1814

LIVRE QUATRIÈME

II. — LA VICTOIRE DE REIMS. - INQUIÉTUDES DES ALLIÉS ET RALENTISSEMENT DE LEURS OPÉRATIONS.

 

 

L'armée impériale en retraite sur Soissons, l'armée de Macdonald en retraite sur Provins, l'armée d'Augereau en retraite sur Lyon, l'armée de Soult en retraite sur Toulouse, les conspirateurs de Bordeaux à la veille de proclamer Louis XVIII, Paris dans les angoisses, la régence dans le trouble, les plénipotentiaires de Châtillon prêts à rompre les négociations, il fallait être Napoléon pour ne pas se sentir accablé. Mais l'empereur ne connaissait point ces vains retours vers les événements où l'esprit se consume en sombres et énervantes réflexions, et y eût-il été accessible, que ses multiples et pressants devoirs de général en chef l'en eussent sauvé. Il trouvait dans l'action le souverain remède au découragement. Le 11 mars à trois heures et demie de l'après-midi, l'empereur rentrait à cheval dans Soissons[1] ; à quatre heures, il écrivait des ordres pour l'emplacement de troupes[2], et à cinq heures, il était sur les remparts, inspectant les travaux avec le jeune chef de bataillon Gérard, le nouveau gouverneur[3].

La journée du 12 mars fut employée à une réorganisation de l'armée. Quelques renforts étaient arrivés : deux mille quatre cents cavaliers des dépôts de Versailles, un millier de fantassins du 122e de ligne, des détachements d'artillerie, enfin le régiment de la Vistule à qui l'empereur venait de donner trente croix de la Légion d'honneur pour sa vaillante conduite dans la défense de Soissons[4]. Les corps de jeune garde de Ney et de Victor furent dissous. Les quatre divisions qui les composaient : Boyer de Rebeval, Charpentier, Meunier et Curial, ainsi que la division Porret de Morvan du corps de Mortier, formèrent deux nouvelles divisions de jeune garde, la première commandée par Charpentier, la seconde par Curial. Toutes deux passèrent sous les ordres du duc de Trévise qui, conservant la division de vieille garde de Christiani, se trouva avec trois belles divisions d'infanterie. Le commandement de Ney fut réduit à la brigade Pierre Boyer, augmentée du régiment de la Vistule et d'un bataillon du 122e de ligue. Des cavaliers des dépôts, on forma une division d'une brigade de grosse cavalerie (général Mouriez) et d'une brigade de cavalerie légère (général Curély). Le général Berckheim fut mis à la tête de cette division, appelée la division des escadrons réunis, qui forma avec les 2.000 dragons de Roussel le commandement du général Belliard. La vieille garde de Friant, la réserve d'artillerie et les trois divisions de la cavalerie de la garde : Colbert, Exelmans et Letort (ce dernier remplaçait La Ferrière amputé à Craonne) restèrent comme auparavant sous les ordres immédiats de l'empereur[5].

En réorganisant son armée, Napoléon ne savait encore où il allait la conduire[6]. Il était manifestement fort indécis, lorsqu'il apprit un événement qui pour tout autre eût été un coup de foudre mais qui pour lui fut un trait de lumière. Reims, qu'une petite garnison sous les ordres du général Corbineau occupait depuis le 5 mars, venait d'être repris par le comte de Saint-Priest, lieutenant de Langeron.

Arrivé le 27 février à Saint-Dizier avec une partie du 8e corps russe, Saint-Priest y avait séjourné d'après les ordres de Blücher, afin de rassembler les autres troupes venant du Rhin et de maintenir les communications entre la grande armée el l'armée de Silésie. Ayant appris le 4 mars que Blücher était serré de près par Napoléon et que Reins était menacé, il avait marché dans cette direction. Mais déjà la ville était au pouvoir des Français. Le général russe s'arrêta à Sillery, ajournant l'attaque de Reims jusqu'à l'arrivée des autres échelons du corps d'armée : la division Pantschulidsew et cinq mille hommes de landwehr prussienne commandés par le général Jagow. En attendant, quelques partis de Cosaques vinrent caracoler aux portes des faubourgs, et un parlementaire remit à la municipalité une sommation de rendre la ville sous menace d'incendie[7]. Bien qu'il n'eût avec lui que cent cavaliers, cinquante gendarmes et un millier de gardes nationaux placés dans les cadres de trois bataillons de la garde, Corbineau ne se laissa pas intimider. Les Russes se tinrent tranquilles jusqu'au 11 mars. Jagow et Pantschulidsew ayant alors rejoint Saint-Priest, celui-ci exécuta dans la nuit un coup de main sur Reims. La petite garnison, surprise et assaillie sur trois points à la fois et d'ailleurs manquant de cartouches, céda les portes de la ville. Les gardes nationaux se réfugièrent chez eux. Les cavaliers et les cadres, se frayant passage à l'arme blanche, gagnèrent Châlons-sur-Vesles où les Cosaques qui les poursuivirent furent sabrés par les gardes d'honneur du général Defrance[8].

L'occupation de Reims par les Russes rétablissait les communications entre la grande armée et l'armée de Silésie. C'était en cela un grave événement. Mais Napoléon, comme Bossuet l'a dit de Condé, savait profiter des infidélités de la fortune. À peine fut-il reçu cette nouvelle qu'il donna ses ordres. Le 12 mars, dès six heures du soir, Berthier écrivit à Marmont, qui après la surprise d'Athies s'était replié à Berry-au-Bac, puis à Roncy, puis à Fismes[9], lui enjoignant de partir le lendemain au petit jour pour se porter sur Reims. Vous formerez l'avant-garde, ajoutait Berthier ; l'empereur vous suivra avec une partie de ses troupes. Le petit corps de Ney, la division Friant, la cavalerie de la garde et la réserve d'artillerie, qui pour gagner Reims avaient à faire plus de soixante kilomètres, commencèrent leur mouvement dans la soirée et dans la nuit. L'empereur quitta Soissons de sa personne le 13 mars au lever du jour[10].

Le général de Saint-Priest, à qui les dépêches de Blücher, quelque peu exagérées, avaient annoncé la défaite totale des Français à Laon, où l'empereur avait sacrifié les restes de son armée[11], était sans aucune inquiétude. Voulant donner deux ou trois jours de repos à ses troupes, il les avait commodément mais imprudemment cantonnée ; de Beaumont à Rosnay, sur une longueur de vingt-six kilomètres[12]. Mais qu'avait-il à redouter ? Blücher n'affirmait-il pas que l'armée française était en pleine dissolution ?

Le 13 mars, dans la matinée, la cavalerie de Bordessoulle qui, réunie aux gardes d'honneur du général Defrance, formait l'avant-garde de Marmont, rencontra à un quart de lieue de Rosnay une patrouille de cavaliers ennemis ; ils tournèrent bride sans tirer un coup de carabine. Les lanciers français, les poursuivant, entrèrent au grand trot dans Rosnay où deux bataillons de landwehr prenaient tranquillement leur repas. Nombre de Prussiens furent sabrés avant de pouvoir saisir leurs armes ; les autres formés en carrés gagnèrent Orme, où ils se retranchèrent derrière les murailles du cimetière. Dans cette position, ils défiaient les charges des cavaliers, mais ayant bientôt vu déboucher l'infanterie de Ricard, ils se rendirent à discrétion. La résistance ne fut pas plus sérieuse, dans les autres villages, à Gueux où le général Jagow s'échappa sur un cheval non sellé, à Tillois où des fantassins, surpris au lit, combattirent nu-pieds et en chemise, raconte Bogdanowitsch. Les têtes de colonnes françaises purent ainsi s'avancer presque sans coup férir jusqu'à trois kilomètres de Reims. Là, Marmont fit faire halte, conformément aux instructions de l'empereur[13].

Les fuyards annoncent à Saint-Priest l'approche de l'armée française. Il reste incrédule. C'est une fausse alerte, un hurrah de partisans. Sa sécurité est complète, et il ne donne aucun ordre pour une concentration. Entre une heure et deux heures de l'après-midi, le général daigne sortir de Reims, et distinguant des canons sur le front des Français, il se décide à faire prendre position à ses troupes en avant de la ville. Immobilisé par l'attente de l'empereur, Marmont laissa les Russes et les Prussiens couronner les hauteurs de Sainte-Geneviève et s'y former sur deux lignes, la droite appuyée à la Vesle et à Tinqueux, la gauche s'étendant vers la Basse-Muire, la cavalerie couvrant les deux ailes. Si le comte de Saint-Priest eût cru à une attaque de Napoléon, il se fût dérobé, car il avait tout le temps pour se replier sur Berry-au-Bac ou sur Châlons ; mais abusé par l'inaction de Marmont, il s'imagina que les Français ne comptaient que quelques milliers d'hommes. Lui en avait quinze mille : ou l'ordre qu'il adoptait imposerait à cette poignée de soldats, ou ils se commettraient à une action et ils y seraient écrasés. Un des lieutenants de Saint-Priest, moins aveuglé que son général en chef, lui ayant demandé par où l'on se replierait au cas où l'on aurait affaire à Napoléon, il répondit avec un à-propos tout français : — Eh ! Monsieur, pourquoi songer à nous retirer puisque nous pourrons nous faire tuer ![14]

L'empereur arriva sur le terrain vers quatre heures. Il comptait tourner la position ; mais voyant que la droite de l'ennemi s'appuyait à la Vesle, dont les ponts étaient coupés, et que sa gauche s'étendait fort au loin, il se décida à une attaque de front. Les masses russes et prussiennes ébranlées par une violente canonnade, l'infanterie de Marmont s'avança en deux colonnes des deux côtés de la chaussée. Les lanciers et les cuirassiers de Merlin et de Bordesoulle, les chevau-légers et les gardes d'honneur de Colbert et de Defrance marchaient sur les ailes. Ney, Friant et Exelmans demeurèrent en réserve[15]. Au nombre des assaillants, et plus encore à la vigueur de l'attaque, le comte de Saint-Priest jugea que Napoléon était présent. Il commençait à donner des ordres pour la retraite, lorsqu'il fut atteint mortellement par un éclat de grenade qui lui brisa l'épaule. Russes et Prussiens, restés sans chef[16] et serrés de près, lâchent pied en désordre et se replient sur le faubourg de Vestes. Le 3e régiment de gardes d'honneur, le général Philippe de Ségur à sa tête, les y pousse et les y devance. Les gardes enlèvent une batterie, passent sur le ventre à un carré, et refoulent huit cents cavaliers, précipitant les uns dans les fossés de Reims, écrasant les autres contre la porte de ville. Eux-mêmes sont arrêtés par l'obstacle. Ils ne peuvent ni avancer ni reculer, pris entre le feu des tirailleurs postés sur les remparts et celui des masses russes qui battent en retraite, et qu'ils ont coupées et dépassées dans cette charge magnifique et folle. Le général de Ségur se voit avec soixante hommes, — car il a été suivi par un seul escadron[17], que le plomb a réduit de moitié, — au milieu de trois mille ennemis. Les gardes d'honneur se défendent désespérément. Atteint d'une balle à bout portant et de deux coups de baïonnette, Ségur parvient à se réfugier dans une masure en ruines ; il évite ainsi de rendre aux Russes son épée ensanglantée[18].

La nuit était venue. L'infanterie de Marmont enleva le faubourg, mais ni la sape ni le canon ne purent avoir raison de la maudite porte, une grille appuyée à un épaulement et couverte par un tambour de terre. On se battit là jusque passé onze heures. Pendant ces assauts, que soutenaient cinq régiments russes, le reste des troupes ennemies évacua la ville par les routes de Neufchâtel et de Berry-au-Bac, où elles eurent à repousser les charges de la cavalerie française[19]. Enfiévré par l'impatience, l'empereur se promenait autour d'un feu de bivouac, à quelques pas du faubourg. Il avait voulu prendre au filet dans Reims toutes les troupes de Saint-Priest, et il comprenait que la plupart s'échappaient[20]. Vers minuit, on pénétra enfin dans la ville où le combat continua jusqu'à deux heures du matin. L'empereur entra après les premières troupes d'infanterie, au milieu des cuirassiers de Bordessoulle, qui passaient au grand trot pour sabrer les Russes en retraite dans les rues. Soudain, dominant les détonations de la fusillade et le bruit des chevaux sur les pavés, éclatent mille cris de : Vive l'empereur ! Toutes les fenêtres s'éclairent. Ce sont les habitants de Reims qui illuminent pour la victoire de Napoléon pendant qu'elle s'achève. Ce n'étaient que lumières, dit le capitaine Coignet ; on aurait pu ramasser une aiguille. La foule s'amasse autour de l'empereur et le conduit en triomphe à l'hôtel de ville, où parmi les notables il reconnaît le général Corbineau, resté déguisé dans la ville après l'entrée des Russes[21].

Le lendemain matin, l'empereur fit appeler Marmont qu'il n'avait point revu depuis le désastre d'Athies. Dans son rapport, le maréchal avait tenté de se disculper ; mais les faits étaient là qui le condamnaient. Dès que Napoléon l'aperçut, il s'emporta en reproches qui, dit Fain, n'entrèrent peut-être que trop avant dans le cœur du maréchal. Bientôt les sentiments que l'empereur avait toujours portés à son ancien aide de camp reprirent le dessus, et il lui parla comme un maître dans l'art de la guerre qui relève les fautes d'un de ses élèves de prédilection. Il finit par le retenir à sa table[22]. Au reste, la conduite de Marmont dans le combat de Reims, où ses troupes seules et la cavalerie de Colbert et de Defrance avaient été engagées, méritait qu'on oubliât, pour ce jour-là du moins, sa coupable négligence à Athies. C'était une victoire complète ; quatre mille fantassins et quatre mille cavaliers avaient culbuté quinze mille ennemis et leur avaient pris une ville, enlevé douze canons, fait plus de trois mille prisonniers, tué ou blessé plus de trois mille hommes. Les Français n'avaient perdu que sept cents combattants[23].

La prise de Reims, qui était d'ailleurs d'une haute importance stratégique puisqu'en occupant cette ville l'empereur s'établissait sur la ligne de communication des deux armées ennemies, eut un très grand effet moral. Non seulement la victoire du 13 mars raffermit les courages et fit renaître les espérances parmi les troupes françaises, mais les Coalisés en furent déconcertés et terrifiés. Cette armée de Napoléon, que Blücher disait avoir anéantie, venait avec la rapidité de la foudre écraser le corps de Saint-Priest et menacer de ses coups le flanc des Austro-Russes. La Franco enfantait-elle donc sans cesse de nouveaux bataillons, ou ces grenadiers et ces dragons s'étaient-ils par miracle relevés du champ de carnage ?

Blücher fut le premier à s'effrayer. Après avoir perdu les deux jours qui avaient suivi la bataille de Laon, il s'était enfin décidé à profiter de sa peu glorieuse victoire. Le 13 mars, toutes les troupes reprirent l'offensive. Sacken s'avança sur Soissons, York sur Berry-au-Bac, Kleist sur Pontavaire, Bülow sur Noyon et Compiègne. Un engagement assez vif eut lieu à Crouy entre les Russes et une division de Mortier, qui couvrait Soissons[24]. Mais le lendemain, 14 mars, Blücher à la nouvelle de la reprise de Reims rappela ces différents corps, qui se concentrèrent entre Laon et Corbény[25]. L'ordre de retraite ne parvint pas à temps à l'avant-garde de Bülow qui arriva sous les murs de Compiègne. Au reste, elle ne tarda pas non plus à regagner Laon. Sommé de se rendre, le major Otenin, commandant de Compiègne, avait fait au parlementaire cette courte réponse où l'ironie française s'allie à la fermeté spartiate : Je rendrai la place quand Sa Majesté l'empereur Napoléon m'en aura donné l'ordre[26].

A demi aveuglé par l'ophtalmie, brûlé et affaibli par une fièvre ardente, le feld-maréchal Blücher craignait tout. Il craignait — et Gneisenau, Bülow, Langeron, craignaient comme lui —, soit une reprise d'attaque de Napoléon par Berry-au-Bac, soit un mouvement sur ses derrières par Rethel et Montcornet, car le bruit courait chez les Alliés que les garnisons des places fortes étaient en route pour rejoindre l'armée impériale[27]. Ce terrible Napoléon, dit Langeron[28], on croyait le voir partout. Il nous avait tous battus, les uns après les autres ; nous craignions toujours l'audace de ses entreprises, la rapidité de ses marches et ses combinaisons savantes. À peine avait-on conçu un plan qu'il était déjoué par lui.

Blücher redoutait aussi une levée en masse des paysans, appelés aux armes par les décrets de Fismes[29]. En vain, il avait répondu à ces décrets par des pillages en règle, par l'incendie du village d'Athies, par une proclamation portant que tout attroupement dans une commune entraînerait la destruction du village et que tout paysan pris les armes à la main serait puni de mort[30], ces exécutions militaires et ces menaces ne le rassuraient point, pas plus qu'elles ne semblaient intimider les campagnards. Les embuscades, les attaques de convois, les meurtres dans les fermes isolées continuaient, tout comme si Blücher n'eût point parlé. Le lendemain de sa proclamation, les paysans de l'Oise avaient fait la conduite à coups de fusil aux soldats de Bülow qui regagnaient Laon[31].

Le vieux maréchal avait encore une autre appréhension. Depuis le commencement de mars, Bernadotte était à Liège et il y restait avec vingt-trois mille Suédois sans faire un pas en avant. Blücher s'imaginait que le prince de Suède n'attendait qu'un signe de Napoléon pour tomber sur les derrières de l'armée de Silésie[32]. Sans doute, Bernadotte avait reçu un émissaire du roi Joseph[33] et, bien que rien n'eût été arrêté dans ces pourparlers, la fidélité de leur nouvel allié était devenu suspecte aux Coalisés[34]. Sans doute le prince de Suède, dépité qu'on lui eût retiré le commandement des corps de Bülow et de Winzingerode, et peu jaloux d'entrer l'épée à la main dans son ancienne patrie, où il gardait le secret es-voir d'être appelé comme souverain, s'était décidé à ne point franchir la frontière. Par une distinction un peu subtile, il estimait que les Français oublieraient que le prince de Suède les avait combattus sur les bords de l'Elster, si Bernadotte s'abstenait de les combattre sur les bords de la Seine. Toutefois les craintes de Blücher étaient chimériques. Il était déraisonnable de compter sur la coopération des Suédois, puisque Bernadotte avait écrit aux Alliés : Je suis dans l'impossibilité de faire aucun mouvement actif et ne me trouve point en position d'aller relever personne'[35]. Mais de là à redouter une attaque, il y avait bien loin. Trop habile pour se compromettre en agissant offensivement soit pour la Coalition, soit pour la France, Bernadotte ne cherchait qu'à se réserver en attendant que les armes eussent décidé. Si la victoire se déclarait pour les Alliés, il resterait prétendant au trône de France, alléguant auprès des souverains, comme excuse à son inaction, ses scrupules à envahir le pays où il était né et où il aspirait à régner. Si au contraire la France était victorieuse, il se ferait mérite de sa neutralité pour obtenir quelques compensations en Finlande. Quoi qu'il en fût, la conduite de Bernadotte inquiétait fort Blücher, et se regardant avec raison comme invincible dans sa forte position de Laon, il ne pouvait se résoudre à la quitter[36].

Si la nouvelle de la prise de Reims arrêtait net l'audacieux Blücher, à plus forte raison ce coup de main de Napoléon devait-il immobiliser le très circonspect Schwarzenberg. Déjà du 5 au 11 mars il avait opéré avec sa lenteur accoutumée. Maître de Troyes dès l'après-midi du 4 mars, il s'était borné les jours suivants à porter ses troupes à Romilly, à Trainel et à Montigny, poussant ses avant-gardes sur Nogent. Bray et Sens, mais laissant ses réserves à Chaumont[37]. Sans égard pour les impatiences, les conseils, les objurgations du czar qui, dès le lendemain du combat de Bar-sur-Aube (28 février), avait voulu que l'on marchât incontinent sur les derrières de Napoléon, et sans souci des railleries et des critiques des états-majors russes et prussiens, le prince de Schwarzenberg agissait comme s'il eût devant lui une armée double de la sienne. Deux plans s'offraient à lui : ou culbuter avec ses cent mille hommes les trente mille soldats de Macdonald et pousser droit sur Paris ; ou laisser quelques divisions pour contenir ce maréchal et marcher dans le dos de Napoléon, de façon à l'écraser entre les masses de l'armée de Bohême et celles de l'armée de Silésie. Que Schwarzenberg prît l'un ou l'autre parti, il devait dans les deux cas terminer la campagne rapidement et glorieusement. Mais sans parler de prétendues raisons d'ordre politique[38], des considérations militaires empêchaient Schwarzenberg de prendre une offensive aussi marquée. Il était sans nouvelles de Blücher[39]. Or si le feld-maréchal avait été battu, c'était aller au-devant d'une défaite que s'avancer contre Napoléon vainqueur de l'armée de Silésie. Je n'ai point de nouvelles, écrivait Schwarzenberg, et j'avoue que je tremble. Si Blücher essuie une défaite pourrai-je livrer bataille moi-même, car si je suis vaincu, quel triomphe pour Napoléon et quelle humiliation pour les souverains de repasser le Rhin à la tête d'une armée battues ![40] Quant à marcher sur Paris, Schwarzenberg estimait que c'était aussi se compromettre, tant qu'on n'aurait pas reçu de renseignements sur les opérations engagées entre la Marrie et l'Aisne, car on s'exposerait à une attaque de flanc de Napoléon. De plus, les vivres commençaient à devenir rares. Dans un mouvement sur Paris qui, en allongeant la ligne-manœuvre, en rendrait la garde plus difficile contre les attaques des partisans et des paysans français, on risquerait que les vivres manquassent tout à fait[41]. Ces considérations n'eussent sans doute pas arrêté un soldat résolu et entreprenant, mais Schwarzenberg n'était guère résolu et moins encore il était entreprenant.

Aussi heureux que surpris de cette trêve accordée par l'ennemi, Macdonald en profitait pour réorganiser et reposer ses troupes, dont plusieurs chefs étaient fort découragés. Je ferai tous mes efforts, écrivait-il à Clarke, pour remplir l'attente de l'empereur. Mon zèle n'a pas besoin de stimulant. Je voudrais pouvoir en souffler à tant d'autres qui n'en ont pas. Chaque soir, le duc de Tarente s'attendait à une attaque pour le lendemain, et la journée qui s'annonçait menaçante se passait tranquille[42].

Le 11 mars seulement, Schwarzenberg se décida à débusquer Macdonald de la rive droite de la Seine. Le 12 et le 13 furent employés à des mouvements préparatoires. Enfin le 14, tandis que Wrède bombardait Bray ; que Gyulai et le prince héritier de Wurtemberg occupaient en forces Sens et Nogent, l'infanterie de Rajewsky, ayant traversé la Seine à Pont, s'avança sur Villenoxe, menaçant la gauche des Français. Les gardes et réserves vinrent à Lesmont[43]. Le soir du 14 Schwarzenberg reçut une dépêche du général de Saint-Priest, datée de Sillery, 11 mars, annonçant la victoire de Blücher à Laon et la retraite de Napoléon sur Soissons[44]. La nouvelle était de nature à encourager les Austro-Russes. Aussi le 15 et le 16 mars prirent-ils une vigoureuse offensive. Mais les Français tinrent bon et gardèrent presque toutes leurs positions. Macdonald, voyant cependant sa gauche débordée, jugea qu'il y aurait imprudence à continuer de défendre le passage de la Seine. Il ordonna à Amey d'évacuer Bray et à Gérard de se replier sur Provins. Le 16 mars, Macdonald se regardant même comme très menacé autour de cette ville, fit exécuter un nouveau mouvement rétrograde à toutes les troupes et vint prendre position en arrière de Provins. La droite de son infanterie occupa Donnemarie, la gauche Cucharmois, couvrant Nangis et la route de Paris ; toute sa cavalerie se massa à Rouilly, de façon à barrer la route de la Ferté-Gaucher. Il écrivit au ministre de la Guerre : Je suis débordé par ma gauche et obligé d'évacuer Provins pour couvrir Nangis. Je défendrai le terrain pied à pied, Mais j'ai un pressant besoin de secours[45].

Le duc de Tarente n'avait plus rien à redouter de l'ennemi. Le 16 mars au soir, à l'heure même où il faisait rétrograder ses troupes, le prince de Schwarzenberg, qui avait appris le combat de Reims et que d'autres rapports informaient de la présence d'un parti français près de Châlons, donnait à ses corps d'armée l'ordre d'arrêter leur mouvement offensif[46]. Cette lettre d'un aide de camp du czar, nommé Bock, attaché à l'état-major de Rajewsky, témoigne de l'irritation que causa aux Russes ce brusque arrêt : Si la bêtise autrichienne n'est pas raisonnée (ce que je crains), les leçons terribles et ridicules à la fois que nous forçons l'ennemi de nous donner feront enfin ouvrir les yeux à cette malheureuse verdure ou plutôt ordure viennoise. Je suis enragé de ce que nous faisons et surtout de ce que nous ne faisons pas[47]. Le fougueux Bock aurait sans doute été moins enragé de ce que l'on faisait et surtout de ce que l'on ne faisait pas s'il eût su que Napoléon arrivait à marches forcées pour prendre en flanc la grande armée dont les différents corps se trouvaient échelonnés sur une ligne de plus de vingt lieues.

 

 

 



[1] Manuscrit de Périn. Arch. de Soissons.

[2] Correspondance de Napoléon, 21 462 ; Registre de Berthier (ordres de Soissons, 11 mars, 4, 5 et 6 heures du soir). Arch. de la guerre.

[3] Manuscrit de Périn. Arch. de Soissons.

Le 6 mars, l'empereur pressentant l'évacuation prochaine de Soissons par les Russes avait écrit de Berry-au-Bac au ministre de la guerre pour que la garnison qui occupait cette ville au moment de la capitulation se tint prête à y rentrer au premier ordre. L'empereur ajoutait : Envoyez-y pour commandant non une ganache et un homme usé comme Moreau, mais un jeune homme, chef de bataillon ou colonel, qui ait sa fortune militaire à faire (Correspondance, 21 150). Cette fois Clarke eut la main heureuse. Le commandant Gérard allait défendre avec la plus rare énergie la place de Soissons, et n'en ouvrir les portes, sur les ordres du gouvernement français, que le 15 avril, neuf jours après l'abdication. Rapports de Gérard. Arch. de la guerre, et manuscrits de Périn et de Brayer. Arch. de Soissons.

Il est curieux Je rappeler que le commandant Gérard fut bien secondé par le sous-préfet, un jeune auditeur nommé Harel, celui-là même qui, après avoir assiste, en payant de sa personne, aux assauts de Soissons, devait plus tard, comme directeur de la Porte Saint-Martin, remporter les grandes victoires romantiques de la Tour de Nesle et de Marie Tudor.

[4] Moniteur du 14 mars.

[5] Registre de Berthier (ordres et lettres du 12 an 15 mars). Correspondance de Napoléon, 21 475, 21 476. Registre de Belliard (12-15 mars). Situations des 12 et 15 mars. Arch. de la guerre et Arch. nat., AF., IV, 1670.

Le général Sébastiani reçut le commandement supérieur des trois divisions de cavalerie de la garde. — La division des escadrons réunis n'étai le 12 mars que la brigade des escadrons réunis. Ce fut seulement le 15 mars que, de nouveaux renforts étant arrivés, on put former une division de 2.400 chevaux. Registre de Bernard (à Curély, 15 mars). Arch. de la guerre. Mémoires de Curély, 395.

[6] D'après Fain (p. 174), Napoléon allait, dans la nuit du 12 au 13 mars, se mettre en marche pour revenir sur la seine par la route de Soissons à Château-Thierry. Il n'y a pas trace d'ordres relatifs à ce mouvement ni dans la Correspondance de Napoléon, ni dans le registre de Berthier, ni dans la correspondance militaire des Archives de la guerre. Tout au contraire, Napoléon écrivait le 10 mars à Joseph : ... Je vais me rapprocher de Soissons, mais jusqu'à es que j'aie pu engager cette armée (l'armée de Blücher) dans une affaire qui la compromette de nouveau, il est difficile que je me porte ailleurs. Correspondance, 21 460.

[7] Lettres de Saint-Priest à Wolkonskv et au czar, 2 mars et 7 mars, citées par Bogdanowitsch, I, 358-360, 512-513. Sommation signée : Saint-Priest, 9 mars, 11 heures du matin. Arch. nat., AF., IV, 1670.

[8] Cf. Corbineau à Napoléon, Reims, 5 mars. Arch. nat., AF., IV, 1670. Rapport du major des voltigeurs de la garde, Châlons-sur-Vesles, 12 mars ; Rapport de Defrance, Châlons-sur-Vesles, 12 mars. Arch. de la guerre. Lettre de Saint-Priest au czar, Reims, 12 mars, citée par Bogdanowitsch, 1, 360,

[9] Clarke à Marmont, 10 mars, et Marmont à Clarke, 11 mars et 12 mars. Arch. de la guerre. — Le 11, Marmont avait commis la faute grave d'abandonner Berry-au-Bac malgré l'ordre formel du ministre de la guerre et contrairement aux intentions de Napoléon.

[10] Registre de Berthier (à Marmont, Ney, Drouot, Sébastiani ; Soissons, 12 mars, 6 et 8 heures du soir). Cf. Correspondance de Napoléon, 21 475, 21 477.

[11] Proclamation de Blücher, Laon, 11 mars. Arch. de Laon.

[12] Plotho, III, 352 ; Bogdanowitsch, I, 362, 364.

[13] Sébastiani à Berthier, Gaucherie, 13 mars, 1 heure et quart. Arch. de la guerre. Mémoires de Marmont, VI, 216 ; Mémoires de Ségur, VII, 13, 14 ; Bogdanowitsch, I, 364. Registre de Berthier (à Marmont, Soissons, 12 mars, 8 heures du soir). Arch. de la guerre.

[14] Bogdanowitsch, Geschichte des Feldzugs 1814, I, 365-366.

[15] Mém. de Marmont, VI, 217 ; Mém. de Ségur, VII, 16 ; Moniteur, 16 mars.

[16] D'après Bogdanowitsch (I, 317), le général Pantschulidsew, le plus ancien en grade, s'était blessé le matin, et le général Emmanuel était allé lui-même au fort du combat le chercher dans Reims, — singulière façon d'agir, assurément ! Ainsi Jagow restait seul à la gauche, ne recevant plus d'ordres et hésitant à en donner. — Selon les rapports russes, Saint-Priest mourut à Laon où il avait été transporté.

[17] Les autres escadrons du 3e régiment n'avaient pu percer à la suite du premier les masses russes qui s'étaient aussitôt reformées. Ségur accuse Bordessoulle d'être resté immobile au lieu d'appuyer avec ses 1.800 sabres la charge des gardes d'honneur.

[18] Mémoires de Ségur, VII, 18-27. Cf. Mémoires de Marmont, VI, 215 ; Moniteur du 16 mars. — D'après Marmont, le général de Ségur aurait été fait prisonnier et échangé le lendemain. Bien que Ségur, toujours éloquent, ne soit pas toujours exact, son témoignage doit primer dans cette circonstance celui du duc de Raguse, d'autant que le brave général donne des détails sur le bivouac de l'empereur dans la nuit, détails confirmés par Coignet, et qui naturellement Ségur n'aurait pu voir s'il eût été prisonnier.

[19] Mémoires de Marmont, VI, 218 ; Rapports du général Pantschulidsew Wolkousky, 15 mars, cités par Bogdanowitsch, I, 366, 368 ; Plotho, III, 335.

[20] Mémoires de Ségur, VII, 28-29 ; Cahiers du capitaine Coignet, 376-377.

[21] Coignet, 378 ; Koch, I, 441 ; Fain, 175-176 ; Bogdanowitsch, I, 368.

[22] Fain, 176. Cf. Mémoires de Marmont, VI, 218. — Marmont ne parle naturellement pas des reproches de Napoléon. Il dit seulement qu'il vit l'empereur le 14 dans la matinée et qu'ils causèrent de dispositions générales pour la suite de la campagne. D'après one tradition, Marmont se serait jeté aux genoux de l'empereur. Le récit de Fain est le plus vraisemblable.

[23] Cf. Rapport de Lallemend à Berthier, Reims, 11 mars. Arch. de la guerre. Registre de Larrey ; Bogdanowitsch, 1.369 ; Schels, XII, 2e partie, 149 ; Plotho, III, 336 ; Correspondance de Napoléon, 21 478 ; Moniteur du 16 mars. — D'après le Moniteur, on aurait pris 22 canons et fait 5.000 prisonniers en ne perdant pas 100 hommes. Les auteurs russes et allemands avouent plus de 2.300 tués ou blessés, et quatre bataillons entièrement prisonniers dès le début de l'action, sans compter les prisonniers faits pendant la bataille et la retraite.

L'empereur affecta d'être particulièrement frappé de la mort du transfuge Saint-Priest, tombé, comme Moreau à Dresde, sous un boulet français. Le général Saint-Priest, écrivit-il le 14 mars au roi Joseph, a été blessé mortellement ; on l'a amputé d'une cuisse. Ce qu'il y a de remarquable, c'est que Saint-Priest a été blessé par le même pointeur qui a tué le général Moreau. C'est le cas de dire : Ô Providence ! ô Providence ! Le Moniteur du 16 mars mentionna ce fait prétendu providentiel. Seulement, le comité institué pour la surveillance et la rédaction des journaux, jugeant sans doute que le même pointeur était trop dire, fit mettre : la même batterie.

[24] Ordre de Blücher, Laon, 12 mars, cité par Plotho, III, 351 ; Müffling, Aus meinem Leben, 146 ; C. de W., II, 120 ; Registre de Belliard (14 mars) ; Mortier à Berthier, Soissons, 14 mars. Arch. de la guerre.

[25] Ordre de Blücher, Laon, 14 mars, cité par Plotho, III, 355 ; Bogdanowitsch, II, 101 ; Schels, I, 220. Registre de Belliard (16 mars) ; Mortier à Berthier, Soissons, 16 mars. Arch. de la guerre. — L'ennemi, écrit Mortier, me parait en pleine retraite et se retire sur Laon.

[26] Rapports d'Otenin, Compiègne, 13 et 16 mars. Arch. de la guerre, et Arch. nat., AF., IV, 1670. — Ce brave officier fut tué sous Compiègne, le 1er avril, dans une sortie.

[27] Müffling, Aus meinem Leben, 147.

[28] Mémoires de Langeron. Arch. des Aff. étrangères, Russie, 25.

[29] Müffling, Aus meinem Leben, 147. Mémoires de Langeron.

Ces décrets célèbres furent publiés dans le Moniteur du 7 mars. Le premier porte : Art. 1er.... Tous les citoyens sont requis de courir aux armes, de sonner le tocsin quand ils entendent approcher le canon de nos troupes, de se réunir, de parcourir les bois, de rompre les ponts, d'attaquer les flancs et les derrières de l'ennemi. — Art. 2. Chaque citoyen français prisonnier de guerre qui serait exécuté sera immédiatement vengé, par représailles, par la mort d'un prisonnier ennemi. Le second décret est ainsi conçu : Tous les maires, fonctionnaires publics et habitants qui, an lieu d'exciter l'élan patriotique du peuple, le refroidissent ou dissuadent les citoyens d'une légitime détense seront considéré, comme traitres et jugés comme tels.

Napoléon à qui répugnaient les exécutions militaires et qui ne pensait pas que l'on pût décréter des élans de patriotisme, avait voulu par ces deux décrets moins se procurer une ressource militaire qu'épouvanter l'ennemi (Fain, p. 162). Les proclamations et les ordres du jour de Blücher et de Schwarzenberg témoignent que pour ce dernier point les décrets de Fismes atteignirent bien leur bat. Quant à leur effet réel sur les populations rurales, il ne parait pas qu'il fat aussi nul que le prétend Fada. Sans doute les paysans qui étaient décidés à se défendre n'avaient peint attendu la publication des décrets de Fismes pour prendre le fusil et la fourche. On a vu, au chapitre Ier de 1814, que dès les premiers jours de février les campagnes étaient sorties de leur torpeur. Mais à dater des décrets les documents signalent une recrudescence de patriotisme actif en Champagne, en Bourgogne et en Lorraine. Cf. Allix à Clarke, 9, 11, 16, 23 mars ; Viviot à Commandant de Châlons, 15 mars ; Rapports imprimés, 10 et 15 mars, etc. Arch. de la guerre ; Otenin à Clarke, 16 mars ; Heerlen à Drouot, 26 mars ; Rapport de Drouet, s. d. (vers le 21 mars), etc., etc. Arch. nat., AF., IV, 1470.

[30] Arrêté de Blücher, Laon, 13 mars. Proclamation de Blücher aux Français, Laon, 13 mars. Placard signé du préfet provisoire de Laon, Laon, 14 mars. Arch. de Laon.

Le 10 mars, Schwarzenberg rendait une ordonnance analogue, en vertu de laquelle chaque habitant ayant agi offensivement devait être fusillé dans les vingt-quatre heures et chaque village ou on aurait sonné le tocsin, pillé d'abord et brûlé ensuite. Chose vraiment digne de mémoire, Schwarzenberg commençait sa proclamation par ces mots : Français, on vous excite à la rébellion.

[31] Rapport d'Otenio, Compiègne, 16 mars. Arch. nat., AF. IV, 1670.

[32] Müffling, Aus meinem Leben, 147. Cf. Mémoires de Longeron. Arch. des Aff. étrangères.

[33] Correspondance de Napoléon, 21 367 ; Correspondance du roi Joseph, X, 164.

[34] Les Mémoires de Langeron et la lettre du baron Shruseinarck adressée de Liège le 20 mai L l'état-major des souverains et saisie par les coureurs français (Arch. nat., AF., IV, 1668) sont, entre autres documents, de Ars témoignage des suspicions qui régnaient chez les Alliés conne Bernadotte. — Langeron va même jusqu'à dire que Bernadotte était en correspondance avec le général Maison, son ancien camarade, qui lui proposait de se joindre à lui pour tomber sur les derrières des Alliés. Et Longeron ajoute : Certainement Bernadotte l'eût fait ai nous eussions essuyé quelque échec.

[35] Lettre de Bernadotte à Blücher, citée par Damitz, III (Annexes), 474. Cette lettre est du 18 mars, mais il y est fait allusion à une lettre antérieurement écrite dans ce sens aux souverains alliés.

[36] Müffling, 142 ; Mémoires de Langeron. Arch. des Affaires étrangères.

[37] Ordres de Schwarzenberg des 4 au 9 mars, cités par Plotho, III, 252-256. Cf. Schels, II, 110-124 ; Bogdanowitsch, II, 9-13. — Nogent avait été évacué le 6 mars par l'arrière-garde de Macdonald, qui s'était retirée sur la rive droite de la Seine, en face de cette ville.

[38] Bernhardi (IV, 419-420) et d'autres historiens ont attribué les perpétuelles temporisations de Schwarzenberg à sa déférence pour de secrètes instructions de son souverain. L'empereur d'Autriche, prétendent-ils, ne voulait pas détrôner son gendre. Or, si Schwarzenberg eût pris Paris ou écrasé Napoléon, la déchéance était inévitable. Une victoire décisive des Autrichiens eût donc été, en réalité, à l'encontre des vues de l'empereur François. Ce qu'il fallait, c'était que la grande armée ne se compromit pas et s'affaiblit le moins possible, afin que l'Autriche restât l'arbitre de la paix. Nous ne nions pas que ces gnoses aient été dites, en février et en mars 1814, dans les états-majors russes et prussiens, mais il ne faut accorder que bien peu de créance à ces propos par lesquels les officiers de Blücher et d'Alexandre cherchaient à expliquer les lenteurs de Schwarzenberg. Si les intentions secrètes de l'empereur François étaient de laisser Napoléon régner sur la France, ces intentions étaient bien secrètes en effet, puisque ce souverain ne fit rien pour les marquer et encore moins pour les faire prévaloir. Sana doute la majorité des officiers autrichiens ne tenaient pas à continuer la guerre et manifestaient même des sympathies pour Napoléon. (Lettres de Flahaut à Napoléon, 25, 26, 26 février. Arch. nat., AF., IV, 1669. Rapports d'officiers français chargés d'escorter les courriers anglais, 1er mars et 5 mars. Arch. de la guerre ; etc.) Mais l'empereur d'Autriche qui disait si bien : L'expérience des siècles a prouvé combien chez les puissances les rapports de famille sont subordonnés aux intérêts des Etats, était sur tous les points en parfaite communauté avec Metternich et avec Schwarzenberg. Or les Mémoires de Metternich prouvent que non seulement dès Langres, non seulement dès Francfort, mais dès Prague, ce ministre poursuivait le but de détrôner l'empereur. Pour Schwarzenberg, est-il admissible qu'il voulût ménager Napoléon, celui qui, au commencement de 1813, parlait du divorce de Marie-Louise qui, le 13 février, alors que le congrès de Châtillon n'en était encore qu'à sa deuxième séance, poussait les avant-gardes autrichiennes jusqu'à Fontainebleau, qui le 27 février ne faisait rien pour la conclusion de l'armistice que lui-même avait mendié et qui enfin, le 29 mars, écrivait la fameuse proclamation bourbonienne ? Il faut bien remarquer que si Schwarzenberg avait le 10 février des instructions de son souverain de ne point passer la Seine, il ne s'y tenait pas, puisqu'il prescrivait le 13 février à Wrède et à Wiggenstein de se porter sur Provins et Nangis. C'était bien là passer la Seine. — Au reste les deux lettres que nous citons plus bas suffisent à témoigner que la cause des temporisations de Schwarzenberg était purement et simplement la peur d'être battu.

[39] Les Cosaques de Platow et Kaizarow avaient bien été envoyés le 27 février dans la direction de Sézanne et de Châlons afin d'assurer les communications entre les deux armées ; mais ils n'y avaient point réussi et n'avaient pu obtenir aucun renseignement. Le 10 mars seulement, Kaizarow écrivit à Schwarzenberg que l'armée de Napoléon occupait le terrain entre l'Aisne et la Vesle, de Reims à Soissons, et que toute communication avec Blücher était interrompue. (Rapport de Kaizarow, 10 mars, cité par Bogdanowitsch, 293). C'étaient là des nouvelles peu précises et peu rassurantes.

[40] Lettre de Schwarzenberg, 12 mars, cité par Thielen, 243. Cf. la lettre de lord Burgbesh à lord Castlereagh. .... Schwarzenberg a une terreur de se battre, il veut se replier, il dit que seules les victoires de l'armée de Silésie peuvent le sauver. Correspondance de Castlereagh, V, 366.

[41] Cf. Schels, I, 112-113 ; Bogdanowitsch, II, 10.

[42] Macdonald à Clarke, 6, 7, 8, 9 et 10 mars. Arch. de la guerre.

[43] Ordres de Schwarzenberg, 10, 11 et 13 mars, cités par Plotho, III, 256, 302-305.

[44] Dépêche de Saint-Priest, Sillery, 11 mars, cité par Schels, II, 262-263.

[45] Ordres et lettres de Macdonald et de Grundler, Sordun, Provins et Vullaines, 15, 16 et 17 mars. Arch. de la guerre et Arch. nat., AF., IV, 1670.

[46] Ordre de Schwarzenberg du 16 mars, cité par Schels, II, 285-256. Cf. Bernhardi, IV, 7e partie, 239-240.

[47] Lettre de Pock à Toll, Saint-Martin-de-Chenestron, 17 mars, citée par Bernhardi, IV, 2e partie (Annexes), 422.