LA SAINTE FAMILLE

 

QUATRIÈME PARTIE. — APPARITION DU VAURIEN DE L'ÉTRANGER

I. — LES MAHAZEH IESCHOU HA NOZRI.

 

 

I. — ÉCONOMIE DE CES ÉCRITS.

C'est approximativement la traduction de leur titre, intraduisible à cause des deux jeux de mots qui roulent sur Ieschoua et Ieschou, et sur Nazir et Nozri. Il signifie que l'individu à qui les nozrim donnent le nom de Sauveur, ne les sauve pas plus qu'il n'a sauvé les Juifs sous son nom de circoncision (Iehoudda). Il les perd, comme il a perdu ceux de sa race. Vaurien en Judée, il ne vaut pas mieux à l'étranger ; il ne vaut rien pour personne, nulle part.

D'ailleurs, quand ils veulent parler de son genre de mort, les rabbins qui ont fait leur instruction dans le Talmud, n'appellent jamais Barabbas que le Tolou, le Pendu[1].

Un tel homme peut être appelé Ieschou tolou (Vaurien pendu), mais non Ieschoua (Sauveur) : La lettre Aïn est enlevée (de son nom), dit Rabbi Béchai, parce que tels sont les adorateurs de ce pendu, c'est-à-dire des vauriens.

a. — Iesehou traître à son nom de Iehoudda et à son passé

Dans les Apparition du Vaurien de l'étranger nous assistons au renversement complet des Toledoth canoniques. Dans ceux-ci, c'est l'ombre qui ne veut plus de son corps ; dans les Mahazeh du Vaurien, c'est le corps qui ne veut pas de son ombre.

Il ne plaît pas à Iehoudda d'être criminel sous le nom de Barabbas, et innocent sous le nom de Jésus. L'homme qu'il a été va se dresser devant celui que l'Église en a fait : il va le faire arrêter comme un traître !

 

II. — ANTIQUITÉ DES APPARITION DU VAURIEN DE L'ÉTRANGER.

a. — Constatation de leur existence au VIIIe siècle (de l'ère vulgaire)

Les Mahazeh Tolou (Apparition du Pendu) sont évidemment fort anciens, mais, par peur de l'Église, les rabbins les ont cachés avec le plus grand soin, comme le rapporte Ferdinand Hesse dans le Flagellum Judœrum. Le malheur est que l'Église elle-même les ait cachés avec plus de soin encore.

Cependant on a la preuve que ces écrits existaient déjà vers la fin du huitième siècle, et beaucoup plus sincères qu'aujourd'hui, car à côté d'erreurs et de confusions inexplicables, ils contenaient plus d'un trait de l'histoire de la Sainte-Famille. L'Église, qui nous a conservé, si l'on ose employer un mot si peu convenable, deux ou trois de ces Mahazeh, en a fait disparaître tout ce qui pouvait éclairer ses dupes, notamment sur la chronologie. C'est au huitième siècle, en effet, sous Charlemagne, qu'elle a substitué officiellement l'ère dite chrétienne à celle de la fondation de Rome, employée jusque-là, et il a bien fallu qu'elle y accommodât toutes choses, dans les livres juifs comme dans les grecs et les latins.

Elle a eu surtout à cœur de supprimer tout ce qui concernait la crucifixion de Simon bar-Juda dit la Pierre, à Jérusalem, par ordre de Tibère Alexandre ; elle en mêle les principaux incidents avec le supplice de son frère aîné, Juda bar-Juda dit Barabbas. De là d'inextricables quiproquos, qu'elle met à la charge des rabbins, alors qu'ils sont la plupart du temps son œuvre.

Des Mahazeh tolou qui nous sont parvenus, et tous par les mains de l'Église, on ne saurait dire avec précision quel est le plus ancien. C'est probablement celui que les rabbins ont mis sous le nom de Jochanan ben Zaccaï, et qu'a publié Huldrich en 1705, sous le titre de Toledoth Ieschou ha nozri (Vie du Vaurien de l'étranger).

Avant d'être imprimé sous le titre de Toledoth Ieschou, il était connu dans les synagogues sous celui de Mahazeh Tolou. C'est le vrai titre, et il est des plus suggestifs, car il définit admirablement le principe du personnage de Jésus, lequel n'est pas le crucifié lui-même, mais l'Apparition du crucifié, l'Ombre de Barabbas.

On s'étonne donc que, dans les temps modernes, un rabbin ait pu contester l'existence du Mahazeh Tolou colporté dans les synagogues. A propos d'un Juif converti à la barabbalâtrie par l'Église, et qui, comme il est arrivé trop souvent, avait dénoncé ses frères de la veille, le rabbin en question écrit :

Cet apostat fait grand bruit d'un livre intitulé Mahazeh Tolou, il dit que le livre n'est pas imprimé, mais seulement manuscrit en notre langue, et que nous le lisons en cachette. Et le livre contient tout au long que Christ est un bâtard, fort instruit dans les lettres toutefois, et qu'un jour ayant lancé une balle sur un toit, il avait été apostrophé ainsi par un rabbin en colère : Cesse de la jeter, fils d'une femme adultère et qui avait ses règles ![2] D'où Ieschou était allé trouver sa mère, et à force d'insistance il l'avait forcée d'avouer qu'il était bâtard, et elle prostituée. A cela je réponds que, de toute ma vie, je ne vis un tel livre. Et si ce livre est tenu secret, je me demande comment notre apostat en a eu connaissance, lui qui, lorsqu'il vivait parmi les Juifs, n'était qu'un aubergiste et un porteur d'eau : il n'a donc pu ni en lire ni en comprendre un mot. Dans notre Talmud et autres livres on ne trouve pas un iota de ces mensonges ineptes. Car, si c'était être le fils d'une adultère et qui avait ses règles que de jeter une balle sur un toit, il y aurait dans le monde peu d'enfants légitimes, surtout en Italie et en France, où il est fréquent de jouer à la balle ! Si je tombais sur un livre pareil, je penserais qu'un apostat quelconque, ou un vaurien, comme est Sammael Fridrich, l'a composé sous le couvert de notre écriture, pour nous calomnier[3].

Or, cet écrit existait parfaitement, et c'est celui qu'Huldrich a publié, non plus sous le titre de Mahazeh Tolou, mais sous celui de Toledoth Ieschou.

b. — Schéma ecclésiastique d'un Vaurien de l'Étranger connu au VIIIe siècle

Raban Maur[4], le bénédictin allemand, dans son livre contre les Juifs, résume ainsi un Mahazeh Tolou dont il a connaissance :

Jésus, né d'un adultère avec un païen[5] nommé Pandera, a été puni à la façon des voleurs. Sur l'ordre de Josua[6], un de leurs rabbins, il fut rapidement enlevé du bois et jeté dans un jardin plein de choux, afin qu'il ne souillât point leur terre. Tiré ensuite du tombeau, il fut traîné autour de toute la ville et ainsi abandonné : ce qui explique que ce tombeau soit demeuré vide jusqu'à aujourd'hui, étant un endroit sale et plein des pierres qu'ils ont coutume d'y jeter.

c. — Schéma ecclésiastique d'un autre Vaurien de l'Étranger connu à la même époque

Agobard, archevêque de Lyon[7], dans son livre sur les superstitions judaïques, dédié à Louis le Débonnaire, parle ainsi d'un autre Mahazeh :

Dans les enseignements de leurs pères ils lisent que Jésus a été un jeune homme honorablement connu parmi eux[8] et instruit par le ministère de Jean-Baptiste[9], et qu'il a eu de nombreux disciples, dont l'un, à cause de son intelligence obtuse et de son hébétude[10], a reçu de lui le nom de Képhas, c'est-à-dire Pierre. Et comme le peuple l'attendait le jour de la fête (de pâque), des enfants de son école vinrent au-devant de lui, chantant par honneur et révérence du Maître : Hosanna au fils de David ![11]

Mais à la fin, accusé pour plusieurs mensonges et mis en prison par jugement de Tibère[12], d'autant plus que sa propre fille[13], à qui il avait promis que sans copulation elle aurait du mâle en elle[14], l'avait exposé à la lapidation, il fut pour cela, et comme un magicien détestable, suspendu à une fourche et tué de cette façon. Il fut enterré près d'un aqueduc[15] et confié à la garde d'un certain Juda[16], mais une inondation subite de l'aqueduc l'emporta pendant la nuit. Pilatus le fit rechercher pendant douze lunes[17], mais on n'a pu le retrouver jusqu'à présent.

Alors Pilatus promulgua une loi où il leur dit : Il est manifeste qu'il est ressuscité, comme il l'avait promis[18], celui que vous avez tué par envie[19], car il n'a été retrouvé ni dans le sépulcre ni nulle part ailleurs[20]. C'est pourquoi je vous ordonne de l'adorer. Que celui qui ne voudra pas le faire, sache qu'il aura sa part en enfer[21].

 

III. — LE VAURIEN DE L'ÉTRANGER SAISI PAR FRÈRE RAYMOND MARTIN.

Il existe un autre Mahazeh, fort ancien également, dont l'arrangement ecclésiastique a été fait en latin par Raymond Martin, de l'Ordre des Frères Prêcheurs[22], vers la fin du x nie siècle de l'E. C. Peu de temps après, Porchetus Salvaticus, de l'Ordre des Chartreux, l'a transcrit dans son livre contre les Juifs. Luther l'a traduit ensuite en allemand d'après le texte de Porchet.

Au XVIIe siècle, Wagenseil a édité le Vaurien de I' Etranger que frère Raymond avait arrangé au XIIIe. Il a essayé de le réfuter à coups d'injures, selon la méthode des théologiens.

Le Vaurien présenté par frère Raymond Martin a ceci de curieux que son texte introduit la reine Hélène d'Adiabène dans l'histoire de Juda bar-Abba, dont il rapporte le supplice au temps où cette princesse habitait Jérusalem, obéie et respectée des Juifs comme si elle eût été positivement leur reine. Or, tous les lecteurs du Mensonge chrétien le savent, c'est sous Claude, Hélène d'Adiabène étant alors à Jérusalem, que Tibère Alexandre a fait crucifier Siméon bar-Juda, aujourd'hui dit la Pierre. L'auteur du Vaurien (si c'est lui qui parle) aurait confondu Juda bar-Abba, aujourd'hui connu sous le nom de Jésus et crucifié sous Tibère César en 789, avec son frère Siméon, crucifié par Tibère Alexandre en 803. Ce n'est pas vraisemblable I

a. — Avertissement de frère Raymond

Comme Notre Seigneur Jésus-Christ a fait d'innombrables miracles, dont Dieu seul est capable, la perversité des Juifs, à laquelle n'a jamais manqué la fourberie du renard, s'est efforcée de le défigurer par des blasphèmes. Ils ont donc composé contre le Christ un livre où ils ont forgé cette fable mensongère :

 

§ I. — LE VAURIEN DE L'ÉTRANGER DEVANT LES ANCIENS DE JUDÉE.

a. — La pierre (Even-guilayon) où était le nom de Iehova

Au temps, disent-ils, où la reine Elane (c'est Hélène) commandait à toute la terre d'Israël, Jésus le Nazaréen vint à Jérusalem et trouva dans le Temple du Seigneur une pierre[23], sur laquelle reposait autrefois l'Arche du Seigneur, et sur cette pierre était écrite la composition du Nom. Or celui qui apprenait les lettres de ce Nom, et les retenait, pouvait faire tout ce qu'il voulait.

b. — Le lion de Lévi et celui de Juda

Craignant donc que les Israélites apprissent ce Nom et détruisissent le monde par sa vertu, les docteurs firent deux chiens[24] d'airain et les posèrent sur deux colonnes contre la porte du Sanctuaire. Si donc quelqu'un entrait et apprenait les lettres du susdit Nom, à sa sortie les deux chiens d'airain aboyaient si horriblement, que d'effroi il oubliait le Nom et les lettres qu'il avait apprises.

e. — L'incision à la cuisse droite

Jésus le Nazaréen vint donc. Et entré dans le Temple, il apprit ces lettres et les écrivit sur du parchemin. Ensuite il incisa la chair de sa cuisse, et dans cette incision il enferma ledit parchemin. Et disant le Nom, il ne ressentit aucune douleur, et aussitôt la peau revint comme auparavant. Mais comme il sortait du Temple, les deux chiens d'airain aboyèrent après lui, et aussitôt il oublia le Nom. Mais étant revenu dans sa maison, il rouvrit sa cuisse avec un couteau, il en tira le parchemin où étaient les lettres du Nom infini, et de nouveau les apprit.

Si c'est là le texte original, il est d'un rabbin qui ne connaît pas son Talmud, car le traité du Sanhédrin spécifie bien que le fils de la Sotada s'est fait cette incision en Egypte, et qu'il l'avait à son retour en Judée.

Quant à la pierre, l'Even-guilayon, il résulte également du Talmud qu'il la connaissait avant de la produire à Jérusalem.

d. — L'auteur du Mahazeh est si peu au courant de l'adultère de Marie qu'il montre le Vaurien traitant les docteurs de bâtards

Après cela, il convoqua trois-cent-dix des jeunes gens d'Israël et leur dit : Voyez, c'est la raison pour laquelle les docteurs d'Israël me traitent de fils adultérin, parce qu'ils veulent dominer sur Israël. Mais vous, sachez que tous les Prophètes ont annoncé le Messie ; et moi-même je suis celui-ci. Et c'est de moi qu'Isaïe le prophète a dit au ch. VII : Voici que la Vierge concevra, et elle engendrera un fils, et le nom de celui-ci sera Emmanuel. Mon grand-père David a aussi prophétisé sur moi, disant : Le Seigneur m'a dit : Tu es mon fils, je t'ai engendré aujourd'hui. Ma mère, en effet, m'a engendré sans copulation charnelle. Ce sont donc eux (les docteurs) qui sont des fils adultérins, et non pas moi : comme il est dit dans Osée, II : Et je n'aurai pas pitié de leurs fils, car ils sont fils de la souillure.

e. — La guérison du boiteux et du lépreux

Les jeunes gens lui répondirent : Si tu es le Messie, montre-nous un signe. — Quel signe demandez-vous de moi ? dit-il. Ils lui dirent : Fais qu'un boiteux se tienne comme nous. Il répondit : Amenez-m'en un. Immédiatement ils amenèrent un boiteux qui jamais ne s'était tenu sur ses pieds. Il dit sur lui le Nom infini, et à cette heure même le boiteux se leva et se tint sur ses pieds. Alors ils s'inclinèrent tous devant lui, disant : Celui-ci est indubitablement le Messie.

Alors ils lui amenèrent un lépreux. Et disant le Nom, il lui imposa les mains, et immédiatement le lépreux fut guéri. Et beaucoup de ribauds[25] de notre nation se groupèrent autour de lui.

f. — Confusion entre le bar-Juda crucifié par Pilatus sous Tibère César, et son frère Simon bar-Juda dit la Pierre, crucifié par Tibère Alexandre sous Claude

Voyant donc que les Israélites croyaient en lui, les docteurs le prirent et le menèrent devant la reine Hélène qui avait la main sur Israël. Et ils lui dirent : Notre maîtresse, cet homme possède un sortilège et il induit le monde en erreur. Mais Jésus répondit : Maîtresse, les Prophètes ont jadis prophétisé sur moi ; et l'un d'eux, Isaïe (XI, 1) a dit : Un rameau sortira de l'Arbre de Jessé. Je suis celui-là. Mais de ceux-ci David (Psaume I, 1) a dit : Heureux celui qui ne va pas dans le conseil des impies !

Alors elle dit : Est-ce dans votre Loi ce que dit celui-ci ? Et ils répondirent : C'est dans notre Loi[26], mais ce n'a pas été dit de lui. Or de celui-ci il est écrit (Deutéronome, XIII, 6) : Le prophète périra, qui aura proféré une iniquité contre Dieu. Du Messie, au contraire, il est dit (Jérémie, XXIII, 6) : Dans les jours de celui-ci Juda sera sauvé.

Ce qui n'est vrai ni de lui ni de ses frères, car au temps de la reine Hélène, il y avait déjà, en dehors de lui, trois Juda hors du salut : Jacob junior, lapidé par Saül en 789, Simon dit la Pierre et Jacob senior, crucifiés au temps même de la reine Hélène.

g. — Résurrection de Simon la Pierre par son frère échappé à la croix

Alors cet inique répondit à la reine : Je suis celui-là, parce que je ressuscite les morts.

La reine envoya donc ces hommes, et avec eux ses plus fidèles serviteurs. Et cet impie fit revivre un mort par le Schem Hamphorasch.

Ce mort est son frère, Simon bar-Juda, dont le cadavre fut, paraît-il, attaché à la queue d'un cheval et traîné devant le palais de la reine Hélène. On se rappelle le fameux chapitre du Mahazeh de Cérinthe, où, en effet, Jésus assume Pierre, qui vient d'être crucifié, comme son frère aîné en 789, et qui va aux cieux, laissant celui-ci sur la terre.

Et en cette heure la reine dit, stupéfaite : Vraiment c'est là un grand signe. Et les docteurs eurent honte, et confus ils se retirèrent de sa présence. Et leur douleur fut grande, ainsi que celle d'Israël.

Il y a de quoi, lorsqu'on voit, sous le pseudonyme de Jésus, un scélérat comme Juda bar-Abba, ressusciter un autre scélérat comme Siméon.

 

§ II. - LE VAURIEN AUX SOURCES DU JOURDAIN.

a. — Suppression par frère Raymond de l'auto-baptême de Juda au Jourdain

Ce qu'il y a de plus remarquable dans ce Mahazeh, c'est ce que les inquisiteurs en ont enlevé : vous y chercheriez vainement l'auto-baptême de Juda aux sources du Jourdain, et le truc de la colombe lumineuse. En tout cas, c'est un oubli impardonnable chez frère Raymond, puisqu'il était maître du texte, de n'y avoir pas introduit le personnage de Jean-Baptiste et sa décapitation par Hérodiade. D'autres théologiens ont été plus prévoyants dans un des Mahazeh que vous verrez tout à l'heure.

Alors Jésus s'en alla dans la Galilée supérieure.

Mais les docteurs vinrent à la reine, et lui dirent : Notre maîtresse, un sortilège est avec cet homme, et il séduit les créatures.

Elle envoya donc des soldats pour le prendre, mais les hommes de Galilée ne le permirent point, et ils voulurent les combattre. Alors il dit : Ne vous donnez pas cette peine, parce que la puissance de mon Père céleste et les signes qu'il m'a donnés me protègeront.

b. — Les douze passereaux d'argile

Ils fabriquaient donc des oiseaux d'argile[27] devant lui, il disait le Schem Hamphorasch sur les oiseaux, qui aussitôt volaient. Alors tombant devant sa face, ils l'adoraient.

e. — La meule en fausse pierre (l'Even-guilayon) destinée à montrer en lui l'Esprit de Dieu porté sur les eaux

A la même heure, il commanda qu'on apportât une grande pierre de meule et qu'on la jetât dans la mer. Cela fait, cet impie dit le Nom immense, et il fit que cette pierre se tint sur la surface de la mer. Et il s'assit dessus. Et il dit aux soldats : Allez dire à votre maîtresse ce que vous avez vu. Et ensuite, se dressant devant eux, il se mit à avancer sur les eaux.

Les soldats s'en retournèrent et dirent à la reine Hélène ce qu'ils avaient vu. Et celle-ci, véhémentement étonnée, appela les docteurs et leur dit : Vous dites que cet homme est un sortilège, mais, sachez-le, les signes qu'il fait montrent bien qu'il est le vrai fils de Dieu. A quoi ceux-ci répondirent : Notre Maîtresse, faites-le venir, et nous découvrirons ses fraudes.

 

§ III. — JUDA CONTRE JÉSUS OU LE CORPS CONTRE L'OMBRE.

a. — Apparition vengeresse de Juda. Il revendique contre Jésus le bénéfice de son tatouage à la cuisse

Entre temps, les anciens d'Israël, s'en allant, firent entrer dans le Saint des Saints un certain Juda[28] dit Scarioth[29], lequel apprit les lettres de la même façon que Jésus les avait apprises. Et il fit les incisions de la cuisse et le reste, comme l'avait fait Jésus.

b. — Jésus, pour preuve de sa filiation divine, s'envole vers le ciel

Or le Nazaréen, étant arrivé avec sa suite, la reine fit venir les docteurs. Et lui, se tenant devant la reine, dit : De moi a prophétisé David (Psaume XII) : Comme une meute de chiens, l'assemblée des méchants m'a entouré. Mais de moi aussi il a été dit par Jérémie (I, 8) : N'aie point peur de leur visage, car je suis avec toi pour te délivrer, dit le Seigneur. Mais les docteurs le contredisant, il dit à la reine : Je vais monter au ciel devant toi, car c'est de moi que David a dit (Psaume CVIII) : Tu t'élèveras au-dessus du ciel comme Dieu. Et étendant les mains comme des ailes, par la vertu du Nom essentiel il vola entre le ciel et la terre.

c. — Juda le suit dans le ciel, l'y ayant précédé jadis et en ayant rapporté l'Apocalypse de l'Even-guilayon

Ce que voyant, les docteurs dirent à Juda[30] de prononcer le Schem Hamphorasch et de suivre Jésus dans les airs. Il s'éleva donc et se mesura avec lui.

d. — Jésus, en tombant, se casse le bras droit

Et étant tombés tous les deux, cet impie (Jésus) se rompit le bras, et sur cet accident les christiens pleurent chaque année avant leur pâque.

En effet, leur Jésus, c'est Juda failli, Juda qui, ayant le bras droit rompu, n'a pu saisir la verge de Jessé.

e. — Son arrestation

Et à cette heure même les Israélites se saisirent de lui, et lui ayant couvert les yeux d'un bandeau, ils le frappaient de verges de grenadier, disant à la reine Hélène : S'il est le fils de Dieu, qu'il dise qui l'a frappé. Et il ne sut. Alors la reine dit aux docteurs : Je vous l'abandonne, faites-lui en votre présence ce qu'il vous plaira.

 

§ IV. — LE BOIS DE LA CROIX.

a. — Juda rompt magiquement la croix de Jésus pour que les nozrim ne puissent se prévaloir de ce signe

Ils le prirent donc et l'emmenèrent pour le suspendre au bois. Mais tout bois ou tout arbre auquel ils le pendaient se rompait immédiatement. Car, par le Nom immense, il avait adjuré tout ce qui est bois de ne le point supporter[31].

Vous verrez plus à plein le sens de cette séméiologie dans le Vaurien publié par Wagenseil. Frère Raymond l'a fort écourtée.

b. — Le chou-potence tiré du Jardin de Juda

Frère Raymond nous cache que ce chou est fourni par Juda lui-même, et tiré de son jardin, comme vous le verrez dans le Vaurien publié par Wagenseil.

Ils s'en allèrent donc et rapportèrent un tronc de chou unique, qui n'est point du bois, mais de l'herbe, et l'y suspendirent. Ce qui n'a rien d'étonnant, car dans la Maison du Sanctuaire[32] un chou atteint une telle croissance qu'il donne chaque année cent livres de graines.

Tu recevras tout au centuple[33], disait à ses dupes Juda Barabbas, le Jardinier du Jardin aux douze récoltes. L'histoire de ce chou était déjà dans l'Apparition du Vaurien de l'étranger, connue de Raban Maur au huitième siècle, et vous la retrouverez dans celle qu'a éditée Wagenseil.

 

§ V. — UNE SUPPRESSION DE FRÈRE RAYMOND.

a. — Le Mahazeh finit sans que Juda reprenne son corps à Jésus

Frère Raymond Martin s'est bien gardé de nous faire assister à ce spectacle, que contiennent cependant tous les Mahazeh du Vaurien, y compris celui dont parle Rabban Maur. Car la revendication du corps de Jésus par Juda est la clef de ces écrits, comme sa reprise finale par le véritable propriétaire est une victoire de l'Etat-civil juif sur l'Église menteuse et persécutrice.

 

 

 



[1] Du verbe toloh. Le latin tollere (élever) en vient. Tollere cives in crucem (mettre en croix des citoyens), dit Cicéron.

[2] Tout cela est précisément dans le Mahazeh Ieschou ha nozri édité par Huldrich.

[3] Cité par Wagenseil (Tela ignea Satanæ, p. 42 de la Confutatio Toldos Ieschou, d'après J. Wulffer, Theriacæ judaicæ).

[4] 776-856 de l'E. C.

[5] Jamais les Juifs n'ont prétendu que Panthora fût un païen. C'est une invention tout ecclésiastique. On en aura une nouvelle preuve dans le Mahazeh publié Par Huldrich, et dans le Mahazeh publié par Wagenseil.

[6] Comme on le verra plus loin, c'est Juda qu'il y avait, le crucifié lui-même reprenant son corps à Jésus.

[7] 779-840 de l'E. C.

[8] Comme Roi des voleurs.

[9] Retiens bien cela, Louis Ier dit le Débonnaire ! C'est d'Agobard lui-même.

[10] C'est en effet l'air que lui donnent les Toledoth canoniques pour mieux tromper les goym.

[11] Ceci n'est que dans certains Toledoth synoptisés.

[12] Sous entendu Alexandre : Tibère Alexandre, par qui furent crucifiés Simon et Jacob senior.

[13] La fille de Simon.

[14] Je traduis ainsi, quoique, d'après le texte d'Agobard, on puisse entendre qu'elle devait concevoir sans le concours d'un homme. Cela fait croire qu'elle s'appelait Salomé, comme sa grand-mère, l'immaculée conceptrice que nous connaissons sous le nom de Marie.

[15] Cf. l'affaire de l'aqueduc de Pilatus dans Le Mensonge Chrétien, pet. édit. p. 134.

[16] Il est gardé par lui-même. N'avons-nous pas vu Téléphoros garder Téléphoros ?

[17] Les trois mois écoulés depuis la Dédicace du Temple, à propos de laquelle fut apidé Jacob junior, jusqu'au jour de la préparation pascale, où fut crucifié Barabbas.

[18] A ce que disent les Toledoth canoniques exploités par Agobard.

[19] Le mot est tiré par Agobard des Toledoth synoptisés. Cf. Le Mensonge Chrétien, grande édit. t. IX.

[20] Sauf à Machéron, par le bon empereur Julien.

[21] Ceci à l'adresse des successeurs de Louis le Débonnaire.

[22] Pugio fidei, Deuxième partie, ch. VIII.

[23] L'éven sur laquelle étaient gravés les Phurim (Sorts) du monde : l'Even-guilayon.

[24] Ces chiens ont d'abord été des lions.

[25] Ribaldi dans la traduction de Raymond Martin.

[26] Nullement. Il ne paraît pas que cette réponse soit de Juifs de synagogue.

[27] L'inventaire du matériel à l'usage de Barabbas accuse douze passereaux représentatifs des douze derniers mois avant les Poissons de mille ans.

[28] Qui est aujourd'hui Jésus-Christ tout simplement !

[29] Dit Iscariot est une falsification de frère Raymond lui-même. Il y avait fils de Zacharie, et cette qualification, qui provient des Toledoth canoniques, se retrouve dans le Mahazeh dit de Jochanan ben Zaccaï, que nous donnons plus loin. Cf. plus loin, le rôle que l'Église a écrit pour ce malencontreux Juda dans le Juif errant.

[30] Scarioth, ajoute frère Raymond, comme plus haut.

[31] C'était dans ses pouvoirs de Charpentier.

[32] On lit domus Sanctuarii dans la traduction de frère Raymond Martin, mais aucun Juif n'a jamais prétendu que le Sanctuaire de Jérusalem recelât un pareil chou.

[33] Centuplum accipies, dit Jésus dans les Toledoth synoptisés.