LA SAINTE FAMILLE

 

CINQUIÈME PARTIE. — DEUX COMMIS-VOYAGEURS EN MENSONGES ECCLÉSIASTIQUES

 

 

I. — CARTAPHILUS

I. — CARTAPHILUS, LE PORTIER DU PRÉTOIRE, CHARGÉ D'AVOIR VU ANANIAS BAPTISANT APRÈS LA CRUCIFIXION DE SON ASSASSIN.

On arriva ainsi jusqu'à la fin du Moyen-âge, sans pouvoir exhiber une seule synagogue où l'on ne sût pas que dans Jésus il y avait Barabbas, dans l'homme-dieu, l'assassin d'Ananias et de Zaphira. L'Église résolut d'inventer un Juif qui eût connu personnellement Jésus, et un Romain qui eût vu Ananias vivant et baptisant après la crucifixion de son meurtrier.

Ceux-là sont Ashavérus ou le Juif errant, et Cartaphilus, portier du prétoire de Pilatus à Jérusalem.

L'Histoire de Cartaphilus est-elle antérieure ou postérieure à celle du Juif errant ? Il n'importe.

Dès le commencement du XIIIe siècle, un archevêque arménien colportait la fable de Cartaphilus en Angleterre et en Allemagne. Mathieu Pâris, moine de Saint-Alban[1], dit avoir vu cet arménien, qui ne devait peut-être son archiépiscopat qu'à son imagination, à laquelle il devait aussi ce Cartaphilus, dont le nom semble emprunté au jeu de tarot.

Cartaphilus, naturellement, s'était fort mal conduit envers Jésus, mais il l'avait vu, et de si près, qu'il lui avait donné un grand coup de poing dans le dos, pour le pousser plus vite hors du prétoire, lorsqu'on le conduisait à la mort. Et il lui avait dit : Va donc, Jésus, — il n'ajoute pas de Nazareth, ce qui est un grand tort —, va plus vite ! Pourquoi es-tu si lent ? Il semble ici que le Juif de rapport fût moins pressé qu'on ne dit de donner son corps et son sang pour le salut du monde. Fn tout cas, il avait répondu : Moi, je vais ; mais toi, tu attendras jusqu'à ce que je revienne !

C'est le mot de Jésus dans le Mahazeh de Cérinthe, lorsqu'il emmène Pierre avec lui dans le ciel, en 803. Voyant Pierre ennuyé de passer avant son frère aîné, qui reste en état de vagabondage sur la terre, où Apollonius lui donne une si terrible chasse, Jésus lui dit : S'il me convient qu'il reste sur la terre jusqu'à ce que je vienne, que t'importe ? Ce mot a toutes sortes d'inconvénients, notamment de nous montrer Simon la Pierre allant au ciel avant son frère aîné, quoiqu'il n'ait été crucifié que quatorze ans après lui ! L'archevêque arménien pare le coup dans une certaine mesure, en mettant le mot dans la bouche de Jésus, le jour même de sa crucifixion.

Le mot entendu (un ordre !), Cartaphilus part de Jérusalem, laissant à un autre le soin de tirer le cordon. Et dès ce moment, il a oublié que le dos du Juif de rapport fût celui d'un homme condamné pour avoir assassiné Ananias et sa femme 1 Tel Saül, converti post mortem dans les Actes des Apôtres, il va se faire baptiser par Ananias lui-même[2], donnant à croire ainsi que ce malheureux n'était pas au nombre des personnes égorgées par l'homme-dieu. Après quoi, il prend le nom de Ioseph, montrant par là qu'il connaît l'étymologie de ce nom ichtyologique. Ensuite, il se retire en Arménie, où il étonne l'archevêque par l'étendue de ses vertus, et surtout par la sincérité de son témoignage.

On comprend que cet archevêque préférât la société de cet ancien concierge à celle de tous les Arméniens. A eux deux, ils mentaient comme un pape !

Que dis-je ? Ils font de l'Écriture Sainte, et de la meilleure ! Ils confirment celle où Jésus dit au Ioannès, qui confesse avoir empêché un baptiseur anonyme de continuer ses prouesses : Ne l'en empêchez point ! comme s'il en était encore temps ![3] Et ils permettent à Simon dit la Pierre de prendre sur lui, par piété fraternelle, dans les Actes des Apôtres[4], l'assassinat d'Ananias et de Zaphira, présenté, là aussi, comme postérieur à la crucifixion du véritable meurtrier.

Cartaphilus, quoiqu'attaché à l'Église arménienne, ressemble beaucoup plus au portier du Vatican qu'à celui du prétoire.

 

II. — ASHAVÉRUS LE JUIF ERRANT

I. — ASHAVÉRUS, LE SEUL HOMME QUI AIT CONNU LE CHARPENTIER JÉSUS.

Vous avez pu remarquer que dans aucun Vaurien de l'Étranger (pas plus d'ailleurs que dans le Talmud), le papas Iehoudda et son fils aîné ne travaillaient de leurs mains, comme ils l'auraient fait, s'ils eussent exercé le métier de charpentier. Ashavérus est le Juif qui a vu ce spectacle attendrissant. C'est le seul.

Sa fable est fort ancienne, et, si on la possédait dans la version primitive, on en tirerait des renseignements précieux. C'est un travail de pape, qui fait Ashavérus complice de toute la mystification ecclésiastique, et le plus redoutable de tous par ses airs naïfs. Car ce qu'il se propose surtout, c'est de créer, contre le Talmud et les Vaurien de l'Étranger, une atmosphère favorable aux personnages présentés dans les Toledoth canoniques sous les noms de Joseph, de Marie et de Jésus. Nous ne l'appellerons donc pas Ashavérus, mais Ashafalsus.

a. — L'état-civil d'Ashafalsus le Charpentier

Dans la version que je suis, Ashafalsus est charpentier, après avoir été cordonnier. Dans d'autres, il n'est que cordonnier, par analogie avec le Ioannès, Corroyeur de la ceinture en cuir de chameau.

Ashafalsus a, selon lui, dix-sept-cent-cinquante années en 1760, qui est la date de l'édition dont je me sers[5]. Il est de la tribu de Nephtali, citée dans les Toledoth du canon comme ayant été émerveillée des miracles de Jésus. Il est né 3992 ans après la création du monde, trois ans avant qu'Hérode fît mourir ses deux fils, Alexandre et Aristobule, par ordre d'Auguste[6]. Au fond, il dit être né en 740 de Rome, et fait naître le Juif de rapport en 750, onze ans après la date réelle (6 janvier 739). On voit à quel chronologiste nous avons affaire, et quel historien il nous ménage ! Car il dit que son père était charpentier.

 

II. — UN MÉNAGE D'OUVRIERS.

a. — Joseph le Charpentier et Marie. Naissance de leur fils unique à Bethléhem

Il avait dix ans lorsque trois rois mages sont venus à Jérusalem, allant ensuite à Bethlehem pour voir l'enfant qui y devait naître. Il les a suivis, entrant dans une étable : il a vu la mère, le père et le nouveau-né. De retour à Jérusalem, il a appris de son père, charpentier de son état, que le père de l'enfant s'appelait Joseph et était également charpentier, car, le père d'Ashafalsus ne craint pas de le dire, Joseph et Marie étaient obligés tous les deux de travailler pour gagner leur pauvre petite vie. C'étaient des gens bien intéressants, allez !

b. — Jésus sauvé du Massacre des innocents

Ashafalsus a parfaitement su qu'Hérode avait donné ordre d'égorger les enfants au-dessous de trois ans, et qu'à cette nouvelle les parents du nouveau-né s'étaient enfuis en Egypte. Et comment aurait-il pu l'ignorer ? il a eu un petit frère de deux ans, égorgé dans ces conditions ![7]

Ah ! cet Hérode, quel monstre !

c. — Saint-Jean-Baptiste sauvé aussi : quelle chance !

Ashafalsus a bien connu Élisabeth : c'était, si vous voulez le savoir, la cousine de Marie et la mère de Saint-Jean-Baptiste. Elle a réussi à sauver son fils du Massacre des innocents.

Mais son mari, Zacharie[8], qu'Ashafalsus a bien connu aussi, s'étant sauvé dans le temple de Salomon et n'ayant pas voulu dire où étaient sa femme et son fils, fut incontinent massacré : son sang rejaillit sur l'autel et n'a jamais pu être effacé[9].

d. — Le voyage en Égypte

Ashafalsus conte à sa manière divers traits de l'Évangile de l'Enfance, qui, dans cet écrit, se passent pendant le voyage en Egypte. Mais il convient ne les avoir appris qu'après la mort de Jésus. Au nombre de ces histoires est celle du palmier-dattier dont Marie mange les fruits, et qui provient de Mahomet, avec cette différence que celui-ci, dans le Coran, attribue au fruit la grossesse même de Marie. Cependant Ashafalsus y ajoute un détail qui surprendra les amateurs : La datte, dit-il, est un fruit à peu près comme les citrons, mais un peu plus grand, approchant du goût des oranges. Sainte ignorance, qui garantit la sincérité de tout le reste !

e. — Vie cachée d'Élisabeth, veuve de Zacharie, avec S.-Jean-Baptiste, pendant la vie publique de Joseph, de Marie et de Jésus à Nazareth

Hérode mort, Elisabeth sort de sa cachette avec son fils, et rentre chez elle. Ashafalsus était là, quand elle s'est évanouie en apprenant la mort de son mari. Saint-Joseph et la Sainte-Vierge sont revenus peu de temps après, non pas à Jérusalem, Ashafalsus l'avoue, mais en une petite ville fort proche, Nazareth, dont il atteste ainsi l'existence au temps d'Hérode. Ils venaient souvent au Temple : que de fois Ashafalsus y a vu Jésus dans les bras de sa mère ![10] Il ne serait donc pas juste, n'est-ce pas ? de dire que Zacharie et Joseph sont le même homme, puisque l'un a été massacré à la suite des Innocents, tandis que l'autre ; revenu d'Égypte, se montrait à chaque instant dans le Temple !

f. — Une réponse à la bisaiguë

Son père ayant entrepris une bâtisse avec Joseph, Ashafalsus a travaillé avec eux, et avec Jésus qui avait appris le métier : que de fois ils ont parlé, bu et mangé ensemble ! C'était un vrai compagnonnage ! Et quant à Marie, ma foi ! c'était vraiment quelque chose dans le genre de la Mère des compagnons ! Dans un de ces moments de franche expansion, il a entendu son père demander à Joseph s'il n'était pas ce même charpentier qui avait reçu la visite des trois Rois, lors de la naissance de son fils : mais, dit Ashafalsus avec humilité, Saint-Joseph fit une réponse si subtile, que mon père et moi n'y pûmes rien comprendre. Il y avait de l'évangéliste dans cet entrepreneur, et de l'entrepreneur dans cet évangéliste !

g. — Mœurs de Joseph et portrait de Marie

Au demeurant, la nature de Joseph le poussait à être continuellement au travail : il avait toujours quelque chose à faire, à cause que c'était un très honnête homme, et qui était aimé d'un chacun. Quant à Marie, Ashafalsus se la rappelle fort bien, comme de tout le reste, et le portrait qu'il en trace est éminemment propre à flatter les femmes du pays de Nuremberg, où se fabriquent les poupées, et de celui de Bruges, où il s'est arrêté pour faire imprimer son récit : Sa taille était de raisonnable grandeur, son visage rond, blanc, les joues un peu rouges ; elle était habillée comme une bourgeoise, fort modestement.

h. — Mort de Joseph dans les bras de Marie et de Jésus

Très peu de temps après la disparition de Zacharie, Joseph est mort, non pas tragiquement et dans le Temple, comme le papas Iehoudda, mais de maladie, entre les bras de Marie et de Jésus, qui l'ont fait honorablement enterrer, — tant il s'en faut qu'il ait été pendant trois jours exposé sans sépulture, et que le Juif de rapport fût tenu par son naziréat de ne s'approcher d'un mort sous aucun prétexte, ce mort fût-il son père ! — Après quoi, Jésus lui-même a disparu jusqu'à l'âge de trente ans.

 

III. — SAINT-JEAN-BAPTISTE ET JÉSUS AU JOURDAIN.

Ashafalsus était marié depuis six ans, avec une femme de la tribu de Benjamin, et il en avait déjà trois enfants, lorsque Saint-Jean-Baptiste vint prêcher au Jourdain. Beaucoup se laissèrent baptiser par lui. Il avait en la main une écaille de tortue, avec laquelle il leur versait de l'eau sur la tête.

a. — Baptême de Jésus par Saint-Jean devant dix mille témoins, outre Ashafalsus et sa femme

Ashafalsus est venu, par curiosité, dit-il, donnant à croire par là qu'il faisait alors quelques réserves sur la valeur du sacrement. Mais le vrai motif de sa venue est celui-ci :

Il a vu Jésus se faire baptiser, au milieu d'une grande affluence de peuples, et il y eut bien dix mille personnes qui imitèrent son exemple : par conséquent, dix mille témoins, outre Ashafalsus et sa femme, que Jésus a existé en dehors du Baptiseur. Allez donc dire après cela que Notre Seigneur Jésus-Christ fait corps avec Saint-Jean-Baptiste !

La femme d'Ashafalsus voulait, elle aussi, se faire baptiser, mais il ne voulut point. Et, dit-il, il s'en est bien repenti !

b. — Décapitation de Saint-Jean-Baptiste. Danse macabre de la tête de Salomé

Parmi les choses qui tiennent le plus de place dans la mémoire d'Ashafalsus, il y a la décapitation de Saint-Jean-Baptiste. Ce fut affreux I Sitôt qu' Hérodiade vit la tête dans le plat (un beau plat d'argent), elle la prit par les cheveux, lui ouvrit la bouche, prit la langue, et lui donna plus de cent coups d'épingle, en lui disant : A présent vous ne me corrigerez plus ! C'était en hiver. Et comme le décor des Flandres en cette saison agit puissamment sur l'imagination d'Ashafalsus, il y eut sur le lac de Génésareth une fête de patinage où périt la fille d'Hérodiade : la glace se fendit, puis, se rejoignant, coupa la tête de la méchante ; et cette tête, spectacle macabre, dansa bien pendant une heure, juste le temps qu'avait duré la danse dans la salle du festin ! Ashafalsus n'a pas pu ne pas savoir que, l'année des baptêmes, Hérode Antipas avait perdu une bataille contre le roi des Arabes, son beau-père de la veille, mais Saint-Jean-Baptiste n'y a été pour rien, puisque sa tête était devenue la propriété d'Hérodiade avant que la bataille fût donnée !

c. — Jésus prend la suite des affaires. Ashafalsus a sa part des cinq pains et des deux poissons

Saint-Jean-Baptiste ne fut pas plutôt mort que Jésus vint prendre sa place : Moi-même, dit Ashafalsus, j'ai été à sa prédication plus de trente fois et il est étonnant qu'elle ne l'ait pas converti. Néanmoins, habile à profiter des occasions, il a mangé des cinq pains, et de ces deux poissons qui furent un si grand miracle. Car moi seul, dit-il, j'avais bien la valeur d'un poisson ! Retenez ce trait, il explique toute la vie d'Ashafalsus après la mort de Jésus.

d. — Ashafalsus assiste à l'arrestation de Jésus au jardin de Gethsémani, et voit dépendre le corps de Juda Iscariote, crevé par le milieu[11]

Mais voici le temps- où les prêtres de la Loi forment le dessein de prendre Jésus pour le faire périr. Et voici, par conséquent, le traître Juda de Kérioth et ses trente deniers. Il s'en faut de peu qu'Ashafalsus les lui ait vu compter ! Car il n'a jamais entendu dire que le Juif de rapport eût été arrêté à Lydda. De telles aberrations sont bonnes pour le Talmud ou les Apparition du Vaurien de l'étranger ! Bien au contraire, Ashafalsus était dans le jardin de Gethsémani avec sa lanterne, quand on a arrêté Jésus, et il est tombé à la renverse, comme les autres, si bien que sa lanterne s'est rompue en cent morceaux ! Pour ce qui est de Juda Kériothis, il s'est pendu, et ses boyaux lui sont sortis du ventre : Ashafalsus l'a vu en cet état.

C'est la raison pour laquelle Ashafalsus a été inventé. Il est chargé d'avoir su et vu que Juda, fils de Zacharie ou du papas (c'est tout un) dans les Vaurien de l'étranger, n'est nullement le crucifié réel, révolté contre son ombre, mais Juda de Kérioth : Je vous conterai sa généalogie, dit-il (son toledoth). Mais, chose qui ne surprendra aucun lecteur du Mensonge chrétien, ce toledoth, à part les déformations voulues par Ashafalsus, n'est autre que celui du Juda bar-Abba qui est devenu Jésus !

 

IV. — LA VIE DE JUDA BAR-ABBA MISE SOUS LE NOM DE JUDA ISCARIOTE

Vous n'ignorez pas non plus que, pour blanchir l'inventeur du baptême devant la semence de bétail, les rabbins évangélistes ont rejeté sur Juda Kériothis toute la charge d'infamie qui pesait sur son homonyme de Gamala.

Et le malheureux en est resté à jamais écrasé !

Tout ce qu'Ashafalsus va dire maintenant de Juda Kériothis, c'est ce qu'un goy renseigné, comme Tacite, pensait du Juda bar-Abba qui avait fini ses jours sur la croix. A ceux donc qui auraient pu apprendre par le Talmud et les Vaurien de l'étranger le nom de circoncision du crucifié, il fallait pouvoir répondre : Vous vous trompez, le Juda qui fut auteur de l'Apocalypse de l'Even-guilayon, prétendant à la couronne universelle, voleur, assassin et le reste, c'est Juda de Kérioth. C'était en effet une infecte canaille, qu'ont bien connue les Juifs de son temps. Et tenez, voici Ashafalsus qui va vous conter son histoire !

a. — Le papas Jardinier. Son père était sorti de la tribu de Ruben...

Simon Kériothis était, au contraire, de la tribu de Dan. C'est Juda le Gamaléen qui, tout en étant de la tribu de Juda, habitait presque sur les terres dévolues jadis à Ruben, et qui sont au-delà du Jourdain.

Il était Jardinier, il vendait de la terre et des arbres.

C'est le papas Juda de Gamala qui était dit le Jardinier, et sa femme la Jardinière[12] : ils vendaient (et quel prix !) une terre et des arbres que leur fils, le Jardinier promis de la Terre promise, n'a pu livrer à leurs clients, à moins que ceux-ci ne le tiennent quitte par égard pour son chou.

Juda était leur dernier enfant.

C'est le contraire, il était le premier-né. C'est pourquoi il reçut en circoncision le nom de son père.

Et c'est également pourquoi il est dit ici le dernier-né : par ce moyen, son père peut s'appeler Simon, comme celui de Juda Kériothis.

b. — Le songe de la mère de Juda pendant sa gestation

Sa mère fit ce songe pendant sa gestation : son enfant, un fils, naissait ayant à la main une couronne qu'il jetait à terre et brisait avec ses pieds, — c'est la couronne de David, manifestement insuffisante à qui doit ceindre la couronne universelle — ; il tuait son père, — Satan, père temporel de tous les Juifs, comme Jésus le leur dit à eux-mêmes dans le Mahazeh de Cérinthe.

Il s'en allait ensuite au Temple, — pour en prendre possession, étant né Grand-prêtre selon l'ordre de Melchisédec —. Il en brisait les ornements, volant tout ce qui était de quelque valeur, — comme le fils du papas avait promis à ses partisans de le faire à la Grande Pâque.

La mère ayant demandé à son mari la signification de ce songe, — un de ceux que Joseph avait la spécialité d'expliquer aux Pharaons —, il fut répondu au mari (par l'Even-guilayon) qu'il aurait un fils qui tuerait un Roi et son père, et aurait une grande passion pour amasser de l'argent, à tel effet qu'il ferait toutes les méchancetés imaginables.

Grands dieux Mais voici Barabbas lui-même, le Juif adoré par trois cent soixante millions d'êtres pensants ! Et voici l'Apocalypse de l'Even-guilayon ! Le fils du papas devait tuer Auguste, l'Empereur dont le nom est un nombre, ou son successeur, quelqu'il fût. Il devait tuer ensuite son Père temporel, Satan, image du Temps. Enfin, vous savez quelles richesses, outre le trésor du Temple, il devait, Père du butin, emmagasiner dans Jérusalem-Nazireth !

C'est bien pour cette dernière cause, l'argent, qu'il commit tous ses crimes. Ce n'est pas Juda bar-Simon, de Kérioth, qui a été condamné quarante jours avant la pâque, c'est Juda bar-Juda, de Gamala.

c. — Le petit Juda exposé sur le Jourdain comme Moise sur le Nil

Pour prévenir de tels malheurs, le père de Juda fit mettre l'enfant âgé de dix jours dans une cassette (sans le circoncire, par conséquent sans lui donner de nom), et lança la cassette sur le Jourdain, qui se décharge dans la Méditerranée.

Sauf cette particularité, qui appartient au Nil, il arrive à l'enfant la même chose qu'à Moïse, l'Osir-Ziph des Egyptiens : son signe est le Zib.

d. — Il est recueilli par le roi de Candie, qui l'appelle Juda et l'élève à la Cour

La cassette fut poussée par le vent dans l'île de Candie. Le roi de cette île, se promenant avec sa femme, recueillit l'enfant.

Il y a bien une île dans l'histoire de la famille de Juda-bar-Abba, mais ce n'est pas Candie, c'est Chypre. Une partie de la Sainte Famille y demeurait, et c'est à un neveu, Bar-nabi, que Salomé donna celle de ses filles qui, je crois, s'appelait Esther.

Et quand celui-ci eut atteint l'âge de six ans, il lui donna le nom de Juda, parce qu'à ses habillements il reconnut en lui un enfant juif.

Vous voyez le truc d'Ashafalsus pour que l'enfant ne soit pas appelé Juda le jour de sa circoncision, et par homonymie avec son père ! De cette manière, déjà esquissée plus haut, le père de cet enfant peut s'être appelé Simon, comme celui de Juda Kériothis.

Ce qui se passe ensuite à la Cour du Roi de Candie est une terrible déformation de ce fait qu'une partie de la famille de Salomé, notamment Siméon Cléopas, son frère, a partagé l'éducation des fils que Cléopâtre eut d'Hérode : Philippe, tétrarque de Bathanée, et Lysanias, tétrarque de l'Abylène. D'où la haine de Salomé pour la Sota, et son éloignement de son frère Cléopas.

e. — Juda, voleur et assassin dés l'enfance pour qu'on ne puisse retrouver en lui le Juda condamné, à cinquante ans, pour ces deux motifs

Ici, c'est le petit Juda lui-même qui est élevé à la Cour.

Il vole le roi et la reine. Le roi, s'en étant aperçu, le fait fouetter[13] et lui dit : Vous n'êtes pas mon fils, vous n'êtes qu'un enfant trouvé, qu'on a tiré hors de l'eau, et vous n'avez été élevé à la Cour que par charité.

Voyant trompée son ambition de supplanter le fils du roi, Juda le tue d'un grand morceau de bois sur la tête[14].

f. — Le séjour de Juda en Égypte

Après ce beau coup, Juda monte sur une barque et s'enfuit en Egypte, tant il est vrai qu'un Juda, qui voulait être roi, et même Roi des rois, a séjourné en Egypte ! Il ne lui manque que le tatouage à la cuisse.

g. — Juda ne s'aperçoit de sa circoncision et n'étudie la kabbale qu'une fois revenu à Jérusalem

Afin que l'identité de Juda et de Jésus ne s'impose pas, Ashafalsus déclare :

Le Juda en question ici, ignorait être circoncis[15], il ignorait donc pourquoi on l'avait appelé Juda. Il ne s'est aperçu de sa circoncision qu'une fois revenu à Jérusalem, où il s'est mis au service d'un grand seigneur, chez qui il a appris la Loi des Juifs et les coutumes d'Israël.

Par conséquent, on ne viendra pas dire qu'il était le fils du Juda dont Flavius Josèphe parle comme étant de Gamala, puisque lui-même, parvenu à l'âge d'homme, ne connaît ni le nom de son père ni celui de sa mère. On ne dira pas non plus qu'il avait étudié la Kabbale de Ieschoua ben-Péréja, ni que la femme appelée Salomé dans le Talmud, et qui le fait revenir d'Egypte pour l'épouser politiquement, fût sa mère, puisqu'il ne savait même pas être Juif !

Comment a-t-il su qui était son père ?

Par son maître, le grand seigneur. Et comment celui-ci l'a-t-il su ? Parce que son disciple lui a dit s'appeler Juda. Ceci est bien maladroit, Ashafalsus, car si c'est par le nom du fils que le maître a connu le nom du père, c'est qu'il ne s'agit pas du père de Juda Kériothis, qui, lui, s'appelait Simon, et n'était pas Jardinier.

Son maître lui donna de l'argent pour acheter des pommes, et lui indiqua la maison d'un Jardinier, qui en vendait. Le scélérat garda l'argent pour lui[16], monta sur la muraille du jardin, et se mit à voler les pommes. Le Jardinier accourut pour défendre son bien, mais le garnement, ignorant que ce fût son père, le roua de coups, le laissa pour mort, et emporta les pommes.

Triste effet d'un malentendu ! Car il est évident que, si le père eût reconnu son fils, non seulement il lui aurait laissé les pommes, mais le Jardin lui-même !

h. — L'inceste mystique de Juda-bar-Abba avec sa mère, présenté comme charnel, et mis au compte de Juda Iscariote

On nous avait bien dit qu'il tuerait son père, mais on n'avait pas ajouté qu'il devait épouser sa mère ! Rien de plus conforme à l'Even-guilayon cependant !

Sa mère s'étant plainte que Juda l'eût si cruellement privée d'un mari excellent, on le mit en justice, et la sentence fut qu'il devait épouser la veuve. Ainsi il se maria avec sa mère.

C'est ce qui lui serait infailliblement arrivé, s'il avait régné mille ans ! On le condamne selon les Sorts de Ieschoua ben Péréja. Il est donc fâcheux, excessivement fâcheux, qu'il n'attende pas l'heure, et qu'il donne à tous les Juifs de son temps l'exemple de l'inceste pratiqué sans aucune retenue.

Il vécut longtemps avec sa mère, et a été connu sous le nom de Juda Iscarioth.

Ah ! pour cela non ! Il a vécu longtemps avec sa mère (de 760 à 789), et sous le nom de Juda bar-Juda, mais il a été connu pour être de Gamala, et non de Kérioth. Nous sommes même certains que Juda Kériothis n'a pas tué son père Simon, et qu'il n'a pas épousé sa mère, laquelle n'était point veuve en 789, puisque, dans les Toledoth canoniques, celui de Luc, par exemple, Jésus se met à table chez lui, et qu'il y amène sa mère ! Nous ne pouvons donc pas croire Ashafalsus, lorsqu'il ajoute :

i. — Le surnom d'assassin rejeté sur Juda Iscariote

C'est pour avoir tué son père, qu'on lui donna le surnom Iscarioth, qui signifie en notre langue Meurtrier ou Homicide[17].

Nullement, Iscarioth ne veut pas dire meurtrier ; et puis le mot qu'il faudrait, c'est parricide. Celui qui a été Juda le meurtrier, c'est celui qui, condamné en 789 pour avoir assassiné Ananias et Zaphira, est dit Jésus Barabbas, rebelle, assassin et voleur dans les Toledoth canoniques. Kériothis ne fut point meurtrier, mais victime, et victime d'un autre Juda, Simon bar-Juda, frère du crucifié. En outre, Iscarioth n'est pas un surnom, mais le nom de la ville qu'habitait Simon, père de ce Juda-là. C'est précisément ce qu'Ashafalsus ne veut pas, car Kérioth nous oriente vers Lydda, où fut arrêté Juda le Meurtrier. Ashafalsus sait si bien tout cela, qu'il a fait naître Juda Kériothis dans la tribu de Ruben, à cause du Kérioth qui est au-delà du Jourdain.

j. — Le signe de l'un en deux, deux en un, visible à l'un des pieds de Juda

Maintenant, à quel signe la justice a-t-elle pu reconnaître qu'il était le fils de la veuve ? Et à quel signe celle-ci a-t-elle pu reconnaître qu'elle était sa mère, ne l'ayant pas vu depuis l'âge de dix jours ? Enfin comment s'appelait-elle elle-même, cette mère que, pour l'honneur de la Judée, nous voulons croire unique en son genre ?

Voici :

Juda vivant ainsi avec sa mère, il arriva que, comme il ôtait ses bas pour se coucher, sa mère aperçut que les deux doigts du milieu du pied étaient attachés ensemble. Elle poussa un grand cri, disant : Ô Seigneur, je vois que mon songe n'est que trop véritable et qu'il est accompli ! Car tel était le pied de l'enfant que son mari et elle avaient exposé sur le Jourdain.

Ainsi elle reconnut qu'elle était devenue la femme de son fils (un en deux, deux en un), à ces deux doigts du milieu réunis en un ! Voilà où Ashafalsus place l'un en deux, deux en un, dont parlait Juda, fils du papas. Croyons-le, car, pour être aussi bien renseigné, il devait être dans l'alcôve.

k. — Ce qui se voyait à la cuisse de son fils, la mère le voit à la tempe Autre chose :

Ce qui confirma sa mère dans la conviction que c'était son fils, c'est une tache grise qu'il avait à la tempe.

Chose étrange ! La mère ne voit la tache à la tempe qu'après qu'il a ôté ses bas ! Tous les lecteurs du Mensonge chrétien savent que cette tache n'était point à la tête, mais à la cuisse. Ashafalsus montre bien qu'il avait lu le Talmud et les Vaurien de l'Étranger ; il met à la charge de Juda Kériothis une partie, soit des signes, soit des prophéties, soit des vols, soit des meurtres, qui sont au dossier du fils de Salomé.

Juda a volé le roi et la reine de Candie, ses père et mère adoptifs ;

Il a assassiné leur fils ;

Il a volé l'argent de son maître ;

Il a tué son père ;

Il a épousé sa mère et vit publiquement avec elle.

Il est dans les conditions voulues pour ouïr la parole du dieu-charpentier.

l. — Où Juda rejoint Jésus au point de devenir Jésus-Christ lui-même

On conseilla donc à Juda et à sa femme de suivre Jésus. Mais Juda délaissa la femme qui était sa mère[18], et devint un des douze apôtres de Jésus-Christ.

Il devint Jésus-Christ lui-même, mais un siècle après, voilà la vérité, mon cher Ashafalsus, et tu la connais bien ! Juda n'avait point encore épousé sa mère, lorsqu'il a été crucifié. C'est depuis sa mort qu'il est devenu l'Époux de Marie, et qu'il lui fait sept fils, sept démons, dans les Toledoth dont l'Église recommande la lecture aux jeunes filles !

Pour le reste, Ashafalsus n'exagère point. C'est bien un assassin et un voleur qui a été crucifié. C'est bien d'assassins et de voleurs, d'incestueux et de sodomistes, que se composait la bande des sept qu'Ashafalsus porte à douze d'après les Toledoth canoniques, et il nous donne ici une entière preuve que l'honnête Juda Kériothis était non de ceux qui marchent avec de telles gens, mais de ceux qui les font arrêter.

 

V. — RETOUR À LA MYSTIFICATION ECCLÉSIASTIQUE.

a. — Débarrassé du vrai crucifié, Ashafalsus reprend son rôle de compagnon charpentier, ami du charpentier Jésus

Maintenant qu'Ashafalsus a débarrassé le tapis du Juda qui, condamné pour assassinat et vol, a été crucifié dans l'après-midi du 14 nisan 789, il va pouvoir conter la passion de ce même Barabbas, innocent sous le nom de Jésus.

Il feint d'en ignorer tous les préliminaires, le châtiment des partisans de Barabbas dans le Temple notamment. Il a bien soin de ne prendre les choses qu'après les scènes qui se sont passées au prétoire.

Et puis, ayant mis sur le dos de Juda Kériothis une partie de ce qui se rapporte à Barabbas, il ne peut avoir connu deux voleurs et deux assassins illustres, là où Pilatus n'en a jamais vu qu'un. Il ne sait que ce que peut savoir un ouvrier qui ne se mêle point de théologie. Charpentier, fils de charpentier, il ne voit dans Jésus que le compagnon qui finit mal, on se demande encore pourquoi dans le monde des charpentiers. Le bois de la croix est une de ces choses qui touchent le plus le métier, c'est à quoi s'intéresse uniquement Ashafalsus.

b. — Le bois de la vie converti en bois de la croix, et réciproquement

Il en profite pour donner laborieusement le change sur l'origine du surnom de charpentiers, donné à Joseph et à Jésus, pseudonymes du papas Juda et de son fils aîné.

Voici son explication :

Lorsqu'Adam se vit condamné dans Caïn, il envoya Seth, son dernier fils, à l'Ange gardien de l'Eden[19], pour le prier de le laisser encore une fois entrer dans le jardin avant de mourir. L'Ange refusa, mais voyant Seth s'en aller tristement, il le rappela pour lui dire : Voici trois pépins du fruit de l'Arbre défendu[20] ; lorsque votre père sera mort, mettez-les-lui sous la langue, et enterrez-le ainsi. Seth fit comme l'Ange le lui avait dit : à l'endroit où fut enterré Adam, et qu'Ashafalsus, d'après Barabbas, place sur la montagne de Jérusalem, trois grands arbres poussèrent, portant des fruits magnifiques, mais immangeables à cause de leur amertume et de leur aridité sablonneuse[21]. Lorsque David fut maître de Jérusalem, il entoura ces trois arbres de murailles, se bâtit un palais d'où il pouvait les voir, et ayant même cueilli trois pommes[22], il y trouva : dans la première, de la terre ; dans la seconde, Chaschehab (Accepte ceci en amour) ; dans la troisième, toute la Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Antipater, père d'Hérode, ayant fait démolir le palais, l'emplacement fut converti en Guol-golta, endroit destiné à faire mourir les malfaiteurs ; alors les trois arbres furent abattus et déposés près de la muraille du Temple.

Au retour d'Égypte, lorsque Joseph et Jésus se sont établis charpentiers, ils ont eu à scier et à débiter ces trois arbres, pour en faire des sommiers qui devaient servir de soutiens au fondement du Temple. Ashafalsus a vu le père et le fils qui y travaillaient ensemble. Lors du supplice du fils, l'homme-dieu, c'est avec ces trois sommiers, provenant des trois arbres, qui provenaient eux-mêmes des trois pépins mis par Seth sous la langue d'Adam mort, qu'on façonna la croix sur laquelle il fut attaché. Joseph et son fils, lorsqu'ils débitaient ce bois, se doutaient-ils qu'ils étaient les charpentiers de la croix de la résurrection ? Sans nul doute. Et la suite le prouve bien, car, la croix s'étant trouvée placée là où avait été enterré Adam, le précieux sang a arrosé les corps d'Adam et Ève, que le temps avait réduits en poussière. Or, que ne peuvent-ils attendre du principe de l'eau-sang, c'est-à-dire de la chaleur et de l'humidité, répandu sur leurs restes par l'homme qui avait la faculté de convertir l'eau en sang ? C'est la résurrection certaine pour toute la fraction du genre humain qui adore le Juif de rapport !

c. — Où Ashafalsus mérite le nom d'Ashavérus : il traite Jésus de scélérat

Ashafalsus était sur le pas de sa porte, lorsqu'il vit des gens courir en criant : On va crucifier Jésus ![23] Et en effet Jésus s'avançait, portant une croix énorme, et se dirigeant vers la Montagne du Calvaire[24], qui était le lieu où l'on faisait périr les malfaiteurs. Ashafalsus avait son enfant[25] entre ses bras pour lui montrer Jésus, qui, tout en chancelant, s'arrêta devant sa porte et voulut s'y reposer. Mais Ashafalsus dignement : Allez, allez, allez-vous-en de ma porte, je ne veux pas qu'un scélérat se repose là !

Un scélérat ! Ashafalsus ne le lui envoie pas dire I Et il est parfaitement ignoble dans ce rôle, lui qui a eu tout un poisson lors de là Multiplication des pains, et qui l'a encore ! Car il l'a, nous le démontrerons bientôt.

d. — Ashafalsus condamné à être le Juif errant

Jésus ne se troubla pas, il le regarda d'un air triste et lui répondit : Je vais, et je reposerai ![26] Vous marcherez, et ne reposerez pas ! Vous marcherez tant que le monde sera monde, et cela jusqu'au dernier jour du Jugement ! Alors vous nie verrez assis à la droite de mon Père, pour juger les douze tribus des Juifs qui me crucifieront !

Cette malédiction produit immédiatement son effet. Au lieu de goûter le Salem dans une ville toute d'or et de pierreries, Ashafalsus se met à parcourir les quatre bras de la croix, étendue aux quatre points cardinaux, tant que le monde sera monde.

 

VI. — LE JÉSUI-JUIF ERRANT.

a. — Départ d'Ashafalsus

Le Juif errant ! Voilà parti le porte-balle des Quatre Évangiles, le colporteur du Nouveau Testament, le commis-voyageur de la Sainte-Famille de Juda bar-Abba, camouflée à l'usage de l'atelier et de la boutique, le Jésui-juif errant !

Il part, abandonnant sa femme et ses enfants :

Aussitôt que Jésus-Christ fut mort, je jetai la vue sur la ville de Jérusalem pour la voir encore une fois, car j'étais comme contraint de la délaisser.

Ainsi, je commençai mon voyage, et ne savais pas où j'allais : je passai de hautes montagnes. Partout où je vais, je n'y saurais rester...

Il me semble que je suis sur des charbons ardents. Bien qu'assis, mes jambes se remuent. Pour le dormir, je n'en ai pas besoin, car je ne dors jamais.

Après avoir marché quelques jours, je me trouvai en Égypte. De là je m'en allai à Azirut ; c'est l'endroit où les enfants d'Israël passèrent la Mer Rouge à pieds secs.

b. — Ashafalsus va en Amérique et au Japon pour ne pas voir les pâques infanticides dédiées à Barabbas

De l'Azirut, je m'en allai en Amérique. Dans ce pays-là, les gens vont tout nus, hormis qu'ils se couvrent la partie d'une peau de bête sauvage. De là je m'en allai à Malhado.

Quoiqu'Ashafalsus ne s'éloigne des Juifs que pour ne pas voir les sacrifices d'enfants nazirs à Barabbas, son attention n'est frappée que par des monstruosités analogues, mais toutes à la charge des goym.

Là, je vis un père qui écartelait sa fille et en jetait les pièces et morceaux sur les campagnes, que les oiseaux vinrent manger. Et cela était un sacrifice pour les Dieux.

Ah ! ce n'est pas chez les Juifs, prosternés devant un Barabbas à tête d'âne, qu'on pourrait voir de pareilles choses !

De là, je m'en allai au Mexique. Les gens de ce pays adorent Dieu et le Diable : ils adorent Dieu, afin qu'il leur donne toute sorte de prospérité : ils adorent le Diable, afin qu'il ne leur fasse aucun mal[27]. Ils ont encore d'autres Dieux particuliers : ils prennent un homme tout en vie, lui ouvrent le ventre avec un couteau, et lui arrachent le cœur et le sang qui en découle, le mettent dans un pot, et de cela font un pâté qu'ils brûlent. Et voilà le sacrifice des Mexicains.

Ce fut aussi celui des Juifs barabbalâtres, lorsque, prenant leur propre enfant, ils l'enduisaient de pâte, le criblaient de quarante-neuf coups de couteau, et aspiraient son sang par ses blessures au repas de la pâque, afin de se concilier les bonnes grâces du divin crucifié.

Ici les Mexicains ne le mangent pas, ils ressembleraient trop aux premiers adorateurs de Barabbas !

De là, je m'en allai au Japon, où je vis une mère qui tua ses deux enfants, parce qu'elle ne leur pouvait pas donner la subsistance, et ces meurtres sont permis en ces pays-là.

Quand un père et une mère ne peuvent nourrir leurs enfants, et qu'ils n'ont pas le moyen, ils les peuvent tuer.

Jamais la veille de la pâque, en l'honneur du Juif de rapport !

De là, je pris ma route par Cuba et parcourus toute l'Amérique.

c. — Ashafalsus en Afrique. Son cœur affligé par des usages inconnus dans la Sainte-Famille

Je vins en Afrique et en Libye. Là, je vis tout le contraire, car les femmes là sont les maîtres. Elles apprennent toutes sortes d'exercices militaires, tant pour le combat que pour la chasse ; elles vont en campagne pour chercher leurs ennemis, et leurs maris demeurent au logis pour faire leur ménage et garder leurs enfants. Il faut remarquer que ce ne sont que des filles, car, pour les fils, on les tue ; on n'en garde qu'un de chaque famille, car c'est une loi entre elles de tuer tous les mâles. Ainsi elles restent toujours les maîtresses ; elles ont leur reine qui les commande, et quand elles ont atteint l'âge de douze ans, on leur coupe le sein droit, afin qu'elles tirent de l'arc plus aisément, et elles sont appelées Amazones.

Vous avez remarqué les usages des reines des Amazones d'Afrique. Ils sont en harmonie avec ceux des rois de Juda, dont descend le Juif de rapport, si ce n'est que ces doux souverains, naziréant à Dieu leur premier-né et le lui faisant passer dans le feu, ne conservaient que les puînés.

d. — Les Noces de Canarie. La Vierge et son Seigneur

De là, je m'en allai en Canarie. Quand les jeunes hommes se marient, c'est la coutume que la jeune épouse dort la première nuit avec le Prince, pour avoir l'honneur d'être du parentage.

La Vierge doit épouser son Seigneur, consultez plutôt les Noces de Cana, et à leur défaut Saint-Ephrem. Sous le nom de Marie, elle passe à l'exécution dans les Toledoth canoniques (et même dans ton récit, Ashafalsus !) et Jésus lui fait sept fils.

e. — La croix solaire des goym doit disparaître devant la croix patibulaire

De là, je m'en allai au royaume de Barca, où je vis le Temple de Jupiter Ammon. C'est dans ce temple que la statue d'Alexandre le Grand fut posée, pour y être adorée comme une Divinité.

Mais ce n'est pas pour cela qu'Ashafalsus s'arrête là, c'est pour les raisons données par Lucain, et pour constater que, depuis le trépas du Juif de rapport, le tropique du Cancer (les Anes) est toujours à sa place, maintenu par le Bélier.

Quant à Alexandre, s'il est vrai, comme le dit Lucain, qu'il soit venu consulter Jupiter Ammon pour savoir s'il devait tourner ses armes contre l'Occident, il est vrai aussi qu'il ne poursuivit pas son dessein. De son côté, Barabbas a dû renoncer à son plan, qui était de briser la croix solaire et de fixer l'axe du monde à Jérusalem. Mais, qu'importe que l'axe de la croix soit là ou ailleurs ? Il n'y a plus qu'une croix de par Dieu, celle du pauvre charpentier patibulaire. C'est l'instrument du salut universel.

f. — Nouveau déchirement pour Ashafalsus : un meurtre rituel chez les Hottentots

De là, je m'en allai dans le désert de Sahara, où l'on doit bien marcher cent lieues avant qu'on trouve une goutte d'eau.

Mais que lui importe ? Il n'a jamais soif, et vous saurez tout à l'heure le secret de ce privilège.

De là, je vins au pays Aziatanus. Ces gens-là vivent comme des bêtes, on les appelle Ottentots, ils se mangent l'un l'autre, et quand ils font quelques prisonniers, soit de leurs voisins ou autres, ils ont un lieu particulier où ils les mettent ; et on leur donne bien à boire et à manger pour les mieux engraisser. Et puis, quand ils se veulent réjouir, ils mènent leur prisonnier tout couronné de fleurs à un certain lieu qui est destiné pour cela, puis ils se mettent à danser et à chanter ; puis ils découpent ce pauvre misérable tout en vie et le mangent, ils appellent cela leur grande Ducace.

Mon Dieu ! cela ne vaut pas une pâque d'enfant nazir, immolé à Barabbas, dans la Proconsulaire d'Afrique, par des esclaves Juifs. Mais on ne peut tout avoir.

De là, je vins à Monomotapa. Le Prince est là, gardé par des femmes et par des grands chiens qui sont sa garde ordinaire.

g. — Ashafalsus en Éthiopie, où il ne voit pas de Juifs évangélisés et n'entend pas parler du Ioannès baptiseur

De là, je poursuivis mon voyage, et vins en Sangehar[28], Ajan[29], et en Ethiopie, là où ils apprennent la Loi juive, qui y fut apportée par la Reine de Saba. Ce pays est tout rempli de serpents et couleuvres, d'une si prodigieuse grandeur qu'il s'en trouve de la grosseur de la jambe, et toutes velues, de trente à quarante pieds de long.

On préférerait quelques détails sur l'origine du Prêtre Jean, nom sous lequel les Éthiopiens, évangélisés par les Juifs barabbalâtres, ont longtemps désigné le Ioannès qui a inventé le baptême de rémission[30].

Et comment se fait-il qu'Ashafalsus ne s'installe pas chez le trésorier de la reine Candace, baptisé par Philippe sur la route de Gaza, lorsqu'il retournait en Éthiopie, le lendemain de la faillite du Royaume ?

h. — Pierre et Paul martyrisés anonymement sous les yeux d'Ashafalsus

De là, je vins en Italie, et à Rome où il y avait déjà beaucoup de chrétiens, que je vis martyriser pour la Foi.

Évidemment il a assisté à la crucifixion de Siméon dit Pierre et à la décapitation de Saül dit Paul. Il avait déjà presque assisté à la décapitation de Saint-Jean-Baptiste. Il me semble qu'à sa place, je serais resté jusqu'à la seconde mort de Barabbas ![31]

i. — L'île des incestes

Ensuite, je vins à Samagotte[32], là où le fils se marie avec sa mère, quand le père est mort[33], et la fille avec son père, le frère avec sa sœur, selon la coutume du pays.

Inutile de dire qu'Ashafalsus n'a pas vu cela chez les barabbalâtres, quoique beaucoup d'autres témoins, même d'Église, l'y ait vu.

j. Ashafalsus vient mentir en Russie

Après avoir vu tout cela, je vins en Moscovie. Ils brûlent les corps morts ; dans le même endroit où il y a eu un corps brûlé, ils y apportent tous les jours à boire et à manger pour donner quelque rafraîchissement à l'âme du défunt.

k. — En Allemagne

De là, je passai une rivière qu'on appelle le Rhin, et j'aperçus une petite ville qu'on nomme Cologne. Là je vis la statue d'un grand homme qui était d'argent massif, qui est une de leurs principales Divinités. il y venait des pèlerins de tous les endroits, et cela par mille et mille, et ils appelaient cette statue Teutis.

Thoth, Teutatès. Point de Tharthak en ces lieux adonnés au plus vil paganisme ! Et le four de la synagogue évangélisée de Worms ? Nous n'allons donc pas lui faire une petite visite ?

l. — En Gaule Belgique.

De là, je passai la Meuse. Je vis une grande ville qu'on appelle Tongres ; elle a trois lieues en rondeur, dans laquelle il y avait quatre Rois qui gouvernaient chacun une partie de la ville, et ces rois payaient tribut à l'Empereur.

De là, je passai par Bavay, qui est aussi une très grande ville, où il y a un des plus beaux palais de l'Europe. C'est le lieu où l'Empereur Tibère[34] faisait sa demeure. Cette ville a douze lieues de rondeur, et était pleine de différents peuples ; il s'y faisait un grand négoce de tout ce qu'on pouvait s'imaginer.

Du bois de la croix peut-être ?

m. — En France

Je passai par la France et vins à Marseille, où je m'embarquai sur un vaisseau et vins en Asie.

n. — Ashafalsus passe en Judée le centenaire de la crucifixion du compagnon Jésus

Poursuivant mon chemin, je vins encore une fois en Judée, et je ne trouvai plus ni parents, ni amis ; car il y avait déjà cent ans passés que je ne faisais, que me promener, et j'avais un chagrin mortel de vivre si longtemps :

Surtout pour ne rien voir, pas même la faillite de Bar-kochev !

 

VII. — L'IMMORTALITÉ DU MENSONGE.

Je délaissai encore une fois Jérusalem, puisqu'il n'y avait plus personne qui me connaissait, avec intention de me mettre dans tous les périls imaginables pour y perdre la vie ; car j'avais un mortel ennui de vivre si longtemps ! Mais, tout ce que je fis fut peine perdue, parce que la parole de Dieu devait être accomplie.

Dieu, c'est le charpentier Jésus, qualifié de scélérat plus haut par l'auteur même du Juif errant, un vrai connaisseur.

a. — Ashafalsus ment en Asie

De là, je vins en Asie, où je traversai plusieurs pays et villes. J'avais déjà bien voyagé des années en ce temps-là, car j'y trouvai bien du changement.

Mais ce qui dut lui faire plaisir, c'est de rencontrer Cartaphilus en Arménie !

b. — Il vient mentir de nouveau en Europe

Après avoir traversé bien du pays, je vins en Europe et en Libanie[35] où je vis un jeune homme se pendre. La raison de cela était qu'il avait commis un meurtre, et pour cela il se devait pendre lui-même, c'est la coutume ordinaire du pays.

Oh ! qu'est-ce que cela ? N'avons-nous pas vu dans l'Apparition du Vaurien de l'étranger, le mort qui se dépend lui-même, après avoir payé sa dette à la société ?

Touchant mes habillements, bas et souliers, je n'en ai pas besoin, parce qu'ils ne s'usent jamais.

Je me suis trouvé à plusieurs batailles et, y ai reçu plus de mille coups d'épée et d'arquebusade, sans pouvoir être blessé, et suis invulnérable. Mon corps est dur comme une roche, toutes les armes que l'on peut imaginer ne me sauraient nuire. J'ai été sur mer, et plusieurs fois j'ai fait naufrage[36], je suis sur l'eau comme une plume, et je ne me saurais noyer[37]. Pour le boire et le manger, je m'en passe fort bien. Je n'ai jamais de maladies, et ne peux pas mourir[38].

J'ai déjà parcouru le monde quatre fois, et j'ai vu de grands changements partout, des pays ruinés, des villes bouleversées ; et je serais trop long à vous tout raconter.

Enfin, puisque je me dois promener, tant que le monde sera monde, je m'en vais encore me mettre en marche selon que la fantaisie m'en prendra, en disant : Messieurs et toute la compagnie, je suis votre très humble serviteur.

 

VIII. — LES CINQ SOUS DU JUIF ERRANT.

Quand le Juif Errant eut fini son histoire, il se leva pour s'en aller ; mais l'évêque lui dit de rester encore un peu, lui présenta de l'argent[39] pour faire son voyage ; mais le Juif lui répondit qu'il n'en avait pas besoin, disant qu'il avait toujours cinq sols dans sa poche. Et, faisant une profonde révérence à toute la compagnie, il se remit en marche pour la cinquième fois.

L'argent, il n'est pas encore arrivé qu'Ashafalsus en eût besoin, non plus que de vêtements et de souliers. Le secret de ce privilège ? Les cinq sous qu'il a dans sa poche ! Ces cinq sous, nous les connaissons depuis :

Les cinq premières cruches de Cana[40] ;

Les cinq maris de la Samaritaine[41] ;

Les cinq portiques de la piscine du Siloé[42] ;

Les cinq paires de bœufs[43] ;

Les cinq pains de la Multiplication[44] ;

Les cinq vierges folles[45] ;

Les cinq frères de l'homme à qui Éléazar refuse une goutte d'eau[46].

Dans ces diverses séméiologies, les auteurs des Toledoth canoniques nous ont laissé leur témoignage sur la façon de compter les Mille écoulés depuis la création de l'homme jusqu'au 15 nisan 789, date à laquelle il ne devait plus y avoir de temps. Mais comme, depuis la mort du Juif de rapport, le temps a continué selon une vieille habitude, les cinq sous du Juif errant auront bientôt augmenté de deux unités. Ce sera en l'an 8000 au compte de Barabbas, lorsque nous entrerons dans le Taureau de mille ans.

D'une résistance à toute épreuve, Ashafalsus n'a jamais pu réussir à perdre la vie ! Et pourtant il ne mange ni ne boit, quoique, dit-il, il puisse le faire tout comme un autre.

La clef de ce mystère Ashafalsus ne la donne pas : tout son pouvoir, tout son manger, tout son boire, est dans le poisson qu'il a eu des mains de Jésus et qu'il a avalé. Comme Iehoudda dans l'Apparition du Vaurien de l'étranger[47], il a mangé sinon la Baleine, du moins un petit de ce père des Poissons.

Voilà plus de dix-neuf cents ans qu'il marche, d'après ce qu'il dit à l'évêque de Bruges.

La vérité est que, le Zib ayant pris fin mille ans après la Grande pâque manquée, Ashafalsus devrait être mort depuis plus de neuf cents ans ! Comme le mensonge conserve !

 

IX. — BARABBAS OUVRIER, FILS D'OUVRIER.

De toutes les impostures lancées par l'Église pour se concilier le peuple en l'asservissant, le camouflage de Barabbas en Jésus ouvrier est peut-être ce qui lui a le mieux réussi. Le camouflage de Saül en tisserand n'est rien en comparaison, et d'ailleurs il n'est jamais descendu dans les couches profondes. Mais, aujourd'hui encore, le Jésus charpentier est un succès certain de conférence, de réunion publique ou de manuel scolaire. Il sert à tromper les humbles sur la condition et les sentiments du fils de Marie, né dans une étable, ami des simples, marchant le bâton à la main, les pieds nus et meurtris, n'ayant pas même une pierre où reposer sa tête, sa tête douloureuse, lourde de pensées d'amour pour les autres hommes, envahie par une immense pitié de la misère humaine, etc. Je passe sur cette lamentable phraséologie. Nous avons également le sans-culotte Jésus, le chemineau Jésus, l'anarchiste Jésus.

Ah ! la barabbalâtrie est une marmite dont l'Église tient solidement le couvercle sur ceux qu'elle y fait cuire ! Et combien croient en être hors, qui sont encore dedans et y resteront longtemps ! Dans sa lutte contre la vérité, l'Église n'a pas de meilleure alliée que l'ignorance de ceux qui se disent ses adversaires.

 

FIN DE L'OUVRAGE

 

 

 



[1] Dans son Historia Major. Mathieu Pâris est mort en 1259.

[2] Ananias recevait des goym à son baptême. C'est une des raisons pour lesquelles Barabbas l'assassina.

[3] Cf. Le Mensonge Chrétien, pet. édit. p. 431.

[4] Cf. Le Mensonge Chrétien, pet. édit. p. 431.

[5] Histoire admirable du Juif errant, se promenant et portant sa croix, lequel, depuis l'an 33 jusqu'à présent, ne fait que marcher ; contenant sa tribu, sa punition, les aventures surprenantes qu'il a eu dans tous les endroits du monde, avec son histoire, et les merveilles admirables avant son temps. (A Bruges, chez André Wyds, imprimeur de la ville, 1761, in-12°).

[6] Une petite calomnie, en passant, contre la Bête dont le nom est un nombre.

[7] Ceci, qui n'a l'air de rien, est fait pour ruiner tout le sens chronométrique de la phrase du Toledoth canonique (celui de Matthieu), où il est dit que Barabbas est né dans une année de deux ans. — Cf. Le Mensonge chrétien, pet. édit. p. 335.

[8] Surnom du père de Iehoudda dans le Vaurien de l'étranger.

[9] De l'autel, si ; mais il n'a cessé de crier vengeance, et c'est en ce sens qu'il n'a jamais été effacé de la mémoire de ses enfants.

[10] Il ne lui a pas connu d'autre fils. Celui-là est resté l'unique.

[11] Cf. Le Mensonge chrétien, pet. édit, p. 162.

[12] Cf. plus haut le targum du Talmud.

[13] Ashafalsus sait qu'il y a eu du fouet (au Hanôth) dans l'existence du Juif de rapport.

[14] Mais il l'était, et cependant le roi de Candie ne s'en était pas aperçu !

[15] La verge de Jessé. Il y a bien du bois à la portée de la main de cet enfant. Qui de Jésus ou de lui est le Charpentier ?

[16] C'est ce que veut faire le Juda Kériothis promu caissier de la bande apostolique dans le Mahazeh de Cérinthe. Quelle désolation, quand il voit s'éloigner les trois cents deniers !

[17] Ashafalsus fait un jeu de mots sur Sicarius et Iscarius.

[18] Pour suivre Jésus, il abandonne la femme qui est en même temps sa mère, rejetant sur elle toute l'infamie de leur inceste. Il est vraiment complet !

[19] Dis donc tout, Ashafalsus ! Cet Ange est le Tharthak-thakthar, l'Ange à tête d'Ave, et c'est pourquoi les premiers Juifs barabbalâtres furent dits Séthiens.

[20] L'Arbre de la vie millénaire, le Figuier.

[21] Cf. le quatrième arbre à partir de ces trois-là, qui salue Apollonius.

[22] Sur un figuier ! Il est vrai qu'il y avait aussi des pommiers dans le clos du Jardinier, qu'Ashafalsus fait père de Juda Kériothis. Il y avait aussi du chou.

[23] Pas Juda dit Jésus Barabbas dans les Toledoth. Non. On criait Jésus tout court, n'osant encore crier Jésus-Christ. Cf. aussi Cartaphilus.

[24] Ce trou, qualifié même d'abîme dans les emprunts que les rabbins évangélistes font aux Psaumes, est devenu plus qu'éminence, afin d'apitoyer davantage les âmes sensibles sur Jésus gravissant le Calvaire et succombant sous le poids de la Croix.

[25] Il oublie qu'il a dit en avoir trois.

[26] Peuh ! Jusque sous le bon empereur Julien seulement !

[27] Ne lui récitent-ils pas les invocations aux démons Psinother, Thernops, Nopsither, Tharthak-Thakthar et autres ?

[28] Zanzibar.

[29] Anjouan.

[30] Et l'on voit bien qu'Ashafalsus n'est qu'un Jésus-juif. Car s'il était Juif pour tout de bon, et qu'il fût allé au pays du Presbuteros Ioannès, quel beau livre il aurait pu faire sur les étranges métamorphoses de ce personnage, depuis la publication de l'Even guilayon jusqu'aux missions catholiques qui lui ont superposé Jésus, sans jamais pouvoir le lui substituer entièrement. Ce livre, qui le fera ? Le sujet est digne d'un savant qui voudrait aider au triomphe de la vérité. Il n'y aurait qu'à développer, en remontant à la source évangélique de chaque article, le petit chapitre de Sébastien Munster (Cosmographie) ; Ce que les Hébreux modernes écrivent de Prêtre Jean, que j'ai extrait d'un livre imprimé à Constantinople, lequel m'a été envoyé, du Caire d'Égypte, à moi Munster, ici à Bâle.

C'est la copie de certaines Lettres que Prêtre Jean envoya au Pape de Borne sur ce qu'était son Royaume, et encore plus sur ce qu'il aurait été, s'il eût régné pendant mille ans.

Munster a jugé que ces Lettres en hébreu contenaient plusieurs choses vaines. Et c'est pour cette cause, dit-il, que je n'ai pas voulu en traduire le mot à mot. C'est pourtant ce qu'il aurait fallu faire pour que nous en pussions juger nous-mêmes. Mais, quoique nous en soyons réduits à un sommaire de choses dont Munster n'a soupçonné ni l'origine ni l'importance, c'est assez cependant pour que les principaux articles de l'Even guilayon s'y décèlent, en dépit de déformations fantastiques :

Les Ethiopiens qui sont sous Prêtre Jean écrivent qu'ils sont bons chrétiens, (meilleurs même que ceux de l'Église romaine).

Le Royaume de Prêtre Jean est fort ample, (il devait être universel).

Son pays surmonte tous les autres en richesses, or et argent, et pierres précieuses. (Sa capitale devait en être pavée et fortifiée.)

Il a quarante rois sous sa domination, dont quelques-uns paient tribut.

Il y a le Grand aumônier de Prêtre Jean (selon l'ordre de Melchisédec).

Il promet de combattre pour la Terre Sainte (contre Gog et Magog).

L'Apôtre Saint-Thomas est enseveli au royaume d'Éthiopie. (Il s'agit du Ioannès lui-même, Frère cognominal en circoncision de Juda Toâmin).

Il y a là des bêtes ayant sept cornes au front. (Elles sont dans l'Apocalypse). Des chameaux et des ânes blancs. (Ils sont gamaléens et péréjim).

Des chevaux avec des cornes. (Ils sont dans l'Apocalypse, et quant aux ânes à cornes, vous les avez vus dans Philostrate).

Des oiseaux qui emportent un bœuf, un cheval, avec les ongles, pour repaître leurs petits. (Cela devait se voir au Haram Mégiddo).

Des hommes cornus, n'ayant qu'un œil en la face, et deux au dos. (Variante sur l'un en deux, deux en un).

Les sujets de Ioannès l'Ancien sont mangeurs de chair humaine, parricides, et meurtriers de vieilles gens, (jeunes aussi, quand il le fallait).

Les femmes habitent à part et ont trois royaumes, duchés et potentats. (Elles habitent divisées d'avec l'homme, selon les ordonnances du Ioannès en 788). Trois reines d'amazones marchent en guerre avec trois cent mille femmes. Phison, qui est le Nil, passe par le royaume de Prêtre Jean, (parce que le Ioannès ne l'a pas desséché en 789).

Les Pygmées qui sont en Afrique sont bons chrétiens.

Les gens qui étaient jadis de 70 coudées, (et même plus, voyez la trams graduation, p. 32), en ont aujourd'hui 30 ou 35. (C'est encore bien joli)

Des gens qui ont la tête de chien et sont bons pêcheurs (d'hommes).

Plusieurs autres fables semblables sont écrites par les Juifs, en la susdite Épître du Royaume de Prêtre Jean, lesquelles je n'ai point voulu réciter ici, sachant bien quels censeurs j'aurais en Damian et autres gens de telle farine, car j'ai plutôt écrit ces choses pour risée que pour toute autre raison. Davantage je ne les ai point voulu traduire mot à mot pour éviter les calomnies des iniques.

[31] Le chef-d'œuvre d'Apollonius.

[32] Famagouste, dans l'île de Chypre.

[33] Comme Juda, fils du papas, alors ?

[34] La Bête dont le nom est Mystère.

[35] Lithuanie sans doute.

[36] Peuh ! Paul est bien resté pendant vingt-quatre heures au fond de la mer sans en être incommodé !

[37] L'Esprit de Dieu est en lui, comme il était en Barabbas, monté sur sa pierre.

[38] Il se vante un peu, Cependant, en considération de la bêtise humaine, il semble avoir raison.

[39] Il le lui doit bien. Ce sont ses gages de faux témoin.

[40] Cf. Le Mensonge chrétien, pet. édit., p. 372.

[41] Cf. Le Mensonge chrétien, pot. édit., p. 375.

[42] Cf. Le Mensonge chrétien, pet. édit., p. 351.

[43] Cf. Le Mensonge chrétien, pet. édit., p. 399.

[44] Cf. Le Mensonge chrétien, pet. édit., p. 379.

[45] Cf. Le Mensonge chrétien, pet. édit., p. 403.

[46] Cf. Le Mensonge chrétien, pet. édit., p. 443.

[47] Cf. plus haut, l'allégorie métronomique de l'Hôtellerie du Verseau.