1815

LIVRE III. — LA FRANCE CRUCIFIÉE

 

CHAPITRE II. — LA RESTAURATION DANS LE MIDI.

 

 

I

A la nouvelle de l'abdication, Agen, Cette, Montauban, Tarascon, Béziers, Mende, Beaucaire, vingt villes du Midi, avaient fait la révolution royaliste ; Marseille avait relevé le drapeau blanc dans le sang des massacres ; à Montpellier et à Toulouse, il y avait eu des émeutes dont la répression trop rigoureuse laissait des ferments de haine et de vengeance, comme en laissaient à Bordeaux, à Avignon, à Lyon, les manifestations menaçantes et vexatoires des troupes et des fédérés. Le retour du roi mit dans toutes ces contrées les passions en feu et les hommes aux prises.

Au commencement de juillet, les Lyonnais étaient aussi exaltés pour l'empereur qu'animés contre l'ennemi. Ou criait dans les rues : Vive Napoléon II ! et le peuple travaillait avec entrain aux ouvrages de Pierre-Seize, de Saint-Jean, de la Croix-Rousse. Lyon sera le palladium de la liberté française, cette parole que Mouton-Duvernet, revenu de Paris, adressait aux Lyonnais, dans sa proclamation du 8 juillet, répondait au sentiment populaire[1]. On était déterminé à une belle défense contre les Autrichiens qui s'avançaient, serrant de près l'armée de Suchet. Dès le 1er juillet, l'ennemi avait rompu sous un mauvais prétexte l'armistice conclu le 29 juin. Suchet et son lieutenant Dessaix avaient dû se replier, toujours combattant, sur la rive droite du Rhône, puis sur la rive droite de l'Ain. Le 10 juillet, les défilés des Rousses et des Faucilles forcés, Grenoble capitulé, Bourg-en-Bresse occupé, toute l'armée en retraite se trouvait concentrée autour de Montluel, à cinq lieues de Lyon[2].

Lyon avec sa forte position naturelle, sa ceinture d'ouvrages, ses 300 pièces de canon, sa garnison suffisamment nombreuse, ses fédérés, sa population très patriote, et l'armée de Suchet, qui présentait encore, malgré les désertions qu'avait provoquées la retraite, un effectif de 16.000 combattants, déliait les attaques de vive force[3]. Pour s'en emparer, il eût fallu un siège en règle. Mais Suchet était troublé, paralysé par les nouvelles de Paris ; les événements l'avaient gagné au royalisme. Il n'eut pas un instant la pensée de défendre Lyon[4]. Il voulut du moins se servir de l'appareil de force dont il disposait pour épargner à la ville les dommages d'une occupation sans garanties et pour sauver l'armée d'une retraite difficile et périlleuse. Le 11 juillet, d'accord avec le gouverneur Mouton-Duvernet, le préfet Pons et le maire Jars, entendus en conseil de défense, il proposa au général de Frimont une suspension d'armes sur les bases de la convention de Paris. L'armée se replierait sans être inquiétée, et la ville serait livrée aux Autrichiens qui y assureraient l'ordre et la tranquillité publique de concert avec les autorités civiles et la garde nationale. L'acte fut signé le jour même. Les ouvrages avancés devaient être remis le 14 juillet et les barrières le 17[5]. Cette convention qui s'ébruita aussitôt excita les colères de l'armée et du peuple. Les soldats criant : Trahison ! désertèrent en masse et entrèrent dans Lyon pour s'y défendre quand même ; d'autres gagnèrent les montagnes du Forez afin d'y organiser une Vendée nationale[6]. A Lyon, la nouvelle de la capitulation confirma les soupçons contre Suchet que sa retraite rapide avait éveillés depuis plusieurs jours. On disait : Suchet ne veut pas se battre, mais nous nous battrons malgré lui[7].

Le 12 juillet, des placards engageant à la résistance sont affichés dans les carrefours. Presque toute la population de la Guillottière se répand dans les rues de Lyon en criant : Vive l'empereur ! A bas les Bourbons ! Mort aux traîtres ! Brûlons leurs maisons ! On propose de massacrer les cinquante-sept conspirateurs royalistes emprisonnés le 27 juin. On dit qu'il faut défendre Lyon comme les Espagnols ont défendu Saragosse, que Napoléon est réfugié dans la ville, qu'il va prendre le commandement[8].

Le 13 juillet, deux officiers autrichiens, commissaires de l'armistice, traversent la ville pour se rendre au quartier-général de Suchet. La vue de leur uniforme exaspère la foule qui stationne place Bellecour. On les insulte, on les menace. Mouton-Duvernet accourt avec un piquet de garde nationale. Les émeutiers l'assaillent lui aussi. Il est renversé, foulé aux pieds. Les gardes nationaux le dégagent et le poussent avec les deux Autrichiens dans la cour de l'hôtel de Milan d'où il parvient ensuite à regagner son hôtel tandis que les commissaires ennemis s'échappent revêtus d'habits bourgeois[9]. Pendant ce temps, la populace saccage une maison de la place Bellecour où, dit-on, on a vu agiter un drapeau blanc au passage des Autrichiens. En quelques minutes, la porte est enfoncée, la maison envahie, le mobilier mis en pièces[10]. Un nouveau flot de peuple et d'officiers à la demi-solde submerge la place Bellecour où parquent quarante canons amenés de l'arsenal de Toulon. Fédérés et soldats s'attellent aux pièces et les traînent vers les ouvrages en criant : Pas de capitulation ! Pas d'Autrichiens ! Il faut nous défendre ! Vive l'empereur ! Aux redoutes ! aux redoutes ! Le préfet, le maire, des généraux tentent vainement d'arrêter ces exaltés qui cèdent enfin aux exhortations du lieutenant de police Teste, très populaire dans la fédération lyonnaise pour ses sentiments anti-bourbonnistes. A la même heure, l'hôtel de Mouton-Duvernet est envahi par un gros d'officiers ; ils somment le général de prendre le commandement en chef. — Nous savons, disent-ils, que Suchet a été payé par les Autrichiens et par la noblesse de Lyon pour conclure une capitulation. L'armée ne reconnaît pas cette capitulation. Il faut arrêter Suchet, il faut réoccuper les positions que l'on a commencé d'évacuer, il faut sonner le tocsin dans la ville et dans les campagnes et distribuer aux fédérés et aux paysans tout cc qu'il y a d'armes à Lyon. Sur l'énergique refus de Mouton de se mettre à la tête de cette sédition, les officiers le quittent en disant : Il ne vaut pas mieux que les autres ! De mêmes propositions sont faites aux généraux Guillet, Dessaix, Maransin. La nuit, des bandes de fédérés parcourent la ville torches en main, chantant la Marseillaise et le Chant du Départ, et criant : Nous sommes trahis ! Mort aux royalistes ! Vive l'empereur[11] !

Le lendemain, l'agitation se calma un peu sur l'assurance donnée par les meneurs populaires qu'ils allaient engager des pourparlers avec le général de Bubna pour que les Autrichiens en entrant dans la ville y maintinssent le drapeau tricolore et les autorités nommées par l'empereur. Bubna consentit très volontiers[12]. Mais le comte de Chabrol, l'ancien préfet royal qui était arrivé secrètement à Lyon et s'y tenait caché, eut connaissance de ce projet. Il alla trouver Bubna et obtint la promesse que celui-ci ne s'opposerait pas à la restauration à Lyon du gouvernement de Louis XVIII. Il s'entendit, ensuite avec Suchet qui, dès le 12, avait adressé au roi sa soumission et celle de son armée, tout en laissant aux soldats leurs aigles et leurs cocardes. Le 16 juillet, Suchet réunit à son quartier-général de Grange-Blanche Chabrol et Pons, le préfet du roi et le préfet de l'empereur, et insista si bien que ce dernier consentit à une transmission de pouvoirs immédiate.

Désormais libre d'agir, Chabrol prit des mesures pour que la substitution du drapeau blanc au drapeau tricolore coïncidât avec l'entrée des Autrichiens ; ainsi la population serait contenue. Le 17 juillet, le gouvernement royal fut rétabli à Lyon[13]. Les bataillons de retraités et les corps francs avaient été licenciés par Mouton-Duvernet, et la garnison s'acheminait vers la Loire à la suite de l'armée de Suchet mise en retraite dès le 14. Les soldats étaient furieux de n'avoir pas trouvé un chef pour continuer la guerre. Ils marchaient en désordre, murmurant contre le maréchal et criant : Vive l'empereur ! Quand ils arrivèrent à Montbrison, la vue du drapeau blanc exalta leurs colères. Ils menacèrent de brûler la ville si le drapeau tricolore n'était point rétabli. La municipalité hésitant à céder à cette sommation, ils commencèrent de saccager les maisons des royalistes. Les officiers semblaient exciter leurs hommes. Il fallut remplacer temporairement les drapeaux blancs par des drapeaux tricolores[14]. Les mêmes tumultes terrorisèrent Roanne et Bolu. — Jamais, disaient les soldats, nous ne reconnaîtrons d'autre souverain que l'empereur. Mais il reviendra dans six mois, et c'est pour combattre pour lui que nous emportons nos armes en désertant[15].

 

II

Le maréchal Brune était à Antibes, en observation devant la frontière avec son petit corps d'armée, lorsqu'il apprit, le 27 juin, la révolte de Marseille et la retraite de la garnison sur Toulon. Il pensa à mener toutes ses troupes contre la ville insurgée. — Je veux punir Marseille, s'écria-t-il. Il faut que les royalistes se souviennent longtemps de moi ![16] L'entreprise conçue dans la colère était inexécutable. Brune n'aurait pu rassembler que cinq ou six mille hommes[17]. Il en fallait bien davantage pour soumettre Marseille où un corps d'infanterie anglaise, appelé par les royalistes, s'apprêtait à débarquer afin de renforcer la garde nationale et la populace en armes. De plus, c'eût été une imprudence quasi criminelle que de retirer les garnisons d'Antibes et de Toulon, ces villes étant exposées aux attaques des Piémontais et des Anglais. Un divisionnaire de Brune, le général Merle, lui exposa ces raisons ; il ajouta que ni lui ni les autres généraux ne garderaient leur commandement pour une opération de guerre civile. Brune ajourna son projet, attendant les événements[18]. La défaite de Waterloo et l'abdication commençaient à s'ébruiter parmi les troupes. Le maréchal les réunit, les harangua et s'efforça de leur faire croire que ces nouvelles étaient fausses, que les exemplaires du Moniteur qui les mentionnaient avaient été imprimés à Marseille par les soins des royalistes. Le 4 juillet, cependant, il se résigna à mettre à l'ordre l'abdication de l'empereur et la proclamation de Napoléon II. Les soldats crièrent : Vive Napoléon II ! Vive l'empereur ![19]

Un petit corps Piémontais qui s'était concentré à Nice se disposait à passer la frontière. Brune conclut le 8 juillet un armistice avec le général d'Osaco[20]. Dès lors, sans inquiétude immédiate pour Antibes, il se replia sur le Luc, hésitant s'il rentrerait à Toulon ou s'il se porterait contre Marseille, selon son premier projet[21]. Il apprit que des bandes royalistes et un corps anglo-sicilien, débarqué à Marseille, marchaient sur Toulon. Le contre-amiral Duperré, préfet maritime, qui n'avait que 1.700 marins, 400 mobilisés de l'Isère et la division Verdier, réduite à 1.000 baïonnettes, pressait Brune de lui envoyer des renforts. Brune lit partir pour Toulon le 9e de ligne, puis, dans la nuit du 17 au 18 juillet, il y vint lui-même avec le 35e, le 106e et le 14e chasseurs[22]. On avait la nouvelle que Louis XVIII était rentré à Paris. Brune n'y crut pas ou affecta de n'y pas croire. — Je tiens pour fausses, déclara-t-il au conseil de défense, les nouvelles de Paris, et je défendrai jusqu'à la mort les couleurs nationales[23]. Dans les états-majors de la flotte et de l'armée, on était pressé de reconnaître le roi. Dès le 21 juillet, l'amiral Duperré fit la soumission des troupes de la marine à l'amiral Gauteaume, envoyé de Marseille par le marquis de Rivière[24]. Mais Brune avait un soutien dans les soldats, les fédérés, les mobilisés de l'Isère. La population était divisée en royalistes fervents et en bonapartistes fanatiques. Pendant les journées du 20 au 23 juillet, la ville fut agitée, pleine de rumeurs et de menaces réciproques[25].

Les miquelets de Loverdo et les gardes nationaux marseillais, soutenus par un corps de 5.000 Anglais sous Hudson Lowe, arrivèrent aux approches de Toulon. Ils avaient avec eux le marquis de Rivière qui, débarqué le 10 juillet à Marseille, avait pris le commandement de toute la contrée, en vertu du grade de lieutenant-général que lui avait conféré le due d'Angoulême pendant les Cent jours[26]. Du côté de la mer, lord Exmouth menaçait d'un bombardement. Pour éviter la guerre civile, pour sauver Toulon et l'immense matériel de l'arsenal, Brune se détermina à proclamer Louis XVIII. Le 24 juillet, le drapeau blanc fut arboré sur les remparts et sur les édifices[27]. Ce changement de couleurs ne s'opéra pas sans tumulte ni péril. Les fédérés toulonnais et les réfugiés de Marseille menaçaient de tout saccager. Les soldats du 35e, portant un drapeau noir avec la devise : Napoléon ou la mort ! marchèrent vers le fort Lamalgue en annonçant qu'ils allaient tirer sur la ville traîtresse et sur l'arsenal. Le colonel Buchet, très aimé de ses soldats, eut une belle inspiration qui les arrêta. Il arracha ses épaulettes et les jeta devant eux. Les grenadiers les ramassèrent avec respect, les rendirent au colonel en l'assurant de leur obéissance et firent demi-tour pour rentrer aux casernes[28].

Les royalistes étaient satisfaits, les étrangers voulaient davantage. Le général Nugent, arrivé d'Italie avec l'avant-garde de l'armée autrichienne de Bianchi[29], refusa de reconnaître l'armistice conclu entre Brune et le général piémontais d'Osaco. D'accord avec lord Exmouth, comme lui avide d'un prétexte pour occuper Toulon, il déclara à Rivière qu'il attaquerait la ville si le maréchal Brune y conservait le commandement. Rivière vint trouver Brune et le conjura tic se démettre pour épargner à Toulon les malheurs de l'occupation et pour sauver l'arsenal de la rapacité anglaise. Désespéré, Brune tenta de fléchir Nugent. Je vous prie, lui écrivit-il, de me permettre de conserver mon commandement jusqu'à ce que j'en sois relevé par un ordre du roi. Il y va de mon honneur. L'Autrichien ne céda point. Le 31 juillet, Brune publia cet ordre du jour : Le général Nugent et l'armée anglaise ne devant faire aucune tentative contre Toulon à la condition que je m'éloigne, je fais ce sacrifice pour le bien du service du roi et je laisse le commandement au marquis de Rivière qui m'a dégagé sur son honneur de toute responsabilité[30].

Brune partit dans la nuit même pour Paris avec ses trois aides de camp et son secrétaire. Il avait un passeport du marquis de Rivière, et était accompagné du premier aide de camp de celui-ci, le chef d'escadrons de Maupas ; quarante chasseurs à cheval escortaient les voitures[31]. Ces précautions s'imposaient, car le pays était infesté de miquelets et de paysans en armes, disposés à tuer comme des chiens enragés tous les tricolores qui passeraient à portée de carabine[32]. Plusieurs embuscades furent dressées contre Brune. Aux abords d'Aix, il faillit être massacré par la populace qui prévenue, on ne sait comment, qu'il allait traverser la contrée, s'était armée de vieux fusils, de fourches et de billons. Ii dut la vie à l'attitude résolue des chasseurs d'escorte auxquels vint bientôt se joindre tout un escadron de hussards hongrois[33].

A Toulon, quand les fédérés eurent été dissous, les mobilisés licenciés et les chefs comme Brune, Duperré et Merle remplacés, les royalistes traitèrent durement les vaincus. Il y eut, dit un rapport adressé à Gouvion Saint-Cyr, quelques actes de justice et beaucoup de vengeances. Une multitude d'hommes et de femmes, qui n'étaient coupables que du délit d'opinion, furent jetés dans les casemates du fort Lamalgue. An moment de leur arrestation, ces femmes criaient aux gendarmes : — Est-ce parce que nous aimons l'empereur qu'on nous emprisonne ? Eh bien ! Vive l'empereur ! Vive Napoléon II ! Pendant une procession du buste de Louis XVIII, la foule exigea que le général Rizannet fit enlever le drapeau blanc fixé à son balcon parce qu'il était indigne de l'avoir. Les soldats ne pouvaient sortir isolément sans être insultés, menacés : — Tas de brigands ! on vous fera entrer à coups de triques les fleurs de lys dans le corps. Plus de mille personnes quittèrent la ville pour échapper à la persécution[34].

 

III

Jusqu'au 13 juillet, Avignon resta domptée par les fédérés et la troupe tandis que partout alentour, à Villeneuve, à Carpentras, à Orange, à Cavaillon, à Beaucaire, à Orgon, flottaient les drapeaux blancs. Le 14, une estafette apporta la nouvelle de la rentrée du roi à Paris, Les sentiments des Avignonnais, comprimés depuis quinze joins, en reçurent une impulsion irrésistible. Malgré les sommations, malgré les baïonnettes, la foule s'ameuta sur la place d'Armes, criant : Vivent les Bourbons ! A bas les brigands ! Mille drapeaux blancs jaillirent en même temps des fenêtres. Le général Casson jugea la résistance impossible, Il réunit les officiers supérieurs de la ligne et des fédérés et leur proposa de reconnaître l'autorité royale. Sur leur refus, il décida que la ville serait évacuée. Le lendemain, il mit en marche sur Pont-Saint-Esprit sa petite garnison qui se composait d'un bataillon du 13e de ligne, d'un bataillon du 35e et d'un bataillon de retraités. Une centaine d'invalides et la majeure partie des fédérés qui avaient été incorporés dans la garde nationale se joignirent à la colonne ; ils craignaient pour leur vie s'ils restaient à Avignon. A l'embranchement des routes d'Orange et de Carpentras, on croisa une troupe de huit cents paysans armés. Ces gens en guenilles, à faces de bandits, étaient le corps du noyai-Louis, formé à Carpentras par le major Lambot avec d'anciens miquelets, des tacherons, des vagabonds. En passant, les deux troupes se provoquèrent par les cris : Vive le roi ! Vive l'empereur et continuèrent chacune son chemin vers Avignon et vers Pont-Saint-Esprit. Un peu plus loin, les impériaux rencontrèrent un autre détachement royaliste, d'une centaine d'hommes tout au plus. Ils les sommèrent de mettre bas les armes, et ceux-ci voulant résister ils les dispersèrent à coups de crosses et de baïonnettes. Le lendemain, la colonne de Cassan atteignit sans encombre Pont-Saint-Esprit. Là, on était en sûreté[35].

Lambot et ses miquelets traitèrent Avignon, où ils n'avaient eu que la peine d'entrer, comme une ville prise d'assaut. Ils eurent d'ailleurs pour guide et pour complice la populace avignonnaise. Le premier jour, le café de l'Oule et le café du Méridien furent saccagés, vingt maisons pillées de la cave au grenier, dix autres entièrement brûlées, dont la grande corderie Fabre-Montagne qui flamba pendant quarante heures. Deux à trois cents personnes, invalides, fédérés, frères, pères et femmes de fédérés, furent traitées dans les prisons avec des outrages et des coups. Le lendemain, les assassinats commencèrent pour ne plus s'arrêter durant de trop longs mois. Un maçon, nommé Aubénas, et sa femme sont fusillés place de l'Horloge. Un certain Pointu qui s'acquiert bientôt une réputation colossale tue froidement nu invalide que l'on conduit en prison. Ce même Pointu somme un marchand de planches, appelé Calvet, de le suivre à la municipalité. Comme celui-ci répond qu'il n'obéira qu'à un ordre légal, Pointu s'écrie — Tu raisonnes ! Qu'on s'écarte ! nous allons bien voir ! et il tire sur Calvet qui tombe blessé. Pointu recharge son fusil et tire une seconde fois. Sa victime respire encore ; il l'achève à coups de sabre. Les assassins varient leurs plaisirs en diversifiant les supplices. Tantôt ils fusillent, tantôt ils noient dans le Rhône ; par manière de plaisanterie, ils échaudent un boulanger dans son pétrin brûlant. De temps en temps, Pointu et sa bande quittent Avignon pour aller dans les environs à la chasse aux fédérés. Ils rayonnent sur la rive droite et sur la rive gauche du Rhône, et, partout, à Saint-Remy, à Entraygnes, à Sorgues, au Thor, à Château-Renaud, à Monteux, ils rançonnent, ils pillent, ils brûlent, ils tuent. Giraud, officier de la garde nationale, rivalise avec Pointu et le surpasse. — J'ai accoutumé mon cheval à courir sur les fédérés, disait-il ; il les sent à une licite à la ronde. J'en ai tué dix-sept. Mon coup favori est de leur mettre le pistolet dans l'oreille et de leur faire sauter la cervelle[36].

C'est dans cette ville qui sentait le sang que Brune entra le 2 août vers dix heures du matin. Au relais de Saint-Andiol, le maréchal avait dû congédier son escorte du 14e chasseurs dont les chevaux étaient harassés[37]. Vaguement informés des troubles d'Avignon, les aides de camp engagèrent Brune à éviter cette ville. On pouvait gagner Orange par un chemin de traverse. Mais le maître de poste, qui ne voulait point que ses chevaux allassent jusqu'il Orange, déclara qu'il fallait passer par Avignon pour y relayer. — Avec un passeport du marquis de Rivière, dit-il, le maréchal ne court aucun danger. Le nom de M. de Rivière est une sauvegarde dans toute la Provence et dans tout le Comtat[38].

A Avignon, les deux voitures, une calèche et un cabriolet, s'arrêtèrent place de l'Oule[39] où se trouvait la poste. Le maréchal n'avait plus avec lui que le chef d'escadrons Bourgoin et le capitaine Degand. Son troisième aide de camp Allard et son secrétaire s'étaient dirigés droit sur Orange, par la traverse, avec les chevaux de main. Pendant qu'on relayait, Brune resta dans la calèche ; mais, à travers la portière, on aperçut le chapeau de maréchal de France qu'il avait eu l'idée bizarre de conserver pour coiffure tout en revêtant un habit bourgeois[40]. Il fut reconnu. En un instant le bruit se répandit que le maréchal Brune était à Avignon. Un jeune officier de la garde nationale, Casimir Verger, fils du procureur du roi, faisait fonction de capitaine de police. Il crut devoir avertir le major Lambot. Très vain du titre et des pouvoirs de gouverneur militaire que lui avait délégués Rivière, à lui simple chef d'escadron de gendarmerie, Lambot voulut faire montre de son autorité. Il dit que le maréchal Brune était un personnage trop important pour qu'il ne visât pas ses passeports et ordonna à Verger de suspendre le départ jusqu'après cette formalité. Celui-ci accourut à la maison de poste, demanda les passeports du maréchal et les apporta à Lambot[41].

Pendant que le major prenait tout son temps pour les lire et les viser, un gros rassemblement se forma place de l'Oule. On commença d'invectiver contre Brune Le brigand ! le coquin ! l'assassin !... Il a porté au bout d'une pique la tête de la princesse de Lamballe ![42] Sans s'inquiéter autrement, Brune mangeait des pêches que sur sa demande lui avait apportées dans sa calèche la maîtresse de l'hôtel du Palais-Royal, contigu à la maison de poste, Mme Molin. Très alarmée par l'attitude menaçante de l'attroupement, cette femme conseilla au maréchal de monter à la chambre du nouveau préfet, le baron de Saint-Chamans, qui, arrivé la veille, avait pris gîte dans son hôtel. Le préfet reçut Brune amicalement, descendit avec lui sur la place et exhorta la foule à se disperser. Les clameurs qui couvrirent sa voix lui révélèrent la grandeur du péril. — Partez tout de suite, dit-il, chaque minute accroît le danger. — Mais mon passeport ?Je vous l'enverrai par un gendarme qui vous rejoindra sur la route d'Orange. La populace ameutée s'opposa au départ des voitures. Le préfet intervint encore, les postillons fouettèrent les chevaux, on réussit à se mettre en marche[43].

A la porte de l'Otite, le poste de garde nationale laissa passer les fugitifs que pourchassait la foule hurlante ; mais à quelques cents mètres sur la route, resserrée là entre le Rhône et les remparts, une quinzaine d'hommes armés qui étaient sortis de la ville par une autre porte se jetèrent à la tête des chevaux en criant : A mort ! Au Rhône ! A mort l'assassin ! Averti par un des aides de camp de Brune, le préfet accourut avec plusieurs fonctionnaires, quelques gardes nationaux et le capitaine Verger qui rapportait enfin les passeports. Leurs remontrances, leurs prières, leurs menaces ne firent rien. Comment raisonner la soif du sang Des pierres furent lancées contre les voilures. Un portefaix, la chemise entrouverte, les manches retroussées, saisit le fusil d'un garde national en criant : — Donne, donne, que je le tue ![44]

Eperdus, le préfet et le capitaine Verger prirent le parti absurde de ramener Brune à Avignon. C'était une inspiration de folie. Sur la route où il y avait tout au plus quarante personnes[45], quelque incident, quelque hasard, quelque acte énergique pouvait encore sauver le maréchal ; dans la ville, au cœur même de l'émeute, il était perdu. Brune gardait son calme, mais sans assez réfléchir il céda au conseil du préfet. Les voitures retournèrent à Avignon, aux cris de triomphe et de mort des forcenés qui se pressaient autour. Place de l'Oule, on réussit à faire entrer dans la cour de l'hôtel Brune et ses aides de camp. La grande porte, massive et résistante, aussitôt refermée sur eux, on mena Brune dans la chambre n° 3, au premier étage. Cette pièce, qui prenait jour sur la cour, était desservie par un long corridor à l'extrémité duquel se trouvait un balcon donnant sur la place. Il resta là séparé de ses aides de camp, car pour sauver du moins ceux-ci on les avait poussés et enfermés à clé dans une salle du rez-de-chaussée[46].

Pour contenir la foule qu'ameutent les cris des égorgeurs, le préfet invite le major Lambot à rassembler tout ce qu'il y a de force armée. On bat la générale. Mais les gardes nationaux, les chasseurs d'Angoulême, les fantassins du Royal-Louis partagent les fureurs populaires ; ils sont plus disposés à seconder l'émeute qu'à la réprimer. On ne peut compter que sur la gendarmerie, mais quand cette troupe débouche au fond de la place elle est accueillie par des clameurs. Lambot, avant tout soucieux de conserver sa popularité, donne lui-même l'ordre aux gendarmes de se retirer[47].

Des gardes nationaux viennent cependant se former en bataille, sur six hommes de profondeur, perpendiculairement à l'hôtel du Palais-Royal. De temps en temps ils font mine de charger la foule, mais si mollement qu'elle recule à peine et regagne aussitôt le terrain perdu. Devant l'hôtel se trouvent le préfet, des conseillers de préfecture, Puy, maire d'Avignon, et une trentaine de braves gens déterminés à défendre pacifiquement le maréchal. Parmi eux est Lambot qui joue un rôle double. Il harangue la foule qui répond : Vive le roi ! vive le major ! mais il nous faut la tête de Brune ! Ce coquin a tué la princesse de Lamballe. Il faut qu'il meure. Le roi lui pardonnerait. L'an dernier si on nous avait laissé faire nous aurions tué Bonaparte. On se rue contre la porte ; à vingt reprises on l'attaque avec des haches, avec des pics ; on essaie de la faire sauter avec de la poudre ; ses battants massifs résistent à tout. Au reste les meneurs ne semblent pas trop pressés d'en finir. Ils sont sûrs que leur proie ne peut leur échapper. Sur la place et aux abords fourmillent quatre mille personnes, des piquets surveillent les derrières de l'hôtel, à toutes les lucarnes, sur les toits mêmes des maisons voisines, brillent des canons de fusils[48].

Ces lenteurs prolongent l'horrible agonie de Brune. Il est près de deux heures : depuis dix heures et demie, il se sent dans la main de la mort, de la plus hideuse des morts. Les hurlements de la populace pénètrent jusque dans la chambre où on l'a confiné. Il entend dans le corridor les pas lourds et les propos menaçants des volontaires et des chasseurs d'Angoulême que Lambot lui a donnés comme gardes ou plutôt comme geôliers. Sa gorge est sèche, il veut boire. Il sonne et demande à Mme Molin du vin de Bordeaux et une carafe d'eau. En même temps, il la prie de lui apporter ses pistolets qui sont dans sa voiture. — Je ne veux pas, dit-il, que la plus vile canaille porte la main sur un maréchal de France ! Mme Molin n'ose pas aller chercher ces armes ; elle dit au maréchal qu'il ne court point de danger, que les autorités sauront le protéger. Au préfet qui vient le voir un instant, au commandant de garde nationale lingues, il réclame aussi ses pistolets. — Donne-moi ton sabre, dit-il à un sous-lieutenant de la milice, nommé Boudon ; tu verras comment sait mourir un brave[49].

La porte de la chambre était restée entrouverte. Un garde de faction, un certain Girard, aperçut le maréchal déchirant des lettres. — Est-ce que vous correspondez avec l'Armée de la Loire ? lui demanda cet homme. — Ce sont des lettres de ma femme[50]. Brune avait voulu sauver de la profanation les lettres de sa chère Angélique, l'humble ouvrière d'autrefois qui, par ses belles vertus et sa hauteur d'âme, était bien digne de porter le nom de maréchale Brune.

Peu à peu la chambre s'emplit de inonde. Il y a une quinzaine de personnes parmi lesquelles le capitaine Soulier, de la garde nationale. Cet incroyable dialogue s'engage entre lui et le maréchal : — Il faut avouer, dit Brune, que je ne me suis jamais trouvé dans une circonstance pareille. — Vous n'étiez pas dans une circonstance pareille quand vous portiez au bout d'une pique la tête de la princesse de Lamballe. — Jeune homme ! savez-vous qui je suis ?Oui, je le sais, et c'est parce que je le sais que je vous dis cela. — Taisez-vous ! Taisez-vous !Tais-toi toi-même, le moment approche où tu vas recevoir la peine due à tes crimes. Brune laissa ce misérable et s'assit à une table où il commença une lettre pour sa femme[51].

Comme l'avait dit Soulier, le moment approchait. Un portefaix, Guindon dit Roquefort, le taffetassier Farges, chasseur de la garde nationale, et trois ou quatre individus de même espèce étant passés du toit de la maison mitoyenne sur celui de l'hôtel avaient pénétré par une lucarne dans un grenier ; de là, ils descendirent dans le corridor du premier étage. Sur la place, les cris de mort redoublaient. Un homme se pencha au balcon et dit : Il écrit. Un autre, portant la main à sa bouche, cria : — Pas maï ! (Il ne mangera plus !)[52]

Quelques minutes s'écoulent encore. Sur un signe de Guindon, ses compagnons entrent avec lui dans la chambre de Brune en vociférant : A mort ! à mort ! Le maréchal se lève et fait face. Farges lui tire un coup de pistolet ; la balle érafle le front de Brune et va se loger dans le plafond. — Maladroit ! dit Brune, de si près ! Farges appuie son second pistolet sur la poitrine du maréchal et presse la gâchette, mais l'arme fait long feu. — Moi, je ne le manquerai pas ! dit Guindon qui s'est glissé derrière Brune. Il épaule vivement sa carabine. La balle entre par la nuque et ressort par la partie antérieure du cou. Brune tombe foudroyé[53].

Après cet exploit, Guindon accourut triomphant au balcon et dit : — A quos fa ! (La chose est faite). La foule s'arrêta de hurler à la mort pour crier : Bravo ! Le major Lambot redescendit sur la place. — Braves Avignonnais, dit-il, cet homme-là s'est rendu justice à lui-même. Il est mort ! N'imitez pas les cannibales de la Révolution. Retirez-vous ! On dressa sur l'heure un procès-verbal de suicide que signèrent des témoins complaisants ou terrorisés ; puis la populace menaçant d'entrer de vive force dans l'hôtel pour s'assurer s'il était bien vrai que Brune fût mort, on se hâta de sortir le cadavre. Des fossoyeurs le mirent dans un pauvre cercueil dont on ne leur laissa même pas le temps de clouer la planche supérieure et s'acheminèrent vers le cimetière. La foule suivait comme une troupe d'hyènes. Quelqu'un cria : — Il n'est pas digne d'être enterré ! Cette parole aiguillonna les instincts féroces de la multitude. On se rua contre les porteurs. Le cadavre de Brune, arraché de la bière, fut traîné par les pieds comme un carimantran[54] au milieu des coups, des huées et des éclats de rire. Au pont de bois, on le précipita dans le Rhône. Une main inconnue inscrivit à la craie sur le parapet : C'est ici le cimetière du maréchal Brune. Le soir, le peuple en gaité dansa des farandoles[55].

 

IV

A Montpellier, le sang avait coulé dès le 27 juin dans une émeute sévèrement réprimée. Le 1er juillet, le marquis de Montcalm, à la tête de douze à quinze cents marins et paysans recrutés sur le littoral, entra dans la ville. Gilly était parti pour dégager une colonne de gardes nationaux protestants de l'Avaunage que cernaient vers Nîmes des bandes royalistes. Le général Forestier, qui commandait en son absence, se retira dans la vieille citadelle avec trois cents soldats et militaires retraités. Montcalm n'avait que deux méchantes pièces de 4. Il n'osa pas l'y attaquer et se borna à prendre possession de la ville au nom de Louis XVIII. Le lendemain, à l'approche de Gilly qui revenait avec le bataillon du 13e de ligne et des gardes nationaux vaunagiens, il se mit en mesure d'évacuer Montpellier. Mais le combat s'engagea dans les rues quand sa retraite commençait. Pour seconder l'attaque de Gilly, la citadelle tira à boulets sur les royalistes. L'hôpital, l'évêché et sept ou huit maisons reçurent des projectiles. Dans l'action, une centaine d'hommes, tant volontaires royaux qu'habitants de Montpellier qui avaient pris les armes, furent tués ou blessés. Après l'action, les Vaunagiens pillèrent des maisons[56].

La révolte domptée à Montpellier, Gilly remit le commandement à Forestier et courut à Nîmes menacée par la petite armée que formait à Beaucaire le comte de Bernis. Pendant près de trois semaines les royalistes de Montpellier attendirent patiemment l'heure des représailles. Le 15 juillet, jour où le gouvernement royal fut proclamé avec l'assentiment du général Forestier qui fit arborer le drapeau blanc sur la citadelle, ils se contentèrent de chanter et de danser. Mais leurs ressentiments étaient vivaces. Le 26 juillet, le peuple soulevé massacra des soldats et des fédérés. Des suspects par centaines furent conduits aux prisons ; ils y restèrent de longs mois entre la vie et la mort, la populace menaçant sans cesse de forcer les portes pour s'emparer d'eux et faire justice. Le meurtre, le pillage et la dévastation s'étendirent aux environs jusqu'à Montagnac et au Vigan où fut brûlé le temple protestant[57].

A son arrivée à Nîmes, le général Gilly voulait prévenir l'attaque des royalistes de Beaucaire en marchant immédiatement contre eux. Ses forces étaient assez nombreuses pour qu'il pût en distraire de quoi suffire à cette petite expédition tout eu laissant dans la ville, divisée et ardente, une garnison qui imposai aux factieux[58]. Sur les instances des magistrats municipaux, il consentit à un armistice aux termes duquel ses troupes et les bandes du comte de Bernis resteraient dans leurs positions jusqu'à ce que l'on reçût à Nîmes des nouvelles officielles de Paris. Le 15 juillet, la circulaire de Vitrolles, annonçant le retour du roi parvint au préfet. Après une courte conférence avec celui-ci et le général Maulmont, Gilly se démit de tous ses pouvoirs et quitta Nîmes. Il sentait que sa participation à la capture du duc d'Angoulême et l'énergie qu'il avait mise dans la répression des troubles d'Agde et de Montpellier le désignaient aux vengeances[59].

Celte journée ne se passa pas dans l'allégresse générale célébrée par le Moniteur. Des collets jaunes (c'est ainsi que les royalistes désignaient les gardes urbains) criblèrent de balles le premier drapeau royal qu'ils aperçurent à un balcon. Des fédérés et des gardes nationaux cévenols parcoururent les boulevards en criant : L'empereur ou la mort ! et en tirant des coups de feu. Des balles perdues tuèrent un de ces manifestants et aussi un malheureux garçon boulanger qui musait, au seuil de sa boutique. Malgré les ordres et les prières du général Maulmont, la troupe refusa de prendre la cocarde blanche. Les chasseurs mutinés incitaient l'infanterie à se rebeller. Le soir, ils montèrent à cheval et sortirent de Nîmes au galop de charge, sabre en main, furieux et terribles. Dans la nuit, les quinze cents gardes nationaux cévenols, le bataillon des retraités, quelques fédérés et plusieurs détachements de la ligne quittèrent aussi la ville[60].

Environ trois cents soldats restaient au général Maulmont. Il les apaisa, se rendit maître de leur esprit. Le lendemain matin, ils assistèrent en grande tenue, cocarde blanche au shako, à la proclamation du roi faite par Maulmont avec une certaine solennité. Le calme, ce dimanche-là, régna dans la ville. Le lundi, 17, on commença de désarmer les collets jaunes ; ils livrèrent leurs fusils sans opposition. A mesure, on armait les nouveaux gardes nationaux royalistes qui étaient destinés à remplacer la garde urbaine licenciée[61]. L'armée de Beaucaire, en marche sur Nîmes, devait l'occuper le lendemain ; mais nombre de miquelets se détachèrent de la colonne et pénétrèrent individuellement dans la ville où entrèrent aussi des volontaires royaux d'Uzès. Ces hommes mêlés à la populace se portèrent aux casernes en réclamant les canons que Gilly y avait fait placer. Des pourparlers s'engagèrent avec Maulmont qui refusa de livrer son artillerie. La foule impatiente se courrouçait. Des coups de feu furent tirés sur la caserne. Exaspérés, les soldats crièrent : Aux armes ! Maulmont tenta de les calmer en disant que les fusils avaient été déchargés en l'air. C'était plus ou moins véridique. En tout cas, les détonations se multipliaient ; un officier fut blessé. Des soldats coururent aux fenêtres et firent feu. La foule évacua la place d'Armes y laissant trois cadavres, deux hommes et une femme. Les royalistes s'embusquèrent dans les maisons et aux angles des rues aboutissant à la place et recommencèrent à tirailler. Les soldats ripostèrent. Engagée vers cinq heures, la fusillade dura jusqu'à près de dix heures ; deux hommes encore furent tués parmi les miquelets ; il y eut dans la troupe un tué et deux blessés[62].

Les soldats voulaient sortir avec deux canons mèche allumée, faire feu de tous côtés, balayer le passage et gagner une route quelconque. Par scrupule de l'effusion du sang, Maulmont repoussa ou du moins ajourna cette proposition. Il objecta qu'il serait préférable d'attendre la nuit close et promit que si, à minuit, les circonstances ne s'étaient pas modifiées, il se mettrait à la tête de la troupe. Le nombre des assaillants croissait. On sonnait le tocsin à tous les clochers pour appeler dans la ville les paysans des environs. Vers onze heures, le colonel de gendarmerie Rivaud se présenta en parlementaire. Bien accueilli par Maulmont qui proposa de rendre l'artillerie et de conduire la troupe hors de Nîmes, dans telle direction que l'on fixerait, il retourna à l'Hôtel de Ville et revint peu après avec le commandant L'Ayre[63], chef de l'état-major de l'armée de Beaucaire. Celui-ci dit, en s'excusant, que les volontaires royaux, peu au courant des usages et du point d'honneur militaires, exigeaient que les soldats déposassent les armes avant de quitter la caserne. Maulmont, d'abord révolté par cette humiliante condition, consulta les officiers et une députation des sous-officiers et soldats. Tous déclarèrent en présence du parlementaire qu'ils n'entendaient point être désarmés et que puisqu'on cherchait à les humilier, ils sauraient bien sortir de force. Le commandant L'Ayre se retira en promettant de faire une nouvelle tentative d'accommodement auprès des volontaires royaux. De retour, vers deux heures du matin, cet officier dit que ses troupes ne voulaient pas entendre raison, qu'elles insistaient pour qu'on mit bas les armes. — Je donne ma parole d'honneur, ajouta-t-il, que je ferai écarter mes troupes et que celles de la ligne défileront, en sortant du quartier, sous l'escorte de la gendarmerie. Maulmont aurait dû se délier de l'autorité, et partant de la parole, d'un chef qui en était réduit à soumettre à ses soldats les clauses d'une capitulation. Il céda, crut-il, par un sentiment d'humanité pour éviter une lutte fratricide ; en réalité, par manque d'énergie et par misère d'âme. Il persuada à ses soldats que l'on n'avait nul dessein de les humilier puisque les officiers conserveraient leurs épées et les sous-officiers leurs sabres[64]. Quant au danger pouvant résulter du désarmement, ces braves gens ne le soupçonnaient même pas. Leur général aurait dû y penser pour eux.

De grand matin, les soldats, leurs fusils laissés brisés dans les chambres et dans les cours, sortirent de la caserne. Ils marchaient par le flanc, sous l'escorte de quelques gendarmes à cheval. La place était à peu près déserte, mais en s'engageant dans les rues ils trouvèrent une foule de miquelets et de gardes nationaux. Des miquelets arrêtèrent un sous-officier sous prétexte qu'il n'avait pas le droit d'emporter son sabre. Ce fut comme un signal. Les royalistes firent feu de leurs fusils et de leurs pistolets sur les soldats désarmés, puis ils les assaillirent à coups de baïonnettes, à coups de crosse, à coups de sabre, à coups de bâton. Nombre d'Hommes tombèrent tués ou blessés. La colonne se rompit et s'éparpilla, les soldats s'enfuyant dans toutes les directions. Le sergent Guillemard se réfugia chez une vieille femme qui le cacha dans son grenier et lui procura un habit bourgeois. L'adjudant-commandant Lefebvre, assommé d'un coup de crosse, blessé d'une balle au bras et d'un coup de baïonnette dans les reins, put se traîner jusqu'à l'hôpital. Près de l'auberge de l'Orange, le sous-lieutenant du train Allemand fut mis tout nu et lardé jusqu'à la mort avec des baïonnettes. Un assez gros détachement qui avait réussi à gagner la route d'Uzès donna dans une embuscade de miquelets ; ils fusillèrent les fugitifs comme gibier en battue[65].

On pourchassait encore les survivants du 13e de ligne quand l'armée de Beaucaire entra dans Nîmes, tambours battants et enseignes déployées. La tête de colonne avait quelque apparence militaire, mais à la suite marchaient des hordes confuses portant des costumes disparates et des armes de rencontre. La plupart de ces volontaires avaient la veste sur l'épaule, les manches de la chemise retroussées, un pistolet passé à leur ceinture de cuir, et, à la main, un sabre ou une baïonnette emmanchée au bout d'un bâton ; des cavaliers étaient vêtus d'habits bleus de gendarmes ou de vestes vertes de chasseurs, selon qu'ils avaient dépouillé gendarmes ou chasseurs. D'autres, tout en guenilles, montaient à poil des chevaux de charrue[66]. Au contact de ces hommes qui ardaient pour le pillage et pour le meurtre, la populace nîmoise s'enflamma. Les miquelets et la racaille commencèrent par se ruer sur le café de l'ile d'Elbe qu'ils dévastèrent de fond en comble. Vingt autres maisons turent pillées et saccagées[67]. Trois hommes furent égorgés[68]. Des tricoteuses royalistes, assistées de compagnons dignes d'elles, terrassèrent dans les rues des femmes protestantes et les fouettèrent, jupes relevées, avec des battoirs garnis de pointes de clous. Ces furies appelaient cet instrument où les clous étaient disposés en figure de fleur de lys : le battoir royal[69].

Le lendemain, on se borna à quelques pillages et à des extorsions en règle. il y avait ces dialogues : — Monsieur, votre fusil. — Le voici. — Votre uniforme, votre équipement ?Les voici. — Maintenant, il nous faudrait un peu d'argent. Les demandes variaient entre cent francs et mille francs, et la mine patibulaire des quémandeurs obligeait à ne rien refuser[70]. Le cri de ces gens était : Vive le roi ! et leur mot d'ordre : Faisons-nous justice, puisqu'on ne nous la fait pas. Servons le roi malgré lui-même[71].

Après un jour de repos, ces trop zélés serviteurs du roi reprirent dans la ville et les environs leur œuvre de justice expéditive. Le 20 juillet, ils coupèrent les oreilles à un protestant nommé Trubert et brûlèrent vif dans un pailler un malheureux garçon de ferme[72]. Le 21, ils tuèrent quatre hommes ; le 22, un ; le 23, un ; le 24, deux ; le 25, cinq ; le 27, un. Le 1er août, il y eut recrudescence : quinze hommes furent assassinés. Le 19, en manière d'intimidation, car c'était la veille des élections, on massacra huit hommes et deux femmes ; celles-ci furent hachées à coups de sabres. Jusqu'à la fin d'octobre, chaque semaine ajouta de nouveaux noms à ce nécrologe sanglant[73]. Les protestants se trouvent sous le couteau, écrit le commandant Rousset[74]. On a mis le peuple dans le sang jusqu'aux genoux, écrit le général Dufresse[75]. Mais dans un rapport au ministre de la guerre, le général de Barre concluait philosophiquement : Les gens immolés par les rues sont des bonapartistes et des révolutionnaires. Le peuple n'a l'ait que devancer la loi qui les aurait frappés[76]. Les victimes étaient des fédérés, des officiers en retraite, de vieux soldats, des protestants riches ou pauvres. A Nîmes, la majorité des calvinistes avaient pris parti pour l'empereur, tandis que presque tous les catholiques étaient demeurés chauds royalistes. Les plus enragés de ceux-ci confondaient dans une même haine bonapartistes et protestants. Mais chez beaucoup de ces carnassiers les rancunes privées avivèrent les passions politiques et les fureurs religieuses.

L'un de ces égorgeurs devint fameux, presque illustre. On grava son portrait. C'était un sous-lieutenant de la garde nationale, nommé Jacques Dupont et surnommé Trestaillons[77]. Dans une lettre officielle au préfet du Gard, il se vanta d'avoir tué six hommes de sa main. Trestaillons eut dans Nîmes des sympathies et de puissants protecteurs. En tuant, il prétendait venger sa femme outragée trois mois auparavant par des paysans bonapartistes. Il n'y avait rien de vrai dans cette histoire. Ce prétendu justicier n'était qu'un assassin et un voleur[78].

Nîmes avait Trestaillons ; Uzès avait Quatretaillons. Il avait été soldat, garde champêtre, et, en 1815, miquelet dans l'armée du duc d'Angoulême. Il s'appelait Graffand ; des enthousiastes le surnommèrent Quatretaillons parce qu'il surpassa Trestaillons. Avec une troupe de bêtes féroces à masques d'hommes dont il s'était fait le belluaire, il terrorisa Uzès. — Tous les bonapartistes, disait-il, protestants ou catholiques, mourront de ma main, y compris les enfants. Ce matamore tragique s'imposait par la peur aux autorités de la petite ville. Ils le nommèrent ou le laissèrent se nommer capitaine de la garde nationale. Le 5 août, Graffand se présenta à la prison où l'on avait jeté les suspects de bonapartisme et requit qu'on lui livra six prisonniers. Le geôlier obéit, car il avait l'ordre verbal du commandant de place, qui tremblait pour soi-même, de ne point résister à la bande de Graffand. Les six hommes furent fusillés sur l'esplanade aux cris de : Vive le roi ! — On ne nous reprochera rien, dit Graffand. Il y avait trois protestants et trois catholiques. Après l'exécution, les assassins soulevèrent un des cadavres par les cheveux, le mirent à genoux, et lui posèrent des lunettes sur le nez. — Regarde maintenant, dirent-ils en riant, si tu vois venir les brigands de la Gardonnenque ? Trois semaines plus tard, le sous-préfet chargea Graffand d'une mission militaire. Celui-ci la remplit à sa façon, en faisant fusiller six gardes nationaux de Saint-Maurice qui n'avaient commis d'autre crime que de chercher à fuir à son approche[79].

 

V

La réaction menaçait aussi Toulouse. Pendant trois mois les royalistes avaient senti la main un peu rude du général Decaen, subi la domination ostentatrice et injurieuse des fédérés[80]. Ils rêvaient des vengeances. Le 17 juillet, Decaen et le préfet impérial se résignèrent à proclamer le roi et partirent le lendemain après avoir licencié et fait désarmer les fédérés. La garnison, pour ne point prendre la cocarde blanche, quitta Toulouse en tumulte. Joyeuse et terrible, la population se répandit dans les rues. On enleva du Capitole le buste de Napoléon qui fut traîné la corde au cou jusqu'à la Garonne ; on arracha et on brûla les arbres de la liberté. Des fédérés furent pourchassés, traqués, frappés. Pour les protéger contre de pires traitements, la garde nationale ne trouva rien de mieux que de les arrêter en masse et de les conduire aux prisons[81]. Grâce à cette mesure, les premiers jours de la Restauration se passèrent sans effusion de sang. Mais l'effervescence n'était pas calmée. Le peuple réclamait hi formation de commissions militaires pour le jugement des fédérés détenus. Les dénonciations allaient leur train ; chaque jour amenait de nouvelles arrestations. Les royalistes étaient divisés en constitutionnels et en purs. Ceux-ci déclamaient contre la faiblesse de Louis XVIII en 1814 faiblesse qui avait tout perdu ; ils voulaient des actes, une juste répression, le procès des juges de Louis XVI, l'abolition de la Charte et un gouvernement absolu. En attendant, ces plus royalistes que le roi méconnaissaient son autorité et ne voulaient obéir qu'aux princes. Ils avaient à leur dévotion une troupe d'assommeurs et de coupe-jarrets que l'on appelait Verdets, à cause de la couleur verte de leur uniforme, couleur qu'avait choisie le comte d'Artois pour sa livrée[82].

Ces Verdets se présentèrent le 8 août à une revue de la garde nationale, et réclamèrent une solde et des rations au maréchal Pérignon qui avait repris le commandement de la 10e division militaire. Pérignon accueillit sévèrement la demande. Il conseilla à ces hommes de s'engager, s'ils le voulaient, dans un corps en formation, le régiment de Marie-Thérèse, et leur refusa l'honneur de défiler. Le lendemain, une députation des Verdets vint chez le général Ramel, commandant la place, pour obtenir qu'il parlât en leur faveur au vieux maréchal. Ramel avait montré beaucoup de zèle royaliste dans la journée du 17 juillet ; malgré ses soldats en révolte, il avait fait placer le drapeau blanc sur les casernes. Les Verdets espéraient trouver un appui en lui. Il les éconduisit, leur disant, comme Pérignon, de s'engager dans le régiment de Marie-Thérèse. Quelques jours plus tard, le bruit courut que, avec l'assentiment du nouveau préfet, M. de Rémusat, on se préparait à licencier les Verdets ; déjà, disait-on, Ramel avait reçu des ordres. La population pactisait avec les Verdets. Elle se porta en proférant des cris de mort devant les fenêtres de Rémusat. Un fort détachement de garde nationale arriva à temps pour protéger la préfecture et le préfet. Repoussée sur ce point, la foule passa sa rage sur l'hôtel du baron de Malaret, maire de Toulouse depuis 1812. Tout fut saccagé. Malaret s'enfuit sous un déguisement. Une autre bande armée de bidons et vociférant : A bas Ramel ! marchait vers la place des Carmes, où logeait le général, quand elle fut dispersée par une patrouille de cavalerie[83].

Le lendemain, jour de l'Assomption, Ramel suivit en grande tenue la procession du vœu de Louis XIII. Il alla dîner, comme il en avait coutume, chez sa maîtresse, une Romaine qu'il avait ramenée d'Italie en 1814. La ville était en fête ; on dansait sur la place des Carmes. Vers huit heures, le général quitta Mlle Diosi pour t'enter chez lui. Arrivé place des Carmes, à quelques pas de sa maison, il entendit derrière lui les cris : A bas Ramel ! Il se retourna et vit un rassemblement de trente ou quarante individus qui le suivaient menaçants. — Vous voulez Ramel, dit-il froidement, le voici. Que lui voulez-vous ? De nouveau on cria : A bas Ramel ! A bas le brigand ! Vive le roi ! Ramel se découvrit, et cria aussi : Vive le roi ! La foule grossissait autour de lui, l'entourait. Il se fraya passage jusqu'au seuil de sa porte que gardait un factionnaire. — Faites votre devoir, commanda-t-il, défendez-moi. Lui-même tira son épée. Le soldat dont le fusil n'était pas. chargé croisa la baïonnette. Mais aussitôt il s'affaissa, frappé à mort d'un coup de baïonnette. En même temps, un des assaillants déchargea à bout portant son pistolet sur Ramel ; la balle l'atteignit au bas-ventre. — Je suis mort ! cria-t-il. La détonation et la grande rumeur qui suivit interrompirent les danses[84].

Le secrétaire et le valet de chambre du général le transportèrent dans l'appartement qu'il occupait au premier étage. Ils l'étendirent sur un canapé et allèrent chercher des secours[85]. Resté seul, Ramel entendit les hurlements de la foule, le bruit de coups frappés contre la porte. On le savait blessé, à l'agonie sans doute ; mais on voulait l'atroce plaisir de l'achever. Dans l'épouvante d'être déchiré vivant, le malheureux se traira sur le palier, monta (au prix de quels efforts et de quelles souffrances !) chez un certain Bouillon, locataire du second étage, et lui demanda de le cacher. — Vous me compromettriez ! lui dit cet homme. Ramel gravit encore un étage, laissant sur chaque marche des gouttes de son sang. Il fit la même prière et éprouva un même refus. Alors, il entra dans le grenier où il tomba épuisé, la face contre terre[86].

C'est là que le trouvèrent évanoui, une demi-heure plus tard, le chirurgien et quelques officiers et gardes nationaux amenés à son secours. On descendit le général dans son appartement, on le déshabilla et on le mit au lit ; le chirurgien fit un premier pansement[87]. Pendant ce temps, le commandant de la garde nationale et le chef d'état-major de Pérignon arrivaient sur la place des Carmes avec plusieurs compagnies de milice et du régiment de Marie-Thérèse. Mais par une disposition inexplicable, ces deux officiers massèrent la troupe au fond de la place, du côté opposé à la maison de Ramel, et établirent devant la porte un poste de quelques hommes seulement[88]. Quant au maire, M. de Villèle, au préfet, M. de Rémusat, et au maréchal Pérignon, ils étaient sans doute occupés ailleurs, car il ne semble pas qu'ils soient venus à ce moment-là sur la place des Carmes[89].

L'attroupement des Verdets avait été repoussé à quelques pas mais non dispersé. Pour enflammer la foule qui remplissait la place, ils disaient que Ramel avait tiré sur le peuple, et qu'il avait tué le factionnaire d'un coup d'épée. On criait : A mort Ramel. Unis an populaire, les Verdets assaillirent le petit poste. Il résista d'abord, mais faiblement, sans faire usage de ses armes[90], puis il céda à une poussée. On enfonça la porte avec un madrier. L'escalier bien vite monté, le flot des assassins s'engouffra dans la chambre de Ramel. Près de lui nulle garde, aucun défenseur ; une ou deux personnes trop faibles pour la moindre résistance et d'ailleurs terrorisées. Alors Ramel eut devant les yeux, agrandis par l'épouvante, l'atroce vision intérieure qu'il avait cherché à fuir, deux heures auparavant, en se butinant jusqu'au grenier. Il vit se ruer sur lui, inerte dans le lit, la bande de cannibales hurlant et brandissant les sabres. Ils frappèrent avec furie, redoublant chaque coup, s'enivrant de carnage. Quand ils crurent Ramel mort, ils laissèrent ce pauvre corps lacéré et sanglant. Le lit était rouge comme l'étal d'un boucher. Ramel avait le nez à demi tranché, l'os frontal brisé, les deux bras fracturés à dix endroits ; le petit doigt de la main droite ne tenait plus qu'à un lambeau de peau ; un œil sortait de l'orbite. Il vécut jusqu'au lendemain[91]. Interrogé dans son agonie par le juge de paix, il refusa de donner le signalement de ses bourreaux. — Je leur pardonne, murmura-t-il[92]. C'était pousser outre nature la vertu de miséricorde.

 

 

 



[1] Préfet du Rhône à la Commission de gouvernement, 6 juillet (Arch. nat., F. 7, 3200 4). Procès de Mouton, 12.

[2] Suchet à Davout, Pont-de-l'Ain, 3 juillet ; à Gouvion Saint-Cyr, Caluire, 12 juillet. La Salcette à Davout, Grenoble, 5 juillet. Motte à Davout, Grenoble, 7 juillet. (Arch. Guerre.) Damitz, II, 188-192.

[3] Discours de Mouton-Duvernet à la Chambre, séance du 22 juin. (Moniteur, 23 juin.) Girod de l'Ain, Souvenirs militaires, 391.

La garnison de Lyon comprenait, le 1er juin, les dépôts des 42e, 53e et 14e de ligne, des canonniers de la ligne et de la marine, 2 escadrons de dragons, t bataillon de volontaires lyonnais, 5 bataillons de garde nationales mobilisées de la Loire, du Rhône et du Puy-de-Dôme, en tout, 4.450 hommes. (Situation au 1er juin. Arch. Guerre, carton des situations.) Elle était augmentée au 10 juillet d'une quinzaine de bataillons de gardes nationales mobilisées et sédentaires, du régiment de tirailleurs de la jeune garde, de deux bataillons de militaires retraités, d'officiers à la demi-solde et de corps francs. (Discours de Mouton, précité. Guerre, Campagne de Lyon, 273, 279. Situation de la garde au 16 juin (Arch. Guerre. situations.) — Pour la situation de l'artillerie, Rapport de Lannoy. (Arch. Guerre.)

D'après un état du 15 juillet (Arch. Guerre, Armée des Alpes), qui constate de nombreuses désertions depuis le 13, l'armée de Suchet s'élevait encore, le 15 juillet, à 15.955 hommes.

[4] Girod de l'Ain, Souvenirs militaires, 391. (Girod, alors capitaine, aide de camp de Curial, avait été chargé par Suchet d'une mission à l'état-major autrichien. Il était à même de bien pénétrer ce qui se tramait.) Cf. la lettre justificative de Suchet au ministre de la guerre du 25 juin 1816 et le lettre y annexée de Polignac.

[5] Capitulation de Lyon, Montluet, 11 juillet, et ratification, Montluel, 12 juillet. (Arch. Guerre.) Cf. Exposé de la conduite de Mouton, 26.

[6] Comte de Brivazac à Fouché, s. d. (vers le 15 juillet). Extrait d'une lettre de Lyon, 25 juillet (Arch. nat., F. 7, 3200 4 et F. 7, 3774). Lecomte, Les Autrichiens dans l'Ain, 29-311. Rapport de Chabrol au roi, Lyon, 18 juillet. (Arch. Guerre.)

[7] Analyse de la corresp. des Préfets, 9 juillet. (Arch. nat., F. 7, 3774.) Rapport à Carnot, Lyon, 8 juillet. (Papiers de Carnot.) : On parait disposé à une vive défense mais on dit que Suchet s'est déjà prononcé pour la capitulation.

[8] Comte de Brivazac à Fouché, Lyon, s. d. [vers le 15 juillet.] (Arch. nat., F. 7, 3200 4) Audin, Evénements de Lyon, 99-100. Guillemard, Mémoires, II, 44-47. Guerre, 266. Cf. Rapports de Roger de Damas, Lyon, 15 juillet, et de Chabrol, Lyon, 18 juillet. (Arch. Guerre) : La classe supérieure a conservé son attachement pour le roi, mais le commerce et la populace sont très hostiles. — J'ai trouvé Lyon dans un état comparable à celui des années les plus orageuses de la Révolution.

[9] Rapport de Lyon, 13 juillet. (Arch. nat., F. 7. 3774.) Premier interrogatoire de Mouton, 15 mars 1816. (Dossier de Mouton. Arch. Guerre.) Dépositions de Meunier et de Chabrol. (Procès de Mouton, 52-53.) Exposé pour le général Mouton-Duvernet, 27. Audin, Evènements de Lyon, 102-103. Guerre, 269-270. — Il y a quelque désaccord sur les détails entre ces divers témoignages. On parle de trois commissaires, au lieu de deux ; on dit qu'ils se réfugièrent chez Mouton ; qu'ils partirent déguisés en officiers de la garde nationale. Ces divergences sont de nulle importance.

[10] Rapport de Lyon, 13 juillet. (Arch. nat., F. 7, 3774). Premier interrogatoire de Mouton. Chabrol au roi, Lyon, 18 juillet. (Arch. Guerre.) Guerre, 270-271. Audin, 102-103. Girod de l'Ain, Souv., 391-393. — Selon Girod, le prétendu drapeau était un rideau blanc que le vent avait fait voltiger.

[11] Rapport de Lyon, 13 juillet (Arch. nat., F. 7. 3771.) Premier interrogatoire de Mouton, 15 mars 1816. (Dossier de Mouton, Arch. Guerre.) Déposition de Fouthieurd. (Procès de Mouton, 44-45.) Exposé de la conduite de Mouton, 27. Guerre, 272-273, 29-30. Cf. Suchet à Gouvion Saint-Cyr, Grange-Blanche, 16 juillet : Le 13, une violente sédition a éclaté à Lyon. Les militaires ont pris part à ce mouvement.

[12] Roger de Damas au roi, Lyon, 17 juillet. Chabrol au roi, Lyon, 18 juillet. (Arch. Guerre.) Premier interrogatoire de Mouton. (Dossier de Mouton.) Guerre, 276.

Il semble que le lieutenant de police Teste participa à ces négociations. D'après les témoignages de Guerre et de Guillemard, Teste était tout-puissant sur la foule. Il la soulevait ou l'apaisait à son gré. — Teste se réfugia en Belgique. Sous Louis-Philippe, il devint pair de France, ministre des Travaux publics et fut, en 1847, condamné par la Chambre des pairs pour crime de concussion.

[13] Roger de Damas au roi, Lyon, 17 juillet. Chabrol au roi, Lyon, 18 juillet. (Arch. Guerre.) Cf. Suchet à Gouvion, 12 juillet. (Arch. Guerre.) Guerre, 279-280.

Damas précise bien que Chabrol et le nouveau maire (Farges) s'étaient  heureusement arrangés pour faire entrer les Autrichiens presqu'au moment du départ des troupes ; sans quoi il y aurait eu défense. — Mouton se prêta à tous les désirs de Chabrol et de Farges. (Déposition de Farges, dans l'Exposé pour le général Mouton-Duvernet, 30.)

[14] Lettre précitée de Roger de Damas. Lettre de Lyon, 25 juillet. (Arch. nat., F. 7, 3774.) Préfet de la Loire à Gouvion, 15 juillet. (Arch. Guerre.) Déclaration du Conseil municipal de Montbrison. Déposition de Dumoncel et de Turge. (Procès de Mouton, 42-44, 64-65.) Déposition de Demeaux. (Exposé pour le général Mouton, 32.) Guerre, 280. Lecomte, Les Autrichiens dans l'Ain, 30.

[15] Souvenirs manuscrits de Jacques Chorgnon (communiqués par M. Chorgnon, de Roanne) ; Hodin, notaire, à Davout, Bolu, 2 août. (Arch. Guerre).

[16] Notes du général Merle, citées par Braquehay, Le général Merle, 218-219.

[17] 9e, 35e (un bataillon) et 106e de ligue, 14e léger, 13e de ligne (deux bataillons arrivant de Marseille avec Verdier), 14e chasseurs à cheval. Ensemble 5.544 fantassins et 400 cavaliers. (Situation du corps d'observation du Var, au 20 juin. Arch. Guerre.)

[18] Notes du général Merle.

[19] Proclamation à l'Armée du Var, 4 juillet. Brune à Davout, Brignoles, 17 juillet. (Registre de corresp. de Brune, Arch. Guerre.) Rapport de Merle à Gouvion Saint-Cyr, 29 juillet. (Cité par Braquehay, Le général Merle, 217.)

[20] Registre de corresp. de Brune, à la date du 8 juillet. (Arch. Guerre.) Cf. Damitz, II, 96.

[21] Registre de correspondance de Brune, à la date du 8 juillet. Cf. Brune à Davout, 17 juillet. (Arch. Guerre.) Note de Merle, citées par Braquehay, 219-220. D'après les notes de Merle, Brune voulait se porter d'abord sur Aix.

[22] Brune à Davout, Le Luc, 13 juillet. Cavelier, inspecteur de la Marine, à Jaucourt, Toulon, 20 juillet. (Arch. Guerre,) Braquehay, 220. Chassériau, Vie de l'amiral Duperré, 106-109. — Le 14e léger était resté à Antibes dont il fermait la garnison.

[23] Cavelier à Jaucourt, Toulon, 20 juillet. (Arch. Guerre.)

[24] Duperré à Rivière, Toulon, 31 juillet. (Arch. Aff. étr., 647.)

[25] Rivière à Talleyrand, Reausset, 23 juillet. (Arch. Aff. étr., 647.) Chassériau, Vie de Duperré, 105.

[26] Rivière à Talleyrand, Reausset, 22 juillet. (Arch. Aff. étr., 647.) Mémoires du duc de Rivière, 121. — Rivière qui n'avait guère servi que comme aide de camp du comte d'Artois, peu batailleur, comme on sait, avait été nommé maréchal de camp par ce prince le 28 février 1814 et promu lieutenant-général par le duc d'Angoulême, le 30 mars 1815.

[27] Brune à Rivière, Toulon, 23 et 24 juillet. (Arch. Guerre et Arch. Aff. étr., 647). Cf. Mém. du duc de Rivière, 128. — La soumission de Toulon occasionna entre Brune et Rivière des négociations de plusieurs jours. D'après Barras (Mém., IV, 360), Brune qui redoutait d'avoir à quitter la France réclama et obtint de Rivière un engagement écrit que la maréchale Brune serait autorisée à vendre ses propriétés et à lui en faire passer le montant à l'étranger. Barras est en général peu véridique. Mais il cite textuellement la lettre de Rivière, datée de Cuges, 22 juillet.

[28] Général de Lardenoy à Clarke, 16 octobre. (Arch. Guerre.) Mémoires du duc de Rivière, 129.

[29] Rapport du commandant d'Antibes, 27 juillet. (Arch. Guerre.)

[30] Brune à Rivière, Toulon, 28 juillet ; à Nugent, Toulon, 30 juillet. Ordre du jour de Brune, Toulon, 31 juillet (Arch. Guerre.) Mémoires du duc de Rivière, 130-131. — Jusqu'au 16 août Toulon n'en resta pas moins sous la menace d'une attaque. (Mémoires de Rivière, 135-136. Damas à Gouvion Saint-Cyr, 14 août. Bianchi à Rivière, Nice, 14 août, Arch. Aff. étr., 647.)

[31] Rivière à Gouvion Saint-Cyr, Toulon, 31 juillet. (Arch. Guerre.) Mémoires du duc de Rivière, 131-132. Bourgoin, aide de camp de Brune, Esquisse historique sur la vie du maréchal Brune, II, 257-238. — Dans ces deux ouvrages, il est dit que Brune partit le 1er août à trois heures du matin. Mais la lettre de Rivière qui annonce le départ, du maréchal comme accompli est datée du 31 juillet.

[32] Notes du général Merle, citées par Braquehay, 221. Général Patourneaux à Gouvion Saint-Cyr, Toulon, 24 août. (Arch. Guerre.)

[33] Bourgoin, III, 258-260.

[34] Extrait de la corresp. ministérielle, 26, 27 et 24 août. (Arch. Guerre.) Préfet du Var à Intérieur, 26 septembre. (Arch. nat., F. 7, 3775.) Rapports de Lardenoy et de Patournaux à Clarke, Toulon, 29 septembre et 2 octobre (Arch. Guerre.)

[35] Rapport de Courtheyson, 15 juillet. (Arch. Guerre.) Rapport du préfet de Vaucluse, l8 juillet. (Arch. nat., F. 7, 3774.) Extrait de la Corresp. ministérielle du 24 juillet. (Arch. Aff. étr., 691.) Muron, Appel à la Justice du Roi, 3-4. Augier, Les Crimes d'Avignon, 15-17, 20-22, 24.

Lambot, chef d'escadron de gendarmerie, avait été encavé de Marseille par le marquis de Rivière pour prendre le commandement de toute la contrée insurgée.

[36] Rapports du préfet de Vaucluse, 18 juillet et 11 septembre. (Arch. nat., 7, 3774 et F. 7, 3773.) Extrait de la Corresp. ministérielle du 24 juillet. (Arch. Aff. étrang., 691.) Corsin à Clarke, Avignon, 27 décembre. (Arch. Guerre.) Appel à la justice du roi, 7-11. Les crimes d'Avignon, 28-37, 41-43, 46-47. Rapports du préfet de Vaucluse, 11 et 13 décembre. Damas à Clarke, Avignon, 18 décembre. (Arch. Guerre.) — Ces crimes furent commis depuis juillet jusqu'en décembre. Quelques-uns des assassins furent plus tard condamnés à mort ou aux travaux forcés. Giraud mourut sur l'échafaud.

[37] Bourgoin, Esquisse historique sur le maréchal Brune, II, 260. — Brune avait quitté Toulon dans la nuit du 31 juillet au 1er août. Il passa à Saint-Andiol le 2 août à sept heures du matin. Bourgoin qui est très véridique, mais qui est trop préoccupé de chercher parlant des complices aux assassins de Brune, semble insinuer que les chevaux n'étaient point aussi fatigués que le prétendit le chef de l'escorte. C'est bien quelque chose cependant que trente lieues en vingt-huit ou trente heures, dont quinze en plein jour au grand soleil de la Provence. — Selon le témoignage de Chavagnac (cité par Marmoiton, Le maréchal Brune, 127), le maréchal comptait trouver une nouvelle escorte à Bonpas, sur la rive droite de la Durance, mais cet autre détachement, sur un contre-ordre envoyé d'Avignon, était retourné à Cavaillon.

[38] Bourgoin, II, 260-261. Les crimes d'Avignon, 30.

[39] Dans quelques relations, cette place où se trouvait le théâtre est appelée place de la Comédie.

[40] Habit gris foncé, pantalon de drap bleu, gilet de satin blanc, cravate de taffetas noir, bottes à la Russe. Procès-verbal de la mort de Brune, 2 août, quatre heures après midi (cité par Marmoiton, 236-243). Pour le chapeau de maréchal de France, déposition de Quinard. (Information contre les assassins de Brune, 14.)

[41] Rapport de Lambot, 2 août, quatre heures après midi. (Arch. Guerre.) Dépositions de Maunier, de Saint-Chamans, de Mme Molin. (Information contre les assassins de Brune, 5, 6.) Déposition de Verger par Marmoiton, Le maréchal Brune, 147-148. Bourgoin, II, 263. — Lambot dit qu'il visa le passeport, mais il ne mentionne pas que Verger le lui apporta sur son ordre.

[42] Selon les Mémoires de Barras, cette calomnie, forgée à l'époque de la Révolution, avait été répandue par les camarades de Brune qui le jalousaient. Elle fut reproduite dans plusieurs pamphlets de 1814. Inutile d'ajouter que le caractère de Brune dément cette légende. D'ailleurs, Brune n'était pas à Paris pendant les journées de septembre. Il avait quitté cette ville le 18 août l793, et, le 3 septembre, il se trouvait à Rodermarck près Thionville.

[43] Dépositions de Saint-Chamans, de Mme Molin. (Information, 6-8.) Déposition de Verger citée par Marmoiton, 152. Bourgoin, II, 263. — Dans sa déposition, confuse et contradictoire sur ce point, Saint-Chamans dit que Brune lui apprit que les papiers étaient chez le commandant et lui exhiba un passeport régulier. Mais d'après les témoignages conformes de Verger, de Lambot et de Bourgoin, il parait certain que, à ce moment, le passeport était chez Lambot.

[44] Dépositions de Saint-Chamans, de Mme Molin, de Bressy, de Mathis (Information, 6, 8, 9, 10), de Rillet, de Verger (citées par Marmoiton, 150, 152), Cf. Rapport de Lambot, 2 août. (Arch. Guerre.)

[45] Déposition du commissaire de police Bressy : La voiture était assaillie par vingt personne. Déposition de Mme Molin : La voiture revint entourée de quinze personnes... le rassemblement augmenta ensuite.

[46] Dépositions de Monnier, de Saint-Chamans, de Mme Molin, de Mathis, de Morel. (Information, 5, 6, 8, 10, 11,) Déposition de Molin (citée par Marmoiton, 155-156). Rapport de Lambot, 2 août, (Arch. Guerre.) Bourgoin, II, 265.

Bourgoin raconte que lui et le capitaine Degaud entrèrent dans l'hôtel par une autre porte que le maréchal ; qu'ils voulurent aller le rejoindre, mais que l'aubergiste refusa de leur ouvrir la porte qui donnait accès à l'escalier et les jeta dans une salle basse ; qu'ils y restèrent toute la journée sous la garde de sentinelles armées qui ne cessaient de les menacer de mort ; qu'ils furent délivrés le soir et cachés chez le préfet, et que le lendemain ils parvinrent à quitter la ville. Même en tenant ce récit pour entièrement exact, il semble cependant que ces deux officiers ne firent pas beaucoup d'efforts, en arrivant dans l'hôtel, pour rejoindre le maréchal.

[47] Dépositions de Saint-Chamans, de Puy, maire d'Avignon. (Information contre les assassins de Brune, 7, 9.) Rapport de Lambot, e août, quatre heures du soir. Lettre de Nollac, Avignon, 3 août. (Arch. Guerre.) — C'est le maire Puy qui accusa formellement Lambot d'avoir commandé aux gendarmes de se retirer. Lambot le recoupait d'ailleurs dans sa brochure prétendue justificative, Le maréchal Brune à Avignon, 23-24.

[48] Dépositions Saint-Chamans, de Puy, Mme de Molin, de Mme Legracieux, de Fort. (Information, 5, 6. 8, 9.) Rapport de Lambot, 2 août. (Arch. Guerre). Lambot, Le maréchal Brune à Avignon, 26.

[49] Dépositions de Saint-Chamans, de Mme Molin, de Laporte, de Faucon, de Ronède (Information, 7, 8, 9, 13, 14.) Dépositions de Didier, de Boudon (citées par Marmoiton, 138, 240). Cf. Rapport de Lambot, Avignon, 2 août. (Arch. Guerre.)

Comme le dit Bourgoin (II, 265), L'hôtel avait plusieurs issues, car autrement, la grande porte restant toujours fermée, et même, disent quelques-uns, barricadée, comment s'expliquer les allées et venues continuelles, de l'extérieur de Saint-Chamans, de Lambot, de Puy et autres ?

[50] Déposition de Gérard (citée par Marmoiton, 241).

[51] Dépositions de Mouraud, de Mainier, de Mme Molin. (Information, 5, 6, 8.) Rapport de Lambot, Avignon, 2 août. (Arch. Guerre.)

[52] Dépositions de Mme Molin, de Mathis, de Laporte. (Information, 8, 10, 13.) Déposition d'Alliaud (citée par Marmoiton, 161). — Alliaud dit que le major Lambot se trouvait alors sur le balcon. Dans son rapport du 2 août, Lambot dit qu'il était dans l'escalier, et, dans sa brochure justificative, sur la place. Je tiens pour le témoignage d'Alliaud.

[53] Dépositions de Mouraud, de Mme Molin, de Puy, de Duraud, du chirurgien Reullac, de Pascal. (Information, 5, 8, 9, 11, 13.)

[54] Mannequin qui dans certaines dites du midi servait de jouet au populaire pendant le carnaval.

[55] Dépositions d'Argelliès, de Maunier, de Saint-Chamans, de Bressy, de Mathis. (Information, 3, 5, 7, 9, 10.) Rapport de Lambot, Avignon, 2 août. Lettre de Nollac, Avignon, 3 août. (Arch. Guerre.)

La version du suicide fut suggérée au préfet, à Lambot, au procureur du roi Verger, par les demandes réitérées que Brune avait faites de ses pistolets. Voulait-il ces armes pour tomber en combattant, ou pour échapper par le suicide à une mort plus cruelle ? Ili ne sait, mais tous les témoignages recueillis postérieurement démontrent qu'il fut assassiné.

Le Courrier d'Avignon, du 6 août, et tous les journaux de Paris rapportèrent l'événement ru contant que le maréchal s'était suicidé afin d'échapper à un juste châtiment. Mais Mme Brune n'admit pas un seul instant cette version. Le corps de Brune, échoué près d'Arles, avait été inhumé par Amédée Pichet et un paysan (Les Arlésiennes, 282, sqq.). La maréchale Brune fit déterrer et transporter le cadavre dans son château. Le cercueil resta plusieurs années au milieu d'un salon, car elle avait juré de le conserver là tant qu'elle n'aurait pas obtenu justice. Des hommes à elle parcoururent le Comtat, faisant causer les gens, recueillant des informations et mate des dépositions. Quanti le dossier fut complet, la maréchale !irone multiplia les requêtes au roi et les démarches de toute sorte pour que fussent jugés les assassins du maréchal qu'elle désignait nominativement. Enfin, en 1821, la cour de Riom, déclara Farges et Guindon coupables de l'assassinat. Farges était mort, Guindon, en fuite, fut condamné à mort par contumace. Trois mois après, le contumax rentrait à Avignon et vaquait librement, le front haut, figurant dans les processions. D'après l'auteur anonyme de l'Assassinat du maréchal Brune (Avignon, 1847), ce misérable vécut jusqu'en 1836 d'une pension qui lui était servi par plusieurs légitimistes.

[56] Rapport de Gilly, Montpellier, 2 juillet. (Arch. nat., AF IV, 1937.) Forestier à Decaen, Montpellier, 5 juillet, Rapport de Montpellier, 5 juillet. Rapport de Montcalm, 15 juillet. (Arch. Guerre.) Adjudant commandant Lefebvre, Campagnes et Missions, 167-169. Précis historique des évènements de Montpellier, par M***, chevalier de Saint-Louis, 9-15.

[57] Analyse de la correspondance des préfets, Montpellier, 26 juillet et 27 septembre. (Arch. nat., F, 7, 3044 B, et F. 7, 3775.) Rapport du commandant Roussel, Montpellier, 27 juillet. Rapport du général Briche, Montpellier, 16 septembre et 28 novembre. (Arch. Guerre.) Moniteur, 26 juillet, 6 septembre, 15 septembre. Epoque de 1815 ou choix de propositions, etc., 454-455. — Des détenus furent élargis le 4 septembre ; beaucoup d'autres étaient encore en prison à la fin de novembre.

[58] Gilly avait à Nîmes un bataillon du 13e de ligne, deux compagnies du 63e, un escadron du 14e chasseurs, une compagnie d'artillerie, un bataillon de militaires retraités, 900 hommes de la garde urbaine (la plupart fédérés) qui avaient remplacé la garde nationale, licenciée comme suspecte de royalisme et 1.500 gardes nationaux de l'Avaunage, de la Gardonnenque et des Cévennes. (Bernis, Précis de ce qui s'est passé dans le Gard, 51-55.) — L'armée royale de Beaucaire comprenait tout au plus 2.000 gardes nationaux, miquelets et paysans mal armés dont une troupe de 100 volontaires à cheval. (Bernis, 52).

[59] Proclamation de Gilly, 5 juillet. (Citée par Lauze de Perret. Causes des Troubles du Gard, 157.) Bernis, 51-55. Déposition de l'adjudant-commandant Lefebvre, Nîmes, 19 juillet. (Citée par Daudet, La Terreur Blanche dans le midi, 348-349.) Lauze de Perret, 159, 172-173. Cf. Gilly à Decaen, 12 juillet. (Arch. Guerre.)

Le mois suivant la tête de Gilly fut mise à prix. Il était cache chez un paysan des Cévennes à qui il avait tu son nom. Un jour, las de la vie qu'il menait, il dit à son hôte : — Une grosse somme est promise à qui tuera le général Gilly. Je sais où il est. Allons le chercher. Nous partagerons l'argent. — Misérable ! Tu est proscrit et c'est toi qui veux livrer ton chef ! Alors Gilly, ému jusqu'aux larmes se jeta au cou du Cévenol en s'écriant — C'est moi qui suis Gilly ! (Fournier-Verneuil, Curiosités et Indiscrétion, 182-143. Dupin, Mém., I, 121-123.) Cf. Frimoal à Schwarzenberg, Nîmes, 31 août. (Arch. Affaires étrang., 691.)

[60] Rapport du préfet du Gard, 16 juillet. (Arch. nat., F. 7, 3776.) Rapport de Maulmont, Blinaut, 27 juillet. (Arch. Guerre.) Déposition de l'adjudant-commandant Lefebvre, Nîmes, 19 juillet. Rapport de Vidal, commissaire général de police, 6 août (cité par E. Daudet, 349-350, 364-366.) Mémoires du sergent Guillemard, II, 65. Cf. Bernis. 61.

Ces divers documents mentionnent l'exode des chasseurs, des gardes nationaux cévenols et des retraités, mais ne disent rien du départ de fractions de la ligne. Cependant, comme l'infanterie comprenait au 15 juillet 1 bataillon du 13e et 2 compagnies du 63e, soit, en comptant au plus bas, 500 à 600 hommes, et qu'au témoignage du préfet du Gard, confirmé par Guillemard, il ne restait le 16 juillet que 300 hommes dans les casernes, il faut bien croire qu'une partie de la troupe avait quitté Nîmes à la suite des chasseurs et des Cévenols.

[61] Déposition de l'adjudant-commandant Lefebvre, précitée. Lauze de Perret, 173.

[62] Déposition de l'adjudant-commandant Lefebvre, précitée. Bernis à Gouvion Saint-Cyr, 19 juillet, Rapport de Maulmont, juillet. (Arch. Guerre.) Lauze de Perret, 182, 184-187. Marseille, Nîmes et mes environs en 1815, I, 48-49. Mémoires du sergent Guillemard, II, 65-66. Cf. La lettre du commissaire de police Vidal (citée par E. Daudet) 366-367. Bernis, Précis, 62, et le rapport du général de Barre, Nîmes, 14 août. (Arch. Guerre.)

Le comte de Bernis, qui était ce jour-là à Beaucaire, et le commissaire Vidal qui, semble-t-il, ne se trouvait pas sur la place d'Armes au commencement de l'action, ont prétendu que les premiers coups de feu furent tirés par les soldats. Maulmont, Lefebvre et Guillemard, tous trois à la caserne, précisent au contraire, dans leurs récits très circonstanciés et absolument concordants, que la fusillade fut engagée par le peuple. Cette version qui paraît la plus véridique est aussi la plus vraisemblable. Un historien royaliste cite onze hommes tués et un blessé parmi la foule, alors que le commissaire Vidal, pourtant très hostile aux soldats, ne porte qu'à cinq, dont une femme, le nombre des royalistes tués.

[63] L'adjudant-commandant Lefebvre nomme cet officier : de Lahoudès. Mais tous les autres témoins, Maulmont, Vidal, Bernis et le général de Barre l'appellent : L'Ayre ou Layre. Manifestement il est question du même individu. Peut-être s'appelait-il L'Ayre de Lahoudès ?

[64] Déposition de l'adjudant-commandant Lefebvre et rapport de Maulmont précités, Général de Barre à Gouvion Saint-Cyr, Nîmes, 23 juillet. (Arch. Guerre.) Guillemard, Mém., I, 69-70. Lauze de Perret, 186-188. Marseille, Nîmes en 1815, 50. Cf. le rapport précité du commissaire de police Vidal, et Bernis, Précis, 63.

[65] Rapport de Maulmont, 27 juillet. Bernis à Gouvion Saint-Cyr, Nîmes, 16 juillet, Général de Barre à Gouvion Saint-Cyr, Nîmes, 23 juillet et 14 août. Rapport de la 9e division militaire, 27 juillet. Déposition de l'adjudant-commandant Lefebvre et lettre du commissaire de police Vidal (citées par E. Daudet. 357-359). Bernis, Précis, 63. Guillemard, Mém., II, 71-72. Lauze de Perret, 189-191. Marseille, Nîmes, en 1815, 50. Dossier du sous-lieutenant, Allemand du 4e bataillon du train. (Arch. Guerre.)

Les rapports ne donnent point le chiffra des tués et blessés. Les écrivains royalistes disent une trentaine, mais l'auteur de Marseille, Nîmes en 1815 dit que seulement quelques soldats parvinrent à se saliver. D'après les récits des témoins Lefebvre et Maulmont, il semble bien qu'il y eut un véritable massacre, ce qui suppose à coup sûr plus de trente victimes.

[66] Bernis, Précis, 61. Cf. 51-52. Rapport du commissaire de police Vidal, précité. Guillemard, II, 66, 67. Marseille, Nîmes en 1815, I, 51-52. Adjudant-commandant Lefebvre, Campagnes, 187.

[67] Rapport de Vidal. Marseille, Nîmes en 1815, I, 52-55. Cf. Bernis, Précis, 63 : Des actes de vengeance ont malheureusement été exercés. Il y a eu des désordres déplorables, inévitables. Bernis à Gouvion, 19 juillet : Quelques maisons ont été dévastées. On a beaucoup brûlé et peu pillé... (Arch. Guerre.)

[68] Pétition des veuves Chivas, Clot, Imbert, etc., Nîmes, 11 mai 1824. (Citée dans la Bibliothèque historique, n° du 27 mai 1820.) Cf. général de Barre à Gouvion, 23 juillet : La réaction est effrayante. (Arch. Guerre.)

[69] Marseille, Nîmes en 1815, III, 31. Lauze de Perret, 394-396. Les Protestants du Gard. (Bibliothèque historique, I, 214) Perrot, Rapport sur la persécution des Protestants (cité par d'Arbaud-Jouques, Troubles et agitation du Gard, 71 et 93-94.) D'Arbaud-Jouques, ibid. Lettre de Madier de Montjan, 23 mars l820. (Bibliothèque historique, n° du 8 avril 1820.)

Selon le pasteur Perrot, trente ou quarante femmes subirent ce supplice pendant la longue période des troubles du Gard ; huit en moururent. Le préfet du Gard, d'Arbaud-Jouques, dont le livre a été écrit pour réfuter le rapport de Perrot, dit : Il n'y eut que trois femmes fouettées dans les rues. Une seule fut portée à l'hôpital, où elle ne resta que huit jours. Lauze de Perret cite nominativement vingt-trois femmes ainsi traitées.

[70] Marseille, Nîmes en 1815, I, 53.

[71] D'Arbaud-Jouques, Troubles du Gard, 47.

[72] Lauze de Perret, 163, 210. Pétition de Madier de Montjau, 23 mars 1820. (Bibliothèque historique, 8 avril 1820.) D'Arbaud-Jouques (97-98) prétend que ce Ladet fut brûlé sans que les assaillants s'en doutassent. S'ils n'étaient point bourreaux, ils étaient du moins incendiaires.

[73] Extrait de la correspondance des préfets, 21 août. (Arch. nat., F. 7, 3044 B.) Rapports du général de gendarmerie, Nîmes, 20 août, 28 août et 23 septembre. Rapport de la gendarmerie, Nîmes, 17 octobre. (Arch. Guerre.) Marseille, Nîmes en 1815, I, 56 ; II, 51-58. Pontécoulant, Mém., IV, 4. Perrot, d'Arbaud-Jouques, Lauze de Perret et E. Daudet, passim. Pétition des veuves de Nîmes, 14 mai, 1820. (Bibliothèque historique, n° du 27 mai 1820.)

Presque toutes ces victimes sont citées nominativement. Perret évalue à quatre cent cinquante le nombre des personnes égorgées à Nîmes et dans le Gard en 1815. (Cité par d'Arbaud-Jouques, 81.) D'Arbaud-Jouques (ibid.) en avoue soixante-dix. Le comte de Bernis (Précis, 67.) dit : quatre-vingts. Madier de Montjau (lettre précitée), dit quatre-vingt-cinq sans compter les soldats du 13e de ligne.

[74] Rapport de Montpellier, 27 juillet. (Arch. Guerre.)

[75] Général Dufresse, à Suchet, Valence, 4 août (Arch. Guerre.)

[76] Rapport de Barre à Gouvion, 14 août. (Arch. Guerre.) — L'auteur de Marseille et Nîmes justifiées (p. 83) dit de son côté : Les bonapartistes qui perdirent leur vie ou leur fortune avaient plus d'un crime à se reprocher.

[77] Ce Jacques Dupont possédait trois parcelles de terre, d'où le surnom de Troistaillons ou Trestaillons.

[78] Pétition des veuves de Nîmes, 14 mai 1820. (Bibliothèque historique, n° du 27 mai 1820.) Rapport de la gendarmerie de Nîmes, 16 octobre 1815. (Arch. Guerre.) Lettres de Jacques Dupont (citées par E. Daudet, 08-98). Marseille, Nîmes en 1815, II, 55. Perrot (cité par d'Arbaud-Jouques, 50, 85-86, 88). Laure de Perret, 195, 414.

Trestaillons fut arrêté le 17 octobre, mais faute de preuves, personne ne voulant témoigner contre lui, il bénéficia d'une ordonnance de non-lieu et mourut plus tard de ma belle mort. Sa veuve toucha une pension.

[79] Rapport d'Uzès, 20 novembre (Arch. nat., F. 7, 3775.) Pièces des Archives de la cour de Riom (citées par E. Daudet, 116-124, 130-131, 152-154). Lauze de Perret, 164-166, 253, 258-259, 261-263, 369. Perrot (cit. par d'Arbaud-Jouques, 75-78). D'Arbaud-Jouques, ibid. Marseille, Nîmes en 1815, III, 33-34. Cf. général Frimont à Schwarzenberg, Nîmes, 31 août. (Arch. Aff. étr., 691.)

Le 27 septembre, Graffand finit par être arrêté sur l'ordre du préfet. Une pétition fut signée par 200 habitants d'Uzès, et non des moins notables, où l'on vantait fort son royalisme. On instruisit son procès à Riom, en 1810, mais faute de preuves, comme pour Trestaillous, il y eut ordonnance de non-lieu. Graffand trouva un bon emploi chez un riche propriétaire. En 1819, il fut poursuivi pour délit de droit commun, et, en même temps, on reprit l'instruction abandonnée en 1816. Il s'enfuit et fut condamné à mort par contumace.

[80] Entre autres actes de rigueur, Decaen avait frappé cent royalistes notoires d'une contribution d'un million de francs, D'ailleurs, cette contribution ne fut point perçue, grâce à Gaudin, qui, consulté par Davout, répondit qu'il fallait renoncer à cette mesure, plus arbitraire que toutes celles que les circonstances avaient pu faire prendre. (Arrêté de Decaen, 9 juin.) Davout à Fouché, à Gaudin, à Mollien, à 25 juin. Gaudin à Davout, 27 juin. (Arch. Guerre, Armée des Pyrénées-Orientales).

[81] Rapport de Toulouse, 20 juillet (Analyse de la corresp. des préfets, Arch. nat., F. 7, 3774). Ramel à Gouvion Saint-Cyr, Toulouse, 20 juillet. (Dossier de Ramel, Arch. Guerre). Rapport de gendarmerie, Toulouse, 18 août. Rapport sur les évènements de Toulouse du 4 avril au 10 juillet, Toulouse, 2 décembre, (Arch. Guerre.) Mme de Rémusat à Mme de X..., Lafitte, 19 juillet. (Corresp. de M. de Rémusat, I, 80.) Villèle, Mém., I, 297-298.

[82] Mme de Rémusat à Mme de X..., Laffitte, 19 juillet et 4 août, Toulouse, 26 juillet et août ; à son fils, Toulouse, 8 et 11 décembre. (Corresp. de M. de Rémusat, I, 80-88, 154-155.) Note du général de Muy, 17 août (Arch. Guerre). Villèle, Mém., I, 298-300. Pasquier, Mém., III, 405. Cf. Pelleport, Mém., II, 128.

Les Verdets avaient été organisés secrètement pendant les Cent-Jours. On leur avait donné des uniformes verts en l'honneur du comte d'Artois. Ils portaient des cocardes blanches et vertes, comme d'ailleurs un grand nombre de royalistes-ultras de la Provence, du Languedoc et de Bretagne. — Voir, sur les cocardes vertes, rapport confidentiel à Wellington, 7 août (Supplementary Dispatches, XI, 108). Lauze de Perret, 207. Extrait de la corresp. ministérielle, 3 sept. (Arch. Guerre.) Rapport de Quimper, 1er sept. (Arch. nat., F.7, 3774.)

[83] Rapport de l'adjudant-commandant Bréan, Toulouse, 16 août. Déclaration de Joly, secrétaire de Daniel (Dossier de Ramel, Arch. Guerre). Rapport du commandant de gendarmerie, Toulouse, 18 août. Rapport de Toulouse, 22 août (Arch. Guerre). Villèle, Mém., I, 300-301.

A en croire Barante (Souv., II, 213), cette émeute avait été décidée en séance du comité royaliste, lui avait délibéré si l'on massacrerait Rémusat, Malaret ou Ramel. Cf. Villèle, I, 305.

[84] Déclaration de Joly, secrétaire de Ramel. Déclaration de Dupérat, valet de chambre de Ramel. (Dossier de Ramel.) Rapport du commandant de gendarmerie, Toulouse, 17 août (Arch. Guerre). Rapport de Toulouse, 17 août (Analyse de la corresp. des préfets, Arch. nat., F 7, 3044 B). Villèle, Mém., I, 301-302.

[85] Déclarations de Joly et de Dupérat. — Il est incompréhensible que le secrétaire et le valet de chambre aient laissé Ramel seul, dans l'état où il était. L'un des deux eut suffi à chercher un médecin et à prévenir les autorités. Or, Joly déclare qu'ils allèrent tous deux chercher un chirurgien. Dupérat, sans parler de ce que fit Joly, dit qu'il alla prévenir le chirurgien et que ne pouvant, à son retour, rentrer dans la maison assiégée par la populace, il se rendit chez le maréchal Pérignon.

[86] Déclarations de Bouillon et de Ader, locataires. (Dossier du Ramel, Arch. Guerre.)

[87] Déclaration de Bouillon, locataire (Dossier de Ramel, Arch. Guerre).

[88] Pérignon à Gouvion Saint-Cyr, Toulouse, 17 août. (Dossier de Ramel, Arch. Guerre.) Rapport au roi de Combette de Caumont, conseiller à la cour de Toulouse (Mémoires de Tous, III, 262-264). Cf. Villèle, II, 303-303.

[89] Les récits de Pérignon (lettre précitée à Gouvion Saint-Cyr) et des Mémoires de Villèle sont volontairement ou involontairement confus et obscurs. Villèle dit qu'il vint avec Pérignon et Rémusat à peu près au même instant que la troupe, mais que leurs efforts pour calmer le peuple furent inutiles. Pérignon rapporte au contraire qu'il n'arriva qu'assez longtemps après les troupes qui n'avaient pu empêcher les excès. D'après Pasquier (Mém., III, 403), Rémusat laissa entendre que Villèle l'avait très faiblement secondé. Selon Barante (Souv., II, 213), Villèle nomma et laissa nommer plus tard un des assassins employé de l'octroi. Quoi qu'il en soit, par un indigne oubli de toute pitié et de tout devoir, ni Pérignon ni Villèle ni Rémusat ne montèrent chez Ramel.

[90] La garde nationale n'a pas fait tout ce qu'elle aurait dû, sous le prétexte qu'elle ne pouvait pas porter trop loin les efforts contre ses concitoyens. Pérignon à Gouvion Saint-Cyr, Toulouse, 17 août (Arch. Guerre).

[91] Procès-verbal du juge de paix, Toulouse, 15 août, 11 heures du soir. Etat des blessures, signé : Flottant, chirurgien eu médecine. Déclarations des locataires Bouillon et Ader. (Dossier de Ramel, Arch. Guerre.) Rapport de Toulouse, 17 août. Analyse de la correspondance des préfets. Arch. nat., F. 7, 3044 B). Pérignon à Gouvion-Saint-Cyr, Toulouse, 17 août. Rapport de Toulouse, 23 août (Arch. Guerre). Rapport au roi de Courbette de Caumont (Mémoires de 'fous, III, 270-277). Villèle, Mém., I, 302-303.

Si l'on croyait à l'influence des astres un conclurait de la sic traversée et tragique de Ramel qu'il était né sous le signe de Saturne. Nul n'eut sort plus hostile. Chef de bataillon (lès 1793, il fut destitué comme es-noble. Réintégré dans sou grade, il devint adjudant-commandant et fut chargé du commandement des grenadiers formant la garde du Corps législatif. Sa conduite loyale et énergique au18 fructidor le fit déporter. Après de longs mois passés à Sinnamary, en proie à tous les maux, il s'évada dans des circonstances particulièrement dramatiques. Il rentra en France après le 18 Brumaire et fut replacé dans l'armée. Il fit, toujours comme adjudant-commandant, l'expédition de Saint-Domingue, les campagnes d'Espagne et de Portugal, la campagne d'Italie en 1813-1811 sous le prince Eugène. Le 11 avril 1818, il fut mis en demi-solde. Il était resté dix-neuf ans dans le même grade ! Il portait la peine d'avoir été déporté avec Pichegru : il était suspect. Le 25 septembre 1811, il fut enfin nommé général, mais laissé en disponibilité.

Pendant les Cent Jours, il resta dans sa calme et chère retraite de Pradines. J'étais heureux, écrivit-il à Gouvion, le 20 juillet 1815 ; je n'ambitionnais aucun commandement. C'est seulement après la bataille de Waterloo qu'il reçut de Davout l'ordre d'aller prendre le commandement de la Haute-Garonne. Il arriva à Toulouse à point pour y trouver la plus imprévue et la pire des morts.

[92] Interrogatoire du juge de paix, 15 août, onze heures du soir (Dossier de Ramel, Arch. Guerre).