la dynastie même.

On a vu que l'empereur Jean avait eu à vaincre les intrigues, les tentatives d'un parti qui voulait donner la succession du premier Alexis à sa fille Anne et au César Bryennios, son mari. Il avait dû s'associer presque son oncle Isaac, père d'Alexis, et néanmoins ce prince, mécontent du rôle qu'on lui attribuait, alla jusqu'à chercher, avec son fils Jean, un refuge et un soutien auprès des Turcs d'Iconium.[14]

Manuel lui-même avait pris la place de son frère aine Isaac, seulement parce qu'il se trouvait dans le camp et avait les soldats pour lui. Ce second Isaac, frère de Manuel, dut être enfermé dans un cloître, et il y eut un changement de patriarche. Un des fils de ce prince ambitieux, Andronic, esprit inquiet, qui réunissait quelques-unes des qualités de sa race : la beauté, le courage, l'esprit d'entreprise, le talent oratoire et l'art de gagner les cœurs avec des vices aimables ou hideux, étant coureur de femmes et avide de sang, ne put pas accepter le régime sévère auquel Manuel soumettait tous ses sujets, ses parents comme les autres. Il trahit, pendant une campagne contre les Hongrois, erra parmi les Russes de Halitch, parmi les Turcs de Sultanieh, les Sarrasins de Syrie, goûta de la prison, trouva le moyen de s'évader, de rentrer en grâce et obtint enfin de la clémence de Manuel le gouvernement de la Paphlagonie, avec les villes de Oinaion, Samsoun et Sinope.[15] Le séducteur incorrigible, l'incestueux cynique, qui ne trouvait plaisir qu'aux amours passagères ou défendues, était devenu un vieillard retiré de fa politique, un pécheur depuis longtemps pardonné, et, surtout, un prince d'une haute réputation d'expérience et d'énergie. Veuf de sa dernière passion, il avait une fille, qui vivait à Constantinople, et deux fils d'âge à pouvoir commander ; Manuel et Jean.[16]

Andronic était parfaitement informé sur ce qui se passait à Constantinople pendant la régence. Il avait donc appris le mécontentement de la princesse Marie, fille du premier lit de Manuel, fiancée d'abord au prince hongrois Bêla, mentionné plus haut, auquel avait été donné le nom byzantin, dynastique, d'Alexis avant la naissance du fils homonyme de l'empereur, afin qu'il puisse régner après son beau-père. Mariée ensuite à Renier de Montferrat,[17] qui reçut le titre de César, elle n'en avait pas moins gardé l'amour du pouvoir, qui était dans le sang de toute la famille. Le solitaire d'Oinaion, qui ne croyait pas à la durée du règne d'Alexis le Jeune, se croyait beaucoup plus de droits à la couronne que ce Latin qui intriguait contre la régente latine. Il se présenta donc comme le tuteur, désigné par Manuel, de l'enfant.[18]

Les mécontents pouvaient trouver un appui dans la populace de cette Constantinople, immense même après le démembrement de l'Empire, au point que les voyageurs y comptaient quatre cent mille habitants. La plupart étaient de pauvres artisans, gagnant peu et disposés à en rejeter la faute sur le mauvais gouvernement, querelleurs, batailleurs, et clients assidus des cabarets ; nombre de vagabonds, de mendiants étaient bien aises de pouvoir piller à la faveur des troubles fréquents. Cette plèbe désordonnée, envieuse se réunissait dans la même avidité de gain et de sang.[19] Des « centenaires » d'or leur étaient prodigués à chaque avènement d'empereur et on aimait naturellement, que cela change le plus souvent possible.[20]

Les empereurs des neuvième et dixième siècles avaient cherché à la soumettre et à la discipliner, mais, après la mort du Bulgaroctone, le bon temps des distributions de monnaie et de vivres et des spectacles, inconvenants ou sanglants, du Cirque revinrent pour les habitants de Constantinople. Il y eut des révoltes victorieuses, du temps des derniers princes ralliés à la dynastie macédonienne, et, nous l'avons dit, ce fut par une révolte à Constantinople que commença aussi la carrière impériale d'Alexis Comnène. Celui-ci prit ses mesures pour que ces manifestations ne se renouvelassent plus, et son successeur n'eut pas non plus de démêlés avec les gens du peuple, qui voulaient avoir un empereur selon leur goût.

La populace souffrit pendant longtemps sans murmurer la lourde tyrannie, le régime assez morose de Manuel, qui ne dépensait que pour la guerre et ne montrait de sympathie que pour l'armée. Elle n'admirait pas les prouesses de l'empereur, lui préférant les spectacles de cirque qu'il lui donnait en ressuscitant les vieux dèmes des Bleus et des Verts,[21] mais elle n'osa pas protester contre ses innombrables campagnes.

Cette plèbe byzantine paraissait supporter même cette domination économique des Vénitiens et des Pisans qui était une des conséquences de la politique « latinophrone » du conquérant. Les riches marchands italiens purent maltraiter les Grecs en haillons, insulter les fonctionnaires de l'empereur et les hauts personnages revêtus des plus grands titres sans que les Constantinopolitains prissent sur eux de venger en même temps leur pauvreté et l'honneur de la nation. Quand Manuel chassa ces étrangers à cause des abus dont ils s'étaient rendus coupables, quand ils répondirent au décret d'expulsion et de confiscation par ces pillages, déjà mentionnés, dans les îles de Chios, de Rhodes et de Lesbos, quand enfin l'empereur leur permit de revenir, la population de la Capitale ne parut pas s'émouvoir davantage. Les Vénitiens rapportèrent leur outrecuidance, leurs manières dominatrices et blessantes. Une seconde fois, Manuel les bannit, et de nouveau les îles de la Méditerranée eurent à pâtir de la part des équipages vénitiens. Et cependant après cette rupture et après le raccommodement qui suivit, les gens de Constantinople cachèrent la haine amassée dans leurs cœurs contre l'étranger qui envahissait rapidement et insensiblement le champ de leur fainéantise traditionnelle.

Mais, cette fois, l'heure de la grande crise était venue. La populace voulait agir, décider, enlever ou donner la couronne, chasser les Latins odieux, dominer, comme au temps de Justinien, de Maurice et de Phokas. Il n'y avait plus une classe dominante assez nombreuse, assez éclairée, assez patriote et puissante pour empêcher l'avènement de la barbarie, le déversement du chaos.

Les Comnène brisaient depuis presque cent ans, systématiquement, tout ce qui pouvait se lever devant eux. Grâce à cette politique de persévérante énergie, on n'avait plus en 1183 que des princes du sang et des dignitaires rusés et lâches, prêts à servir toujours le maître du moment, celui qui pouvait châtier, et accorder les récompenses.

Cet idéalisme platonicien qui entoure d'une auréole certains personnages du onzième siècle s'était depuis longtemps éteint. Alexis avait rétabli la religion, l'orthodoxie, dans ses droits usurpés par les philosophes ; il avait persécuté la pensée libre et laissé cependant la superstition régner par la terreur. Les préjugés enfantins de l'astrologie, des divinations de l'Orient, auxquels sans doute croyaient aussi les Turcs, les nouveaux voisins d'Asie, envahissaient lentement et sûrement les âmes. On supputait les années que durera le règne de chaque prince ; on croyait pouvoir trouver les initiales du nom que portera le successeur ; des pratiques mystérieuses et obscures étaient employées pour prévoir l'avenir ; on observait des formes superstitieuses dans toutes les grandes cérémonies officielles. Il y eut une longue série de devineurs et de devineresses, d'imbéciles, d'hydrocéphales et de charlatans : vagabonds de l'Orient, paysans de Thrace, qui, honorés du titre de Père, expliquaient les rêves, découvraient l'heure de la mort, indiquaient les dangers qu'il faut éviter, interprétaient les comètes, posaient des questions à l'eau qui coule, à l'obscurité qui descend des cieux, aux étoiles de la nuit. Les « Livres de Salomon » se trouvaient dans toutes les mains. Sur ce terrain se rencontraient le quêteur d'aumônes, l'apprenti cordonnier, les hauts dignitaires et les personnes de la famille impériale qui, abdiquant toute aristocratie de la pensée, fraternisaient dans les basses superstitions avec la populace malsaine de la grande ville déchue.[22]

Andronic, avec ses manières patelines, avec son langage onctueux, orné de citations prises dans Saint-Paul, son auteur favori,[23] avec son ambition patiente et ses appétits aussi féroces que dissimulés, était l'homme qu'il fallait à cette société de promiscuité morale.

Il fit d'abord organiser par ses fils et sa fille un complot contre l'impératrice.[24] Ce complot ayant été découvert, les conjurés furent saisis, jugés, punis ; les plus coupables échappèrent, naturellement, car le jeu avait été très habilement dissimulé. Un peu plus tard, pour obvier à une arrestation, la famille des Césars se réfugia à Ste Sophie, où selon la coutume le peuple proclamait les empereurs. Des Latins, des Ibères les entouraient, des prêtres portaient devant eux croix et icônes. Il y eut des pillages et des incendies. Après un siège en règle et des combats sanglants, les Césars purent sortir de la basilique, ayant obtenu leur vie sauve. Le patriarche Théodose, ayant soutenu les deux princes, n'osa plus paraître au Palais.[25] Aussi un grand nombre de personnes compromises durent-elles exulter lorsque fut signalée l'arrivée à Chalcédoine, en face de la Capitale, d'Andronic, avec des soldats et des vaisseaux dont il sut exagérer l'importance. Si Nicée ne l'acceptait pas, il avait eu Nicomédie et d'autres places ; la flotte, commandée par André Kontostéphanos, se livra à lui. Les Impériaux qui avaient voulu arrêter sa marche avaient été dispersés. Seuls les « Allemands » restaient encore autour du favori. On mit entre ses mains, « au Palais Rouge, à dix milles de Constantinople », le protosébaste, qu'il fit aveugler et émasculer.[26]

Le prétendant aux intentions encore cachées fut reçu donc sans difficulté dans Constantinople. Les Latins, sollicités par l'impératrice, n'osèrent pas combattre. Il fut aussitôt le maître de la Cour et de la Ville impériale. Mettant en prison la veuve de Manuel, qui disparut bientôt, étranglée, jetée à la Mer,[27] et le César et la « Césarisse » aussi, il se fit imposer par ses partisans la régence, puis la qualité de collègue du jeune empereur, qu'il avait fait couronner à Ste Sophie par le patriarche Basile,[28] le prenant dans ses bras et le couvrant de caresses. Un jour, le bel enfant aux cheveux blonds ne fut plus visible, à son tour. On se disait sotto voce qu'il avait été pendu ou asphyxié, dans une fête, par son vieil et bon ami, qui lui avait brisé les côtes de sa masse de fer pour s'assurer qu'il était bien mort, et que le petit cadavre gisait au fond de la mer. Et, pour légitimer son usurpation, Andronic, en dépit de son âge, épousa la fillette fiancée à l'être frêle qu'il venait d'assassiner.[29]

 

II. — UN EMPEREUR « JACOBIN » : ANDRONIC

 

Le nouvel « autocrate » ne s'arrêta pas là. Il poursuivit avec une férocité infatigable tous ceux qui gardaient quelque importance politique, qui pouvaient mettre en danger ce trône acquis par un double assassinat, qu'il voulait transmettre au fils, de caractère pareil, le prince Jean.[30] La grande famille des Anges avait favorisé d'abord son avènement. Il voulut la détruire, Ce Théodore Angélos, qui avait occupé Brousse en Asie Mineure, fut aveuglé, Isaac, qui avait fait, dit-on, des études à Paris et s'entendait en fait de médecine,[31] s'étant réfugié à Nicée, échappa au même sort seulement par une capitulation opportune ; on vit la tête de son compagnon de révolte, Théodore Cantacuzène, exposée à Constantinople.

Si Andronic remit de l'ordre dans l'administration fiscale, son grand, mais seul mérite, il fut pour ce qui restait d'aristocratie byzantine un fléau du ciel.[32]

Tuer des aristocrates était dans ce temps-là une distraction qu'un empereur qui se croyait aimé par le peuple et qui disposait de quelques troupes pouvait se permettre impunément. Mais les Paphlagoniens avaient débuté, lors de l'entrée dans Constantinople de leur chef, qui portait encore le bonnet de laine des Caucasiens pour l'échanger bientôt contre la couronne impériale, par le dépouillement et le massacre des Latins, jusqu'à un légat tué dans ses vêtements pontificaux,[33] et ce qu'ils avaient commencé avec l'insolence du mercenaire vainqueur, fut poursuivi durant plusieurs jours, avec la cruauté du faible longtemps molesté, qui trouve l'heure propice pour sa vengeance, par la plèbe, les artisans et les gens sans aveu.[34]

Ce carnage dut mettre l'Empire grec hors du droit des gens pour les Occidentaux. Les mécontents s'adressèrent à toutes les nations du monde catholique et même au « kral » des Hongrois.[35] Il était permis de punir par tous les moyens un régime qui s'était souillé de pareils crimes.

La mission vengeresse fut acceptée par ce royaume normand, qui, formé sur les ruines des possessions grecques en Italie, complètement perdues après la mort de Manuel, se sentait le devoir de rendre latin le rivage oriental de l'Adriatique.

Comme du temps du vieux Guiscard, on recourut au système de présenter aux populations un prétendant, un héritier légitime de l'Empire.[36] L'enfant de Manuel et d'Hélène, la Xéni, ne pouvait pas être oublié de sitôt ; pendant des années on vit paraître en Asie, gagnant bientôt des adhérents prêts à tous les sacrifices, de beaux adolescents blonds, qui prétendaient être le jeune empereur Alexis en personne, miraculeusement échappé à ses assassins. Un de ces faux Alexis se présenta au roi de Sicile, qui fit semblant de croire à sa descendance et à ses droits. Il fut embarqué sur la grande flotte normande,[37] qui amena une armée de chevaliers siciliens, de Provençaux, de soldats d'aventure, de « risque-tout », à Durazzo. La ville fut prise par la trahison du gendre d'Andronic, Rhomanos, commandant du Danube.[38] Pendant que les vaisseaux contournaient la côte occidentale de la péninsule balkanique, se dirigeant sur Thessalonique, l'autre point de mire des ambitions normandes, les troupes de terre, pour arriver au même but, prenaient le long chemin de la Macédoine, recueillant partout la soumission des villes et des châteaux.[39]

David Comnène, un prince échappé à la mort, mais qui la sentait bien proche et servait l'empereur criminel dans la mesure de ce sentiment, devait défendre la seconde ville de l'Empire. Il envoya de faux rapports à Constantinople, et, occupé de ses plaisirs de jeune homme, laissa faire les Normands. Il ne capitula pas, mais abandonna le soin de la guerre à ses subordonnés et à la multitude bariolée qui habitait Thessalonique. Les Latins entrèrent donc dans la ville, et la mirent à sac. Après avoir fait subir à la population toutes les offenses, après avoir traîné les prêtres par la barbe et jeté à la rue les puissants de la veille, après avoir profané les églises,[40] ils se partagèrent en trois corps et marchèrent sur Constantinople.

Sans doute le roi Guillaume n'y aurait pas établi le garçon aux boucles blondes qui se disait Alexis II,[41] et les évêques grecs de Deux-Siciles avaient déjà protesté contre le projet qu'avait formé leur nouveau souverain de prendre le titre et le siège des empereurs, ses seigneurs légitimes. Mais la flotte normande s'avança jusqu'à l'Hellespont, sans que les Vénitiens, réconciliés avec l'Empire, fussent accourus à son secours.[42]

Quand on apprit dans la Capitale que les Latins, s'étant saisis de Serrés, étaient déjà à Mosynopolis, il n'y eut qu'un seul mouvement pour abattre l'empereur dont la plèbe avait applaudi jusque là tous les caprices et tous les crimes. Andronic voulut arrêter Isaac l'Ange, qui se cachait dans un faubourg de Constantinople, attendant l'heure d'un avènement qui lui avait été prédit,[43] mais ce jeune homme terrassa le favori impérial et le grand maître des supplices envoyés contre lui ; après quoi il se réfugia à Ste Sophie, dont il fit son quartier général. Alors le patriarche prit son parti de la situation et fit descendre sur la tête du proscrit la couronne qui surmontait l'offertoire.[44]

Andronic ne trouva pas de soldats pour défendre son trône. Après avoir proposé de céder la couronne à son fils aîné, il s'enfuit vers les bouches du Danube, fut pris, et, une main coupée, un œil crevé, attaché sur un chameau galeux, il défila devant la foule, qui ne lui épargna aucune souffrance, aucune ignominie, jusqu'à ce qu'enfin la vie se fût éteinte dans son vieux corps mutilé.[45] Tel fut le début du règne d'Isaac l'Ange (12 septembre 1185).

 

III. — LES SANCTIONS DES LATINS

 

La victoire remportée à Mosynopolis par le général Branas sur les Normands qui s'avançaient en bandes désordonnées donna au nouvel empereur le prestige d'un sauveur de l'Empire, mais ce prestige s'évanouit bientôt. Les provinces ne voulaient pas d'Isaac. Cet Alexis Branas, proclamé basileus, parvint à soumettre toutes les villes d'Europe. Aussi, lorsque l'empereur constantinopolitain eut le bonheur de vaincre, avec l'aide de Conrad de Montferrat, époux de sa sœur, et des Latins aux longues lances,[46] il se dégrada jusqu'à faire rouler devant lui comme un jouet la tête du vaincu et à l'envoyer en présent à la veuve malheureuse, déchue de son rêve impérial.[47]

C'était de l'Andronic tout pur. Isaac n'épargna, du reste, ni les persécutions, ni les aveuglements des princes appartenant à la dynastie des Comnènes.[48] Il pardonna seulement à l'empereur d'Asie, qui avait occupé la ville de Philadelphie, ce Théodore Mangaphas qu'on appela par la suite « Théodore le Bon ». Le premier empereur de la dynastie des Anges paya tribut aux Turcs, leur envoyant chaque année cinq « centenaires » d'argent et de beaux tissus syriens, fabriqués à Thèbes.[49]

Alors, les Roumains,[50] les Valaques de Thessalie auxquels on avait imposé des dîmes trop extraordinaires, se soulevèrent sous la conduite de Pierre et d'Asên, deux frères, propriétaires de troupeaux,[51] dont l'un avait cherché vainement à obtenir un fief de stratiote et avait même été souffleté à cette occasion par un dignitaire impérial.[52] Toute la montagne fut bientôt en état de rébellion et envoya des bandes armées de flèches, qui prenaient les villes mal gardées, dévastaient les foires, se saisissaient du bétail, coupaient les communications et empêchaient tout gouvernement régulier, de Serrés et de Berrhoé jusqu'à Varna, à Philippopolis, à Andrinople. Des cavaliers coumans étaient, pendant une grande partie de l'année, à la disposition des pâtres guerriers devenus les maîtres errants et pillards de la Bulgarie : de celle de Preslav, comme de celle de Prespa et d'Ochrida.[53]

Les Serbes mirent à profit cette occasion et attaquèrent Skopi. L'alliance avec Béla, le roi de Hongrie, qu'Isaac, son beau-frère, alla rencontrer à la frontière, l'envoi de contingents hongrois par la voie de Vidine, le concours des Russes contre les Coumans, les expéditions répétées des officiers byzantins et de l'empereur lui-même ne parvinrent pas à rétablir l'ordre, à détruire ces bandes de hardis guérilleros.[54] Le drapeau impérial fut pris, et jusqu'au quatorzième siècle on le faisait sortir à Tirnovo le jour de l'Epiphanie.[55] Jamais l'Empire n'avait été aussi pauvre : on dut bientôt recourir à la vente des œuvres d'art et des objets précieux du culte conservés dans les églises.

Le seul général qui avait montré du sens pour ces campagnes, Constantin l'Ange, se souleva à son tour et en fut puni par la perte de la vue. Mais les razzias des Valaques continuèrent comme auparavant, et l'empereur se tenait, à vrai dire, renfermé dans Constantinople, alors que des officiers plutôt indépendants et sans relations entre eux commandaient jusqu'à Durazzo et à Thessalonique, que des membres de grandes familles s'installaient en maîtres dans les villes de l'Achaïe et du Péloponnèse : Athènes, Thèbes, Corinthe, Néopatras, Lacédémone et que les farouches Albanais de la montagne se préparaient à secouer le joug byzantin.

C'était plus qu'il ne fallait pour exciter les appétits des Occidentaux : Vénitiens, qui avaient de nombreuses injures à venger et voulaient s'affranchir d'avanies incessantes en plantant le gonfanon de Saint-Marc sur toutes les places nécessaires à leur commerce d'Orient, de leur Modon-Méthone à Constantinople et à Smyrne ; Normands, toujours attirés par la proie grecque, aventuriers de France et de Lombardie, qui flairaient de grandes conquêtes à faire, Cour pontificale enfin, qui croyait l'heure venue pour abattre définitivement l'orgueil invétéré dont les Grecs avaient toujours fait preuve.

Une fois déjà, pendant l'expédition qui livra Thessalonique aux Normands, l'Empire avait été en danger de s'effondrer. Le hasard heureux de la victoire de Mosynopolis l'avait sauvé. Une seconde fois, le même danger apparut lors de l'arrivée dans la péninsule des Balkans des soldats de la troisième croisade.

Philippe, roi de France, Richard, roi d'Angleterre, passèrent en Terre Sainte par mer. Bien que le dernier, à la suite d'une offense, eût réussi à vaincre et à prendre cet Isaac, ancien rebelle de l'Empire lequel, occupant l'île de Chypre après la déchéance d'Andronic, s'intitulait « empereur », mais avait cédé cette conquête au roi dépossédé de Jérusalem maintenant prise par les Sarrasins,[56] ces deux courants de croisade n'atteignaient pas la « terre de Grèce ».

Il en fut autrement de l'empereur allemand, Frédéric Barberousse lui-même, qui, traversant la Hongrie, déboucha dans les Balkans, en pèlerin sans doute, mais faisant mine de vouloir agir en maître, comme empereur légitimement élu, appuyé sur une longue carrière de guerrier et de chevalier devant ce lâche usurpateur byzantin.

Le chef des Valaques et Bulgares, Pierre, qui lui avait demandé la couronne impériale d'Orient, ambitionnée par lui comme par tous les dynastes se succédant pendant des siècles dans ces régions, fut refusé. Cependant les Byzantins crurent que Frédéric venait pour mettre fin à leur domination, depuis quelque temps résolument hostile à tout ce qui était « latin », aux chevaliers aussi bien qu'aux marchands ; en cet âge d'or des devins et des prédictions on avait su par les oracles que le César allemand entrerait par la porte de Xylokerkon, pour réunir sur sa tête les deux couronnes « romaines[57] ».

L'Empire le traita donc en ennemi, sans lui donner le marché, mais, au contraire, lui fermant les routes et lançant contre l'armée des « guérilléros » « alains » ; devant lui les villes se vidaient : à Philippopolis ne restèrent que les pauvres et les pauliciens hérétiques.[58] Il y eut donc, malgré le traité de passage conclu à Nuremberg,[59] des conflits armés, dans lesquels les Byzantins finirent toujours par s'enfuir.[60] Frédéric, auquel on avait refusé ce passage en automne, resta tout l'hiver de l'année 1189 à proximité de Constantinople, qui tremblait devant lui, pendant que les Vlaquo-Bulgares révoltés exultaient de sa présence.[61] On arriva enfin à s'entendre au commencement de 1190, permettant de cette façon à Frédéric de débarquer en Asie, avec tous les siens, sous la garantie des nombreux otages livrés par Alexis, qui avait déjà ses conventions avec le nouveau maître d'Egypte, le Soudan Saladin.[62]

Enfin les Allemands, qui avaient passé à Gallipoli, vainquirent les Turcs d'Asie Mineure à Philomélion ; ils se saisirent d'Iconium, que personne n'avait pu prendre jusqu'alors.[63] Les colosses d'acier, dont l'aspect remplissait d'étonnement et d'admiration le monde oriental des « schismatiques » et des « païens[64] », entrèrent ensuite dans les défilés de l'Arménie. Un brillant avenir s'ouvrait à cette croisade, entreprise dans des circonstances exceptionnelles. Mais la mort foudroyante du vieil empereur, dans les ondes glacées du Sélef, coupa court à toutes les espérances. Elle délivra en même temps les gens de Constantinople d'un grand souci. Par Antioche,[65] Beyrouth, Tyr le fils de Frédéric arriva à Acre.[66]

Quant aux croisés de France et d'Angleterre, avec leurs rois, ils prirent la voie, plus sûre, de la mer.[67]

Mais l'anarchie s'accentuait, la désagrégation de l'Empire, presque enfermé à Constantinople, sans armée et sans flotte, devenait de plus en plus visible. Un pirate génois, Caffaro, ancien marchand à Constantinople, était le vrai maître de l'Archipel, et, lorsqu'il voulut avoir Hadramyttion, il l'eut. Les quelques vaisseaux dont disposait l'empereur tombèrent au pouvoir des corsaires à Sestos, devant la Capitale. Pour s'arrêter, ledit Caffaro demandait six « centenaires » d'or et, dans le but de coloniser les siens, un territoire sept fois aussi étendu que ce que pouvait être leurs habitations. Il fallut s'adresser aux Pisans et surtout à un marin de Calabre, Stirione, pour en finir avec cet ennemi insolent. Mais la Mer Noire restait à la disposition des pirates grecs.[68]

Le danger latin devait reparaître cependant bientôt. Le fils de Barberousse, Henri VI, héritier, par son mariage avec la princesse Constance, du royaume de Sicile, s'était proposé de sang froid, et sans cet élément de romantisme qui distingue les projets des princes normands, de réunir le monde entier sous sa domination de César unique. S'il négocia avec Isaac, lui demandant la côte de l'Adriatique,[69] il le fit seulement pour passer le temps. En attendant la conquête de l'Orient, par la destruction de l'Empire byzantin et la croisade, qui correspondait à son double devoir de roi normand et d'empereur, il imposa au misérable « basileus » de donner assistance aux pèlerins et de payer un tribut de seize « centenaires » d'or d'Occident.

Dès le 8 avril 1195 il y avait eu à Constantinople un nouveau changement de règne, par une nouvelle révolution criminelle.[70] Alexis, aîné de l'empereur, se considérait comme lésé par l'avènement à l'Empire de son frère. Au cours d'une expédition contre les Valaques il se fit proclamer par ses intimes et ses soldats, qu'il avait su gagner. Isaac fut aveuglé et jeté en prison avec son fils Alexis, qu'il avait eu de son premier mariage.[71]

Alexis III, qui se fit appeler Comnène,[72] le troisième dans cette série d'empereurs pervers et sanguinaires, ne se montra pas supérieur à celui qu'il avait remplacé. Il donna le spectacle de scandales domestiques[73] et se réjouit lui aussi à la vue des têtes coupées qu'on lui envoyait pour lui prouver qu'il était bien servi. Des individus universellement méprisés comme Constantin le Mésopotamite,[74] étaient ses favoris. On vit donc de nouveau des prétendants, Alexis Kontostéphanos, entre autres, ou Jean Comnène, l'empereur d'un jour,[75] qui, après l'échec des émeutes qu'ils avaient suscitées, cherchèrent un refuge dans Ste Sophie ; les artisans de la capitale saccagèrent et brûlèrent les maisons des grands qui leur déplaisaient ; ils s'en prirent même aux églises et à la mosquée récemment construite à l'intention des Sarrasins habitant Constantinople et ouvrirent aux malfaiteurs les portes des prisons. Le rétablissement de l'ordre fut laborieux, et l'on put voir, suspendues aux murs de la ville, beaucoup de têtes tranchées, les corps ayant été jetés aux chiens.

Pour recueillir la somme du rachat de son Empire envers Henri VI, Alexis III demanda à ses sujets, déjà obérés d'impôts, l'« alamanikon », la « rançon envers les Allemands », et il compléta la somme en dépouillant les églises et les monastères et en fouillant même les tombeaux des anciens empereurs.

Pour créer à sa famille des droits dynastiques sur l'Empire d'Orient, Henri avait marié à son frère, Philippe de Souabe, peut-être son vicaire désigné de Constantinople, Irène, fille d'Isaac et veuve d'un membre de la dynastie normande. Aussi la mort de Henri, l'Allemand de Sicile, fut-elle une délivrance pour l'Empire des Anges. Mais, tout de même, il y avait à craindre du côté de l'Allemagne, dont le nouveau roi, ce Philippe lui-même, était le propre gendre de l'empereur détrôné ; le jeune prince Alexis, fils d'Isaac, était parvenu à s'échapper sur un vaisseau des Pisans[76] et il avait trouvé un refuge auprès de sa sœur.

Dans l'état de choses créé en Occident par la mort de Henri, le prétendant n'aurait pas trouvé facilement les moyens de recouvrer ses droits sans le conflit nouvellement intervenu entre l'empereur régnant et Venise. Encore une fois, des extorsions avaient été commises à Constantinople au préjudice de citoyens de la République, et, en outre, on refusait à Byzance d'acquitter au gouvernement ducal le reste du dédommagement promis solennellement par feu l'empereur Manuel.[77] L'Empire, qui avait employé les vaisseaux de Pise contre le commerce vénitien, entretenait même à ses frais des pirates qui attaquaient indifféremment les vaisseaux turcs et les vaisseaux chrétiens. Il paraît bien que Venise était décidée à frapper un grand coup.

 

IV. — LA CROISADE CONQUÉRANTE DE BYZANCE

 

Des événements inattendus mirent des forces de terre considérables à la disposition du prétendant. Foulques de Neuilly, un simple curé, parcourut la France, prêchant la nécessité d'une nouvelle croisade. Un certain nombre de chevaliers, et même deux chefs de la féodalité française, Thibaut de Champagne et Baudouin de Flandre, prirent la croix.[78]

Le chef de l'expédition, destinée à rétablir le royaume de Jérusalem, mais attaquant d'abord en Egypte, centre de leur puissance, les nouveaux maîtres de la Terre Sainte, les Égyptiens du Courde Saladin, depuis longtemps maître de Damas, la capitale du puissant Nour ed-din, jeune prince hardi et très populaire, devait être Thibaut ; Venise fut choisie comme lieu d'embarquement.

Mais Thibaut mourut. Les Champenois, qui composaient en grande partie l'armée des croisés, ne voulurent pas s'adresser à ce comte de Flandre qui était considéré comme en quelque sorte étranger à la France, pour lui offrir la conduite du Saint Passage. Quelqu'un qui avait intérêt à le faire proposa le marquis de Montferrat, Boniface. Or, le marquis avait des attaches déjà connues avec Constantinople, car des membres de cette famille, Renier, Conrad, alliés aux Comnènes, avaient joué un grand rôle dans l'Empire,'dont le premier avait même rêvé de devenir le maître. Boniface n'avait pas fait vœu de croisade ; il n'avait pas des relations étroites avec la noblesse de France. C'était un esprit pratique et égoïste, qui entendait se servir de l'expédition pour se tailler un royaume digne de sa parenté impériale et de sa valeur personnelle.

Venise lui offrit des vaisseaux contre paiement. Étant à ce moment l'ennemie de l'Empire elle avait le plus grand intérêt à sa destruction, pour se saisir des ports et des îles nécessaires à sa marine, Plus que cela : elle se considérait membre de l'Empire, sa bourgeoisie extérieure, ex-territoriale. Dans cette qualité elle avait les mêmes droits à la succession des usurpateurs qui se montraient un moment sur l'écran impérial que les Normands, eux aussi partie intégrante de la Rome d'Orient. Déjà des symptômes montraient que l'heure de cette prise de possession n'était pas lointaine. Toute une ville suivait ainsi les traditions à demi millénaires des anciens antartes italiens.[79] La République reçut, de plus, les offres du jeune Alexis, offres qu'appuyait puissamment le beau-frère du prétendant, Philippe de Souabe ; Alexis avait offert, du reste, la soumission de l'Église d'Orient à cet Innocent III que tentait l'idéal de domination universelle d'un Grégoire VII.[80]

On se faisait des idées fabuleuses sur les richesses des Byzantins, dont la politique était depuis longtemps de mettre en évidence le plus possible les pierres de prix, les vêtements brodés d'or, les bijoux et les objets précieux des anciens temps, dont la vue faisait une profonde impression sur les barbares. Il était à prévoir qu'une croisade qui comptait si peu de grands seigneurs et tant d'aventuriers pauvres, ne possédant que leur armure et leur cheval, ne serait pas en état de payer le coût du passage. Or, Alexis promettait son contingent pour la croisade, et, en dehors de cinquante trirèmes pour le passage,[81] deux cent mille marcs à qui l'aiderait à reconquérir son héritage.

On comprend ce qui devait résulter de toutes ces circonstances fatales à l'Empire. Il n'y avait pas seulement pour aller en Terre Sainte la voie de mer, de Venise à Tyr ou à Saint Jean d'Acre ou bien à Damiette, mais aussi cette autre voie, que les premiers croisés avaient suivie et qui, abandonnant la Mer à Constantinople, prenait le chemin de « Cevetot » (Kyboton), de Nicée, d'Arménie et d'Antioche. Dans cette dernière hypothèse, il fallait demander le marché aux Impériaux, possesseurs de toute la partie orientale de l'Asie Mineure, et en outre depuis longtemps alliés des Turcs d'Iconium, à ce point qu'ils n'osèrent pas tirer profit de l'expédition de Frédéric Barberousse, qui avait ébranlé le Sultanat en pleine décadence.

Pouvait-on attendre cependant de pareils services de cet empereur Alexis, en conflit avec ceux mêmes dont le drapeau s'élevait, auprès de celui de la croisade, sur les vaisseaux du passage ? Ne valait-il pas mieux faire en passant une emprise profitable à la croisade, qui fût en même temps un acte de justice, en rétablissant l'enfant Alexis sur le trône de son père aveuglé ?

Il ne peut pas y avoir de doute que cette résolution était déjà prise par les chefs de l'expédition lorsque les vaisseaux des croisés quittèrent Venise, en août 1202. Autrement, le doge Dandolo lui-même, vieux et atteint de cécité, n'aurait pas monté sur une des galères, et on n'aurait pas refusé de prendre à bord le légat du Pape. On ne pouvait, ni proclamer un pareil but de croisade lorsque Jérusalem se trouvait sous le joug des Infidèles, ni fulminer l'excommunication contre des princes qui allaient préparer la réunion de l'Église schismatique au Siège catholique de Rome. Une partie des croisés sentit bien qu'il y avait là quelque chose de caché ; les dissidents refusèrent obstinément de se rendre à Venise ; ils furent s'embarquer à Marseille,[82] comme l'avait fait le contingent français de la croisade précédente, et se rendirent directement en Syrie.

D'autres se détachèrent au cours de la traversée, à mesure que se dessinait mieux le but de la « guerre sainte » à laquelle on les menait. Le roi de Hongrie détenant Zara, les croisés n'hésitèrent pas à mettre le siège devant cette place, qui fut prise d'assaut et rendue aux Vénitiens. Il était maintenant, en octobre, trop tard pour cingler vers l'Orient, et il fallut donc passer tout un hiver dans cette Dalmatie vénitienne, ce qui lia plus étroitement les croisés à la politique du doge.

Au printemps, on partit enfin par mer, et, à ce moment, toute l'armée apprit ce qu'elle devait accomplir à Constantinople. Alexis était sur une des galères, et Boniface de Montferrat avait pris déjà vis-à-vis du jeune prince l'attitude d'un tuteur.[83] En chemin, le prétendant s'affirma en se faisant reconnaître par les garnisons byzantines et par les habitants des côtes, d'Andros même,[84] sujets de l'Empire.

Au mois de mars 1203, les Français, les Lombards et les quelques Allemands que conduisait le marquis eurent enfin devant les yeux la merveille de Constantinople, qui leur paraissait contenir la population du monde entier.[85]

Alexis III fit semblant de ne rien savoir. Il offrit, comme de coutume, le marché aux hôtes porteurs de la croix rouge. Le doge et Boniface, les véritables chefs, ne dissimulèrent pas leur mission. Déclarant Alexis usurpateur, ils lui enjoignirent de céder la place à l'héritier légitime qui se trouvait dans leur camp, en vêtement impérial.

L'empereur fit mine de résister. Il avait avec lui des Pisans, des archers d'Orient, des Anglais, des Danois, des hallebardiers toujours fidèles au souverain intronisé ;[86] il avait même eu le temps de rassembler un contingent des thèmes, On le vit sortir une fois avec une assez grande armée que les quelques milliers de beaux chevaliers et de marins de Venise ou de contingents dalmates n'osèrent pas attaquer.

Il paraît cependant que quelque chose se tramait dans Constantinople même, où, encore une fois, on ne voulait pas de l'empereur du danger et du malheur. Depuis l'usurpation d'Andronic, tous les souverains de Byzance craignaient leur capitale, et ils passaient la plus grande partie de leur temps dans les palais de plaisance des environs, à Scutari, à Chalcédoine,[87] dans les buenretiros des rivages fleuris.

Alexis III disparut donc, s'enfuyant à Débeltos, avec sa fille Irène et dix «centenaires » d'or,[88] pour éviter une révolte populaire et ses suites probables d'aveuglement, mutilation et d'offenses. Aussitôt le patriarche tira de son cachot Isaac l'aveugle, qui reprit sa place sur le trône auprès de la belle princesse de Hongrie, son impératrice.[89]

Les croisés cependant ne se montrèrent pas complètement satisfaits de ce changement. Celui qui leur avait prêté serment était le fils, et non le père. Ils exigèrent que leur pupille fût proclamé aussi et qu'Isaac confirme par une bulle d'or[90] les promesses faites par son collègue ; il n'y avait qu'à accepter cette lourde nécessité (1er août) et à fouiller de nouveau les églises pour trouver l'argent qu'attendaient les alliés d'Occident comme prix de leurs services, tout en maudissant l'insatiable avidité des guerriers latins.[91]

La situation des deux empereurs en fait d'argent était d'autant plus difficile qu'ils ne pouvaient compter sur rien. D'abord les Anges avaient été contraints déjà, pour l'expédition de Bardas et pour celle contre Bardas, à piller les objets de culte, à vendre des fonctions, à ne plus payer les salaires, à faire fabriquer de la fausse monnaie ; ils avaient dû payer aux Allemands et aux Turcs un tribut de rachat et de paix ; les villes avaient été exemptées d'impôts pour rester fidèles.[92] En plus les revenus des provinces n'appartenaient pas aux nouveaux maîtres. Aucune des grandes cités d'Europe et d'Asie n'avait déclaré les reconnaître. Alexis III tenait encore la campagne ; les gouverneurs étaient tous de sa création. Le jeune Alexis entreprit en effet une expédition pour soumettre la Thrace, mais il revint sans avoir remporté de succès notables.

Or, les croisés ne voulaient plus patienter. Le contrat avec Venise avait été prolongé pour une année,[93] mais ils voyaient bien que ce nouveau délai serait aussi insuffisant. Ils étaient irrités, surtout les Vénitiens, par les attaques que la populace avait dirigées récemment contre les Latins de Constantinople, qui avaient dû s'y soustraire par la fuite. On avait découvert même l'intention de brûler la flotte du doge.[94] De leur côté, les Latins crurent devoir s'en prendre à la mosquée des mécréants et à la nombreuse colonie de marchands « sarrasins » et de turcopoules qui habitait la Capitale.[95] Des incendies s'allumaient, qui détruisirent le Cirque, le forum de Constantin.[96] Les palais de la banlieue furent pillés.[97]

C'était une situation évidemment intenable. Les chefs de camps des Occidentaux, auxquels ne pouvaient pas suffire les familiarités de leur jeune client, qui buvait et jouait aux dés avec eux, s'amusant à changer de coiffure avec les seigneurs latins,[98] défièrent Isaac selon toutes les règles de la chevalerie, et ouvrirent ainsi les hostilités contre leur allié « déloyal[99] ».

Ce fut le signal d'une grande révolte populaire, où éclata encore une fois le ressentiment de longue date, entretenu et exaspéré par les récentes offenses et les exigences d'argent qui ruinaient et dépouillaient la ville.

La couronne fut offerte à un jeune homme du peuple, Nicolas Kanabos.[100] La foule, les δημόκοποι et les χλαρχικο, l'acclamèrent.[101] Il paraît que les deux empereurs, ayant perdu tout espoir de pouvoir se maintenir par eux-mêmes, s'adressèrent alors aux Latins, qu'ils voulurent même introduire dans le palais.[102] Mais il était décidément trop tard. La classe dominante, qui ne voulait plus de cet aveugle et de cet enfant et qui méprisait et craignait les Latins, proclama, en janvier 1204, Alexis Dukas, surnommé Mourtzouphlos, à cause de ses gros sourcils. C'était un « prince de sang », un haut dignitaire, qui était revêtu de l'office de protovestiaire, et il s'était signalé par sa haine contre les envahisseurs.[103]

Dukas, qui avait gagné les hallebardes varègues,[104] agit habilement. Il se saisit de la personne du jeune Alexis, qu'il fit disparaître selon la méthode d’Andronic[105] ; puis Isaac, qui était tombé malade, périt avec le concours de son ancien conseiller (1204).[106]

Le nouvel empereur fit tous ses efforts pour conserver Constantinople, mais ils devaient être vains. On lui demandait cinquante « centenaires », d'or pour être toléré. Il ne pouvait compter ni sur les soldats, ni sur le peuple.[107] Dès le mois de mars, « Francs » et Vénitiens s'étaient entendus pour attaquer la ville et y établir un Empire des Latins.[108] Au second assaut, le 12 avril 1204, la première ville du monde, et la seule que l'on eût pu croire inexpugnable, tomba au pouvoir des Latins.[109]

Les conquérants, qui étaient peu nombreux,[110] se perdirent presque dans la multitude immense, agitée par l'effroi. D'un côté, les troupes de chevaliers avançaient avec précaution ; de l'autre, par la Porte Dorée,[111] Dukas s'échappait, emportant la femme d'Alexis III, Euphrosyne, et sa fille, Eudoxie, qu'il avait épousée pour consolider son pouvoir. Mais en même temps un autre Dukas,[112] Théodore, marchait comme empereur nouvellement créé à la tête d'une bande de populaire, tandis que dans l'église de Ste Sophie le patriarche présentait au peuple comme nouveau souverain le jeune et brave Théodore Laskaris, lui aussi gendre de l'empereur.[113] Enfin, bientôt, une procession s'organisa pour recevoir les Latins et leur demander grâce.[114]

Il n'y eut, dans ce désordre affreux, de la part des vainqueurs aucune retenue et aucune discipline, pas même le respect pour les objets sacrés, dans le pillage si longtemps attendu. On brisa la table sainte de la basilique de Justinien pour s'en partager les morceaux : une femme se mit à chanter des chansons grivoises dans la chaire de Saint Jean Chrysostome ; on s'asseyait sur les icônes. Des processions caricaturales, avec des courtisanes à califourchon sur des chevaux, singeaient les cérémonies des Orientaux. Une foule ignoble s'empressait autour des dévastateurs pour marchander leur gain.[115] Plus tard on fera fondre les statues, détruisant l'« Anémodoulion », l'Hercule « triespéros » de Lysippe, les statues de Romulus et de Remus, celle d'Hélène de Troie, de « l’âne de César », etc.[116] On ira jusqu'à fouiller dans les tombeaux des basileis.[117] Etait perdu quiconque cachait des richesses.[118]

Or, les conquérants voulaient maintenant un empereur de leur race, et déjà les barons de France et de Lombardie avaient signé avec le doge, qui avait dû rêver pour lui-même d'une installation à Byzance, un traité de partage de l'Empire, qui donnait à chaque nation un lambeau de l'héritage byzantin. Les formes d'élection vénitiennes furent maintenues à l'église des SS. Apôtres pour la désignation de l'empereur. S'il ne pouvait pas lui-même usurper sur le basileus, le vieux doge voulait avoir un prince faible, sans liaisons et sans popularité en Orient, un prince complètement détaché de ses possessions d'Occident. Ce fut donc Baudouin de Flandre, le « Phlandos » des Grecs,[119] une espèce de Godefroi de Bouillon, auquel on avait dû penser, un chevalier de trente trois ans, brave et surtout vertueux,[120] qui l'emporta au scrutin sur le marquis Boniface de Montferrat. Ce dernier devait avoir en échange l'Asie et la Morée.[121] Venise espérait sans doute qu'il consacrerait toute son activité à la récupération des riches provinces qui s'étendaient au-delà du Détroit.

 

 

 



[1] Anne Comnène, II, p. 162.

[2] ibid., pp. 417-418, 420-422. Des troupes venues de Trébizonde et d'Oinaion, Cinnamus, p. 293 ; Anne Comnène, II, pp. 100-101.

[3] Choniate, p. 345 ; Cinnamus, pp. 295-296 ; Anne Comnène, II, p. 265.

[4] Choniate, p. 319.

[5] Ibid., p 340.

[6] Ibid., pp. 350, 371-373.

[7] Anne Comnène, II, p. 265.

[8]Cf. Morgan, op. cit., p. 186.

[9] Anne Comnène, pp. 432-433 ; Choniate, pp, 376 et suiv., 611-612.

[10] Mort le 24 septembre 1181 ; 'Νἑος Έλληνομνήμων, Vil, p. 133. Cf. Choniate, p. 286 et suiv. Il aurait revêtu l'habit des moines (ibid.). D'après la chronique anglaise de Benoît de Peterborough, en septembre, avant l'Exaltation de la Sainte Croix (Benedictus abbas petroburghensis, De vita et gestis Henrici II et Riçardi I, Oxford, 1735).

[11] Sur le serment que Manuel avait fait prêter à l'enfant, de la façon la plus solennelle, basée sur la sentence d'un synode, A. Pavlov, dans le Viz. Vréménik, II, pp. 388-393. Déjà le nom de Ρωμανία pour l'Empire, paraît. — Cl. Cognasso, Partiti politichi e lotte dinastiche in Bisanzio alla morte di Manuele Comneno, dans les Mémoires de l'Académie de Turin, LXII (1912), pp. 213-237. Cf. Chalandon, The later Comneni, dans la Cambridge Mediaeval History, IV (1923), pp. 318-384 ; Nikola Radojčic, Dva posljednja Komnena na carigradskom prijestolju, Zagreb, 1907 : Portraits de différents membres de la famille des Comnènes peints dans le typikon du monastère de Notre Dame de Bonne Espérance à Constantinople, dans la Revue des études grecques, XVII (1904), pp. 361-373.Cf. aussi le 'Νἑος Έλληνομνήμων, XVI, p. 395 et suiv.

[12] Choniate, pp. 292-293. Alexis aurait prétendu ajouter sa confirmation aux bulles impériales ; p. 300

[13] Ibid.

[14] Ibid., p. 43.

[15] Ibid., pp. 294-295.

[16]Cf. sur lui ibid., p. 68 ; Cinnamus, pp. 121, 123-124, 250, 256, 266-267, 430-431.

[17] Choniate, pp. 301-302.Cf. aussi Sicard de Crémone, éd. Muratori, c. 602.

[18] Eustache de Thessalonique, De excidio urbis Thessalonicae, p. 39.

[19] Choniate, pp. 456-457, 513-514, 592, 602. Choniate. Sur les orfèvres de Constantinople, ibid., p. 157. Sur les spectacles du Cirque, ibid., p. 376.

[20] Choniate, pp. 585, 599.

[21]Cf. plus haut.

[22] Diehl, dans la Revue historique du Sud-est européen, année 1929.

[23] Choniate, p. 298.

[24] Eustache de Thessalonique, loc. cit., p. 381.

[25] Choniate, pp. 301-303, 305-308, 312 et suiv ; Eustache de Thessalonique, loc. cit., p. 382 et suiv.

[26] Benoît de Peterborough.

[27] On détruisit ses images mêmes ; Choniate, p. 433.

[28]Cf. l'exposition, si large, du même Choniate, pp. 318-325.

[29] Ibid., pp. 326, 328-339. Eustache de Thessalonique, loc. cit., p. 392 et suiv.Cf. aussi la chronique anglaise de Guillaume de Newbridge.

[30]Cf. Eustache de Thessalonique, op. cit., pp. 411, 413. Sur les persédicutions d'Andronic, Choniate, pp. 380 etsuiv., 404, 418, 429, 433, 437-438. Son fils Alexis ; ibid., p 337 et suiv. ; son fils Manuel, ibid., p. 440.

[31] Benoît de Peterborough : « clericus sapiens, quem Graeci, nominabant Sacwize [Isaakios], latine autem Isak, qui, tempore persecutionis in transmarinis partibus Parisius commorans, scholas frequentabat ut in doctrinis Latinorum linguam et mores illorum disceret ». Cf. notre Interpénétration de l'Orient et l'Occident au moyen âge, p. 33, note 1.

[32] Je ne pourrais pas croire à une convention entre Andronic et Saladin, qui aurait offert à l'Empire les Lieux Saints. Elle n'est mentionnée que dans les Annales Reicherspergenses, Mon. Germ. Hist., XVII, p. 511.

[33] Eustache de Thessalonique, loc. cit., pp. 396-398.

[34] Cependant Benoît de Peterborough parle de la première église latine d'État fondée par Andronic, et son Grand Domestique de l'Orient était un Guy (Γίδος) ; p. 430. Le méme mentionne des comites, κόντοι ; il prétend ne pas s'entendre à rendre ce terme : κόντοι, εἰπεῖν δὲ συνηθεστέρως, κόμητας (μισῶ γὰρ τὸ ἀκράτως βάρβαρον) ; p. 466. Andronic qualifiait les Latins de πεδιλόῤῥαφοι ; Choniate, p. 411.

[35] Eustache de Thessalonique, p. 416.

[36] Cependant d'après Eustache de Thessalonique il aurait voulu être lui-même empereur, p. 418. Cf. G. Spata, I Siciliani in Salonicco, Palerme 1892.

[37] Cinnamus, p. 384 et suiv. Le chroniqueur croit que c'est de fait « Alexis exilé chez les Scythes ».

[38] Eustache de Thessalonique, p. 423..

[39] Surtout le récit, si pittoresque, plein de termes populaires, d'Eustache, loc. cit.

[40] Eustache de Thessalonique, op. cit.

[41] On lui attribuait cette intention ; Cinnamus, p. 414.

[42]Cf. notre Venise, loc. cit.

[43] Benoît de Peterborough. Une prédiction pareille avait été faite à Andronic.

[44] Choniate, pp. 444-446, 449, 451-452, 466.

[45] D'autres détails affreux dans Benoît de Peterborough ; Iorga, Interpénétration, etc., pp. 33-34. Ses fils furent aveuglés ; Choniate, p. 466. Sur les mesures populaires d'Andronic « le laboureur », ibid., p. 429-430, 432.Cf. aussi Wilken, Andronikos Komnenos, dans le Historisches Taschenbuch de Raumer, II (1831), pp. 431-548. Cognasso, op. cit., et d'autres historiens exagèrent singulièrement les tendances démocratiques de ce monstre moral.

[46] Choniate, pp. 503-504. Il combat aussi contre les Valaques ; ibid., p. 516. Sur le reste de sa carrière, à Jérusalem, comme roi, pp. 516-517.

[47] Ibid., pp. 489 et suiv., 496, 507.

[48]Cf. ibid., pp. 549 et suiv., 554-561

[49]Cf. notre Gesch. des osm. Reiches, I.

[50] Βλάχων φωνή ; Choniate, p. 617.

[51] Ibid. Cependant leur frère Joannice avait une maison à Constantinople ; ibid., p. 548.

[52] Sur les μοῦλτοι et la situation de ce côté-là, Kékauménos ; surtout pp. 63-64.

[53] Choniate, p. 482 et suiv.

[54] Ibid., pp. 569 fet suiv., 612 et suiv. ; Acropolite, p. 20 et suiv.Cf. aussi Hurmuzaki, fragmente zur Geschichte der Rumänen, I, et notre Gesch. des rumänischen Volkes, I.

[55] Théodore de Scutari, à la fin de l'édition Heisenberg de l'Acropole, p. 295, no. 59.

[56]Cf. Iorga, France de Chypre, Paris, 1931, pp. 11 et suiv., 81 et suiv.

[57] Choniate, p. 528.

[58] Ibid., pp. 526-528, 535.

[59] Dölger, Regesten, no. 1580. Cf. ibid., no. 1591 et suiv.

[60] Choniate, p. 534 et suiv.

[61] Ibid., pp. 537-538.

[62]Cf. Otto Fris, Gesta Friderici imperatoris, I, 1912 ; O. Riezler, Kreuzzug Kaiser Friedrichs 1., dans les Forschungen zur deutschen Ge schichte, X (1870) ; K. Fischer, Geschichte des Kreuzzuges Kaiser Friedrichs I., Leipzig 1870 ; B. Zimmert, Ober einige Quellen zur Geschichte des Kreuzzuges Friedrichs I., dans le Jahresbericht de l'École réale allemande de Prague, 1907-1908 ; le meme, Der deutsch-byzantinische Konflikt vom Juli 1189 bis Februar 1190, dans la Byz. Zeitschrift, XII, p. 42 et suiv. (le traité, ibid., XI, pp. 303 et suiv., Cf. ibid., pp : 689-690) ; Les relations avec Saladin, ibid., XII, pp. 49-50 et 49, note 3.

[63] Choniate. Les croisés avaient été mal reçus à Philadelphie, mais bien à Laodicée.

[64] Choniate, 540 et suiv. Les croisés avaient été mat reçus à Philadelphie, mais bien à Laodicée ; ibid., p. 539.

[65] Ibid., pp. 543-544.

[66] Ibid., pp. 544-546. Cf., pour l'ensemble, Ansbert, dans les Fontes rerum austriacarum.

[67]Cf. Zimmert, dans la Byz. Zeitschrift, XII, Cf. Böhmer, Acta Imperii selectat p. 152.

[68] Un Constantin Phrangopoulo, « fils de Franc ».Cf. Choniate, pp. 636-637, 699-700.

[69] Dölger, Regesten, à cette date.

[70] Cf. Cognasso, Un' imperatore bizantino della decadenza, Isaac II Angelo, dans le Bessarione, XXX (1915), pp. 29-60, 239-289, et le 'Νἑος Έλληνομνήμων, VII, p. 48.

[71] Choniate, p. 595.

[72] Ibid. p. 605.

[73] Ibid. Il chassa l'impératrice comme adultère ; ibid., p. 646. C'est ici que doit être ramené le no. 1623 de Dölger, loc. cit

[74] Choniate, pp. 640 et suiv., 649.

[75] Heisenberg, Nikolaos Mesarites, Warzburg 1907. Cf. Cédrène, pp. 652-653, 692-694 et suiv., 696 et suiv., 698-699. Cf. aussi ibid., pp. 725-726.

[76] Ibid., p. 711.

[77] Il restait, des quinze centenaires d'or, vingt mines ; ibid., p. 713. En novembre 1198 avait été conclu le dernier traité de privilèges ; Dölger, Regesten, n° 1647.

[78]Cf. aussi Riant, dans la Revue des Questions historiques XVIII (1875) ; Hanotaux, dans la Revue historique, IV ; Aussi J. H. Crause, Die Eroberung von Konstantinopel im 13. und 15 Jahhundert, Halle a S., 1870 ; Klimke, Die Quellen zur Geschichte des IV. Kreuzzuges, Breslau 1875 ; Streit, Beiträge zur Geschichte des vierten Kreuzzugs, I. Venedig und die Wendung des vierten Kreuzzugs, Anklam 1877 ; Teissier, La quatrième croisade, Paris ; Riant, Innocent III, Philippe de Souabe et Boniface de Montferrat ; Simonsfeld, Ein Bericht über die Eroberung von Byzanz im ]ahre 1204, dans la Festschrift von Christ, Munich 1891 ; Walter Norden, Der vierte Kreuzzug im Rakmen der Beziehungen des Abendlandes zu Byzanz, Berlin, 1898 ; Papadopoulos-Kérameus, Documents grecs pour servir à l'histoire de la quatrième croisade, dans la Revue de l'Orient latin (1893), pp. 540-555 ; Gerland, Das vierte Kreuzzug und seine Probleme, dans les Neue Jahrbücher fur das klassische Altertum, 1904, pp. 505-514 ; Mitrofanov, dans le Viz. Vréménik, IV, pp. 461-523 ; Vladimir Sacharov, ibid., VIII, p. 184 et suiv. ; Fotheringham, Genoa and the fourth crusade, dans l'English historical Review, XXV (1910), pp. 26-58.

[79]Cf. notre Venise citée.

[80] Choniate, p. 715.

[81] Ibid., p. 715 ; Villehardouin, id. Natalis de Wailly, pp. 53-55, 57.

[82] Villehardouin, p. 59. L'abbé de Vaux, les frères de Montfort, le seigneur de Boves prendront service sous le roi de Hongrie, client du Pape ; ibid., p. 63. On put à peine retenir ceux qui voulaient aller à Brindisi, ibid., p. 65.

[83] Ibid., p. 65.

[84] Ibid., p. 71 : Alexis y était allé avec Boniface et le comte Baudouin.

[85] « Que il semblait que il n'eust se là non » ; ibid., p. 75.

[86] Choniate, pp. 717-723. Villehardouin, p. 97. Aussi un Lombard, Nicolas Rosso ; Villehardouin, p. 79.

[87] Ibid., p. 77. Sur l'église de St. Étienne, ibid., p. 73.

[88] Choniate, p. 723 ; Villehardouin, p. 105.

[89] Ibid., p. 107.

[90] Ibid., p. 109.

[91] Choniate, p. 729.

[92] Choniate, pp. 499, 584 et suiv., 586, 638, 712 et suiv. A un certain moment le jeune Alexis voulut emprunter seize « centenaires » d'or de Boniface de Montferrat ; ibid., p. 738.

[93] Villehardouin, pp. 113, 117.

[94] Ibid., p. 127.

[95] Choniate, p. 731.

[96] Ibid., pp. 731-733.

[97] Ibid. p. 741.

[98] Ibid., p. 737. Sur la passion des croisés pour les dés ; ibid.,13. 884.

[99] Villehardouin, pp. 82, 122-123.

[100] Choniate, loc. cit.

[101] Ίμάτιον ἔχεις : γενοῦ ἡμῶν ἀρχηγὸς ; ibid., p. 744.

[102] Ibid.

[103] Sur son règne de soixante-dix jours, le 'Νἑος Έλληνομνήμων, VII, p. 134.

[104] Choniate p. 745 ; Villehardouin, p. 129.

[105] Choniate, p. 747.

[106] Il serait mort de peur, d'après Villehardouin.

[107] Il était conseillé par son beau-père, Philokalios ; ibid., pp. 748-752.

[108] Tafel et Thomas, Urkunden zur älteren Handels und Staatsgeschichte der Republik Venedig, Vienne 1856, I, p. 446 et suiv.

[109] Ibid., pp. 752-753. Cf. Choniate, p. 512 ; 'Νἑος Έλληνομνήμων, XVI, p. 225 et suiv.

[110] 20.000 hommes en ont pris 400.000, dit Villehardouin, dit Villehardouin, p. 148.

[111] Ibid., p. 145. Les veuves d'Andronic et d'Isaac au Palais des Lions ; Ibid., p. 146.

[112] Ç'aurait été son frère Constantin ; Andrééva, La vie à Nicée (en tchèque).Cf. plus loin..

[113] Par sa femme Anne ; Acropolite, pp. 10-11. Une troisième princesse, Irène, était veuve du despote Paléologue ; ibid.

[114] Choniate, p. 756 et suiv. Les hallebardiers étaient prêts à reconnaître quiconque aura de quoi leur payer, ibid., p. 755.

[115] Ibid., pp. 758-759, 784-789.

[116] Cf. Dutuit, Byzance et l’art du XIIe siècle, Paris 1926 ; J. Papadopoulos, Les palais et les églises des Blachernes, Paris 1928.

[117] Choniate, pp. 855-856, 859, 863. Cf. 'Νἑος Έλληνομνήμων, III, pp. 252-253 ; Riant, Des dépouilles religieuses enlevées de Constanatiople au XIIIe siècle par les Latins ; Heisenberg, Neue Quellen zur Geschichte des lateinischen Kaisertums und der Kirchenunion, I, Munich 1923.

[118] Villehardouin, p. 150.

[119] Βαλδουίνος ὁ Φλάντος· ; 'Νἑος Έλληνομνήμων, VII, p. 134.

[120] Choniate, p. 790.

[121] Villehardouin, p. 152. Sur son couronnement, Robert de Clary. Il voit dans l'entreprise l'ambition seule de Boniface (p. 442).