1815

LIVRE III. — LES CENT JOURS

 

CHAPITRE IV. — L'ACTE ADDITIONNEL.

 

 

I

Le décret de Lyon : Les collèges électoraux des départements de l'Empire seront réunis en assemblée extraordinaire au Champ de Mai afin de modifier nos constitutions selon l'intérêt et la volonté de la nation[1], avait frappé les esprits[2]. Mais cet engagement solennel était à peu près inexécutable. On ne s'imagine guère une assemblée de vingt-six mille citoyens[3] discutant et votant des lois au milieu du Champ de Mars. Il n'y avait qu'un moyen rationnel, pratique et sincère de consulter le peuple : c'était de provoquer, comme en 89, la rédaction de cahiers et de faire élire, non point par les seuls collèges électoraux, mais directement par les assemblées primaires, des députés qui eussent mandat d'examiner ces cahiers et de s'en inspirer pour élaborer la constitution. Si l'on voulait procéder d'une façon moins démocratique, il y avait l'élection d'une Constituante par les collèges électoraux. Mais que l'empereur prît l'une ou l'autre de ces mesures, combien de temps allait-il falloir pour la convocation des électeurs, la vérification des pouvoirs, la discussion, par cinq ou six cents députés, des soixante ou quatre-vingts articles organiques d'une constitution nouvelle ! Six mois, au moins, se passeraient avant que la constitution ne fût rédigée, votée, promulguée. Sans doute, ce retardement pouvait servir à Napoléon en lui permettant de conserver temporairement la dictature. L'idée d'une constituante ne laissait pas cependant de le troubler. Il ne savait ce qui en sortirait. Ses droits de souveraineté mêmes risquaient d'être mis en question. En outre, tout lui faisait présager une très prochaine campagne, et s'il se défiait pendant la paix des résolutions d'une assemblée, à plus forte raison les redoutait-il pendant la guerre[4].

Dans ces circonstances, Napoléon aurait bien voulu rétablir purement et simplement les constitutions de l'empire, comme il y avait un instant songé avant de quitter l'île d'Elbe[5], ou encore temporiser en laissant les choses dans l'état jusqu'au règlement de la question extérieure. Mais si porté qu'il fût aux illusions, l'empereur avait l'esprit trop juste pour ne pas voir que tout cela était impossible. La nation, disait-il, s'est reposée douze ans de toute agitation politique, et depuis une année elle se repose de la guerre. Ce double repos lui a rendu un besoin d'activité. Elle veut ou croit vouloir une tribune et des assemblées. Le gouvernement des Bourbons, gouvernement faible et contraire aux intérêts nationaux, a donné à ces intérêts l'habitude d'être en défense et de chicaner l'autorité. Le goût des débats politiques paraît revenu[6]. En effet, la bourgeoisie était férue de libéralisme, et les proclamations du golfe Jouan, les harangues de Grenoble, les décrets de Lyon avaient réveillé dans le peuple l'esprit de la Révolution. Aux Tuileries, les ministres, les conseillers d'État, les aides de camp, les princes Joseph et Lucien prêchaient la modération, les idées libérales, les nécessités nouvelles. Le général Caffarelli écrivait de Rennes : On attend la convocation des électeurs pour le Champ de Mai. Le général Grundler écrivait d'Amiens : Les malveillants disent que l'empereur ne veut point donner de constitution. Les journaux et les brochures réclamaient des lois vraiment nationales. Les faiseurs de constitutions se multipliaient, et adressaient à l'empereur leurs plans et leurs conseils. Chaque jour, il lui en arrivait par brassées[7]. On allait jusqu'à dire que Napoléon allait abdiquer et proclamer la République[8]. C'était là ce que l'empereur appelait divaguer fortement[9]. Il avait hâte d'arrêter cette rumeur.

Dès les premiers jours d'avril, Napoléon se résigna donc, selon le mot d'un contemporain[10] à s'acquitter de cette dette d'une constitution contractée devant les ouvriers de Lyon. Mais afin d'éviter, du moins, la réunion immédiate d'une assemblée, il résolut de faire rédiger la nouvelle constitution par une commission, et de la proposer dans son ensemble à la sanction du peuple au lieu de la soumettre aux discussions interminables et dangereuses des députés. Les ministres et les commissaires, Regnaud, Ginou, Boulay, tenaient pour une constitution analogue à celle de l'Angleterre. Seul Carnot repoussait cette idée. La constitution anglaise, disait-il, suppose l'existence d'une puissante aristocratie ; or la France ne possède aucune aristocratie. Il présenta un projet de constitution comprenant une chambre des députés, un sénat dont les membres seraient nommés à vie et un tribunat que formeraient cinq commissaires de la Chambre, cinq du Sénat, cinq du conseil d'Etat et cinq de l'ordre judiciaire. L'empereur inclinait plutôt aux théories de Carnot, mais dans la commission elles étaient unanimement condamnées[11]. C'est au cours de ces discussions que reparut sur la scène politique un personnage dont le rôle surprit tout le monde, à commencer par lui-même, Benjamin Constant.

Persuadé que sa catilinaire du 19 mars le vouait à la vengeance de celui qu'il y avait appelé Teutatès et Néron, Benjamin Constant ne voulait cependant ni émigrer ni faire acte de soumission. Il se cacha deux jours, puis s'imaginant trouver en Vendée un centre de résistance royaliste il partit pour Nantes, s'arrêta à Ancenis à la nouvelle que son ami Barante avait donné sa démission de préfet, et revint à Paris. La modération de Napoléon avait un peu calmé ses craintes ; néanmoins, il crut prudent de voir le prince Joseph, qu'il avait beaucoup connu pendant le Directoire, pour le consulter sur les intentions de l'empereur à son égard. Joseph dissipa ses dernières alarmes et l'assura que loin de songer à des mesures arbitraires, l'empereur, bien changé depuis un an, voulait sincèrement la liberté. Joseph con naissant la faiblesse et la mobilité de Benjamin Constant profitait de sa visite pour tenter de le rallier au nouvel- empire. Très vraisemblablement, Benjamin Constant écouta ses paroles sans paraître y voir des ouvertures, mais à quelques jours de là il fut peut-être moins étonné qu'il ne le prétend en recevant du chambellan de service l'invitation de se rendre au palais des Tuileries[12].

En apprenant par Joseph son entretien avec Benjamin Constant, l'empereur, sans doute, n'avait point pensé dans l'instant à confier à celui-ci la rédaction de la future constitution ; mais au moment où il s'occupait de cette constitution, il jugeait utile et en tout cas fort intéressant de faire causer sur les principes constitutionnels l'illustre écrivain qui avait été pendant la restauration l'oracle des libéraux. Dans cette première audience, ce fut d'ailleurs Napoléon qui parla. La justesse de ses vues sur l'état de la France et la franchise de sa profession de foi, où il se montra non comme converti aux idées libérales, mais, comme déterminé à les subir par nécessité, frappèrent Benjamin Constant qui laissa voir son impression. Ces deux hommes comprirent qu'ils étaient prêts à s'entendre. Il vint à l'idée de l'empereur de demander à Benjamin Constant le plan de la nouvelle constitution et, sans plus attendre, il lui en fit la proposition[13].

On a dit que Napoléon agit ainsi par un jeu indigne, pour déconsidérer un membre de l'opposition et parce qu'il trouva piquant de transformer en législateur de l'empire l'adversaire le plus ardent et le plus convaincu du gouvernement impérial. En 1815, Napoléon n'avait pourtant pas envie de rire. Sa proposition à Benjamin Constant s'explique par deux raisons. D'abord, il avait hâte d'être délivré des discussions constitutionnelles, qui menaçaient de s'éterniser au conseil d'État, et il comprit qu'un seul homme irait plus vite en besogne qu'une commission. En second lieu, qui mieux que le porte-parole des libéraux et le théoricien du gouvernement parlementaire pouvait tracer le plan d'une constitution libérale ? Appeler à cette mission un adversaire de la veille, qui représentait l'opinion de la majorité, n'était-ce pas entrer par avance dans la pure tradition parlementaire ? Pour Benjamin Constant, que l'on accusa d'être dupe ou complice, et qui se compromit gravement par sa coopération à l'aventure des Cent Jours, l'histoire ne saurait le condamner. N'était-il pas plus glorieux pour lui-et, dans sa pensée, plus utile au pays de faim cette grande chose : la constitution française, que de mener une opposition chicanière, stérile et, en raison des circonstances, antipatriotique ? Benjamin Constant n'était inféodé à aucun parti. Il s'était dévoué à la seule cause de la liberté. Si de la base au faîte de l'édifice social il trouvait la liberté, que lui importait un empereur ! Il ne commit point d'apostasie puisque bien loin de se rallier aux idées de Napoléon et d'épouser ses intérêts, il lui imposa ses propres idées dans le dessein de le désarmer. Benjamin Constant prétend, au reste, qu'il hésita à accepter l'offre de l'empereur. En tout cas, les hésitations du publiciste furent de courte durée, puisque le lendemain et les jours suivants, il revint aux Tuileries pour exposer ses théories gouvernementales à l'empereur et qu'il lui remit bientôt un plan complet de constitution, rédigée article par article[14].

Comme Chateaubriand l'a écrit avec une admirable naïveté dans le Journal de Gand, cette constitution c'était la Charte royale améliorée[15]. C'était la Charte avec l'éligibilité conférée à tous les Français et l'électorat direct étendu de quinze mille à cent mille citoyens ; la Charte avec la censure préalable supprimée, tous les délits de presse déférés au jury, les cours prévôtales abolies, les seuls délits militaires ressortissant aux tribunaux militaires, la liberté des cultes sans religion d'Etat, l'interprétation des lois échappant aux ministres, la publicité de la Chambre des pairs, le droit d'amendement reconnu en entier aux deux Chambres, la faculté pour chacune d'elles d'inviter le gouvernement à présenter une loi sur un objet déterminé, les levées d'hommes votées chaque année par le parlement, la mise en état de siège réservée aux Chambres, la responsabilité ministérielle augmentée, le contrôle permanent du Législatif sur l'Exécutif[16].

Dans sa rédaction, Benjamin Constant avait évité toute mention de l'empire comme antécédent du gouvernement qui allait s'établir. — Ce n'est pas là ce que j'entends, lui dit Napoléon. Vous m'ôtez mon passé, je veux le conserver. Que faites-vous donc de mes onze ans de règne ? J'y ai quelque droit, je pense. Il faut que la nouvelle constitution se rattache à l'ancienne. Elle aura la sanction de la gloire. Benjamin Constant objecta que l'empereur avait plus besoin de popularité que de gloire, mais surpris et charmé de le voir accepter si facilement cet ensemble de lois libérales, il ne voulut point lui résister pour une simple question de forme. Il fut décidé, que la nouvelle constitution porterait le nom d'Acte additionnel aux Constitutions de l'Empire. La pairie héréditaire fut un autre objet de discussion. En créant des privilèges de naissance, l'empereur appréhendait avec raison de froisser les sentiments égalitaires des Français. Puis. il ne savait comment recruter ses pairs. — Où voulez-vous, disait-il, que je trouve les éléments d'aristocratie que la pairie exige ? Les anciennes fortunes sont ennemies, plusieurs des nouvelles sont honteuses. Cinq ou six noms illustres ne suffisent pas. Sans traditions et sans grandes propriétés, sur quoi ma pairie sera-t-elle fondée ? Dans trente ans, mes champignons de pairs ne seront que des soldats ou des chambellans. Benjamin Constant appréciait ces raisons, mais infatué des principes de la constitution anglaise et aussi ennemi de la démocratie qu'il était dévoué à la liberté, il soutint que la pairie héréditaire était préférable à une chambre haute élective. L'empereur se laissa vite persuader. Il avait de l'inclination pour la noblesse. Pendant tout son règne, il avait travaillé à créer une aristocratie. Il n'était pas fâché d'avoir des pairs, comme Louis XVIII, et il se flattait de compter bientôt parmi eux, après ses victoires, un certain nombre de ceux de la pairie royale[17].

Dans la soirée du 21 avril, la commission de constitution donna lecture de l'Acte additionnel aux ministres et aux conseillers d'Etat. L'article LXVI de la Charte avait aboli la confiscation. Dans l'Acte additionnel, le mot de confiscation n'était pas prononcé, mais par cela même, il semblait que cette peine fût implicitement maintenue. L'assemblée du conseil d'Etat s'en émut jusqu'à l'indignation, et malgré l'heure tardive elle demanda presque d'une seule voix aux commissaires de porter sur-le-champ à l'empereur ses pressantes prières et ses respectueuses remontrances. Aux premiers mots, Napoléon éclata. — On me pousse, s'écria-t-il, dans une voie qui n'est pas la mienne. On m'affaiblit, on m'enchaîne. La France me cherche et ne me trouve plus. L'opinion était excellente, elle est exécrable. La France se demande ce qu'est devenu le vieux bras de l'empereur, ce bras dont elle a besoin pour dompter l'Europe. Que me parle-t-on de bonté, de justice abstraite, de lois naturelles ! La première loi c'est la nécessité ; la première justice, c'est le salut public. On veut que des hommes que j'ai comblés de biens s'en servent pour conspirer contre moi à l'étranger. Cela ne peut pas être, cela ne sera pas. Quand la paix sera faite, nous verrons. A chaque jour sa peine, à chaque circonstance sa loi, à chacun sa nature. La mienne n'est pas d'être un ange. Messieurs, je le répète, il faut qu'on retrouve, il faut qu'on revoie le vieux bras de l'empereur. Il s'était levé et ses yeux lançaient des flammes. C'est la seule fois, dit Benjamin Constant, où il soit entré en révolte contre le joug constitutionnel qu'on voulait lui imposer. La résolution de Napoléon paraissait invincible. Les commissaires se turent, redoutant, s'ils le poussaient à bout, de le voir déchirer la constitution et montrer ce vieux bras de l'empereur qu'il venait d'évoquer[18].

Des ministres et des conseillers d'Etat, nommément Fouché, Caulaincourt, Decrès, avaient demandé que l'Acte additionnel fût soumis article par article à la discussion des mandataires des collèges électoraux et non présenté dans son ensemble à l'acceptation du peuple, ce mode de votation étant illusoire[19]. Mais l'empereur n'avait souffert de donner une constitution libérale que pour éviter la réunion d'une assemblée. Vingt-quatre heures après sa dernière conférence avec la commission de constitution, il fit publier l'Acte additionnel dans le Moniteur. Le même jour parut un décret portant que les Français étaient appelés à consigner leur vote sur des registres ouverts dans toutes les communes, et que le dépouillement aurait lieu à l'assemblée du Champ de Mai convoquée à Paris pour le 26 mai[20].

 

II

L'Acte additionnel déçut tous ceux qu'il ne mécontenta point. Les napoléonistes autoritaires déplorèrent ces concessions libérales. Ils dirent que l'empereur en transigeant avec l'anarchie faiblissait et s'affaiblissait, ils le regardèrent comme perdu. Les jacobins s'étonnèrent, après les paroles de Lyon, de ne trouver dans la constitution rien qui rappelât les idées révolutionnaires. L'hérédité de la pairie était un outrage à l'égalité. Au lieu des lois de la Convention, c'était la Charte de Louis XVIII modifiée qui sortait de la révolution du 20 mars, et, comme la Charte royale, cette constitution était en quelque sorte octroyée puisque la sanction que l'on demandait, au peuple était une simple formalité. Napoléon qui avait ri du roi d'Hartwell, datant la Charte de la dix-neuvième année de son règne, se donnait le même ridicule en citant dans le préambule de l'Acte additionnel les constitutions de l'Empire, comme si son règne n'eût pas été interrompu[21].

Les libéraux, les seuls qui dussent être satisfaits de cette constitution rédigée par un des leurs, conforme à leur doctrine, appliquant leurs principes, et où le duc de Broglie trouvait beaucoup de dispositions efficaces et sincères[22], s'en montrèrent les plus ardents contempteurs. A les entendre, toutes les concessions de Napoléon lui avaient été arrachées, et il n'avait cédé qu'avec le dessein de les retirer. Au reste, chaque article était un piège, chaque disposition une pierre d'attente pour le despotisme. La nouvelle constitution ne donnait-elle pas à l'empereur la nomination des pairs et des juges, le droit de prorogation et de dissolution, la proposition des lois ? L'élection du président de la chambre ne devait-elle pas être approuvée par lui ? Ne conservait-il point le droit de grâce ? Napoléon n'avait pas changé. C'était toujours l'homme de brumaire, l'autocrate de 1811. Il le prouvait par le renouvellement des plébiscites illusoires de l'an X et de l'an XIII, par le silence gardé sur la confiscation, et par ce titre d'Acte additionnel donné à la nouvelle constitution qui n'était ainsi qu'une façade neuve mise à l'arsenal des sénatus-consultes oppressifs et des lois liberticides[23].

Il eût été juste de reconnaître que des 121 actes et sénatus-consultes formant le corps des constitutions de l'Empire, 59 décrétés dans des circonstances spéciales, qui ne pouvaient se représenter, ne comptaient plus et que 39 étaient abrogés ou modifiés par l'Acte additionnel. Les 23 autres étaient relatifs à l'hérédité du trône, à la régence, aux biens de la couronne, aux titres de la noblesse impériale, à la naturalisation, aux collèges électoraux, aux droits des légionnaires et au rétablissement du calendrier grégorien[24]. La constitution de 1815 était donc entièrement nouvelle. Mais l'esprit de parti ne voulut pas en convenir. La bourgeoisie libérale accusait l'empereur de n'être point sincère ; c'était elle qui faisait preuve de mauvaise foi, entraînée par ses regrets raisonnés ou inconscients du gouvernement de Louis XVIII où elle avait trouvé une liberté suffisante et la paix assurée.

Si la nouvelle constitution — la Benjamine, comme l'appelait Montlosier[25] — n'avait point l'approbation des libéraux, encore moins trouva-t-elle grâce devant les royalistes. Au lieu de l'attaquer au nom de leurs principes, quelques-uns jouèrent le jeu de se poser en tribuns populaires. Ces mêmes hommes qui avaient anathématisé la Charte comme concédant trop de liberté déclarèrent que l'ensemble de l'Acte additionnel était illibéral et qu'un despote ne pouvait donner que des lois despotiques. Les partisans du droit divin, dit Benjamin Constant, empruntèrent le langage de la Révolution. L'article 67 de l'Acte additionnel, portant que le peuple français déniait à jamais le droit aux chambres ou aux citoyens de proposer le rétablissement sur le trône d'aucun membre de la famille des Bourbons, marne en cas d'extinction de la dynastie impériale, ainsi que de proposer le retour aux droits féodaux, aux dîmes, à un culte privilégié et la révision des ventes nationales, exaspéra surtout les royalistes. Ils représentèrent ces dispositions comme attentatoires au droit souverain du peuple puisqu'elles enchaînaient l'avenir[26]. Comme si toute constitution proclamant l'hérédité du pouvoir n'enchaînait point l'avenir ou du moins n'y prétendait pas !

Les journaux des divers partis discutèrent à l'envi l'Acte additionnel, mais tout en conservant une grande modération dans leurs critiques[27]. On a vu que la presse regardait le décret du 25 mars à peu près comme non avenu et s'accommodait fort bien de la servitude volontaire. Seul le Censeur, que sa saisie non suivie d'effet avait irrité et enhardi, attaqua véhémentement la nouvelle constitution. Les gazettes ne suffisant pas à l'expression de toutes les opinions individuelles, la brochuromanie qui sévissait depuis un mois s'étendit encore. Des centaines de pamphlets parurent presque simultanément. Dans beaucoup de ces écrits on défendait les principes ou l'on plaidait les intentions de l'Acte additionnel[28], mais dans les plus nombreux on le condamnait sans circonstances atténuantes. Aux sévères et souvent très injustes censures de la constitution se mêlaient des invectives contre l'empereur. On l'appelait usurpateur de la souveraineté nationale, tyran, fourbe, maître renard. Il n'avait rien appris ni rien oublié. M. de Salvandy écrivit que Napoléon voulait se donner l'étrange satisfaction d'avoir un trône pour cercueil[29].

La grande masse du peuple, qui ne lisait ni le Censeur ni les brochures de M. de Salvandy, fut plutôt déçue qu'irritée par l'Acte additionnel. Cette constitution émanant de l'empereur, en quelque sorte décrétée par lui et qui, à cause de ce nom fâcheux d'Acte additionnel, paraissait maintenir la pluralité des anciennes lois de l'empire, ne répondait pas aux décrets de Lyon. Ce n'était point cette solennelle manifestation démocratique du Champ de Mai dont l'annonce avait tant frappé les esprits, cette grande assemblée où les délégués de la nation devaient voter la constitution nationale. Un mois après être remonté sur le trône, Napoléon semblait déjà faillir à ses engagements. Qu'il supprimât la censure, qu'il étendit la responsabilité ministérielle, qu'il accordât au parlement le droit d'amendement et la faculté d'inviter l'Exécutif à présenter une loi sur un objet déterminé, c'étaient là pour la foule, encore fort ignorante des principes du self government, des détails dont elle se souciait peu. L'assemblée du Champ de Mai, dût-elle donner une constitution deux fois moins libérale et même se borner à proclamer l'empereur par acclamation, eût tout autrement impressionné les paysans et les ouvriers chez qui revivaient les souvenirs révolutionnaires de la fête de la Fédération. Mais encore une fois, il y eut chez le peuple plutôt de la déception que du mécontentement. Le mode de votation ne parut à la plèbe ni illusoire ni insolent, comme aux raisonneurs de Paris, car dans l'entendement borné d'un laboureur ou d'un manouvrier de ce temps-là le droit de voter pour ou contre la constitution proposée étant absolu, cette constitution pouvait être rejetée si elle ne satisfaisait pas la majorité. Seules, les dispositions relatives à l'hérédité de la pairie irritèrent le sentiment populaire. On y vit la volonté de créer des privilèges de naissance ; et un mois auparavant, sur la route de Lyon, on avait acclamé en Napoléon le fils de la Révolution, l'homme du peuple, le destructeur de tous les privilèges. L'opinion n'empira point, mais elle resta dans sa torpeur.

Pour la réveiller, il eût fallu quelque grande mesure démocratique. Il eût fallu faire ce que les libéraux redoutaient par dessus tout[30] : proclamer le suffrage universel. En raison des sentiments des masses populaires pour Napoléon, et des rancunes, des défiances, de l'hostilité et de la haine même existant contre sa personne dans les classes privilégiées, il aurait eu tout intérêt à rendre au peuple le droit de suffrage direct qui lui avait été donné par la constitution de 1793 et repris par la constitution de l'an III. Mais il ne semble pas que cette idée soit même venue à l'empereur, et s'il y pensa un instant, ce fut pour la repousser aussitôt. Aux yeux de l'empereur, le suffrage universel était l'anarchie alors qu'au contraire c'eût été pour lui l'autorité.

Napoléon a écrit à Sainte-Hélène : La publication de l'Acte additionnel déjoua toutes les factions ; l'esprit public prit une direction nationale[31]. Rien n'est plus faux. Mais il ne faut pas croire davantage les auteurs de Mémoires et les historiens qui expliquent par l'Acte additionnel l'affaiblissement de l'opinion jusque-là très prononcée pour l'empereur. La vérité, c'est que chez les sept dixièmes des Français, la nouvelle constitution produisit fort peu d'impression : l'indifférence fut le sentiment dominant. La vérité, c'est que les inquiétudes, l'agitation, les cris séditieux, les troubles furent les mêmes avant et après cette publication ; c'est que l'enthousiasme populaire, si fort et si sincère au mois de mars, commença à décroître dès la première semaine d'avril, et qu'il faut attribuer ce revirement presque subit de l'opinion, non point à l'Acte additionnel, mais aux menaces de l'étranger, aux craintes de guerre, aux manœuvres des royalistes, aux menées du clergé, à l'hostilité ouverte des maires, aux mesures que l'on prit, d'après les ordres de l'empereur lui-même, pour calmer l'effervescence révolutionnaire, enfin au manque de confiance et par conséquent d'énergie de tout le personnel administratif[32].

 

III

L'empereur croyait de bonne foi rallier tout le monde à lui par l'Acte additionnel[33], mais il ne garda pas deux jours cette illusion. Le 25 avril, il dit en recevant Benjamin Constant à l'Elysée : — Eh bien ! la constitution ne réussit pas. Le nouveau conseiller d'État[34] ne fut point troublé : — Sire, c'est qu'on n'y croit guère. Faites-y croire en l'exécutant. Sans qu'elle soit acceptée ! Ils diront que je me moque du peuple. — Quand le peuple verra qu'il est libre, qu'il a des représentants, que vous déposez la dictature, il sentira bien que ce n'est pas se moquer de lui. L'empereur réfléchit un instant : — Au fond, reprit-il, il y a là un avantage : en me voyant agir ainsi, on me croira plus sûr de ma force. C'est bon à prouver[35].

Mais si désireux qu'il se prétendit de prouver sa force en abdiquant tout pouvoir effectif, Napoléon hésita cependant plusieurs jours à faire élire une assemblée. La convocation des députés était le vœu ardent du parti libéral, car il y voyait la garantie de la nouvelle constitution, la puissance de la Chambre étant telle qu'elle rendait impossible toute tentative de retour au despotisme[36]. Jusqu'à la réunion de l'Assemblée, au contraire — et aucun délai n'était fixé dans l'Acte additionnel pour les élections législatives —, la Benjamine pouvait rester lettre morte. Espérant que cette dernière concession ferait tomber toutes les défiances et désarmerait les opposants, Joseph et les plus dévoués serviteurs de l'empereur, ceux en qui il avait la plus entière confiance, l'engagèrent à convoquer les collèges électoraux[37] ; quelques-uns, dit-on, l'en sommèrent presque, menaçant de donner leur démission. Des conseillers d'Etat le poussèrent à cette illégalité, à cet abus de pouvoir, à ce non-sens : procéder à l'élection d'une assemblée en vertu d'une constitution qui était soumise à la sanction du peuple et sur laquelle on commençait seulement de voter. L'empereur était à peu près seul contre tous. Il céda. Le 1er mai parut au Moniteur un décret portant convocation des collèges électoraux à l'effet d'élire des députés à la Chambre des représentants qui serait réunie après la proclamation de l'acceptation de l'Acte additionnel[38].

Le préambule de ce décret était une sorte d'amende honorable. L'empereur s'excusait du mode de rédaction et de votation de la constitution. Nous n'avions, dit-il, que l'alternative de prolonger la dictature dont nous nous trouvions investi par les circonstances et la confiance du peuple, ou d'abréger les formes que nous nous étions proposé de suivre pour la rédaction de l'Acte constitutionnel L'intérêt de la France nous a prescrit d'adopter ce second parti. Enfermé dans ce dilemme : constitution ou assemblée, Napoléon avait donné la constitution pour éviter l'assemblée, et après avoir donné la constitution, il se voyait forcé de convoquer rassemblée.

La Fayette daigna se déclarer satisfait dans une lettre adressée à Benjamin Constant[39] ; mais si la plupart de ses amis politiques durent éprouver le même sentiment, ils n'eurent pas la franchise de le reconnaître. Les nouvelles concessions de l'empereur donnèrent bien peu de suffrages de plus à l'Acte additionnel dont le vote, qui avait commencé, selon les départements, du 26 au 30 avril, dura jusqu'au mois de juin[40]. Les plébiscites de l'an VIII, de l'an X et de l'an XIII avaient réuni, chacun, de 3.000.000 à 3.500.000 votants[41]. Il y avait eu ainsi un grand nombre d'abstentions, car les citoyens actifs s'élevaient à plus de cinq millions. En 1815, les abs tentions furent tout autrement nombreuses. Beaucoup de royalistes et de libéraux ne voulurent point voter parce que tout en désapprouvant l'Acte additionnel ils en redoutaient néanmoins le rejet, qui eût pu entraîner Napoléon à reprendre la dictature. Les paysans et les ouvriers n'allèrent point au scrutin parce que cette constitution, qui ne leur accordait aucun droit nouveau, les laissait indifférents et parce qu'ils ne tenaient pas à perdre une demi-journée de travail[42] pour prendre part à un vote dont le résultat leur importait si peu. Enfin, le vote étant nominatif, les timorés craignirent d'être compromis si les Alliés ramenaient une seconde fois Louis XVIII[43].

Le dépouillement général, qui se fit au Corps législatif, par les soins de cinq membres de chaque collège électoral, donna 1.532.527 votes affirmatifs et 4.802 voles négatifs[44]. Quelques-uns des protestataires motivèrent leur vote. Louis de Kergolay rédigea cette profession de foi sur le registre ouvert à la préfecture de police : L'article 67 qui prétend empêcher les Français d'exercer le droit qu'ils ont de proposer le rétablissement de la dynastie des Bourbons viole la liberté des citoyens. Je proteste contre cet article parce que je suis convaincu que le rétablissement de cette dynastie est le seul moyen de rendre la liberté aux Français. Un publiciste de Bordeaux, Edmond Géraud, écrivit : Attendu que personne, sauf le roi, n'a le droit de donner des lois au peuple français, attendu que cette nouvelle constitution est à la fois l'ouvrage de la révolte et de la tyrannie, je dis : Non. Un sieur Devire, domicilié 18 rue Blanche, protesta en ces termes : Je vote contre l'Acte additionnel parce que la liberté donnée par Buonaparte est une plaisanterie, l'égalité de ses sujets celle des hilotes et des forçats, sa légitimité une mystification de saltimbanque. Je propose à la France, qui a besoin d'un souverain qui monte bien à cheval, Franconi et sa dynastie[45]. La liberté du vote comportait la liberté de l'injure.

Les élections législatives ne furent point favorables à Napoléon. Les collèges électoraux, cependant, étaient encore ceux de l'Empire, mais ils avaient été élus à une époque où l'influence administrative, toute puissante, s'exerçait dans le sens des idées contre-révolutionnaires. Les royalistes ralliés, les propriétaires, les magistrats, les riches industriels, les commerçants notables, enfin tous ceux qui, avec une rare impertinence pour les autres Français, s'appelaient les honnêtes gens et que l'on a appelés plus tard les conservateurs, les composaient en très grande majorité. Le pouvoir électoral appartenait ainsi aux classes chez lesquelles l'empereur avait le moins de partisans. Avec le suffrage universel, il en eût été tout autrement. A la fin d'avril, quand Napoléon s'était résigné à convoquer les chambres, il voulut réunir les assemblées primaires pour procéder au complètement des collèges électoraux où il y avait de nombreuses vacances. Il espérait y introduire un certain nombre d'hommes nouveaux. Mais sur l'observation de Carnot que la loi exigeait un délai d'un mois pour la réunion des assemblées primaires, il renonça à cette idée[46]. Des avertissements furent adressés à l'empereur et à Carnot sur les dangers qu'il y aurait à laisser nommer les députés par les collèges électoraux actuels qui étaient en opposition avec l'esprit du pays[47]. On passa outre à ces conseils. Au reste, les craintes que les royalistes ne dominassent dans les collèges ne se réalisèrent point. Grâce à leur influence locale, ils avaient réussi, comme on l'a vu, à se faire réélire maires ou à faire nommer à leur place leurs fermiers et autres gens à eux. Mais ils sentirent que l'opinion des collèges électoraux étain nettement hostile aux hommes de l'ancien régime, aucun de leurs candidats n'obtiendrait la majorité. En général, ils ne parurent pas dans les assemblées, et le petit nombre de ceux qui s'y présentèrent donnèrent leurs voix à des libéraux, à des républicains, voire même à des régicides, afin de faire échouer les candidats de l'empereur. Presque partout, les libéraux de toute nuance restèrent ainsi maîtres du scrutin, n'ayant contre eux que quelques dissidents bonapartistes de la bourgeoisie, et les légionnaires que l'empereur venait de rétablir dans leurs droits électoraux, à raison de 25 par collège de département et de 30 par collège d'arrondissement[48].

La Fayette et Lanjuinais furent élus, le premier dans Seine-et-Marne, le second dans la Seine, à la presque unanimité. Ils représentaient exactement l'opinion de la plupart des collèges électoraux. Tous les députés qui s'étaient fait remarquer dans la Chambre dissoute par leur opposition aux mesures arbitraires du gouvernement royal, Bédoch, Dumolard, Flaugergues, Souque, Durbach, Raynouard, Barthélemy, Dupont de l'Eure, furent réélus ; les anciens ministériels échouèrent. Les suffrages se portèrent principalement sur des hommes n'ayant point encore paru dans les assemblées mais connus comme dévoués aux idées libérales : avocats, médecins, notaires, agriculteurs, magistrats, banquiers, négociants, grands industriels, professeurs, anciens fonctionnaires impériaux révoqués pour leur indépendance ou prétendus tels. Dans les collèges d'arrondissements, recrutés plus démocratiquement, on nomma un assez grand nombre de terroristes : Cambon, Garat, Merlin, Garnier de Saintes, Félix Lepelletier, Beaugeard, Pinel, Drouet, Cazenave, Barère, Poulain-Grandpré, — sans parler de Fouché qui, ministre de Napoléon et ancien conventionnel, passa à ce double titre. Parmi les bonapartistes et les officiers généraux élus étaient le prince Lucien, Boulay, Regnaud, Ginou-Defermon, Fourreau-Beauregard, médecin de l'empereur à l'île d'Elbe, Bory Saint-Vincent, Teste, Bignon, La Forêt, les deux fils du duc de Plaisance, Bigot de Préameneu, le comte de Bondy, les généraux Rapp, Grenier, Sébastiani, Mouton-Duvernet, Valence, César Faucher, Carrié, Becker, Bigarré, Sorbier. Aucun royaliste ne fut nommé ou du moins aucun ne fut nommé qui se présenta comme partisan de Louis XVIII. L'avocat millionnaire Roy, Siméon, ex-préfet du Nord, Delaitre, ex-préfet de Seine-et-Oise, et Bonflaire, ex-préfet d'Ille-et-Vilaine, étaient secrètement royalistes, mais ils ne firent pas, avant le vote, profession de bourbonisme. A cause de son nom, qui rappelait l'ancien régime, le duc de Broglie échoua dans l'Eure malgré ses opinions libérales et l'appui de l'administration[49].

Sur les 629 membres de la chambre, on comptait environ 80 bonapartistes déterminés, 30 ou 40 jacobins et 500 libéraux de tous les partis. Cette assemblée était hostile aux Bourbons à cause de leurs idées rétrogrades et de l'appui compromettant que leur prêtait l'étranger. Elle reconnaissait en Napoléon le chef du gouvernement national de la France, mais elle redoutait son despotisme. Au défaut de la monarchie constitutionnelle avec le duc d'Orléans, qui eût répondu exactement à l'opinion de la très grande majorité d'entre eux, les députés voulaient soutenir l'empire, niais à la condition d'ôter tout pouvoir à l'empereur.

 

 

 



[1] Décret impérial, Lyon, 13 mars (Moniteur, 21 mars).

[2] Le décret relatif à l'assemblée extraordinaire du Champ de Mai a fait une grande sensation. Montlosier à Barante, 23 mars (Barante, Souvenirs, II, 129). Cf. Thibaudeau, X, 259, et rapports de police, 23 et 25 mars. (Arch. nat., F. 7, 3688 24.)

[3] Sous l'empire, les membres des collèges électoraux de département s'élevaient, y compris 25 légionnaires par collège, à 26.000 ; ceux des collèges électoraux d'arrondissement à 72.000. (Sismondi, De l'Acte additionnel, Moniteur, 6 mai.)

Napoléon avait cru d'abord à la possibilité de cette grande assemblée Le 20 mars, il dit à Molé : Trente mille personnes au Champ de Mars. C'est-il beau ! (Fragment des Mémoires de Molé, Revue de la Révolution, XI, 90).

[4] Cf. Napoléon, L'île d'Elbe et les Cent Jours (Correspondance, XXXI, 129), et Fleury de Chaboulon, Mémoires, II, 72-73.

[5] Napoléon, L'Île d'Elbe et les Cent Jours (Correspondance, XXXI, 128). — L'empereur avait bien vite écarté cette pensée. Les événements survenus, dit-il, avaient donné une telle secousse à l'esprit public que tout ce système ne paraissait plus adapté à l'état de la France.

[6] Benjamin Constant, Mém. sur les Cent Jours, II, 21-22. Cf. Lavallette, Mém., II, 171-172.

[7] Benjamin Constant, Mém., II, 30-31. Napoléon, L'île d'Elbe et les Cent Jours. (Correspondance, XXXI, 129.) Notes de Lucien (Arch. Aff. étr., 1815). La Fayette, Mém., V, 415-419. Caffarelli à Davout, Rennes, 20 avril. Grundier à Davout, Amiens, 17 avril. Cf. Sébastiani à Davout, Amiens, 17 avril. Extraits de la correspondance des préfets et de la correspondance de police générale, avril. (Arch. nat., F. 7, 3774.)

[8] Bulletins de Réal, 15 avril. Rapports de police, 17, 19, 28 avril, 1er mai. (Arch. nat., AF. IV, 1934, F. 7, 3774.) Napoléon, L'île d'Elbe et les Cent Jours. (Correspondance, XXXI, 129). Caffarelli à Davout, Rennes, 20 avril. (Arch. Guerre.) — Lucien lui-même conseillait à l'empereur d'abdiquer. Notes de Lucien. (Arch. Aff. étr., 1815.)

[9] Napoléon, L'île d'Elbe et les Cent Jours (Correspondance, XXXI, 129).

[10] Villemain, Souvenirs, II, 973.

[11] Napoléon, L'île d'Elbe et les Cent Jours, 130. Cf. Boulay de la Meurthe, 256. Benjamin Constant, Mémoires, II, 48, 56. Mémoires sur Carnot, II, 430-435.

[12] Barante, Souvenirs, II, 128-129. Cf. Benjamin Constant, Mém., II, 1-2, 17-19. — Constant dit qu'il fut appelé aux Tuileries le 14 avril. Cela semble une erreur, car, des le 6 avril, le Journal de l'Empire annonça que M. Benjamin Constant était un des membres de la commission constitutionnelle. Donc, le 6 avril, Benjamin Constant avais déjà vu l'empereur.

[13] Benjamin Constant, Mém., II, 20-25, 27-28, 30.

[14] Benjamin Constant, Mém., II, 26, 30-49. — Benjamin Constant prétend qu'il n'est lads l'auteur de la constitution tout entière. C'est jouer sur les mots. Sans doute il y eut plus d'un article modifié ou ajouté par l'empereur et par la commission, mais l'Acte additionnel dans son ensemble n'en est pas moins l'œuvre de Benjamin Constant.

[15] La nouvelle constitution est un hommage à votre sagesse. C'est, à quelques différences près, la Charte constitutionnelle Bonaparte a seulement devancé, avec sa pétulance accoutumée, les améliorations et les compléments que votre prudence méditait. Rapport au roi (Journal de Gand, n° 9).

[16] Articles 20, 23, 24, 25, 27, 32, 35, 39, 41, 54, 60, 61, 62, 64, 66. — Sismondi, dans son Examen de la Constitution française, a mis en parallèle tous les articles de la Charte amendés dans un sens libéral par l'Acte additionnel. A la vérité, cette brochure, qui parut d'abord par fragments dans le Moniteur, est un plaidoyer pour la constitution impériale. Mais les textes cités dans cet écrit n'en sont pas moins authentiques et probants.

[17] Benjamin Constant, Mémoires, II, 30-33, 56-63.

[18] Benjamin Constant, Mémoire sur les Cent Jours, II, 47-50, 54.

[19] Fleury de Chaboulon, Mémoires, II, 51. Cf. Mémoires de Fouché, II, 337-338. Il n'est pas douteux que des représentations dans ce sens n'aient été faites à l'empereur. Toutefois elles ne vinrent pas des membres de la commission de constitution. Benjamin Constant reconnait même (II, 46-47) que lui et ses collègues étaient partisans de ce mode rapide d'adoption afin de passer dans le plus bref délai possible de l'état de dictature au régime constitutionnel.

[20] Moniteur, 23 avril. Bulletin des Lois, 23 et 24 avril.

[21] Benjamin Constant, Mémoires, II, 70-71. Villemain, Souvenirs, II, 182-183. Fleury de Chaboulon, Mém., II, 64-65. Mémoires de Fouché, II, 337-338. Thibaudeau, X, 325-326. Esquisse sur les Cent Jours, 3-4. Une constitution et point de constitution, par Bouargue, ex-officier de Jemmapes. Défendez notre liberté, par Leroy. Considérations sur la Chambre des paires, par Barère. Observations à l'Empereur, par Ponsard, ex-législateur. Vœux d'un républicain, par Roger, etc., etc.

[22] Duc de Broglie, Souvenirs, I, 307.

[23] Fleury de Chaboulon, Mém., II, 69-70. Benjamin Constant, Mém., II, 70-72. Villemain, Souvenirs, II, 175, 180-184. Miot de Mélito, Mém., III, 420-421. Sismondi, Examen de la Constitution, 11. Mémoire à l'empereur sur les projets et les vœux du peuple français, par A. N. de Salvandy, ex-garde d'honneur, ex-mousquetaire noir. Observations critiques sur le Champ de mai, par le même. Opinion d'un Français sur l'Acte additionnel. Opinion sur les mesures à prendre, par H. Saint-Simon et Augustin Thierry. Opinion d'un homme libre sur la constitution proposée, par J. P. G. Viennet. La Constitution réformée, par un ami de son pays. Géraud, Journal intime, 202. Observations sur l'Acte additionnel, par Millier de Saint-Adolphe, etc., etc. Voir aussi le Censeur, n° VI, le Journal Général, 26 et 29 avril, le Censeur des Censeurs, n° 1, et les réfutations publiées dans le Journal de l'Empire, 27 avril, 1er et 6 mai.

[24] Sismondi, sincèrement rallié à l'empereur, démontra tout cela dans le Moniteur des 29 avril, 2, 6 et 8 mai, et dans la brochure : Examen de la Constitution. Mais il ne convainquit personne. Il suffisait que la défense de l'Acte additionnel parût dans le Moniteur pour qu'elle fût suspecte à l'opinion.

Villemain (Souvenirs, II, 179-180) et Lafayette (Mém., V, 419-420) reconnurent, une fois l'empire tombé, les grands mérites de l'Acte additionnel.

Mme de Staël agit différemment. Elle approuva, à sa publication, l'Acte additionnel (Lettre à Crawford, Dispatchs of Castlereagh, II, 336. Notes de Lucien, Arch. Aff. étr., 1815 : Mémoires du roi Joseph, X, 228. Grouchy à Davout, Chambéry, 4 mai, Arch. guerre) et le condamna plus tard dans les Considérations sur la Révolution (III, 142-143).

[25] Montlosier à Barante, 27 avril (Barante, Souvenirs, II, 141.)

[26] Benjamin Constant, Mém., II, 44-55. Dufey de l'Yonne, L'Europe et la France, 34. Lettre à un archevêque, par B. de Peyronet. Motif du vote négatif de Louis de Kergolay. Des Idées libérales des Français. Protestation de la grande majorité des Français. Géraud, Journal intime, 203. Le Censeur des Censeurs, n° 1, etc., etc.

[27] La Quotidienne (devenue la Feuille du jour), l'Indépendant, l'Aristarque, le Journal Général, la Gazette de France, 26, 27, 29 avril, 2, 3, 7, 11, 12, 15, 28 mai. — Le Journal des Débats (Journal de l'Empire) et le Journal de Paris approuvèrent l'Acte additionnel, mais le Nain Jaune, enfant terrible du parti bonapartiste, y fit d'assez vives critiques.

[28] L'acte additionnel ne remplit pas l'espoir du décret du 13 mars, mais les principes libéraux qui y sont contenus ne peuvent laisser aucun doute sur la loyauté de ses promesses. Réflexions d'un Français impartial. — L'Acte additionnel a des lacunes ; il a été fait trop vite, mais avec des amendements, il deviendra bon. Le Conciliateur, Appel à tous les Français. — L'hérédité des pairs est la preuve que l'empereur veut rendre ce corps indépendant. Les puissances alliées et la France, par Ed. Martin. — Je crois bonnes les bases de l'Acte additionnel, sauf l'hérédité de la pairie. Nos intérêts sont ceux de l'empereur, notre cause est la sienne. Sorti de nos rangs. Vis de la liberté, il ne peut plus exister que par elle. La patrie avant tout et que m'importe Napoléon Ier, par Lebrun-Tossa, etc., etc.

[29] Observations critiques sur le Champ de Mai, par A. N. de Salvandy. Lettre de Micaldo au nom de l'ordre de l'Eteignoir. Observations sur l'Acte additionnel, par Poulard. Des idées libérales des Français. Lettre à Napoléon, etc., etc.

[30] Villemain, Souvenirs, II, 180. Cf. Lenormand, Réflexions impartiales, 36.

[31] Napoléon, L'Ile d'Elbe et les Cent Jours (Correspondance, XXXI, 130).

[32] Correspondance des préfets, correspondance de police générale, notes de police, bulletins de Real, rapports des aides de camp en mission, du 23 avril au 30 mai. (Arch. nat., F. 7, 3740, F. 3774, F. 7, 32004, AF. IV, 1935, F1e, I, 26.) Lettres et rapports des commandants des divisions militaires et des commandants de gendarmerie, aux mêmes dates. (Correspondance générale. Arch. Guerre.) Notes de Rousselin de Saint-Albin (Collection Régis). — Dans ces nombreux documents, il est fort peu question de l'impression produite par l'Acte additionnel. Cette publication semble avoir laisse à peu prés indifférentes les masses populaires. Quelques préfets et officiers généraux, nommément les préfets de Rouen, de Quimper, de Chambéry et les généraux Rapp et Caffarelli, signalent seulement le mécontentement que causent les articles relatifs à la pairie héréditaire. Or, si les préfets et les policiers ne disent rien ou presque rien de l'effet de la nouvelle constitution sur l'esprit public, c'est que cet effet fut à peu prés nul, car ils ne manquent pas de relater tes moindres fluctuations de l'opinion et d'en donner les causes. Ainsi plus de vingt-cinq rapports du 8 au 15 mai signalent l'impression désastreuse produite sur l'opinion par la Déclaration du roi du 15 avril, portant que les Alliés ne feront la guerre qu'aux seuls partisans de Bonaparte. Quant aux inquiétudes et au mécontentement provoqués par les menaces de guerre et les levées d'hommes, à l'action néfaste des maires royalistes, à la tiédeur des fonctionnaires, ce sont des centaines et des centaines de fois que ces choses sont signalées.

[33] Fleury de Chaboulon, Mém., II, 71-72. — L'empereur avait même rédigé une proclamation aux Français pour se féliciter avec eux de ce grand acte. Il donna l'ordre de la brûler.

[34] Benjamin Constant fut nommé conseiller d'État par décret du 20 avril (Moniteur, 22 avril).

[35] Benjamin Constant, Mémoires, II, 72.

[36] Benjamin Constant, Mémoires, II, 35, 72-74. Cf. La Fayette, V, 424.

[37] Cf. La Fayette, Mémoires, V, 422-423. Boulay de la Meurthe, 260. Thibaudeau, X, 330-331. Esquisse historique sur les Cent Jours, 6.

[38] Décret du 30 avril (Moniteur, 1er mai).

[39] Oui, je suis très content, et j'aime à vous le dire, la convocation immédiate d'une assemblée me paraissant comme à vous l'unique moyen de salut. (Lettre à Benjamin Constant, Lagrange. 3 mai. La Fayette, Mémoires, V, 424.) — Si content qu'il fût, La Fayette n'en fit pas moins des réserves dans son vote sur l'Acte additionnel : Si je ne me refuse pas à le signer, écrivit-il, c'est parce que je compte pour le réformer et l'amender sur l'Assemblée représentative.

[40] D'après le décret du 22 avril, les registres devaient être ouverts deux jours après la réception du Bulletin des Lois (du 23 avril) et rester ouverts pendant dix jours, mais une lettre du préfet de Bordeaux du 29 mai (Arch. nat., F. 7, 3371) nous apprend qu'à cette date le vote n'était pas encore clos dans la Gironde.

[41] Constitution de l'an VIII : 3.011.007 votes approbatifs ; 1.562 votes négatifs. — Consulat à vie : 3.568.185 votes approbatifs ; 9.074 votes négatifs. Empire : 3.521.673 votes approbatifs ; 4.254 votes négatifs.

[42] Rapport à l'empereur, 6 juin. (Arch. nat., F1e, I, 26.)

[43] C'est ainsi qu'aussitôt après le retour de Louis XVIII, quelques royalistes de Bordeaux eurent l'attention d'imprimer dans une brochure ayant pour titre : Esprit de 93, les noms de tous ceux de leurs concitoyens qui avaient signé l'Acte additionnel.

[44] Ce sont les chiffres donnes par Fleury de Chaboulon (Mémoires, II, 100-101). La Fayette dit : 1.298.356 votes affirmatifs, et Villemain : 1.532.450. — Fleury ajoute que 11 départements sur 87 et 14 régiments n'envoyèrent leurs registres que postérieurement au dépouillement. Mais comme le Journal de l'Empire du 2 juin donne comme résultat du dépouillement 1.288.257 votes affirmatifs, il est présumable que Fleury fait entrer les votes non proclamés dans le chiffre de 1.532.527.

[45] Motif du vote négatif de Louis-Florian-Paul de Kergolay, Paris, 28 avril 1815, in-8° (Non content d'avoir inscrit sa protestation sur le registre des votes, Kergolay la fit, comme on voit, imprimer en brochure). Géraud, Journal intime, 215. Journal du Lys, n° 10.

[46] Bassano à Carnot, 28 avril. Carnot à Napoléon, 29 avril. Circulaire aux Préfets. 1er mai. (Arch. nat., F1e, II, 47, et F1a, 31.)

[47] Lettres diverses, anonymes ou signées, du 25 avril au 5 mai. (Arch. nat., F1e, I, 26.)

[48] Circulaire de Carnot aux Préfets, 4 mai. (Arch. nat., F1a, 31.)

[49] Duc de Broglie, Souvenirs, I, 304-305.