FLAMININUS ET  LA POLITIQUE ROMAINE EN GRÈCE (198-194 AV. J.-C.)

 

LÉON HOMO

Revue Historique tomes 121-122 – 1916

Texte numérisé et mis en page par Marc Szwajcer

 

 

I. — Débuts de Flamininus en Grèce. Entrevue de l’Aoüs. Défection de la ligue Achéenne (été-automne 198).

II. — Les conférences de Nicée (début 197).

III. — L’entente avec Nabis. - La défection de la ligue Béotienne. - Victoire de Cynocéphales (hiver 198-été 197).

IV. — Le traité de paix avec la Macédoine (printemps 196).

V. — Insurrection de la Béotie. La proclamation des Jeux isthmiques (printemps 196).

VI. — Flamininus et la commission sénatoriale. La guerre contre Nabis (été 196-automne 195).

VII. —Règlement définitif des affaires de Grèce. Évacuation des places. Départ de Flamininus (hiver 195-printemps 194).

VIII. — La politique sénatoriale et  la personnalité de  Flamininus.

IX. — Conclusion. La politique romaine en Grèce de 198-194.

 

I. — Débuts de Flamininus en Grèce. Entrevue de l’Aoüs. Défection de la ligue Achéenne (été-automne 198).

En 200, le peuple romain, réuni en ses comices, avait déclaré la guerre au roi de Macédoine, Philippe. Une armée consulaire avait débarqué en Illyrie. Pendant deux années (200-198), les opérations, dirigées successivement par P. Sulpicius Galba et P. Villius, s’étaient poursuivies sans amener de résultats décisifs. Tout allait changer avec l’arrivée d’un nouveau général en chef, un des deux consuls de l’année, T. Quinctius Flamininus. Dès l’été de 198, quelques mois à peine après son entrée en charge, Flamininus arrivait à Corcyre, prenait le commandement de l’armée et arrêtait son plan de campagne.

Si la guerre jusque-là était restée indécise, la faute en était, non à la politique romaine, non à l’incapacité des chefs, mais uniquement au plan adopté. D’Apollonie, sur la côte Illyrienne, ville qui était le quartier général de l’armée, deux routes menaient en Macédoine : l’une directe par la vallée de l’Aoüs et la Thessalie, l’autre plus longue par la Dassaretie, la Lyncestide et l’Eordée ; c’est cette seconde qu’avait suivie P. Sulpicius Galba, et P. Villius ne s’était pas encore décidé lorsqu’arriva son successeur.

Le chemin de la Lyncestide était plus facile et plus sûr, mais il avait l’immense inconvénient d’être excentrique par rapport à la Macédoine et à la Grèce, éloignait l’armée romaine de sa base d’opérations naturelle, l’Illyrie, et ne lui permettait nulle part d’intercepter les communications entre Philippe et ses alliés grecs. L’autre route au contraire, celle de l’Aoüs, plus difficile et plus âpre, menait directement en Thessalie. La Thessalie entamée, l’armée romaine pouvait couper Philippe de la Locride, de la Phocide, de la Béotie, de l’Acarnanie et de l’Achaïe. C’était la Grèce entière livrée à l’influence romaine et Philippe à demi vaincu : Philippe, écrit Plutarque[1], avait dans son royaume assez de troupes pour suffire à quelques combats, mais, dans une guerre de longue durée, c’était la Grèce qui faisait toute sa force ; c’est d’elle qu’il tirait argent et ressources pour son armée ; et, tant qu’on ne l’aurait pas détachée de Philippe, cette guerre ne pouvait pas être terminée en une seule bataille. Toute attaque sur les frontières septentrionale et occidentale de la Macédoine devait nécessairement rester vaine. C’est en Grèce qu’il fallait frapper la Macédoine.

Jusque-là, au cours de cette guerre, Rome n’avait envoyé en Grèce que des ambassadeurs et des vaisseaux. Flamininus comprit que, pour gagner les Grecs, il ne suffisait pas de les solliciter de loin et de leur envoyer des secours par mer, mais qu’il fallait mener l’armée romaine au cœur du pays. La présence des troupes romaines aurait vite fait de décider les indifférents et de réduire à l’impuissance les partisans de la Macédoine. Il comptait beaucoup trop sur sa séduction personnelle et son habileté de diplomate pour continuer à guerroyer en Illyrie, tandis que d’autres iraient négocier en Grèce et exerceraient sur les événements une influence décisive. Les intérêts de Rome, et les siens propres, conseillaient à Flamininus de transporter, pour ainsi dire, d’Illyrie en Grèce l’axe de la guerre et de la diplomatie. Forcer le passage de l’Aoüs, s’établir militairement au centre de la Grèce, isoler, paralyser la Macédoine par la défection de ses alliés avant de la frapper elle-même, tel fut le plan de campagne de Flamininus, plan qui fait honneur autant à son coup d’œil militaire qu’à sa clairvoyance politique.

Philippe fermait la vallée de l’Aoüs et sa position semblait inabordable de front. Pendant quarante jours, Flamininus resta inactif[2]. Il ne s’était pas encore décidé à faire donner l’assaut, lorsque le roi de Macédoine, par l’intermédiaire des Epirotes, lui demanda une entrevue[3]. La défection des Étoliens, l’arrivée d’un général jeune et actif avaient déterminé Philippe à cette démarche ; peut-être aussi avait-il eu vent de quelques négociations secrètes entre Flamininus et les Épirotes et craignait-il qu’avec l’aide de ces derniers, Flamininus ne parvînt à tourner sa position.

L’entrevue fut accordée ; elle eut lieu sur les bords de l’Aoüs[4]. Flamininus exigea, comme bases préalables de toute négociation, l’évacuation de toute la Grèce, la Thessalie comprise, et une indemnité pour les dommages causés par les troupes macédoniennes[5]. Sur le premier point, Philippe demanda à faire une distinction : il voulait bien évacuer les villes qui étaient sa conquête propre, mais non celles que lui avaient laissées ses ancêtres ; quant à l’indemnité, il s’en remettrait volontiers à la décision d’un arbitre impartial[6]. Sur aucun des deux points, l’accord ne put se faire — ni Flamininus ni Philippe ne désiraient d’ailleurs sincèrement la paix — et l’entrevue resta infructueuse. Mais il n’était pas indifférent pour Rome d’avoir proclamé, dès le début de la campagne, qu’elle ne poserait pas les armes avant d’avoir obtenu de la Macédoine l’évacuation totale de la Grèce.

Sur ces entrefaites, un pâtre, envoyé par un prince épirote, Charops, partisan des Romains, se présenta au consul et lui offrit de mener ses troupes sur une hauteur qui dominait la position de l’ennemi[7]. Après avoir hésité quelque temps, Flamininus accepta la proposition et détacha une division de son armée pour prendre les Macédoniens à revers[8]. Trois jours après, il ordonna une attaque générale[9]. Philippe, assailli à la fois de front et sur ses derrières, fut complètement battu[10]. Il ramena en Thessalie son armée désorganisée[11]. Incapable de tenir la campagne, il n’eut d’autre moyen pour arrêter les Romains que de faire le vide devant eux, en dévastant la contrée[12].

Tandis que les Étoliens se jettent sur la Thessalie[13], Flamininus, à la tête des légions, franchit les défilés de l’Aoüs abandonnés par Philippe[14]. Pour gagner les Grecs, il ménage l’Épire et s’abstient d’y faire des réquisitions[15]. Puis il entre en Thessalie parla haute vallée du Pénée, enlève Phalorie[16], soumet Métropolis et Cierium, sans infliger à ces villes de mauvais traitements, et, après avoir ravitaillé son armée, grâce à la présence de sa flotte mouillée dans le golfe d’Ambracie[17], il attaque la place forte d’Atrax[18] ; mais la résistance opiniâtre de la ville le contraint à lever le siège[19].

C’était le premier échec des Romains en Grèce et cet échec, au début de la campagne, pouvait être gros de conséquences. Heureusement, la flotte romaine, sous les ordres de L. Quinctius Flamininus[20], frère du consul, avait remporté d’éclatants succès. Érétrie[21] et Carystos[22] en Eubée avaient été prises. La mauvaise saison approchant, la flotte vint mouiller devant Cenchrées, au sud de l’isthme de Corinthe, pour surveiller de là les Achéens et les autres alliés de Philippe[23].

A la suite de l’échec d’Atrax, Flamininus interrompit ses opérations contre Philippe et se préoccupa de prendre ses quartiers d’hiver[24]. Le choix de l’emplacement devait être décisif. Flamininus eût pu — et l’on s’y attendait généralement — à l’exemple de P. Sulpicius Galba, ramener la flotte et l’armée sur la côte Illyrienne à Corcyre et à Apollonie pour ne rentrer en campagne qu’au printemps suivant. Mais c’eût été une grave faute qu’il se garda bien de commettre. Il savait que, quitter la Grèce, c’était laisser le champ libre aux intrigues de Philippe, lui donner les moyens de recruter son armée et de traîner la guerre en longueur.

Il voulut donc hiverner au milieu de la Grèce pour interdire à Philippe l’accès du pays et faire rayonner de là en tous sens l’influence romaine. Or, en Grèce, Philippe avait trois points d’appui principaux : la ligue Acarnanienne, la ligue Béotienne, la ligue Achéenne. Flamininus choisit pour y installer ses quartiers d’hiver une ville de Phocide, Anticyre[25], située sur le golfe de Corinthe, à proximité de la Béotie et de l’Acarnanie, vis-à-vis de l’Achaïe. Il se trouvait ainsi placé au centre des alliances de Philippe, tout en conservant lui-même la liberté de ses communications, par mer avec Corcyre et l’Italie, par terre avec la ligue Étolienne[26]. Pour consolider sa situation et assurer ses derrières, il conquit la plupart des places de Phocide[27].

Dès lors, il se prépare à exécuter son plan. Durant l’hiver 198/197, il va détacher de Philippe, les uns après les autres, tous ses alliés grecs, en commençant par le plus puissant d’entre eux, la ligue Achéenne. Dans cette campagne diplomatique, la présence de son armée à Anticyre et de sa flotte à Cenchrées ne seront pas, en faveur de la cause romaine, le plus faible des arguments.

A peine installé à Anticyre, Flamininus prépara le siège de Corinthe[28], la clef du Péloponnèse ; mais il se rendit compte bien vite qu’il serait difficile à l’armée romaine d’enlever la place sans l’alliance de la ligue Achéenne et que, réussît-il à s’en emparer, il ne pourrait la garder sans exciter le plus vif mécontentement en Achaïe et dans toute la Grèce. Le but de Flamininus, en assiégeant Corinthe, était d’intercepter les communications entre Philippe et ses alliés d’Achaïe ; mais n’était-il pas plus habile de provoquer la défection de ces alliés en promettant de leur livrer Corinthe ? Du même coup, Flamininus augmentait ses chances d’enlever la ville et donnait aux yeux des Grecs une preuve éclatante de son désintéressement.

Aussi, avant d’entreprendre le siège, Flamininus envoya-t-il une ambassade aux Achéens pour leur promettre Corinthe, s’ils passaient à l’alliance romaine[29]. Il avait confiance dans les résultats de la démarche, car le stratège de 199, Cycliadas, partisan de la Macédoine, venait d’être remplacé par un partisan de l’alliance romaine, Aristène[30]. Le moment était décisif : à l’assemblée Achéenne de Sicyone arrivèrent simultanément des ambassades d’Attale, roi de Pergame, de Rhodes, de Philippe, d’Athènes et de Rome[31]. Les Achéens étaient divisés entre eux sur la question de l’alliance, non seulement de ville à ville, mais aussi dans l’intérieur de chaque cité[32].

Les débats, qui furent très animés, durèrent trois jours. L’ambassadeur romain, L. Calpurnius, parla le premier[33] ; puis parlèrent successivement les ambassadeurs d’Attale, de Rhodes, de Philippe et d’Athènes[34]. Les Athéniens se montrèrent les plus violents à l’égard du roi de Macédoine ; peut-être avait-ce été une tactique de la part du stratège qui réglait les tours de parole de rejeter a la fin le discours des Athéniens pour que, la séance levée, l’impression dominante dans l’assemblée restât défavorable au roi.

Le lendemain[35], l’assemblée se réunit de nouveau. Aucun orateur ne se présenta à la tribune, tant étaient grandes l’inquiétude et l’anxiété générales[36]. Le stratège Aristène exhorta les citoyens à intervenir dans le débat : C’est maintenant, dit-il[37], le moment de discuter ; car, une fois la décision prise, il faudra que tous s’y rallient. L’assemblée continua à garder le silence[38]. On ne pouvait congédier les ambassadeurs sans réponse ; Aristène remonta à la tribune. Tite-Live[39] lui prête un long discours qu’il a sans nul doute emprunté à Polybe et dont par conséquent on peut considérer comme exactes les lignes essentielles. Aristène examine franchement quels sont les véritables intérêts de l’Achaïe. Il commence par faire justice de la prétendue modération de Philippe : Philippe, a dit l’ambassadeur macédonien Cléomédon, se contenterait à la rigueur de la neutralité achéenne[40]. — Mais, dit Aristène, à quoi tient cette prétendue modération ? Uniquement à ce fait que Philippe, étant donné l’état présent de ses affaires, ne peut demander davantage. Si les Romains sont plus exigeants, s’ils parlent d’alliance, c’est que leur situation est incomparablement plus forte. Philippe n’a pu leur résister ; il peut encore moins venir au secours de ses alliés ; pourquoi ceux-ci ne pourvoiraient-ils pas eux-mêmes à leur propre salut ? La flotte romaine est maîtresse de la mer ; le Péloponnèse est vulnérable sur toutes ses côtes ; l’Achaïe surtout est menacée[41]. De Philippe, dit encore Aristène, nous ne voyons que l’ambassadeur ; mais les Romains ont leur flotte mouillée à Cenchrées et nous apercevons le consul au delà du détroit qui nous sépare de lui, parcourant sans obstacle avec ses légions la Phocide et la Locride[42]. Toutes ces raisons, conclut-il, militent en faveur de l’alliance romaine. Quant à la neutralité, il n’y faut pas songer : rester neutre serait devenir à coup sûr la proie du vainqueur.

Ce discours fit naître dans l’assemblée les discussions les plus vives[43]. Des dix démiurges qui devaient, par un vote préalable, autoriser la mise aux voix de l’alliance romaine, cinq se prononcèrent pour et cinq contre[44]. La journée se passa sans que l’on pût s’entendre. Enfin, le troisième jour, un des cinq opposants, que son père, raconte Tite-Live, avait menacé de mort s’il persistait dans son attitude, se joignit aux cinq autres[45]. Le décret fut mis aux voix. Les habitants de Dyme, Megalopolis et un certain nombre d’Argiens qui, pour diverses raisons, étaient liés particulièrement au roi de Macédoine refusèrent de s’associer au vote et quittèrent l’assemblée[46]. Après leur départ, la majorité se prononça en faveur de l’alliance romaine[47].

Tel est, en résumé, le récit de Tite-Live : il est nécessaire d’y ajouter quelques remarques. Selon son habitude, Tite-Live, pour rehausser le rôle de Rome, a volontairement laissé certains points dans l’ombre. Le discours d’Aristène, tel qu’il le reproduit, est franchement hostile à la Macédoine ; il ne s’y trouve aucune objection sérieuse — et pourtant les objections ne manquaient pas — au projet d’alliance avec Rome. On pourrait croire, d’après le récit de Tite-Live, que la grande majorité des Achéens s’est assez facilement décidée à abandonner la cause macédonienne. Le témoignage d’autres textes permet de rétablir la vérité. Pausanias[48] nous dit formellement que les Achéens se souvenaient fort bien des violences auxquelles s’était livrée l’armée romaine lors de la première campagne. Ils prévoyaient, ajoute-t-il, que Rome voulait établir sa domination sur la Grèce. Un texte d’Appien est plus précis encore : La plupart des Achéens, dit-il[49], tenaient pour Philippe et repoussaient les Romains, en souvenir des vexations que Sulpicius avait fait subir aux villes grecques. Les partisans des Romains insistant violemment, la plupart des citoyens protestèrent, quittèrent l’assemblée, et les autres, contraints par leur petit nombre à céder, firent alliance avec Lucius Flamininus. Aristène lui-même, dans le récit de Tite-Live, cherche moins à convaincre l’assemblée achéenne qu’à l’effrayer : son principal argument — et ce fut certainement l’argument décisif — est que les Romains sont les plus forts et qu’ils sont installés aux portes mêmes de l’Achaïe. Dans ces conditions, il fallait que les partisans de la Macédoine fussent bien nombreux pour oser résister, comme ils le firent, à la pression des Romains. La nation achéenne, dit Polybe[50], était perdue sans ressources, si Aristène, la détachant de Philippe, ne lui eût fait conclure une alliance avec Rome. Polybe a raison, mais il faut ajouter qu’à Sicyone la partie n’était pas égale entre les amis de Rome et ceux de la Macédoine. Avant de négocier, Flamininus avait su habilement, mettre de son côté tous les avantages. Du jour où il avait choisi la Grèce centrale comme base d’opérations, installé son armée à Anticyre et sa flotte à Cenchrées, la défection de la ligue Achéenne était devenue inévitable.

 

II. — Les conférences de Nicée (début 197).

La défection de la ligue Achéenne était un coup terrible pour la cause macédonienne. Aussi, Philippe, alarmé, résolut-il d’ouvrir des négociations pour la paix dès qu’un retour momentané de fortune lui permettrait de le faire dans des conditions avantageuses. L’occasion ne tarda pas à se présenter. Flamininus, désormais assuré de l’alliance achéenne, vint mettre le siège devant Corinthe. La prise de Cenchrées par la flotte romaine permit de compléter l’investissement de la place[51]. Le consul espérait provoquer des dissensions entre la population civile et la garnison macédonienne, mais le gouverneur Androsthène pourvut à tout avec vigilance et sut déterminer les habitants eux-mêmes à se défendre vaillamment. Une attaque des Romains échoua et un général de Philippe, Philoclès, réussit à introduire quinze cents hommes dans la ville[52]. C’était un grave échec que la prise d’Elatée par Flamininus ne suffit pas à compenser[53]. Philoclès ne s’en tint pas à ce premier succès ; exploitant à Argos le mécontentement du parti macédonien, il se fit livrer la place, où il s’empressa de mettre garnison[54]. Philippe profita immédiatement de ces avantages pour demander une entrevue à Flamininus[55]. Les deux adversaires se rencontrèrent en effet près de Nicée, sur le golfe Maliaque, au début de l’année 197[56].

Au jour dit, Flamininus, entouré du roi des Athamanes Amynander, des ambassadeurs du roi de Pergame, Attale, et de Rhodes, des représentants des deux ligues Achéenne et Étolienne, se porta à la rencontre de Philippe qui devait arriver de Démétriade par mer. Le roi de Macédoine, parvenu au lieu du rendez-vous, se refusa, par défiance des Étoliens, à descendre sur le rivage et demanda, debout à la proue de son navire, quelles conditions de paix- on voulait lui imposer. Flamininus répondit au nom de Rome. Le roi devait retirer ses garnisons de toutes les villes de la Grèce, rendre aux alliés du peuple romain les prisonniers et les transfuges, livrer aux Romains les places qu’il avait occupées en Illyrie depuis la paix de Phœnice, restituer à Ptolémée, roi d’Égypte, les villes qu’il lui avait prises depuis la mort de Ptolémée Philopator.

C’étaient là les bases de paix imposées par Rome, mais, ajouta Flamininus, ce n’était pas tout. Il fallait y ajouter les conditions des alliés, et Flamininus, s’adressant à ceux qui l’entouraient — aux représentants d’Attale, de Rhodes et des ligues — les pria d’exposer les demandés des puissances dont ils étaient les mandataires[57].

L’amiral Dionysodore, ambassadeur d’Attale, prit le premier la parole ; il demanda, au nom de son maître, la restitution des navires capturés à la bataille de Chios, la remise en état du temple d’Aphrodite et du Nicéphorion, ruinés par Philippe lors de sa campagne d’Asie. Rhodes, par la voix de son représentant, Acesimbrote, réclamait le retrait des garnisons macédoniennes d’Iassos, Bargylia, Euromos, le rétablissement de l’alliance entre Périnthe et Byzance, l’évacuation de la Pérée, de Sestos, d’Abydos et, d’une manière générale, de toutes les places d’Asie Mineure. Les Achéens exigeaient Argos et Corinthe, et les Étoliens, avec l’évacuation générale des villes de la Grèce, la restitution de toutes les villes qui avaient précédemment fait partie de leur ligue[58].

La curée ne pouvait être plus complète. Philippe, malgré la dureté des conditions qui lui étaient proposées, malgré les sarcasmes et les grossièretés déplacées des envoyés étoliens Alexandre et Phæneas, ne perdit cependant pas son sang-froid. Il discuta pied à pied les propositions de ses adversaires et fit immédiatement un certain nombre de concessions. Il rendrait à Attale ses navires et ses prisonniers et remettrait en état, conformément aux demandes de Dionysodore, le temple d’Aphrodite et le Nicéphorion. Il consentait à rendre la Pérée aux Rhodiens et Argos aux Achéens ; quant à Corinthe, sans refuser catégoriquement, il demandait à en délibérer tête à tête avec Flamininus[59]. Restaient les conditions directement proposées par Rome. Philippe, avant de donner sur ce point une réponse définitive, demanda à Flamininus un certain nombre de précisions : Quelles étaient ces villes de Grèce qu’on le sommait d’évacuer ? Étaient-ce les villes qu’il avait conquises lui-même ou celles qu’il avait héritées de ses ancêtres ? Flamininus ne répondit pas[60]. Philippe, avant de se retirer, voulut avoir par écrit les conditions de la paix : Il était seul, disait-il, et n’avait auprès de lui personne qui pût le conseiller. Puis, on se sépara après avoir pris de nouveau rendez-vous au même endroit pour le lendemain[61].

Si l’on n’était pas tombé d’accord dans cette première journée de pourparlers, tout au moins, du point de vue diplomatique, d’importants résultats avaient été acquis. Il suffit pour s’en rendre compte de mettre en regard les demandes de Rome et de ses alliés d’un côté, les concessions de Philippe de l’autre :

CONDITIONS DE ROME ET DES ALLIÉS

REPONSES DE PHILIPPE

1° Attale :

 

Restitution des navires pris à la bataille de Chios.

Accordé.

Reddition des prisonniers.

Accordé.

Remise en état du temple d’Aphrodite et du Nicéphorion.

Accordé.

2° Rhodes :

 

Restitution de la Pérée.

Accordé.

Évacuation d’Iassos, Bargylia, Euromos.

Pas de réponse.

Rétablissement de l’alliance entre Périnthe et Byzance.

Pas de réponse.

Évacuation de Sestos, Abydos et de toutes les places d’Asie Mineure occupées par les troupes de Philippe.

Pas de réponse.

3° Ligue Achéenne :

 

Restitution d’Argos.

Accordé.

Restitution de Corinthe.

Philippe en délibérera directement avec Flamininus.

4° Ligue Étolienne :

 

Évacuation générale de la Grèce.

Pas de réponse.

Restitution des villes qui lui avaient autrefois appartenu.

Pas de réponse.

5° Rome :

 

Évacuation totale de la Grèce.

Pas de réponse.

Restitution aux alliés des prisonniers et des transfuges.

Pas de réponse.

Remise aux Romains des places fortes d’Illyrie occupées depuis la paix de Phœnice.

Pas de réponse.

Restitution au roi d’Égypte Ptolémée des villes occupées depuis la mort de Ptolémée Philopator.

Pas de réponse.

L’accord s’était donc fait complètement avec Attale, partiellement avec Rhodes et la ligue Acheenne ; l’opposition restait entière entre Philippe d’une part, la ligue Étolienne et Rome de l’autre. Sur la question capitale, l’évacuation totale de la Grèce par le roi de Macédoine, une fois de plus, on n’avait pu s’entendre.

Le lendemain, Philippe arriva très tard au rendez-vous. Il dit pour s’excuser que les conditions qu’on exigeait de lui étaient si embarrassantes qu’il ne lui avait pas fallu moins de toute la journée pour en délibérer[62]. Les autres crurent que la vraie raison était qu’il n’avait pas voulu que les Achéens et les Étoliens eussent le temps de présenter leurs doléances. Il les confirma lui-même dans cette pensée, lorsque, faisant approcher son navire, il pria le consul de lui accorder un tête à tête pour qu’on ne perdît pas le temps en paroles inutiles et qu’on réglât enfin les contestations[63]. Le but de Philippe n’était pas douteux ; il cherchait, s’il était possible, à faire une paix séparée avec Rome ou tout au moins à compromettre Flamininus aux yeux de ses alliés grecs. Mais Flamininus ne se laissa pas prendre à cette manœuvre ; très habilement il réunit les représentants des alliés, leur communiqua la proposition de Philippe et les pria de donner leur avis. Tous lui conseillèrent de répondre affirmativement[64]. L’entrevue eut lieu sur le rivage ; Flamininus avait amené avec lui le tribun militaire Appius Claudius Nero, un de ses amis ; Philippe était accompagné de deux secrétaires, Apollodore et Démosthène[65].

Au cours des pourparlers, Philippe consentit à faire de nouvelles concessions ; il rendrait aux Achéens, non seulement Argos, comme il l’avait offert la veille, mais aussi Corinthe, aux Étoliens Pharsale et Larisse, à Rome enfin les places d’Illyrie et en outre tous les prisonniers et transfuges[66]. Sur la question essentielle, l’évacuation totale delà Grèce, l’opposition entre les adversaires restait irréductible. Flamininus, après avoir quitté Philippe, réunit de nouveau les alliés pour les mettre au courant de l’état des négociations ; à l’unanimité ils rejetèrent les propositions du roi de Macédoine et, pour qu’il ne pût subsister aucun doute, ils déclarèrent que la condition sine qua non de tout traité de paix devait être l’évacuation totale de la Grèce par les troupes macédoniennes[67]. Philippe se rendit compte aussitôt que toute entente était impossible, mais sa situation était devenue trop difficile pour qu’il ne cherchât pas à épuiser les dernières chances d’accord. Il demanda et obtint une troisième entrevue pour le jour suivant[68].

Cette troisième conférence eut lieu à l’est de Nicée, non loin de Thronion. Philippe pria Flamininus de poursuivre la négociation. Si l’on ne pouvait aboutir sur place, il enverrait une ambassade au Sénat, obtiendrait la paix aux conditions qu’il avait offertes ou accepterait celles que lui dicterait le Sénat, quelles qu’elles fussent[69]. Il ne se faisait aucune illusion sur l’issue définitive des pourparlers, mais il gagnait ainsi du temps, considération qui à ses yeux n’était nullement méprisable.

Les alliés voulaient répondre à Philippe par un refus brutal qui eût entraîné une rupture immédiate[70]. Flamininus refusa de les suivre dans cette voie, et Polybe nous donne les raisons de son attitude : Il savait que Philippe ne ferait rien de ce que l’on exigeait de lui, qu’il n’y avait même aucune apparence qu’il en fît rien, mais, après tout, la grâce qu’il sollicitait ne faisait aucun tort aux affaires des alliés et il fallait la lui accorder ; que, d’ailleurs, on ne pouvait rien statuer sur les articles proposés sans l’autorité du Sénat ; que la saison était propice et donnait tout le temps nécessaire pour sonder ses intentions ; que les armées pendant l’hiver ne pouvaient entrer en campagne et qu’ainsi, en employant cette saison à informer le Sénat de l’état présent des affaires, loin d’en reculer le succès, on l’avancerait beaucoup[71]. L’opinion de Flamininus prévalut, et la suite des négociations se trouva ainsi portée à Rome devant le Sénat romain. En attendant, une trêve de deux mois fut accordée au roi de Macédoine, à la condition formelle qu’il évacuât immédiatement la Locride et la Phocide[72].

Les ambassades de Philippe, des alliés et de Flamininus lui-même arrivèrent à Rome au commencement de l’année 197. Le Sénat n’avait pas encore procédé à la répartition des provinces. Les nouveaux consuls, C. Cornelius Cethegus et Q. Minucius Rufus, proposaient la désignation de l’Italie et de la Macédoine comme provinces consulaires ; c’était le remplacement de Flamininus dans son commandement. Mais Flamininus fit agir ses amis ; deux tribuns, L. Oppius et Q. Fulvius, s’opposèrent énergiquement au projet des consuls et le Sénat leur donna raison. Les deux consuls reçurent l’Italie comme province[73].

Restait à prendre un parti sur la question macédonienne. Le Sénat fit comparaître devant lui les ambassadeurs de Philippe et exigea brutalement l’évacuation des trois places fortes, qui assuraient au roi de Macédoine la domination de la Grèce, Chalcis, en Eubée, Démétriade, sur le littoral thessalien, et Corinthe. Les députés durent avouer qu’ils n’avaient pas de mandat positif à cet égard. Ils se retirèrent, et la trêve fut immédiatement rompue[74]. Flamininus fut prorogé sans limite de temps dans son commandement ; le sénatus-consulte portait qu’il devrait conserver ses fonctions jusqu’à l’arrivée d’un successeur. Il reçut neuf mille hommes de renfort, avec ses deux prédécesseurs, P. Sulpicius Galba et P. Villius, comme légats[75].

Les conférences de Nicée n’avaient donc pas donné de résultat. Tout au moins avaient-elles permis aux parties en présence de prendre contact et de préciser mutuellement leur programme diplomatique. Philippe, de toute évidence, ne pouvait consentir, sans une défaite, à l’évacuation totale de la Grèce : Quelles conditions plus dures m’imposeriez-vous si j’avais été vaincu ? avait-il déjà déclaré lors des négociations de l’Aoüs. Il y a des situations que seule la force brutale peut régler. Après Nicée, il n’y eut plus personne en Grèce pour en douter.

 

III. — L’entente avec Nabis. - La défection de la ligue Béotienne. - Victoire de Cynocéphales (hiver 198-été 197).

Après avoir vainement essayé de négocier à Nicée, Philippe se sentit perdu s’il laissait Flamininus pousser à la défection ses derniers alliés de Grèce, les Béotiens et les Acarnaniens. Renforcé par leurs contingents, désormais couvert sur ses derrières et sur ses flancs, le général romain marcherait sur la Macédoine avec une supériorité de forces écrasante. Une diversion seule pouvait empêcher Flamininus de prendre l’offensive et sauver la Macédoine.

D’autre part, nous dit Tite-Live[76], Philippe n’était pas sans inquiétude pour les villes de l’Achaïe, contrée si éloignée de ses états, et plus encore pour Argos que pour Corinthe. Le roi de Macédoine crut trouver dans le tyran de Sparte Nabis l’allié qui lui était nécessaire[77]. Nabis avait une armée nombreuse et bien exercée et sa situation dans le Péloponnèse lui permettait de rendre aisément à Philippe le service que celui-ci attendait de lui. Pour le gagner, Philippe chargea son général Philoclès de lui offrir la ville d’Argos, sous certaines conditions[78], et de lui proposer pour ses fils la main de ses filles[79].

Après quelques hésitations[80], Nabis accepte. Il occupe Argos, lève des taxes énormes sur les habitants et rend deux édits pour l’abolition des dettes et le partage des terres. Mais à peine est-il maître de la ville qu’il change brusquement de politique[81]. Il envoie des députés à Flamininus qui se trouvait alors à Elatée, à Attale qui hivernait à Egine et demande une entrevue au général romain. Le lieu fixé pour la rencontre était Argos[82].

Flamininus accepta aussitôt cette proposition et se rendit à Sicyone où il rejoignit Attale venu d’Egine. Attale lui conseilla de ne pas aller au-devant du tyran ; c’était à Nabis de venir le trouver. Flamininus ne tint pas compte de ses observations ; il était pressé d’en finir avec les affaires de Grèce pour marcher sur la Macédoine. Il fit toutefois une concession au roi de Pergame en refusant d’entrer dans Argos, ce qui eût été reconnaître officiellement à Nabis la possession de cette ville[83].

L’entrevue eut lieu dans la région de Mycènes, au nord d’Argos[84]. Avec Flamininus arrivèrent son frère Lucius, Attale, le stratège des Achéens Nicostrate et quelques tribuns militaires[85]. Flamininus, qui voulait à tout prix gagner Nabis et le détacher de l’alliance macédonienne, ne se fit aucun scrupule de le traiter en roi. On discuta longuement les conditions de l’alliance. Flamininus exigea deux choses : que Nabis signât la paix avec les Achéens et qu’il fournît à l’armée romaine des secours contre Philippe[86]. Nabis était trop avisé pour se lier les mains en signant un traité avec l’Achaïe. Il voulait rester libre de reprendre les armes contre les Achéens et à l’occasion même contre les Romains s’ils devenaient trop menaçants. Il se borna donc à conclure avec l’Achaïe une trêve qui durerait jusqu’à la fin de la guerre de Macédoine[87] : il réservait ainsi formellement sa liberté pour le jour où seraient réglées les affaires de Grèce. Il ne fut pas question d’Argos dans le traité. Attale, qui était maître d’Egine, prétendit bien contraindre Nabis à l’évacuer ; mais, vraisemblablement sur les instances de Flamininus, qui n’avait pas de temps à perdre, il renonça à ses exigences[88]. — Cette négociation, habilement menée par Flamininus et terminée en une seule entrevue, était un véritable coup de maître. Flamininus s’était montré fort modéré dans ses prétentions, non par faiblesse, non par condescendance à l’égard de Nabis, mais parce qu’il n’avait pas besoin d’exiger davantage. L’essentiel — et ce résultat fut atteint — était de neutraliser Nabis pour la durée de la campagne qui allait s’ouvrir : la Macédoine mise hors de cause, il serait à la merci de Rome et de ses alliés.

L’alliance conclue, Flamininus partit avec 600 auxiliaires crétois fournis par Nabis[89], eut à Corinthe une entrevue avec le général macédonien Philoclès, mais sans pouvoir le décider à capituler, et rentra à Anticyre[90]. Désormais, il n’avait plus rien à craindre du Péloponnèse. Il ne lui restait plus, pour achever son œuvre diplomatique, qu’à détacher de la Macédoine les deux ligues Acarnanienne et Béotienne. Il envoya son frère Lucius en Acarnanie[91] et lui-même, dès les premiers jours du printemps 197[92], entra en Béotie[93].

Depuis longtemps, la politique d’alliance avec la Macédoine, soutenue par le parti démocratique, prédominait en Béotie : il faut ajouter que le voisinage des possessions macédoniennes de Thessalie, de Locride et d’Eubée prévenait toute tentative de défection. La ligue Béotienne, jusque-là, avait résisté à toutes les sollicitations de Flamininus et il est probable qu’elle n’eût cédé qu’à la force, si le général romain ne s’était décidé à en finir par un coup d’audace. Il vient camper près de Thèbes[94], et, le lendemain, accompagné d’Attale et d’un seul manipule, il s’avance vers la ville. Deux mille légionnaires le suivaient à distance[95]. Les habitants courent aux remparts pour le voir ; le stratège des Béotiens, Antiphile, vient à sa rencontre et l’escorte pour lui faire honneur[96]. Flamininus était presque seul ; personne ne suspecte ses intentions. Arrivé près de la ville, il ralentit sa marche, entretient les principaux citoyens, les charme par sa conversation et pénètre dans Thèbes. Profitant de la confusion générale, les légionnaires l’avaient rejoint : ils entrèrent avec lui dans la ville[97]. Les habitants surpris, se croyant trahis par Antiphile, n’osèrent agir[98]. — Le lendemain, l’assemblée se réunit : Il était visible, avoue Tite-Live, que les débats ne seraient pas libres ; mais chacun dissimula une douleur qu’il eût été inutile et dangereux de laisser voir[99]. Attale[100], l’ancien stratège des Achéens Aristène[101], puis Flamininus[102] parlèrent successivement en faveur de l’alliance romaine. Le décret d’alliance, rédigé par Dicéarque de Platées, fut voté sans que personne osât faire la moindre opposition[103] et ratifié par toutes les cités de Béotie[104]. La route de Macédoine était désormais ouverte. Flamininus revint à Elatée[105].

Pendant ce temps, Lucius Flamininus s’efforçait d’enlever à Philippe l’alliance de l’Acarnanie, la dernière contrée de la Grèce qui lui demeurât fidèle, à la fois par tradition et par haine de sa voisine l’Étolie. Il fit venir à Corcyre les principaux membres de l’aristocratie et les détermina à agir[106]. Une assemblée se réunit à Leucade. Un grand nombre de cités n’y étaient pas représentées[107] : les aristocrates réussirent à faire voter l’alliance avec Rome[108]. Ce fut alors dans le pays, où le parti démocratique avait la prépondérance, une explosion générale[109]. Le stratège Zeuxide, qui avait mis l’alliance aux voix, fut déposé[110] ; les promoteurs du décret, Archélaos et Bianor, furent condamnés pour crime de haute trahison[111] ; tous deux cependant se défendirent avec énergie et firent annuler le décret porté contre eux[112] ; mais l’alliance romaine n’en fut pas moins rejetée[113] et l’alliance macédonienne remise en vigueur.

Cet échec diplomatique pouvait avoir de graves conséquences pour la politique romaine. Lucius Flamininus, sans perdre un instant, partit de Corcyre, se présenta devant Leucade[114] et somma la ville de se rendre. Sur son refus de capituler, elle fut prise d’assaut[115]. La capitale soumise, l’Acarnanie se trouvait réduite à l’impuissance, et peu de jours après, la nouvelle de Cynocéphales vint hâter la soumission des cités qui hésitaient encore[116].

La Macédoine avait été épuisée par la guerre et l’émigration. Pour réunir une armée qui pût tenir tête aux troupes romaines et à leurs alliés grecs, Philippe dut enrôler des recrues de seize ans et rappeler sous les drapeaux des vétérans depuis longtemps libérés du service. Malgré ces mesures désespérées, l’armée macédonienne, à l’ouverture de la campagne, ne comptait que vingt-cinq mille hommes, dont cinq mille étaient des auxiliaires. C’était peu pour défendre la Thessalie et la Macédoine, découvertes par la défection des alliés et directement menacées par Flamininus.

Au printemps de 197, Flamininus partit d’Elatée[117] et, par Héraclée, se porta sur Xynies, où il opéra la concentration de tous ses corps[118]. Une tentative pour enlever la ville de Thèbes en Phtiotide[119] échoua et lui-même, en opérant sa retraite, courut les plus grands dangers[120]. Philippe avait résolu de livrer bataille pour sauver son royaume : il prit l’offensive[121]. Flamininus s’avança à sa rencontre. Les troupes légères des deux armées se livrèrent d’abord quelques escarmouches dans lesquelles, grâce à la cavalerie étolienne, les Romains eurent l’avantage[122]. Mais le terrain très coupé, parsemé d’arbres, de murs, de ruisseaux, ne se prêtait pas à une bataille générale[123]. Les deux adversaires quittèrent leur position et marchèrent sur Scotussa[124].

Le surlendemain, tandis que les deux armées manœuvraient, leurs avant-gardes se heurtèrent au milieu du brouillard[125] et engagèrent le combat : on se trouvait au centre d’une vaste plaine, coupée par une ligne de collines, les Cynocéphales[126], qui étaient aux mains des Macédoniens. L’action devient bientôt générale. Philippe se déploie sur les Cynocéphales[127] et ordonne à son lieutenant Nicanor, resté en arrière, de venir se placer à sa gauche[128]. Flamininus divise son armée en deux corps ; il laisse son aile droite et ses éléphants en réserve et s’élance à la tète de l’aile gauche pour enlever les Cynocéphales[129]. Mais il est repoussé et ses troupes reculent en désordre[130]. La position est inabordable de front : Flamininus se décide à l’attaquer de flanc. Il abandonne son aile gauche mise en désordre[131], court rejoindre son aile droite laissée en réserve et charge, les éléphants en tête, le corps de Nicanor qui à ce moment même débouchait sur le champ de bataille[132]. Les troupes de Nicanor, surprises en pleine marche et en ordre de colonne[133], n’ont pas le temps de former la phalange ; elles sont mises en fuite et poursuivies l’épée dans les reins[134]. Un tribun militaire, à la tête de vingt manipules, tombe sur les derrières de l’aile commandée par Philippe[135], tandis que Flamininus l’attaque de front et de flanc avec toutes ses forces ralliées. Pressée de tous côtés, la phalange fut rompue ; huit mille Macédoniens furent tués, cinq mille faits prisonniers[136]. Le butin fut immense. Flamininus poursuivit les fuyards jusqu’à Larisse[137]. Il reçut dans cette ville un parlementaire de Philippe qui sollicitait une trêve pour ensevelir les morts et un sauf-conduit pour l’envoi d’une ambassade[138]. Flamininus accueillit favorablement les deux demandes[139].

Les Étoliens prétendirent qu’ils étaient les véritables vainqueurs de Cynocéphales[140] — c’est la tradition de Dion Cassius suivie par Zonaras[141] — et ils firent circuler en Grèce des épigrammes et des chansons, où ils se nommaient avant les Romains[142]. C’était là une prétention injustifiée ; il est vrai qu’au début de l’action, l’avant-garde romaine fut un instant repoussée et que la cavalerie étolienne rétablit le combat[143] ; mais la victoire fut décidée par les légions qui enfoncèrent la phalange. Polybe le dit formellement[144] : Avec un ordre de bataille dont toutes les parties agissent avec tant de facilité, doit-on être surpris que les Romains, d’ordinaire, viennent plus aisément à bout de leurs entreprises que ceux qui combattent dans un autre ordre ? Au surplus, je me suis cru obligé de traiter tout au long cette matière, parce que, au moment où les Macédoniens ont été vaincus, un grand nombre de Grecs ont considéré l’événement comme incroyable et que beaucoup se demanderont encore par la suite comment et pourquoi l’ordonnance romaine est supérieure à la phalange. Le succès doit être surtout attribué à la solidité et à la mobilité de la légion, car, au point de vue tactique, la bataille de Cynocéphales, accidentellement engagée, ne fut pas une grande victoire.

La grande victoire était la victoire diplomatique qui avait isolé Philippe et avait assuré à l’armée romaine, sur le champ de bataille, l’appui des contingents grecs : Pénétrer en Macédoine, écrit Florus[145], ce fut la vaincre, car le roi n’osa plus en venir aux mains et la journée de Cynocéphales, où sa puissance fut abattue d’un seul coup, fut à peine une bataille en règle. La diplomatie, qui avait préparé la victoire, allait maintenant en tirer les conséquences.

 

IV. — Le traité de paix avec la Macédoine (printemps 196).

Deux questions se posaient au lendemain de Cynocéphales : fallait-il faire la paix avec la Macédoine et à quelles conditions ? — Du côté romain, il y avait unanimité à souhaiter la paix. Le peuple, épuisé par la guerre punique, n’avait voté la guerre, trois années auparavant, que sur les instances réitérées du Sénat[146]. En 196, lorsque les deux consuls L. Furius Purpureo et M. Claudius Marcellus tentèrent de faire rejeter le traité de paix[147], deux tribuns, Q. Marcius Ralla et C. Atinius Labeo, firent opposition[148] et, quand la ratification fut présentée au peuple, le vote des trente-cinq tribus fut unanime[149]. — Le Sénat avait entrepris la guerre pour sauver l’Égypte et garantir le maintien de l’équilibre oriental. Cet équilibre reposait sur l’existence des trois grandes monarchies de la mer Egée, la Macédoine, l’Égypte, la .Syrie. Le but était désormais atteint ; l’anéantissement de la puissance macédonienne n’eût profité qu’à Antiochus.

S’il n’avait pas secouru Philippe malgré le traité d’alliance de 203, Antiochus n’en avait pas moins poursuivi ses conquêtes aux dépens de Ptolémée. En 198, toute la Cœlésyrie était tombée entre ses mains ; les villes grecques d’Asie Mineure étaient menacées. On avait pu craindre un instant, au début de 197, qu’il n’intervînt en faveur de Philippe. Aussi le Sénat s’était-il montré fort réservé à son égard ; il avait encouragé secrètement les Rhodiens à prendre la défense des villes d’Asie Mineure, mais avait accueilli avec beaucoup de ménagements une ambassade syrienne et feint de croire aux protestations de dévouement d’Antiochus. Après Cynocéphales, la paix était possible dans des conditions avantageuses pour Rome ; Philippe la demandait : le Sénat était décidé à la conclure avant qu’Antiochus eût eu le temps de se prononcer : En faisant la paix, dit Plutarque[150], Flamininus se prêtait sagement aux circonstances et prévoyait l’avenir. Si Philippe et Antiochus se fussent unis, Rome eût couru les mêmes dangers que lors de la seconde guerre punique. Flamininus, en plaçant à propos la paix entre les deux guerres, en terminant l’une avant le commencement de l’autre, ruina d’un seul coup la dernière espérance de Philippe et la première d’Antiochus. — Personnellement enfin, Flamininus souhaitait la paix. Il ignorait s’il serait prorogé une seconde fois en mars 196 et ne voulait pas laisser à un autre la gloire de terminer la guerre de Macédoine.

Le peuple, le Sénat, Flamininus souhaitaient donc la paix. Mais Rome avait toujours affecté de n’intervenir contre la Macédoine qu’au nom et dans l’intérêt de ses alliés grecs. Aux conférences de Nicée, Flamininus s’était borné à diriger la négociation et à prendre la parole comme mandataire du Sénat ; quant aux alliés, il s’était contenté de les mettre en rapport avec Philippe et les avait laissés poser eux-mêmes leurs conditions. Philippe demandant la paix, Flamininus ne pouvait se dispenser de consulter les alliés à la fois sur l’opportunité et sur les conditions de cette paix.

Flamininus, conformément à ses instructions, avait accueilli favorablement les ouvertures de Philippe[151] ; il avait même cherché à rassurer le roi en lui disant d’avoir confiance[152]. Le mot blessa vivement les Étoliens : La victoire, disaient-ils[153], avait changé le général. Auparavant, il ne faisait rien sans consulter les alliés ; maintenant il réglait tout à son gré et cherchait personnellement à gagner les faveurs de Philippe pour recueillir tous les bénéfices d’une guerre dont toutes les fatigues avaient été pour les Étoliens. Flamininus avait contre les Étoliens plus d’un grief légitime : il leur reprochait leur arrogance et leur avidité pour le pillage[154]. Son orgueil de Romain souffrait beaucoup de leurs prétentions à la victoire. Sans tenir compte de leurs réclamations, il accorda à Philippe une trêve de quinze jours et prit date avec lui pour une entrevue[155].

Quelques jours avant l’entrevue, Flamininus réunit le conseil des alliés, mit à l’ordre du jour la question de la paix et pria les alliés d’énoncer leurs conditions[156]. Les Étoliens protestèrent violemment[157] : Il était impossible, dirent-ils, d’assurer la paix aux Romains et la liberté à la Grèce, sans ôter la vie ou du moins le trône à Philippe, deux choses qui seraient très faciles si l’on voulait profiter de la fortune[158]. Flamininus répondit nettement que Rome n’avait jamais eu l’intention — ce qui était vrai — de faire à Philippe une guerre à mort[159] ; elle n’avait combattu la Macédoine que pour limiter sa puissance et rendre la liberté aux Grecs. D’ailleurs, l’existence delà Macédoine, qui était un rempart naturel contre les barbares du nord, était indispensable à la sécurité de la Grèce[160]. Flamininus conclut en annonçant qu’il ferait à Philippe des conditions telles que le roi de Macédoine ne pourrait recommencer la guerre[161].

Trois jours plus tard eut lieu l’entrevue de Tempe où se rencontrèrent Philippe, Flamininus et les représentants des alliés[162]. Philippe déclara tout d’abord qu’il acceptait toutes les conditions présentées par les Romains ou par leurs alliés aux conférences de Nicée[163] ; pour le reste, il s’en remettait au Sénat. Il y eut un instant de silence. La résignation de Philippe semblait rendre toute discussion inutile[164]. Seuls les Étoliens, toujours défiants et hostiles au principe même de la paix, intervinrent : Nous rendrez-vous, demanda Phæneas à Philippe, Pharsale, Larisse, Crémaste, Echinos et Thèbes de Phtiotide ?[165] Le roi répondit affirmativement, mais alors Flamininus prit la parole : Rome, dit-il, ne consentirait à rendre aux Étoliens que Thèbes parce que la ville avait été enlevée d’assaut ; quant aux autres cités, elles avaient fait spontanément alliance avec Rome et Rome ne se croyait pas le droit de disposer de leur sort[166]. Intervention significative : Rome se défiait de l’Étolie et ne voulait à aucun prix lui laisser prendre la prépondérance dans la Grèce du Nord.

Le conseil des alliés se rangea unanimement[167] à l’opinion de Flamininus ; il se rallia aux conditions proposées par le général romain et acceptées par Philippe. Les préliminaires de Tempe comprenaient deux parties distinctes ; 1° l’une, immédiatement exécutoire : versement par le roi de Macédoine d’une indemnité de deux cents talents, livraison d’otages, parmi lesquels le fils du roi, Démétrius, trêve de quatre mois pour l’envoi d’ambassadeurs à Rome[168] (il était d’ailleurs formellement stipulé que, si la paix ne se concluait pas, on rendrait à Philippe ses otages et son argent[169]) ; — 2° l’autre, qui comprenait l’ensemble des questions territoriales, conditionnelle, acceptée par le général ad référendum, c’est-à-dire sous ratification du Sénat[170]. Ces articles de Tempe reproduisaient, en somme, les conditions proposées à Nicée, avec aggravation sur deux points — demande d’une indemnité de guerre, livraison d’otages — dont on n’avait pas parlé lors des entrevues du golfe Maliaque. Ces deux exigences nouvelles représentaient pour Philippe le prix dont il fallait payer la défaite de Cynocéphales, et il faut reconnaître qu’elles n’avaient rien d’exorbitant. Parmi les alliés, les Étoliens, nous l’avons vu, auraient demandé davantage, mais Flamininus s’était catégoriquement refusé à les suivre dans leur intransigeance.

Philippe avait agi habilement en pressant la signature des préliminaires. Ses ennemis, enhardis par sa défaite, prenaient de tous côtés l’offensive. Les Achéens battaient devant Corinthe le général macédonien Androsthène[171] ; les Rhodiens envahissaient la Carie et mettaient en déroute à Alabanda le lieutenant du roi, Dinocrate[172] ; les Dardaniens enfin se jetaient sur la Macédoine. Philippe les écrasa à Stobi[173] et les força d’évacuer son royaume[174].

Les pourparlers entamés à Tempe allaient bientôt se poursuivre à Rome. Il convient de s’arrêter quelque peu à ces négociations de 197, une des pages les plus curieuses d’histoire diplomatique que nous ait léguées l’antiquité. Prenons d’abord chronologiquement les faits ; nous verrons ensuite ce que nous pouvons en conclure pour le caractère et la marche générale de la politique romaine en Grèce.

Vers la fin de l’année 197[175], on reçut à Rome une lettre de Flamininus qui annonçait la bataille et la victoire de Cynocéphales. La lettre fut lue au Sénat par le préteur Sergius, puis à l’assemblée du peuple[176]. Pour célébrer ce grand succès, on ordonna cinq jours de supplications. Peu de temps après, dans les derniers jours de l’année[177], arrivèrent les envoyés de Flamininus, porteurs des conditions de Tempe, et les députés de Philippe. Le Sénat se réunit au Champ-de-Mars dans le temple de Bellone. Les Macédoniens déclarèrent que le roi souscrivait d’avance à toutes les conditions qui lui seraient imposées par le Sénat[178]. Remarquons la formule : il ne s’agit pas de demander ou d’accepter la ratification des articles de Tempe. Les ambassadeurs vont infiniment plus loin, puisqu’ils se déclarent prêts à accepter sans réserve toutes les conditions qu’il plaira au Sénat de leur imposer. Le Sénat ne vota pas officiellement la conclusion de la paix ; ce droit d’ailleurs ne lui appartenait pas, car, d’après les usages constitutionnels, il était expressément réservé aux Comices centuriates, mais — ce qui pratiquement revenait au même — il en ratifia le principe[179] et nomma une commission de dix sénateurs, qui devait se rendre en Grèce et procéder à la rédaction définitive du traité de paix. P. Sulpicius et P. Villius, les deux prédécesseurs de Flamininus dans le commandement en chef, étaient désignés pour en faire partie[180].

Suivant l’usage, ces dix commissaires, représentants de la pensée et de la politique sénatoriales, reçurent avant leur départ des instructions précises. Appien et Tite-Live nous donnent à cet égard de précieux renseignements : Le Sénat, écrit Appien[181], trouva trop douces les conditions de Flamininus et imposa les conditions suivantes : toutes les cités grecques qui avaient été sous la domination de Philippe devaient être libres ; le roi devait en retirer les garnisons avant les prochains Jeux isthmiques. Il livrerait tous ses navires de guerre, sauf un à six rangs de rames et cinq navires pontés plus petits. Il paierait à Rome une indemnité de mille talents d’argent, cinq cents au comptant, cinq cents par annuités égales pendant dix ans. Il rendrait tous les prisonniers et tous les transfuges qui étaient entre ses mains. Ces conditions, ajoutées par le Sénat, furent toutes acceptées par le roi, ce qui prouvait que les conditions de Flamininus étaient trop douces. Dix commissaires furent envoyés par le Sénat à Flamininus qui dut régler, d’après leurs avis, la situation créée par la victoire.

Ce texte d’Appien est fort intéressant et aussi précis que possible. Lorsqu’à la suite des conférences de Nicée une ambassade macédonienne était venue à Rome, le Sénat avait réclamé, comme base de toute négociation, l’évacuation des trois places fortes de Chalcis, Corinthe et Démétriade[182], ce qui était encore s’en tenir au programme diplomatique de Nicée. Après la défaite de Philippe, le Sénat se crut en droit d’exiger davantage. Tout en acceptant le principe de la paix, il trouva les conditions de Tempe trop douces et les dix commissaires reçurent des instructions en conséquence. Une clause nouvelle, la remise des vaisseaux, dont il n’avait été question ni à Nicée, ni à Tempe, fut introduite et, en outre, l’indemnité de guerre prévue par les préliminaires de Tempe fut portée de deux cents talents à mille, c’est-à-dire au quintuple.

Toutes ces clauses, énumérées par Appien, étaient impératives pour les dix commissaires, mais elles ne constituaient pas la totalité de leurs instructions. Il y avait certains points sur lesquels le Sénat leur donnait toute latitude de décider en dernier ressort : c’était le cas, en particulier, pour l’évacuation des trois grandes places de Chalcis, Corinthe et Démétriade : Dans le sénatus-consulte qui avait réglé l’envoi des dix commissaires, nous dit Tite-Live[183], la libération des autres villes grecques d’Europe et d’Asie était stipulée expressément ; mais, pour les trois villes (Chalcis, Corinthe, Démétriade), la commission avait été autorisée à décider au mieux des intérêts delà République. Et, de fait, quand se posa en 196 la question d’évacuation, ce furent les dix commissaires qui, malgré les efforts de Flamininus, eurent le dernier mot ; l’Acrocorinthe, Chalcis et Démétriade durent rester, au moins provisoirement, occupées par les garnisons romaines[184].

La politique sénatoriale se trouvait donc nettement en désaccord avec celle du général en chef. Le Sénat avait trouvé — Appien nous le dit catégoriquement — les conditions de Flamininus trop douces et avait remanié, en l’aggravant, le traité de paix. Cette divergence qui se manifeste ainsi pour la première fois vers la fin de 197, nous la retrouverons par la suite à plusieurs reprises : elle constitue un des traits essentiels de la politique et de la diplomatie romaines en Grèce au début du ne siècle.

La question semblait réglée, du moins en principe. On se rendit compte bientôt qu’il n’en était rien. Dès leur entrée en charge (début 196), les nouveaux consuls L. Furius Purpureo et M. Claudius Marcellus demandèrent que la Macédoine fût déclarée province consulaire[185] : La paix, disaient-ils, était trompeuse et, si on rappelait l’armée, Philippe ne tarderait pas à reprendre les armes[186]. Ces assertions ébranlèrent le Sénat[187], où un nombreux parti — peut-être la majorité — désirait conserver en Grèce un corps d’occupation. Mais les tribuns Q. Marcius Ralla et G. Atinius Labeo menacèrent d’intercéder si le principe même de la paix n’était pas soumis au vote du peuple[188]. Les trente-cinq tribus, à l’unanimité[189], se prononcèrent pour la paix[190]. Les deux consuls reçurent l’Italie comme province[191] ; Flamininus, sans être officiellement prorogé une seconde fois — il avait été prorogé l’année précédente jusqu’à la venue d’un successeur[192] — fut maintenu dans son commandement[193].

Peu de temps après arrivèrent en Grèce les dix commissaires porteurs des instructions sénatoriales[194]. Le traité de paix avec la Macédoine fut rédigé sur les bases impératives que le Sénat avait substituées aux conditions de Tempe. Il comprit cinq articles :

Article Ier. — Toutes les cités grecques d’Asie et d’Europe seront libres et jouiront de leurs propres lois[195].

Article II. § 1. — Pour les villes grecques qui sont en sa puissance et sont occupées par ses garnisons, Philippe devra les évacuer et les livrer aux Romains avant les Jeux isthmiques[196].

§ 2. — Il devra évacuer Euromos, Pedasa, Bargylia, lassos et aussi Abydos, Thasos, Myrina, Périnthe, qui seront libres[197].

§ 3. — Quant à la liberté de la Tille de Cios, Flamininus écrirait au roi de Bithynie, Prusias, ce que le Sénat avait décidé[198].

Article III. — Il rendra aux Romains, dans le même laps de temps, tous les prisonniers et les transfuges[199].

Article IV. — Il livrera tous ses navires de guerre, sauf cinq petits vaisseaux et sa galère à six rangs de rames[200].

Article V. — Il paiera une indemnité de mille talents, la moitié immédiatement, l’autre moitié par annuités pendant dix ans[201].

Le texte fondamental pour le traité de 196 est celui de Polybe, que nous suivons ci-dessus. Appien, Guerres macédoniennes, IX, 3, nous donne dans leur ensemble les articles I, III, IV et V ; il abrège l’article II en n’en rapportant que les dispositions générales et en supprimant l’énumération des cités à évacuer. Plutarque, Vie de Flamininus, IX, 6, se borne à résumer les articles I, II, IV, V ; il omet l’article III relatif aux prisonniers et transfuges. Reste enfin le texte de Tite-Live, XXXIII, 30. Tite-Live reproduit intégralement les cinq articles de Polybe, et de plus il en ajoute trois autres : 1° Philippe ne pourra pas avoir sous les armes plus de cinq mille soldats ; 2° il ne pourra posséder aucun éléphant ; 3° il ne pourra faire la guerre hors des limites de la Macédoine sans l’autorisation du Sénat romain. Ces trois dernières clauses se retrouvent également chez Zonaras, Annales, IX, 16, qui, sur ce point, s’inspire directement de Tite-Live.

Ces articles supplémentaires que ne connaît pas Polybe, Tite-Live les a trouvés chez les annalistes. La tradition annalistique d’ailleurs, au témoignage de Tite-Live lui-même, présentait encore avec le texte de Polybe d’autres divergences : Valerius Antias prétend que l’indemnité de guerre fut de quatre mille livres pesant d’argent payables en dix ans ; Claudius parle de quatre mille deux cents livres pesant d’argent payables en trente ans et de vingt mille comptant. Il dit encore qu’une clause formelle défendait à Philippe d’attaquer le nouveau roi de Pergame, Eumène, fils d’Attale... Valerius Antias ajoute qu’Attale reçut, en son absence, l’île d’Égine et les éléphants ; les Rhodiens, Stratonicée et les autres villes de Carie que Philippe avait possédées ; les Athéniens, les îles de Lemnos, Imbros, Délos et Scyros.

Or, il est démontré que ces données des annalistes sont en grande partie erronées. Attale, contrairement au texte de Valerius Antias, était mort lors de la conclusion du traité, et quant à Egine, il l’avait déjà achetée aux Étoliens pendant la première guerre de Macédoine. Autre erreur : Stratonicée et les villes de Carie n’ont pu être données aux Rhodiens, car l’article premier du traité stipulait expressément la liberté de toutes les villes d’Asie. Enfin, troisième erreur : c’est seulement après la défaite de Persée, nous dit expressément Polybe, qu’Athènes a reçu les îles de Lemnos et de Délos.

Nous devons donc nous montrer très prudents vis-à-vis de la tradition annalistique, nous en tenir au texte de Polybe et rejeter par conséquent les additions que Tite-Live, sur la foi des annalistes, s’est cru autorisé à y faire.

Ce traité de paix de 196, en ce qui concerne les relations de Rome et de la Macédoine, n’est que la dernière étape de la campagne diplomatique commencée deux années auparavant et dont les épisodes principaux ont été les entrevues de l’Aoüs, de Nicée et de Tempe. Aussi, pour l’apprécier à sa juste valeur, convient-il d’en rapprocher les articles des conditions proposées par Flamininus à Philippe lors de leurs rencontres successives :

a) Entrevue de l’Aoüs (été 198). — Évacuation des cités grecques. — Indemnité pécuniaire aux villes dont Philippe avait ravagé le territoire.

b) Entrevue de Nicée (début 197).

1° Conditions de Rome. — Évacuation des cités grecques. — Remise aux alliés des prisonniers et transfuges. — Restitution aux Romains des places d’Illyrie occupées par Philippe depuis la paix de 205, à Ptolémée des villes conquises depuis la mort de Ptolémée Philopator.

2° Conditions des alliés. — Attale : reddition des vaisseaux et des prisonniers capturés à la bataille de Chios ; remise en état du Nicéphorion et du temple de Vénus. — Rhodes : restitution de la Pérée ; évacuation d’Iassos, Bargylia, Euromos, Sestos, Abydos ; rétablissement du gouvernement de Périnthe. — Ligue Achéenne : restitution d’Argos et de Corinthe. — Ligue Étolienne : évacuation de toute la Grèce. Restitution aux Étoliens des villes qui leur avaient appartenu.

c) Entrevue de Tempe (197). — Acceptation par Philippe de toutes les conditions proposées à Nicée, soit par Rome, soit par les alliés. Indemnité de deux cents talents. Remise d’otages.

Après l’entrevue de Nicée, la rupture diplomatique s’était produite sur la question des villes de Chalcis, Corinthe et Démétriade. Le Sénat avait posé comme bases sine qua non de toute négociation l’évacuation des trois places fortes par les troupes macédoniennes. Les ambassadeurs de Philippe ayant déclaré n’avoir aucun mandat précis à ce sujet, il n’y avait pas eu moyen de s’entendre et la guerre avait continué. A Tempe, Philippe accepte l’ensemble des conditions de Nicée, y compris l’évacuation de Chalcis, Corinthe et Démétriade. Nous avons vu enfin le Sénat aggraver les préliminaires de Tempe par l’addition de deux articles nouveaux, les articles IV et V du traité définitif.

Une dernière remarque : le traité ne concernait directement que Rome et la Macédoine ; les alliés n’y étaient pas nommés. Rome se réservait de satisfaire elle-même et elle seule à leurs revendications. Vis-à-vis de la Macédoine, elle ne prenait qu’un engagement qui était surtout un engagement de principe : toutes les cités grecques d’Asie et d’Europe seraient libres, ce qui impliquait le rappel des troupes romaines. Mais dans quelle mesure, sous quelle forme et surtout dans quel délai ce principe devait-il recevoir son application ? C’était une question qui avait été réservée a dessein et que le Sénat entendait bien régler, à son gré et à son heure, selon l’intérêt exclusif de la politique romaine.

 

V. — Insurrection de la Béotie. La proclamation des Jeux isthmiques (printemps 196).

L’œuvre diplomatique, qui avait valu à Rome l’alliance de tous les États grecs, était très brillante, mais elle était aussi extrêmement fragile et Flamininus, mieux que personne, s’en rendait compte. Aucun des alliés de Philippe ne l’avait abandonné spontanément. Pour entraîner la ligue Achéenne, il avait fallu la présence de l’armée et de la flotte romaines ; Nabis avait fait ses réserves et pris ses garanties ; la ligue Acarnanienne n’avait cédé qu’à la force, la ligue Béotienne qu’à la ruse. — Le sentiment dominant en Grèce était la défiance. Les Étoliens, les plus puissants et les plus violents, osaient déjà attaquer la politique romaine et s’en prendre à Flamininus ; une grave insurrection éclata en Béotie.

Après Cynocéphales, une ambassade béotienne était venue demander à Flamininus le rapatriement des soldats béotiens qui avaient servi dans l’armée de Philippe[202]. Flamininus savait que la ligue Béotienne, un instant déconcertée par la surprise de Thèbes, était restée secrètement hostile aux Romains : pensant la gagner par un bienfait, Flamininus avait accédé à la demande[203]. Un grand nombre de Béotiens rentrèrent dans leurs foyers et avec eux leur chef, un certain Brachylles[204]. Mais au lieu de rendre grâces à Flamininus, les Béotiens envoyèrent une députation remercier le roi de Macédoine[205]. Ils firent plus : ils nommèrent Brachylles béotarque[206] et élevèrent à toutes les fonctions des partisans de la Macédoine.

Les chefs du parti romain, Zeuxippe et Pisistrate[207], exposés aux représailles de leurs adversaires, se plaignirent auprès de Flamininus : Il fallait tuer, dirent-ils, Brachylles pour décourager le parti macédonien[208]. Tite-Live ne parle ni de cette démarche, ni de la réponse du général romain ; il n’est pas difficile de comprendre les motifs de sa réserve dans cette circonstance. Mais nous avons conservé le passage de Polybe qui est relatif à ces événements : Flamininus, dit Polybe[209], déclara qu’il ne s’associerait pas à leur dessein, mais qu’au reste, il ne leur défendait pas de l’exécuter. C’était, sans se compromettre, se rallier à l’idée du meurtre. Brachylles fut assassiné par trois Étoliens et trois Italiens, fait non moins significatif que la réponse de Flamininus[210].

Le peuple alors s’insurgea[211], força Zeuxippe à s’enfuir[212] et condamna Pisistrate à mort : partout, dans les campagnes, les soldats romains isolés furent attaqués et massacrés : L’assassinat du béotarque, écrit Tite-Live[213], inspira aux Thébains et à tous les Béotiens une haine furieuse contre les Romains... Mais ils n’avaient pour se révolter ni armée, ni général. Au lieu de la guerre, ils firent le métier de brigands et se mirent à égorger les soldats romains, soit en les attirant chez eux comme des hôtes, soit en les surprenant dans leurs quartiers d’hiver, lorsque leurs affaires les contraignaient à aller et venir. Quelques-uns tombèrent en route dans des embuscades préparées par les Béotiens qui connaissaient bien le pays ; d’autres furent détournés de leur chemin et entraînés par trahison dans des hôtelleries désertes où on les mit à mort. A la fin, la haine ne fut pas la seule cause de tous ces crimes ; l’amour du gain en fit commettre aussi, car les soldats qui étaient en congé avaient presque toujours de l’argent dans leur ceinture pour trafiquer. Le nombre de ceux qui disparaissaient, d’abord peu considérable, s’accrut bientôt de jour en jour, et la Béotie entière devint un pays atroce, où le soldat craignait, plus que dans une terre ennemie, de s’aventurer hors du camp... Plusieurs fantassins furent trouvés sur les bords du lac Copaïs ; on tira de la vase leurs cadavres, auxquels on avait attaché de grosses pierres ou des amphores, pour que le poids les entraînât au fond.

Flamininus demanda réparation ; il exigea deux conditions : la remise des coupables et le paiement d’une indemnité de cinq cents talents[214]. Les Béotiens refusèrent[215]. Flamininus envoya alors à Athènes et en Achaïe des ambassades pour exposer les faits et annoncer qu’il allait déclarer la guerre aux Béotiens[216] : il craignait trop, à ce moment, de mécontenter ses alliés grecs pour agir sans les consulter. Les troupes romaines marchèrent aussitôt en deux corps contre Acréphie et Coronée[217] ; les Béotiens enrayés demandèrent à traiter[218]. Les Achéens et les Athéniens, s’associant à la politique romaine pour la mieux surveiller, s’entremirent et réussirent à rétablir la paix[219]. Les Béotiens durent livrer les coupables et payer une amende de trente talents[220].

Le texte du traité avec la Macédoine, qui fut publié quelques jours plus tard, n’était pas fait pour dissiper les craintes des cités grecques et ramener la confiance. Tite-Live[221] lui-même le reconnaît. Sans doute, l’article Ier du traité stipulait bien, d’une manière générale, que toutes les cités grecques d’Europe et d’Asie seraient libres[222] ; mais l’article second, qui avait pour objet de préciser la portée du premier et qui visait les moyens d’exécution, était ainsi libellé : Philippe évacuera et livrera aux Romains avant les Jeux isthmiques les villes grecques qui sont en sa possession[223]. Il devra évacuer en Asie Euromos, Pedasa, Bargylia, lassos, Abydos, Thasos, Myrina, Périnthe, qui seront libres[224]. — C’était à dessein, disaient les Étoliens, que cet article second avait été ainsi rédigé ; les Romains donnaient la liberté aux villes d’Asie, les seules qui fussent explicitement nommées ; quant aux autres — c’est-à-dire aux villes d’Europe — ils se les faisaient simplement remettre par Philippe et se gardaient bien d’en stipuler la liberté. Ils voulaient donc les conserver et substituer en Grèce les troupes romaines aux garnisons macédoniennes[225]. Le texte de Tite-Live[226] est à citer tout entier : Le traité, au dire des Étoliens, était une lettre morte décorée d’une vaine apparence de liberté. Pourquoi, en effet, les Romains se faisaient-ils livrer quelques villes sans les nommer et en nommaient-ils d’autres qu’ils faisaient mettre en liberté sans qu’on les leur livrât ? N’était-ce pas pour assurer l’indépendance des cités grecques d’Asie dont l’éloignement faisait toute la sûreté, mais en même temps pour conserver, en ne les nommant pas, les cités de la Grèce, Corinthe, Chalcis, Orée, Erétrie, Démétriade ?

Lorsqu’ils disaient que la rédaction de l’article second était intentionnelle, les Étoliens ne se trompaient pas — et il convient d’insister sur ce point. Nous ne possédons pas le texte intégral des instructions données par le Sénat aux dix commissaires, mais nous en connaissons, par Polybe et Tite-Live, deux des points essentiels. Les commissaires avaient l’ordre formel de rendre la liberté à toutes les villes grecques d’Asie et d’Europe visées par l’article second du traité de paix. Trois villes étaient exceptées, les plus importantes au point de vue stratégique, celles que l’on appelait les fers de la Grèce : Chalcis qui menaçait l’Eubée et l’Attique, Démétriade qui commandait les côtes de Thessalie, Corinthe enfin qui interceptait les communications entre la Grèce centrale et le Péloponnèse[227]. La décision suprême, en ce qui concernait ces trois villes, était remise aux dix commissaires. En réalité, le Sénat avait l’intention d’occuper au moins provisoirement ces trois places fortes : il craignait un débarquement d’Antiochus en Grèce et ne voulait pas que ces villes, livrées a elles-mêmes, pussent lui servir de base d’opérations pour une campagne offensive[228].

C’était la seconde fois que la politique sénatoriale se trouvait en désaccord avec celle de Flamininus. Le Sénat était intervenu une première fois pour aggraver les conditions de paix imposées à Philippe ; la paix conclue, il se refusait, au moins temporairement, à évacuer les trois principales places fortes de Grèce. Le désaccord, il faut le répéter, portait non sur le but à atteindre : le Sénat était engagé comme Flamininus par les déclarations de l’Aoüs, de Nicée et de Tempe et, pas plus que son général, il ne voulait faire de conquêtes en Grèce — mais sur l’opportunité d’une évacuation immédiate. Flamininus pensait que, la résolution d’évacuer la Grèce une fois prise, cette évacuation devait être complète et immédiate : on gagnerait les Grecs par ce témoignage éclatant de désintéressement. Au contraire, prolonger l’occupation du pays, c’était légitimer des défiances déjà fort vives, sans profit durable pour la politique romaine. Il faut ajouter que Flamininus se sentait personnellement engagé par ses promesses antérieures et que, l’eût-il voulu, il lui était bien difficile de se dédire. Le Sénat, soustrait aux influences qui s’exerçaient sur Flamininus, voyait les choses de plus haut et de plus loin ; il se rendait compte que l’intervention d’Antiochus était tôt ou tard inévitable, que la libération même de la Grèce ne satisferait pas l’avidité des Étoliens et se fiait fort peu, pour l’avenir, à la reconnaissance des Grecs.

Les allégations des Étoliens, qui semblaient si bien répondre à la réalité, ne restèrent pas sans écho en Grèce. On commença à croire que la libération promise par le Sénat et par Flamininus n’était qu’une déclaration de circonstance et qu’un vain engagement. Flamininus réunit les dix commissaires à Corinthe[229] : dans des conférences qui durèrent plusieurs jours, il chercha à faire triompher sa politique et à obtenir l’évacuation des trois villes : Si l’on voulait, dit-il[230], immortaliser le nom romain et persuader aux Grecs qu’en venant chez eux ce n’était pas l’intérêt de Rome, mais la libération de la Grèce seule qu’on avait eue en vue, il fallait évacuer tout le pays. Les commissaires ne faisaient aucune objection de principe contre l’affranchissement des cités en question[231], mais ils étaient en contradiction avec Flamininus sur la question d’opportunité : Il était plus sûr pour elles, disaient-ils, de rester quelque temps sous la protection des Romains que d’avoir Antiochus pour maître au lieu de Philippe[232]. Ils ne firent à Flamininus qu’une seule concession, d’ailleurs sans importance : ils consentirent à rendre Corinthe aux Achéens, mais en gardant l’Acrocorinthe, ce qui mettait la ville à leur merci. Chalcis et Démétriade devaient rester occupées par les troupes romaines[233] jusqu’à ce que l’on n’eût plus rien à craindre d’Antiochus. La question brûlante était réservée.

Ce compromis adopté — il avait été impossible d’obtenir davantage — Flamininus voulut sans tarder dissiper les préventions des Grecs contre la politique romaine et leur annoncer les dispositions prises. Il eût pu adresser un simple message aux cités grecques : il préféra donner à la proclamation un caractère solennel et imagina le coup de théâtre des Jeux isthmiques (printemps 196). Nous n’avons pas ici à décrire la scène[234] ; mais il est nécessaire d’analyser brièvement le texte même de la proclamation[235] : Le Sénat de Rome et Titus Quinctius, général des Romains, revêtu du pouvoir proconsulaire, après avoir vaincu le roi Philippe et les Macédoniens, déclarent libres de toute garnison et de tout impôt les Corinthiens, les Phocidiens, les Locriens, les Eubéens, les Achéens Phtiotes, les Magnètes, les Thessaliens, les Perrhèbes et leur laissent le pouvoir de vivre selon leurs lois. Les peuples qui sont nommés dans la proclamation sont uniquement ceux qui, avant l’intervention romaine, étaient sujets de Philippe[236]. Il est stipulé expressément que ces peuples, délivrés du joug macédonien, seront libres de toute garnison et de tout impôt. Rome leur donne donc l’indépendance. Les autres peuples de la Grèce — alliés de Philippe : Acarnaniens, Béotiens, Achéens, Nabis, ou de Rome : Athéniens, Étoliens — étaient indépendants : ils le restent. La proclamation ne concerne que les Grecs d’Europe : les cités d’Asie, dont l’indépendance était stipulée par le traité de paix conclu avec la Macédoine[237], ne sont pas nommées. L’indépendance, qui est donnée aux peuples grecs d’Europe, anciens sujets de la Macédoine, reste pour quelques-uns d’entre eux — les Magnètes, les Eubéens, les Corinthiens, cependant expressément mentionnés dans la proclamation[238] — une affirmation purement théorique. En effet, Démétriade, dans le pays des Magnètes, Chalcis, en Eubée, l’Acrocorinthe restent occupés par les garnisons romaines et Rome ne fixe aucune date précise pour le retrait de ses troupes. Enfin, il n’est pas question d’Argos, dont Flamininus, lors de la signature du traité d’alliance, avait implicitement reconnu la possession à Nabis.

La proclamation si vantée des Jeux isthmiques avait surtout la valeur d’un engagement solennel et d’une réponse faite à ceux qui accusaient Rome d’avoir oublié ses promesses, réponse d’ailleurs bien incomplète, puisque la question essentielle — l’évacuation des trois villes fortes — était passée sous silence. Les Grecs, depuis Cynocéphales, étaient inquiets et méfiants[239] : leur enthousiasme aux Jeux isthmiques s’explique beaucoup moins parce qu’ils obtenaient que par ce qu’ils avaient redouté.

 

VI. — Flamininus et la commission sénatoriale. La guerre contre Nabis (été 196-autornne 195).

Les Jeux terminés, Flamininus et les dix commissaires donnèrent audience aux ambassadeurs d’Antiochus[240] ; ils leur signifièrent — cette fois avec moins de ménagements parce que la guerre de Macédoine était terminée[241] — les volontés du Sénat. Le roi devait respecter l’indépendance des cités libres d’Asie, évacuer les villes qui avaient appartenu à Ptolémée ou à Philippe ; de plus, on lui interdisait de passer lui-même en Europe ou d’y envoyer des troupes[242]. La commission romaine reçut ensuite les délégués des cités et des peuples grecs. Il n’y eut pas de discussion contradictoire. Les représentants des villes intéressées — le fait est à noter — ne furent même pas entendus. On se borna à leur lire les décisions des dix commissaires sur chaque point particulier[243]. Rome s’arrogeait ainsi le droit de régler elle seule les affaires de Grèce.

L’organisation de la Thessalie fut entièrement transformée. Les anciens peuples tributaires, Dolopes, Perrhèbes, Magnètes, furent détachés de la ligue Thessalienne[244]. Les Thessaliens proprement dits, outre leur propre territoire — Hestiseotide et Pélasgiotide — ne conservèrent que l’Achaïe Phtiotide, sauf les villes de Thèbes (de Phtiotide) et Pharsale[245]. Les Étoliens réclamaient Pharsale ; ils durent s’en remettre à la décision du Sénat[246]. En 196, cette transformation ne fut décrétée qu’en principe : la réorganisation se poursuivit pendant deux années et ne s’acheva qu’en 194, lors du séjour prolongé que Flamininus fit en Thessalie. Les Phocidiens et les Locriens furent rattachés à la ligue Étolienne[247] : les Étoliens réclamaient aussi l’île de Leucade : pour Leucade comme pour Pharsale, l’affaire fut renvoyée au Sénat[248]. Corinthe, la Triphylie, Hérée furent restitués à la ligue Achéenne[249]. Les Orestes, jusque-là soumis à la Macédoine, furent proclamés indépendants[250]. Les princes épirotes alliés de Rome furent récompensés de leurs services : Pleuratos reçut Lychnidos et le pays des Parthiniens[251] ; Amynander, roi des Athamanes, garda les forteresses qu’il avait enlevées à Philippe[252]. Les commissaires voulaient donner au roi Eumène, fils d’Attale, les deux villes d’Orée et Erétrie, en Eubée[253]. Flamininus s’y opposa. Le Sénat, pris pour arbitre, se rallia a l’opinion de Flamininus. Orée, Erétrie et une autre ville d’Eubée, Carystos, furent déclarées libres[254].

Flamininus n’épargna rien pour s’assurer les sympathies des Grecs en confirmant leurs anciens privilèges ou en leur en accordant de nouveaux. Les cités grecques, d’ailleurs, sollicitaient spontanément l’intervention de Flamininus dans leurs affaires : Les Grecs, dit Plutarque[255], non contents de recevoir les généraux romains qu’on leur envoyait, les demandaient, les appelaient eux-mêmes et remettaient entre leurs mains tous leurs intérêts. Une inscription nous a conservé le texte d’une lettre que Flamininus adressa aux habitants de Cyréties, en Thessalie[256]. Après Cynocéphales, les biens des Cyrétiens et autres Thessaliens partisans de Philippe avaient été confisqués au nom du peuple romain et, pour la plus grande partie, mis en vente. Il en restait un certain nombre qui n’avaient pas encore été aliénés : Flamininus pouvait en disposer. Il les rendit à la cité en l’invitant à les restituer à leurs anciens propriétaires, après vérification de leurs titres.

Le préambule de sa lettre est à citer en entier : Titus Quinctius, général des Romains, revêtu du pouvoir proconsulaire, aux magistrats et a la cité, salut. — Comme dans toutes les autres circonstances nous avons clairement manifesté les bonnes dispositions dont, nous personnellement et le peuple romain, nous sommes, d’une manière générale, animés envers vous, nous avons voulu de même, dans l’affaire présente, vous montrer que nous nous faisons absolument les champions de l’honneur, afin de ne laisser aucune prise aux calomnies des gens dont la conduite habituelle procède d’un mauvais esprit.

Après avoir pris part à ces arrangements, les dix commissaires se partagèrent le soin d’affranchir les cités grecques. P. Lentulus partit pour l’Asie Mineure ; L. Stertinius pour Thasos et la Thrace ; P. Villius et L. Terentius se rendirent auprès d’Antiochus et Cn. Cornelius auprès de Philippe à Tempe[257]. Le Sénat, qui redoutait toujours une intervention d’Antiochus, voulait à tout prix détacher le roi de Macédoine de son ancien allié. Cn. Cornelius, en effrayant Philippe et en lui faisant craindre de se compromettre aux yeux du Sénat, le décida à envoyer une ambassade à Rome pour négocier une alliance[258] ; puis, il se rendit à Thermos, à l’assemblée des Étoliens, essaya de les calmer sans d’ailleurs y réussir et leur conseilla d’envoyer des députés à Rome pour exposer leurs doléances[259]. Le Sénat gagnait ainsi du temps : c’était pour lui l’essentiel.

Restait le roi de Syrie Antiochus. Tandis que Philippe succombait en Grèce, Antiochus n’avait cessé de s’étendre en Asie Mineure et en Syrie. Déjà le Sénat, inquiet de ses progrès, lui avait fait des observations ; Antiochus n’en avait tenu aucun compte et Rome, retenue par la guerre de Macédoine, avait dû fermer les yeux. — Tout change en 196 ; la paix conclue avec la Macédoine, la politique romaine vis-à-vis d’Antiochus s’affirme et se précise. L’article premier du traité de paix déclarait libres toutes les cités grecques d’Asie et d’Europe[260] : Antiochus, en ce qui concernait les cités d’Asie, se refusait à reconnaître cette clause[261]. Smyrne réclama le secours de Rome ; Lampsaque envoya des ambassades à Marseille, à Rome et à Corinthe où se trouvaient alors Flamininus et les dix commissaires[262]. Le Sénat et Flamininus, liés par leurs déclarations, promirent d’aider les Lampsacéniens à défendre leur indépendance. Une ambassade d’Antiochus avait été, nous l’avons vu, assez mal reçue par Flamininus et les commissaires, et l’on avait répondu à ses explications en sommant le roi de respecter la liberté des villes grecques d’Asie Mineure[263]. Antiochus refusa de céder ; il prépara les sièges de Smyrne et de Lampsaque[264], puis passa en Europe où il occupa la Chersonèse[265].

Sur ces entrefaites, L. Cornelius, envoyé par le Sénat pour rétablir la paix entre Antiochus et Ptolémée[266], P. Lentulus, P. Villius, L. Terentius, trois des dix commissaires, arrivèrent à Lysimachie[267] : ils eurent plusieurs entrevues avec Antiochus[268], mais sans aucun résultat : Les Romains, déclara Antiochus, ne sont pas plus en droit de s’enquérir de ma conduite en Asie que moi de la leur en Italie[269]. Toute entente était impossible. Le Sénat pouvait rompre ; il préféra temporiser encore et, avant d’aborder la question syrienne, régler définitivement les affaires de Grèce.

Ces négociations avaient occupé la fin de l’année 196. Au début du printemps 195, les dix commissaires rentrèrent à Rome et présentèrent au Sénat leur rapport sur les affaires d’Orient[270]. Ils dénonçaient l’attitude menaçante d’Antiochus[271] et des Étoliens[272] et proposaient de déclarer la guerre à Nabis pour lui enlever Argos[273] : Si on lui permettait de garder Argos, disaient-ils, cette espèce de citadelle d’où il dominait le Péloponnèse, et si l’on rappelait les armées romaines, c’est en vain qu’on aurait délivré la Grèce de Philippe, puisqu’au lieu d’un roi qu’elle avait l’avantage de savoir éloigné, elle tomberait sous le despotisme d’un tyran établi dans son voisinage[274]. Le rapport restait muet sur l’évacuation de Chalcis, Corinthe et Démétriade ; mais la situation, telle que la représentaient les commissaires, était trop menaçante pour que le Sénat consentît à retirer aussitôt les garnisons romaines. La question syrienne fut réservée[275]. Il y eut un vif débat relativement à Nabis[276] ; après une longue discussion, le Sénat s’en remit à Flamininus du soin de prendre un parti[277].

Depuis la venue des dix commissaires (printemps 196), Flamininus avait joué, dans le règlement des affaires de Grèce, un rôle assez effacé. Les commissaires avaient dirigé eux-mêmes les négociations avec Philippe et Antiochus et affecté, semble-t-il, de tenir Flamininus à l’écart. Les instructions que leur avait remises le Sénat étaient sur plusieurs points — notamment l’évacuation des places fortes — en désaccord avec les vues personnelles de Flamininus : peut-être même, les relations entre le proconsul et les commissaires ne furent-elles pas toujours très cordiales, car au nombre des dix commissaires se trouvaient les deux prédécesseurs de Flamininus, P. Sulpicius Galba et P. Villius. — Les commissaires partis (début de 195)[278], Flamininus, désormais seul mandataire du Sénat, reprit la direction exclusive des affaires. En mars 195, le Sénat lui accorda une nouvelle prorogation d’un an, avec le maintien de ses deux légions et l’envoi des renforts nécessaires[279].

Un peu plus tard (printemps 195), Flamininus reçut le sénatus-consulte relatif à Nabis[280]. Il convoqua immédiatement à Corinthe les députations de toutes les cités alliées[281]. Les Étoliens eux-mêmes, que le proconsul laissait volontiers en dehors des affaires, s’y rendirent[282]. Dès l’ouverture de la séance, Flamininus prit la parole : Ce n’était pas aux Romains, dit-il[283], à décider si l’on déclarerait la guerre à Nabis ; c’était aux Grecs à faire connaître s’ils voulaient laisser Argos entre ses mains. Rome se contenterait de faire exécuter leur décision. Poser ainsi la question, c’était préjuger de la réponse. Flamininus souhaitait la guerre. Fidèle à sa politique constante, il affecta de s’en remettre à la décision des alliés ; en fait, il eut l’art de mener la discussion au mieux des intérêts de Rome.

Le chef de la députation étolienne, Alexandre, se prononça vivement contre la guerre : Les Romains, dit-il[284], restaient en Grèce et y conservaient une armée, en prenant pour prétexte les affaires d’Argos et la tyrannie de Nabis. Ils n’avaient qu’à renvoyer leurs légions en Italie et les Étoliens s’engageaient soit à obtenir que Nabis rappelât volontairement la garnison qu’il avait dans Argos, soit à le contraindre par la force des armes à se soumettre aux décisions unanimes de la Grèce. Après une violente riposte du stratège des Achéens, Aristène[285], qui conjura Flamininus de ne pas laisser Argos aux mains de Nabis et de ne pas permettre aux Étoliens de s’en emparer, la guerre fut décidée à l’unanimité, moins les voix des Étoliens[286]. Les préparatifs militaires commencèrent aussitôt : les Étoliens seuls refusèrent leur contingent[287].

L’armée coalisée marcha sur Argos[288]. La ville était en état de défense[289]. Flamininus réunit un conseil de guerre pour arrêter le plan de campagne[290]. Les chefs des contingents grecs déclarèrent tous qu’à leur avis il importait avant tout de reprendre Argos[291]. Aristène, seul, soutint qu’il fallait marcher directement contre Sparte[292], et Flamininus se rallia à sa proposition. Les troupes de terre s’avancèrent sur Sparte[293], tandis que la flotte, sous les ordres de Lucius Flamininus[294], bloquait les côtes et contraignait Cythium à capituler. Nabis dut s’enfermer dans sa capitale[295].

Menacé de toutes parts, il demanda une entrevue à Flamininus[296]. Celui-ci, qui n’avait nullement le dessein de pousser la guerre jusqu’au bout, s’empressa de la lui accorder[297]. Nabis commença par rappeler qu’il avait toujours été l’ami de Rome[298]. Pourquoi lui faisait-on la guerre ? Parce qu’il avait conquis Argos ? Mais il tenait la ville de Philippe et il la possédait déjà lorsqu’il avait conclu, avant Cynocéphales, son traité d’alliance avec Rome[299] : On m’a reproché, ajoutait-il, d’être un tyran... Quoi que je sois, je suis toujours ce que j’étais lorsque vous-même, Flamininus, vous avez fait alliance avec moi. Je me souviens qu’alors vous me donniez le nom de roi, tandis qu’aujourd’hui vous m’appelez tyran. Si j’avais, moi, changé mon titre, j’aurais à justifier mon inconstance ; c’est à vous, qui m’en donnez un autre, de justifier la vôtre[300]. Nabis avait raison, mais il oubliait un peu trop que les Romains, dans toute cette affaire, ne suivaient que leur intérêt et que, depuis la défaite de la Macédoine, son alliance ne leur était plus indispensable.

Flamininus lui répondit que les Romains, après avoir affranchi les autres cités grecques, ne pouvaient laisser Argos dans l’esclavage, et il revendiqua énergiquement pour Rome, la libératrice de la Grèce, le droit d’intervenir dans les affaires de ce pays[301]. L’entrevue prit fin après un discours d’Aristène[302]. Le lendemain, Nabis fit savoir qu’il consentait à évacuer Argos, à rendre les prisonniers et les transfuges[303]. Flamininus réunit le conseil des alliés pour leur soumettre ces propositions[304] : la plupart se prononcèrent pour la continuation des hostilités[305]. Flamininus craignait que, si la guerre devait se prolonger, on ne lui envoyât de Rome un successeur[306] ; il jugeait les concessions de Nabis suffisantes et souhaitait la paix. Les alliés ne se laissèrent pas persuader : Voyant alors, dit Tite-Live[307], qu’il ne faisait aucune impression sur les alliés en combattant l’opinion générale, Flamininus feignit de se rendre à leur avis et les ramena tous au sien. Il leur montra que la guerre serait longue et coûteuse[308] et manœuvra si bien qu’il réussit à les ébranler et à se faire donner pleins pouvoirs[309]. Rome, qui n’avait entrepris la guerre qu’à la sollicitation des Grecs, se réservait à elle seule la conduite des négociations.

Ce fut en effet dans un conseil où parurent seuls les légats et les tribuns militaires[310] que furent discutées les conditions de paix. On s’arrêta aux propositions suivantes[311]. Il y aurait trêve de six mois entre Nabis, d’une part, les Romains, le roi Eumène et les Rhodiens, d’autre part. Flamininus et Nabis enverraient sur-le-champ des ambassadeurs à Rome pour faire ratifier la paix par le Sénat. La trêve commencerait le jour même où les conditions de la paix seraient notifiées par écrit à Nabis ; dans l’espace de dix jours à partir de ce moment, Argos et toutes les autres places fortes de son territoire seraient évacuées par les garnisons de Nabis et remises aux Romains en toute liberté... Nabis restituerait aux cités maritimes les vaisseaux qu’il leur avait enlevés ; il ne garderait pour lui-même que deux barques à seize rangs de rames au plus. Il remettrait à toutes les villes alliées du peuple romain leurs prisonniers et leurs transfuges... Il ne pourrait avoir aucune ville dans l’île de Crète et rendrait aux Romains celles qu’il y avait possédées. Il ne ferait d’alliance avec aucun peuple, crétois ou autre ; il ne prendrait pas les armes contre eux. Il retirerait ses garnisons de toutes les villes livrées par lui ou qui se placeraient avec leurs dépendances sous la protection et la loi de Rome. Ni lui ni les siens n’entreprendraient rien contre elles. Il n’élèverait aucune place forte, aucune citadelle sur son propre territoire ou sur les terres des autres. Il donnerait, en garantie de l’exécution du traité, cinq otages au choix du général, parmi lesquels se trouverait son propre fils. Il paierait cent talents d’argent au comptant et cinq cents annuellement pendant huit ans.

La négociation n’aboutit pas et la guerre continua[312]. Toutefois, après une vaine attaque des Romains sur Sparte[313], les pourparlers furent repris et Nabis dut se résigner à conclure la paix. Il acceptait purement et simplement toutes les conditions de Flamininus[314].

Ce traité de 195, dicté par les Romains seuls, était un pur acte de politique romaine. Rome, dont les intérêts commerciaux commençaient à prendre en Orient un grand développement, fermait la mer à Nabis ; elle interceptait toute communication maritime entre Nabis et Antiochus et maintenait dans le Péloponnèse un contrepoids nécessaire à la puissance de la ligue Achéenne. Flamininus s’était bien gardé d’accorder aux Grecs, qui la lui demandaient, l’expulsion de Nabis. Le Sénat n’y aurait pas consenti et Flamininus ne tenait nullement à prolonger une guerre, dont peut-être l’un des consuls de 194 eût reçu la direction[315].

Aux Jeux néméens qui furent célébrés à Argos lors de son passage, Flamininus, toujours désireux de se mettre en scène, proclama solennellement la liberté des Argiens[316]. Mais, sauf les Argiens qui fêtaient leur délivrance[317], les alliés étaient mécontents des conditions faites à Nabis[318], et ils en témoignèrent à Flamininus quelque froideur. Les jeux terminés, l’armée romaine rentra à Elatée et y prit ses quartiers d’hiver[319] (fin de 195).

 

VII. —Règlement définitif des affaires de Grèce. Évacuation des places. Départ de Flamininus (hiver 195-printemps 194).

Les événements de 195 n’avaient fait qu’accroître les défiances et le mécontentement des cités grecques contre Rome. Depuis deux années, Chalcis, l’Acrocorinthe, Démétriade restaient occupées par les garnisons romaines : Les Romains, disaient les Étoliens[320], n’avaient montré aux Grecs qu’une vaine apparence de liberté. Ils avaient mis garnison à Chalcis et à Démétriade, et cependant, lorsque Philippe tardait à évacuer ces villes, ils n’avaient cessé de lui répéter que tant qu’il occuperait Démétriade, Chalcis et Corinthe, la Grèce ne pouvait être libre. Les Étoliens demandaient ironiquement aux Grecs si, pour avoir une chaîne mieux polie à la vérité, mais bien plus pesante, ils se trouvaient plus heureux ; s’ils admiraient Flamininus et le regardaient comme leur bienfaiteur, parce qu’il leur avait mis au cou les fers qu’ils avaient aux pieds[321]. — Le traité de paix conclu avec Nabis avait été vivement critiqué : On n’avait, disaient encore les Étoliens[322], cessé de combattre Philippe qu’après l’avoir contraint à évacuer toutes les villes de la Grèce. On avait, au contraire, laissé Sparte au tyran, tandis que le roi légitime, qui avait servi dans l’armée romaine, et une foule d’autres citoyens illustres étaient condamnés à vivre dans l’exil. Le peuple romain s’était fait le soutien du despotisme de Nabis, et les Étoliens n’étaient pas les seuls à tenir ce langage. Malgré la délivrance d’Argos, les Achéens eux-mêmes, les plus modérés de tous les alliés, n’avaient pas caché leur déception[323]. — De ces deux griefs, le plus grave était le maintien des garnisons romaines à Chalcis, Démétriade et dans l’Acrocorinthe. Flamininus avait toujours été opposé à cette mesure, mais, malgré son vif désir de satisfaire aux vœux des Grecs, il n’avait pu décider le Sénat à donner l’ordre d’évacuation. Au début de 194, il n’avait encore rien obtenu : ce fut au mois de mars, lors de la répartition des provinces, que le Sénat prit enfin un parti.

Le traité de paix conclu entre Flamininus et Nabis venait d’être ratifié par le Sénat[324]. Après l’entrée en charge des nouveaux consuls — c’étaient Scipion l’Africain pour la seconde fois et Ti. Sempronius Longus — on mit à l’ordre du jour la répartition des provinces[325]. L’avis général, au Sénat, était d’assigner l’Italie comme province aux deux consuls, puisque les guerres d’Espagne et de Macédoine étaient terminées[326]. Scipion l’Africain s’opposa vivement à ce projet : il savait que l’intervention d’Antiochus était imminente et désirait obtenir le commandement de l’armée d’Orient. Il demanda donc que la Macédoine fût déclarée province consulaire[327]. Le Sénat refusa. Il fut décidé qu’on n’enverrait pas de nouvelles troupes en Macédoine et que Flamininus ne serait plus prorogé dans son commandement. Les affaires de Grèce définitivement réglées, il devait ramener l’armée en Italie et en prononcer le licenciement[328].

Flamininus avait passé l’hiver 195-194 à Elatée, en Phocide, rendant la justice et travaillant partout à substituer l’influence romaine à l’influence macédonienne[329]. Dès qu’il eut reçu du Sénat les instructions relatives à l’évacuation du pays, il convoqua en assemblée générale à Corinthe les députés de toutes les cités grecques[330] (début du printemps 194). Il leur rappela les premiers traités d’alliance conclus entre Rome et les cités grecques, les victoires remportées par ses prédécesseurs et les siennes propres. Toute cette partie de son discours fut accueillie avec la plus grande faveur[331]. Mais, lorsqu’il en vint à parler de Nabis, les fronts s’assombrirent. L’unique raison qu’il donna pour justifier la politique romaine vis-à-vis de Nabis — Rome avait craint de sacrifier Sparte en contraignant le tyran à s’ensevelir sous les ruines de sa capitale[332] — était bien faible et ne convainquit personne. D’ailleurs, sa véritable réponse était toute prête et il ne la fit pas attendre : On avait accusé Rome, dit-il[333], de vouloir perpétuer sa domination en Grèce. C’était là une pure calomnie. Il allait repartir pour l’Italie et emmener toute son armée. Les Grecs apprendraient avant dix jours l’évacuation de Chalcis et de Démétriade ; quant à l’Acrocorinthe, il voulait, immédiatement et sous leurs yeux, la remettre lui-même aux Achéens.

Ces paroles furent accueillies par un enthousiasme extraordinaire[334], tant on craignait en Grèce que l’évacuation des places fortes, retardée depuis deux années par la volonté du Sénat, dut être ajournée encore ! Flamininus, ému lui-même, adressa encore quelques conseils aux députés des villes, les engagea à bien distinguer désormais leurs amis sincères de leurs ennemis et à user modérément, s’ils voulaient la conserver, de la liberté reconquise[335]. Il termina son discours en priant les Grecs de faire rechercher tous les citoyens romains vendus comme esclaves en Grèce au cours de la seconde guerre punique et de les lui envoyer avant deux mois en Thessalie[336]. Les différents peuples de la Grèce se hâtèrent de satisfaire à ce désir et voulurent payer de leur argent le rachat des prisonniers romains : la ligue Achéenne à elle seule en racheta douze cents[337].

Avant même que l’assemblée fût dissoute, la garnison romaine évacua l’Acrocorinthe, remit la citadelle aux habitants et sortit de la ville[338]. Flamininus, escorté par les députés et par toute la population, la suivit de près[339]. Il rejoignit ses troupes à Elatée et commença aussitôt ses préparatifs de départ[340] ; son légat, Appius Claudius, eut ordre de conduire l’armée à Oricum, en Epire, et son frère Lucius de concentrer sur ce point tous les bâtiments de transport[341]. Pour lui, toujours avide d’acclamations et de brillants spectacles où il jouait le premier rôle, il voulut diriger en personne l’évacuation des diverses places fortes de la Grèce. Il se rendit successivement à Chalcis, à Orée, à Érétrie[342]. Mais Flamininus était trop Romain pour que les acclamations lui fissent oublier les affaires sérieuses ; il réunit en une confédération les cités de l’Eubée et en convoqua les représentants à Érétrie[343]. Puis, après avoir évacué Démétriade[344] et réglé les affaires de Thessalie conformément aux instructions sénatoriales[345], Flamininus traversa l’Epire, gagna Oricum, où l’attendaient ses troupes[346] et sa flotte de transport, et s’embarqua pour Brundusium[347].

 

VIII. — La politique sénatoriale et  la personnalité de  Flamininus.

Nous nous sommes attachés jusqu’ici à exposer les faits sous une forme aussi objective que possible et en nous gardant soigneusement de toute généralisation, de tout commentaire même qui eussent pu en fausser le sens ou en altérer la portée. Dans l’œuvre de Flamininus, trois faits capitaux apparaissent au premier plan : soustraction de la Grèce à l’hégémonie macédonienne, proclamation de la liberté des cités grecques, évacuation complète du pays par les troupes romaines. Ces faits, comment devons-nous les interpréter ? Quel jugement nous autorisent-ils à formuler sur le caractère de la politique romaine en Grèce au début du IIe siècle ? C’est la dernière question, la plus importante, la plus délicate aussi, qui nous reste maintenant à examiner.

Deux thèses se trouvent en présence : la thèse du machiavélisme et la thèse du désintéressement. A en croire les partisans de la première, Rome, dès sa première intervention, aurait été animée vis-à-vis des Grecs des plus noirs desseins ; elle aurait songé à une suzeraineté réelle, quoique dissimulée, prélude peut-être déjà dans sa pensée d’une annexion ultérieure. Flamininus et le Sénat, par la proclamation de la liberté grecque, auraient voulu briser systématiquement toutes les forces du pays, rompre autant que possible tout rapport entre les diverses cités et préparer pour l’avenir une intervention plus active. — Pour les autres, Rome aurait été prise d’une sympathie très vive pour le monde hellénique ; la proclamation des Jeux isthmiques aurait été de sa part non pas seulement un témoignage de libéralisme, mais un acte dont elle eut d’ailleurs bientôt à se repentir. Telles sont les deux thèses contradictoires. Que devons-nous en penser ? L’étude rapide des faits qui ont précédé et suivi immédiatement la mission de Flamininus en Grèce nous fournira les éléments essentiels de la réponse.

Le programme officiel de la politique sénatoriale, à la veille même de l’intervention, nous a été conservé par Tite-Live, au moins dans ses grandes lignes. Nous sommes en l’année 200. Le peuple, à la presque unanimité, vient de refuser le vote de la guerre contre la Macédoine. Le Sénat ne se tient pas pour battu. Il charge l’un des deux consuls, P. Sulpicius Galba, de convoquer de nouveau les comices centuriates et de remettre la question aux voix. Avant le vote et pour entraîner le peuple récalcitrant, le consul prononce un discours dont Tite-Live[348], à défaut du texte littéral, nous donne les arguments principaux : Vous semblez ignorer, commence par déclarer le consul, que ce n’est point sur le choix de la guerre et de la paix que vous avez à délibérer ; Philippe ne vous a point laissé cette alternative puisqu’il fait d’immenses préparatifs sur terre et sur mer pour vous combattre. Mais il s’agit de savoir si vous transporterez vos légions en Macédoine ou si vous attendrez l’ennemi en Italie. Après cet exorde qui a le mérite de poser nettement la question, viennent les preuves à l’appui : Vous sentez la différence des deux partis, car elle est assez grande et d’ailleurs la dernière guerre punique est là pour vous l’apprendre. Peut-on douter, en effet, que si nous eussions, lorsque Sagonte assiégée fit appel à notre bonne foi, volé à son secours aussi promptement que nos pères le firent pour les Mamertins, tout le poids de la guerre ne fût retombé sur l’Espagne, tandis que nos délais l’attirèrent sur l’Italie, où nous avons éprouvé de si cruels désastres ? N’est-il pas avéré qu’au moment où Philippe allait passer en Italie pour remplir les engagements contractés avec Hannibal de vive voix et par écrit, c’est en envoyant Lævinus avec une flotte porter la guerre dans ses États que nous sommes arrivés à le retenir en Macédoine ? Ce que nous avons fait alors quand un ennemi tel qu’Hannibal était au cœur de l’Italie, pouvons-nous, aujourd’hui que l’Italie est délivrée d’Hannibal, que Carthage est vaincue, hésiter à le faire ? Laissons Athènes succomber, comme nous avons laissé jadis Sagonte succomber sous les coups d’Hannibal ; donnons à Philippe cette preuve de notre indolence. Il ne lui faudra pas cinq mois comme il les fallut à Hannibal pour venir de Sagonte, mais cinq jours pour que sa flotte passe de Corinthe en Italie.

Philippe ne vaut pas Hannibal ; les Macédoniens sont au-dessous des Carthaginois, je le sais, mais vous admettrez au moins la comparaison avec Pyrrhus. Que dis-je, avec Pyrrhus ? Quelle différence d’homme à homme, de nation à nation... Et pourtant les attaques de Pyrrhus ont ébranlé notre puissance et nous l’avons vu venir camper en vainqueur presque sous les murs de Rome... Si vous aviez reculé devant la nécessité de passer en Afrique, aujourd’hui l’Italie aurait encore à combattre Hannibal et les Carthaginois. Faisons de la Macédoine plutôt que de l’Italie le théâtre de la guerre. Que nos ennemis voient leurs villes et leurs campagnes mises à feu et à sang. Nous en avons l’expérience : c’est au dehors et non dans la patrie que nos armes sont le plus heureuses et le plus redoutables.

Sans doute tout n’est pas d’excellent aloi dans le discours de P. Sulpicius Galba. Les noms d’Hannibal et de Pyrrhus, le souvenir de Sagonte nous apparaissent comme des épouvantails un peu grossiers, destinés surtout à faire impression sur la foule ; mais il ne faut pas oublier que, dans la pensée du Sénat et de son porte-parole le consul, le moyen le plus sûr d’y réussir était encore de l’effrayer. Cependant le véritable intérêt du discours n’est pas là ; il est dans cette affirmation de principe que l’intervention romaine en Grèce ne suppose en rien une idée de conquête, qu’elle est dictée par des raisons strictement et exclusivement défensives. La thèse sénatoriale est aussi nette que possible, ce qui ne veut pas dire d’ailleurs à priori qu’elle soit exacte. Voyons maintenant si elle est confirmée par les faits.

Jusqu’au IIIe siècle, la mer Ionienne, de même que la mer Egée, était restée un lac exclusivement grec. Les villes de Sicile et de Grande Grèce avaient toujours conservé d’étroites relations avec les cités grecques, leurs métropoles. C’est de la Grèce que Rhegium, Locres tiraient leurs mercenaires, de Sparte que Tarente faisait venir ses généraux. Les Grecs des deux rives veillaient jalousement à écarter les Romains de la mer Ionienne. Leurs efforts devaient rester infructueux. Dès 303, Rome avait conclu une alliance avec Tarente. Nous ne connaissons pas en détail les conditions de cet accord, mais nous savons du moins que les clauses des plus anciens traités signés entre Rome et Tarente interdisaient aux vaisseaux romains l’accès de la mer Ionienne à l’est du promontoire lacinien. Lorsque Tarente, en 282, détruisit une flotte romaine mouillée dans son port, elle allégua que cette flotte, en pénétrant dans la mer Ionienne, avait violé les traités. Deux ans plus tard, la ville, découverte par la soumission des Samnites et menacée directement par Rome, faisait appel à Pyrrhus.

Pyrrhus débarqua en Italie avec un plan parfaitement arrêté. Il voulait fermer la mer Ionienne aux Romains eu constituant un empire grec occidental qui eût compris la Sicile, la Grande Grèce et l’Épire, c’est-à-dire dont la mer Ionienne eut été à la fois l’axe et le lien. Pyrrhus fut vaincu et l’Italie du Sud définitivement soumise par Rome. Les Romains, d’une part, les cités grecques d’Illyrie et d’Épire, de l’autre, se trouvaient dès lors en présence. La question changeait de face ; il ne s’agissait plus pour les Grecs d’interdire aux Romains l’accès de la mer Ionienne, mais, pour les Romains, d’y conquérir la prépondérance. De là à une intervention directe dans les affaires d’Illyrie, il n’y avait qu’un pas.

On ne tarda guère à s’en rendre compte. Vers 270, peu de temps après la défaite de Pyrrhus, Apollonie envoie une ambassade à Rome et peut-être conclut avec l’État romain un traité d’alliance. En 244, une colonie est établie à Brundusium, l’actuelle Brindisi, point important qui commande le passage d’Italie en Illyrie et en Epire. La politique d’expansion romaine sur les rives de la mer Ionienne se complète et se précise. Le Sénat se garde bien d’intervenir dans les affaires de Grèce. Le but de la politique sénatoriale est de placer la côte d’Illyrie sous le protectorat romain et d’assurer ainsi à Rome la possession de l’Adriatique et de la mer Ionienne.

En 229, le Sénat intervient contre les pirates de Scodra et leur reine Teuta. Démétrius de Pharos, chargé par Teuta de défendre Corcyre, appelle les Romains et leur livre l’île. Rome, accueillie en libératrice par les peuples d’Illyrie, reconnaît Démétrius comme prince allié et reçoit sous son protectorat les Parthiniens, les Isséens et les Atintans. Epidaure et Corcyre entrent dans l’alliance romaine. Teuta signe la paix avec Rome ; elle s’engage à ne plus avoir sur la mer Ionienne, au sud de Lissa, que deux navires non armés. Un peu plus tard, Démétrius, inquiet à son tour, fait défection, passe à l’alliance macédonienne et menace les villes illyriennes alliées de Rome. Le consul L. Æmilius Paulus occupe la ville de Dimale et l’île de Pharos. Démétrius, dépossédé de ses États, s’enfuit auprès de Philippe. En 217, au moment où Philippe signe en Grèce la paix de Naupacte, toute la côte illyrienne de l’Adriatique et de la mer Ionienne jusqu’au sud de Corcyre se trouve déjà placée sous le protectorat romain. Les îles Ioniennes sont entamées.

Grâce à l’alliance de Corcyre, d’Épidamne (Durazzo) et d’Apollonie, Rome possède les principaux points de débarquement sur la côte d’Illyrie ; elle occupe les grandes voies commerciales d’Italie en Grèce par Brandusium, Hydruntum d’un côté, Apollonie, Epidamne, Aulona de l’autre. La frappe de la monnaie d’argent a cessé à Corcyre, et les villes illyriennes de la terre ferme ne l’ont conservée que moyennant certaines conditions restrictives et sous l’étroite surveillance de Rome. Partout le victoriat romain se substitue aux monnaies locales. La prise de possession de la côte illyrienne n’est pas seulement politique et militaire ; elle est aussi économique et commerciale.

Cette occupation de Corcyre et du littoral illyrien établissait d’une manière définitive la prépondérance romaine dans la mer Ionienne. Elle eut un second résultat non moins important ; ce fut de mettre Rome en contact immédiat avec les puissances helléniques, notamment avec la plus importante d’entre elles, la Macédoine, et d’élargir singulièrement parla même le champ de la politique romaine en Orient.

Les trois grandes puissances issues du démembrement de l’empire d’Alexandre, Macédoine, Syrie, Égypte, n’avaient pas tardé à se disputer la prépondérance sur les rives de la mer Egée. Ce fut une lutte d’influence, vive surtout entre la Macédoine et l’Égypte, qui se poursuivit à la fois sur mer et en Grèce. Les Ptolémées conservèrent nettement l’avantage jusqu’à l’avènement de la nouvelle dynastie macédonienne fondée par Anti-gone Gonatas. Mais dès lors la fortune changea. Les flottes égyptiennes furent successivement battues à Cos vers 262 et à Andros vers 245. En 222, la mort de Ptolémée Évergète et la défaite du roi de Sparte Cléomène à Sellasie semblèrent assurer définitivement l’hégémonie à la Macédoine.

L’année suivante, à la mort d’Antigone Doson, les ennemis de la Macédoine cherchèrent à reprendre l’offensive. La guerre dura trois années (219-217). Le nouveau roi de Macédoine, Philippe V, le futur adversaire de Flamininus, rejeta une intervention diplomatique de l’Égypte, appuyée par Chios, Byzance et un peu plus tard par Athènes, et il réussit à maintenir toutes ses positions. Mais à ce moment même (218) Hannibal remportait les victoires du Tessin et du lac Trasimène. On craignit en Grèce qu’après avoir écrasé Rome il ne se tournât vers l’Orient : Il fallait, disait-on, s’unir pour écarter ce nuage qui grossissait en Italie et menaçait de gagner la Grèce. Philippe voulait se réserver les moyens d’agir librement en Illyrie et en Italie. On se mit d’accord pour traiter. La paix de Naupacte, conclue en 217, consacrait le recul de l’influence égyptienne et laissait à la Macédoine sa situation prépondérante dans la mer Egée et en Grèce.

Au moment où fut conclue la paix de Naupacte, il était trop tard — nous l’avons vu plus haut — pour empêcher les Romains de prendre pied en Illyrie ; du moins Philippe espérait que la puissante diversion d’Hannibal lui ferait reconquérir le terrain perdu. En 215 après Cannes, ses ambassadeurs signent un traité d’alliance avec Hannibal ; Philippe s’y réservait la possession de l’Illyrie romaine et la prépondérance dans l’Adriatique. Mais à leur retour les ambassadeurs sont pris en mer et l’été 215 se passe avant que le roi ait pu envoyer une seconde ambassade et ratifier le traité. En 214, Philippe enlève la ville d’Oricum au sud d’Apollonie ; M. Valerius Lævinus débarque en Illyrie, reprend la ville et bat Philippe, qui regagne ses États.

Pour sauver l’Illyrie et couvrir l’Italie menacée par Philippe, le Sénat ralluma la guerre en Grèce. Lævinus, chargé d’une mission diplomatique, conclut en 212 un traité d’alliance avec la ligue Étolienne. La guerre recommença et dura six ans. Mais le Sénat ne pouvait ni ne voulait envoyer une armée en Grèce. Les Étoliens, mécontents de n’être pas soutenus, firent la paix avec la Macédoine en 205. Rome suivit cet exemple un peu plus tard. Le traité de Phœnice assurait à la Macédoine la possession de l’Atintanie ; à Rome, le protectorat de la côte illyrienne avec les villes d’Épidamne et d’Apollonie. Cette paix de 205, qui, en apparence, rétablissait simplement le statu quo, était en réalité un grand succès pour la politique romaine. Rome, engagée dans la seconde guerre punique, ne voulait pas conquérir de nouveaux territoires ; c’était beaucoup d’avoir paralysé Philippe pendant toute la durée de la crise et d’obtenir à la paix la reconnaissance du protectorat romain sur la côte d’Illyrie.

La situation créée par les traités de Naupacte et de Phœnice fut bientôt modifiée par deux événements décisifs : la paix de Rome avec Carthage en 201, qui rendait au Sénat toute sa liberté d’action, et surtout l’alliance étroite conclue entre Philippe et le roi de Syrie, Antiochus, à la mort du roi d’Égypte Ptolémée Philopator (204). Philippe et Antiochus s’entendirent pour conclure un traité de partage : Antiochus devait recevoir la Cœlésyrie et l’Égypte ; Philippe les villes maritimes d’Asie Mineure, les Cyclades et Cyrène. L’équilibre oriental, qui reposait essentiellement depuis le début du IIIe siècle sur la rivalité de la Macédoine et de l’Égypte, allait ainsi se trouver rompu.

Les Egyptiens, menacés de toutes parts, envoyèrent une ambassade au Sénat pour solliciter son appui. Mais la paix n’était pas encore signée avec Carthage et le Sénat n’osa pas prendre d’engagements formels. Pendant ce temps, Philippe enlevait Lysimachie, Périnthe, Thasos, toutes les Cyclades, Chalcédoine, Cios et les autres villes grecques maritimes d’Asie Mineure. Les Rhodiens et le roi de Pergame, Attale, qui voulurent l’arrêter, furent battus ; il laissa des garnisons dans les villes conquises et rentra dans ses États (hiver 201-200). L’Égypte semblait perdue ; les États secondaires, Rhodes et Attale, étaient réduits à l’impuissance. L’effacement maritime des Séleucides garantissait a Philippe la domination de la mer Egée. Mais à ce moment même Rome signait la paix avec Carthage ; elle seule pouvait rétablir l’équilibre rompu par l’alliance de Philippe et d’Antiochus. En 200, Philippe ne menaçait directement ni l’Italie, ni même l’Illyrie ; mais, la puissance égyptienne abattue, la Macédoine, alliée des Séleucides, restait sans contrepoids en Orient et il y avait la — le Sénat devait facilement s’en rendre compte — un grave danger pour l’avenir.

A l’intérêt politique se joignaient les intérêts maritimes et commerciaux. Les rapports par mer entre Rome et les pays de la mer Egée s’étaient fort développés depuis le milieu du ni0 siècle ; l’établissement du protectorat romain sur la côte illyrienne, l’abaissement de Carthage avaient largement favorisé l’expansion du commerce romain en Orient. Au début du IIe siècle, il existait déjà un courant de commerce et d’émigration plus ou moins régulier d’Italie vers la Grèce et les lies. Rome avait donc intérêt à ce que la mer Egée ne passât pas sous la domination exclusive de la Macédoine et à ce que les autres marines — rhodienne, égyptienne et la sienne propre — pussent y conserver sans restrictions la place qu’elles y tenaient. Il est certain que les grandes compagnies financières et l’ordre équestre, en général directement et pécuniairement intéressés dans les affaires d’Orient, ont poussé à l’intervention romaine et ont, dès cette époque, exercé sur la politique romaine en Orient une influence décisive.

En 201, au moment où Carthage fut réduite à signer la paix, le Sénat ne désirait pas engager une nouvelle guerre avec la Macédoine, et il ne pouvait pas le désirer. L’Espagne et la Cisalpine étaient l’une à peine soumise, l’autre en pleine insurrection. L’Italie était épuisée et dépeuplée par dix-sept années de guerre : le nombre des seuls citoyens romains était tombé en trente ans de 270.000 à 214.000. Beaucoup de terres étaient en friche et pour reprendre les travaux agricoles les bras faisaient défaut. — Le Sénat, d’autre part, ne se faisait pas d’illusions sur les difficultés de la guerre de Macédoine et sur les dangers d’une intervention romaine en Orient : On se rappelait, dit Justin[349], que Pyrrhus, avec une poignée de Macédoniens, avait ébranlé l’Italie ; on songeait aux exploits du même peuple en Orient. Quoique Philippe occupât le trône, écrit Florus[350], les Romains s’attendaient à combattre un Alexandre. Ce fut le nom de la nation, plutôt que sa puissance réelle, qui donna de l’éclat à cette guerre. La majorité sénatoriale était fort hostile aux aventures et aux coups de tête ; en 205, lorsque Scipion avait proposé de transporter les hostilités en Afrique, le Sénat n’avait adopté ce plan qu’à contrecœur et après beaucoup d’hésitation. Et cependant, en 200, c’est le Sénat qui prend l’initiative de la rupture avec la Macédoine et qui contraint le peuple, malgré un premier refus, à déclarer la guerre.

En réalité, du strict point de vue défensif, le Sénat considérait l’intervention en Grèce comme inévitable et nécessaire à la sécurité de Rome. Jusqu’alors, la politique romaine s’était contentée de surveiller la Macédoine par l’occupation graduelle de la côte illyrienne ; Philippe, arrêté à l’ouest, s’était rejeté vers l’Asie Mineure et les Cyclades. Avec sa prévoyance et sa profondeur de vues habituelles, le Sénat se rendit parfaitement compte que le conflit entre Rome et la Macédoine devait se produire fatalement un jour ou l’autre. Il pouvait sembler prématuré — en réalité il était plus sage — d’intervenir avant que la Macédoine eût eu le loisir de pousser plus loin ses conquêtes. L’offensive, pensait non sans raison le Sénat, c’est Philippe qui l’avait prise lorsqu’il avait conclu avec Antiochus le traité de partage ; pour prouver la sincérité de sa thèse, le Sénat demandait purement et simplement le maintien de l’équilibre oriental tel qu’il résultait des traités de Naupacte et de Phœnice.

De tous ces faits, on peut dégager une conclusion formelle. Jusqu’en 200 av. J.-C, la politique romaine en Grèce et en Orient n’a été à aucun degré une politique d’offensive. Il y a plus ; après Cynocéphales, pendant cinquante années encore, la diplomatie sénatoriale est restée fidèle à ses principes traditionnels. C’est seulement en 146 qu’apparaîtra résolument la politique de conquête et d’annexion. En 194, Rome évacue complètement la Grèce, mais bientôt l’agression du roi de Syrie Antiochus va la contraindre à une nouvelle intervention. Nous avons vu que jusqu’à cette date la politique romaine avait eu l’habileté de retenir Antiochus en Asie et de l’empêcher ainsi de lier parti soit avec Philippe en 197, soit avec Nabis en 195. Les négociations poursuivies jusque-là à Lysimachie se continuèrent à Rome lorsqu’il s’agit de ratifier les mesures prises en Grèce par Flamininus et les dix commissaires, mais on ne put s’entendre et la guerre devint bientôt inévitable.

Le Sénat prit sans tarder ses précautions ; conformément à sa politique traditionnelle, il voulut renforcer sa situation dans les îles Ioniennes par l’occupation de Zacynthe. Mais cette île, qui commandait l’entrée du golfe de Corinthe, avait déjà attiré l’attention de la ligue Achéenne,„et cette dernière cherchait à la faire entrer dans son alliance. Rome en réclama brutalement la possession ; il fallait qu’elle y tînt beaucoup pour risquer, en un semblable moment, de mécontenter la ligue Achéenne, le plus puissant de ses alliés helléniques. La ligue refusa d’abord de renoncera ses prétentions, mais, après une intervention de Flamininus, envoyé expressément en Grèce pour réveiller partout les sympathies en faveur de Rome, elle dut céder. Les deux défaites des Thermopyles (191) et de Magnésie (190) contraignirent Antiochus à signer la paix. Rome se retourna alors contre les Étoliens, alliés du roi de Syrie au cours de la campagne, et les réduisit à merci par la prise d’Ambracie. Elle profita de l’occasion pour étendre plus encore son influence dans les îles Ioniennes.

L’île de Céphallénie, qui appartenait à la ligue Étolienne, avait pris les armes contre Rome. Après la chute d’Ambracie, elle demanda à être comprise dans le traité de paix que Rome imposa à toutes les villes étoliennes. Le Sénat s’y refusa absolument. Il envoya dans l’île un corps de débarquement qui la soumit de force, la détacha de la ligue Étolienne et, lui laissant une indépendance toute nominale, la plaça sous le protectorat romain. Quant à la Grèce proprement dite, le Sénat l’évacua tout entière, satisfait, par la prise de possession de Zacynthe et de Céphallénie, d’avoir consolidé la puissance romaine sur les côtes de l’Adriatique et d’avoir acquis deux points stratégiques d’où il pouvait surveiller la Grèce et empêcher toute tentative de défection.

En 171, Rome interviendra pour la troisième fois dans les affaires de la péninsule hellénique, et cette fois encore l’initiative de la rupture ne viendra pas d’elle. Le vaincu de Cynocéphales, Philippe, avait passé les dix-huit dernières années de son règne à refaire les forces de la Macédoine et à préparer la revanche. Son fils Persée, qui lui succéda en 179, chercha dès son avènement à s’assurer de nombreuses alliances en Illyrie et surtout chez les Grecs. A cette nouvelle, le Sénat, qui craignait de voir renaître la puissance macédonienne abattue en 197, résolut d’intervenir. La victoire de Pydna (168) mit la Macédoine à ses pieds. En Grèce, où la Béotie s’était de nouveau prononcée pour Persée et où la ligue Achéenne avait été un moment indécise, Rome installa partout au pouvoir le parti romain. Il est vraisemblable qu’à cette époque le Sénat a sérieusement envisagé l’éventualité d’une conquête, mais, ce qui est certain, c’est qu’une fois de plus il écarta cette solution. La Grèce fut entièrement évacuée par les troupes romaines. Rome n’y conserva pas un pouce de terrain, sauf sur un point, et ce point était encore une des îles Ioniennes, la dernière qui eût conservé son indépendance et restât engagée dans une ligue grecque : Leucade. Le Sénat, s’autorisant de la conduite douteuse des Acarnaniens à son égard, sépara l’île de la ligue Acarnanienne et l’érigea en un état particulier auquel il imposa le protectorat romain.

Enfin, en 146, date de la dernière et décisive intervention romaine en Grèce, ce ne furent pas les Romains, mais les démagogues de l’Achaïe qui rendirent la guerre inévitable. Les envoyés romains furent insultés et le Sénat lui-même traité par Critolaos et Diæos, les chefs du parti populaire, avec une hauteur et une insolence qu’une grande puissance comme l’était Rome, qu’une libératrice de la Grèce comme elle l’avait été, ne pouvait tolérer. Les défaites de Scarphée et de Leucopétra amenèrent l’établissement de la domination romaine et marquèrent définitivement le triomphe de la politique d’annexion.

Nous pouvons maintenant conclure. La politique sénatoriale en Grèce avant 198, date à laquelle Flamininus arrive en Grèce, est et reste essentiellement défensive. Elle se propose un double but : le maintien de l’équilibre oriental et la prépondérance romaine dans la mer Ionienne. Le programme de 200, tel qu’il résulte du discours de P. Sulpicius Galba, se trouve donc vérifié par les faits. Après le départ de Flamininus en 194, cette politique, durant de longues années encore, restera fidèle à son passé et conservera, au moins dans ses grandes lignes, son caractère antérieur.

La politique sénatoriale, telle que nous venons de la déterminer, est un des éléments, l’élément essentiel du problème. Il y en a un second, qui est loin d’être négligeable, quoiqu’on en ait souvent exagéré l’importance : le rôle personnel de Flamininus. Quelques mots sur la physionomie et l’originalité du personnage sont donc indispensables.

Titus Quinctius Flamininus appartenait à cette gent Quinctia, une des plus anciennes et des plus populaires de la cité — on donnait en exemple la sévérité de ses mœurs — d’où étaient issus au Ve siècle av. J.-C. les Quinctii Capitolini et les Quinctii Cincinnati. Les premiers Quinctii Flaminini n’apparaissent qu’à la fin du me siècle, sans qu’on puisse déterminer l’origine de ce surnom de Flamininus. Sur le père de Flamininus, qui portait comme son fils le prénom de Titus, nous ne savons rien. Flamininus est le premier des Quinctii Flaminini qui soit parvenu au consulat.

Né vers 228, Flamininus partit de bonne heure pour l’armée. On était alors au cœur de la seconde guerre punique et Rome était obligée pour recruter ses armées de hâter la levée des contingents. En 208, à vingt ans, il est tribun militaire ; en 205 préfet à Salente et à Tarente. Un peu plus tard, probablement en 201, il gère la questure ; en 200, il conduit, avec le titre de triumvir, une colonie à Venouse. En 199, lorsqu’il brigua le consulat, il avait moins de trente ans ; il n’avait géré encore ni l’édilité, ni la préture, quoiqu’il fût d’usage de n’aborder le consulat qu’après ces deux magistratures. Aussi deux tribuns, M. Fulvius et M. Curius, firent-ils obstacle à sa candidature : Les jeunes nobles, disaient-ils, méprisaient l’édilité et la préture ; ils se croyaient dignes de parvenir du premier coup à la plus haute dignité de l’État[351]. L’affaire vint devant le Sénat ; la loi Villia n’existait pas encore, c’est au Sénat qu’appartenait la décision. — La guerre de Macédoine allait assez mal : peut-être le Sénat craignait-il que le peuple mécontent ne portât au consulat un candidat de son choix. Les qualités de Flamininus, sa haute naissance et la popularité de sa famille, en rassurant le Sénat, le décidèrent à rejeter la demande des tribuns. La candidature de Flamininus fut déclarée légale et quelque temps après il fut élu avec Sextus Ælius Pætus comme collègue. Le tirage au sort des provinces donna à Pætus l’Italie, à Flamininus la Macédoine.

Le règlement des affaires de Macédoine et de Grèce exigeait un diplomate plus encore qu’un homme de guerre. Il fallait avant tout détacher de Philippe ses alliés grecs : Acarnaniens, Béotiens, Achéens. Sulpicius et Villius, qui ne l’avaient pas compris, n’avaient fait que des campagnes infructueuses : Ce fut pour les Romains, dit Plutarque, une faveur de la fortune que les affaires dont Flamininus se trouvait chargé et les ennemis qu’il avait à, combattre demandassent un général qui voulût moins subjuguer par les armes et parla force que gagner par la douceur et la persuasion[352]. Flamininus, sans doute, ne manquait pas de qualités militaires ; il avait du coup d’œil, de la décision — on le voit sur le champ de bataille de Cynocéphales — mais ce n’était pas un grand homme de guerre comme son contemporain Scipion l’Africain, comme ses successeurs Paul Emile et Scipion Émilien. L’Étolien Archedêmos racontait qu’un jour où la lutte contre les Macédoniens faisait rage, on avait pu voir Flamininus inactif, levant les mains au ciel et implorant le secours des dieux[353]. Les railleries étoliennes ne sauraient certes passer pour paroles d’évangile, mais le seul fait qu’on ait pu prêter à Flamininus une semblable attitude est déjà caractéristique. La seule grande bataille qu’il ait eu à livrer durant sa mission de quatre années, celle de Cynocéphales, fut surtout une victoire de hasard due beaucoup plus à la supériorité de la légion romaine et de la cavalerie étolienne qu’aux savantes combinaisons du général. On ne saurait à cet égard la comparer ni à Zama, ni à Pydna.

Flamininus était avant tout un diplomate, et diplomate il l’est resté jusqu’à la fin de sa carrière. Les trois événements diplomatiques les plus importants de sa vie sont ses trois missions diplomatiques : en Grèce à deux reprises (198-194 et 192-191) et auprès du roi de Bithynie Prusias en 183. Ses qualités de négociateur étaient indéniables ; il s’en rendait compte et, comme il ne péchait pas par excès de modestie, il ne perdait pas une occasion de les faire briller. Il avait de l’esprit et parlait bien ; sa conversation, nous dit Plutarque, était pleine de sel et d’agrément[354]. Toujours soucieux de se mettre en scène, il aimait les entrevues avec l’adversaire, où le premier rôle lui revenait tout naturellement, témoins les entrevues de l’Aoüs, de Nicée, de Tempe avec Philippe, de Corinthe avec le général macédonien Philoclès, de Mycènes et de Cythium avec Nabis, et les manifestations théâtrales où il paraissait à son avantage comme la double proclamation de la liberté grecque aux Jeux isthmiques et argienne aux Jeux néméens.

Tout en reconnaissant chez Flamininus des dons réels de diplomate, il ne faudrait cependant rien exagérer. Un épisode des conférences de Nicée nous montre qu’à cet égard Flamininus avait encore beaucoup à apprendre. Le premier jour avant de se retirer, Philippe pria Flamininus de lui donner communication écrite des conditions de paix ; il était seul, disait-il, et n’avait auprès de lui personne pour en délibérer. Il n’y avait qu’à accueillir cette demande parfaitement légitime et à prendre congé correctement. Mais Flamininus voulut profiter de l’occasion pour faire parade de son esprit et mettre les rieurs de son côté : Il écoutait avec plaisir, nous dit Polybe, les plaisanteries du roi, mais, ne voulant pas le laisser voir aux autres, il railla Philippe à son tour. Si vous êtes seul, répondit-il, vous n’avez qu’à vous en prendre à vous-même qui avez fait périr tous les amis dont vous eussiez pu prendre conseil[355]. La réponse ne brillait certes ni par la finesse, ni par l’à-propos et faisait assez peu honneur au diplomate consommé que se flattait d’être déjà le jeune général romain.

Il était d’un abord séduisant et facile ; vif, sensible, prompt à s’irriter et plus encore à s’apaiser, souvent léger par affectation de bel esprit, très capable de générosité, beaucoup plus d’ailleurs par désir de paraître, besoin qui, chez lui, était irrésistible, que par bonté naturelle. Son caractère était naturellement jaloux et ombrageux : Comme les exploits de Philopœmen, nous dit Plutarque, lui méritaient de la part des Achéens, dans leurs théâtres, les mêmes respects et les mêmes honneurs qu’à Flamininus, ce dernier en fut singulièrement blessé ; il ne comprenait pas qu’un homme d’Arcadie qui n’avait commandé que dans de petites guerres dût être autant honoré qu’un consul romain qui était venu combattre pour la liberté de la Grèce[356]. Plus tard, avec l’âge et les luttes de partis, il s’aigrit encore : Ô Titus, si je viens à ton aide et dissipe les soucis cuisants qui t’agitent, quelle sera ma récompense ?[357] lui écrivait son ami le poète Ennius. Il poursuivit Caton de ses rancunes, et son impatience de paraître toujours au premier rang lui fit accepter — peut-être même solliciter — cette ambassade peu honorable auprès de Prusias, qui détermina Hannibal à se donner la mort.

On s’est plu souvent, et nous touchons ici au cœur même de la question, à considérer Flamininus comme un philhellène passionné, comme un admirateur enthousiaste du génie et de la civilisation helléniques. Nous savons qu’il avait appris le grec et qu’il le parlait fort bien, mais c’est précisément au cours de sa mission en Grèce, mission qui, il ne faut pas l’oublier, se prolongea pendant quatre ans, qu’il devint vraiment le fin connaisseur que l’on se plut à reconnaître en lui par la suite. Lorsqu’il parvint au consulat, sa culture intellectuelle devait être encore assez restreinte ; les hommes de sa génération, qui avaient grandi au milieu des désastres de la seconde guerre punique, n’avaient pas eu le loisir de pousser fort loin leurs études. Le cercle hellénisant d’Ennius, où devaient se rencontrer avec Flamininus Scipion l’Africain, Scipion Nasica et M. Fulvius Nobilior, ne devait se constituer pleinement que plus tard. Ennius n’était arrivé à Rome que depuis six ans ; Scipion l’Africain, successivement chargé du commandement en Espagne (211-206), en Sicile et en Afrique (205-201), ne revint en Italie qu’en 201 ; dès 198, Flamininus partait pour la Grèce. C’est d’une époque postérieure, lorsque les hellénisants de l’aristocratie romaine eurent longuement séjourné en Grèce — Flamininus de 198 à 194, Scipion l’Africain en 190, M. Fulvius Nobilior de 189 à 187 — que date l’influence décisive d’Ennius. Dire que déjà en 198 Flamininus était un helléniste raffiné serait certainement commettre un anachronisme, mais ses qualités naturelles de curiosité, de spontanéité, de délicatesse devaient le rendre plus qu’aucun autre accessible à la séduction qui se dégageait de la Grèce et de son glorieux passé.

Enfin n’oublions pas chez Flamininus un des traits essentiels de son caractère, l’ambition. Plutarque, qui en a été vivement frappé, revient sur ce point à plusieurs reprises : Plein d’ambition et brûlant du désir d’acquérir de la gloire, il voulait exécuter seul ses plus grandes et ses plus belles entreprises[358], et plus loin2[359] : Tant que l’ambition naturelle de Flamininus eut un sujet honnête de s’exercer dans les guerres que nous venons de raconter, elle fut généralement approuvée ; on lui sut même gré d’avoir, après son consulat, servi comme tribun militaire sans en avoir été sollicité. Mais, quand son âge l’eut mis hors d’état de commander et d’exercer des emplois, on trouva mauvais que, dans un reste de vie qui n’était plus propre aux affaires, il conservât encore un désir de réputation et une passion pour la gloire qui convenaient tout au plus à un homme jeune. Si sensible qu’il puisse être aux éloges et aux acclamations, il n’oublie jamais les intérêts de la politique romaine, dont il est le représentant officiel. Plutarque raconte à ce sujet une anecdote caractéristique : Un jour — c’était en 191 — que les Achéens voulaient se rendre maîtres de Zacynthe, Flamininus leur dit que s’ils mettaient la tête hors du Péloponnèse ils courraient le même danger que les tortues qui mettent la tête hors de leur écaille[360]. Le conseil, pour être charitable et, par surcroît, spirituel, n’en était pas moins fort intéressé. Les Achéens durent se contenter de la leçon. Rome ne crut pas la leur faire payer trop cher en mettant la main sur Zacynthe.

Ajoutons que, s’il ne néglige pas les intérêts de son pays, il songe aussi beaucoup aux siens propres. Lorsqu’en 197 il consent, malgré les alliés, au transfert à Rome des pourparlers de Nicée, une des raisons essentielles de sa décision est le désir de se montrer déférent vis-à-vis du Sénat et d’obtenir ainsi la prorogation qu’il souhaite. Plus tard, en 195, il accorde, toujours malgré l’opposition des alliés, la paix au tyran de Sparte Nabis. Un texte de Tite-Live[361] nous montre clairement que, dans la circonstance, les considérations personnelles eurent une importance décisive : Voilà, écrit l’historien latin, ce qu’il répétait tout haut ; mais, au fond du cœur, il craignait qu’un des nouveaux consuls n’obtînt du sort la province de Grèce et ne vînt lui enlever l’honneur de terminer cette guerre.

 

IX. — Conclusion. La politique romaine en Grèce de 198-194.

Ayant déterminé la politique sénatoriale en Grèce et la personnalité de Flamininus, c’est-à-dire les deux éléments essentiels du problème, nous pouvons conclure et définir avec précision l’attitude de Rome vis-à-vis de la Grèce au début du 11e siècle. Le premier trait de la politique romaine, le plus frappant peut-être, c’est la continuité ; de l’année 200, époque où la guerre est votée, jusqu’en 194, date à laquelle le dernier légionnaire évacue la Grèce, cette politique n’a pas varié dans ses grandes lignes. La victoire n’a pas accru les appétits du Sénat ; elle lui a donné simplement les moyens de réaliser un plan depuis longtemps arrêté. En 200, comme le montre fort bien le discours programme de P. Sulpicius Galba, le Sénat avait entrepris la guerre pour sauvegarder la sécurité de l’Italie. Rome, au sortir d’une lutte gigantesque où elle avait eu à combattre sur tant de théâtres à la fois, où elle avait pu craindre un moment le débarquement, toujours si dangereux, d’un Grec dans l’Italie hellénique, où enfin elle avait vu ses avant-postes de la côte illyrienne enlevés ou menacés, voulait prévenir toute extension nouvelle de la puissance macédonienne en Grèce et en Orient, consolider sa position dans la mer Ionienne et, par le rétablissement de l’équilibre oriental, se donner les mains libres pour agir en Cisalpine, en Espagne, à l’occasion aussi contre un retour offensif de Carthage.

Le Sénat ne voulait donc pas de conquêtes en Grèce, on ne saurait trop insister sur ce point ; ces conquêtes eussent été à la fois inutiles et dangereuses, inutiles parce que Rome se sentait impuissante à les défendre avec le lourd fardeau des affaires qui pesaient sur elle en Occident, dangereuses parce qu’elles risquaient d’alarmer le roi de Syrie, Antiochus, et peut-être de provoquer contre Rome une coalition de la Macédoine, de la Syrie et de l’Égypte, les trois grands empires helléniques d’Orient. Ajoutons enfin que l’État romain, au lendemain de la seconde guerre punique, n’était pas outillé pour la conquête. Sans doute, il avait antérieurement annexé la Sicile et la Sardaigne, mais ces îles étaient des dépendances naturelles de l’Italie péninsulaire et, quant à l’Espagne, elle ne l’avait conquise que pour l’enlever à Carthage.

La politique romaine en Grèce dans les premières années du IIe siècle est donc essentiellement défensive. Le but, c’est la protection de l’Italie menacée par l’affaiblissement de l’Égypte et la conclusion du traité de partage entre Philippe et Antiochus. Aux yeux de la diplomatie romaine, cette sécurité ne pourra être assurée d’une manière permanente et efficace qu’au prix de deux garanties fondamentales : consolidation définitive de la domination romaine en Illyrie, c’est-à-dire prédominance de Rome dans la mer Ionienne, d’une part ; soustraction de la Grèce à l’influence macédonienne, de l’autre.

Ces deux garanties, Flamininus les réclame formellement aux conférences de Nicée. Il exige que Philippe restitue aux Romains les localités illyriennes occupées par lui depuis la paix de Phœnice et qu’il évacue entièrement la Grèce. Le roi de Macédoine accorde le premier point, mais il se refuse à céder sur le second. Après la rupture des pourparlers de Nicée, les ambassadeurs de Philippe comparaissent devant le Sénat. Ils commencent un long discours, mais on les interrompt brusquement pour leur demander si, oui ou non, ils apportent le consentement de leur roi à l’évacuation des trois places fortes de Corinthe, Chalcis et Démétriade, et, comme ils avouent n’avoir pas de mandat à cet égard, le Sénat rompt aussitôt avec eux. Après la victoire de Cynocéphales, les préliminaires de Tempe en 197 et le traité de 196 donnent entièrement satisfaction, sur les deux points, aux demandes réitérées de la diplomatie romaine.

Avec l’obtention de ces deux garanties fondamentales, le programme défensif de Rome se trouvait complètement réalisé ; mais il restait une question subsidiaire. Qu’allait-on faire des territoires enlevés au roi de Macédoine et évacués par ses troupes ? Le Sénat, il faut le répéter, ne voulait pas faire de conquêtes en Grèce ; il se refusait à prendre pied dans le pays et, par conséquent, à occuper d’une manière permanente les villes cédées au traité de 196. Dès lors, il ne restait qu’une solution : leur donner l’indépendance et proclamer leur liberté. La fameuse proclamation des Jeux isthmiques s’explique ainsi de la manière la plus simple et la plus naturelle. Il n’y a dans cet acte, de la part de Rome, ni machiavélisme, comme le veulent les uns, ni entraînement généreux, comme le prétendent les autres. Pour parler de machiavélisme, il faudrait établir que le Sénat, dès cette époque, voulait implanter la domination romaine en Grèce, et les faits montrent absolument le contraire ; si le Sénat, au lendemain de Cynocéphales, avait voulu subjuguer la Grèce, il l’eût tenté sans aucun doute, comme il le fit pour l’Espagne malgré une opposition plus forte que ne l’eût peut-être été celle des Grecs. Pour parler de générosité, il faudrait démontrer que le Sénat aurait eu avantage à mettre la main sur la Grèce et qu’il a sciemment sacrifié ses intérêts à sa sympathie pour les Grecs ; or, cette preuve reste encore à faire. Rome a donné la liberté aux villes grecques tout simplement parce que cette libération complétait le programme défensif qu’elle venait de faire triompher au traité de 196, parce que cette solution, pourrait-on dire, lui assurait le maximum de sécurité avec le minimum de sacrifices.

Mais, dira-t-on, ce philhellénisme qu’il faut bannir de la politique sénatoriale, ne le trouvons-nous pas dans l’attitude personnelle de Flamininus et, sous cette forme, n’a-t-il joué aucun rôle dans le règlement des affaires de Grèce ? Sans doute, la personnalité de Flamininus, nous l’avons vu plus haut, est loin d’être insignifiante, mais il serait exagéré de parler de politique personnelle. Flamininus, en Grèce, est le représentant de Rome et le mandataire du Sénat. Il peut avoir ses préférences, songer à ses intérêts personnels — et il n’y manque pas — mais son action diplomatique est enfermée dans des limites relativement restreintes. En fait, pendant les quatre années qu’a duré son séjour en Grèce, nous le trouvons deux fois en désaccord avec la politique sénatoriale : sur la question des conditions de paix, après l’entrevue de Tempe, et à propos de l’évacuation des trois places fortes de Corinthe, Chalcis et Démétriade.

En 197, au lendemain de Cynocéphales, Flamininus signe avec Philippe les préliminaires de Tempe. Le Sénat, qui doit se prononcer en dernier ressort, trouve les conditions trop douces et les aggrave en augmentant le chiffre de l’indemnité de guerre et en ajoutant un nouvel article relatif à la remise des navires macédoniens. Pour cette première divergence, le philhellénisme de Flamininus n’a rien à faire, bien au contraire, car les Grecs demandaient que Philippe fût traité le plus durement possible, et, à cet égard, on peut être certain que lés aggravations apportées au traité par le Sénat ont eu toute leur approbation. Si philhellénisme il y a, le Sénat, dans la circonstance, s’est montré beaucoup plus philhellène que Flamininus.

En 196, les dix commissaires arrivent en Grèce ; le Sénat leur a donné toute liberté pour fixer la date d’évacuation de Chalcis, Corinthe et Démétriade. Flamininus insiste auprès d’eux pour une libération immédiate. Les commissaires résistent. On finit par décider que Corinthe sera rendue aux Achéens, mais que les troupes romaines continueront à occuper l’Acrocorinthe, Chalcis et Démétriade jusqu’au jour où Antiochus ne sera plus menaçant. Cette fois, Flamininus est, sans conteste, l’interprète de l’opinion grecque et le philhellénisme peut chez lui être entré en ligne de compte. Mais la contestation, il faut le remarquer, ne porte nullement sur le fond même de la politique romaine. Flamininus et les dix commissaires, dépositaires de la pensée sénatoriale, sont parfaitement d’accord pour évacuer tout le pays : Les commissaires, nous dit Tite-Live[362], ne faisaient aucune objection contre la liberté des villes, mais il était plus sûr pour elles de rester quelque temps sous la protection des Romains que d’avoir Antiochus pour maître au lieu de Philippe. Il s’agit simplement d’une question d’opportunité qui a son importance, mais que cependant on serait mal fondé à grossir.

Représentant de la politique sénatoriale, Flamininus a mis à la servir toutes ses qualités de souplesse, d’intelligence, de séduction, toutes les ressources de sa riche et complexe personnalité : Si le général romain, nous dit Plutarque[363], n’eût pas été un homme d’un naturel doux qui préférât les voies de la conciliation à celles de la violence, qui sût écouter avec affabilité et persuader par la confiance ceux qui traitaient avec lui, qui cependant se montrât toujours rigide observateur de la justice, la Grèce n’aurait pas si facilement préféré, au joug auquel elle était accoutumée, une domination étrangère.

Rome suivait en Grèce une politique d’intérêt bien entendu. Flamininus s’en est constitué le défenseur enthousiaste auprès des Grecs et, grâce à son action personnelle, la raison d’état a pris une allure de générosité qui n’a pas peu contribué à en assurer le succès.

 

 

 



[1] Vie de Flamininus, II, 4.

[2] Tite-Live, XXXII, 10, 1.

[3] Tite-Live, XXXII, 10, 2.

[4] Tite-Live, XXXII, 10, 2.

[5] Tite-Live, XXXII, 10, 2.

[6] Tite-Live, XXXII, 10, 4-6.

[7] Tite-Live, XXXII, 11, 1-4 ; Plutarque, Flamininus, IV, 3-4 ; Appien, Guerres macédoniennes, V.

[8] Tite-Live, XXXII, il, 4-10 ; Plutarque, Flamininus, IV, 5.

[9] Tite-Live, XXXII, 12, 1-4 ; Plutarque, Flamininus, IV, 6-8.

[10] Tite-Live, XXXII, 12, 5-7 ; Plutarque, Flamininus, V, 1.

[11] Tite-Live, XXXII, 13, 5.

[12] Tite-Live, XXXII, 13, 6-9 ; Plutarque, Flamininus, V, 3.

[13] Tite-Live, XXXII, 13, 10-15.

[14] Tite-Live, XXXII, 14, 5-6.

[15] Tite-Live, XXXII, 15, 5.

[16] Tite-Live, XXXII, 15, 3 ; Plutarque, Flamininus, V, 4.

[17] Tite-Live, XXXII, 15, 5-7.

[18] Tite-Live, XXXII, 17 et suiv.

[19] Tite-Live, XXXII, 18, 3.

[20] Tite-Live, XXXII, 16, 1-7.

[21] Tite-Live, XXXII, 16, 8-17.

[22] Tite-Live, XXXII, 17, 1-2.

[23] Tite-Live, XXXII, 17, 3.

[24] Tite-Live, XXXII, 18, 3.

[25] Tite-Live, XXXII, 18, 4.

[26] Tite-Live, XXXII, 18, 4-6.

[27] Tite-Live, XXXII, 18, 8-9.

[28] Tite-Live, XXXII, 19, 3.

[29] Tite-Live, XXXII, 19, 4.

[30] Tite-Live, XXXII, 19, 2.

[31] Tite-Live, XXXII, 19, 5-6 ; Appien, Guerres macédoniennes, VII.

[32] Tite-Live, XXXII, 19, 7-10 ; Appien, loc. cit.

[33] Tite-Live, XXXII, 19, 11.

[34] Tite-Live, XXXII, 19, 11-12.

[35] Tite-Live, XXXII, 20, 1.

[36] Tite-Live, XXXII, 20, 1-2.

[37] Tite-Live, XXXII, 20, 6.

[38] Tite-Live, XXXII, 20, 7.

[39] Tite-Live, XXXII, 21, 1-20.

[40] Tite-Live, XXXII, 21, 5.

[41] Tite-Live, XXXII, 21, 26-29.

[42] Tite-Live, XXXII, 21, 6-8.

[43] Tite-Live, XXXII, 22, 1-2.

[44] Tite-Live, XXXII, 22, 2-3.

[45] Tite-Live, XXXII, 22, 4-8.

[46] Tite-Live, XXXII, 22, 8-12.

[47] Tite-Live, XXXII, 23, 1-3 ; Plutarque, Flamininus, V, 4.

[48] Description de la Grèce, VII, 8, 2.

[49] Guerres macédoniennes, VII.

[50] XVIII, 13, 8.

[51] Tite-Live, XXXII, 23, 3.

[52] Tite-Live, XXXII, 23, 11.

[53] Tite-Live, XXXII, 24, 7.

[54] Tite-Live, XXXII, 25, 1-12.

[55] Tite-Live, XXXII, 32, 5-6.

[56] Polybe, XVIII, 1-10, 2 ; Tite-Live, XXXII, 32, 9-16, 33, 1-4. — Cf. sur les conférences de Nicée, Appien, Guerres macédoniennes, VIII ; Plutarque, Flamininus, V, 7 ; Justin, Abrégé hist. Philipp., XXX, 3 ; Zonaras, Annal., IX, 16.

[57] Polybe, XVIII, 1-2, 1 ; Tite-Live, XXXII, 33, 4-5.

[58] Polybe, XVIII, 2, 1-5 ; Tite-Live, XXXII, 33, 4-8.

[59] Polybe, XVIII, 5-6 ; Tite-Live, XXXII, 34, 7-13.

[60] Polybe, XVIII, 7, 1-2 ; Tite-Live, XXXII, 34, 7-13.

[61] Polybe, XVIII, 7, 3-7 ; Tite-Live, XXXII, 35, 1.

[62] Polybe, XVIII, 7, 8, et 8, 1-2 ; Tite-Live, XXXII, 35, 2-3.

[63] Polybe, XVIII, 8, 3-4 ; Tite-Live, XXXII, 35, 4-5.

[64] Polybe, XVIII, 8, 5-6 ; Tite-Live, XXXII, 35, 6-7.

[65] Polybe, XVIII, 8, 6-7 ; Tite-Live, XXXII, 35, 7-8.

[66] Polybe, XVIII, 8, 9-10 ; Tite-Live, XXXII, 35, 9-11.

[67] Polybe, XVIII, 9, 1 ; Tite-Live, XXXII, 35, 12.

[68] Polybe, XVIII, 9-2 ; Tite-Live, XXXII, 36, 1-2.

[69] Polybe, XVIII, 9, 4-5 ; Tite-Live, XXXII, 36, 3-4.

[70] Polybe, XVIII, 9, 6 ; Tite-Live, XXXII, 36, 5.

[71] Polybe, XVIII, 9, 7-10 ; Tite-Live, XXXII, 36, 6-7.

[72] Polybe, XVIII, 9, 10, 1-4 ; Tite-Live, XXXII, 36, 8-9.

[73] Polybe, XVIII, 11,1-2 ; Tite-Live, XXXII, 28.

[74] Polybe, XVIII, 11, 3-14 ; Tite-Live, XXXIII, 37, 5.

[75] Polybe, XVIII, 12, 1-2 ; Tite-Live, XXXII, 28, 10-12.

[76] Tite-Live, XXXII, 38, 2.

[77] Tite-Live, XXXII, 38, 2.

[78] Tite-Live, XXXII, 38, 2 : Il crut prudent de remettre cette place comme en dépôt à Nabis, qui la lui rendrait après la victoire où la garderait en cas de revers. Qu’il s’agit, en cas de succès, d’un simple dépôt, le texte de Tite-Live le dit expressément : Optimum ratus Nabidi eam Lacedæmoniorum tyranno velut fiduciariam dare, ut victori sibi restitueret... (cf. Zonaras, Annal., IX, 16).

[79] Tite-Live, XXXII, 38, 2-3 ; Justin, Abrégé hist. Philipp., XXX, 4, 5 ; Zonaras, loc. cit.

[80] Tite-Live, XXXII, 38, 4.

[81] Tite-Live, XXXII, 38, 5-9.

[82] Tite-Live, XXXII, 39, 1-2.

[83] Tite-Live, XXXII, 39, 6.

[84] Tite-Live, XXXII, 39, 6.

[85] Tite-Live, XXXII, 39, 7.

[86] Tite-Live, XXXII, 39, 10.

[87] Tite-Live, XXXII, 39, 10.

[88] Tite-Live, XXXII, 40, 1-4.

[89] Tite-Live, XXXII, 40, 5.

[90] Tite-Live, XXXII, 40, 6-7.

[91] Tite-Live, XXXII, 40, 7.

[92] Tite-Live, XXXIII, 1, 1 : Initio veris.

[93] Tite-Live, XXXIII, 1, 1.

[94] Tite-Live, XXXIII, 1, 1-2.

[95] Tite-Live, XXXIII, 1, 2.

[96] Tite-Live, XXXIII, 1, 3.

[97] Tite-Live, XXXIII, 3, 6 ; Plutarque, Flamininus, VI, 2, 3.

[98] Tite-Live, XXXIII, 1, 7-8.

[99] Tite-Live, XXXIII, 1, 8 : Apparebat nihil liberæ consultations consilio, quod in diem posterum indictum erat Bœotis, relictum esse. Texeruul dolorem, quem et nequiquam et non sine periculo ostendissent.

[100] Tite-Live, XXXIII, 2, 1-3 ; Plutarque, Flamininus, VI, 4.

[101] Tite-Live, XXXIII, 2, 3-4 ; Plutarque, Flamininus, VI, 4-5.

[102] Tite-Live, XXXIII, 2, 5.

[103] Tite-Live, XXXIII, 2, 6 : Nullo contra dicere audente.

[104] Tite-Live, XXXIII, 2, 6-7 ; Plutarque, Flamininus, VI, 5 ; Zonaras, Annal., IX, 16.

[105] Tite-Live, XXXIII, 2, 9.

[106] Tite-Live, XXXIII, 16, 1.

[107] Tite-Live, XXXIII, 16, 3 : Neque cuncti convenere Acarnanum populi.

[108] Tite-Live, XXXIII, 16, 3-4.

[109] Tite-Live, XXXIII, 16, 4.

[110] Tite-Live, XXXIII, 16, 5.

[111] Tite-Live, XXXIII, 16, 5.

[112] Tite-Live, XXXIII, 16, 10.

[113] Tite-Live, XXXIII, 16, 4 : Ad tollendum... decretum Romanæ societatis valuerunt, et 11 : Ut... redeundum in societatem Philippi abnuendamque Romanorum amicitiam censerent ; Zonaras, Annal., IX, 16.

[114] Tite-Live, XXXIII, 17, 2.

[115] Tite-Live, XXXIII, 17, 14 ; Zonaras, Annal., IX, 16.

[116] Tite-Live, XXXIII, 17, 15 : Audito prœlio quo ad Cynoscephalas pugnatum erat, omnes Acarnaniæ populi in dicionem legati venerunt.

[117] Tite-Live, XXXIII, 3, 6.

[118] Tite-Live, XXXIII, 3, 8.

[119] Tite-Live, XXXIII, 5, 1-2.

[120] Tite-Live, XXXIII, 5, 3.

[121] Tite-Live, XXXIII, 6, 3-4.

[122] Polybe, XVIII, 19, 9-11 ; Tite-Live, XXXIII, 6, 6.

[123] Polybe, XVIII, 20, 1 ; Tite-Live, XXXII, 6, 7-8 ; Zonaras, Annal, IX, 16.

[124] Polybe, XVIII, 20, 2-3 ; Tite-Live, XXXIII, 6, 8.

[125] Polybe, XVIII, 21, 2 ; Tite-Live, XXXIII, 7, 2 (cf. 7, 4) ; Plutarque, Flamininus, VIII, 1.

[126] Tite-Live, XXXIII, 7-3 ; Plutarque, Flamininus, VIII, 2.

[127] Polybe, XVIII, 24, 1 ; Tite-Live, XXXIII, 8, 7-8 ; Plutarque, Flamininus, VIII, 3.

[128] Polybe, XVIII, 24, 2 ; Tite-Live, XXXIII, 8, 8-9.

[129] Polybe, XVIII, 25, 1-3 ; Tite-Live, XXXIII, 8, 3.

[130] Polybe, XVIII, 25, 4 ; Tite-Live, XXXIII, 9, 3 et 6 ; Plutarque, Flamininus, VIII, 4.

[131] Polybe, XVIII, 25, 5 ; Tite-Live, XXXIII, 9, 6 ; Plutarque, Flamininus, VIII, 4.

[132] Polybe, XVIII, 25, 5 ; Tite-Live, XXXIII, 9, 6 ; Plutarque, Flamininus, VIII, 4.

[133] Polybe, XVIII, 25, 6 ; Tite-Live, XXXIII, 9, 5-6.

[134] Polybe, XVIII, 25, 7, et 26, 1 ; Tite-Live, XXXIII, 9, 7 ; Plutarque, Flamininus, VIII, 6.

[135] Polybe, XVIII, 26, 2-5 ; Tite-Live, XXXIII, 9, 8-9.

[136] Polybe, XVIII, 27, 6 ; Tite-Live, XXXIII, 10, 7-8 ; Plutarque, Flamininus, VIII, 7.

[137] Polybe, XVIII, 33, 8 ; Tite-Live, XXXIII, 11, 2.

[138] Tite-Live, XXXIII, 11, 3 ; Appien, Guerres macédoniennes, IX, 1.

[139] Tite-Live, XXXIII, 11, 3 ; Appien, Guerres macédoniennes, IX, 1.

[140] Plutarque, Flamininus, IX, 1.

[141] Annal, IX, 16.

[142] Plutarque, Flamininus, IX, 1.

[143] Polybe, XVIII, 22, 4-5 ; Tite-Live, XXXIII, 7, 13 ; Plutarque, Flamininus, IX, 1.

[144] Polybe, XVIII, 32, 12-13.

[145] Histoire romaine, I, 23, 11.

[146] Tite-Live, XXXI, 8, 1.

[147] Polybe, XVIII, 42, 3 ; Tite-Live, XXXIII, 25, 4-5.

[148] Tite-Live, XXXIII, 25, 6.

[149] Polybe, XVIII, 42, 4-5 ; Tite-Live, XXXIII, 25, 7 : Omnes quinque et triginta tribus uti rogas jusserunt.

[150] Plutarque, Flamininus, IX, 7-8.

[151] Tite-Live, XXXIII, 11, 13.

[152] Tite-Live, XXXIII, 11, 4.

[153] Tite-Live, XXXIII, 11, 4-7 : Quæ maxime Ætolos offendit, jam tumentes querentesque mutatum Victoria imperatorem ; ante pugnam omnia magna parvaque communicare cum sociis solitum ; mine omnium expertes consiliorum esse, suo ipsum arbitrio cuncta agere.

[154] Tite-Live, XXXIII, 11, 8-9.

[155] Polybe, XVIII, 34, 5 ; Tite-Live, XXXIII, 12, 1.

[156] Polybe, XVIII, 36, 2 ; Tite-Live, XXXIII, 12, 1-2 ; Appien, Guerres macédoniennes, IX, 1.

[157] Polybe, XVIII, 36, 5 et suiv. ; Tite-Live, XXXIII, 12, 3.

[158] Polybe, XVIII, 37, 6-9 ; Tite-Live, XXXIII, 12, 3-4 ; Appien, Guerres macédoniennes, IX, 1.

[159] Polybe, XVIII, 37, 1-7 ; Tite-Live, XXXIII, 12, 5-10 ; Appien, Guerres macédoniennes, IX, 1.

[160] Polybe, XVIII, 37, 8-9 ; Tite-Live, XXXIII, 12, 10-11 ; Appien, Guerres macédoniennes, IX, 1.

[161] Polybe, XVIII, 37, 12 ; Tite-Live, XXXJII, 12, 13 ; Appien, Guerres macédoniennes, IX, 1.

[162] Polybe, XVIII, 37, 6-9 ; Tite-Live, XXXIII, 13, 2-3.

[163] Polybe, XVIII, 38, 2 ; Tite-Live, XXXIII, 13, 3-4.

[164] Polybe, XVIII, 38, 3 ; Tite-Live, XXXIII, 13, 5 : Cunctis tacenlibus.

[165] Polybe, XVIII, 38, 3-4 ; Tite-Live, XXXIII, 13, 6.

[166] Polybe, XVIII, 38, 4-8 ; Tite-Live, XXXIII, 7-12.

[167] Polybe, XVIII, 39, 1 ; Tite-Live, XXXIII, 13, 13 : Omnium sociorum consensu.

[168] Polybe, XVIII, 39, 5-6 ; Tite-Live, XXXIII, 13, 14-15 ; Appien, Guerres macédoniennes, IX, 2.

[169] Polybe, XVIII, 39, 6 ; Tite-Live, XXXIII, 13, 15 : Si pax non impetrata ab Senatu foret, obsides pecuniamque reddi Philippo receptum est ; Zonaras, Annal., IX, 16.

[170] Polybe, XVIII, 39, 7 ; Tite-Live, XXXIII, 13, 14 ; Appien, Guerres macédoniennes, IX, 1.

[171] Tite-Live, XXXIII, 14, 1 et suiv.

[172] Tite-Live, XXXIII, 18.

[173] Tite-Live, XXXIII, 19, 2.

[174] Tite-Live, XXXIII, 19, 4.

[175] Tite-Live, XXXIII, 24, 3.

[176] Tite-Live, XXXIII, 24, 4.

[177] Tite-Live, XXXIII, 24, 5. Tite-Live place expressément le fait après l’élection des consuls de 196, L. Furius Purpureo et M. Claudius Marcellus, et avant leur entrée en charge (Ibid., XXXIII, 25, 4).

[178] Tite-Live, XXXIII, 24, 6-7 : Quodcuraque Senatus censuisset, id regem facturum esse.

[179] Appien, Guerres macédoniennes, IX, 3.

[180] Tite-Live, XXXIII, 24, 7.

[181] Appien, Guerres macédoniennes, IX, 3.

[182] Polybe, XVIII, 11, 13-14 ; Tite-Live, XXXII, 37, 5.

[183] Tite-Live, XXXIII, 31, 4-6.

[184] Tite-Live, XXXIII, 31, 11.

[185] Polybe, XVIII, 42, 3 ; Tite-Live, XXXIII, 25, 4.

[186] Tite-Live, XXXIII, 25, 5.

[187] Tite-Live, loc. cit. : Marcellus ... dubios sententiæ patres fecerat et forsitan obtinuisset consul...

[188] Tite-Live, XXXIII, 25, 6 : Ni prius ipsi ad plebem tulissent, vellent juberentne cum rege Philippo pacem esse.

[189] Tite-Live, XXXIII, 25, 8 : Omnes quinque et triginta tribus uti rogas jusserunt.

[190] Polybe, XVIII, 43, 4 ; Tite-Live, loc. cit.

[191] Tite-Live, XXXIII, 25, 10.

[192] Tite-Live, XXXII, 28, 9 : T. Quinctio prorogarunt imperium, donec successor ex Senatus consullo venisset.

[193] Tite-Live, XXXIII, 25, 11 : T. Quinctius Flamininus... provinciam eodem exercitu obtinere jussus ; imperium ei prorogatum satis jam ante videri esse.

[194] Tite-Live, XXXIII, 30, 1 ; Polybe, XVIII, 42, 5-6 ; 44, 1.

[195] Polybe, XVIII, 44, 2 ; Tite-Live, XXXIII, 30, 1-2 ; Appien, Guerres macédoniennes, IX, 3.

[196] Polybe, XVIII, 44, 3 ; Tite-Live, XXXIH, 30, 2 ; Appien, loc. cit.

[197] Polybe, XVIII, 44, 4 ; Tite-Live, XXXIII, 30, 3.

[198] Polybe, XVIII, 44, 5 ; Tite-Live, XXXIII, 30, 4.

[199] Polybe, XVIII, 44, 6 ; Tite-Live, XXXIII, 30, 5 ; Appien, loc. cit.

[200] Polybe, XVIII, 44, 6 ; Tite-Live, XXXIII, 30, 5-6 ; Plutarque, Flamininus, IX, 6 ; Appien, loc. cit.

[201] Polybe, XVIII, 44, 7 ; Tite-Live, XXIII, 30, 7-8 ; Plutarque, Flamininus, IX, 6 ; Appien, loc. cit.

[202] Polybe, XVIII, 43, 1 ; Tite-Live, XXXIII, 27, 6.

[203] Polybe, XVIII, 43, 2 ; Tite-Live, XXXIII, 27, 6.

[204] Polybe, XVIII, 43, 3 ; Tite-Live, XXXIII, 27, 8.

[205] Polybe, XVIII, 43, 4 ; Tite-Live, XXXIII, 27, 7.

[206] Polybe, XVIII, 43, 3 ; Tite-Live, XXXIII, 27, 8.

[207] Polybe, XVIII, 43, 5.

[208] Polybe, XVIII, 43, 9.

[209] Polybe, XVIII, 43, 10.

[210] Polybe, XVIII, 43, 12 ; Tite-Live, XXXIII, 28, 1-3.

[211] Tite-Live, XXXIII, 28, 3-5.

[212] Tite-Live, XXXIII, 28, 10.

[213] Tite-Live, XXXIII, 29, 1-6.

[214] Tite-Live, XXXIII, 29, 7-8.

[215] Tite-Live, XXXIII, 29, 8.

[216] Tite-Live, XXXIII, 29, 8-9.

[217] Tite-Live, XXXIII, 29, 9.

[218] Tite-Live, XXXIII, 29, 10.

[219] Tite-Live, XXXIII, 29, 11.

[220] Tite-Live, XXXIII, 29, 12.

[221] Tite-Live, XXXIII, 31, 4.

[222] Polybe, XVIII, 44, 2 ; Tite-Live, XXXIII, 30, 1-2.

[223] Polybe, XVIII, 44, 3-4 ; Tite-Live, XXXIII, 30, 2.

[224] Polybe, XVIII, 44, 3-4 ; Tite-Live, XXXIII, 30, 2-4.

[225] Polybe, XVIII, 45, 2-6 ; Tite-Live, XXXIII, 31, 1-3.

[226] Tite-Live, XXXIII, 31, 1-3.

[227] Tite-Live, XXXIII, 31, 4-5.

[228] Tite-Live, XXXIII, 31, 6.

[229] Polybe, XVIII, 45, 7 ; Tite-Live, XXXIII, 31, 7.

[230] Polybe, XVIII, 45, 8-9 ; Tite-Live, XXXIII, 31, 8-10.

[231] Tite-Live, XXXIII, 31, 10 : Nihii contra ea de libertate urbium alii dicebant.

[232] Tite-Live, XXXIII, 31, 10-11 ; Plutarque, Flamininus, X, 1.

[233] Polybe, XVIII, 45, 12 ; Tite-Live, XXXIII, 31, 11 ; Plutarque, Flamininus, X, 1.

[234] Polybe, XVIII, 46 ; Tite-Live, XXXIII, 32-33 ; Plutarque, Flamininus, X, 3-6, XI, 1-6 ; Appien, Guerres macédoniennes, IX, 4 ; Zonaras, Annal., IX, 18.

[235] Polybe, XVIII, 46, 5-6 ; Tite-Live, XXXIII, 32, 5-6 ; Plutarque, Flamininus, X, 3 ; Appien, Guerres macédoniennes, IX, 4.

[236] La remarque est de Tite-Live lui-même, XXXIII, 32, 6 : Percensuerat (præco) omnes gentes quæ sub dicione Philippi regis fuerant.

[237] Polybe, XVIII, 44, 2 ; Tite-Live, XXXIII, 30, 2.

[238] Polybe, XVIII, 47, 5 ; Tite-Live, XXXIII, 32, 6.

[239] Polybe, XVIII, 46, 2-4 ; Tite-Live, XXXIII, 32, 3-4.

[240] Polybe, XVIII, 47, 1 ; Tite-Live, XXXIII, 34, 1-3 ; Appien, Guerres syriennes, II.

[241] Tite-Live, XXXIII, 34, 2-3 : Primi omnium regis Antiochi vocati legati sunt, lis eadeni fere, quæ Romæ egerant, verba sine fide rerum jactantibus nihil jam perplexe, ut ante, cum dubiæ res incolurai Philippo erant, sed aperte denuntiatura...

[242] Polybe, XVIII, 47, 1-2 ; Tite-Live, XXXIII, 34, 3-4.

[243] Polybe, XVIII, 47, 5-6 ; Tite-Live, XXXIII, 34, 5.

[244] Polybe, XVIII, 47, 6 ; Tite-Live, XXXIII, 34, 6.

[245] Polybe, XVIII, 47, 7-8 ; Tite-Live, XXXIII, 34, 6-7.

[246] Polybe, XVIII, 47, 7-8 ; Tite-Live, XXXIII, 34, 7-8.

[247] Polybe, XVIII, 47, 9-10 ; Tite-Live, XXXIII, 34, 8.

[248] Polybe, XVIII, 47, 8-9 ; Tite-Live, XXXIII, 34, 8.

[249] Polybe, XVIII, 47, 10 ; Tite-Live, XXXIII, 34, 9-10.

[250] Polybe, XVIII, 47, 6 ; Tite-Live, XXXIII, 34, 6.

[251] Polybe, XVIII, 47, 12 ; Tite-Live, XXXIII, 34, 11.

[252] Polybe, XVIII, 47, 13 ; Tite-Live, XXXIII, 34, 12.

[253] Polybe, XVIII, 47, 10 ; Tite-Live, XXXIII, 34, 10.

[254] Polybe, XVIII, 47, 11. ; Tite-Live, XXXIII, 34, 10-11.

[255] Flamininus, XII, 5.

[256] I. G., IX, 2, 338. — La lettre n’est pas datée avec précision ; elle peut se placer soit en 196, soit en 194.

[257] Polybe, XVIII, 48, 1-3 ; Tite-Live, XXXIII, 35, 1-2 ; Plutarque, Flamininus, XII, 1.

[258] Polybe, XVIII, 48, 4-5 ; Tite-Live, XXXIII, 35, 3-6.

[259] Polybe, XVIII, 48, 9 ; Tite-Live, XXXIII, 35, 8-12.

[260] Polybe, XVIII, 44, 2 ; Tite-Live, XXXIII, 30, 1-2.

[261] Tite-Live, XXXIII, 38, 1.

[262] Appien, Guerres syriennes, II ; Diodore, XXIX, 7 ; cf. l’inscription de Lampsaque, Athen. Mittheil., VI, 1881, p. 96 et suiv. ; Dittenberger, Sylloge, 2e édit., n° 276.

[263] Polybe, XVIII, 47, 1-4 ; Tite-Live, XXXIII, 34, 1-4 ; Appien, Guerres syriennes, II.

[264] Tite-Live, XXXIII, 38, 4-5.

[265] Tite-Live, XXXIII, 38, 8 et suiv.

[266] Polybe, XVIII, 49, 3 ; Tite-Live, XXXIII, 39, 1.

[267] Polybe, XVIII, 50, 1 ; Tite-Live, XXXIII, 39, 2.

[268] Polybe, XVIII, 50, 4-9 ; Tite-Live, XXXIII, 39, 3-4.

[269] Polybe, XVIII, 51, 1-3. Tite-Live, XXXIII, 40, 1-3.

[270] Tite-Live, XXXIII, 44, 5.

[271] Tite-Live, XXXIII, 44, 6-7.

[272] Tite-Live, XXXIII, 44, 7.

[273] Tite-Live, XXXIII, 44, 8.

[274] Tite-Live, XXXIII, 44, 9.

[275] Tite-Live, XXXIII, 45, 2.

[276] Tite-Live, XXXIII, 45, 3.

[277] Tite-Live, XXXIII, 45, 3.

[278] Tite-Live, XXXIII, 44, 5.

[279] Tite-Live, XXXIII, 43, 6.

[280] Tite-Live, XXXIV, 22, 5-6.

[281] Tite-Live, XXXIV, 22, 6.

[282] Tite-Live, XXXIV, 22, 6.

[283] Tite-Live, XXXIV, 22, 12-13.

[284] Tite-Live, XXXIV, 23, 5-11.

[285] Tite-Live, XXXIV, 24, 2-4.

[286] Tite-Live, XXXIV, 24, 5.

[287] Tite-Live, XXXIV, 24, 7.

[288] Tite-Live, XXXIV, 25, 3-4 ; Zonaras, Annal., IX, 17.

[289] Tite-Live, XXXIV, 25, 5.

[290] Tite-Live, XXXIV, 26, 5.

[291] Tite-Live, XXXIV, 26, 5.

[292] Tite-Live, XXXIV, 26, 6-7.

[293] Tite-Live, XXXIV, 26, 9.

[294] Tite-Live, XXXIV, 26, 11 ; 29, 1 et suiv.

[295] Tite-Live, XXXIV, 29, 14 ; Zonaras, Annal, IX, 18.

[296] Tite-Live, XXXIV, 30, 4.

[297] Tite-Live, XXXIV, 30, 5.

[298] Tite-Live, XXXIV, 31, 1-5.

[299] Tite-Live, XXXIV, 31, 7-10.

[300] Tite-Live, XXXIV, 32, 11-13.

[301] Tite-Live, XXXIV, 32.

[302] Tite-Live, XXXIV, 33, 1-2.

[303] Tite-Live, XXXIV, 33, 3.

[304] Tite-Live, XXXIV, 33, 5.

[305] Tite-Live, XXXIV, 33, 6-9.

[306] Tite-Live, XXXIV, 33, 14.

[307] Tite-Live, XXXIV, 34, 1.

[308] Tite-Live, XXXIV, 34, 2-8.

[309] Tite-Live, XXXIV, 34, 9.

[310] Tite-Live, XXXIV, 35, 1.

[311] Tite-Live, XXXIV, 35, 1-11.

[312] Tite-Live, XXXIV, 37, 5 ; Zonaras, Annal., IX, 18.

[313] Tite-Live, XXXIV, 38-39.

[314] Tite-Live, XXXIV, 40, 1-4.

[315] Tite-Live, XXXIV, 33,14 ; Plutarque, Flamininus, XIII, 1.

[316] Tite-Live, XXXIV, 41, 1-4 ; Plutarque, Flamininus, XII, 3.

[317] Tite-Live, XXXIV, 41, 2-3.

[318] Tite-Live, XXXIV, 41, 4-7.

[319] Tite-Live, XXXIV, 41, 7.

[320] Tite-Live, XXXIV, 23, 8-10.

[321] Plutarque, Flamininus, X, 1.

[322] Tite-Live, XXXIV, 41, 5-7.

[323] Tite-Live, XXXIV, 41, 4.

[324] Tite-Live, XXXIV, 43, 1-2.

[325] Tite-Live, XXXIV, 43, 3.

[326] Tite-Live, XXXIV, 43, 3.

[327] Tite-Live, XXXIV, 43, 4-6.

[328] Tite-Live, XXXIV, 43, 8.

[329] Tite-Live, XXXIV, 48, 2.

[330] Tite-Live, XXXIV, 48, 3.

[331] Tite-Live, XXXIV, 48, 4-5.

[332] Tite-Live, XXXIV, 49, 1-4 ; Plutarque, Flamininus, XIII, 2.

[333] Tite-Live, XXXIV, 49, 5.

[334] Tite-Live, XXXIV, 50, 1-2.

[335] Tite-Live, XXXIV, 49, 7-11 ; Zonaras, Annal., IX, 18.

[336] Tite-Live, XXXIV, 50, 3 ; Plutarque, Flamininus, XIII, 3-5.

[337] Tite-Live, XXXIV, 50, 6.

[338] Tite-Live, XXXIV, 50, 8.

[339] Tite-Live, XXXIV, 50, 9.

[340] Tite-Live, XXXIV, 50, 10.

[341] Tite-Live, XXXIV, 50, 10-11.

[342] Tite-Live, XXXIV, 51, 1 ; Plutarque, Flamininus, XII, 2 ; Zonaras, Annal., IX, 18.

[343] Tite-Live, XXXIV, 51, 2-3.

[344] Tite-Live, XXXIV, 51, 3-4.

[345] Tite-Live, XXXIV, 51, 4-6. — Cf. le sénatus-consulte de Narthakion, I. G., IX, 2, n° 89.

[346] Tite-Live, XXXIV, 52, 1.

[347] Tite-Live, XXXIV, 52, 2.

[348] Tite-Live, XXXI, 7, 1-15.

[349] Abrégé hist. Philipp., XXX, 3, 1-3.

[350] Hist. Rom., I, 23, 2-3.

[351] Tite-Live, XXXII, 7, 10.

[352] Flamininus, II, 3.

[353] Plutarque, Parallèle de Philopœmen et Flamininus, II, 6.

[354] Flamininus, XVII, 3.

[355] Polybe, XVIII, 7, 3-6 ; Plutarque, Flamininus, XVII, 5.

[356] Flamininus, XIII, 1.

[357] Cicéron, De Senectut., I, 1.

[358] Flamininus, 1, 3.

[359] Flamininus, XX, 1.

[360] Tite-Live, XXXVI, 31-32 ; Flamininus, XVII, 4.

[361] Tite-Live, XXXIV, 33, 14 ; Flamininus, XIII, 1.

[362] Tite-Live, XXXIII, 31, 10-11.

[363] Flamininus, II, 5.