1814

LIVRE PREMIER

LA FRANCE AU COMMENCEMENT DE 1814.

 

 

Après toutes les gloires, c'étaient tous les désastres. La France de Napoléon, cotte France qui avait compté cent trente départements, dont le département du Léman, chef-lieu Genève, le département de Rome, chef-lieu Rome, le département du Zuiderzee, chef-lieu Amsterdam, le département des Bouches-de-l'Elbe, chef-lieu Hambourg, et qui avait eu pour tributaires l'Italie, le royaume de Naples, l'Illyrie, l'Espagne et la Confédération du Rhin, c'est-à-dire : les duchés de Berg, de Hesse, de Bade, le Wurtemberg, la Bavière, la Westphalie, la Saxe et la moitié de la Pologne, la France, son vaste empire démembré et ses armées partout repoussées, voyait l'ennemi, — l'Europe entière, — à l'est, au pied des Vosges et du Jura, au sud, en deçà des Pyrénées. La France envahie, épuisée d'hommes et épuisée d'argent, revivait les jours sombres de l'hiver de 1709. Sous Louis XIV, elle avait connu ces terribles lendemains de victoires, ces retours soudains et farouches de la fortune lassée.

Du steppe de Mojaïsk aux hôpitaux de Mayence, des milliers et des milliers de cadavres marquaient la route suivie par la Grande Armée. En 1812, 175.000 Français avaient passé le Niémen ; en 1813, 400.000 conscrits avaient passé le Rhin ; et, dès l'automne de cette année 1813, de nouveaux décrets appelaient encore 796.000 hommes sous les armes[1]. Le blocus continental, les champs en friche, les fabriques fermées, l'arrêt complet des affaires et des travaux publics, la retenue de 25 pour 100 sur tous les traitements et pensions non militaires[2], l'énorme augmentation des impôts[3], avaient amené la gêne chez les riches, la misère chez les pauvres. La rente était tombée de 87 francs à 50 fr. 50 ; les actions de la Banque, cotées jadis 1.430 francs, valaient 715 francs ; le change sur les billets était de 12 pour 1000 en argent, de 50 pour 1000 en or. Le numéraire était si rare qu'on avait dû suspendre jusqu'au ter janvier 1815 la loi qui fixait l'intérêt à 5 et 6 pour 100 ; chacun pouvait prêter au taux qu'il voulait[4]. À Paris, sauf les denrées alimentaires, et quelques bonbons le premier de l'an, rien ne se vendait[5]. En province, les armateurs avaient leurs bâtiments au port, les manufacturiers leurs magasins pleins, les vignerons leurs celliers remplis. Ces derniers possédaient, il est vrai, des créances sur l'Allemagne : quand seraient-ils parés ? En attendant, on portait au Mont-de-Piété son argenterie, ses meubles, son linge. Partout les faillites étaient nombreuses. Des colonnes mobiles fouillaient les bois à la recherche des réfractaires, les garnisaires s'installaient au foyer de la mère de l'insoumis[6] ; dans certaines contrées, c'étaient les femmes et les enfants qui labouraient[7]. D'ailleurs, le ministre de l'intérieur n'allait-il pas bientôt mettre à l'ordre du pays, par la voie des journaux, que les femmes et les enfants pouvaient utilement remplacer les hommes dans les travaux des champs, et que le labour à la bêche devait suppléer au labour à la charrue, devenu impossible à cause du manque de chevaux[8].

Ainsi ruinée et décimée, la population française tout entière n'avait qu'une seule pensée, ne vivait que dans une seule espérance, ne formait qu'un seul vœu : la paix. Des villes, des campagnes, des états-majors mêmes, cette prière unanime arrivait, résignée et tremblante, au pied du trône impérial[9]. Depuis les campagnes de 1808 et de 1809, et surtout depuis la retraite de Russie, la France était lasse de la guerre. Les désastres de la Bérézina et de Leipzig, la marche de l'ennemi vers les frontières, l'avaient fait revenir de ses rêves de gloire, comme quinze ans plus tôt, les hécatombes de la Terreur et les désordres du Directoire l'avaient désabusée de ses rêves de liberté. Après vingt-cinq années de révolutions et de guerres, la France voulait du repos. Mais la France, et nous entendons par là l'immense majorité du pays, les quatre cinquièmes de la population, ne désirait point la chute de Napoléon. Elle n'y pensait même pas !

A la vérité, l'ancienne noblesse et une partie de la bourgeoisie voyaient les choses d'une autre façon. La noblesse, encore qu'une infinité de ses représentants se fût ralliée à l'empire, n'avait jamais complètement désarmé. Mais en province, les petits conciliabules royalistes s'ajournaient à une date indéfinie si le nom du commissaire de police était inopinément prononcé par l'un des conjurés. Pour le faubourg Saint-Germain, il se contentait de faire la petite guerre, avec des épigrammes comme projectiles. Les beaux esprits disaient, en jouant sur les mots, quand les journaux annonçaient la dernière victoire de l'empereur : — Buvons à la dernière victoire de l'empereur ! C'était inoffensif. Les libéraux étaient plus dangereux, parce qu'ils étaient en nombre, et parce que beaucoup d'entre eux étaient dans les Chambres et l'administration. Ces derniers avaient rampé dans la servitude lorsque l'empereur était le maître du monde. Quand l'ère des défaites fut ouverte, ils commencèrent à condamner la cruauté de son ambition, la folie de ses rêves, le despotisme de son gouvernement. Ils accusèrent ce sénat servile dont plusieurs étaient membres, cette représentation illusoire dont quelques-uns faisaient partie, cette administration tyrannique où plus d'un avait brillé, ce ministre de la police dont tous serraient la main, et qui, vingt-cinq ans après la révolution française, agissait comme M. de Sartines, expédiant des lettres de cachet, faisant mettre des livres au pilon, reléguant, bannissant et emprisonnant arbitrairement[10]. Cette irritation des libéraux, qui se manifesta avec force dans le rapport de Lainé, était légitime ; la protestation n'en était pas moins tardive et inopportune. C'était deux ans plus tôt que les députés auraient del faire entendre leurs censures et imposer leurs vœux. Alors, ils pouvaient empêcher l'agression ; désormais ils paralysaient la défense.

La prorogation du corps législatif (31 décembre 1813), les paroles courroucées de l'empereur aux députés dans leur audience de congé (1er janvier 1814) augmentèrent le mécontentement de la classe bourgeoise. Les députés restés à Paris ne cachèrent pas la cause de l'ajournement de la Chambre ; ils répétèrent, en en exagérant les termes et les idées, la harangue de l'empereur. Ils firent de même en province, où nombre d'entre eux retournèrent dans les premiers jours de janvier. À Bordeaux, à Marseille, dans plusieurs villes, Lainé, Raynouard, d'autres encore, répandirent des copies manuscrites du fameux rapport. Les commentaires allaient leur train. L'empereur pouvait faire la paix et il ne le voulait pas ; on accusait son obstination, son orgueil, sa tyrannie[11].

Ces sentiments qui commençaient à régner dans les villes, depuis les salons jusqu'aux boutiques, n'avaient gagné ni les ateliers ni les campagnes. Là, on souffrait cruellement de l'état des choses, on voulait la paix, mais on n'incriminait pas l'empereur. On haïssait la guerre, et l'auteur de tant de guerres n'en devenait point impopulaire. On ne pensait pas à rapprocher la cause de l'effet ni à associer ces deux termes pourtant identique : la guerre, Napoléon. Les paysans criaient en même temps : À bas les droits réunis ! et Vive l'empereur ![12] Le peuple, qui, vu la faculté du remplacement, avait été seul à payer de son sang là gloire de Napoléon, le peuple avait gardé sa foi à Napoléon. Dans la correspondance des préfets et les rapports de police du commencement de janvier 1811, pièces où cependant rien n'est omis ni dissimulé de la misère et de la prostration régnantes, des placards royalistes, des désertions, des rébellions contre les agents du fisc, des propos malveillants de la bourgeoisie, c'est en vain que l'on cherche, parti des rangs du peuple, un cri de haine ou une menace contre l'empereur. Tout au contraire, de nombreux témoignages confirment le mot de Mollien : La masse de la population ne connaissait que l'empereur et l'empire[13]. Non seulement l'empereur, si condamnable qu'il pût être, n'avait point perdu l'affection du peuple ; si vaincu qu'il fût, il avait gardé le prestige du capitaine invincible. La paix que l'on implorait timidement de lui, on s'imaginait qu'il était le maître de la faire, que c'est lui qui l'accorderait aux alliés. S'il ne la faisait pas, cette paix tant désirée, c'est qu'il était certain de la victoire. On pensait comme ces soldats de la garnison de Dresde qui, retenus prisonniers au mépris de la capitulation, brisaient leurs armes sur les glacis en criant : L'empereur n'est pas mort !

La première de ces immenses levées décrétées dans l'automne de 1813 s'opéra facilement[14]. L'empereur demandait 160.000 hommes des classes de 1808 à 1814. La France, épuisée, lui en donna 184.000[15]. La seconde levée (150.000 hommes de la conscription de 1815) ne rencontra pas non plus de résistance, sauf dans quelques départements de l'ouest et du sud-ouest[16]. Mais cette levée, qui ne devait fournir que des hommes de dix-neuf ans, en moyenne, ne fut pas, pour ce motif, pressée avec activité. L'administration, les bureaux de recrutement, les magasins d'habillement et surtout les arsenaux ne pouvaient suffire à tant de levées à la fois. Or l'empereur préférait les conscrits de vingt-cinq ans à ceux de dix-neuf. Commencée postérieurement à celle des 160.000 hommes, la levée de 1815 était loin d'être terminée à la fin de la guerre[17].

Les difficultés surgirent avec l'appel des 300.000 hommes. Lever encore 300.000 hommes sur les classes de l'an XI à 1814, c'était, comme eût dit Vauban, tirer plusieurs moutures d'un même sac. Les hommes des classes de l'an XI à 1807 allaient satisfaire à la conscription pour la seconde fois ; ceux des classes 1808, 1813 et 1814, pour la troisième fois ; ceux des classes de 1809 à 1812, pour la quatrième fois ! Outre les 150.000 hommes de la levée normale, on exigeait de la classe de 1809 et de chacune des trois suivantes le quart de la levée extraordinaire du 11 janvier 1813, soit 25.000 hommes ; le septième de la levée extraordinaire du 9 octobre 1813, soit 38.000 hommes ; le treizième de la levée extraordinaire du 15 novembre 1813, soit 24.000 hommes ; — en tout : 237.000 hommes. C'était l'entier épuisement d'une génération[18]. Les levées précédentes avaient successivement enlevé les célibataires, puis les veufs sans enfants ; pour la levée des 300.000 hommes, on dut prendre les soutiens de famille et même un certain nombre d'hommes mariés. Les opérations marchèrent lentement et mal. Les listes étaient vicieuses. On y portait des individus déjà enrôlés comme conscrits des levées antérieures, comme remplaçants ou comme chasseurs et grenadiers des cohortes de la garde nationale. Les forêts s'emplirent de réfractaires. Dans certains chefs-lieux de canton, le quart seulement des appelés se présenta aux mairies[19]. Aussi, tandis que la levée des 160.000 hommes donnait au 31 janvier un excédent de 24.000 hommes, la levée des 300.000 hommes donnait à cette même date un déficit de 237.000 hommes. Jusqu'alors, 63.000 conscrits seulement avaient pu être mis en route[20].

Plus impopulaire et plus difficile encore fut l'organisation des légions de gardes départementales, destinées à former des armées de réserve. Cette conscription déguisée, car, une fois embrigadées, les gardes nationales n'étaient plus distinguées de l'armée active[21], portait à peu près exclusivement sur les hommes mariés ayant échappé aux levées précédentes et sur les hommes au-dessus de trente-trois ans, presque tous mariés aussi, du moins dans les campagnes. On avait la faculté de se racheter, mais les remplaçants coûtaient cher et devenaient rares. La plupart des ouvriers sans travail des grands centres industriels étaient déjà partis en cette qualité[22]. Dans la classe bourgeoise, nombre de gens quittèrent le département où ils étaient inscrits comme électeurs. Ce mouvement se généralisa au point de forcer l'administration à refuser des passeports jusqu'à la formation définitive des contingents. Les paysans n'étaient pas plus empressés. Ils se disaient prêts à défendre leurs foyers, mais ils ne voulaient point rejoindre l'armée. Sous l'influence des révoltes et des larmes de leurs femmes, ils déclaraient qu'ils ne partiraient pas. Il y eut des attroupements, des rébellions. C'est à peine si l'on put réunir, le 25 janvier, environ 20.000 miliciens dans les différents camps d'instruction[23].

Ces divers contingents des nouvelles levées qui, au milieu de janvier, ne formaient pas un effectif total de plus de 175.000 hommes ayant rejoint les armées du Rhin, du Nord et des Pyrénées, ou arrivés dans les dépôts de France, depuis Vannes jusqu'à Rome, n'étaient point, par malheur, immédiatement utilisables. Avant de mener ces recrues à l'ennemi, il fallait les instruire, les vêtir, les armer. Le temps manquait pour l'instruction. En janvier 1814, les huit dixièmes des hommes incorporés en étaient encore à l'école du soldat[24]. Quant à l'habillement et à l'armement, les magasins et les arsenaux de l'ancienne France n'y suffisaient pas. Depuis 1811, on y avait puisé sans mesure pour remplir ceux des places-frontières d'outre-Rhin, où l'on concentrait tout le matériel, et la campagne de Saxe avait achevé de les vider. Il y avait encore des armes à Hambourg, à Stettin, à Mayence, à Wezel, à Magdebourg ; il n'y en avait plus à Metz ni à Paris.

Dans les dernières années, on avait fait rentrer les fusils des gardes nationales de province. Ces fusils, la plupart en mauvais état, constituaient à peu près les seules ressources de la dernière armée impériale. L'empereur, dit-on, répétait sans cesse : Pourquoi m'a-t-on caché l'état des arsenaux ? Les situations des divisions militaires témoignent. Au mois de janvier 1814, il y avait nombre de bataillons au complet d'effets et d'armes. Mais dans les dépôts, quelle misère ! Combien de soldats étaient dans l'état décrit par le général Préval, commandant le grand dépôt de cavalerie de Versailles : Il vient de m'arriver une compagnie de chasseurs à cheval à laquelle il manque tout, moins les gilets et les pantalons d'écurie[25]. Deux hommes sur trois, en moyenne, étaient habillés[26], et, chose tout autrement grave, un homme sur deux était armé. Les dépôts de la 1re division militaire (Paris), le 1er janvier, comptaient 9.195 hommes présents et 6.530 fusils ; les dépôts de la 16e division, 15.789 hommes et 9.470 fusils. À Rennes, à Tours, à Perpignan, dans toutes les garnisons de l'ouest, du centre et du midi, c'était pire encore. Voici le Se léger avec 545 hommes et 150 fusils, le 153e de ligne avec 1.088 hommes et 142 fusils, le 142e avec 324 hommes et 41 fusils, le 115e avec 2.344 hommes et 289 fusils. Les armes blanches mêmes font défaut. Le 1er régiment de chevau-légers a 202 sabres pour 234 hommes, le 17e de dragons 187 sabres pour 349 hommes, le 8e de cuirassiers 92 sabres pour 154 hommes. — Cent dix, il est vrai, possèdent des pistolets[27] ! — Les chevaux manquent à proportion. Au grand dépôt de Versailles, il y a 6.284 chevaux pour 9.786 cavaliers[28].

Les cohortes actives de la garde nationale, dont l'habillement, l'équipement et, en raison de l'état des arsenaux, l'armement même incombaient à. l'administration civile, n'étaient pas mieux pourvues. Ces hommes portaient la blouse, beaucoup le chapeau rond ; presque tous marchaient en sabots. Les plus militaires d'aspect avaient un shako, une giberne et un havresac[29]. Au cours de la campagne, l'empereur donna l'ordre d'habiller les milices avec les capotes et les shakos des prisonniers. On dut y renoncer à cause de la vermine qui infectait ces effets[30]. Dans la garde nationale, moitié de l'armement se composait de mauvais fusils de chasse, obtenus à grand'peine par les réquisitions. Certains bataillons arrivaient absolument sans armes dans les camps de concentration. Le 16 février, mille gardes nationaux s'armèrent sur le champ de bataille avec les fusils de l'ennemi[31].

En vain l'empereur multipliait les levées, doublait les impôts, abandonnait son trésor privé aux différents services de la guerre[32], hâtait la fabrication des armes, les travaux des forteresses, la confection des munitions, temps et argent manquaient pour tout. Le grand malheur fut la soudaineté de l'invasion. L'entrée précipitée des Alliés sur l'ancien territoire, dans les premiers jours de janvier, surprit la France en pleine organisation de défense. Ce coup d'audace arrêta le recrutement et la perception dans le tiers des départements, jeta par tout le pays le trouble et l'épouvante, et contraignit Napoléon à jouer sa couronne sur une seule bataille, lui qui avait gagné cent batailles !

L'invasion terrifia la population, mais la France abattue n'eut pas un frémissement de révolte. L'idée métaphysique de la Patrie violée qui en 92 avait eu, quoi qu'on en puisse dire, tant d'action sur un peuple jeune ou rajeuni par la liberté, cette idée ne souleva pas un peuple vieilli dans la guerre, las de sacrifices et avide de repos. Pour réveiller les colères et les haines, il fallut le fait brutal et matériel de l'occupation étrangère avec son cortège de maux : les réquisitions, le pillage, le viol, le meurtre et l'incendie. Loin que l'invasion, dans les premiers temps, élevât les cœurs et donnât à l'empereur une force morale sur laquelle il était en droit de compter et dont il avait tant besoin, l'esprit public s'affaissa plus encore. Dans quelques villes à Dôle, à Chalon-sur-Saône, à Bourg-en-Bresse, les gardes nationales urbaines reçurent les Autrichiens à coups de fusil[33]. Mais presque partout, il suffit aux Alliés d'apparaître. Épinal se rendit à cinquante Cosaques, Mâcon à cinquante hussards, Reims à un peloton, Nancy aux coureurs de Blücher, Chaumont à un seul cavalier wurtembergeois ! Langres et Dijon, après avoir fièrement fermé leurs portes, capitulèrent, Langres au deuxième coup de canon et Dijon au deuxième parlementaire[34]. Dans les campagnes, au cri : Les Cosaques ! nombre d'habitants se sauvaient vers les bois, emportant leurs meubles les meilleurs et poussant devant eux les porcs et les vaches. D'autres, confiant dans les proclamations des Alliés, qui promettaient le respect des propriétés et le maintien sévère de la discipline, ne quittaient pas les villages. Ils s'efforçaient d'éviter les violences par leur empressement à satisfaire aux demandes des soldats et aux réquisitions des officiers[35].

Partout, à la vérité, les petits corps français se repliaient devant les grandes armées alliées ; les généraux commandant les levées en masse dans les départements frontières n'étaient pas arrivés à destination quand déjà s'avançait l'ennemi[36] ; les préfets et sous-préfets quittaient le pays, d'après les ordres exprès de l'empereur, avec les dernières troupes françaises. Sans chefs, sans organisation et la plupart sans armes, les paysans pouvaient-ils s'opposer à la marche de 250.000 soldats ? Toutefois, ils étaient peu disposés à combattre. La misère où ils se trouvaient, les sacrifices qu'ils avaient déjà faits, leurs terres en friche et leurs enfants tués à Leipzig ou morts à Mayence, les avaient brisés à toutes les-résignations. La soumission des habitants encourage les Alliés, écrit de Châtillon, le 31 janvier, le duc de Vicence. Il n'y a plus d'énergie en France, écrit-il encore le 3 février. L'inertie est partout la même, écrit de Chaumont le maréchal Mortier. Dans la foule, dit le sous-préfet de Vervins, il n'y a que mollesse et lâcheté. Je vois tous les habitants sans émulation et sans énergie, insensibles à la honte d'une invasion[37].

La nouvelle du passage du Rhin se répandit à Paris et dans les départements limitrophes, les 6 et 7 janvier. Déjà quelques exemplaires de la proclamation de Schwarzenberg y étaient parvenus[38]. Ce très habile manifeste, pour lequel le prince avait pris sa plume de diplomate, n'eut pas seulement comme effet de désarmer, en les rassurant, les populations rurales. Perfidement commenté, il excita dans la plupart des villes un sentiment nouveau et redoutable. Les proclamations des Alliés, écrivait le duc de Vicence le 8 janvier, nous font encore plus de mal que leurs armes[39]. La proclamation de Loërach, conçue d'ailleurs dans le même esprit que la déclaration de Francfort, se résumait en ces deux termes : paix à la France, guerre à Napoléon. Les mécontents ne tardèrent pas à exploiter la distinction établie par les Alliés entre le pays et le souverain. Ils rapprochaient cette déclaration du fait de l'ajournement du corps législatif. À les entendre, l'empereur en congédiant les représentants de la nation avait lui-même prononcé son divorce avec la France ?

Dans cette ligue tacite entre les libéraux et les royalistes, ceux-là, encore sans dessein arrêté, ne mettaient que leurs rancunes ; ceux-ci, parfaitement fixés sur le but à atteindre, apportaient leurs espérances. Pour eux, les Alliés n'étaient pas des ennemis, c'étaient des libérateurs. Les partisans des Bourbons, dit Mme de La Rochejacquelein, ne voyaient jamais Bonaparte entreprendre une guerre sans espérer la défaite. Le malheur, c'est que les Français étaient toujours vainqueurs. Cette fois ils étaient battus : les royalistes relevèrent la tête. Peut-on, d'ailleurs, donner le nom de conspiration aux conciliabules et aux manifestations bourboniennes qui, dans les derniers mois Je 1813 et en janvier 1814, s'étendirent à peu près partout en France, sans prendre d'importance nulle part. L'organisation faisait défaut, les moyens de communiquer étaient difficiles, et, les chefs n'étant pas désignés, l'on ne savait à qui s'adresser avec assurance[40]. À Bordeaux seulement, il y avait quelques centaines d'hommes obéissant au même mot d'ordre. Les royalistes, en réalité, étaient fort peu nombreux, mais à son insu chacun servait leur cause, celui-ci en déplorant l'état de la France, celui-là en répétant des nouvelles alarmantes, d'autres en écrivant du théâtre de la guerre des récits trop vrais des événements. Cette conspiration, qui n'était que la conspiration de l'opinion, des fonctionnaires eux-mêmes s'en faisaient les complices par leur découragement et leur manque d'énergie. Ils sentaient la terre trembler, et ils pensaient au lendemain : leur zèle se ralentissait. Fallait-il se compromettre davantage pour une cause perdue ? Dans la moitié de la France, les préfets ne montraient que faiblesse ; ici, quittant leurs départements, tandis que les troupes s'y maintenaient encore ; là, éludant les ordres d'arrêter les conspirateurs, hésitant à appliquer les décrets sur la conscription, en retardant le plus possible l'exécution et y procédant sans vigueur[41]. Il est difficile d'être plus mécontent que je le suis de vos préfets, écrivait Napoléon à Montalivet[42]. Des maires dressaient à dessein des listes d'appel incomplètes ; d'autres abandonnaient leurs administrés à l'approche de l'ennemi ; d'autres cachaient les fusils et refusaient de les délivrer à ceux qui voulaient se défendre ; d'autres, serviles jusqu'à la trahison, envoyaient au nom des Alliés des ordres de réquisition dans les villages voisins non encore occupés[43]. À Lyon, on chansonnait sur tous les tons le préfet — M. de Bondy, — le maire et les conseillers municipaux pour leur inertie et leur pusillanimité. Du sénateur Chaptal, qui ne savait rien organiser et qui avait le tort de manifester trop haut ses inquiétudes, on disait : Voilà un commissaire extraordinaire, fort extraordinaire[44].

C'était par découragement, par désir de ne se point compromettre, ou encore, comme le bon Panurge, par paour naturelle des coups, que nombre de fonctionnaires montraient si peu d'énergie. Plusieurs cependant désiraient la chute de l'empire[45], comme Lynch, maire de Bordeaux, qui conspirait avec La Rochejacquelein, et comme Anglès, bras droit du duc de Rovigo, qui participait aux intrigues de Dalberg[46]. La Tour du Pin, préfet de la Somme, arrêtait le départ des conscrits, choisissait les officiers de la garde nationale parmi les anciens émigrés et nommait chef de cohorte un royaliste notoirement compromis, astreint à la surveillance de la haute police[47]. Un employé supérieur de la préfecture de la Seine déblatérait dans un café contre l'empire, en ajoutant : Mon opinion est indépendante de ma place. Un procureur impérial osait dire en plein salon : Si les Alliés voulaient payer la tête de Napoléon un ou deux millions, on la leur livrerait bientôt[48].

Pour peu nombreux qu'ils fussent, les royalistes n'en étaient pas moins fort actifs. Ils s'employèrent d'abord à rappeler aux Français le nom oublié des Bourbons, — ces revenants, comme disait avec humeur la marquise de Coigny[49]. Chaque jour, dans quelque ville, à Bordeaux le 28 décembre, à Troyes le 29, à Rennes le 4 janvier, à Abbeville le 6, à Cambrai le 8, à Agen le 9, à Dax et à Dieppe le 10, à Évreux et à Toulon le 11, à Marseille le 12, à Amiens le 14, à Paris, à Quimper, à Douai, à Angers, le 15, à Moulins le 17, à Châteauroux le 22, à Rouen et à Laval le 28, on affichait des placards ou l'on colportait des proclamations déclarant que les Alliés combattaient pour les Bourbons et respecteraient les maisons des royalistes, et promettant, avec le retour du roi légitime, la paix, la suppression des droits réunis et l'abolition de la conscription[50]. Français, lisait-on dans une proclamation de Louis XVIII, n'attendez de votre roi aucun reproche, aucune plainte, aucun souvenir du passé. Il ne veut vous entretenir que de paix, de clémence et de pardon... Tous les Français ont droit aux honneurs et dignités ; le roi ne peut régner qu'avec le concours de la nation et de ses députés... Recevez en amis ces généreux Alliés, ouvrez-leur les portes de vos villes, prévenez les coups qu'une résistance criminelle et inutile ne manquerait pas d'attirer sur vous, et que leur entrée en France soit accueillie par les accents de la joie. — Français, lisait-on dans une proclamation du prince de Condé, Louis XVIII, votre légitime souverain, vient d'être reconnu par les puissances de l'Europe. Leurs armées victorieuses s'avancent vers vos frontières... Vous aurez la paix et le pardon. L'inviolabilité des propriétés sera consacrée, les impôts seront diminués, vos enfants seront rendus à. l'agriculture et remis dans vos bras... La paix, la suppression des impôts et l'abolition de la conscription, les partisans des Bourbons ne devaient pas se borner à faire valoir ces arguments, les meilleurs qui fussent, selon l'esprit de la population, en faveur du droit divin. Bientôt, comme les Vitrolles, les d'Escars, les Polignac, ils allaient renseigner les états-majors alliés sur l'opinion et les moyens de défense de Paris ; comme Lynch, comte de l'empire, ils allaient livrer Bordeaux aux Anglais ; comme le chevalier de Rougeville, plein de zèle pour les Alliés[51], et comme le chevalier Brunel prêt à mourir pour les Cosaques[52], ils allaient guider les colonnes ennemies dans leur marche contre l'armée française.

Les Bourbons, de leur côté, ne restaient pas inactifs. Encouragés par les nouvelles qui leur arrivaient de France, par les articles des journaux anglais et même des journaux allemands qui préconisaient une restauration[53], par les sympathies avouées du prince régent d'Angleterre[54] ; par l'attitude ambigüe des autres souverains alliés qui, sans rien promettre de certain, étaient loin de détruire leurs espérances, ils se disposaient à seconder personnellement les efforts des royalistes. Le 1er janvier, le comte de Provence écrivait, et signait comme roi de France, la seconde proclamation d'Hartwell. Dans le courant du mois, le duc de Berri arrivait à Jersey, où il se trouvait à proximité de la Bretagne, et le comte d'Artois et le duc d'Angoulême s'embarquaient, le premier pour gagner la Franche-Comté par les Pays-Bas et la Suisse, le second pour rejoindre en deçà des Pyrénées le quartier général de 'Wellington. L'invasion leur ouvrait la France.

Les appels à la rébellion, l'inertie des fonctionnaires, et surtout les nouvelles de la marche de l'ennemi, qui gagnait chaque jour du terrain, achevaient de perdre l'esprit public, créaient partout l'agitation et le désordre. Les levées de conscrits et de gardes nationaux rencontraient une résistance extrême. Personne ne voulait plus partir. La cohorte active de Rouen était composée exclusivement de remplaçants ; on n'avait même pas pu trouver d'officiers[55]. C'était à qui donnerait l'exemple de l'insoumission. Dans le Nord, le Pas-de-Calais, le Calvados, l'Eure-et-Loir, les Landes, la Haute-Garonne, surtout dans la Mayenne, les Deux-Sèvres, le Maine-et-Loire et la Loire-Inférieure, chaque séance de tirage au sort devenait émeute. Les appelés murmuraient, vociféraient, menaçaient. À Toulouse, ce placard fut affiché : Le premier qui se présentera pour tirer au sort sera pendu. Le 20 janvier, sur la demande du préfet de Nantes, qui redoutait un soulèvement, la levée de 1815 fut ajournée de quinze jours. Le préfet de Maine-et-Loire écrivait : L'insurrection de tout le département est à craindre. Le préfet du Calvados : À Caen, tout est prêt pour une révolution[56]. Malgré les gendarmes, les garnisaires, les colonnes mobiles, déserteurs, réfractaires, insoumis se multipliaient. Un détachement de conscrits de Seine-Inférieure, comptant 177 présents au départ, n'en avait plus que 33 à l'arrivée[57]. Si les soldats manquaient d'armes, les réfractaires savaient en trouver. Des bandes de 50, de 200, de 1.000 et même de 1.500 hommes parcouraient l'Artois, le Maine et l'Anjou, comme au temps de la chouannerie, fusillant avec les troupes, arrêtant les diligences, envahissant les villages pour forcer les conscrits à les suivre et piller les caisses des percepteurs. D'autres bandes, de 10 à 20 réfractaires, dévalisaient les voitures et les malles-postes sur les routes de Lyon, de Marseille, de Toulouse, de Montpellier[58].

Le recouvrement des impôts soulevait les mêmes résistances que l'appel des conscrits. Grande émotion dans l'Orne, où le bruit se répand, le 12 janvier, que le gouvernement, à bout de ressources, va faire enlever chez les particuliers l'argenterie, les bijoux, le linge et le drap. Dans le Gers, un ancien page du comte de Provence parcourt les villages en exhortant les paysans à ne point payer les contributions additionnelles. À Marmande, un placard affiché porte que les employés des droits réunis seront pendus en présence des Anglais. Dans le Haut-Rhin, dans le Nord, dans la Somme, dans la Loire-Inférieure, on parait tout disposé à ne pas attendre les Anglais pour procéder à cette exécution : des employés des droits réunis sont menacés, maltraités, mis en péril de mort. Le préfet d'Angers écrit : La perception des impôts ne s'opère dans aucune commune[59]. C'est ainsi que les contributions directes, bien qu'elles eussent été presque doublées, donnèrent, dans le premier trimestre de 1814, 33.743.000 francs au lieu de 75.500.000 francs perçus dans la période correspondante de 1810[60].

A Paris, Chateaubriand commençait d'écrire sa brochure : Buonaparte et les Bourbons. Le mécontentement allait croissant, et dans les salons, dans les cafés, à la Bourse, au foyer déserté des théâtres, on ne craignait pas de dire ce que l'on pensait. On répétait vingt fois par jour le mot attribué à Talleyrand : C'est le commencement de la fin[61]. On discutait les chances des Bourbons ; on affirmait que l'intention des Alliés était de rétablir l'ancienne monarchie, que le roi allait être couronné à Lyon, qui était déjà au pouvoir de l'ennemi[62]. Des caricatures circulaient où un Cosaque remettait à l'empereur la carte de visite du czar. Un matin, on trouva fixé à la base de la colonne de la Grande-Armée un papier portant ces mots : Passez vite ; il va tomber[63].

Tandis que dans le peuple, qui pourtant n'avait pas grand'chose à perdre, on redoutait le sac et l'incendie, dans la noblesse on attendait avec moins d'effroi les restaurateurs du trône ; et dans la bourgeoisie, particulièrement chez les femmes, ou disait, entre deux parties de bouillotte : Les Cosaques ne sont méchants que dans les gazettes. À leur entrée à Mâcon, les Alliés ont donné des fêtes et dépensé beaucoup d'argent. Ils arriveront fort à propos à Paris, où il n'y a plus un sou, pour rendre à la capitale ses plaisirs et ses richesses[64]. Néanmoins on enfouissait l'or et l'argenterie au fond des caves[65] et nombre de gens quittaient Paris, à l'exemple des deux filles du duc de Rovigo, que celui-ci avaient envoyées à Toulouse avec le beau mobilier de son hôtel de la rue Cerrutti[66]. — C'était, pour un ministre de la police, une singulière façon de rassurer l'esprit public !

Personne ne croyait aux récits que faisaient les journaux des avantages remportés sur l'ennemi par les garnisons de la rive gauche du Rhin, ni aux tableaux qu'ils traçaient de la faiblesse de l'armée alliée, de l'enthousiasme patriotique des campagnes, des forces innombrables qui se réunissaient à Châlons. En revanche, tout le monde ajoutait foi aux nouvelles répandues par les alarmistes, par les Allemands domiciliés à Paris, que la préfecture de police n'avait pas pensé à expulser, par les journaux étrangers qui pénétraient dans la capitale, malgré les mesures prises ou du moins ordonnées[67]. Que ne disait-on pas ! Murat avait fait défection ; un million d'hommes avaient passé le Rhin ; les Alliés combattaient pour les Bourbons ; l'impératrice n'avait pas voulu reconnaître le roi de Rome, et c'était la cause de l'entrée de l'Autriche clans la coalition ; Joseph n'était adjoint au conseil de régence qu'afin de surveiller les autres membres, tous d'intelligence avec Vienne ; si l'empereur était victorieux, la garde nationale saurait lui imposer ses volontés[68]. D'autres propos étaient plus sérieux. Aux gens qui prétendaient qu'un congrès était sur le point de se réunir, où le duc de Vicence conclurait la paix, ou répondait, et en vérité l'on voyait bien juste : Aucune des puissances ne veut la paix ; s'il en existait une seule qui y inclinât, lord Castlereagh, qui ne se rend au quartier général que pour empêcher tout arrangement, croiserait ses vues[69]. On disait encore, comme si on lût dans le livre de l'avenir : Paris est le point de mire des Alliés ; c'est là qu'ils vont diriger tous leurs efforts, par la raison qu'une fois maîtres de Paris, ils le seront de l'empire[70].

En vain les journaux multipliaient les appels au patriotisme, en vain les orgues de Barbarie jouaient, par ordre, la Marseillaise[71], si longtemps proscrite, ni paroles ni musique ne trouvaient d'écho. Les demandes de dispense pour la garde nationale de Paris, demandes apostillées par les plus grands personnages de l'empire, s'amoncelaient dans les mairies. Les hommes les plus valides se déclarent malades, écrit le baron Pasquier[72]. Trois compagnies d'artillerie de la garde nationale devaient être composées d'étudiants en droit et en médecine. Le général de Lespinasse, chargé de faire l'appel, ayant été accueilli par des huées, on dut renoncer à l'organisation de ces compagnies[73]. L'armée elle-même, disait-on dans Paris, ne voulait plus se battre, et l'on citait parmi les jeunes soldats des désertions, des suicides, des mutilations volontaires. On assurait qu'un détachement d'infanterie, traversant le pont de Bordeaux, avait jeté ses armes dans la Gironde. D'après un autre récit, comme un bataillon, se rendant à l'armée, défilait dans la rue Saint-Denis, on cria aux soldats qu'ils allaient à la boucherie. Plusieurs répondirent : — Nous allons chercher un louis ; au premier coup de feu, nous passerons du côté de l'ennemi[74]. Le fait était-il vrai ? Le rapport de police qui le relate paraît le mettre en doute. Ce dont, malheureusement, on ne peut douter, c'est de la situation lamentable des recrues à leur arrivée au grand dépôt de Courbevoie. Non seulement, les conscrits ne trouvaient pas toujours de pain, mais beaucoup d'entre eux ne trouvaient pas de gîte. Et ils étaient mal venus à réclamer auprès des officiers du dépôt, accablés de travail, perdant la tête au milieu de tant de conscrits à incorporer et à pourvoir de tout. On entendait ces réponses : — F...-moi le camp ; je n'ai pas le temps de m'occuper de vous[75].

Or, des cinquante mille conscrits qui, en trois mois, passèrent par cette caserne de Courbevoie, 1 pour 100 seulement déserta[76]. Quel témoignage à l'honneur des soldats ce 1814 ! Ces enfants, ces mariés de la veille, qui, le cœur si gros, avaient quitté la chaumière où pleurait la mère esseulée et la femme allaitant le nouveau-né, se transformaient vite à la vue du drapeau. Ils apprenaient des vieux cadres, hommes de bronze qui avaient conquis l'Europe en chantant, ces grands sentiments d'abnégation et ces heureux sentiments d'insouciance dont est fait l'esprit militaire. Et quand un jour de revue ou un jour de combat, l'empereur avait passé devant eux, ils subissaient sa fascination, et ils en arrivaient à se battre, non plus soutenus par le devoir, non plus animés par le patriotisme, mais bien véritablement pour Napoléon.

On les appelait les Maries-Louises ces pauvres petits soldats soudainement arrachés au foyer et jetés ; quinze jours après l'incorporation, dans la fournaise des batailles. Ce nom de Maries-Louises, ils l'ont inscrit avec leur sang sur une grande page de l'histoire. C'étaient des Maries-Louises, ces cuirassiers sachant à peine se tenir à cheval, qui, à Valjouan, enfonçaient cinq escadrons et sabraient avec tant de fureur qu'ils ne voulaient pas faire de quartier. C'étaient des Maries-Louises, ces chasseurs dont le général Delort disait, au moment d'aborder l'ennemi : Je crois qu'on perd la tête de me faire charger à sec de la cavalerie pareille !, et qui traversaient Montereau comme une trombe, culbutant les bataillons autrichiens massés dans les rues. C'était un Marie-Louise, ce tirailleur qui, indifférent à la musique des balles comme à la vue des hommes frappés autour de lui, restait fixe à sa place sous un feu meurtrier, sans riposter lui-même, et répondait au maréchal Marmont : Je tirerais aussi bien qu'un autre, mais je ne sais pas charger mon fusil. C'était un Marie-Louise, ce chasseur qui à Champaubert fit prisonnier le général Olsufjew et ne le voulut lâcher que devant l'empereur. Des Maries-Louises, ces conscrits du 28e de ligne qui, au combat de Bar-sur-Aube, défendirent un contre quatre les bois de Lévigny, en ne se servant que de -la baïonnette ! Des Maries-Louises encore, ces voltigeurs du 14e régiment de la jeune garde qui, à la bataille de Craonne, se maintinrent trois heures sur la crête du plateau, à petite portée des batteries ennemies, dont la mitraille faucha 60 hommes sur 920[77]. Ils étaient sans capote par huit degrés de froid, ils marchaient dans la neige avec de mauvais souliers, ils manquaient parfois de pain[78], ils savaient à peine se servir de leurs armes, et ils combattaient chaque jour dans les actions les plus meurtrières ! Et pendant toute la campagne, pas un cri ne sortit de leurs rangs qui ne fût une acclamation pour l'empereur. — Salut, ô Maries-Louises !

Chateaubriand a écrit, dans les Mémoires d'outre-tombe : J'avais une si haute idée du génie de Napoléon et de la vaillance de nos soldats qu'une invasion de l'étranger, heureuse jusque dans ses derniers résultats, ne me pouvait tomber dans la tête. Mais je pensais que cette invasion, en faisant sentir à la France le danger où l'ambition de Napoléon l'avait réduite, amènerait un mouvement intérieur et que l'affranchissement des Français s'opérerait de leurs propres mains. Faux jugements, espérances chimériques. La paix signée à Châtillon, à quelques conditions que ce fût, l'empereur n'aurait rien eu à redouter de la France délivrée et rendue à ses foyers et à ses travaux. L'ennemi rejeté au delà du Rhin, encore moins l'empereur aurait eu à craindre de la France transportée et enorgueillie par ces nouvelles victoires. Malgré les appels à la rébellion et les belles promesses des placards royalistes, malgré la calamité des événements et la misère des temps, il s'en fallait que tous les Français conspirassent la chute de l'empire et tressaillissent de joie au seul nom des Bourbons. Ce roi inconnu, comment pouvait-il devenir populaire ? Ceux-là mêmes qui prêchaient son retour ne s'entendaient pas sur sa personne. Ici l'on désignait le comte de Provence, mais là c'était le comte d'Artois, ailleurs le duc d'Angoulême[79]. Si le despotisme impérial avait fait des mécontents, ces mécontents n'étaient pas disposés pour cela à se mettre sous le bon plaisir royal. Si l'on voulait la liberté, on désirait aussi conserver l'égalité. On n'aimait guère les centimes additionnels et les droits réunis, mais on redoutait fort la dîme, la tyrannie locale des hobereaux, l'influence du clergé, la revendication des biens nationaux. Dans les campagnes, on se plaignait de la guerre et des impôts ; pour cela, on ne faisait pas de politique. Que la Chambre fût muette, le sénat servile, Rovigo arbitraire, que le livre de l'Allemagne fût mis au pilon, que la dame Récamier, ou la dame de Rohan, ou le sieur de Sabran[80], fût expulsé par simple mesure administrative, oh ! en vérité, voilà de quoi les paysans s'inquiétaient bien peu !

A Paris même, l'empereur avait conservé de nombreux partisans. Le peuple entier était pour lui[81]. Trois fois, le 24 décembre, le 26 décembre, le 22 janvier, Napoléon parcourut à pied les quartiers populeux. Son visage calme inspirait à la foule la sécurité qu'il semblait exprimer. Il fut acclamé. Des ouvriers s'approchèrent de lui, offrant leurs bras pour combattre. Seuls, quelques bourgeois, dit un rapport de police, affectèrent, par bon ton, de garder un silence improbateur[82]. Le 23 janvier, l'empereur reçut en audience solennelle les nouveaux officiers de la garde nationale parisienne. Tous n'étaient point des amis zélés du gouvernement. Bourrienne ne portait-il pas les épaulettes dé capitaine ? Ces officiers, au nombre de neuf cents, se rangèrent dans la salle des maréchaux. L'empereur parut, et, bien tût après, entrèrent l'impératrice et Mme de Montesquiou, celle-ci portant le roi de Rome dans ses bras. L'empereur dit qu'il allait se placer à la tête de l'armée, et qu'avec l'aide de Dieu et la valeur des troupes, il espérait repousser l'ennemi au delà des frontières. Prenant alors l'impératrice d'une main et le roi de Rome de l'autre, il ajouta : — Je confie au courage de la garde nationale l'impératrice et le roi de Rome. — Ma femme et mon fils, reprit-il d'une voix émue. À ces derniers mots, un grand cri de : Vive l'empereur ! — un cri à fendre les voûtes — retentit dans la salle. Les rangs furent rompus. Tous les officiers, plusieurs les larmes plein les yeux, s'approchèrent du groupe auguste, témoignant de leur émotion par ce mouvement spontané[83]. Le soir même, une adresse à l'empereur fut signée dans les légions, encore que le général Hullin, commandant la place, eût tenté de s'y opposer au nom de la discipline. Entre autres protestations de fidélité et de dévouement, l'adresse contenait cette phrase caractéristique : En vain les ennemis ont conçu l'injurieux espoir de diviser la nation. À la haine, à l'animosité que leur inspire la crainte de votre génie, vos fidèles sujets opposeront leur amour et la confiance que les vicissitudes de la fortune n'ont pas détruits. Le lendemain, l'impression des paroles de l'empereur était restée si profonde, que quelques gens d'esprit prirent à tâche de l'atténuer. À les entendre, la scène grandiose de la salle des maréchaux n'était qu'une comédie dont Talma avait réglé les répétitions[84].

Le départ de l'empereur pour l'armée, le 25 janvier, à quatre heures du matin, ranima l'espérance. On ne pouvait croire que le capitaine si longtemps invincible ne retrouvât pas sa fortune sur le sol envahi de la France. On disait que toutes les chances étaient pour l'empereur, qu'il avait deux cent mille soldats à Châlons, qu'un traité secrètement conclu avec Ferdinand VII allait lui rendre les vieilles troupes d'Aragon et de Catalogne[85], que les alliés effrayés ne demandaient qu'à signer la paix[86]. Aux premières nouvelles des combats de Saint-Dizier (27 janvier) et de Brienne (29 janvier), que les journaux officieux, — mais ne l'étaient-ils pas tous ? — représentaient comme de grands succès[87], la Bourse monta en trois jours de plus de deux francs[88]. Le 1er février, à l'Opéra, où l'on donnait la première représentation de l'Oriflamme, le public nombreux et enthousiaste s'attendait à voir l'impératrice, le roi Joseph et même le roi de Rome, à entendre sur la scène l'annonce officielle de la grande victoire[89].

Fausse joie, espérances d'un jour. Dès le lendemain, 2 février, la note du Moniteur, qui parle du combat de Brienne comme d'une simple affaire d'arrière-garde, répand l'inquiétude. Le 4, les nouvelles de la défaite de la Rothière et de la retraite de l'armée impériale jettent la consternation. La rente tombe à 47,75. Le change monte à 40 et 50 pour 1.000 sur l'argent, à 90 et 100 sur l'or ; encore beaucoup de changeurs ne veulent-ils donner de l'or à aucun prix. La foule se porte à la Banque pour le remboursement des billets, remboursement qui, par arrêté du 18 janvier, ne peut pas excéder 500.000 francs par jour. Au mont-de-piété, le maximum du prêt est fixé à 20 francs, quelle que soit la valeur de l'objet engagé. Les employés de la préfecture de police ne suffisent pas aux demandes de passeports : treize cents sont délivrés dans une seule journée. Beaucoup de magasins se ferment ; les autres restreignent leur étalage. Les maçons retrouvent de l'ouvrage : on les emploie à pratiquer des cachettes dans les murailles. De crainte que les routes ne soient coupées par les partis ennemis, on s'approvisionne comme pour un siège. Le décalitre de pommes de terre se vend 2 francs au lieu de 10 sous. Le riz, les légumes secs, le porc salé, doublent de prix. Le peuple, affamé par cette hausse subite, murmure : Si les riches prennent la nourriture des pauvres, on ira la chercher chez eux[90]. Au gouvernement, l'inquiétude est extrême. L'impératrice ordonne des prières de quarante heures à Sainte-Geneviève. Le roi Joseph multiplie ses lettres à l'empereur, lui demandant ses instructions pour le cas où l'ennemi arriverait sous Paris. Le directeur des musées sollicite désespérément l'autorisation d'emballer les tableaux  du Louvre. Déjà une partie du trésor impériale est chargée dans des fourgons au milieu de la cour des Tuileries[91]. Près des barrières, on entend ces cris : Les Cosaques arrivent ! Fermez les boutiques ![92]

La panique dura huit jours. On disait l'armée française en déroute, Troyes en flammes, le maréchal Mortier tué, le prince vice-connétable grièvement blessé. Six cents canons étaient tombés au pouvoir de l'ennemi. Les jeunes soldats avaient lâché pied, et l'empereur les avait fait sabrer par ses grenadiers à cheval. Les Alliés exigeaient que Napoléon prît le titre de roi et cédât la Belgique, l'Italie, l'Alsace, la Franche-Comté, la Lorraine et la Bresse. La régence, ajoutait-on, a perdu tout espoir. Le roi Joseph, l'impératrice, les ministres sont au moment de partir pour Blois ou pour Tours ; la princesse de Neufchâtel, les duchesses de Rovigo et de Montebello sont parties. Si quelqu'un s'avisait d'exprimer ses doutes sur l'entrée imminente de l'ennemi dans Paris, on le soupçonnait d'être payé par la police. Au faubourg Saint-Germain, on précisait le jour de l'arrivée des Alliés. Ce devait être le 11 février, le 12 au plus tard[93].

Le 11 février, ce ne fut pas l'armée alliée qui arriva à Paris, ce fut le bulletin de Champaubert. Joseph reçut le courrier du quartier impérial, à dix heures du matin, comme il passait en revue dans la cour des Tuileries les six mille grenadiers et chasseurs de la garde parisienne. Les vivats et les acclamations des miliciens furent répétés par la foule qui assistait à la revue sur la place du Carrousel. Les cris redoublèrent quand le petit roi de Rome, en uniforme de garde national, se montra à l'une des fenêtres du palais. La foule, rompant le cordon des troupes, se rua jusque dans les vestibules des Tuileries, aux cris de : Vive l'empereur ![94] À la Bourse, où la rente monta de plus de trois francs, trois salves d'applaudissements, — une salve par franc, — saluèrent la lecture de la dépêche. Sur les boulevards, dans les rues, aux Champs-Élysées, on écoutait tonner le canon des Invalides, muet depuis si longtemps, et chacun s'abordait pour parler de la bataille et prédire de nouvelles victoires[95]. Pas un seul étranger, disait-on, ne repassera le Rhin[96]. Sur la terrasse des Tuileries, la police arracha des mains de la foule un homme qui avait eu l'imprudence de dire que les affaires se seraient terminées bien plus tôt si l'ennemi était entré dans la capitale[97]. Le soir, dans tous les théâtres, un acteur fit la lecture publique du bulletin, qu'interrompaient à. chaque phrase, à chaque mot, les cris et les applaudissements. À l'Opéra, aussitôt la lecture achevée, l'orchestre entonna l'air : La Victoire est à nous ! et les chanteurs et, les choristes, en costume de chevaliers, — on jouait Armide, — s'élancèrent des coulisses sur la scène, reprenant avec l'orchestre : La Victoire est à nous ![98] Paris était transformé. La joie qui éclatait dans cette belle journée était bien naturelle : depuis six mois, il n'y avait pas eu de bataille gagnée. On n'était pas habitué à cela sous l'empire.

Au bulletin de Champaubert succédèrent ceux de Montmirail, de Château-Thierry, de Vauchamps, de Nangis, de Montereau, de Troyes. Chaque jour une nouvelle victoire venait raviver l'enthousiasme qu'avait excité la précédente. On disait que la paix ne tenait plus qu'à la médiatisation d'Anvers, et si grande, au reste, était la confiance dans les succès de l'empereur, que l'on déplora la retraite de l'armée autrichienne sur l'Aube, parce que, affirmait-on, Schwarzenberg avait échappé par là à une défaite complète[99].

Le 16 février, une première colonne de 5.000 prisonniers russes et prussiens, escortée par des grenadiers de la garde nationale, entra dans Paris et défila sur les boulevards. La population entière, que les journaux avaient avertie, se porta à sa rencontre ; la Bourse elle-même était désertée. Les généraux russes qui marchaient à cheval et sans épée en tête des troupes, furent reçus aux cris de : Vive l'empereur Vive Marie-Louise ! À bas les Cosaques ! Dans la rue Napoléon (rue de la Paix), et sur la place Vendôme, on cria : Vive la colonne ! protestation patriotique contre le projet que l'on supposait aux Alliés de détruire ce monument. À plusieurs reprises, les gendarmes d'escorte durent faire reculer la foule où quelques individus proféraient des insultes et des menaces[100]. Ces manifestations cessèrent au passage des soldats, dont la misère et l'aspect sordide inspiraient la pitié. Vêtus de haillons qui n'avaient plus caractère d'uniforme, presque tous la tête nue ou enveloppée de lambeaux de linges sales, portant de grandes marmites au dos, ils évoquaient plutôt l'idée d'une troupe de bohémiens que celle d'un convoi de prisonniers de guerre[101]. Ils tendaient les mains à la foule et montraient leur bouche ouverte, cherchant par ces gestes désespérés à exprimer qu'ils avaient faim[102]. On courut chez les marchands des boulevards et des rues adjacentes. Bientôt on put distribuer à ces malheureux du pain, des provisions, de l'argent, des vêtements, qu'ils recevaient avec toutes sortes de cris barbares et en portant la main sur leur cœur[103]. Le 17 février, le 18, chaque jour pendant une semaine, de nouvelles colonnes de prisonniers défilèrent par Paris, inspirant la même commisération, provoquant les mêmes charités et affermissant la confiance dans le triomphe final de l'empereur[104]. Cette confiance s'accroissait de ce fait, que les prisonniers russes et prussiens, d'un côté, et les prisonniers autrichiens, de l'autre, se montraient une mutuelle animosité. Les premiers disaient qu'ils devaient leurs défaites à la lenteur des Autrichiens ; les seconds ripostaient que c'était la folle présomption de Blücher qui avait conduit l'armée de Silésie à des désastres mérités. Ils se traitaient de cosaques et de mangeurs de choucroute, passaient des injures aux menaces et des menaces aux coups. Le général Hullin donna l'ordre de les séparer dans les marches et les cantonnements. On concluait de ces discordes que la mésintelligence régnait aussi aux armées et parmi les états-majors — ce qui était vrai — et on en augurait bien pour la suite des événements[105].

Paris avait recouvré la sécurité. On commençait à plaisanter ceux qui avaient envoyé leur mobilier en province ou caché leur or dans les caves. On distribuait aux blessés et aux prisonniers les provisions amassées pendant les jours d'alarmes. Les plaisirs, sinon les affaires, reprenaient. Des masques coururent les boulevards pendant les jours gras. Il y eut foule aux derniers bals de l'Opéra, qui furent très gais, bien que, dit assez naïvement le préfet de police, la société fût très mal composée en femmes. Le Palais-Royal reprit son diable au corps. On dansait au Wauxhall, au bal Tarare, au Cirque de la rue Saint-Honoré. Dans les salons, on causait de la mort de Bernardin de Saint-Pierre, de celle de Geoffroy, le célèbre feuilletoniste des Débats, et du Mémoire du jeune Villemain : Sur les avantages et les inconvénients de la critique, que l'Académie française avait récemment couronné. MM. Aignan et Baour-Lormian, candidats en présence, faisaient leurs visites comme si de rien n'était. M. Denon, qui cumulait les directions du musée et des médailles, ne pensait plus à sauver les tableaux du Louvre. Il s'agissait bien de cela ! on gravait la médaille de Champaubert. Les théâtres retrouvaient leur public. Beaucoup de gens y venaient, comme à la Bourse d'ailleurs, en uniforme de garde national. — C'était la mode du jour, comme c'était, pour les femmes, la mode de faire de la charpie. Ou applaudissait les couplets et les tirades patriotiques des pièces de circonstance[106]. L'Opéra donnait l'Oriflamme ; le théâtre de l'Impératrice, les Héroïnes de Belfort ; les Variétés, Jeanne Hachette ; l'Ambigu, Philippe-Auguste ; la Gaîté, Charles-Martel ; le Cirque français, le Maréchal de Villars ; le théâtre Feydeau, Bayard à Mézières :

Entends le chevalier sans peur !

Des murs de Mézières il te crie :

Viens de ton glaive au champ d'honneur

Faire un rempart à la patrie !

La Comédie-Française annonçait la Rançon de Duguesclin, avec Talma et Mlle George[107]. Le Vaudeville jouait l'Honnête Cosaque de Désaugiers, satire des intentions prétendues pacifiques des souverains alliés et de la prétendue discipline de leurs soldats. Sur toutes les scènes en chantait la Ronde de la garde nationale, d'Emmanuel Dupaty :

Gardons-le bien, l'enfant dont la paissance.

À nos esprits doit servir de soutien !

Repose en paix, noble espoir de la France.

Et nous amis, dans l'ombre et le silence.

Gardons-le bien !

Le jour, c'étaient d'autres spectacles : les revues, les défilés de troupes, enfin le dimanche 27 février la présentation à l'impératrice des drapeaux ennemis pris dans les combats de Champaubert, de Montmirail et de Vauchamps. Toute la garnison de Paris était massée sur la place du Carrousel ; le cortège, composé de détachements de la garde nationale, de la garde impériale et de la ligne, avait à sa tête le général Hullin, commandant la première division militaire. Dix officiers de différentes armes portaient les dix drapeaux : un autrichien, cinq russes et quatre prussiens. Les troupes présentèrent les armes, les tambours battirent aux champs. L'impératrice, entourée des grands dignitaires et des ministres, reçut les drapeaux dans la salle du trône. Aux paroles emphatiques de Clarke, qui se crut obligé de rappeler Charles Martel et les Sarrasins, Marie-Louise fit cette simple et belle réponse : Je vois ces trophées avec émotion. Ils sont à mes yeux les gages du salut de la patrie[108]...

Sans doute, nombre de gens ne jugeaient pas ces victoires décisives et s'attendaient à voir tôt où tard l'empereur repoussé sur Paris[109]. Mais devant la nouvelle attitude de la population, ils n'osaient plus dire tout haut leur pensée. Les alarmistes faisaient trêve[110]. Les plus sûrs témoignages marquent le relèvement de l'esprit public à l'écho du canon de Champaubert et de Vauchamps. Le baron de Mortemart écrit à l'empereur : Paris est étonnamment changé. La stupeur dans laquelle je l'avais laissé a fait place à la joie et à l'enthousiasme. On est dans la plus grande sécurité[111]. Le général Hullin, rebelle à toute illusion, dit dans l'un de ses rapports : L'esprit public est bon et devient chaque jour meilleur[112]. Le préfet Pasquier, moins optimiste encore que Hullin, dit de son côté : Jamais l'enthousiasme n'a été ni plus vif ni plus général[113]. Les ennemis eux-mêmes constatent la métamorphose de Paris. Un changement subit s'opéra dans l'opinion, dit un officier anglais[114], prisonnier sur parole. Du plus grand abattement on passa à une confiance sans mesure. Dès ce moment, dit l'Espagnol Rodriguez, — dans un livre qui n'est, de la première page à la dernière, qu'une abominable diatribe contre l'empereur, — dès ce moment, la joie et l'allégresse, dont les Parisiens ne peuvent pas se passer bien longtemps, commencèrent à renaître et à se montrer dans les spectacles, dans les sociétés et partout ailleurs[115].

Il existe enfin un autre témoignage non moins décisif, celui de la Bourse, de la Bourse que ne guident ni les sentiments généreux ni l'esprit de sacrifice. La rente, qui, à dater du 8 janvier, avait oscillé entre les cours de 48 et de 50 francs, et qui, à la nouvelle de la défaite de la Rothière, le 4 février, était tombée à 47,75, la rente monta, le 4 février, à la nouvelle de la victoire de Champaubert, à 56,50 ; et, jusqu'au 3 mars, les cours se maintinrent entre 57 et 54[116]. Une telle hausse prouve que l'on avait repris confiance dans la Fortune napoléonienne, — cette divinité à laquelle les anciens eussent élevé des autels. Le raisonnement, que les succès de l'empereur ne servaient qu'à ajourner sa chute, sans l'empêcher, ne convainquait personne. Si la Bourse eût pensé ainsi, elle eût baissé à la nouvelle des victoires françaises, puisque ces victoires ne faisaient que retarder le triomphe définitif des Alliés, c'est-à-dire la paix. Comme la France entière, la Bourse voulait la paix ; mais cette paix, comme tous les Français, elle l'espérait glorieuse ; comme tous les Français, elle la voyait déjà imposée à l'ennemi par l'empereur victorieux.

Tandis que ces batailles gagnées élevaient les cœurs et ranimaient les esprits à Paris et en province[117], dans les départements envahis, les forfaits des Cosaques et des Prussiens[118] excitaient les colères vengeresses. En franchissant le Rhin, les Alliés avaient lancé les plus rassurantes proclamations, et, aux premiers jours de l'invasion, ils avaient en effet maintenu la discipline. Mais déjà la jactance des officiers, leurs propos blessants, leurs façons de dire qu'ils étaient venus pour museler la France[119], offensaient les habitants, exaspérés d'ailleurs par l'énormité des réquisitions.

A Langres, outre les denrées nécessaires à la nourriture des troupes, on dut livrer, dans le délai de deux jours, 1.000 chemises, 1.000 paires de guêtres, 500 manteaux de drap blanc pour la cavalerie, 500 manteaux de drap brun pour l'infanterie et 2.200 culottes, dont 1.000 de drap bleu de ciel. Trois semailles après, les arrondissements de Langres, de Chaumont et de Vassy étaient de nouveau taxés à 26.000 aunes de drap et à 50.000 aunes de toile ; cela sans préjudice des réquisitions particulières imposées aux communes[120]. Vicq, qui comptait à peine 1.000 âmes. fournit en huit jours aux Russes 560.000 livres de pain, 28.000 livre de viande, 360 pièces de vin et d'eau-de-vie, 40.000 livres de pommes de terre, de l'avoine et du fourrage à proportion, enfin 650 cordes de bois sec et 500 livres de chandelles[121]. Sur tout le territoire occupé, c'étaient les mêmes réquisitions : dans la Meurthe, dans la Côte-d'Or, dans l'Yonne, dans Seine-et-Marne, dans l'Aube, où Troyes fut taxée par le prince de Hohenlohe à 150.000 francs argent, et à 18.000 quintaux de farine, 12.000 pièces de vin, 3.000 pièces d'eau-de-vie, 4.000 bœufs, 18.000 quintaux de foin, 344.000 rations d'avoine ; dans la Marne, où les caves furent vidées ; dans l'Aisne, où l'ennemi prit 6.000 chevaux, 7.000 bêtes à cornes et 40.000 moutons[122]. Par surcroît, les Alliés prétendaient faire payer à leur profit les contributions arriérées de 1813 et les contributions échues de l'année courante. Les percepteurs, ainsi du reste que tous les fonctionnaires publics, étaient tenus de servir les Alliés comme ils avaient servi le gouvernement français. Nombre d'agents de l'administration étant en fuite, les généraux nommaient à leur place d'autres personnes qui devaient, sous peine de déportation immédiate, accepter les fonctions qu'on leur attribuait[123].

Les réquisitions, c'était bien pour faire vivre et même pour habiller l'armée à peu de frais ; ce n'était pas assez pour contenter les soldats. À mesure que les coalisés pénétrèrent plus avant dans le pays[124] et surtout à leurs premiers revers, ils marchèrent avec le pillage, le viol et l'incendie. — Je croyais, dit un jour le général York à ses divisionnaires et brigadiers, avoir l'honneur de commander un corps d'armée prussien ; joue commande qu'une bande de brigands[125]. Souvent, il faut le reconnaître, la soldatesque agissait à l'encontre des proclamations et des ordres du jour des généraux, et malgré les efforts des officiers[126]. Par malheur, ces belles proclamations et ces sévères ordres du jour étaient imprimés en français. Les Cosaques, les Baskirs, les Kalmouks n'entendaient pas cette langue, et les affiliés du Tugendbund affectaient de l'avoir oubliée. D'autre part, au milieu de cette foule d'hommes de différentes nations et en raison des divisions qui régnaient entre eux, les sauvegardes écrites n'étaient point respectées et l'autorité des officiers était presque nulle, souvent même tout à fait méconnue. Le soir de Fère-Champenoise. la femme d'un colonel français, tué dans l'action, tomba aux mains des Cosaques. Le propre aide de camp de sir Charles Stewart qui voulut la délivrer fut à moitié assommé et depuis on n'entendit jamais plus parler de la malheureuse[127]. Détail moins tragique, un maire des environs de Pont-sur-Yonne, mandé chez un général, fut dépouillé de ses souliers par le factionnaire, à la porte même du quartier général, et dut entrer nu-pieds dans le salon[128]. Le prince de Metternich affectait de s'apitoyer sur les misères de cette campagne ; il écrivait à Caulaincourt : Les Mesgrigny ont le bonheur de me posséder dans leur hôtel, bonheur véritable, car je ne les mange pas. C'est une vilaine chose que la guerre, mon cher duc, et surtout quand on la fait avec 50.000 Cosaques et Baskirs[129]. Les officiers d'une armée rejetaient tous les excès et toutes les violences sur les troupes des autres armées, et ils refusaient d'intervenir quand ce n'étaient pas leurs propres soldats qui étaient en cause. À Moret, un général autrichien répondit au maire, qui le conjurait d'arrêter le pillage de la ville par les Cosaques : — Ils sont Russes ; je n'ai aucun droit sur eux. À Chaumont, le grand-duc Constantin, ému par les larmes d'un malheureux jardinier dont on pillait la maison, l'accompagna jusqu'à sa rue. Il reconnut de loin l'uniforme autrichien : — Ah ! dit-il en éclatant de rire, ce sont les soldats du papa beau-père ! Je n'ai point à commander ici[130].

Que de fois, au reste, c'était par ordre exprès des généraux que cités et villages étaient saccagés ! On portait à la connaissance des troupes que le pillage était autorisé pour deux heures, quatre heures, une journée entière. Les soldats, cela se conçoit, en prenaient toujours plus qu'on ne leur en accordait. Troyes, Épernay, Nogent, Sens, Soissons, Château-Thierry, plus de deux cents villes et villages furent littéralement mis à sac[131]. Les généraux alliés, disent des témoins oculaires, regardaient le pillage comme une dette qu'ils acquittaient à leurs troupes[132].

Tantôt les soldats se ruaient à la curée avec des élans sauvages, tantôt ils procédaient de sang-froid, calmement, méthodiquement. Parfois ils daignaient rire. Un de leurs divertissements favoris consistait à mettre nus hommes et femmes et à les chasser à coups de fouet dans la campagne couverte de neige. Ils ne s'amusaient pas moins quand ils faisaient courir autour d'une table, le nez pris dans des pincettes, les notables du village, le maire, le curé, le médecin, ou encore lorsque, dans la cour d'un collège, devant les élèves assemblés, ils donnaient la schlague au principal, dépouillé de tous ses vêtements[133].

Simples jeux que tout cela, bons à occuper les loisirs de la garnison. Mais quand le soir d'une bataille gagnée, le lendemain d'une défaite ou même à la suite d'un mouvement quelconque, Cosaques ou Prussiens pénétraient dans une ville, dans un village, dans une ferme, dans un château, toutes les épouvantes y entraient avec eux. Ils ne cherchaient pas seulement le butin ; ils voulaient faire la ruine, le deuil, la désolation. Ils étaient gorgés de vin et d'eau-de-vie, leurs poches étaient pleines de bijoux, — on trouva cinq montres sur le cadavre d'un Cosaque, — leurs havresacs et leurs fontes étaient bondés d'objets de toute sorte, les chariots qui suivaient leurs colonnes étaient chargés de meubles, de bronzes, de livres, de tableaux[134]. Ce n'était pas assez. Comme ils ne pouvaient cependant tout emporter, il fallait que la destruction achevât l'œuvre du pillage. Ils brisaient les portes, les fenêtres, les glaces, hachaient les boiseries, déchiraient les tentures, incendiaient les granges et les meules, brûlaient les charrues et en dispersaient les ferrements, arrachaient les arbres fruitiers et les pieds de vigne, faisaient des feux de joie avec les meubles, cassaient les outils des artisans, jetaient au ruisseau les fioles et les bocaux des pharmaciens, défonçaient les barriques de vin et d'eau-de-vie et en inondaient les caves[135].

A Soisson, 50 maisons furent entièrement brûlées, à Moulins 60, à Mesnil-Sellières 107, à Nogent 160, à Busancy 75, à Château-Thierry, à Vailly, à Chavignon, plus de 100, à Athies, à Mesbrecourt, à Corbény, à Clacy, toutes[136] ! Fidèles aux leçons de Rostopchine, les Cosaques commençaient par briser les pompes. La lueur des incendies éclairait des scènes atroces. Les hommes étaient frappés à coups de sabre et de baïonnette. Dépouillés nus et attachés au pied du lit, ils devaient assister aux violences exercées sur leurs femmes et leurs filles ; d'autres étaient torturés, fustigés, chauffés jusqu'à ce qu'ils révélassent le secret des cachettes. Les curés de Montlandon et de Rolampont (Haute-Marne) furent laissés morts sur place. À Bucy-le-Long, les Cosaques grillèrent les jambes d'un domestique nommé Leclerc, laissé à la garde d'un château. Celui-ci persistant à se taire, ils lui emplirent la bouche de foin et y mirent le feu. À Nogent, Hubert, marchand de drap, tiré aux quatre membres par une dizaine de Prussiens, fut quasi écartelé ; une balle bienfaisante termina ses souffrances. À Provins, on jeta un enfant sur des tisons pour faire parler la mère.

Ni l'enfance ni la vieillesse ne trouvaient grâce devant la cupidité et la luxure. Une femme de quatre-vingts ans portait un diamant au doigt. La bague était étroite : un coup de sabre trancha le doigt. Des septuagénaires, des filles de douze ans furent violées. Pour le seul canton de Vendeuvre, on évalue à cinq cent cinquante les personnes des deux sexes mortes des suites de violences et de coups. Une Lucrèce rustique, la femme Ollivier, prenant en horreur son corps souillé par les Cosaques, s'alla noyer dans la Barse[137].

A Château-Thierry, les Russes de Sacken commencèrent le pillage pendant la journée du 12 février ; les Prussiens d'York le continuèrent dans la nuit et la matinée du lendemain. Tout fut saccagé. Comme à Moscou, les Russes ouvrirent les prisons à la tourbe des malfaiteurs pour se faire aider dans leur œuvre infernale Ils envahirent les maisons, les hospices, les collèges, les couvents, les églises, pillant, violant, massacrant, dévalisant les boutiques, forçant les troncs et les tabernacles, volant les objets sacrés, frappant du fer des lances les prêtres et les religieuses. On compta dix-sept morts. Une femme âgée fut violée sur le cadavre de son mari ; une jeune fille, après avoir subi le même outrage, reçut un coup de lance dont elle mourut le lendemain ; d'autres furent jetées dans les écluses. Un homme contraint de servir de guide à un détachement fut mené à coups de fouet et la corde au cou. À l'arrivée, on lui logea une balle dans la tête. La nuit, des Prussiens pénètrent dans un pensionnat de jeunes filles. La directrice, les sous-maîtresses, les servantes sont violées. Puis, entendant les lamentations des élèves enfermées au dortoir, les soldats en brisent la porte Folles de terreur, les malheureuses, presque nues, se réfugient au fond de la salle et s'entassent les unes sur les autres comme un troupeau de moutons qui ont peur. Ce spectacle remue au cœur des Prussiens le peu qui y reste de pitié et d'honneur ; ils ont honte d'eux-mêmes : lentement, un à un, ils se retirent, non sans avoir d'ailleurs dévalisé tout le couvent avec la plus grande conscience[138].

A Montmirail, cinquante Cosaques arrivèrent le jour de la foire : Il y avait beaucoup de monde dans les rues, raconte un habitant, mais chacun se sauva. Le chef fit donner un coup de caisse et expliqua que l'on pouvait circuler librement. Les Cosaques partirent. Une grande heure après, ils revinrent au nombre de quatre ou cinq cents, chargèrent la foule, frappant de la lance et du sabre, piétinant ceux qu'ils renversaient ; plusieurs personnes furent grièvement blessées. Alors ils descendirent de cheval et arrêtèrent une trentaine d'individus. L'un d'eux, dépouillé nu, fut attaché sur une chaise, les pieds dans un baquet de neige fondue, en face de sa maison, dont il assista au pillage et au bris. Les Cosaques virent aussi quinze des notables, les mirent nus et leur donnèrent à chacun cinquante coups de knout. Ils déshabillèrent les hommes et les femmes. Moi-même, j'ai été volé par un chef à qui mes habits et mes bottes convenaient. En majeure partie, les filles et les femmes ont été violées, même dans la rue. Il y en a eu qui se sont jetées par les fenêtres pour se soustraire aux outrages. Des pères eurent les mains coupées à coups de sabre en voulant retirer leurs filles des mains de ces brutaux[139]. À Crézancy, une reconnaissance de gardes d'honneur débouchant à l'improviste dans le village vit ceci : le maire attaché par le cou à une colonne du lit ; à ses pieds sa jeune femme violée et évanouie ; sous le berceau de l'enfant, un fagot allumé. Dans le verger voisin, des Cosaques ivres forçaient de malheureuses paysannes à danser avec eux, au son du violon d'un ménétrier dont les épaules saignaient sous le knout[140].

A Sens, le pillage dura neuf jours, — du 11 an 20 février. Ces furieux, rapporte l'adjoint, parcourent la ville de jour et de nuit, pénétrant dans toutes les maisons, enfonçant les armoires, secrétaires, commodes, s'emparant de l'argent, des bijoux, du linge, brisant les glaces et les meubles. Les instruments et outils de toutes professions sont arrachés à leurs propriétaires, cassés, brûlés et dispersés. Des religieuses sont outragées, les temples profanés, les tabernacles forcés, les vases sacrés volés. Des femmes et des filles, à peine nubiles, sont violées sous les yeux de leurs maris et de leurs parents... Ces scènes d'horreur sont répétées tous les jours jusqu'à l'évacuation de la ville[141]. — Suprême ironie, en quittant cette ville de Sens où il avait présidé au pillage, le prince héritier de Wurtemberg, beau comme un jeune dieu, réquisitionnait vingt-quatre paires de gants blancs[142] !

En exaspérant la population, ces exploits de Bachi-Bozouks et de chauffeurs ramenaient à Napoléon les plus hostiles et armaient les moins belliqueux. Un professeur nommé Dardenne, ardent républicain, écrivait de Chaumont : Admirez la versatilité de mes opinions. Vous savez combien peu j'aimais ce guerrier farouche à qui, jusqu'à ce jour, ont été soumis les destins de la France... Eh bien ! aujourd'hui, je prie les dieux pour la prospérité de ses armes, tant la honte de voir mon pays au pouvoir de ces odieux Cosaques l'emporte sur tous mes autres sentiments[143]. Le général Allix écrivait d'Auxerre : L'esprit parmi le peuple va toujours en s'exaspérant, et les fauteurs de l'ennemi n'osent plus élever la voix[144]. Enfin, le préfet de Seine-et-Marne résumait l'opinion générale par ces mots : Les habitants se consoleront des malheurs passés et sont prêts à de nouveaux sacrifices, pourvu qu'il soit fait justice des Cosaques[145].

Et lorsque les paysans, si cruellement désabusés sur les promesses des proclamations, s'écriaient qu'ils étaient prêts à poursuivre les ennemis comme des bêtes féroces[146], ce n'étaient point de vaines menaces. Lorrains, Comtois, Bourguignons, Champenois, Picards saisissaient les fourches, les vieux fusils de chasse échappés aux réquisitions préfectorales comme aux perquisitions des Alliés, ramassaient sur les champs de bataille les fusils des morts[147] et couraient sus à l'ennemi, s'il ne se présentait pas en trop grande force ou s'il battait en retraite. À Montereau, à Troyes, dans la dernière heure du combat, les habitants firent pleuvoir des tuiles, des meubles sur la tête des Autrichiens, les fusillèrent à travers les volets et les soupiraux des caves. À Château-Thierry, des ouvriers amenèrent sous les balles prussiennes des barques aux soldats de la garde. Pendant le sac de Soissons, une servante blessa deux Prussiens qui lui voulaient faire violence ; et un boucher, s'étant posté, armé d'un coutelas, au bas de l'escalier d'une cave, saignait dans l'ombre les pillards. Les riverains de la basse Marne arrêtèrent en quatre jours deux cent cinquante Russes et Prussiens. Le lendemain de Champaubert, un enfant de treize ans amena aux avant-postes du fie corps deux grenadiers russes. — Ces gaillards-là voulaient broncher, disait-il, en brandissant un grand couteau d'équarrisseur, mais je les ai bien fait marcher. Sur la route de Chaumont à Langres, un parti de paysans délivra quatre cents soldats d'Oudinot pris à, la bataille de Bar-sur-Aube. Entre Montmédy et Sézanne, sur une étendue de plus de quarante lieues à vol d'oiseau, les villages étaient complètement désertés par leurs habitants, qui faisaient dans les bois la guerre d'embuscade. En Bourgogne, en Dauphiné, dans les Ardennes qui étaient en pleine insurrection, dans l'Argonne dont deux mille partisans gardaient les défilés, en Nivernais, en Brie, en Champagne, les paysans, organisés en compagnies franches ou accourant au son du tocsin, combattaient à côté des troupes régulières[148].

Le curé de Pers, près Montargis, se fit chef de partisans. À la tête d'une dizaine d'hommes armés de fusils à six coups, il défendait son village, dressait des embuscades au loin, arrêtait les convois. En sa qualité de commandant, il marchait à cheval, la soutane retroussée, le sabre au côté et le fusil en bandoulière : mais à la moindre alerte, il mettait pied à terre et, pour encourager ses hommes, il tirait toujours le premier coup de feu[149]. Dans les environs de Piney, la ferme des Gérandots fut appelée le tombeau des Cosaques. On leur faisait bon accueil, on leur servait à boire à discrétion, et quand ils cuvaient leur eau-de-vie, le fermier, ses fils et ses valets de charrue les fusillaient à travers les croisées. Aucun ne sortit des Gérandots pour raconter ce qui s'y passait[150]. Une jeune veuve qui habitait, non loin d'Essoyes, une grande maison isolée donna à coucher à soixante Cosaques après les avoir enivrés. La nuit venue, elle réunit ses domestiques et se faisant aider par eux, elle mit le leu à sa propre demeure[151]. Près de Bar-sur-Ornain, les paysans massacrèrent un général prussien resté, en arrière avec une petite escorte[152]. Un garde-chasse de Sauvage, nommé Louis Aubriot, avise en face de sa maison quatre dragons prussiens dont deux sont descendus de cheval. Il sort armé, abat de ses deux coups de fusil les deux cavaliers et tombe à coups de crosse sur les deux autres dragons, qui restent à demi assommés. Les quatre chevaux et trois prisonniers sont près de moi, écrit le général Vattier ; l'autre dragon est mort[153]. — Un contre quatre ! Horace conquit à moins sa renommée. — L'Égorgeur de Wailly — c'est le surnom que garda un manouvrier du village, ancien soldat d'une force herculéenne — ne s'attaquait qu'à trois homme : à la fois. Il s'offrait pour guide aux Alliés égarés, quand ils n'excédaient pas ce nombre, et il les tuait chemin faisant. Une servante de Presles éventra avec sa fourche deux Cosaques endormis dans une grange. À Crandelain, les habitants assaillirent pendant la nuit un poste de Cosaques et les exterminèrent[154]. Longtemps dans le Laonnois, les paysans ne voulurent point boire l'eau des puits où tant de cadavres avaient été cachés.

Les officiers alliés prisonniers avouaient que leurs soldats étaient terrifiés par la prise d'armes des paysans, les Prussiens surtout qui avaient l'expérience de ce que peut produire l'exaspération patriotique[155]. Les détachements ennemis n'osaient plus cantonner clans les villages ; ils se faisaient apporter les réquisitions au bivouac. Dans la peur des habitants, des soldats restés en arrière vinrent se rendre prisonniers aux avant-postes français[156]. Les bois, les lisières des forêts, les bords des rivières et des étangs, les chemins encaissés, devenaient des coupe-gorge. Des bandes de dix, de vingt, de cinquante, de trois cents individus armés de fusils de chasse, de fourches, de haches, se tenaient en embuscade, prêts à se jeter sur les détachements, prompts à fuir en se dispersant si passaient des colonnes. Il fallait, dit un historien allemand, des escortes considérables aux convois et cent cavaliers pour accompagner un courrier[157]. Malheur aux traînards, aux isolés, aux vedettes, aux patrouilles ; aux convoyeurs ! La chasse était ouverte.

 

 

 



[1] Sénatus-consulte du 9 octobre 1813, autorisant la levée de 280.000 hommes : 120.000 hommes des classes de 1808 à 1814 ; 160.000 hommes de la conscription de 1815.

Sénatus-consulte du 15 novembre 1813, autorisant la levée de 300.000 hommes des classes de l'an XI, à l'an XIV, et des années 1806 et suivantes, jusques et y compris 1814.

Décret impérial du 20 novembre 1813, portant à 160.000 hommes la levée des 120.000 conscrits, autorisée par le sénatus-consulte du 9 octobre.

Décret impérial du 17 décembre 1813, ordonnant la formation de 457 cohortes de gardes nationales (évaluées à un total de 176.500 hommes) destinées à seconder on à remplacer les garnisons de l'intérieur pour la garde des places fortes, la police et au besoin la défense des villes ouvertes.

Deux autres décrets des 30 décembre 1813 et 6 janvier 1814 allaient encore ordonner la formation de légions de gardes nationales actives, qui seraient levées successivement et selon les besoins. On peut évaluer à 140.000 au moins les hommes mis à la disposition de la défense par ces deux décrets.

C'était donc en tout 936.000 hommes qui étaient appelés, ou, à mieux dire, sur le point d'être appelés. En effet, s'il y a l'éloquence il y a aussi l'illusion des chiffres. Par suite des ajournements de certaines levées, de la résistance que présentèrent certaines autres, du manque d'armes, des difficultés de toute sorte, sur ces 900.000 soldats et miliciens, un tiers à peine fut organisé et un huitième seulement combattit en rase campagne. De même, les 575.000 hommes des armées de 1812 et 1813 ne périrent pas tous par les balles, le froid et le typhus, comme l'affirmaient les pamphlets des premiers jours de la Restauration. Près de 300.000 étaient prisonniers ou tenaient les villes fortes d'Allemagne (Hambourg, où il y avait 42.000 hommes ; Dresde, où il y avait 20.000 hommes ; Magdebourg, où il y avait 18.000 hommes ; Dantzig, Torgau, Erfurth, etc.), et plus de 100.000 défendaient Strasbourg, Metz, Maëstricht, Mayence, Anvers, etc., ou tenaient la campagne en Alsace, en Lorraine et dans les Pays-Bas.

[2] Procès-verbaux des conseils des ministres, 17 novembre 1813. Arch. nat., AF, IV*, 99. Mémoires de Bausset, IV, 253. — Non seulement les traitements civils se trouvaient diminués ; la solde des officiers et même des soldats était payée en retard, par acomptes, et avec toutes les difficultés. Rapport de Parquier, 10 février ; Napoléon à Berthier, 2 mars. Arch. nat., AF, IV, 534 et 906 (lettre non citée dans la Correspondance). Mémoires de Ségur, VI, 265. — Le maréchal Ney, du 1er janvier an 15 mars, n'avait point reçu un soude sa solde. Ney à Berthier, 16 mars. Arch. de la guerre.

D'après un rapport de Pasquier de 14 janvier, il aurait même été question d'une suspension du paiement des rentes au-dessus de 300 francs.

[3] Décret du 11 novembre 1813, frappant de 30 centimes additionnels la contribution foncière, les portes et fenêtres, les patentes, doublant la cote personnelle, surimposant le sel de deux décimes par kilogramme et augmentant d'un décime les droits réunis et les octrois. — Décret du 9 janvier 1811, frappant de 50 centimes additionnels la contribution foncière, doublant la cote personnelle et les portes et fenêtres. Bulletin des Lois. — Ces décrets d'ailleurs restèrent à peu près sans effet. Malgré les surimpositions, les contributions directes de 1814 accusent, comme on le verra plus loin, une moins-value de plus de 50 pour 100.

[4] Bulletin des Lois, 18 janvier ; Rapports journaliers de Pasquier, janvier, passim.

[5] Rapports de Pasquier, 1er, 11, 18 et 19 janvier. Cf. note de police, 21 janvier. Arch. nat., AF., IV, 1534 et F. 7, 6603.

[6] Rapports analytiques du comte François à Rovigo, janvier, passim, analyses de pièces de la police générale, janvier, passim. Rapports de Pasquier, 7 janvier, 10 janvier, 4 février et passim. Correspondance des préfets relative à la conscription de 1813-1314. Arch. nat., F. 7, 4291, F. 7, 3772 F. 7, 4 290, AF., IV, 1533, F. 7, 3 4082, 3 4082 et 3 4162.

[7] Sous-préfet de Beaune à Montalivet, 17 janvier. Arch. nat., F. 7, 4290. Cf. Sous-préfet de Vervins à Malouet, 11 janvier : Il ne reste plus dans l'arrondissement que les vieillards, les estropiés, les infirmes. Arch. de Laon. Dans l'Aisne, écrit Pasquier le 6 janvier, on n'a laissé aucun homme dans les familles pour leur soutien. Dans l'Eure-et-Loir, écrit-il le 11, il n'y a plus que les infirmes et les éclopés. Arch. nat., AF., IV, 1534. — Il faut bien se rendre à ces témoignages authentiques, venus de tous les points de la France et se confirmant l'un par l'autre. On est en droit néanmoins de les taxer d'une certaine exagération. Le rappel des classes an II et suivantes, la levée de 1815, l'appel des gardes nationaux mobiles, ne portaient après tout que sur les Sommes de dix-neuf à quarante ans. À quarante et un ans, on n'est pas un vieillard.

[8] Instruction rédigés par ordre du ministre de l'intérieur, publiée dans le Journal de l'Empire, du 27 mars.

[9] Si l'empereur pouvait réunir toute la France autour de lui, Sa Majesté entendrait crier de toutes parts : Sire, donnez-nous la paix. Dejean Clarke, Anvers, 13 décembre 1813. Archives de la guerre. Cf. Mémoires de Marmont, VI, 8-10 ; Mémoires de Belliard, I, 125 sqq. Quant aux témoignages des préfets, commissaires extraordinaires, commissaires généraux de police, sur le vœu général de la paix, c'est par centaines ; qu'il faudrait les citer. Arch. nat., AF., IV, 1534 ; F. 7, 4281 ; 3772 ; 3043 ; 3737 ; F. 2, 4290.

[10] On s'est, au reste, fort exagéré le nombre de ces exils et relégations arbitraires. L'état des individus exilés ou éloignés de la capitale depuis 1804 jusqu'en 1814 inclus, s'élève en tout à 139, et les deux tiers d'entre eux, qualifiés anciens révolutionnaires, furent maintenus en exil on en relégation par ordonnance de Monsieur, lieutenant général du royaume, en date du 25 avril 1814. Arch. nat., F. 7, 6586. — D'ailleurs, au point de vue absolu, le nombre ne fait rien à la chose.

[11] Rapports de Pasquier, 7 janvier. Rapports et notes de police, 12 janvier, 22 janvier, 20 janvier et passim. Rapports du comte François, 15 janvier et passim. Arch. nat., AF., IV, 1534 ; F. 7, 3043 ; F. 7, 6603 ; F. 7, 3737 ; F. 7, 4291. Cf. Fain, p. 23, note.

[12] Fain, Manuscrit de 1814 ; Mémoires de Ségur, VI, 256.

[13] Mollien, Mémoires d'un ministre du trésor public, IV, 127. — On dit que tous les moyens de succès sont du côté de l'empereur. (Note de police, Paris, 21 janvier.) — La population manifeste une grande confiance dans l'empereur. (Commissaire général de police de la Lozère à Rovigo, 25 janvier.) — L'empereur peut compter sur la classe ouvrière. (Note de police, 21 mars.) — Grand enthousiasme au Havre pour les victoires de l'empereur. (Rapport de Pasquier, 13 février.) — La confiance dans le génie de l'empereur est sans bornes. (Id., 5 mars.) — Le peuple est pour l'empereur. (Note de police, 22 janvier.) Arch. nat., F. 7, 6603 ; F. 7, 3043 ; AF., IV, 1 534. Cf. Analyses du comte François sur l'esprit public dans les départements, passim. Arch. nat., F. 7, 4 291. — Je suis forcé de dire que la majeure partie des citoyens et surtout les négociants tiennent à Bonaparte. On aura peine à le croire quand on pense que sons lui toutes les opérations commerciales ont été anéanties... mais l'amour de l'égalité l'emporte... Ils craignent de voir revenir les privilèges.... Rollac, la Journée du 11 mars à Bordeaux. Appendice, 205. — De remonter aux causes de cette guerre, d'en maudire l'auteur, c'est ce que les paysans ne pouvaient faire. Journal de Gain de Montagnac. — Les derniers cris que Napoléon entendit dans les provinces, ravagées par sa faute, furent des cris de dévouement. Fabvier, Journal des opérations du 6e corps, 8. Cf. Mémoires de Ségur, VI, 236 et passim ; Fain, 69, 131, 185 et passim ; Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, XII, 298 ; Pougiat, Koch, etc., etc.

[14] Correspondance des préfets relative à la conscription de 1813-1814. Arch. nat, F. 7, 3 4082, 3 4083 et 3 4162. — Dans sa lettre du 15 octobre 1813, le préfet du Mans dit : ... Je ne saurais taire que j'ai trouvé une répugnance extrême pour le service militaire qui s'est manifestée par des doléances et des infirmités supposées. Mais la douceur et la résignation égalent l'apathie. — La résignation, le mot est juste. C'est le sentiment qui domine dans l'ensemble des départements.

[15] État des levées an 15 janvier et 31 janvier 1814. Arch. nat., AF., IV., 637 et 638. — De fait, l'excédent était un déficit de 9.000 hommes, puisque, en y comprenant la levée de 30.000 hommes pour l'armée des Pyrénées et les 5.000 conscrits demandés en plus sur le contingent de 160.000 hommes, c'était en réalité 195.000 hommes qui étaient appelés.

[16] Correspondance des préfets relative à la conscription de 1813-1814. Arch. nat., F. 7, 3 4082, 3 4083 et 3 4162. — D'après cette précieuse correspondance, il serait facile de dresser pour l'ensemble de la France un tableau figuratif de l'esprit public en 1814. D'une façon générale, on peut dire que le patriotisme, se traduisant par l'obéissance aux appels sous les drapeaux, la fidélité au gouvernement impérial et, plus tard, les prises d'armes spontanées contre l'ennemi. animait les départements qui correspondent aux anciennes provinces : Picardie, Île-de-France, Bretagne (moins les environs de Nantes), Saintonge, Auvergne, Haut-Languedoc, Dauphiné, Lyonnais, Bourgogne, Berri, Bourbonnais, Nivernais, Touraine, Orléanais, Franche-Comté, Champagne. Alsace et Lorraine. Dans les Flandres, l'Artois, la Normandie, le Maine, l'Anjou, la Guyenne, la Gascogne (moins le département des Hautes-Pyrénées), le Bas-Languedoc, la Provence (moins Marseille et Toulon), les populations étaient indifférentes à l'invasion et quelques-unes hostiles à l'empire.

[17] L'Aisne envoyait son contingent ou partie de son contingent (595 hommes) le 20 janvier ; Seine-et-Marne (2.000 hommes au lieu de 1.533 demandés), le 5 février ; le Var (1.140 hommes au lien de 680), le 25 février ; la Charente-Inférieure (1.210 hommes an lieu de 1.472), le 21 mars ; le Tarn (566 hommes au lien de 980), le 23 mars, etc. Correspondance des préfets, Arch. nat., F. 7, 3 4082, 3 4033, 3 4162, et Rapports de police, F. 7, 3 043 et 3 737.

Nous n'avons point trouvé aux Archives de la guerre ni aux Archives nationales le relevé de l'ensemble des contingents fournis par la levée de 1815, qui fut arrêtée dés le 1er avril 1814. Mais d'après un rapport du maréchal Davout (alors ministre de la guerre) à l'empereur, en date de 15 mai 1815 (Archives nationales, AF., IV, 1534), nous savons que cette levée ne donna en tout que 48.000 hommes. Ainsi, d'une façon générale, on peut dire que, sauf une vingtaine de mille hommes incorporés dans la jeune garde en février et en mars, la levée de 1815 ne contribua pas à la défense.

[18] Dans la pratique, et autant que le temps et les circonstances le permirent, les préfets s'efforcèrent d'équilibrer les charges entre les différentes classes. Ainsi, on ne prit les veufs sans enfants et les hommes mariés dans les classes 1809 à 1812, les plus éprouvées, que lorsqu'on eut pris tous les célibataires dans les classes antérieures et postérieures. Correspondance des préfets. Arch. nat., F. 7, 3 4082, etc.

[19] Correspondance des préfets relative à la conscription de 1813-1814. Arch. nat., F. 7, 3 4082, 3 4083 et 3 4162.

[20] État de la levée des 300.000 hommes an 31 janvier. Arch. nat., AF., IV2, 639. — Comme pour la levée de 1815, d'ailleurs, les opérations continuèrent les deux mois suivants. Il faut remarquer aussi que, de même que la levée des 160.000 hommes donnait non pas un excédent de 24.000, mais un déficit de 9.000 hommes, puisque de fait 193.000 hommes étaient appelés au lieu de 160000, de même la levée des 300.000 hommes donnait seulement un déficit de 116.000 hommes, puisque, en réalité, 178.000 hommes étaient immédiatement appelés au lieu de 300.000.

[21] Correspondance de Napoléon, 21 185.

[22] On acceptait les remplaçants jusqu'à 38 ans quand ils n'avaient pas servi, jusqu'à 42 quand ils étaient anciens militaires. Circulaire aux préfets. Arch. nat., F. 7, 34162. —Le haut prix des remplacements explique pourquoi il y eut en 1814 si peu d'engagements volontaires : 291 dans tout Paris pendant le mois de janvier. Les hommes dont la famille était dans la misère aimaient mieux remplacer que s'engager.

[23] Correspondance des préfets relative à la conscription de 1813-1814. Arch. nat., F. 7, 3 0433, 3 0183 et 3 4163. Rapports journaliers de Pasquier, du 1er au 20 janvier. AF., IV, 1534, et Rapports de police, mêmes dates, F. 7, 3 043 et 3 737. Correspondance de Napoléon, 21 056, 21 057, 21 113 ; Clarke à Malouet, 2 janvier. Arch. de la guerre.

Les gardes nationales, dites actives, furent naturellement portées à un plus grand nombre dans le courant de la campagne ; mais en y comprenant les gardes nationales réunies à Lyon, on ne peut guère admettre que ces milices aient jamais dépassé l'effectif total de 40.000 hommes tenant la campagne ou organisés et prêts à marcher. Nous ne comptons pas dans ce chiffre, cela s'entend, les gardes nationales dites urbaines on sédentaires de Metz, Strasbourg, Paris, Reims, Rouen, etc.

[24] Quelques exemples entre tant d'autres. Le 1er janvier, les dépôts de la 1re division militaire comptent 1.910 hommes aux écoles de peloton et de bataillon. 7.285 à l'école du soldat ; le 15 janvier, 495 hommes à l'école de peloton, 4.523 à l'école du soldat ; le 1er février, 150 hommes à l'école de peloton, 1.563 hommes à l'école du soldat. Situation des divisions militaires du 1er janvier au 1er février. Arch. nat., AF., IV*, 1050.

[25] Préval à Clarke, 25 mars. Arch. de la guerre.

[26] Dépôts de Paris au 1er janvier : 4.797 hommes habillés sur 9.195 ; au 15 janvier, 4.523 habillés sur 6.241 ; le 155e de ligne, 74 hommes habillés sur 330 hommes ; le 8e dragons, 75 hommes habillés sur 150, etc. Situations des divisions militaires du 1er janvier au 1er février. Arch. nat. AF., IV, 1 050.

[27] Situations des divisions militaires en janvier. Arch. nat., AF., IV, 1 050.

[28] Situation du dépôt de cavalerie de Versailles, au 8 février. Arch. nat. AF. IV, 1 670. — Au 10 mars, 3.615 chevaux pour 7.119 cavaliers. AF. IV, 1 667.

[29] Correspondance des préfets, Arch. nat., F. 7, 3 4082, 3 4083. Correspondance de Napoléon, 21 343, 21 409.

[30] Correspondance de Napoléon, 21 296 ; Clarke à Napoléon, 17 mars. Arch. de la Guerre. — Sur la saleté des troupes alliées, voir Journal d'un prisonnier anglais, Revue britannique, V, 268.

[31] Correspondance des préfets. Arch. nat., F. 7, 3 4082, 3 4083, 3 4162. Lettres de Flahaut à Malouet et de Malouet à Flahaut, 19 au 23 janvier. Arch. de Laon. Correspondance de Napoléon, 21 113, 21 284 ; Correspondance du roi Joseph, X, 135.

[32] Le trésor privé de l'empereur, produit de ses économies sur la liste civile pendant dix ans, se montait en 1813, défalcation faite des sommes avancées aux différents services et établissements de crédit (sommes dont l'empereur fit abandon par l'article XI du traité de Fontainebleau), à 75 millions en or et en argent déposés dans les caves des Tuileries. Or, au mois d'avril 1814 il restait de ces 75 millions, 10 millions qui, au mépris de tout droit, furent saisis à Orléans par les ordres du gouvernement provisoire. Cf. Correspondance de Napoléon, 20 902, 21 067, 21 147, 21 537 ; Correspondance du roi Joseph, X, passim ; Fain, 2, 274 ; Méneval, II, 25, 96, 101. — Hauterive écrivait à Caulaincourt, le 25 février : Le trésor de l'empereur fournit aujourd'hui à toutes les dépenses ; il s'épuisera. Arch. des affaires étrangères, fonds France, 670. Cf. Arch. nat., AF., IV, 1933.

[33] Correspondance de Napoléon, 21 205 ; Moniteur et Journal de l'Empire, 16, 19, 21 janvier ; Proclamation de Bubna aux habitants de l'Ain, Bourg, 14 janvier.

[34] Mortier à Berthier, 16 janvier ; Rapport de Gerband, 19 janvier. Arch. de la guerre. Caulaincourt à Napoléon, Lunéville, 8 janvier. Arch. des affaires étrangères. Lettres historiques de Dardenne (professeur à Chaumont en 1814), citées par Steenackers, l'Invasion dans la Haute-Marne, p. 49 ; Moniteur, 20 février ; Journal de Fabvier, 19. Plotho, Der Krieg in Deutschland und Frankreich in den Jahren 1813 und 1814, III, 33-40. etc

[35] Caulaincourt à Napoléon, Lunéville, 8 janvier ; Saint-Dizier, 18 janvier ; Châtillon, 31 janvier. Arch. des affaires étrangères, fonds France, 668. L'empereur Alexandre à Bar-sur-Aube, br. in-8°, 1816, 7 ; Fleury, le Département de l'Aisne en 1814 ; Steenackers, l'Invasion dans la Haute-Marne ; Pougiat, l'Invasion dans l'Aube, passim.

[36] Le décret sur les levées en masse et la nomination des généraux désignés pour les commander sont du 4 janvier. Correspondance de Napoléon, 21 061.

[37] Caulaincourt à Napoléon, Châtillon, 31 janvier et 3 février. Arch. des affaires étrangères, fonds France, 668. Rapports de Mortier à Berthier, 16 et 17 janvier. Arch. de la guerre. Sous-préfet de Vervins à préfet de l'Aisne, 10 janvier. Arch. de Laon.

[38] Rapport de Pasquier, 7 janvier. Arch. nat., AF., IV, 1534.

[39] Caulaincourt à Napoléon, Lunéville, 8 janvier. Arch. des affaires étrangères, fonds France, 668.

[40] Deux faits bien caractéristiques, entre autres : Lynch ayant demandé aux Polignac de lui désigner quelques royalistes zélés de Bordeaux, les deux frères l'adressèrent en effet à des royalistes mais non pas aux chefs de la conspiration. Ils ne les connaissaient pas, et Lynch fut mis, par hasard, en rapport avec eux. — Gain de Montagnac partit le 21 mars pour informer les Alliés de l'état de Paris sans savoir que Vitrolles était parti quinze jours auparavant avec la même mission. Correspondance relative aux événements de Bordeaux (par Lynch), 15, 17. Journal de Gain de Montagnac, 3, 4 ; Mémoires de Vitrolles, I, 70.

[41] Les préfets ont été très faibles en 1814, lit-on dans un rapport sur l'organisation de la garde nationale, en date du 5 avril 1815, il faut les remplacer par des généraux disponibles. Arch. nat., F. 7, 3 165. Cf. Rapports de police, 6, 10, 17, 20 et 26 janvier, 10 et 28 février 1814. Arch. nat., F. 7, 3 043, 4 283, 4 291. Correspondance de Napoléon, 21 340, 21 311, 21 338 ; Mémoires de Rovigo, t. VI, p. 335 ; Clarke à Montalivet, 12 mars et 28 mars. Arch. de la guerre. Caulaincourt à Napoléon, Nancy, 6 et 7 janvier, et passim. Arch. des affaires étrangères, fonds France, 668 : Les préfets et sous-préfets ont désorganisé la défense en Alsace et en Lorraine.

[42] Correspondance de Napoléon, 21 340. ... Le préfet de l'Aube s'est couvert de boue.

[43] Rapports de Pasquier, 17 et 21 février ; rapports de police, 25 janvier et 1er mars. Napoléon à Cambacérès, Reims, 16 mars (non publiée). Arch. nat., AF., IV, 1 534, F. 7, 3 737 ; AF., IV, 906. Manuscrit de Périn. Arch. de Soissons. Notes de Defrance, contrôleur des contributions en 1814. Arch. de Laon. Allix à Clarke, 2 mars et 9 mars et lettre de réquisition du maire de Tonnerre, 3 mars. Arch. de la guerre.

Voici comme étaient rédigées les réquisitions : Le maire de Tonnerre au maire de... Au revu de la présente et sana autre délai, vous ferez conduire les quantités de... dans les magasins établis à Tonnerre. Faute par Tons d'obtempérer à la présente, je serai forcé de noter votre commune aux commandants comme ayant refusé les subsistances, ce qui emporterait (sic) à l'exécution militaire.

[44] Commissaire central de police de Lyon à Rovigo, 26 février. Arch. nat., F. 7, 4 290.

[45] Dans ce département, comme dans tous les antres, écrivait le préfet de la Seine-Inférieure, il y a, même parmi les fonctionnaires, beaucoup d'individus attachés à l'ancien ordre des choses, et qui nuisent, par leur influence et leurs discours, à toutes les mesures que l'on voudrait prendre. Ils ont organisé une force d'inertie qui tue l'administration et paralyse les ordres de l'autorité, Pour être passive, la résistance n'en est pas moins réelle. Lettre à Clarke, 29 mars. Arch. de la guerre.

[46] Correspondance relative aux événements de Bordeaux (par Lynch), 9-18 ; Mémoires de Rovigo, VI, 321-324.

[47] Lettre du sous-préfet d'Abbeville, citée dans un rapport de police du 17 février. Arch. nat., F. 7, 4 289, et Clarke à Montalivet, 28 mars. Arch. de la guerre.

[48] Note de police, 21 mars. Lettre au grand juge, s. d. Arch. nat., F. 7, 6 605.

[49] Mémoires de Vitrolles, I, 45.

[50] Dossier Guillon, etc. ; dossier Giboulon ; rapports journaliers de Pasquier et rapports de police, aux dates. Arch. nat., F. 7, 6 603 et 6 598 ; AF., IV, 1 534 ; F. 7, 3 043, 3 725, 3 772.

[51] Le chevalier de Rougeville, qu'Alexandre Dumas a rendu populaire sons le nom de Maison-Rouge, fut fusillé à Reims le 7 mars, comme convaincu d'espionnage. Corbineau à Napoléon, Reims, 8 mars. Arch. nat., AF., IV, 1670. — Voici, du reste, la lettre de Rougeville au prince Wolkonsky qui motiva la sentence de la cour martiale : Mon prince, j'ai guidé vos reconnaissances le 17 février a Épernay, le 23 à Villers-Cotterêts. Je suis plein de zèle pour vos armées. J'ai guidé volontairement des Cosaques comme ancien officier de cavalerie. Si Votre Altesse a la bonté d'apprécier le zèle et l'ardeur qui me guident pour ses armes...

[52] Récit des événements de Pont-sur-Yonne, le 11 février 1814, par le chevalier Brunei, br. in-8°, 1816. Alors, séduit, enthousiasmé au nom des Bourbons, je répondis an prince de Wiggenstein que j'étais prêt à mourir pour les Cosaques et que j'indiquerai le chemin pour tourner Nogent. — Les habitants de Nogent, qui furent si abominablement pillés, durent se féliciter du dévouement aux Bourbons du chevalier Brunel.

[53] Evening Staar, Times, Courier, Observateur allemand, etc., 8 janvier, 11 janvier, 22 janvier, etc. ... La restauration de la monarchie s'impose... Il n'y a pas à négocier avec Bonaparte, le successeur des Robespierre, des Marat et autres bouchers.

[54] Dépêche secrète du comte Liéven à Nesselrode, Londres, 26 janvier citée dans la Correspondance de lord Castlereagh, V, 267-273.

[55] Préfet de Rouen à Montalivet, 18 janvier. Arch. nat., F. 7, 3737.

[56] Rapports journaliers de Pasquier, rapports de police et analyses de pièces renvoyées à la police, du 10 janvier au 10 février. Arch. nat., AF., IV, 1 534, F. 7, 3 737, 3 043 et 4 291.

[57] Rapport de Hullin, 18 janvier. Arch. nat., AF., IV, 1 534.

[58] Rapport de police et analyse de pièces renvoyées à la préfecture, du 10 janvier au 10 février. Arch. nat., F. 7, 3 043. Masséna à Clarke, 26 février. Arch. de la guerre.

[59] Rapports de Pasquier, rapports de police et analyses de pièces, 13, 27 et 28 janvier, 3 et 24 février, et passim. Arch. nat., AF., IV, 1 534, F. 7, 3 013, 3 737, 4 291.

[60] Les autres recettes étaient à l'avenant. L'enregistrement donnait 13 millions au lieu de 45 millions ; les postes, 17.000 francs au lieu de 2.750.000 francs. Dans la séance du conseil des ministres du 25 février, il était constaté que l'administration avait reçu dans un mois 367.000 francs au lien de 10 millions qu'elle aurait perçus en temps ordinaire. Procès-verbaux des conseils des ministres. Arch. nat., IV, 99.

[61] Journal d'un officier anglais pendant les quatre premiers mois de 1814. Revue britannique, 1826, t. IV, p. 91. — Cet Anglais, prisonnier sur parole depuis 1803, était devenu un vrai Parisien, non point de cœur mais d'idées, connaissant tout le monde et familier avec toutes les choses. Son journal, fort curieux et presque impartial, a paru en original d'abord dans le London Magazine, puis en volume, à Londres, en 1828, un vol. in-8° (Bibliothèque de Musée Carnavalet, n° 11571).

[62] Rapports de police, 21 janvier ; Rapports journaliers de Pasquier, 4, 15 et 21 janvier. Dossier Guillon, Perez, etc. ; Arch. nat., AF., IV, 1 534 et F. 7, 6 603.

[63] Journal d'un officier anglais, 91.

[64] Rapport de police, 21 janvier, F. 7, 6 603.

[65] Rapports journaliers de Pasquier, janvier, passim. Arch. nat., AF., IV, 1 534. Mémoires du colonel Combe, 274. — Le père du colonel Combe enfouit dans sa cave, au commencement de 1814, 800.000 francs en or, par sacs de 40.000 francs.

[66] Journal d'un officier anglais, 90 et 96.

[67] Rapports de police, 27 et 30 janvier et 10 février. Arch. mat., F. 7, 6 603. Abbé de Pradt, Mémoire sur la Restauration, 40 ; Mémoires de Rovigo, VI, 351.

[68] Rapport de Pasquier, 11 janvier ; Rapport de police, 21 janvier. Arch. nat., AF., IV, 1 534 et F. 7, 6 503.

[69] Rapport de police, 21 janvier. Arch. nat., F. 7, 6 603.

[70] Rapport de police, 21 janvier. Arch. nat., F. 7, 6 603.

[71] Journal d'un officier anglais, 91. Cf. Agenda du général Pelet, carton Brahant. Arch. de la guerre.

[72] Liasse de lettres et rapport de Pasquier, 9 février. Arch. nat., F. 7, 6 605, F. 9, 753, AF., IV, 1 534.

[73] Doyen de la Faculté de médecine à Clarke et Lespinasse à Clarke, 7 et 8 février. Arch. nat., F. 7, 6 605.

[74] Rapports de police, 18 décembre 1813 et 17 et 19 janvier 1814. Arch. mat, F. 7, 3 737, 3 043 et 6 603.

[75] Rapports de Pasquier, 9 et 10 février. Rapport de Hullin, 21 février. Arch. nat., AF., IV, 1534. Les conscrits de Courbevoie meurent de faim, dit textuellement Pasquier. — Voici pourquoi beaucoup de recrues ne trouvaient pas de gite. Le triage des conscrits pour la garde se faisait à la caserne de Courbevoie. Ceux qui n'étaient pas choisis étaient renvoyés, quelquefois très tard dans la soirée et individuellement, à Paris, où ils devaient attendre jusqu'au lendemain matin l'ouverture des casernes. Cf. Rapport de police du 16 janvier où il est parlé de conscrits maltraités par les officiers, F. 7, 6 603.

[76] Au 2 mars, les dépôts de la garde avaient reçu 50.472 conscrits ; 43.422 avaient été incorporés dans la garde ; 6.168 avaient été renvoyés dans les dépits de la ligne ; 672 avaient déserté. Note du général Ornano, 2 mars. Situations de 1814. Arch. de la guerre.

[77] Lettre de Bordessoulle, 18 février, citée dans les documents du colonel Brahaut. Arch. de la guerre ; Mém. de Pajol, III, 145 ; Journal de Fabvier, 4, 6, 33, 35. Mémoires de Marmont, VI, 51. Minot à Macdonald, 10 février. Arch. de la guerre. Chassé à Oudinot, 3 mars. Arch. nat., AF., IV, 1 667. Mémoires de Ségur, VI, 320. Journal de la division Boyer de Rebeval. Arch. de la guerre. — Oh ! s'écriait Marmont, qu'il y a d'héroïsme dans le sang français ! Des conscrits, arrivés de la veille, se conduisirent pour le courage comme de vieux soldats.

[78] Général Lucotte à Berthier, Nogent, 24 février. Arch. nat., AF., IV, 1 668. Correspondance de Napoléon, 21 214. Duc de Padoue à Berthier, La Ferté-sous-Jouarre, 4 mars. Arch. de la guerre.

[79] Placard affiché dans l'Eure. Propos des royalistes de Toulon et lettre de Bâle, 22 janvier. Rapports de Pasquier, 11 et 13 janvier. Arch. nat., AF., IV, 1 534.

[80] État des individus renvoyés de Paris dans les villes et villages de l'Empire. Arch. nat., F. 7, 6 586.

[81] Rapports journaliers de Pasquier, en janvier et février, passim. Rapports de police, 21 janvier, 22 janvier, etc. Arch. nat., AF., IV, 1 534 et F. 7, 6 605 et 6 603. Mémoires de Mollien, IV, 127. Cf. Rodriguez, Relation de ce qui s'est passé à Paris à l'époque de la déchéance de Buonaparte, 91-97, qui en dépit, de ses calomnies et de ses réticences est contraint de reconnaître l'état d'esprit de la vile populace, comme il dit.

[82] Rapport de Hullin, 23 janvier. Rapport de police, 22 janvier. Arch. nat., AF., IV, 1 534 et F. 7, 6 603. Cf. Baurset, IV, p. 256.

[83] Rapport de Pasquier, 24 janvier. Arch. nat., AF., IV. 1 534. Journal d'un prisonnier anglais, 93. Cf. Méneval, II, 30, et le pseudo-Bourrienne qui avoue que lui-même fut vivement ému, IX, 314-316.

[84] Rapport de Pasquier, 24 janvier ; Arch. nat., AF., IV, 1 534. Giraud, Campagnes de Paris en 1814, in-8°, 1814, 51, note.

[85] Le public était bien renseigné sur ce point. Par les négociations entamées à Valençay, dès le 19 novembre, l'empereur s'était engagé à rendre la liberté à Ferdinand VII et à reconnaitre l'intégrité du territoire espagnol, sous la condition qu'en retour l'Espagne rentrerait dans la neutralité et éloignerait l'armée anglaise. Les admirables troupes de Soult et de Suchet seraient ainsi devenues disponibles. Malheureusement, des défiances mutuelles, des temporisations, des indiscrétions équivalant à des trahisons arrêtèrent tout. Ferdinand ne fut acheminé vers l'Espagne que le 19 mars, alors que la Junte refusait encore de ratifier le traité conclu le 11 décembre entre Napoléon et le captif de Valençay.

[86] Rapports journaliers de Pasquier, 26 janvier au février. Rapports de police aux mêmes dates. Arch. nat., AF., IV, 1 534 ; F. 7, 3 737 et 6 603. Rodriguez, 10, 11.

[87] Journal de l'Empire, Gazette de France, Journal de Paris, etc., du 29 janvier au 2 février.

[88] Rente : 49 fr., le 26 janvier ; 51 fr. 60, le 1er février.

[89] Rapport de Pasquier, 2 février. Arch. nat., AF., XV, 1 534.

[90] Rapports de Pasquier et de Hullin du 4 au 12 février. Notes de police aux mêmes dates, Arch. nat., AF., IV, 1 534 et F. 7, 3 737. Journal d'un prisonnier anglais, 90, 95, 96. Correspondance du roi Joseph, X, 43, 60, 90.

[91] Correspondance du roi Joseph, X, 44, 46, 47, 60, 69, 80 ; Correspondance de Napoléon, 21 226.

[92] Rapport de police, 11 février. Arch. nat., F. 7, 6 603.

[93] Rapports de Pasquier du 4 au 12 février, et Rapports de police aux mêmes dates. Arch. nat., AF., IV, 1 534 et F. 7, 3 737 et 4 290. Cf. Journal d'un prisonnier anglais, 95.

[94] Rapports de Pasquier et de Hullin, 11 et 12 février. Arch. nat., AF., 1 534. Correspondance du roi Joseph, X, 92.

[95] Rapports de Pasquier, 11 et 12 février. Arch. nat., AF., IV, 1 534.

[96] Journal d'un prisonnier anglais, 96.

[97] Rapport de Pasquier, 12 février. Arch. nat., AF., IV, 1 534.

[98] Rapport de Pasquier, 12 février. Arch. nat., A.F., IV, 1534. Journal de l'Empire, 12 février.

[99] Rapports de Pasquier, 17 et 19 février. Arch. nat., AF., IV, 1534.

[100] Rapport de Pasquier, 16 février et Lettre de Mortemart à Napoléon. Paris, 24 février. Arch. nat., AF., IV, 1 531 et AF., IV, 1 669. Journal d'un prisonnier anglais, 99, 100. Cf. Moniteur et Journal de l'Empire, du 17 février.

[101] Tel est du moins le caractère que donnent de ces prisonniers les gravures du temps et les aquarelles de Carle Vernet.

[102] On n'allouait aux soldats et aux officiers, jusqu'au grade de colonel, que six sous par jour. Cette solde misérable fut l'objet de réclamations du comte de Stadion, plénipotentiaire à Châtillon. Correspondance entre Stadion, Caulaincourt et Clarke, 17 et 19 mars. Arch. des affaires étrangères, fonds France, 668.

[103] Rapports de Pasquier, 16 et 20 février. Arch. nat., AF., IV, 1534. Journal d'un officier anglais, 100-101 ; Moniteur, Journal de l'Empire, Gazette de France, etc., des 16 et 17 février. Mémoires de L. Véron, I, 145.

[104] Moncey à Rovigo, 16 février ; Mortemart à Napoléon, 24 février. Rapports de Pasquier, du 17 au 22 février. Arch. nat., F. 7, 4290 ; AF., IV, 1 669 et AF., IV, 1534. Journaux de Paris, du 18 au 21 février. — Les documents dignes de foi — nous ne parlons naturellement pas des journaux — portent à environ 12.000 les prisonniers qui traversèrent Paris du 16 au 23 février.

[105] Mortemart à Napoléon, 24 février, et Rapport de Pasquier, 20 février. Arch. nat., AF., IV, 1669 et AF., IV, 1 534.

[106] Rapports de Pasquier, du 13 au 26 février. Arch. nat., AF., IV, 1 534. Journal de l'Empire, Journal de Paris, Gazette de France, aux mêmes dates, Journal d'un prisonnier anglais, 96, 99 et passim.

[107] Il est à remarquer que tous ces sujets de pièces étaient empruntés l'histoire de l'ancienne France. Or, puisque les joueurs d'orgues étaient autorisés à jouer la Marseillaise dans les rues, comment ne pensait-on pas à montrer sur les théâtres des exemples de patriotisme moins anciens : la défense nationale sous la République ? Il semble que tout le monde s'entendit pour faire le jeu des royalistes.

[108] Moniteur, 28 février. Rapport de police, 28 février. Arch. nat., F. 7, 8 737.

[109] Rapport de police, 21 février. Arch. nat., F. 7, 4 290. Mémoires de Mollien, IV, 125. Cf. Lettres inédites de Talleyrand, Revue d'histoire diplomatique, 1re année, 241, 245.

[110] Il y a quinze jours, les ennemis du gouvernement n'osaient rien dire.... Rapport de police, 21 mars. Arch. nat., F. 7, 6 605.

[111] Mortemart à Napoléon, 21 février. Arch. nat., AF., IV, 1 668.

[112] Rapport de Hullin, 26 février. Arch. nat., AF., IV, 1 534. Cf. Hauterive à Caulaincourt, 12 février. Arch. des affaires étrangères, fonds France, 670.

[113] Rapport de Parquier, 16 février. Arch. nat., AF., IV, 1 534.

[114] Journal d'un prisonnier anglais, 95.

[115] Relation historique de ce qui s'est passé à Paris à la mémorable époque de la déchéance de Buonaparte (Paris, 1811, in-8°), p. 22.

[116] Voir le Moniteur de janvier à mars, ou plutôt les rapports de Pasquier et les bulletins de police de ces mêmes mois (Arch. nat., AF., IV, 1533, et F. 7, 3737), où sont rapportées en détail les différentes causes attribuées à la Bourse même aux mouvements de hausse : espérances de paix, victoires de l'empereur, arrivée du duc de Vicence à Châtillon, bruit d'armistice, Blücher coupé et l'empereur dirigeant lui-même les opérations, etc.

[117] Bien que moins impressionnable et moins mobile dans ses sentiments que Paris, la province recouvra le calme et la confiance à la nouvelle des victoires de l'empereur. Le bruit courut dans plusieurs provinces que l'ennemi se disposait à évacuer la France. Rapports de préfets, commissaires de police et auditeurs en mission, et rapports du comte François, du 14 février au 6 mars. Arch. nat., AF., IV, 1668 ; F. 7, 3043, 3772, 4 290 et 4291. Préfet de l'Aube à Clarke, 6 mars : préfet de l'Yonne à Clarke, 2 mars ; général Allix à Clarke, Noyers, 2 mars, etc. Arch. de la guerre.

[118] Selon les traditions locales, les Prussiens auraient commis plus d'atrocités encore que les Cosaques eux-mêmes. Mais, d'après l'ensemble des documents authentiques, ils se valaient. Pour le pillage et les violences, les Prussiens et les Cosaques doivent avoir le premier prix (ex æquo) ; les Bavarois et les Wurtembergeois, le second. Les Russes réguliers et les Autrichiens n'ont droit qu'à un accessit, mais bien mérité.

[119] Caulaincourt à Napoléon, Lunéville, 8 et 24 janvier. Arch. des affaires étrangères, fonds France, 668 ; lettres de Dardenne, professeur au collège de Chaumont, citées par Steenackers, 192. — Les habitants ne craignaient pas de riposter à ces paroles. À Bourg-en-Bresse, une jeune femme chez qui logeait un colonel autrichien, lui dit en voyant son drapeau : Je le connais, j'en ai vu beaucoup de pareils aux Invalides. Rapport de police, Lyon, 26 février. Arch. nat., F. 7, 4 290.

[120] Documents des archives de Langres, cités par Steenackers, 285.

[121] Tribune littéraire de la Haute-Marne, n° du 23 août 1853. — À Chaumont, le fameux Radetzky, alors major général, avait laissé la renommée d'un ogre. Il lui fallait chaque jour, pour sa table, trente livres de bœuf, un mouton, un demi-veau, six dindons, oies et poulets, dix bouteilles de vin de Champagne, dix de vin de Bourgogne, trois de liqueurs fines, des tourtes, pûtes, etc.

[122] Rapport de police, 14 mars. Arch. nat., F. 7, 4290. Dépositions des maires et auditeurs en mission, Moniteur des 28 février, 5 mars ; lettre du maire de Moret, 27 février, Journal de l'Empire, du 3 mars ; Annuaire de l'Aisne pour 1821, p. 45 ; Pougiat, le Département de l'Aube en 1814 ; et Fleury, le Département de l'Aisne en 1814, passim.

[123] Arrêtés et nominations du 27 février au 3 mars. Arch. de Laon ; Allix à Clarke, Étivey, 3 mars : Les percepteurs de l'arrondissement de Dijon ont fui en emportant les rôles. Arch. de la guerre. Caulaincourt à Napoléon. Chatillon, 16 février. Arch. des affaires étrangères.

Dispositions générales concernant l'administration des départements conquis ou à conquérir par le feld-maréchal Blücher : Pour préserver les départements de l'anarchie, anarchie produite par l'éloignement des autorités, ordonné par l'empereur Napoléon, et qui pourrait devenir dangereuse, arrête : Les fonctionnaires qui auront pris la fuite seront remplacés ; ceux qui resteront administreront avec l'intendant prussien. Signé Ribbentropp, commissaire général des guerres des armées prussiennes. Nancy, 17 janvier. — Rileyew, gouverneur général de Laon, ajoute : Tout habitant qui, appelé à remplir une place, n'entrerait pas en fonctions dans les vingt-quatre heures, serait transporté dans une forteresse au delà de la Vistule pour y expier l'anarchie dont il serait considéré comme fauteur. — À Troyes, le prince de Hohenlohe menaçait les récalcitrants, non pas de la déportation au delà de la Vistule, mais tout simplement de la peine de mort. — Voici le serment qui était exigé de ces fonctionnaires malgré eux : Je promets fidèlement et légalement de ne rien faire publiquement, ni clandestinement, ni directement, ni indirectement, qui soit contraire à. la sûreté des puissances alliées. Je promets, de même, de suivre avec zèle et activité les ordres qui me parviendront du quartier général sans restriction ni réserves quelconque, Arch. de Laon.

[124] D'après la déposition du maire de Montereau (Moniteur du 28 février), les Alliés disaient : Nous n'avons commencé le pillage qu'à Chaumont, parce que c'est là que nous voulons reculer les frontières de la France. Cf. Dardenne, cité par Steenackers, 191-192. — Sur ce projet ou prétendu projet des Alliés, en décembre 1813, d'annexer à l'Allemagne une partie de l'ancien territoire français, voir général Napier, Guerre de la péninsule, XII, 281 et la proclamation de Justus Grüdner, Dusseldorf, 13 avril 1815.

[125] Droysen, Leben des Feldmarschalls York, III, 332.

[126] Proclamation de Schwarzenberg, Loërach, 21 décembre, et Troyes, 4 mars ; proclamation de Blücher, s. l. n. d. (au bord du Rhin, 1er et 2 janvier), et Laon, 13 mars ; proclamation de Bubna, Bourg, 14 janvier ; proclamation de Bülow, Laon, 1er mars ; ordre du jour de Barklay de Tolly, Nogent, 19 février ; etc. — Sur les efforts des officiers et notamment des Russes pour empêcher ou arrêter le pillage, voir Pougiat, Fleury, et Steenackers, passim. — Blücher, dans sa proclamation du 13 mars, prétend que plusieurs pillards furent passés par les armes. Pougiat dit aussi que quatre soldats furent condamnés à mort, puis graciés sur la demande du maire de Troyes. Il ajoute : Si l'on eût fusillé tous les pillards, le prince de Schwarzenberg eût laissé toute son armée à Troyes, p. 468.

[127] Londonderry, Guerre de 1813-1814. Traduction française, II, 90-91.

[128] Déposition du maire de Pont-sur-Yonne, Moniteur du 6 mars.

[129] Metternich à Caulaincourt, 15 février. Arch. des affaires étrangères, fonds France, 668.

[130] Lettre du maire de Moret, Journal de l'Empire, du 3 mars. Lettre de Dardenne, citée par Steenackers, 213.

[131] Dépositions des conseils municipaux, rapports des auditeurs en mission, lettres de maires, Moniteur, Journal de l'Empire, Journal de Paris, du 28 février au 16 mars ; Historique des événements de Pont-sur-Seine, par le chevalier Brunel, pp. 21-23 ; Pougiat et Fleury, passim. La ville de Troyes a été méthodiquement livrée au pillage pendant trois jours. Préfet de l'Aube à Montalivet, 13 mars. Arch. nat., F. 7, 4 290. Pendant trente heures environ l'ennemi livra Troyes à un pillage général qu'il restreignit ensuite au quartier bas où il le prolongea pendant onze jours. Pougiat, p. 208. À Soissons, Winzingerode daigna arrêter le pillage au bout d'une heure.

[132] Déposition des maires et adjoints de Montereau et communes avoisinantes, signée de huit personnes dont deux députés. Moniteur du 28 février.

[133] Déposition des maires de Montereau, Nogent, Provins, Moniteur, 28 février et 6 mars. Rapport de Riquetti de Mirabeau, auditeur, et lettre d'un habitant de Sens, Journal de l'Empire, 3 mars et 6 mars. Rapport de Desprez, auditeur, Journal de l'Empire, 5 mars. Dardenne, cité par Steenackers, pp. 277, 278. Lettre du curé de Bucy-le-Long, citée par Fleury, p. 562. Rapport de Vinet, 13 mars. Arch. de la guerre.

[134] Lettre de Vaulay, greffier du tribunal de Nogent, Journal de l'Empire, 20 février. Cf. Pougiat, 197, 279. Migneret, Histoire de Langres, II, 25.

[135] Déposition des maires et rapports des auditeurs en mission, Moniteur du 28 février au 16 mars, et Arch. nat., AF., IV, 1668.

[136] Pougiat, 250, 276. Documents de l'enquête ordonnée le 20 mai 1814, cités par Fleury, 554 à 561.

[137] Rapport de Desprez-Crassier, auditeur en mission ; dépositions des conseillers municipaux de Sens, Nogent, Provins ; lettre de Janson, négociant à Provins, Moniteur des 28 février, 4 et 6 mars ; Journal de l'Empire du 1er mars ; Annuaire du département de l'Aisne pour 1821, p. 48 ; Récit de Magnien, cité par Steenaskers, 280 ; rapport de Harel, auditeur en mission, 1er mars. Arch. nat., AF., IV, 1668. — C'est Pougiat qui porte à 550 les victimes pour le canton de Vendeuvre. Le chiffre nous parait exagéré.

[138] Déposition des conseillers municipaux de Château-Thierry, Moniteur du 28 février. Lettre de Soulac, maitre de poste à Lavallette, Journal de l'Empire, 28 février. Cf. Fleury, 104-106.

[139] Lettre de Vinet, fabricant de meules à Montmirail, 13 mars. Arch. de la guerre.

[140] Mémoires de Ségur, VI, 384-385.

[141] Déposition des conseillers municipaux de Sena, Moniteur du 6 mars et Gazette de France du 7 mars.

[142] Lettres de Lydiar, élève au lycée de Sens. Journal de l'Empire, 1er mars. — Sur le prince de Wurtemberg dont Napoléon écrivait : Le prince de Wurtemberg s'est couvert de boue ; il a volé et pillé partout où il a passé (Correspondance, 21329). Dardenne (cité par Steenackers, 237) conte cette jolie historiette : Un paysan qui avait une blouse neuve et une paire de bons souliers est arrêté par deux soldats qui lui prennent ses souliers. Des passants lui conseillent d'aller porter plainte au prince de Wurtemberg : — Dieu m'en préserve ! dit-il, le prince me prendrait ma blouse.

Le prince de Wurtemberg était, comme on sait, allié aux Bonaparte par le mariage de sa sœur, la belle et courageuse princesse Catherine, avec le roi Jérôme. Après les événements de 1814, le roi Frédéric et le prince usèrent en vain de toutes les prières et de toutes les menaces pour engager celle-ci à se séparer de son mari. Si j'étais capable d'un pareil procédé, répondit-elle, je ne mériterais pas votre estime. Ma résolution m'est inspirée par le sentiment et par l'honneur. Je suivrai mon mari là où le sort le conduira, n'importe où. Briefwechsel der Kœnigen Katharina, II, 108.

[143] Quatorzième lettre de Dardenne, citée par Steenackers, 193. — Dans une autre lettre, Dardenne écrivait : La résistance commence donc à s'organiser. On résiste à Bar, on résiste dans nos environs. Ah ! puissions-nous bientôt apprendre que l'on résiste partout.

[144] Allix à Clarke, 5 mars. Cf. Allix à Clarke, 7 et 9 mars : La population est exaltée malgré l'opposition de quelques bourgeois qui font mille politesses à l'ennemi. Rœderer à Clarke, 2 mars ; capitaine Sion à Clarke, 2 mars. Arch. de la guerre.

[145] Préfet de Seine-et-Marne à Montalivet, 9 mars. Arch. nat., F. 7, 4290. Cf. rapports du comte François, du 5 février au 10 mars, passim. Arch. nat., F. 7, 4291. Lettre du préfet des Ardennes, 10 février, et rapport du commissaire général de police dans la Côte-d'Or et l'Yonne : ... Le département de l'Yonne est un de ceux qui ont le plus souffert. En déplorant avec ces malheureux habitants, les maux dont ils ont été accablés, je ne puis cependant m'empêcher de croire, avec tous les fonctionnaires locaux, que l'esprit public a gagné depuis lors, et que la conduite odieuse des ennemis, en produisant l'effet naturel de les faire abhorrer, n'a fait que miens sentir à tous les citoyens le besoin de se serrer étroitement autour du trône de l'empereur, dont le génie vient de les délivrer de ces prétendus libérateurs. 2 mars, Arch. nat., F. 7, 4290. Cf. Caulaincourt à Napoléon, Châtillon, 21 février : ... L'ennemi ravage les campagnes ; aussi l'exaspération des paysans est-elle fort grande, et Bassano à Caulaincourt, Guignes, 16 février : La conduite de l'ennemi rend la guerre nationale. L'exaspération des habitants est telle qu'ils ont égorgé un grand nombre d'hommes isolés. Arch. des affaires étrangères, fonds France, 668.

[146] Sous-préfet de Thonon à Montalivet, 8 mars. Arch. nat., F. 7, 6605.

[147] Joseph à Montalivet Rovigo à Chabrol ; Chabrol à Froidfonds, 15, 16 et 20 février. Arch. nat., F. 9, 753.

[148] Allix à Clarke, 5 mars ; Saint-Vallier à Clarke, 21 février et 10 mars ; commandant de La Ferté-sous-Jouarre, à Berthier, 4 mars. Arch. de la guerre, Mortemart à Napoléon, 4 mars ; Lemoine à Rovigo, 5 mars. Rapport de Drouet (a. d.). Arch. nat., AF., IV, 1670 et F. 7, 4 290. Journal de Langeron, Arch. topogr. de Saint-Pétersbourg. Richter, Geschichte des deutzchen Freiheitskrisges, III, 253 ; Journal de Fabvier, 35, etc.

[149] Rapport du commandant de Montargis. Arch. nat., AF., IV, 1670.

[150] Mémoires de Ségur, VI, 416 ; Pougiat, 143.

[151] Petiet, Journal du 5e corps de cavalerie, 47.

[152] Rapport à Berthier, 6 mars. Arch. nat., AP., IV, 1667.

[153] Vattier à Napoléon, Gandelup, 23 février. Arch. nat., AF., IV, 1668.

[154] Fleury, 107, 316, 322, 323 ; et traditions locales. — Comme on ferait un volume entier avec les traits de férocité des alliés, on en ferait un autre avec les actes de représailles des paysans, souvent non moins féroces. Dans la nuit du 7 au 8 mars les habitants de Paissy, d'Ailles et d'Ouiches, hommes et femmes, achevèrent les blessés russes sur le plateau de Craonne. Il faut dire. non pour excuser ce hideux massacre, mais pour expliquer la colère vengeresse qui l'inspira, que l'avant-veille, à l'approche des Cosaques, ces mêmes paysans avaient abandonné leurs villages et s'étaient réfugiés dans les carrières de la montagne. Les Cosaques les enfumèrent comme renards en terrier. Grâce a un puits d'aération, les adultes purent résister à l'asphyxie, mais plusieurs enfants périrent étourdis.

[155] Rapports d'officiers russes prisonniers. Corbény, 7 mars. Arch. nat., AF., 1668. Cf. Rapport de Sion à Clarke, 2 mars. Arch. de la guerre. Journal de Langeron, Arch. de Saint-Pétersbourg, n° 29103.

[156] Rapport à Clarke du capitaine Sion chargé d'accompagner les courriers anglais. 2 mars. Arch. de la guerre. Bassano à Caulaincourt, Guignes, 16 février. Arch. des affaires étrangères, 663.

[157] Richter, Geschichte des deutschen Freiheitskrieges, III, 254. — Richter a consacré un chapitre à ce qu'il appelle la guerre des Partisans. Cf. Journal de Langeron. Arch. de Saint-Pétersbourg, et les proclamations de Blücher, Laon, 13 mars ; de Schwarzenberg, Troyes, 10 mars ; de Turpin — transfuge français nommé par les Alliés préfet provisoire de la Marne — Châlons, 17 février, Arch. nat., AF., IV, 1668, etc., etc., toutes remplies de menaces contre les paysans qui prennent les armes.