LA SAINTE FAMILLE

 

TROISIÈME PARTIE. — LA SAINTE FAMILLE DANS LE TALMUD

I. — LES TÉMOIGNAGES TALMUDIQUES.

 

 

I. — LE TALMUD.

a. — Ce qui reste du Talmud après les persécutions de l'Église contre les Juifs

Pendant que les aigrefins de l'Église, succédant aux rabbins baptiseurs, refondaient les anciens Toledoth Ieschoua, polissant et repolissant Barabbas pour lui donner un air respectable, les rabbins de Tibériade et ceux de Babylone se mettaient à écrire les différents traités dont le recueil s'appelle aujourd'hui le Talmud. C'est dans ce recueil qu'il faut aller chercher l'opinion des Juifs de la Synagogue sur Barabbas et sur son Évangile. On dit communément que ces Ecritures ont commencé au troisième siècle de l'Ère dite chrétienne, pour se terminer au sixième.

Tant que le Talmud est resté amarré à Babylone, l'Église a affecté de ne point le craindre, comme s'il ne contenait rien qui pût contrarier la marche de la barabbalâtrie. Dans l'écrit intitulé Dialogue avec Tryphon, qu'elle a mis sous le nom de Justin et placé sous les Antonins, elle engage ses dupes à tenir le Talmud pour une compilation négligeable, un fatras de riens, où, même en cherchant avec soin, on ne trouverait aucune donnée historique sur le Juif de rapport et sa famille[1]. L'interlocuteur à qui elle a confié la défense de ce mensonge, gourmande en ces termes un rabbin, qui doit s'avouer vaincu :

Au lieu de nous exposer le sens des prophéties[2], vos maîtres s'abaissent à des niaiseries : ils s'inquiètent beaucoup de savoir pourquoi il est parlé de Chameaux mâles[3] dans tel ou tel endroit, pourquoi telle quantité de farine ou d'huile entre au juste dans vos oblations. Ils cherchent avec un soin religieux pourquoi un alpha fut ajouté au nom primitif d'Abraham, et un rau à celui de Sara. Voilà l'objet de leurs investigations. Quant aux choses importantes et vraiment dignes d'étude, ils n'osent pas vous en parler[4], ils n'entreprennent pas de les expliquer ; ils vous défendent de les écouter quand nous les interprétons !

Mensonge inepte.

Tout homme attaché à la vérité doit graver dans son esprit la déclaration que Rabbi Lusitanus[5] a pu faire sans recevoir l'ombre d'un démenti :

C'est à tort qu'on dit que le Talmud ne contient pas la réfutation du Nouveau Testament, alors que toutes les allégations, tous les enseignements, toutes les histoires des évangélistes y sont tirés au clair, et qu'il y est dit tout au long qui était le Christ et quels ont été ses sectateurs ; où il était né, de qui, et quand ; et pourquoi, comment, et sous qui[6], il a été supplicié. Il y a dans le Talmud, quand ses livres sont intacts, de quoi convaincre suffisamment d'imposture toute cette histoire d'Évangiles.

b. — Destruction méthodique du Talmud et falsification de ses restes

Sitôt que le Talmud arrive en Europe, la scène change, et le ton de la littérature ecclésiastique.

L'histoire du Talmud devient alors celle des Juifs eux-mêmes. Depuis le septième siècle de l'E.-C. jusqu'à la fin du seizième, pendant plus de mille ans, les pouvoirs de l'Église n'ont cessé d'actionner les rouages politiques et judiciaires, pour brûler le Talmud avec ceux qui le détenaient. Il n'a été imprimé qu'après enlèvement, soit par les rabbins soit par les censeurs, de tout ce qui concernait le Juif de rapport et sa famille. Des Juifs apostats, entrés à la solde du Saint-Siège, ont dénoncé ceux de leurs frères qui possédaient des manuscrits du Talmud assez anciens pour être dangereux. C'est miracle que l'Inquisition ait laissé ça et là quelques traits de vérité, passés dans les versions imprimées.

Encore n'a-t-il point tenu au divin Luther que le Talmud imprimé ne fût détruit, avec toutes les synagogues où il pouvait rester des manuscrits !

Ecoutons-le[7] :

Pour apporter un terme à la doctrine blasphématoire des Juifs, il serait d'abord utile de mettre le feu à leurs synagogues ; et ce qui échapperait à l'incendie, il faudrait le couvrir de sable et de boue, de sorte que personne ne puisse plus en apercevoir une tuile et une pierre. Si Moïse vivait de nos jours, il ne manquerait pas d'incendier les synagogues et les maisons des Juifs.

Il faudrait détruire et dévaster leurs maisons privées ; on pourrait les loger dans des étables, ou sous des tentes, comme de simples bohémiens.

Il faudrait leur enlever leurs livres de prières et leurs Talmuds.

Il s'agit d'incendier les synagogues, et de réduire en cendres ces officines du blasphème ; il faudrait jeter sur le feu de l'huile, du soufre, de la poix, afin d'augmenter l'incendie.

Il s'agit de leur enlever tous les livres, formules de prières et récits talmudiques, toute la Bible, sans leur en laisser une seule page, et les réserver à ceux d'entre eux qui se convertissent.

Si j'avais le droit de statuer sur le sort des Juifs, je leur enjoindrais, sous peine de mort, de nous convaincre, dans l'espace de huit jours, par des arguments solides, que nous adorons plusieurs dieux au lieu d'un seul. Que s'ils le faisaient, nous serions prêts à nous convertir en un seul jour au judaïsme et à recevoir la circoncision ; si non, ils seraient traités comme ils l'auraient mérité.

Nous allons passer en revue, le plus consciencieusement possible, les divers passages du Talmud où il est encore question de Barabbas, de son père, de sa mère, de ses frères et de son Apocalypse, et où l'on combat les prétentions impies, émises dans le genre d'écrits auquel l'Église a donné le nom d'Évangiles[8]. De ces passages, assez nombreux, il n'y en a pas un seul qui ne soit une épave de la vérité naufragée. De même que nous avons aujourd'hui le Philon de l'Église, le Josèphe de l'Église, le Tacite de l'Église, l'Apulée de l'Église, le Philostrate de l'Église, l'Histoire Auguste de l'Église, le Constantin de l'Église, l'Eusèbe de l'Église, le Julien de l'Église, l'Ammien Marcellin de l'Église, c'est le Talmud de l'Église que nous avons aujourd'hui.

c. — Observation générale : pas de Ioannès distinct de Barabbas

Ce qui doit frapper le plus, c'est que, sur les milliers de rabbins qui ont participé à la composition du Talmud, pas un n'a admis la coexistence de deux personnages, dont l'un se serait nommé Jésus, et l'autre Iochanan, en grec Ioannès. C'est pour parer le coup porté au mensonge ecclésiastique par l'unanimité de ces témoignages, qu'a été fabriqué, sous le titre d'Évangile des Naziréens[9], un Toledoth où les Juifs de cette secte déclarent qu'ils ont vu Ioannès baptiser Jésus[10].

 

II. — TARGUM DE LA KABBALE BAPTISMALE.

a. — Sur la kabbale conservée dans la famille de Barabbas et son séjour à Alexandrie avec Iehoudda dit Ieschoua ben Péréja

On sait que dans les Mahazeh et Toledoth primitifs le nom de Barabbas est précédé de celui de Ieschoua : Ieschoua bar-Abba. Mais comme les rabbins du Talmud ne veulent pas reconnaître (loués soient-ils !), qu'un tel scélérat fût bar-Abba (fils du Père), ils ne le désignent jamais sous ce nom, mais simplement sous celui de Ieschou, enlevant la lettre finale de Ieschoua, et faisant dériver Ieschou d'un autre radical qui répond à l'idée de Vaurien et pis encore.

Avant de donner le targum du Talmud relatif au séjour de Barabbas à Alexandrie, nous avons à rappeler certaines circonstances historiques qui faciliteront sa compréhension.

Au temps de la grande Cléopâtre, reine d'Égypte, il arriva que Salomé, veuve d'Aristobule, roi des Juifs, établit, à la place de son mari, Iannaos surnommé Alexandre. Cléopâtre soutint Iannaos dans toutes ses entreprises, et Salomé n'eut qu'à se louer d'elle. Iannaos put ainsi occuper les places fortes sises au-delà du Jourdain, notamment Gamala, berceau des Panthora, et tout le pays d'alentour. Il était dans celui des Géraséniens, où s'est déroulée la journée des Porcs, lorsqu'il mourut, à ce point détesté des Jérusalémites, que, pour pouvoir conserver le trône à ses enfants, sa veuve Alexandra fut obligée de cacher longtemps qu'il était mort.

En effet, les Pharisiens, à l'instigation de Iehoudda ben Péréja[11], s'étaient soulevés contre Iannaos pendant la fête des Tabernacles, sous le prétexte que sa naissance ne le rendait pas digne d'offrir des sacrifices à Dieu. Iannaos se vengea par des massacres nombreux, des supplices, et des crucifixions (huit cents d'un coup).

Iehoudda ben Péréja, qui était du sang de David, fut obligé de s'enfuir en Égypte pour échapper à la persécution ordonnée contre les savants[12]. Il se fixa dans Alexandrie, avec d'autres membres de sa famille, particulièrement Lévi, qui, dans la Généalogie de Jésus par son père (donnée dans Luc), est présenté comme l'arrière-grand-père de Joseph (Juda Panthora). C'est à Alexandrie que les Lévi ont reçu des Juifs égyptiens le nom de Cléopas, car le mot Cléopas n'est que la traduction hiéroglyphique du mot Lévi. Et c'est ce que constatait le Talmud dans le traité du Sanhédrin, quand cette écriture était encore intacte. Mais le passage a été tellement revu et corrigé, par peur ou par pression de l'Église, qu'il présente le Lévi qui a fui en Egypte avec Ieschoua ben Péréja, au temps de Iannaos, comme étant Ieschou (Barabbas) lui-même, alors enfant !

Voici ce passage :

Qu'est-il advenu de Ieschoua ben-Péréja ? Comme le roi Iannaos tuait les rabbins (qui étaient contre lui), Rabbi Ieschoua ben-Péréja s'en alla, et Ieschou avec lui, à Alexandrie d'Egypte.

A ce compte, Barabbas aurait déjà été de ce monde au temps du roi Iannaos !

Il est absolument impossible que le rédacteur du passage ait écrit sans cause une semblable énormité, car Iannaos est mort en 675 de Rome, et Barabbas n'est né qu'en 739, sous Hérode. Personne n'a jamais contesté ce dernier point.

D'autre part, si Ieschoua ben Péréja est contemporain de Iannaos, il ne saurait avoir emmené Barabbas à Alexandrie.

Quelle peut être la cause de pareils anachronismes ? Avant tout, la similitude de noms qui se rencontre entre la Cléopâtre juive, — la sota, qui, après avoir eu Salomé d'un mari davidique, se sépara de lui pour devenir reine hérodienne de Judée —, et la grande Cléopâtre d'Egypte[13].

Après plusieurs siècles, qu'est-ce que le rédacteur du passage a rencontré dans les traditions relatives au premier-né de Salomé ? Une Cléopâtre ; une persécution de savants, comme sous Iannaos ; un Ioannès, qui est un homonyme de Iannaos ; une Salomé, qui le fit roi au sortir de prison (comme Salomé, veuve d'Aristobule, avait fait au roi Iannaos), et qui a également caché sa mort pour des raisons toutes dynastiques. Il n'en faut pas davantage pour expliquer l'anachronisme où est tombé le rédacteur du passage, si toutefois cet anachronisme n'est pas de main ecclésiastique. Car ce qu'il y a de commun entre Ieschoua ben Péréja et Barabbas, ce n'est pas l'époque de leur existence, c'est le nom de circoncision (Iehoudda) et l'Even-guilayon.

b. — Lettre de Salomé à Ieschoua ben Péréja pour rappeler d'Alexandrie son fils Barabbas

Et voici qui se passe, non sous Iannaos, mais quatre-vingt–cinq ans après, au lendemain de la mort de Juda Panthora. Nous n'avons donc pas à nous étonner d'y voir mêlés Barabbas et sa mère ; mais nous pourrions nous étonner d'y voir mêlé Ieschoua ben Péréja, qui est indubitablement mort depuis de longues années, si nous ne savions qu'il est là par une de ces résurrections dont les talmudistes ne sont pas moins prodigues que les évangélistes. C'est évidemment à l'ombre de Ieschoua ben Péréja que nous avons affaire.

La paix revenue, Salomé[14] leur envoya Siméon ben Schetach avec cette lettre : De moi, Jérusalem, Cité Sainte, à toi, Alexandrie d'Égypte, salut : Ô ma sœur, mon Époux est au milieu de toi, et moi je reste veuve !

Cela signifie que l'Oint, le fils de David, l'héritier légitime de la couronne de Judée, était au milieu des Juifs Alexandrins, et qu'il fut réclamé par sa mère, devenue veuve, en effet, au Recensement où périt Juda Panthora, quelques mois après la déposition d'Archélaüs.

Il est d'ailleurs probable qu'il y a eu quelque part dans le Talmud une ligne sur la fin tragique de Juda Panthora.

Le nom de Juda, commun au père et au fils aîné, est la cause d'anachronismes considérables dans les écritures rabbiniques, et Abraham ben Dior est excusable jusqu'à un certain point, lorsqu'il dit : D'après les Juifs qui ont écrit des choses accomplies parmi eux, Ieschou aurait vécu aux jours du roi Iannaos. Les auteurs goym, au contraire, écrivent qu'il est né au temps d'Hérode, et qu'il a été pendu au bois sous Archélaüs, fils de ce roi. La différence n'est pas mince ; il y a plus de cent-dix années entre les deux[15].

Non, car Iannaos est mort en 675 de Rome, et c'est en 760 qu'Archélaüs, déposé, a quitté la Judée. Abraham ben Dior confond Archélaüs avec Hérode Antipas, tétrarque de Galilée en 789. Il y a cent-quatorze ans entre la mort de Iannaos et celle de Barabbas, — il n'y en aurait que cent-sept, si Barabbas eût été crucifié en 782, comme le soutient l'Église contre toute vérité.

Mais ce n'est pas Barabbas qui est mort au temps d'Archélaüs, c'est son père Juda Panthora. Barabbas n'a été pendu au bois que vingt-neuf ans après.

En ce qui concerne Siméon ben Schetach, s'il se trouve chargé par la veuve de Panthora de rappeler son fils aîné à Gamala, c'est-à cause de son fanatisme et de sa xénophobie. Il était impitoyable dans la répression du blasphème et de l'idolâtrie étrangère. Dans une seule journée, à Ascalon, il fit lapider successivement quatre-vingts femmes coupables de ce crime[16].

c. — Ieschoua ben Péréja et Barabbas, à Gamala, dans la maison de Salomé

Ieschoua ben-Péréja se leva donc, et vint (avec Ieschou et Siméon ben Schetach) dans une certaine demeure (Gamala) où ils furent reçus avec de grands honneurs : Ô la belle maison ! dit-il. Pensant qu'il s'agissait de la maîtresse de la maison, — parce que le mot hébreu employé par Ieschoua ben Péréja convient aussi bien à l'hôtesse qu'à sa demeure —, Ieschou répondit : Rabbi, que ses yeux sont brillants !Ah ! coquin, dit l'autre, voilà ce qui t'occupe ?

On sait qu'aux termes de la kabbale évangélique, Barabbas devait épouser la Vierge du monde, sa Mère céleste. Ieschoua ben Péréja feint d'être scandalisé, voyant ce Nazir, qui avait fait vœu de rester vierge, admirer avec excès sa mère charnelle, dont les yeux ont le brillant de la constellation elle-même.

Et ayant fait venir quarante trompettes, il l'excommunia.

Or, Ieschou revenait quelquefois, disant : Reçois-moi ! Mais Rabbi Ieschoua ne se soucia point de lui.

Un autre jour, comme il lisait le Deutéronome : Ecoute, Israël ! Ieschou vint à lui, espérant être reçu. Et Ieschoua lui fit signe de la main. Mais, se croyant repoussé par ce signe, Ieschou s'en alla, se dressa une pierre et l'adora.

Comment n'être pas frappé de l'autorité vraiment despotique qu'exerce Ieschoua ben Péréja dans la maison de Salomé ? Ce n'est pas seulement le précepteur, l'initiateur, c'est l'ancêtre. Depuis la mort de Panthora, c'est lui qui commande. Sur un signe de lui, Barabbas s'approche ou s'éloigne. C'est lui qui lie ou délie la porte de la maison. Salomé n'ose même pas parler pour son fils. Ce que fait Ieschoua ben Péréja est sacré pour elle. Si son père Siméon et son mari Juda étaient encore vivants, on sent qu'ils se tairaient, eux aussi. Quant à Barabbas, il ne voit qu'un moyen de regagner les bonnes grâces du grand Rabbi, c'est de se dresser une pierre et de l'adorer.

d. — L'Even-guilayon (La pierre-rouleau)

Les talmudistes, et les rabbins instruits qui leur ont succédé, ont donc parfaitement raison de dire que Barabbas fut idolâtre, car non seulement il a adoré les figures qui étaient sur sa pierre, mais il leur a reconnu une existence propre au ciel, et il a invoqué individuellement chacune des douze puissances, en qui il est impossible de ne pas retrouver les douze dieux de l'Olympe présidé par Jupiter, le Iehova du paganisme ; il a invoqué en outre tous les Archanges et les Anges qui forment ce que les vieilles Ecritures juives appellent la Milice céleste ; et sous leurs ordres il plaçait cent-quarante-quatre mille sous-anges, plus que les goym, en leur manie idolâtrique, n'ont accumulé de héros et de demi-dieux ! Et il n'a pas employé son talent de modeleur qu'à fabriquer des vases, des colombes lumineuses et des passereaux. Témoin le Tharthak qu'il fit placer à la tête de sa bande, lorsqu'il marchait au sac de Jérusalem et au pillage du trésor du Temple.

Et qu'est-il arrivé au cours du temps ? Issu de l'idolâtrie apocalyptique, ce qu'on nomme le christianisme y est revenu sous des formes empruntées aux Toledoth canoniques. L'idole maîtresse, l'Idole[17], c'est Barabbas lui-même, à moins que ce ne soit sa mère, la Vierge aux dix enfants ; puis viennent son père, ou Pierre, ou quelqu'autre de ses frères, ou les aigrefins qui ont fabriqué les Toledoth agréés de l'Église, ou le pseudo-Paul, et toute la théorie des pseudo-saints et des pseudo-saintes qui hérisse le portail des cathédrales.

e. — Le pouvoir de se baptiser, et de baptiser sa mère, reconnu à Barabbas par Ieschoua ben Péréja

Ayant adoré la pierre, d'où son frère Siméon devait un jour tirer son pseudonyme dans les Toledoth canoniques, Barabbas offre toutes les garanties nécessaires à Ieschoua ben Péréja. Celui-ci consent à le recevoir : il lui reconnaît le pouvoir de baptiser sa mère du baptême de rémission.

Rabbi Ieschoua lui dit : Qu'il (Adam, le fils de Dieu) soit réintégré (dans l'Eden) ! Ieschou lui répondit : Tu nous as appris en effet[18] : Qui a péché, et a induit les autres dans le péché[19], ne peut se remettre à lui-même sa pénitence !

Il faut que le Messie remette aux Juifs dans l'eau du baptême le péché du premier homme, voilà le grand mystère. Barabbas devra, lui tout le premier, se baptiser, et remettre à sa mère le péché qu'elle a commis en le concevant des œuvres d'un mortel.

f. — Moralité

En manière de moralité, Rabbi Mar dit :

Ieschou fut un imposteur, il a trompé Israël et l'a poussé à sa perte[20].

Ce qui est historiquement prouvé, et d'ailleurs constaté par Flavius Josèphe dans les mêmes termes, quand il parle de Juda le Gamaléen et de son grand frère Siméon :

Ils ne troublèrent pas seulement alors toute la Judée ; mais ils jetèrent les semences de tous les maux dont elle fut encore affligée depuis[21].

 

III. — LA SOTADA ET SON PREMIER-NÉ.

a. — Le nom de Sotada donné à la mère de Barabbas

Barabbas est dit ben Sotada dans divers passages du Talmud[22], et c'était là une indication généalogique des plus précieuses, surtout quand le texte de Flavius Josèphe sur Cléopâtre, femme d'Hérode, était complet, et qu'en s'y reportant on pouvait connaître la cause historique du mot Sotada appliqué à la mère de Barabbas.

Au traité du Sabbat[23], Rabbi Eliézer, parlant des incisions corporelles permises ou défendues, dit aux autres docteurs :

Est-ce que ben-Sotada n'a pas rapporté ses maléfices d'Égypte par une incision dans sa chair ? Et ils répondirent : C'est un sot[24], et nous ne cherchons pas l'approbation d'un sot !

Dans la bouche de Rabbi Eliézer, et sous la plume du scribe qui le fait parler, le mot Sotada signifie fille de la femme adultère, il désigne assez la fille de Cléopâtre pour que tous les autres docteurs à qui s'adresse Eliézer comprennent sans autres explications.

Le Talmud a-t-il été plus explicite sur l'origine historique du mot Sotada ?

C'est possible. En tout cas, on savait très bien, et on l'a dit au traité du Sanhédrin, que Salomé était fille de Lévi[25]. Comme Lévi est le même mot que Cléopas, Rabbi Eliézer et autres ne pouvaient ignorer que la mère de Salomé fût la fameuse Cléopâtre, jugée adultère par sa fille même, pour avoir épousé Hérode sans lettres de divorce de Siméon Lévi, son mari légitime.

La nature de l'adultère commis par la mère de la Sotada, est d'ailleurs définie avec la plus grande netteté par ben-Sotada lui-même, sous les espèces de Jésus, dans les Toledoth canoniques. Les talmudistes connaissaient également la scène du Mahazeh de Cérinthe, où le revenant de Barabbas remet le péché de sa grand-mère maternelle, la Sota : elle ne se trouve que là, et l'Église s'est bien gardée de l'introduire dans les Toledoth qu'elle a synoptisés sous les noms de Matthieu, de Marc et de Luc. C'est même une grande maladresse des scribes ecclésiastiques d'avoir dit de Ménahem, par conséquent de Barabbas, dans les Actes des Apôtres[26], ce qui n'était vrai que de leur mère et du frère de celle-ci, à savoir qu'ils avaient sucé le même lait que le tétrarque Hérode (Philippe).

Pour suspecter l'intention des rabbins talmudistes, il faudrait que, dans les autres parties du Talmud, ils eussent contesté la descendance davidique de Barabbas. Or, les Juifs des premiers siècles jusqu'à Maïmonide, qui est du douzième, n'ont jamais émis de doute à ce sujet, et la Sagesse de Valentin est aussi formelle que les Toledoth du canon.

Certes, Maïmonide fait toutes les réserves de droit et de raison sur le nom de Messie, appliqué à l'individu qui pensait devoir être le Messie et qui a été mis à mort par sentence du Sanhédrin[27], mais le crucifié était en règle du côté de la naissance, il était bien de la maison de David.

b. — Sur la nature et l'emplacement du tatouage que s'était fait Barabbas en Egypte

Au sujet du tatouage de Barabbas, le talmudiste ajoute :

Avant que les magiciens sortissent d'Égypte pour se répandre au dehors, on prenait bien garde qu'ils n'exportassent leurs pratiques par écrit, et qu'ils les apprissent aux autres peuples. C'est pourquoi celui-ci (ben Sotada) s'avisa d'un expédient nouveau : enfermer son art dans une incision de la chair, de manière qu'une fois la plaie guérie, il le gardât pour lui.

Dans une des Apparition du Vaurien de l'étranger[28], il est dit que c'est à la cuisse, et que dans cette incision il enferma le Schem Hamphorasch, c'est-à-dire le Nom ineffable.

c. — Iehoudda, nom de circoncision de Barabbas et de son père

On ne peut pas ne pas voir que, dans le Talmud, comme dans les Toledoth Ieschoua du canon, et aussi dans le Coran, c'est-à-dire pour les Juifs de la synagogue, pour les Juifs barabbalâtres, et pour les Arabes, la mère du prétendant-Messie est positivement mise au-dessus du père, contrairement à l'habitude juive.

Cela tient à deux causes : d'abord, Salomé descendait de David par Salomon, alors que Panthora n'en descend que par Nathan ; c'est en elle, et non en lui, qu'est la Promesse de Dieu. D'autre part, étant mort vingt-neuf ans avant son fils aîné, Panthora n'appartient pas à l'histoire de celui-ci. Dans les Toledoth canoniques, il disparaît à partir du retour d'Égypte ; et tout cela, combiné avec les façons embarrassées des Nativités, lui donne un air effacé qui contraste avec le rôle très en dehors que sa femme joue dans les événements ultérieurs. La figure de Salomé, sous le nom de Myriam, est la dominante.

Néanmoins, le nom réel du mari de la femme aux sept fils est encore donné en trois endroits du Talmud ; il y est appelé le papas Iehoudda[29]. Mais on n'a laissé : Iehoudda que dans un seul endroit ; encore cela dépend-il des exemplaires, car il en est où Iehoudda est remplacé par Iochanan.

Pour conjurer cette vérité d'état-civil, ainsi que pour répondre au Vaurien de l'étranger où, sous son nom de Iehoudda, Barabbas se retourne contre le personnage qu'on a tiré de lui sous le nom de Jésus, l'Église a senti le besoin d'écrire un rôle pour ce Iehoudda, dont l'enfance se confond si étroitement avec celle de Barabbas. Et voici comment elle s'y est prise dans l'Évangile de l'Enfance qu'elle a répandu chez les Arabes :

Il y avait là (à Bethléhem) une autre femme (que Marie), dont le fils était tourmenté par Satan, — comme le divin fils dont Marie elle-même et les pharisiens disent à chaque instant : Il est possédé, il a le démon —. Il s'appelait Juda[30], et chaque fois que Satan s'emparait de lui, il grinçait des dents contre ceux qui étaient présents. Et s'il n'y avait personne à sa portée, il se mordait lui-même à la main et ailleurs[31]. La mère de ce malheureux, ayant appris la renommée de la divine Marie et de son fils Jésus, se leva en hâte, et prenant dans ses bras son fils Juda, elle l'apporta à la Dame Marie. Or, Jacob (l'aïeul) et Josès avaient emmené le Seigneur Jésus pour jouer avec les autres enfants, et ils étaient assis hors de la maison, et avec eux le Seigneur Jésus. Juda le possédé s'approcha donc, et s'étant assis à la droite de Jésus, comme Satan l'agitait selon son habitude, il voulut mordre le Seigneur Jésus. Mais ne pouvant l'atteindre, il le frappa au flanc droit, si bien que Jésus pleura, Et à l'heure même, Satan, sortant de cet enfant, s'enfuit, semblable à un chien enragé. Et cet enfant qui frappa Jésus et dont Satan sortit sous la forme d'un chien[32], fut Juda Iscariote, qui le livra aux Juifs. Et ce même côté sur lequel Juda l'avait frappé, c'est celui que les Juifs ont percé de la lance[33].

 

IV. — LE PAPAS IEHOUDDA ET SA FEMME.

a. — Surnom de Nazir donné au père de Barabbas

Le papas de Barabbas et de toute la secte est appelé Nazir au moins une fois par les rabbins, et c'est précisément à l'endroit où son fils est dit Roi des Voleurs[34]. Ce n'est pas qu'ils l'estimassent Nazir au sens où on peut l'entendre de son premier-né, mais parce qu'il a naziréé ses sept fils pour la vengeance d'Israël. C'est en ce sens qu'il est dit : Joseph le Naziréen dans le Mahazeh canonique de Cérinthe, et Naziréen dans le Toledoth dit de Matthieu.

b. — Pandera (Panthora), surnom le plus usité pour désigner le mari et le fils aîné de la Sotada

C'est sous le surnom de Panthora que le papas Iehoudda est le plus souvent désigné dans le Talmud, comme son fils aîné sous le surnom de Ieschou-Panthora. Quant à la Sotada, les écrivains d'Église ont fait des efforts héroïques pour ébranler son identité avec la Myriam des Toledoth, mais celle-ci est formellement dite épouse de Pandera dans le Tosephot Chaguiga[35].

Voilà donc une couche de rabbins pour qui Panthora et la Sotada forment un couple non moins légitime que Joseph et Myriam dans les Toledoth canoniques, ou Myriam et Zacharie dans le Coran.

c. — Identité du papas Iehoudda Panthora avec le Ioseph des Toledoth canoniques, reconnue dans les Midraschim

Jamais le Talmud ne donne au papas Iehoudda le surnom de Zibdéos, sous lequel il est désigné dans certains Toledoth canoniques, ni celui de Zacharie, sous lequel il est également désigné dans ces Toledoth et plus tard dans le Coran, ni celui de Joseph, qui a prévalu en Occident. Mais les Midraschim (Explications) du Talmud désignent très souvent Barabbas sous le nom de ben-Joseph, le messie ben Ioseph, disent-ils. Non qu'ils lui reconnaissent la qualité de Messie, mais il était de la famille des rois-messies, et son onction, son chrisme, par sa mère, était un fait historique acquis dans les synagogues.

d. — Le fameux passage d'où sont issues les calomnies dirigées contre la vertu conjugale de la Sotada

Dans un passage du traité du Sanhédrin[36], les choses commencent à se gâter. Après avoir unanimement constaté que Barabbas fut arrêté à Lydda, les rabbins entrent en discussion sur le nom de ben-Sotada, qui lui est donné dans d'autres parties du Talmud, et sur le pseudonyme de Marie, qui est donné à sa mère dans les Ecritures des barabbalâtres.

On n'est d'accord ni sur le texte de ce passage, ni sur la traduction. Buxtorf propose un sens, Wagenseil un autre, et tout différent. L'interprétation de celui-ci paraît bien être la meilleure :

Tu dis qu'il était le fils de la Sotada ? En tout cas, il était fils de Pandera. Sur quoi Rabbi Chasda dit : C'est le mari qui s'appelait Sotada, mais celui qui l'a déshonoré s'appelait Pandera. Certainement son mari (de la Sotada) s'appelait le papas, fils de Iehoudda. Il ne faut donc pas dire que sa mère (de ben Sotada) s'appelait Sotada, car il est né de Miriam, la tresseuse de cheveux de femme. (Et Miriam a reçu le surnom de Sotada), parce que, comme disent les Pombéditains, elle s'est séparée de son mari (pour un autre commerce charnel).

L'erreur de Rabbi Chasda est de plusieurs sortes : d'abord ce n'est pas le mari qui pouvait être appelé Sotada, c'est la femme. Ensuite ce n'est pas Miriam qui s'est séparée de son mari, c'est sa mère. Ces erreurs sont inconcevables chez un homme qui sait, d'autre part, que l'individu nommé Ieschou Pandera dans d'autres parties du Talmud était, au regard de ses contemporains, fils du papas Iehoudda. En effet, nous voyons que Chasda renvoie à l'école rabbinique de Pombédita pour l'explication du mot Sotada. Or, sachant que Barabbas était fils de Iehoudda le papas, les docteurs de cette école, rivale de celle de Sura, ont su en même temps que la femme dite Myriam dans les Toledoth canoniques s'appelait Salomé, et était la grande Gamaléenne : par conséquent, ils n'ont pu, un seul instant, accuser celle-ci de s'être séparée de son mari pour commettre un adultère. Si l'on avait les écritures pombéditaines, auxquelles renvoie Chasda, on y trouverait que la femme qui a quitté son mari est la mère de Myriam, et non Myriam elle-même.

Jamais Rabbi Chasda n'aurait été amené à médire de Myriam, si l'Église n'avait soutenu, au besoin par le fer et par le feu, que le Juif de rapport s'appelait en circoncision Jésus, et le père de celui-ci Joseph. Supposez en effet qu'elle avouât que ce père s'appelait réellement Juda, et que Panthora était un simple surnom, elle eût en une seconde mis la calomnie à néant ; chacun des personnages eût repris sa valeur propre en reprenant son nom. La Sotada cessait d'être prise pour une Sota, et le Joseph des Toledoth canoniques cessait d'être déshonoré par Panthora ; mais, du même coup, Jésus redevenait Juda dit Ioannès et Barabbas, l'aîné de sept fils. C'était la fin de tout, et particulièrement de l'Immaculée Conception !

On peut se demander si tel était le texte original du passage ; j'en doute pour ma part. Vous le chercheriez en vain dans l'édition de Bâle. Lorsque les censeurs, Marcus Marinus et Petrus Cevallerius, l'ont examinée pour l'impression, ils ont exigé la suppression de ce passage, parce qu'il contient une calomnie évidente contre la mère de Barabbas. Est-ce la vraie raison ? J'en doute encore, car il contient deux choses, beaucoup plus graves :

1° que ben Sotada a été arrêté à Lydda, et nullement sur le Mont des Oliviers ;

2° qu'il a été crucifié la veille de la pâque, et que par conséquent il n'a pas mangé la dite pâque avec douze autres individus de sa sorte.

L'erreur de Rabbi Chasda est très facile à détruire ; les deux autres choses sont, au contraire, indiscutables.

La confusion où est tombé Rabbi Chasda se retrouve dans un autre traité du Talmud[37], et il se peut bien qu'elle soit plutôt l'œuvre des censeurs ecclésiastiques que celle des scribes originaux. Car, à force de tourmenter soit les rabbins, soit les textes, ou les deux ensembles, l'Église est arrivée à tout brouiller. Quelques-uns ont même essayé de nier[38] que par la Sotada il fallut entendre la mère du Juif de rapport[39].

e. — Myriam, la tresseuse de cheveux de femme et la parfumeuse

Quant à l'expression de tresseuse ou parfumeuse de cheveux de femme, elle revient plusieurs fois dans la Talmud, et on en a fait un emploi assez injurieux dans une Apparition du Vaurien de l'étranger, que nous donnons plus loin. Mais Salomé n'a jamais tressé et parfumé que ses cheveux et ceux de son premier-né, qui se tiennent pour ainsi dire, confondus dans le même vœu de naziréat.

Elle veilla toute sa vie à ce que le prétendant conservât des cheveux de femme, et l'on sait pourquoi elle les lui tressa en sept nattes.

Quant à la qualification de parfumeuse, elle ne l'a méritée que le jour de 789 où elle le fit roi par le chrisme : origine du fameux targum du Mahazeh Ieschoua de Cérinthe, où elle essuiedes ses cheveux les pieds de son fils, revenu dans le monde sous les espèces divines de Jésus[40].

f. — La vraie source d'erreur et de calomnie contre la mère de Barrabas

Si l'Église n'avait pas enlevé de Josèphe tout ce qui concernait le sotisme de Cléopâtre avec Hérode, rien ne lui eût été plus facile que de réfuter les calomnies dont elle accuse les talmudistes.

C'est elle-même qui a ouvert la porte à toutes les suppositions offensantes qu'il a plu aux synagogues de grouper autour du mot. Et puisqu'il faut faire justice à tout le monde, la plus grande part de la responsabilité dans ces obscurités et ces confusions, déplorables pour l'honneur de la Gamaléenne, revient aux aigrefins du baptême qui ont fabriqué les Toledoth canoniques.

La mère de Barabbas a payé cher les mystères niais de la Nativité selon Luc, et les goujateries écœurantes de la Nativité selon Matthieu. On sait que, dans Matthieu, Joseph, s'apercevant que sa femme est grosse, veut la renvoyer pour adultère, mais secrètement, sans bruit, de manière à ne pas la désigner aux sévérités de la Loi[41]. On sait également que, dans Luc, sa femme (Eloï-schabed) est tenue cachée pendant cinq mois, jusqu'à l'apparition de sa grossesse. Rapprochant ces deux passages, certains rabbins du Talmud en ont inféré que si le papas ne lui permettait pas de se produire en public, c'était afin de lui éviter les tentations de mal faire, auxquelles elle n'était que trop sujette, et vous verrez le parti que les Apparition du Vaurien de l'étranger ont tiré de cette observation psychologique.

Ils reprochent même au papas cet excès de précautions, comme étant plus capable d'exciter sa femme que de la retenir. Il a mal fait, disent-ils, s'il y avait entre eux quelque cause de discorde à ce sujet.

Il faut noter aussi que, pour les rabbins du Talmud, comme pour tous les autres Juifs, y compris ceux qui ont fabriqué les Toledoth du Canon, Marie et Marie-Madeleine sont une seule et même personne ; que, sous ce dernier nom, elle est calomniée de la façon la plus atroce par l'Église ; que, traitée de pécheresse dans ces Toledoth, de pécheresse notoire dans quelques-uns, elle a fini par devenir une prostituée de carrière, dont le corps est travaillé de sept démons d'une activité dévorante, jusqu'au jour tardif où Jésus la débarrasse de ces malins esprits.

Ces interprétations ecclésiastiques ont fait plus de mal à Marie dans les synagogues, qu'à Marie-Magdeleine dans les églises.

Au fond, c'est une mère irréprochable, la Gamaléenne, qui souffre de cette exégèse calomnieuse. Cela ne serait jamais arrivé si, pour faire une Vierge d'une femme qui avait eu au moins neuf enfants, l'Église n'avait pas coupé Marie en deux personnes, dont la seconde est terriblement suspecte sous le nom de Magdeleine.

Voilà donc une femme qui, sous quelque nom qu'elle soit présentée par l'Église, est non seulement soupçonnée d'adultère par son mari lui-même, à qui personne ne demande une pareille confidence, mais convaincue par le nommé Jésus d'une longue débauche imputable à sa constitution démoniaque ! Et l'on voudrait que les rabbins du Talmud la vénérassent comme Vierge !

g. — Les règles de la Jardinière. Targum sur l'adultère dont les Toledoth canoniques font suspecter Myriam[42]

Ce targum se trouve dans le Massechet Calta, dont, à la vérité, les Juifs ne font pas le même état que des autres traités du Talmud.

Fort ancien par lui-même, ce targum provient d'un Mahazeh Ieschou ha nozri écrit par les rabbins contre les Toledoth, du canon, et il a donné le ton à toutes les autres Apparition du Vaurien de l'étranger.

Un jour que les docteurs étaient assis devant la porte (de Jérusalem), deux enfants passèrent, dont l'un se couvrit la tête, et l'autre la montra découverte. De celui qui marchait la tête découverte Rabbi Éliézer dit que c'était sans doute un bâtard. Rabbi Ioshua dit que c'était le fils d'une femme en état de menstrues, lorsqu'elle le conçut. Mais Rabbi Akiba dit que c'était le fils d'une femme adultère, laquelle avait ses règles. Alors les autres dirent à Rabbi Akiba : D'où te vient tant d'assurance que tu contredis aux paroles de tes collègues ? Mais il assura qu'il était en mesure de le prouver. Sans délai, Akiba s'en alla vers la mère de cet enfant, il la trouva assise dans la place publique et vendant des légumes.

Salomé était en effet la mère du Jardinier, tous les Juifs évangélisés l'appelaient la Jardinière.

Nous avons dit ailleurs ce que devaient être les vignes de ce Jardin[43]. Pour ce qui est du blé, il devait offrir à l'œil des Juifs le même spectacle que les vignes : Chaque grain produira dix mille épis, et chaque grain donnera dix livres de fleur de farine d'une blancheur éblouissante. Et les autres fruits, semences et plantes, répondent aux mêmes proportions.

C'est par de telles promesses que Barabbas s'attachait les malandrins de sa suite, quoiqu'à la vérité le sac du trésor du Temple les intéressât davantage.

La séméiologie des cinq pains d'orge que les disciples présentent à Jésus, et que ce mystificateur effronté renouvelle dans les Toledoth canoniques, est une preuve que les Poissons de mille ans ne sont point venus, et une promesse que viendra un jour le Jardin où pousse le blé de la beth léhem.

Le quatrième livre des Explications des Paroles du Marân était plein, comme on sait, de cet Évangile dolosif, car c'est d'après Papias que l'Église le produit dans l'ouvrage qu'elle a mis sous le nom d'Irénée, — le Juif Schaloum, venu à Lyon sous Marc-Aurèle pour y prêcher le Royaume.

Papias, le petit papas d'Hiérapolis, ne pouvait ignorer que l'auteur de l'Apocalypse de l'Even-guilayon, s'appelât en circoncision Juda, et il le disait à propos de ce Jardin fantastique.

Aussi l'aigrefin qui a fabriqué les Hérésies d'Irénée n'a-t-il pas manquer de dire que, si le nom de Juda avait été prononcé par Schaloum, c'était à propos de Juda Kériothis, lequel, interrogeant Jésus d'un air de doute, lui avait dit : Et comment de telles choses seront-elles réalisées par Dieu ? A quoi Jésus avait répondu : Ceux qui vivront le verront.

Et nous-mêmes, simple semence de bétail, nous verrons, par l'exemple d'un chou, dans les Vaurien de l'étranger, de quelle taille étaient les légumes qui devaient pousser chez le fils aîné du papas Iehoudda.

Il (Akiba) lui dit : Ma fille, si tu réponds à la question que je vais te poser, je te rendrai participante de la vie éternelle. Alors elle lui dit : Bien, confirme-le-moi par serment. Mais Rabbi Akiba jura des lèvres, et en lui-même il se déliait de sa foi[44]. Il demanda : Ce fils-là, d'où te vient-il ? Elle répondit : Quand je me suis mariée, j'avais mes règles, aussi mon mari s'est-il abstenu de moi ; mais mon amant m'a couverte, et c'est de là qu'est ce jeune homme. Il eut ainsi la preuve que c'était le fils d'une femme adultère et qui avait ses règles.

L'histoire des règles de la Jardinière est une des choses les plus extraordinaires de tout le Talmud.

Elle vient des prétentions que Barabbas avait affichées de supprimer, par sa venue, les œuvres de la femme[45], prises à leur source mensuellement périodique. Et c'est pour cette raison que, dans les Toledoth canoniques, la fille de Jaïr, apercevant Jésus, se précipite au-devant de lui en pleine rue, pour toucher ses vêtements, et par là se faire guérir de ses menstrues. Car son beau-frère Barabbas lui avait dit[46], comme à sa propre mère : Mon règne sera, quand vous aurez foulé aux pieds les vêtements de la pudeur (pour redevenir nues comme dans l'Eden) ; que ce qui est dehors sera dedans, un en deux, deux en un, ni homme ni femme. Or, pendant la gestation, Barabbas n'avait supprimé les œuvres de sa mère que pour un temps, et elles avaient repris leur cours naturel jusqu'à la ménopause, sauf l'interruption constatée pendant huit ou neuf autres grossesses : Salomé avait encore ses menstrues après son dixième enfant, et elle est morte sans avoir été reconjointe, réadamisée (un en deux, deux en un), avec son mari.

L'Église, pour parer le coup, avait insinué[47] que Salomé était le nom d'une femme qui, à l'exemple de Marie, était restée vierge :

A Salomé, qui lui demandait : Jusques à quand les hommes mourront-ils ? le Maître répondit : Tant que vous ferez des enfants, vous autres femmes ! Et comme elle lui disait : J'ai donc bien fait de ne pas engendrer, le Maître approuva, disant : Mange de toute herbe, mais ne mange pas de celle qui a de l'amertume[48].

Voilà ce que l'Église faisait croire de la femme qui s'appelait Salomé et qu'elle appelle Marie. Les rabbins, au contraire, établissent que cette femme avait mangé de l'herbe amère, et par conséquent, engendré ; elle n'était pas plus vierge, après avoir accouché, que les autres femmes juives. Dans leur zèle grossier pour ces élémentaires vérités, ils ajoutent, et c'est une calomnie, qu'elle était sous le coup de la souillure mensuelle, lorsqu'elle a conçu son premier enfant. Toute fille de David qu'elle est, elle a cette infériorité sur les simples femmes du peuple, dont aucune n'aurait trouvé de mari capable de manquer si gravement à la Loi. Allez donc dire après cela qu'elle a conçu sans péché !

 

V. — L'APOCALYPSE DE L'ÉVEN-GUILAYON.

Pour tous les rabbins du Talmud, l'Even-guilayon, c'est l'Avon-gelion, Apocalypse de vanité[49], ou l'Aven-gelion, Livre d'iniquité : Livre de perdition aussi, dit l'histoire de Judée.

Ce n'est pas qu'ils contestent le bien-fondé de la kabbale léguée à Barabbas par ses ancêtres : Iehoudda ben Péréja, par exemple. Au contraire, 1' Œuvre du Char, rudiment de l'Apocalypse, est pour eux le point culminant de la science. Les rabbins du Talmud n'étaient pas tous en état de l'expliquer convenablement, ni d'inculquer leurs interprétations à tous leurs disciples. Ils choisissaient celui qui, par l'acuité de son intelligence, se montrait le plus apte à percer la profondeur de ce mystère[50].

C'était comme la clef du paradis, de l'Eden lui-même. Bien peu nombreux devaient être les disciples capables de s'élever à ces hauteurs. Quatre maîtres seulement purent s'y hisser, d'après Raschi : Rabbi Akiba était de ces heureux génies. Mais ce que Raschi ne dit pas, ni Maïmonide, c'est que, si les Akiba ont pu s'asseoir pour ainsi dire sur le Char d'Ezéchiel, ils le devaient à l'illustre Barabas, qui leur avait montré le chemin dans l'Even-guilayon.

a. — Le vomissement de l'Évangile sur la voie publique par Barabbas

Tout ce qui dans le Talmud montrait en Ieschou l'auteur de l'Apocalypse évangélique a été enlevé au fil du temps. Il ne reste plus sur ce point que deux passages[51]. Encore ne se trouvent-ils que dans certaines éditions, celles de Venise, de Cracovie, et d'Amsterdam, par exemple ; ils ont disparu de celle de Bâle :

Il (Ieschou) a répandu publiquement son manger corrompu.

N'aie jamais de fils ou de disciple qui vomisse son manger sur les places publiques, comme fit Ieschou ha nozri[52].

Barabbas, en publiant son Évangile, a en effet vomi sur les places publiques le livre[53] qu'il avale dans cet Apocalypse insensée, et qui, dit-il, lui donne de l'amertume au ventre. Dira-t-on après cela que cet écrit est d'un autre individu que le Vaurien de l'étranger ? Les rabbins du Talmud vont nous montrer bientôt l'auteur enseveli dans sa propre ordure ! Car le manger, en dépit de la douceur du miel qu'il avait au moment de l'absorption, a produit sur le mangeur les effets de la coloquinte.

On peut même trouver qu'après le mal que ce scélérat avait fait à son pays et à sa race, les rabbins du Talmud ont été bien modérés dans la façon dont ils traitent son Even-guilayon.

b. — Communauté de vues entre l'Évangile et le Talmud à l'endroit des goym

Mais en ce qui touche la semence de bétail, il y a étroite communauté de vues et de sentiments entre l'Évangile et le Talmud. Voici notamment  qui est de l'Évangile tout pur, et que Barabbas aurait signé des deux mains :

S'il arrive qu'un Juif rencontre un goy sur son chemin, qu'il passe à sa droite ! Et Rabbi Ismaël, fils de Jochanan ben Broka, dit : Si le goy est armé d'une épée, qu'il (le Juif) passe à sa droite ! S'il est armé d'un bâton, qu'il (le Juif) passe à sa gauche ! S'ils montent un escalier ou qu'ils descendent une déclivité, que l'Israélite ne soit point au-dessous et le goy au-dessus, mais qu'il s'arrange de manière à être au-dessus, et le goy au-dessous, pour n'avoir pas à se courber devant lui et pour pouvoir lui frapper sur la tête. Etc.[54]

La seule chose que Barabbas n'aurait pas approuvée, c'est que le Juif laissât vivre le goy après l'avoir frappé.

Le goy souille tout ce qu'il touche, et non seulement la partie touchée, mais tout ce qui s'y relie[55] :

Un homme (Juif) soutirait du vin à l'aide d'un tube pour le transvaser ; vint un goy qui toucha de la main le tube, tout le vin en fut impur selon la Loi.

Voilà de quoi réjouir les mânes de Barabbas, car c'est son esprit même qui parle ici.

Voici également qui est dans la Mischna, et qu'il eût applaudi de toutes ses forces :

Les Israélites n'introduiront pas leur bête (âne ou autre) dans les maisons des goym, car ceux-ci sont suspects de bestialité. Et ils ne copuleront pas avec une femme de chez eux, car ils sont suspects d'infection (physique et morale). Et nul n'habitera avec eux, car ils sont suspects de meurtre. Et que la femme juive ne prenne pas d'accoucheuses parmi eux, car elles sont suspectes d'infanticide ![56]

Barabbas lui-même ne pensait pas autrement, quoique par la Loi de Moïse la bestialité juive lui fût connue ; que ses ancêtres eussent, à très peu d'exceptions près, sacrifié leurs premiers-nés pour honorer Dieu ; qu'il eût lui-même assassiné Ananias et Zaphira ; que ses partisans fussent tous meurtriers et gens de mauvaise vie, et que ses premiers adorateurs eussent reculé les limites du meurtre rituel, de l'inceste, et de la prostitution masculine.

Barabbas n'eût point souffert qu'un de ses disciples entrât chez un goy ; et, en souvenir de cette ordonnance, les Actes des Apôtres font dire à Simon la Pierre : Vous savez quelle abomination c'est pour un Juif d'approcher un goy (X, 28). Vous avez vu également avec quelle hypocrite astuce, partant pour aller guérir le fils du centurion, et après avoir dit : J'irai, Jésus s'arrange de telle manière que le centurion lui-même lui évite la honte de manquer à ses propres ordonnances.

Il eût donc considéré ce qui suit comme une capitulation :

Un homme (Juif) n'entrera pas dans la maison d'un goy pour le saluer à son avantage ; s'il le rencontre dans la rue, il le saluera du bout des lèvres et sans le regarder.

C'est là une concession que Barabbas eût condamnée : Ne saluez personne en chemin ! (pas même un Juif, il pourrait être du parti contraire), dit aujourd'hui encore son revenant.

L'aigrefin qui a forgé les Lettres du Ioannès, dans l'intention de tromper les goym sur les véritables sentiments de ce scélérat, n'en a pas moins été obligé de respecter certaines de ses ordonnances relatives à l'interdiction de saluer le goy. Sans quoi, il ne serait jamais fait croire !

 

VI. — LE BAPTÊME EN BARABBAS.

C'est une grande erreur de s'imaginer que les rabbins du Talmud se soient tous joints aux goym pour empêcher la propagation du culte hideux de Barabbas.

Barabbas, c'est le Royaume manqué, mais c'est le Royaume promis, et qui se fera par un fils de David, que Barabbas revienne ou non ! A part quelques sorties, dans lesquelles un docteur émet son opinion personnelle, les autres ne déguisent pas toujours leurs préférences davidistes. Pour ceux-là, l'évangile est vraiment le livre de la Promesse.

Avant que les Juifs ne fussent victimes de l'accusation d'avoir été déicides, il y avait deux courants dans le Talmud ; le plus fort n'est pas toujours celui de la raison. La rédaction des Toledoth du Canon est toujours d'esprit talmudique. Celle du Talmud est souvent d'esprit évangélique.

Contre le baptême il n'y a rien dans le Talmud. Moïse baptisait, convertissant l'eau en sang. Les rabbins du Talmud ne pouvaient nier, sans contrevenir à toutes les cultures ancestrales, que le Messie eût le pouvoir de baptiser ; d'autre part, ils ne pouvaient pas, sans se moquer ouvertement de Dieu, admettre que Barabbas, crucifié à cinquante ans, fût le Messie : c'est le baptême administré en son nom qu'ils ont combattu comme une dérision. Encore ne se prononcent-ils jamais sur ce point avec la netteté qu'il faudrait. C'est seulement chez les rabbins du Moyen Âge, et lorsqu'ils virent les goym s'attribuer le bénéfice de la rémission, qu'un Rabbi Abarbenel qualifia le baptême Eaux de fol orgueil.

a. — Targum du baptême en Barabbas

C'est une véritable scène évangélique que cette séméiologie du Talmud, et présentée dans ce langage entortillé qui est celui des Toledoth canoniques.

Devant la forteresse arabe de Tabriz, les disciples de ben Sotada, demandent au docteur José ben Kisma. Quand viendra le fils de David ? José est un peu embarrassé ; il sent bien qu'ils lui demandent un signe, comme à Jésus le peuple juif dans les Toledoth synoptisés, et, comme Jésus, il sait bien qu'il n'en pourra fournir. Alors les disciples lui disent : Nous ne t'en demanderons aucun. Mais comme ils manquent à leur parole, et qu'ils insistent, ajoutant : Rabbi, donne-nous un signe ! il répond : Puissent les eaux qui coulent de la caverne Pameyas[57] se changer en sang ![58]

Moralité : En attendant la venue du fils de David, lavez-vous de vos péchés, car il a le pouvoir de changer l'eau en sang, c'est-à-dire de donner la vie par le baptême ! Et, dit le Talmud, à l'instant cela se fit. Entendez que les impétrants furent baptisés par José ben Kisma.

 

VII. — AFFAIRES DES TABERNACLES ET DE LA DÉDICACE.

a. — Affaire des Tabernacles

Sur l'affaire des Tabernacles plus rien dans le Talmud ; nous l'ignorerions sans le Mahazeh de Cérinthe. Et cependant les entreprises de Barabbas contre le Temple, à la fête des Tabernacles et à celle de la Dédicace, ont laissé dans les synagogues des souvenirs beaucoup plus profonds que sa faillite à la pâque.

b. — L'affaire de la Dédicace : Confusion entre Jacob bar-Juda, lapidé à cette occasion, et son frère aîné, Juda bar-Abba, crucifié par Pilatus

La fête de la Dédicace a été marquée par l'arrestation de Jacob junior, à Jérusalem, sur les marches du Temple, peut-être même dans le sanctuaire. Arrêté par Saül, stratège du Temple, il a comparu devant le Sanhédrin, il a été jugé, condamné à la lapidation, exécuté par tout le peuple, tandis que Barabbas, condamné par contumace, arrêté à dix lieues de Jérusalem, amené de nuit au Hanôth, n'a pas comparu devant le Sanhédrin, et a été livré clandestinement aux Romains.

Les exécutions de Pilatus ont passé sur Jérusalem comme une rafale, elles ont eu lieu sans témoins juifs : c'est pourquoi elles ont laissé si peu de traces dans le Talmud et dans les Vaurien de l'étranger que nous publions plus loin.

Il en résulte que, pour la postérité juive, la lapidation de Jacob junior domine la crucifixion de son frère aîné ; elle l'efface, au point qu'entre ces deux bar-Juda, le traité du Schabbath confond celui qui fut crucifié par Pilatus avec Jacob junior, et le fait mourir de la même mort : la lapidation[59].

Le héraut qui le précédait criait sa condamnation depuis quarante jours, disant : Il sort pour être lapidé, parce qu'il a fasciné le peuple et poussé les Israélites à leur perte. Et s'il y a quelqu'un qui veuille témoigner en faveur de son innocence, que celui-là se lève et prenne la parole ! Mais il ne se trouva pas quoi que ce fût à sa décharge[60].

Une telle confusion serait inexplicable, si nous ne savions par les Toledoth du canon que la lapidation de Jacob bar-Juda a fait un bruit universel parmi les Juifs, tandis que la crucifixion de son frère aîné fut immédiatement niée par la famille, et contestée dans les synagogues acquises à l'Évangile. On sait quelle peine ont eue les aigrefins qui ont fabriqué les Toledoth canoniques, à prouver la crucifixion. Ils n'ont même jamais réussi à en persuader les Arabes !

 

VIII. — LES SOIXANTE JOURS DU RÈGNE DE BARABBAS.

a. — Barabbas, roi des voleurs

Un mot du Talmud[61] résume tous les faits : Barabbas, oint par sa mère, la parfumeuse de cheveux de femme, fut le Roi des voleurs.

Ben Nézer[62] fut un lèstès[63].

Et une glose de Rabbi Salomon ajoute :

Ben Nézer fut un voleur, et il prit des villes, et il régna sur elles, et il fut fait Roi des voleurs.

Il ne manque à ce tableau que les circonstances historiques ; mais les Toledoth canoniques y suppléent en partie. Quant à l'identité de ce Ben Nézer, on peut s'en rapporter à ce que dit Rabbi Isaac Abarbenel[64], dépositaire de la tradition juive et interprète de toutes les synagogues de son temps : Ce ben Nezer est Ieschou ha nozri (le Jésus de l'étranger).

Quant à Ieschou ha nozri, c'était si bien Barabbas que les Toledoth en usage chez les Naziréens, disciples du papas Iehoudda, le reconnaissaient hautement ; et l'Église le reconnaît d'après eux dans Saint-Jérôme, où elle dit : Ce Barabbas, dans l'Évangile selon les Hébreux, est donné comme étant le fils de leur Maître, et qui avait été condamné pour rébellion et assassinat[65].

b. — Sur ce fait que la condamnation de Barabbas a été annoncée pendant quarante jours

Nous avons sur ce point le témoignage formel du traité Sanhédrin[66]. L'annonce du jugement devait mentionner le nom du père du condamné : Cet homme, fils de... (le nom) doit être... (la peine) pour... (la nature du crime). Les témoins du fait sont... (les noms). Que celui qui peut établir l'innocence s'approche, et expose ses raisons ![67]

On ne nous fera donc pas croire que les rabbins du Talmud ont pu ignorer le toledoth de Barabbas au point de considérer l'aîné des sept fils du papas Iehoudda comme étant le fruit d'un adultère, commis par Salomé avec un nommé Panthora qui n'aurait pas été son époux.

e. — Sur l'arrestation de Barabbas à Lydda (13 nisan 789) et son interrogatoire dans la synagogue

Sur le fait qu'il a été arrêté à Lydda nous avons également le témoignage formel du traité Sanhédrin. Nous avons même la preuve qu'avant d'être conduit au Hanôth, la prison de Jérusalem, il l'a été dans la synagogue de Lydda, où il fut convaincu d'imposture et d'idolâtrie asinaire par ceux qu'il avait abusés au Jourdain et abandonnés au Sôrtaba :

Entre ceux qui sont criminels envers la Loi, il n'y a de procédure spéciale qu'envers l'imposteur. Comment s'y prend-on à son endroit ? On allume une chandelle dans l'intérieur de la salle, et on place les témoins dans une chambre extérieure d'où ils puissent le voir et l'entendre : mais lui, ne les voit pas. Alors celui qu'il avait tenté de séduire auparavant lui dit : Je te demande de répéter ce que tu m'as dit à moi-même jusqu'à maintenant. S'il le dit, l'autre le redresse ainsi : Comment abandonnerons-nous notre dieu, qui est au ciel, et servirons-nous des idoles ?[68] S'il se convertit à cela ou se repent, c'est bien. Mais s'il répond : C'est notre affaire[69], il nous convient d'agir ainsi ! les témoins qui l'entendent du dehors l'emmènent en prison et le suspendent (pour le lapider). Ainsi fit-on au fils de la Sotada dans Lydda.

d. — Sur ce fait qu'il était en croix la veille de la pâque

S'il y a confusion entre Jacob junior et son frère aîné sur la nature de leur supplice, il n'y en a aucune sur le jour précis où le bar-Abba fut mis en croix : c'était la veille de la pâque. Nous avons là-dessus deux passages du traité Sanhédrin[70], ainsi conçus :

On le suspendit (au bois) la veille de la pâque.

Sur quoi, Rabbi Ula dit : Comment peut-on croire que cet enfant pervers ait été innocent, alors que ce fut un imposteur ? Car le Miséricordieux dit (Deutéronome, XIII, 8) : Que ton œil ne l'épargne pas, et n'use pas de clémence envers lui ! Or Ieschou se croyait sur le point de régner[71].

Il n'était, en effet, séparé du Millénium Poissons, que par quelques heures. Rabbi Ula se demande comment il se fait que ce pervers puisse passer pour innocent, au point même d'être adoré comme un dieu ? Evidemment c'est monstrueux ; mais cela ne se serait pas produit, du moins en Occident, si, pour sauver la recette du baptême, les Juifs qui ont fabriqué les Toledoth canoniques n'avaient pas inventé un nommé Jésus qui comparaît à la place de Barabbas devant Pilatus.

Avec la mauvaise foi qui l'accompagne, non seulement dans tous ses actes, mais encore dans tous ses dires, l'Église déclare que les talmudistes se sont appliqués à pervertir les temps, de manière à faire les ténèbres autour d'eux. Ils ont vécu, dit-elle, sous des empereurs païens jusqu'à Constantin[72], ils en ont profité pour exercer la malignité de leur langue contre le Juif de rapport. Sitôt qu'ils ont vu l'empire aux mains des princes christiens, ils n'ont pas osé introduire leurs calomnies diaboliques dans leurs Talmuds, ils les ont tronqués par peur, interprétés, tournés de diverses façons. Us sont arrivés à forger un Jésus de leur invention, et si peu semblable à celui des Ecritures canoniques, qu'ils le mettent en croix la veille de la pâque ![73] A-t-on idée d'une pareille perversion des faits et des dates ?

 

IX. — PRATIQUES D'ENFOUISSEMENT ORDURIER LÉGUÉES PAR BARABBAS À SES DISCIPLES.

a. — La fosse à ordures réclamée pour le Grand-Prêtre

Les Juifs barabbalâtres gardaient au Sanhédrin une haine inextinguible pour la sépulture infâme à laquelle il avait réduit Barabbas. Ils comparaient le patriarche de Tibériade, quel qu'il fût, au grand-prêtre Kaïaphas, et ils le vouaient au salaire des latrines, qu'avait eu autrefois, mais si injustement d'après eux, le Grand-prêtre éternel, ou tout au moins millénaire, déposé près de la Porte des Ordures après sa crucifixion.

Jacob ben Zackan fut un de ces barabbalâtres les plus intraitables, à la fois docteur du culte nouveau, héritier de ses formules, grand guérisseur[74], plus grand empoisonneur encore, car il passe pour s'être ainsi débarrassé du célèbre Rabbi Afhu[75]. Ses sentiments sont dépeints à mots couverts, mais transparents, dans ce curieux endroit du Talmud[76] :

Akiba dit : Tu me remets en mémoire qu'un jour, me promenant sur le plateau supérieur de Zippori (Séphoris), je rencontrai un des disciples de Ieschoua-ohan-nazir dont le nom est Jacob ben Zackan. Il me dit : Il est écrit dans la Loi (Deutéronome, XIII, 19) : Tu n'apporteras pas le salaire d'une courtisane.

Cette citation est tellement tronquée ici, qu'elle perd toute sa signification. Rétablissons-la : Il ne doit pas y avoir une prostituée parmi les filles d'Israël, ni un prostitué parmi les fils d'Israël. Tu n'apporteras point dans la maison de l'Éternel ton Dieu, comme offrande votive d'aucune sorte, le salaire d'une courtisane, ni la chose reçue en échange d'un chien, car l'un et l'autre sont en horreur à l'Éternel, ton Dieu. Ce que veut dire Jacob ben Zackan, c'est que, souillée par les Romains impurs, Jérusalem n'a pas cessé d'être Sodome et Egypte, comme Barabbas le disait jadis, et que, selon les ordonnances évangéliques, les offrandes de la Grande Prostituée devraient être refusées comme impures par le grand-prêtre, si celui-ci n'était pas, comme Kaïaphas, le truchement de la Courtisane elle-même :

Est-ce que, pour son salaire, il n'y a pas lieu de faire une latrine pour le Grand-prêtre ? Mais moi, je ne lui répondis pas un mot[77].

b. — Un échantillon de la manière oratoire de Barabbas pendant l'Évangélisation

Il poursuivit : Ainsi nous l'a enseigné Ieschoua-ohan-nazir (d'après Michée, I, 7) : Ce qui provient du salaire de la courtisane, que cela redevienne salaire de la courtisane !

Pour bien comprendre ce que voulait ben-Zackan d'après l'enseignement de Barabbas, il faut en effet recourir à Michée.

C'est Michée qui fournissait à Barabbas une partie de ses diatribes contre les monuments romains de la Samarie et de Jérusalem. Car Michée dit dans le passage auquel renvoie Jacob ben Zackan :

Voici l'Éternel qui sort de sa demeure, qui descend et foule les hauteurs de la terre. Sous ses pas, les montagnes se liquéfient, les vallées se crevassent ainsi la cire fond sous l'action du feu, et les eaux se précipitent sur une pente. Tout cela à cause de l'infidélité de Jacob et des prévarications de la maison d'Israël. A qui imputer l'infidélité de Jacob ? N'est-ce point à Samarie ? A qui les hauts-lieux de Juda[78] ? N'est-ce point à Jérusalem ? Aussi ferai-je Samarie un champ de décombres, un terrain de plantation pour des vignes. Je lancerai ses pierres dans la vallée et mettrai à nu ses fondations. Toutes ses images sculptées seront fracassées, ses présents d'amour consumés par le feu. Toutes ses statues, je les réduirai en ruines ; car les ayant amassées avec le salaire de la prostitution, elle les verra s'en aller en salaire de prostitution. C'est pour cela que je veux donner cours à mes plaintes, à mes lamentations, circuler pieds nus et sans vêtements, poussant des hurlements lugubres comme les chacals et des cris plaintifs comme les autruches.

Ce passage de Michée, que Barabbas appliquait aux statues d'Auguste élevées en Samarie, et à Jérusalem (particulièrement dans le palais d'Hérode, devenu le prétoire de Pilatus), Jacob ben Zackan l'applique à celles d'Hadrien, le perspicace Antinoos, élevées dans la Jérusalem de son temps.

Et empruntant sa conclusion à la prédication même de Barabbas, Jacob ben Zackan dit :

De même, ce qui vient d'un retrait immonde, que cela retourne au retrait immonde !

Cette citation provient des Paroles du Marân ou Paroles du Rabbi, que Philippe recueillait chaque jour de la bouche de son frère aîné. On peut voir par là de quelles scatologiques images celui-ci se servait pour impressionner la tourbe des gens de mauvaise vie, auxquels il promettait pour salaire le pillage du trésor du Temple. Le retrait immonde, c'était Rome. Ce qui en vient, c'était les monuments et les statues à sa gloire. Et ce qui devait retourner au retrait immonde, c'est Kaïaphas préalablement envoûté et enfoui sous l'ordure. Quand sera-ce le tour du patriarche de Tibériade ? Jacob ben Zackan estime le moment venu.

Ces images, qui traduisent une bassesse d'idées constante, les Toledoth canoniques n'ont pas osé les reproduire dans leur signification originelle. On en retrouve la trace, mais combien effacée, dans certaine parabole de Jésus aux pharisiens[79], parabole tellement éloignée des discours ordinaires de Barabbas que Simon dit la Pierre est obligé d'en demander l'explication. Et il embarrasse furieusement Jésus, malgré toute son astuce. Car ce qu'il réclame de lui, c'est l'exécution de ce qu'il lui a entendu dire quand ils étaient dans le monde. Or, Jésus ne parle plus aux pharisiens de monuments et de statues à détruire, ni de grand-prêtre à enfouir sous les ordures, mais de simples mots à surveiller. C'est pourquoi les pharisiens ne comprennent pas, les disciples pas davantage. Jésus dit donc à ceux-ci : Et vous aussi, êtes-vous encore sans intelligence ? Ne comprenez-vous pas que tout ce qui entre dans la bouche va au ventre et est rejeté au retrait ? Mais ce qui vient de la bouche vient du cœur, et voilà ce qui souille l'homme ! Jacob ben Zackan est de ceux qui n'auraient pas compris, car il en est resté aux Paroles du Marân, telles que Philippe, Toâmin et Mathias bar-Toâmin les ont transmises aux fidèles de l'Even-guilayon.

Mais, dit Akiba, je me tus, pour ne pas accéder à l'hérésie[80], et m'en allai.

 

X. — TARGUM DES CINQ DISCIPLES QUI ONT FINI COMME BARABBAS.

Après la crucifixion de Barabbas, il restait encore cinq fils à la Gamaléenne : cinq démons sur les sept, mentionnés dans les Toledoth canoniques, comme étant sortis de son ventre fécond.

On tient des Rabbis qu'il y a eu cinq disciples de Ieschou : Mathaï, Nekaï, Nézer, Beni et Thoda.

C'est du moins ainsi que le passage nous est parvenu. Par disciples nous pensons qu'il faut entendre ceux qui, frères ou non de Barabbas, se sont faits rois-christs depuis lui jusqu'à la prise de Jérusalem par Titus, et ont subi le même sort.

La scène qui suit cette présentation varie selon l'humeur de chaque interprète : Wagenseil[81] traduit tout autrement que Vorstius[82].

Pour le fond, c'est une satire et très topique des procédés employés dans les Toledoth canoniques, où Jésus entasse calembour sur calembour, essayant de justifier chaque chose après coup par une application fantaisiste des Ecritures juives.

Pour bien comprendre ce qu'ont voulu ici les rabbins du Talmud, il faut se rappeler qu'aucun des disciples de Barabbas n'avait prévu sa misérable fin, et que tous, au contraire, comptaient bien vivre mille ans avec le divin Maître. Les voilà qui comparaissent, par le procédé résurrectionnel, devant les descendants des membres du Sanhédrin qui les ont jugés et condamnés.

Aux jeux de mots par lesquels ils se défendent les rabbins répliquent par d'autres jeux de mots, dont ils sont (ratione mortis) incapables d'apprécier le bon goût. On voit que les scribes du Talmud auraient fait d'excellents évangélistes.

a. — Mathaï (Ménahem)

Ils amenèrent Mathaï, qui dit (à cause du radical math, mort, qui entre ici dans son nom) : Est-ce que Mathaï sera mis à mort ? alors qu'il est écrit (Psaume XLII, 3) : Quand je reviendrai pour paraître devant la face de Dieu[83]. Ils lui répondirent : Est-ce que Mathaï ne sera pas mis à mort ? alors qu'il est écrit (Psaume XLII, 6) : Quand il mourra et que périra son nom[84].

Mathaï est certainement Ménahem[85], mort (math) dans des circonstances particulièrement tragiques. Le psaume XLII, auquel on renvoie, contient un passage qui ne convient à aucun de ses autres frères : Mon âme se fond au dedans de moi, quand je me rappelle le temps où je m'avançais au milieu des rangs pressés, marchant en procession avec eux vers la maison de Dieu, au 'bruit des chants et des actions de grâces d'une foule en fête. C'est une allusion évidente à l'entrée de Ménahem dans Jérusalem sous les Anes de 819 : entrée qui est avancée de trente ans dans les Toledoth Ieschoua du Canon, comme si elle était advenue au fils aîné de Panthora.

b. — Nekaï (Kanaï : Simon le Kanaïte, autrement dit la Pierre)

Ils amenèrent Nékaï (de néki, innocent). Et il dit : Est-ce que Néka sera mis à mort ? alors qu'il est écrit (Exode, XXIII, 7) : Ne frappe point de mort l'innocent et le juste ! Ils lui répondirent : Est-ce que Nékaï ne sera pas mis à mort ? alors qu'il est écrit (Psaume X, 8) : Il tue à la dérobée l'innocent !

Celui qui tue l'innocent à la dérobée dans le Psaume auquel on renvoie, c'est l'ennemi de David. Mais ici, c'est Simon dit la Pierre, meurtrier de Juda Kériothis à la Poterie. Selon lui il était innocent et juste, puisqu'il vengeait son frère, lui-même innocent et juste. Si les juges l'ont à son tour condamné à mort, c'est parce que sa bouche, pleine de parjure, de perfidie et de violence, et sa langue, sont au service du mal et de l'iniquité. Il se met en embuscade dans les villages ; à la dérobée il fait périr l'innocent, ses yeux guettent le malheureux ! On n'a trouvé Juda Kériothis que le lendemain matin, les entrailles hors du ventre.

c. — Nézer (Barabbas lui-même) assassin de son peuple

Ils amenèrent Nézer, qui dit : Est-ce que Nézer[86] sera mis à mort ? alors qu'il est écrit (Isaïe, XI, 1) : Et un rejeton poussera de ses racines[87].

Ils lui répondirent : Est-ce que Nézer ne sera pas mis à mort ? alors qu'il est écrit (Isaïe, XIV, 19) : Mais toi, tu as été rejeté hors de ta tombe, tel qu'un rejeton maudit.

Il s'agit incontestablement du Nazir par excellence, de Barabbas lui-même, dont l'histoire, à la suite d'on ne sait quelle altération de texte, se trouve confondue ici avec celle d'un de ses frères. Car de tous les fils de Panthora, Barabbas est le seul qui ait été expulsé de son tombeau, de manière assez officielle pour faire impression sur les rédacteurs du Talmud. Il est bien dit, dans certaine Apparition du Vaurien de l'étranger[88], que le corps d'un de ses frères, Simon ou Jacob senior, a été ramené du Guol-golta, après crucifixion, pour être attaché à la queue d'un cheval et traîné sur la place publique devant le palais de la reine Hélène d'Adiabène ; mais ce n'est pas là une expulsion hors du sépulcre, comme celle dont Barabbas a été l'objet à Machéron, par ordre du bon empereur Julien[89]. La première citation d'Isaïe se retrouve très souvent sous la plume des rabbins du Talmud, à propos du Messie qui doit sortir de la maison de David : Un rameau sortira de la souche de Jessé, un rejeton poussera de ses racines, et sur lui reposera l'Esprit du Seigneur. Barabbas s'appliquait lui-même ce verset, et disait dans son Évangile : Je suis la racine, le rejeton de David. Les rabbins du Talmud, par la seconde citation d'Isaïe, lancent l'anathème, jusque dans l'Enfer, au prétendant qui a perdu son pays, assassiné son peuple. Ils lui retournent, outre le verset du chapitre xi, tout ce qui est dit du roi de Babylone dans le chapitre XIV :

Le Cheol[90], dans ses profondeurs, s'est ému à ton approche, il a réveillé pour toi les ombres, ceux qui furent jadis les puissants de la terre, il a fait lever de leurs trônes les rois des nations. Tous ensemble prennent la parole et te disent : Te voilà donc aussi frappé comme nous ! Te voilà donc pareil à nous ! Ton faste est descendu dans le Cheol, avec tes harpes retentissantes ; sous toi la vermine forme ta couche, et les vers te servent de couverture. Comme tu es tombé du ciel, astre brillant, fils de l'aurore ![91] Comme tu as été renversé jusqu'à terre, dompteur de nations ! Tu disais en ton cœur : Je monterai au ciel ; au-dessus des étoiles de Dieu, j'érigerai mon trône, je m'assiérai sur la montagne du rendez-vous (des dieux), dans les profondeurs du Nord. Je monterai sur les hauteurs des nuées, je serai l'égal du Très-Haut. Mais non, c'est dans le Cheol que tu es précipité, dans les profondeurs du gouffre. Ceux qui te voient te fixent de leur regard et, pensifs, se disent : Est-ce là cet homme qui faisait trembler la terre, chanceler les empires, qui changeait le monde en désert, renversait les villes et jamais n'ouvrait à ses captifs la porte des cachots ?[92] Tous les rois des nations sont couchés avec honneur, chacun dans son mausolée ; mais toi, tu as perdu ton pays, assassiné ton peuple ! Sous un linceul de morts, percés par le glaive et descendus dans les pierres du sépulcre, tu es pareil, toi, à une charogne piétinée ! Tu ne partageras pas avec eux les honneurs de la sépulture, car tu as été expulsé de ta tombe, tel qu'un rejeton maudit ! La race des méchants ne doit pas avoir de nom dans l'éternité.

d. — Beni (Un des)

Ils amenèrent Beni, qui dit : Est-ce que Beni sera mis à mort ? alors qu'il est écrit (Exode, XV, 22) : Israël est le premier-né de mes fils. Ils lui répondirent : Est-ce que Beni ne sera pas mis à mort ? alors qu'il est écrit (Exode, IV, 23) : Voici que je tuerai ton fils premier-né.

Le texte donné par les éditeurs porte Boni, alors qu'il s'agit manifestement de l'un des beni (fils) du papas Iehoudda : Jacob senior, je crois.

Il est dit dans le Taanith[93] que Nicodème[94] ne s'appelait pas ainsi, mais Boni. C'est évidemment une erreur, car en circoncision Nicodème s'appelait Siméon ; et ce n'est pas lui, c'est son fils, qui fit cause commune avec Barabbas. Tout le passage du Talmud relatif à Beni est fait de jeux de mots sur ben et beni (fils, au singulier et au pluriel). Cela porte à croire que, là où les interprètes actuels lisent Boni, il y avait ben, suivi du nom du chef de famille (Iehoudda), enlevé par ceux qui y avaient intérêt.

Le chapitre de l'Exode auquel empruntent les rabbins dans leur riposte, concerne le retour de Moïse en Égypte après son séjour dans la terre de Madian :

Va, dit l'Éternel à Moïse, retourne en Égypte ; tous ceux-là sont morts qui en voulaient à ta vie. Sur quoi Moïse emmena sa femme et ses enfants, les plaça sur un âne, et reprit le chemin du pays d'Égypte, tenant la verge divine à la main. L'Éternel le chargea de dire à Pharaon : Israël est le premier-né de mes fils, tu as refusé de le laisser partir, eh ! bien, moi je ferai mourir ton fils premier-né.

Or, il suffit de se reporter au chapitrer du Toledoth dit de Matthieu, pour voir qu'avant leur retour d'Égypte en Judée, Joseph (Iehoudda) et Marie (Salomé) sont prévenus en songe qu'ils peuvent ramener avec eux leur premier-né, parce que, comme l'Éternel le dit à Moïse, ceux qui en voulaient à sa vie sont morts.

Or, ce fameux premier-né, qu'on dit dans Matthieu être celui de Dieu lui-même, a fini comme on sait, et les autres beni du papas n'ont pas été plus heureux. C'est pourquoi les rabbins lui opposent ici la malédiction prononcée par l'Eternel contre Pharaon : Je ferai mourir ton premier-né. La malédiction du premier-né de Salomé contre le Pharaon de Jérusalem, Hérode, et contre celui de Rome, Auguste, a tourné contre lui. Il est toujours arrivé le contraire de ce qu'a désiré ce scélérat.

e. — Thoda (Theudas)[95]

Ils amenèrent Thoda, qui dit : Est-ce que Thoda sera mis à mort ? alors qu'il est écrit (Psaume C, 1) : Thoda (Louange) à l'Éternel ! Ils lui répondirent : Est-ce que Thoda ne sera pas mis à mort ? alors qu'il est écrit (Psaume L, 23) : Celui qui a sacrifié Thoda (en l'espèce Theudas) m'honore (moi, l'Eternel).

Dans le psaume L, auquel les rabbins empruntent leur réplique, Dieu dit au méchant : Qu'as-tu à proclamer mes statuts et à proclamer mon alliance sur tes lèvres ? Tu détestes pourtant la loi morale, et rejettes avec dédain mes paroles. Vois-tu un voleur, tu fais cause commune avec lui, tu t'asseois avec des gens dissolus. Tu donnes libre carrière à ta bouche pour le mal, et ta langue enfile des discours astucieux  Voilà, ce que tu fais, et je me tairais ! T'imagines-tu que je puisse être comme toi ? Je te reprendrai, et te mettrai mes griefs sous tes yeux ! Et le psalmiste ajoute : Faites-y donc attention, vous qui oubliez Dieu, de peur que je ne sévisse sans que personne puisse détourner mes coups. Quiconque offre en sacrifice des actions de grâce m'honore ; quiconque dirige avec soin sa conduite, je le ferai jouir de l'aide divine. Par conséquent, après tout ce qu'a dit et fait Theudas, il est trop tard pour que l'Éternel accepte sa thoda (louange).

 

XI. — TARGUM SUR MÉNAHEM.

Nous avons donné dans Le Mensonge chrétien[96] le targum sur Ménahem, dernier frère de Barabbas : nous y renvoyons, nous bornant à signaler le respect religieux avec lequel les Juifs y parlent de la mère de Ménahem. Les rabbins qui ont composé ce targum n'auraient jamais parlé de Salomé sur ce ton, si elle eût été accusée, ou simplement soupçonnée, d'adultère, dans quelque autre partie de leurs Écritures.

 

XII. — PRÉSENCE À ROME DE L'IMPRENABLE BARABBAS APRÈS LES ÉXÉCUTIONS DE PILATUS.

a. — Croyance des Juifs de Rome à la présence parmi eux de Barabbas non-crucifie en 789

Tel Moïse élevé à la Cour de Pharaon pour exercer sa vengeance sur l'Égypte, Barabbas est venu se cacher à Rome pour exercer la sienne sur la Bête. Il attend que la verge de commandement, usurpée par Vespasien, moisisse dans les Marais pontins, où croassent les prophètes-grenouilles. Cela ne peut tarder, car jadis, au moment où Salomon, son ancêtre, épousa la fille de Pharaon, l'ange Gabriel a enfoncé dans la mer un bâton qui s'est couvert de pourriture ; et c'est sur ce bâton que Rome est appuyée. Vous voyez ce qu'il en peut rester après plus de mille ans de corruption ! Aussi Barabbas se tient-il toujours prêt à retourner à Jérusalem pour rallier les Juifs du monde entier. En attendant, comme il s'est engagé dans son Évangile à les guérir de toutes leurs maladies, il est là, dans le quartier juif, au milieu des mendiants et des blessés. Et, disaient les rabbins évangélisés, tandis que, défaisant nos bandages, nous mettons à nu toutes nos plaies, croyant que de cette façon il pourra les guérir plus vite, lui il n'en panse qu'une à la fois, de manière à n'être retardé en rien le jour de son départ pour la Ghélil ha nazirim !

Malheureusement, à supposer qu'il n'eût pas connu la première mort en 789, Apollonius lui a fait connaître la seconde en 839. C'est donc en pure perte que ses sujets lui dédient des pâques infanticides.

 

XIII. — LA MOUCHE DONT EST MORTE LA BÊTE TITUS.

Quoiqu'elle ne puisse s'étaler avec la même fureur que dans l'Apocalypse évangélique, la même haine de la Bête romaine se fait sentir dans le Talmud. Au traité Gittin, Titus (le nom n'y est pas, mais on convient qu'il s'agit de lui), est l'Impie, fils de l'Impie (Vespasien), neveu d'Esaü l'impie. Toutefois Titus n'est neveu d'Esaü que par ses relations avec les Hérodes et sa liaison avec Bérénice, sœur d'Hérode Agrippa arrière-petit-fils d'Hérode le Grand ; mais c'est un successeur de l'Impie dont parle l'Apocalypse de Barabbas, comme devant être détruit par Barabbas lui-même, et un précurseur de cet autre Impie (Hadrien) dont il est question dans la Lettre aux Thessaloniciens comme étant l'Antéchrist. Ménahem n'en eût point parlé autrement, sinon qu'il l'eût appelé la Bête. Aussi la mort de Titus est-elle causée, selon les scribes du traité Gittin, par une toute petite bête, une mouche, mais d'une extrême malignité, comme il en pouvait voler au dessus des cadavres, dans Jérusalem, aux jours de l'abomination de la désolation. Cette mouche pénètre dans le cerveau de Titus par les narines ; pendant sept ans, elle le tourmente misérablement et finit par le tuer ; elle était devenue de la grosseur d'une colombe et pesait deux livres. Rabbi Eliézer dit l'avoir vue, étant à Rome : elle n'était point lumineuse, — comme la colombe sabbatique et proto-jubilaire que Barabbas fit voler sur lui en l'An des baptêmes de rémission —, c'était la mouche de la ghéoullah des morts de la Ville Sainte.

Il faut avouer qu'avec cette mouche de deux livres au bout du nez, Titus était déjà bien malade, lorsque le poisson envoyé par Barabbas vint lui signifier son arrêt de mort[97].

 

XIV. — L'ÉVANGÉLISATION DE ROME PAR RABBI AKIBA.

a. — Les targums sur la circoncision et le baptême du consul Flavius Clémens et du sénateur Acinus Glabrio

Pour ces targums, d'autant plus précieux qu'il n'y a guère d'autres traces du scandale donné par Clémens et consorts, nous renvoyons au Mensonge chrétien[98].

 

XV. — BARABBAS DANS SON EXCRÉMENT BOUILLANT.

a. — Evocation de Titus, de Balaam et de Barabbas par Clémens avant de se faire circoncire

Loin d'avoir été à Rome au Jubilé de 839, et dans la situation d'un homme qui aurait échappé au châtiment en 789, loin également d'être au ciel, comme le disent les Juifs barabbalâtres d'après les Toledoth synoptisés par l'Église, Barabbas est en enfer, comme le disent Apulée, Valentin, Philostrate, et tous ]es Gnostiques. Il n'en est jamais sorti pour ressusciter, comme le prétend l'Église dans le Symbole des Apôtres.

Il y est resté, et dans des conditions que Flavius Clémens aurait bien dû connaître avant de se faire circoncire et baptiser.

Voici à ce propos un targum extraordinaire[99], où le malheureux Clémens, rappelé lui-même de l'enfer, se trouve placé, par le procédé fondamental d'un Mahazeh (Apparition) ou d'un Toledoth canonique, devant les trois personnages le plus directement mêlés à la chute de Jérusalem : Titus, qui l'a consommée, Balaam, qui l'a prédite, et Barabbas, qui l'a causée. Ce Barabbas, qui devait juger les vivants et les morts, comment est-il jugé dans le Scheol ? C'est à quoi répond ce targum, et c'est un des endroits du Talmud qui ont été le plus profondément bouleversés.

b. Titus dit la peine infernale prononcée contre lui par le Dieu des Juifs

Lorsque Clémens, fils de la sœur de Titus[100], voulut devenir prosélyte, il alla, évoqua Titus par nécromancie, et lui demanda : Qui est honorable, ou d'un grand prix, en ce monde ? Il répondit : Les Israélites. Il (Clémens) dit : Que dois-je faire pour me mettre avec eux ? Il (Titus) répondit : Trop nombreuses sont les conditions, je ne puis les observer (et il ne veut pas). Il (Clémens) demanda : Que faut-il que je fasse en ce monde pour devenir Tête (Prince) ? Il (Titus) répondit : Va, fais-leur la guerre en ce monde, et tu deviendras quelque Tête (Prince), car il est écrit (Deutéronome, XXVIII, 44) : Ses ennemis (d'Israël) sont devenus Tête (prince)[101], et on enseigne[102] : Tout homme qui afflige les Israélites est fait tête (prince).

En un mot, si Clémens voulait devenir prince en ce monde, il n'avait qu'à faire comme Titus. Au lieu de cela, il s'est fait circoncire ; il n'a pas succédé à Domitien, comme il l'espérait sans doute, et il a été mis à mort par celui-ci.

Alors il (Clémens) lui demanda (à Titus) : Le jugement de cet homme (Titus), en quoi consiste-t-il ? Il (Titus) répondit : Il subit le jugement qu'il a porté contre lui-même.

(Avant de mourir, Titus a ordonné aux assistants de brûler son corps et d'en disperser les cendres aux sept mers, pour que le Dieu des Juifs ne le retrouve pas lors du Jugement).

Chaque jour donc on rassemble ses cendres, on le juge, on le brûle, et on le disperse sur les sept mers.

On n'échappe pas au Dieu des Juifs, qu'on ait été, ou non, prince en ce monde ! Clémens, qui mourra circoncis et dont le corps sera enterré après son supplice, est dans de meilleures conditions que Titus lors du Jugement, il pourra entrer dans l'Arche. Il a légué tous ses biens à Rabbi Akiba[103], le Dieu des Juifs ne manquera pas de lui en tenir compte. La seule chose qui puisse le desservir, c'est d'avoir cru qu'un homme, fût-il Juif, pouvait lui remettre ses péchés par le baptême au nom d'un autre homme, et quel !

c. — Balaam dit la peine infernale prononcée contre lui par le Dieu des Juifs

Il (Clémens) alla, par magie évoqua Balaam, et lui demanda : Qui est d'un grand prix en ce siècle ? Il répondit : Les Israélites. Il (Clémens) dit : Convient-il de se mettre avec eux ? Il (Balaam) répondit (d'après le Deutéronome, XXIII, 6) : Ne t'intéresse jamais à leur bien-être et à leur postérité, tant que tu vivras ![104] Il (Clémens) lui demanda : Le supplice de cet homme (Balaam), quel est-il ? Il (Balaam) répondit : Il est dans la semence bouillante.

Sur quoi Raschi écrit : C'est la peine du talion, parce que, par son conseil, le peuple a commencé à se souiller ! C'est mieux que cela le jugement de celui qui avait prédit l'occupation de la Judée par les Romains. Que la semence d'un tel prophète soit à jamais consumée Malédiction sur les Chaldéens de son école ! Que soit stérile la semence de bétail à qui bénéficia la prophétie de Balaam ! Malédiction sur les Romains et sur toutes les nations qui ont marché avec eux, depuis les Gaulois des Hérodes jusqu'aux Arabes de Titus !

d. — Barabbas dit la peine infernale prononcée contre lui par son Père céleste

Il (Clémens) s'en alla, et invoqua par magie ce trompeur d'Israël[105], Ieschou[106].

A cet endroit Barabbas était dit de Gamala, nous en trouverons la preuve matérielle dans un exemplaire du traité Gittin, qui a été entre les mains de l'Église, et cette preuve nous la donnons plus loin.

Et il lui demanda : Qui est honorable dans ce monde ? Il (Ieschou) répondit : Les Israélites. Il (Clémens) demanda : Que dois-je faire pour que je me joigne à lui (Israël). Il (Ieschou) répondit : Cherche leur bien, mais ne cherche pas leur mal ! Car qui y touche, touche la pupille de son œil.

Celui-là éteint sa propre lumière ! Barabbas lui-même ne se disait-il pas la lumière du monde ? Les nations qui ne reconnaissent pas cet Évangile ne sont-elles pas encore aveugles, puisqu'elles ont des yeux pour ne point voir ? Les Toledoth Ieschoua du canon, dans leurs paraboles et dans leurs similitudes, sont-ils autre chose que la mise en scène de ce principe ? Ils n'étaient pas encore composés lorsque Clémens évoqua Barabbas. Mais il y avait l'Apocalypse de l'Even-guilayon, il y avait les Paroles du Marân. Et c'est sur quoi il s'est fait circoncire. Une fatale curiosité le pousse à demander de quelle peine est affligé l'homme qui de son vivant infernalisait les Bêtes dans des fosses spéciales.

Il lui demanda : Le supplice de cet homme (Barabbas), quel est-il ? Il (Ieschou) répondit : L'excrément bouillant.

Sur quoi Rabbi Mar remarque : Quiconque se moque des paroles des sages, son jugement est de bouillir dans l'excrément ! Voyez par là quelle distinction il faut faire entre les ministres de la Loi d'Israël, et les prophètes soit du peuple (saint) soit des goym.

Barabbas est traité beaucoup plus durement que Titus et Balaam.

Celui qui prétendait s'être lavé de toutes ses taches dans l'eau du Jourdain et devoir laver celles des autres Juifs par le même moyen, cet imposteur, cet impie, cet assassin de son peuple, est plongé dans une matière, la plus immonde de toutes, qu'aucune eau ne vient jamais emporter et qui le brûle. Il y a des parents bien ennuyeux, mais jamais fils n'a été plus embêté par son Père !

Ceci est une réplique des rabbins aux pratiques ordurières de Barabbas, et à ceux de ses disciples qui, comme Jacob ben Zackan, voulaient jeter le Grand-prêtre dans les latrines ! De plus, ce qui est entré dans la bouche de Barabbas, c'est-à-dire son manger de 788, a suivi son cours à travers le ventre du mangeur : l'Évangile est allé au retrait, Barabbas l'y a rejoint, il est infernalisé dans sa propre ordure.

S'il avait su cela, Clémens ne se serait pas fait baptiser !

Cette parabole est dirigée contre les passages des Toledoth Ieschoua canoniques, dans lesquels les malheureux Jérusalémites sont calomniés, voués aux peines les plus effroyables, sous le prétexte qu'ils ont résisté à l'Évangile, d'ailleurs si mal défendu par son auteur ! Ces peines, au dire du revenant de Barabbas dans les Toledoth synoptisés, sont pires encore pour les Juifs que pour les habitants de Sodome et de Gomorrhe, de Tyr et de Sidon. Mais, dans la fosse malodorante où il subit maintenant la peine du talion[107], Barabbas n'est pas bien dangereux !

 

XVI. — LA RÉMISSION PAR MÉNAHEM JUGÉE PLUS LOGIQUE QUE LA RÉMISSION PAR BARABBAS.

a. — Citation de Zacharie, faite au bénéfice de Barabbas par les Toledoth canoniques, et qui, selon le jugement des rabbins, doit être appliquée à Ménahem

Parmi les rabbins du Talmud beaucoup sont ébranlés par les passages des Prophètes, cités dans les Toledoth synoptisés pour prouver que Barabbas avait été mis à mort afin de sauver son peuple, et que cette mort était dans le secret dessein de Dieu. Nous avons une discussion dans le Talmud sur le passage de Zacharie, par lequel les auteurs de Toledoth essaient de ramener les habitants de Jérusalem à de meilleurs sentiments envers les fils du papas Iehoudda, notamment celui qu'ils ont arrêté à Lydda la veille de la Grande pâque. Le jour est proche où ceux de la maison de David paraîtront à leurs yeux comme des êtres divins, des anges de l'Éternel :

Car je m'appliquerai, dit l'Éternel, à détruire toutes les nations venues contre Israël. Mais sur la maison de David et sur les habitants de Jérusalem je répandrai un esprit de bienveillance et de pitié. Et ils porteront leurs regards vers moi, à cause de celui qui aura été percé de leurs coups, ils le regretteront comme on regrette un fils unique, et ils le pleureront amèrement, comme on pleure un premier-né[108]. Et le pays sera en deuil, chaque famille à part : la famille de la maison de David à part, et leurs femmes à part ; la famille de la maison de Nathan à part, et leurs femmes à part ; la famille de la maison de Lévi à part, et leurs femmes à part...[109]

Dieu ne demande pas aux Juifs d'immoler leurs enfants pour expier le crime qu'ils ont commis en rejetant ce premier-né, en qui était le Royaume, mais s'ils restent étroitement sous la Loi et dans le baptême, il chassera les nations devant eux, comme il s'y est engagé.

Cette idée que les Juifs peuvent être sauvés par l'adoration de l'homme percé, est passée de l'Apocalypse de Pathmos dans les Toledoth du Canon dits synoptisés : A lui la gloire et l'empire dans les siècles des siècles ! Amen. Le voici qui vient sur les nuées, et tout œil le verra, et même ceux qui l'ont percé. Et toutes les tribus se frapperont la poitrine à cause de lui[110].

Mais, quoique le mot percé s'applique incontestablement à Barabbas dans la pensée du scribe, il pouvait également s'entendre de Ménahem, percé d'épées, de lances, de siques et de poignards, peut-être même attaché ensuite à une croix : la différence essentielle, et elle est en faveur de Ménahem, c'est que Barabbas a souffert par des goym, les Romains, tandis que son dernier frère a souffert par des Juifs, qu'il pouvait considérer comme ses propres sujets ; si les émissions de sang ont pour les Juifs une valeur de rémission (et la Loi le dit), ces Juifs sont beaucoup plus intéressés à obtenir leur pardon par Ménahem que par Barabbas, sa mort par les Juifs étant un sacrifice fait dans les règles rituelles, où les sacrificateurs doivent être Juifs comme la victime, tandis que l'émission du sang de Barabbas par les Romains est viciée par l'impureté des sacrificateurs.

Dans ces conditions, des deux fils du papas qui sont morts rois-christs, de Barabbas ou de Ménahem, à qui le passage de Zacharie semble-t-il convenir le mieux ? Les avis sont partagés parmi les rabbins[111]. C'est, dit Rabbi Dossa, au messie ben Joseph[112], qui a été percé dans la grande guerre finale. — C'est plutôt, disent les autres, au ben Joseph, le mauvais penchant, celui qui a été percé[113] avant l'autre.

b. — La fin tragique de Ménahem plus célèbre parmi les rabbins que la lapidation de Jacob junior et la crucifixion de Barabbas

Il est question plusieurs fois dans le Talmud, et plus particulièrement dans les Midraschim, de ce messie composite, qui n'est proprement ni le premier ni le dernier des Iehoudda, mais qui participe de l'un et de l'autre. Ménahem est un des noms qu'on lui donne ; et, en effet, on retrouve dans la légende de ce messie certaines circonstances du règne et de la fin de Ménahem. On le voit rassemblant un grand nombre de Juifs, soumettant les nations voisines de la Judée[114] et les rendant tributaires, rétablissant l'ordre en Judée, cumulant les fonctions de roi et de grand-prêtre dans le Temple, offrant des sacrifices, et gouvernant en paix pendant quelque temps ; mais bientôt, frappé à mort, il tombe, sans avoir pu résister aux armées des nations coalisées contre lui. Il est maintenant au ciel avec Elie et l'autre ben-Joseph (son frère aîné). Mais sa fin tragique continue à hanter la mémoire des Juifs évangélisés. Ils craignent que, revenant au bout des Mille ans (des Poissons), il ne périsse de la même façon que la première fois : car Gog et Magog arrivent et tuent le messie ben Joseph dans les rues de Jérusalem : Le Messie a péri, s'écrient alors les Juifs, il n'y en aura plus d'autre ![115] Et ils versent des larmes sur sa mort.

Même confusion entre Barabbas et Ménahem dans l'Apocalypse mise sous le nom de Simon ben Jokaï, rabbi du second siècle et christien avéré, sinon barabbalâtre. Il se peut que ce rabbi ait fait une Apocalypse après la mort de Bar-kochev ; mais celle qu'on donne comme étant de lui, sous le titre de Mystères de Simon ben Jokaï, mène les choses jusqu'à l'occupation de Jérusalem par les Arabes et la construction de la mosquée d'Omar. Or cette mosquée s'élève sur l'emplacement du temple de Jupiter Capitolin, élevé lui-même sur l'emplacement du Temple hérodien dont Barabbas voulait piller le trésor.

Dans cette Apocalypse, voici Rome, la Grande prostituée, très reconnaissable malgré les repeints : une belle fille, créée dès les six jours de la Genèse[116]. Et les méchants d'entre les goym viennent, qui ont des rapports avec elle. Elle devient mère, et après neuf mois un enfant mâle apparaît (qui de sa nature est l'Antéchrist). Quoiqu'il ait la figure humaine, il a les couleurs de la louve : des yeux rouges, les cheveux roux, d'une couleur d'or, les talons verts et deux nuques[117]. Le Romain, on le voit, c'est le fils de la mauvaise Vierge, la Vierge étrangère[118], celle qui n'est pas l'Esprit de Dieu. Cet Antéchrist-né porte successivement des noms, dont l'ordre, plus encore que l'orthographe, donne le véritable sens : Armilos, corruption de Romulus, la première Bête romaine ; Heth-kéros[119], la Bête dont le nom hébreu (Heth) est un nombre (Octave) ; Hardanasto (Hadrianos).

Adoré par les goym et par Edom (Hérode), cet Antéchrist prétend imposer son culte aux Juifs des douze tribus, mais le messie ben-Joseph (Ménahem) le rejette et remporte sur lui[120] une victoire. Mors le Romain réunit une armée innombrable[121], tue le messie ben Joseph[122], et inflige aux Juifs une terrible défaite. Dispersés, ils se réfugient dans le désert, où ils passent quarante-cinq jours[123], pendant lesquels Elie et le fils de David (Barabbas, le premier ben-Joseph), apparaissent[124] : sur quoi Dieu lui-même se charge de les venger (par la main des Barbares).

 

XVII. — LA PÂQUE DE LA PROMESSE ÉVANGÉLIQUE.

a. — Après la dispersion, le Zib (Baleine) demeure le Signe du Royaume universel des Juifs pour les rabbins restés au pays

Sans admettre que Barabbas puisse jamais revenir pour célébrer la pâque piscale, comme Cérinthe le donne à entendre dans son Mahazeh Ieschoua, les rabbins du Talmud ne laissent pas de reconnaître que le Zib fut, aux temps d'Ozir-zib (Moïse), le signe révélé du Royaume universel des Juifs. La pâque de Even-guilayon aura lieu.

Pour les rabbins du Talmud, comme pour ceux de l'Évangile, le Royaume commencera par un banquet, où il ne sera servi qu'un mets, lequel suffira pour tous les participants : le Zib, le Poisson-Baleine, mâle et femelle, l'Adam et Ève des poissons, lequel a été créé mammifère par Dieu, le cinquième jour, et dont les enfants sont en petit entre les mains de Jésus dans sa Multiplication des Pains[125]. Le Messie ne devait pas prendre cette Baleine lui-même ; c'est Gabriel qui lui donnait la chasse (il est preneur ou indicateur de poisson, voyez Tobie) ; encore ne parvenait-il à la maîtriser qu'avec l'aide de Dieu. Seul le créateur de ce monstre marin pouvait le tuer, comme le dit fort élégamment Isaïe : Au jour où l'Éternel punira avec sa dure, grande et forte épée, et qui sera celui du triomphe de l'Église des Juifs[126] contre Babylone, il tuera la Baleine qui est dans la mer. Cette préadamique Baleine a disparu de l'Apocalypse de l'Even- guilayon, dont elle était le plus bel ornement. Il fallait que le Père de Barabbas la sacrifiât avant le dessèchement de la mer, pour qu'elle pût être servie à la table des élus. Autrement ils auraient mangé d'un poisson mort de soif, ce qui eût fait échouer toute la combinaison.

Au contraire, la Baleine passant pour vivre mille ans, les élus s'ingurgitent de la chair millénaire.

Avant de tuer ce couple géant, Dieu prend des précautions qui ressemblent un peu aux ordonnances de Barabbas, suppressives de la copulation pendant l'Année des baptêmes ; il prive le mâle de la faculté de reproduire, de manière que la femelle ne puisse enfanter : le couple est involontairement naziréé par ce moyen. Etant sacrifié sous le cinquième signe de la Création, mais ne devant être mangé que sous le septième, comment se conservera-t-il ? Dieu met la femelle dans le sel et le mâle dans la glace jusqu'au jour du repas. Audit jour, ayant préalablement repris par la transgraduation[127] la taille préadamique, et devenus lumineux, les Juifs mangeront la Baleine (en se servant du harpon comme de fourchette).

b. — Antonin le Pieux invité à manger le Zib par le patriarche de Tibériade

On avait beaucoup de pâques piscales en Judée sous Antonin, à qui il en coûta une expédition dont on ne sait plus la date.

Pour montrer à Antonin les bonnes dispositions dont il était personnellement animé, le patriarche de Tibériade crut pouvoir lui promettre de l'inviter au repas de la Baleine, si le Ioannès baptiseur, que les disciples comparaient à Ionas ressuscité après trois jours et trois nuits, revenait pour fonder le Royaume universel des Juifs.

Mais plutôt que de voir Antonin, la Bête elle-même, — et incirconcise ! — prendre part à un tel banquet, Barabbas préféra rester dans son tombeau de Machéron, et l'invitation du patriarche de Tibériade resta sans effet.

 

XVIII. — LE PRÉTENDU JOUR DE LA RÉSURRECTION.

a. — La conversion du Jour de la naissance de Barabbas en Jour de sa résurrection, dénoncée par les rabbins fidèles à la vérité historique

Ce n'est pas sans une véhémente surprise que les rabbins de Tibériade virent d'autres docteurs venus du dehors, pour répandre dans les synagogues certains écrits fantasmagoriques, où Barabbas, sous les espèces de Jésus, annonçait sa résurrection à jour fixe et tenait parole dans la nuit du samedi au dimanche.

Tandis que les Juifs conservaient le sabbat pour leur jour religieux (et en ce point ils étaient les vrais disciples de Barabbas), les Juifs formés par les évangélistes adoptaient le premier jour de la semaine pour leur jour de réunion, sous le prétexte qu'après avoir été celui de la naissance de leur Maître, c'était celui de sa résurrection. C'est ce que le Talmud[128] appelle jour du Nazir.

Le savant Rabbi Isaac, un des commentateurs du Talmud, observe à bon droit que ni Ieschou ni ses apôtres n'ont jamais ordonné pareille chose, ce qui est l'évidence même. On ne comprend donc pas que Raschi, dans ses notes à propos du jour du Nazir, ait pu dire que cet homme, devant sa déception (de n'avoir pas régné sur le monde), a ordonné aux Naziréens de lui constituer pour fête le premier jour de la semaine, car ce n'est pas sa déception, c'est au contraire l'espérance fondée sur son horoscope de nativité, qui fut cause de cette conversion.

 

XIX. — LA SAINTE FACE DU CHIEN ENRAGÉ.

a. — Les goym barabbalâtres adorent celui qui se disait né pour les rendre enragés

Les rabbins du Talmud ne pouvaient que rire en considérant la naïveté de ces goym à qui leurs prêtres faisaient avaler Barabbas, un scélérat qui s'était promis d'empoisonner leurs eaux, de les rendre enragés, de les précipiter dans l'abîme sous les Anes, et de les placer devant la face du Chien, emprunté à la mythologie infernale des Egyptiens, où il est connu sous le nom d'Anubis ! C'est donc à bon droit que le Talmud de Jérusalem[129] fait cette critique au goy barabbalâtre :

Au lieu de dire Phan Amalech, Face du Roi[130], celui-là devrait dire Phan Achalev, Face du Chien.

Et c'est cruellement juste hélas ! car si Barabbas était la face de l'Are pour les Juifs, c'était la face du Chien enragé pour les goym : l'eau pure et abondante pour les uns ; le feu inextinguible pour les autres.

 

XX. — L'APPROCHE DE L'AN MILLE DE ROME.

a. — Efforts des rabbins contre la supputation des temps messianiques selon Barabbas

La faillite de l'Évangile à chaque jubilé, combinée avec l'exaltation du failli par certains rabbins, donnait ouverture à des questions terriblement embarrassantes : celle-ci, par exemple. Il est dit dans l'Apocalypse qu'après les Mille ans des Poissons, Satan sera relâché de l'abîme pour un temps, et que, coalisées sous les espèces de Gog et Magog, les nations viendront donner un dernier, mais inutile, assaut à la Jérusalem d'or, Jérusalem-Nazireth. En 789 Dieu n'a pas voulu que les Juifs régnassent sur le monde, mais si son fils revient à l'une des pâques suivantes, comme le soutiennent les Toledoth canoniques, son règne ne sera-t-il pas troublé par Gog et Magog ? Car de même qu'il régnera avec quelque retard, Gog et Magog ne se présenteront-ils pas devant Jérusalem avec quelque avance ? De toute façon, ce règne n'aura pas duré mille ans.

Et si par hasard Gog et Magog étaient vainqueurs ? Mais même s'ils ne le sont point, c'est une épreuve bien rude à subir pour des élus habitués aux douceurs du salem (paix), à la jouissance d'une Ville toute d'or et de pierreries. Il est bien vrai, Iehova l'a dit par la bouche d'Ezéchiel, ce jour-là, il y aura une commotion violente sur le sol d'Israël. Sous mes coups trembleront les poissons de la mer et les oiseaux du ciel... Les montagnes seront renversées, et toute muraille tombera à terre. Je ferai justice par la peste et par le sang, je lancerai des pluies torrentielles, des grêlons, du feu et du soufre. Je me montrerai grand et saint, je me manifesterai aux yeux de nations nombreuses, et elles reconnaîtront que je suis l'Éternel[131]. Mais alors Barabbas le reconnaîtra aussi, et les Juifs qui seront avec lui s'apercevront qu'il n'est le fils d'aucun Dieu, pas même du leur. Il y a là un point fort noir.

Il y en a un autre, d'un intérêt plus pressant. Les nations qui, poussées par le manque d'eau, doivent franchir l'Euphrate desséché, et succomber, cohue cadavérique, dans le Haram Mégiddo, — où, en 789, le Père du butin aurait donné leurs dépouilles aux Juifs, — ces nations-là étaient encore vivantes. N'était-il pas à craindre que, sachant les dispositions de l'Évangile à leur endroit, elles cherchassent à les éviter en s'emparant de la Terre Sainte avant qu'elle ne devînt leur tombeau ? Devant ces perspectives, les rabbins du Talmud songèrent à noyer l'avènement du Messie dans une mer de calculs en opposition avec ceux de 789 ; à compter le temps, et à régler la succession des Yomin[132] autrement que n'avait fait Barabbas ; à dire[133] que les six Mille d'années, assignés par Elie à la durée du monde, comprenaient deux Mille d'années de Création, deux Mille d'années sous la Loi, et deux Mille d'années sous le Messie ; que, si le Royaume ne s'était pas fait, c'est par suite d'une multiplication de péchés où chacun avait sa part ; et que, dans ces conditions, il n'était pas prudent de lui fixer une nouvelle échéance.

b. — Targum sur la Promesse du Royaume incarnée dans la mère de Barabbas

Les rabbins barabbalâtres professaient, d'après la Nativité selon Luc, la seule en bonne forme, que Salomé était la fille de la Parole, la Schabed (Promesse) d'Eloï (Dieu). Témoin ce targum :

Étant en voyage, Rabba, neveu de Chana, entendit la fille de la Parole, qui clamait : Malheur à moi, parce que j'ai juré ! Et maintenant que j'ai juré, qui me déliera de mon serment ?

Personne sur terre, puisque c'était la Schabed d'Eloï à son peuple. Par conséquent, Rabba, neveu de Chana, croit qu'Éloï tiendra sa Promesse, incarnée dans Salomé, et dans son fils, le bar ha Schabed.

Étant venu ensuite vers les rabbins (pour leur dire ce qu'il avait vu et entendu), ceux-ci lui répondirent : Tous les ânes de l'Abba sont des ignorants, et tous les Chanas de même...

Les rabbins se moquent de l'Évangile de l'Ane de Juda, et jouent, d'une manière intraduisible en français, sur les mots : Schâna (Année) et Chana (nom de l'oncle de Rabba). La Schâna où est né Barabbas est passée depuis longtemps, la Schâna où il devait régner est également passée, et quant à la Schâna sur laquelle compte le neveu de Chana, elle ne viendra jamais.

... Tu devais dire (de la Schabed incarnée en Salomé) : Sois nulle ! Sois nulle ! Et en effet, ils dirent que leur Dieu regrettait d'avoir juré, et c'est pourquoi ils blâmaient Rabba de n'avoir pas dit : Sois nulle !

Car il eût ainsi délié la Gamaléenne de sa schabed. Et ce faisant, il épargnerait aux rabbins orthodoxes les maux dont les Juifs barabbalâtres les menacent depuis la crucifixion du Maître.

Tandis que, chaque année, au Yom Kippour (Jour d'Expiation), les Juifs barabbalâtres avaient coutume de dire de la schabed : Qu'elle vienne ! Qu'elle vienne !, les autres, au contraire, avaient coutume de dire trois fois, pour écarter d'eux l'effet de ces malédictions : Soit nulle ! Soit nulle !

c. — L'An mille en Perse

Les Juifs qui partageaient l'erreur de Rabba, neveu de Chana, les évangélisés de Babylonie, se rendirent insupportables, non seulement aux Perses, mais aux Juifs non barabbalâtres. Les Mages surtout s'indignaient de ce qu'après s'être emparés de leur système, les prophètes de la secte christienne le retournassent perpétuellement contre eux. Ils serrèrent de si près tous les Juifs indistinctement, les épiant dans les actes les plus intimes de leur vie, que Rabba bar Chana n'hésite pas à déclarer la protection des Romains bien préférable à la précarité sociale des Juifs sous le gouvernement des Perses[134]. Rabbi Samuel réussit à modifier les dispositions du roi Sapor Ier, et à détourner momentanément l'orage[135].

d. — Elie refuse de se laisser remplacer auprès des Juifs par le faux prophète de l'Évangile

Les rabbins doués d'honneur et de sagesse n'acceptèrent pas la substitution de Barabbas à Elie, proposée dans les Toledoth comme conséquence de la Transfiguration.

Contre cette mystification, Rabbi Juda, frère de Rabbi Sala le pieux, fit donner Elie lui-même. Il déclara qu'il avait vu Elie, et qu'il l'avait questionné sur le point de savoir quand viendrait le Royaume :

La durée du monde n'est pas inférieure à quatre-vingt-cinq Jubilés, répondit Elie ; et au dernier jubilé le fils de David apparaîtra. — Au début ou à la fin de ce jubilé ? demanda Rabbi Juda. —Je ne sais pas, répondit Elie. Sera-t-il fini (le Jubilé) ou non ? — Je ne sais pas, répondit Elie[136].

Le quatre-vingt-cinquième jubilé, au compte de rabbi Juda, qui souffle Elie, tomba en 440 de l'E. C., c'est-à-dire 465 ans après la naissance de Barabbas. A cette date, Barabbas ne revint point, aucun fils de David ne se présenta. Mais il fut remplacé par Attila, lequel se montra beaucoup moins Fléau de Dieu que n'eût été Barabbas, mais fit néanmoins de son mieux.

e. Si c'est un ressuscité qui doit être le Messie, ce sera David lui-même

Les rabbins du Talmud embarrassent les docteurs barabbalâtres par le dilemme suivant, dans lequel il semble bien qu'ils fussent imbattables : Nous sommes tous d'accord sur ce point que le Messie doit être fils de David, mais si un mort peut être le Messie, à la condition de ressusciter, comme vous le soutenez de Barabbas, ce sera David lui-même et non un de ses fils ! Car la promesse ne saurait être dans le fils, si elle n'est pas dans le père ! C'est à quoi, par l'organe de Simon la Pierre, répond l'aigrefin qui a fabriqué les Actes des Apôtres : Le Messie qui reviendra ne saurait être David, puisque nous voyons le tombeau dans lequel il est enterré[137]. Ce ne peut être que son fils, dont nous disons qu'il a été enlevé au ciel après résurrection, et dont nous dissimulons le tombeau.

 

XXI. — LE COURANT BARABBALÂTRIQUE DU TALMUD.

a. — Le retour de Barabbas et le Royaume des Juifs lors de son second avènement

A côté des rabbins qui ont eu le grand honneur de lutter contre la barabbalâtrie, nous en trouvons, particulièrement dans les Midraschim (Explications) du Talmud, qui reviennent à la vieille théorie du second avènement de Barabbas échappé par miracle à la première mort. Cette théorie, nettement proposée par les aigrefins Juifs qui ont arrangé l'Évangile sous le titre d'Apocalypse de Pathmos, a fini par prévaloir dans certains Midraschim.

Les Juifs n'avaient nullement renoncé au Royaume, mais si, comme Barabbas l'avait dit, le monde était lancé pour six mille ans et que l'Even-guilayon se fût simplement trompé d'échéance, ce Royaume ne viendrait pas avant la fin des Poissons, commencés le 15 nisan 789. C'était bien long !

Beaucoup préféraient croire au retour de Barabbas, qui abrégerait ce terme[138], si vraiment la parole de son Père était en lui. En croyant qu'il était le Messie, et qu'il reviendrait du ciel pour tuer la Bête, ils croyaient ce qu'ils avaient intérêt à croire, n'admettant point que, par la croix patibulaire, les goym romains eussent pu tenir en échec le Père de Barabbas : cette mort n'avait été qu'une épreuve, un accident vite réparé par une résurrection et une ascension glorieuses ; et l'esprit de Barabbas viendrait reprendre son corps à Machéron, dès qu'il en serait ainsi décidé par le Dieu de ses pères. Car, s'il n'avait pu procéder à la résurrection générale, du moins donnait-il un exemple de résurrection particulière. On ne parlait plus de ses crimes, puisque, par le moyen de Jésus représentant l'Esprit-Saint, c'est un innocent qui avait été crucifié.

b. — Les Juifs triomphants par les souffrances de Barabbas

Ne pouvant plus proposer Barabbas comme Messie accapareur, père du butin, les Midraschim défendent en lui le Rabbi superstitieux et confit en dévotions hypocrites, l'inventeur du baptême, le Messie à la petite semaine. Ils se font ainsi un mérite des souffrances surhumaines que ce scélérat aurait endurées pour eux avant de mourir. Ah ! personne n'a souffert comme lui à cause d'eux ! Et on peut ajouter comme eux à cause de lui, puisqu'il a été l'assassin de son peuple !

Si le Messie doit triompher un jour, ce n'est pas à cause de sa filiation davidique que Dieu l'aura élu, mais à cause des épreuves qu'il aura subies pour la Loi. A l'instar du Rabbi, il faudra qu'il se mette sur les épaules un fardeau de pratiques religieuses lourd comme une meule ; qu'il s'inflige les jeûnes, l'ascétisme, la contrainte charnelle, dont le Rabbi s'est chargé, en dépit de son faste royal et de ses richesses légendaires ; qu'il soit, en un mot, le souffrant à la manière du Rabbi[139]. Alors il triomphera des nations, il sera Schalom (Paix), Ménahem (Consolateur), Anon Schanim (Maître des années), Shiloah (l'Envoyé). Le docteur qui avait osé dire : Il n'y a plus de Messie pour Israël, car il est venu au temps d'Ezéchias, reste seul de son avis ; et ceux de Babylone s'écrient : Que Dieu lui pardonne ! Car Ézéchias vécut à l'époque du premier temple, et Zacharie prophétise (la venue du Messie) dans les jours du second temple, comme le papas Iehoudda, sous le nom de ce même Zacharie, salue en son premier-né le Messie dans les jours du troisième temple, le temple hérodien.

Certains talmudistes du sixième siècle parlent du Messie, comme rabbi Akiba et l'auteur de la Lettre aux Hébreux ont osé parler de Barabbas : Il est plus grand qu'Abraham, plus élevé que Moïse, et supérieur aux anges de service. Ce sont ses souffrances qui lui ont valu d'être au ciel, à la droite de Dieu, sous le trône de celui-ci[140], et il montre sa miséricorde pour les Juifs en inscrivant au Livre de vie ceux qui l'adorent comme Fils du Père. Les mardis et jeudis (ses jours de jeûne, quand il était dans ce monde), les jours de sabbat et les jours de fêtes, les patriarches, Moise, Aaron, David, Salomon, toute la maison de David, les prophètes et les justes (thoristes) se présentent devant lui. Ils pleurent avec lui, lui expriment leur gratitude (il les a rachetés par ses souffrances), et lui disent : Supporte avec calme l'expiation dont t'afflige ton Seigneur, car le terme est proche. Les chaînes qui pèsent sur tes épaules se briseront, et tu seras mis en liberté[141].

Lorsqu'il reviendra, en vain les hommes lui feront subir les mêmes épreuves que la première fois, il triomphera d'eux comme il a triomphé de la première mort. Ces souffrances, Dieu les lui a ménagées, dès la Création, pour le dernier septenaire (d'années sabbatiques), qui précédera la fin.

A ce septenaire, on apporte des blocs de fer[142], et on les met sur son cou jusqu'à ce que sa taille se courbe ; au milieu de ses pleurs il pousse des cris qui montent jusqu'au ciel. Aura-t-il assez de force pour supporter ce fardeau ? Ne suis-je pas un être de chair et de sang ? dit-il.

Dieu répond :

Ephraïm, Messie de ma justice, tu es assujetti dès les six Jours de la Création[143]. Que ta peine soit maintenant semblable à la mienne ![144] Alors le Messie : Maître du monde, je suis apaisé, il suffit au serviteur d'être rendu pareil à son maître[145].

Sur quoi, souffrant des hommes comme Dieu a souffert du Satan, le Messie est repoussé par certains Juifs, et jeté en prison[146], où il supporte avec résignation des dérisions de toute sorte ; il est chargé d'un fardeau qui rappelle celui de l'écriteau et de la croix, et il endure le martyre de la soif[147]. De son côté, pendant trois mois (jusqu'aux Anes), il abandonne les Juifs à une détresse extrême dans le désert. Mais ensuite il apparaît transfiguré par le baptême de feu. Dieu lui pose une couronne sur la tête, il lui attribue un trône de gloire, porté par les quatre animaux[148], et modelé sur le type du char d'Ézéchiel[149].

e. — Les nations esclaves des Juifs

A leur tour, Michaël, Gabriel et tous les Anges supérieurs, avec Moïse, Hie et d'autres prophètes, apparaissent et l'escortent. Il monte sur le sommet du Temple, qu'il a réédifié selon la promesse qu'il a faite quand il était dans le monde, et s'adressant aux Juifs, il s'écrie :

Fidèles, le temps de notre délivrance est arrivé ! Et si vous ne le croyez, regardez ma Lumière qui vous éclaire !

Alors tous les Juifs se dirigent vers la lumière qui rayonne de lui. Puis les nations viennent se prosterner devant le Messie et son peuple, disant : Soyons vos esclaves ! et heureuses de s'en tirer à si bon compte, car elles devraient être détruites depuis le premier avènement du Roi des rois, c'est-à-dire depuis 789 ! Au lieu de la mort, c'est la servitude : voilà leur unique bénéfice dans le retour de Barabbas.

 

XXII. — LE RETOUR DE BARABBAS PRÉCÉDÉ D'ÉLIE.

On sait que, selon les Toledoth synoptisés par l'Église, Barabbas dispense d'Élie, et que, depuis sa transfiguration sur la montagne de Gamala, ses vêtements, devenus tout lumière, lui permettent d'habiter le ciel. Il y est auprès d'Elie, qui y est monté de son vivant, et qu'on n'a jamais vu en redescendre. Élie a donc une plus grande habitude du ciel, il peut faire profiter Barabbas d'une plus longue expérience, et, dans les Midraschim, il en use. Il tient la tête du messie ben Joseph sur ses genoux, et il apaise ses douleurs, en lui disant :

Calme-toi, car le terme est proche.

(Les douleurs de Barabbas consistent en ceci qu'il n'a pas pu faire aux goym tout le mal dont il les avait menacés au terme de 789. Celui qu'il leur fait mort ne lui suffit pas.)

Elie est apparu aux Juifs dans la détresse qui les a accablés après la première mort de ce ben-Joseph et l'échec du Royaume ; et ceci fait croire que la Transfiguration est consécutive à une Apparition d'Elie, où celui-ci avait déclaré avoir Barabbas auprès de lui dans le ciel : témoignage qui aura servi ensuite à fabriquer l'Ascension.

Dès le moment que Barabbas était avec Elie, ne valait-il pas mieux que ce fût lui qui revienne, et non Elie ? On était plus sûr de ce qu'il donnerait aux Juifs, puisqu'il était le Père du butin ! Et c'est pourquoi les Toledoth synoptisés avaient proposé sa substitution définitive à Elie.

Mais tous les Juifs n'avaient pas admis cela. Les Midraschim proposent donc un dernier arrangement, à l'avantage et de ceux qui attendent Elle sans Barabbas et de ceux qui substituent Barabbas à Elie. Elie revient le premier, et pour le plus grand bien de Barabbas, car il écarte de celui-ci Gog, Magog et l'Antéchrist, venus pour s'opposer à son second avènement ; il réussit à lui éviter la seconde mort.

Il lui épargne aussi une bonne partie de la besogne qu'il devait accomplir en 789.

Il rapporte certains objets qui étaient dans le temple de Salomon[150] et que le roi Josias avait cachés[151], comme le vase contenant la manne, un autre contenant l'eau destinée à la purification de la femme impure[152], un autre encore renfermant l'huile du sacre divin pour oindre le Messie[153], et la verge d'Aaron, perpétuellement fleurie. Ce sont là les attributs de Barabbas ; aussi, dans d'autres versions, est-ce lui-même qui les rapporte, comme il l'avait promis dans l'Apocalypse de l'Even-guilayon :

Dieu amène le prophète Elie et le fils de David, notre justice (panthorique). Ils portent dans leurs mains la verge d'Aaron (qui est celle de Jessé) et le vase rempli de l'huile du sacre. Tous les Juifs s'assemblent en leur présence, la gloire de Dieu les précède, les prophètes viennent derrière eux, la Thora à droite, et les Anges de service à gauche[154]. Et la procession se dirige vers la vallée de Josaphat (où a lieu le Jugement).

 

XXIII. — RETOUR DE BARABBAS SANS ÉLIE.

a. — Sa seconde mort

Les Juifs n'ont jamais fait que rire de l'interprétation donnée par l'Église au second avènement de Barabbas, à savoir que ce fils du papas Iehoudda reviendrait, non pour leur donner ]a terre, mais, pour les punir. Avec ou sans Élie, quand Barabbas revient, c'est toujours pour que les douze tribus règnent sur le monde. Et ce revenant, ils le voient tel que le voyaient les premiers Juifs barabbalâtres, c'est-à-dire logique avec son Évangile, car il est Oint pour la guerre[155].

Sinon invincible, du moins redoutable encore, — surtout par ses moyens physiques, car ses cornes sont plus hautes que celles de toute Bête —, cet Agneau de Dieu distribue des coups aux quatre coins du ciel. Il est ce qu'il devait être en 789 : chef des armées et grand-prêtre. Il s'appelle Nehama[156] ou ben Amiel ou ben Houshiel. Il s'appelle aussi Ménahem, et ses exploits sont comme l'agrandissement de ceux du Ménahem de l'histoire, pendant un règne dont les commencements avaient été fort heureux.

Toutefois, il en fait un peu plus que Ménahem. Il soumet les peuples voisins de la Palestine et les assujettit à ce tribut dont il ne voulait pas pour les Juifs. Il reprend dans les trésors de l'empereur Julien[157] les objets enlevés au temple de Jérusalem par Titus : reprise peu difficile, car si le bon empereur avait vécu plus longtemps, il aurait restitué ces objets de bonne grâce, puisqu'il se proposait de reconstruire le Temple. Il rétablit l'ordre en Judée, rassemble un très grand nombre de Juifs (mais pas tous, comme il l'eût fallu), restaure Jérusalem, rebâtit le Temple, mais avec les mêmes matériaux qu'Hérode, offre des sacrifices, comme avait fait Ménahem en 819, et gouverne en paix pendant quelque temps.

Mais bientôt l'Antéchrist se présente devant Jérusalem. Pour Barabbas l'Antéchrist était l'Empereur romain : Tibère, après Auguste. Pour Simon dit la Pierre et pour Jacob senior, c'était Claude. Pour Ménahem, c'était Néron. Pour Bar-Kochev, c'était Hadrien. Plus tard, ce fut Constantin, nous le montrerons bientôt. Il est donc naturel qu'avant d'éprouver la seconde mort le messie ben Joseph soit vainqueur de l'Antéchrist, rouage désormais inutile dans l'ordre de l'Even-guilayon. Et cet Antéchrist, c'est un dernier empereur romain, qui doit régner neuf mois sur l'univers. Comme le messie ben-Joseph ne triomphe de cette Bête qu'après neuf mois, il y a encore des accouchements dans le monde : la génération continue. Barabbas mourra pour la seconde fois sans avoir pu réaliser l'un en deux, deux en un ; les Juifs continueront à être divisés en deux sexes, et par conséquent à connaître la mort, exactement comme de la semence de bétail.

L'Antéchrist mort, Gog et Magog arrivent, coalisés contre le messie ben-Joseph. Dans l'idée de celui-ci, l'effort de Gog et Magog devait durer sept ans, les sept dernières années du Yom-Poissons. C'est aussi l'opinion du Talmud. Le messie ben-Joseph ne peut les tuer du souffle de sa bouche, comme il l'avait promis, et comme il aurait pu le faire, s'il avait été baptisé de feu en 789. Il tombe dans la mêlée. C'est sa seconde mort ; au moins est-elle plus propre que la première. On n'est pas obligé de l'arrêter à Lydda pour lui faire rendre ses comptes à la justice !

 

XXIV. — L'AN MILLE OU MILLE DE L'AGNEAU.

a. — Renonciation au règne personnel de Barabbas

Pour n'être en forme que dans les Midraschim relativement modernes, cette seconde mort de Barabbas coïncide avec une chose qui ne devait se produire qu'en la millième année de son règne : le dernier et vain effort de Gog et de Magog contre Jérusalem-Nazireth. Il est donc évident que cette écriture est une renonciation au règne personnel de Barabbas, puisque sa seconde mort n'est pas moins positive que la première, et qu'elle est même officiellement constatée par les nations victorieuses d'Israël. Ce n'est donc point par le retour du messie crucifié en 789 que le Royaume universel des Juifs se fera, c'est par le messie vivant qu'il plaira à Dieu de leur susciter pendant le Mille de l'Agneau[158].

En tout cas, c'est bien aux Juifs seuls que s'était adressé le fameux ben Joseph dont la seconde mort se produit ici. S'il ne peut parvenir à régner, au moins ceux qui seront restés sous sa thora seront-ils seuls admis au séjour des bienheureux. Tout Juif qui n'est pas comme il le voulait est rejeté par des nuées vers les goym et tué par eux. De ceux qui se rendent aux goym pas un n'entrera dans le lieu de délices.

Et c'est de quoi se réjouissent, au fond de l'enfer, Juda Panthora, la Sotada, Barabbas, dans son ordure bouillante, et le reste de la Sainte-famille.

 

 

 



[1] Notons que sous les Antonins le Talmud n'était pas commencé, ou si peu !

[2] En les tronquant, en les falsifiant, comme les rabbins évangélistes dans les Toledoth canoniques, et ceux qui ont fabriqué les Actes des Apôtres et Lettres de Paul.

[3] Le rédacteur veut faire croire que, là où il est question du Gamaléen, de la Gamaléenne, de leur premier enfant mâle (Apocalypse évangélique, XII, 5) et de leurs six autres fils, les talmudistes ont voulu parler, non d'une famille habitant Gamal a, mais de l'animal qui a donné son nom à la ville. Remarquez d'ailleurs le tour de la phrase : ceux qui s'inquiètent de savoir le pourquoi de ces chameaux mâles ne sont pas les rédacteurs du Talmud, ce sont les ecclésiastiques qui savent ce qu'il y a dedans et le redoutent.

[4] On va voir cela !

[5] Le Portugais. Cité par Johann Muller (In rabbinismo, p. 42).

[6] Il ne s'agit pas ici de Pilatus, tout le monde étant d'accord sur ce point, mais de la composition du sanhédrin et de l'état des princes hérodiens' dont le personnel se trouve modifié par la date mensongère que l'Église assigne à la crucifixion, (782 au lieu de 789).

[7] Luther, Les Juifs et leurs mensonges, dans le t. VII de ses Œuvres, Wittenberg, 1558, in-fol. pp. 204-210.

[8] Partagés entre leurs sentiments et leurs intérêts, les Juifs modernes, particulièrement ceux qui se sont fixés en France, ne savent quelle attitude garder au sujet du Talmud.

Quelques-uns l'abandonnent complètement et le condamnent, mais aucun ne peut nier la persécution opiniâtre dont il a été l'objet dans les siècles antérieurs. C'est à ce titre que nous citons M. l'abbé Lémann, juif passé à la barabbalâtrie :

Bien souvent, les Papes et, sur leur demande, les rois chrétiens, firent brûler les exemplaires du Talmud, saisis dans los synagogues ou dans les demeures des Israélites. Cette mesure n'était-elle pas en contradiction avec ce que nous avons loué : le respect parfait des Papes pour l'exercice du culte israélite ?

Au premier abord on est tenté de répondre oui ; mais on donne bien vite son approbation à la mesure pontificale, si l'on réfléchit que la destruction du Talmud était dans l'intérêt du vrai Judaïsme lui-même, c'est-à-dire du Mosaïsme. Les papes faisaient disparaître le Talmud pour procurer aux Israélites la recouvrance du Mosaïsme, comme on lave de grossières pointures, surajoutées à une toile, pour retrouver le chef-d'œuvre d'un maître, ou comme on enlève des scories pour retrouver les feux d'une pierre précieuse.

En effet, que renferme le Talmud dans ses douze volumes in-folio ? et quel a été son rôle au sein des communautés juives ?

Plein de questions scientifiques, cérémonielles et casuistiques mais vide ou à peu près vide de questions dogmatiques et surtout messianiques, ce livre funeste n'a été tant vanté par l'Esprit de mensonge qu'en raison de ce seul but : détourner l'attention des pauvres Juifs de l'étude des vitales questions de la Bible par rapport au Messie. Sombre mais savante diversion, le Talmud en résumé n'est pas autre chose. (Joseph Lémann, L'entrée des Israélites dans la société française, Paris, 1886, in-8°, p. 170).

Et M. Alexandre Weill :

C'est aux talmudistes que, dans leur exil, les Juifs doivent l'étouffement de tout esprit d'indépendance spirituelle, de toute raison philosophique.... Depuis que le Talmud, ce livre de plomb, pèse sur Israël, les Juifs n'ont plus d'histoire...

En faisant saisir et disparaître les exemplaires du Talmud, les Papes non seulement n'ont point porté atteinte à la belle religion de Moïse, mais lui ont rendu service. (Alexandre Weil, Moise et le Talmud, p. 338, cité par l'abbé Lémann, P. 171).

[9] Cf. Épiphane, Hérésies, XXX, 13.

[10] L'Église a reporté ce faux témoignage dans la prétendue aventure du Juif errant.

[11] On trouve encore dans Josèphe (Antiquités judaïques, l. XIII, ch. XXI, § 158) trace de l'émeute pharisienne que Iannaos eut à réprimer, mais il n'est plus parlé de la part qu'y prirent les savants, comme Iehoudda ben Péréja, qui, selon une habitude dont Barabbas devait donner de magnifiques exemples, s'est soustrait au châtiment par une fuite en Egypte.

[12] Le Talmud actuel est muet sur l'histoire de Iehoudda ben Péréja, comme sur toutes les tentatives de ses descendants pour ressaisir la couronne. Ce silence a frappé M. Darmesteter (Le Talmud : Extrait de la Revue des études juives). Et qui ne frapperait-il pas ?

S'il est un fait, dit M. Darmesteter, qui eût dû laisser des traces bien profondes dans le souvenir de la nation, c'était assurément la destruction de Jérusalem et de la Maison Sainte. Cependant, sur les diverses phases de la lutte, sur les hommes qui y prirent part et la dirigèrent, sur la catastrophe finale, on chercherait vainement des données claires, précises. A part quelques vagues détails, où la critique en est encore à démêler la parcelle de vérité qu'ils peuvent renfermer, on ne trouve absolument rien. Mais ce que la Haggada saura, ce sont ces légendes poétiques qui émeuvent la foule et vont au cœur. Elle vous dira l'histoire de Marthe, la riche épouse du pontife Ioshua ben Gamala, la femme élégante et délicate à qui on appliquait le mot du Deutéronome : la plus tendre, la plus délicate d'entre vous, celle qui n'osait pas poser son pied sur le sol, et qui meurt de faim dans les rues de Jérusalem, ou qui, selon un autre récit, est traînée à travers champs, attachée par les cheveux à la queue d'un cheval furieux.

Il semble bien si ce n'est Ieschoua ben Péréja lui-même, que Ioshua ben Gamala soit de la Sainte famille, d'autant plus que sa femme s'appelle Thamar, comme l'une des sueurs de Barabbas.

[13] Cf. l'affaire où les Alexandrins exploitent cette homonymie contre la mère de Barabbas.

[14] Le nom était dans l'exemplaire sur lequel Vorstius, (Zœm. D., p. 262,) a traduit ce passage, le seul peut-être de tout le Talmud imprimé, où la mère du Juif de rapport se trouvât désignée par son véritable nom. Aussi a-t-il disparu de partout, notamment de l'édition à laquelle Auguste Pfeiffer (Theologice judraïcæ atque Mohammedicæ principia, Lipsice, 1687, in-12°, p. 218) a emprunté ce même passage.

Dans les éditions où le nom de Salomé a disparu, la phrase n'a plus de sujet ; c'est Ieschoua ben Péréja, ou Barabbas lui-même, qui est censé avoir envoyé la lettre de Jérusalem. Or, tous les deux sont à Alexandrie. Seule la femme en qui l'Apocalypse de l'Even-guilayon a incarné la Vierge céleste (Cf. Le Mensonge chrétien, pet. édit. p. 48), peut avoir écrit et envoyé la lettre où elle réclame l'Époux terrestre : son propre fils d'après la kabbale de la famille. La suite du passage le prouve irréfutablement.

[15] Sepher Hakkabbala.

[16] Sanhédrin, Ch. VI, § 4.

[17] Beaucoup de rabbins l'appellent ainsi. Cf. Raschi, sur Esaïe IX, 6, édition de Venise.

[18] A ma mère et à moi, dans le Livre des Destinées du monde ou Apocalypse de l'Even-guilayon.

[19] Celui-là, c'est le premier homme.

[20] Talmud. Traité du Sanhédrin, Ch. II Chelek, fol. 107, 2. Nous avons cité tout le passage d'après Gerson (Præfatio in Chelek), qui témoigne l'avoir trouvé tel dans son exemplaire.

[21] Antiquités judaïques, l. XVIII, Ch. 1, § 759.

[22] Sanhédrin, fol. 43. 1, et fol. 107 c. 2. Schabbath, fol. 104. 2.

[23] Schabbath, Ch. XII, fol. 104, 2.

[24] M. Schwab, dans son édition du Talmud de Jérusalem, traduit par fou, et j'ai moi-même suivi cette leçon dans Le Mensonge chrétien. Mais, à la réflexion, je crois plus exacte la traduction proposée par d'autres exégètes.

[25] Sanhédrin, p. 44, b. Une erreur de copiste, la lettre l mal placée, fait lire Eli. Mais il n'est pas douteux qu'on n'ait voulu dire Lévi, autrement dit Cléopas, et c'est ce nom qu'a lu dans son exemplaire l'auteur du Mahazeh Ieschou ha nozri (Apparition du Vaurien de l'étranger), dont nous parlons plus loin.

[26] Cf. Le Mensonge chrétien, pet. édit. p. 603.

[27] Hilch. Melach. Ch. XI, Venise, 1524.

[28] Nous la publions plus loin.

[29] Schabbath, fol. 104 b. Sanhédrin, fol. 67, et commentaire du Gittin, fol. 90 a.

[30] Eh ! oui, comme son père.

[31] Comme le possédé (Barabbas lui-même) que Jésus délivre devant Gamala, après la Journée des porcs. Cf. Le Mensonge chrétien, pet. édit. p. 429.

[32] Et enragé, comme à Ephèse dans le mythe d'Apollonius.

[33] Cf. Fabricius, Codex Apocryphus Novi Testamenti, Hambourg, 1919, in-12°, p. 197 et 198.

[34] Guemara, traité Ketuvot.

[35] F. 4, c. 2.

[36] Ch. VII, fol. 67.

[37] Schabbath, c. XII, fol. 104, c. 2, de l'édition d'Amsterdam.

[38] Notamment Buxtorf, Lex talmudica.

[39] Au XIIIe siècle déjà les écrivains d'Église avaient fabriqué des textes hébreux où ils font déposer les rabbins en ce sens.

[40] Voici ce qu'a imaginé l'Evangile de l'Enfance pour donner le change sur la personne de la Parfumeuse du Talmud.

L'enfant que l'Église appelle aujourd'hui Jésus-Christ vient de naître. Le huitième jour, on le circoncit. Une vieille femme est présente, le rédacteur de l'histoire a en vue la Shâna (Année), aujourd'hui la vieille Anna de la Nativité. Elle prend le prépuce (d'autres disent le cordon ombilical), de l'enfant, et le met dans un albastre d'huile de nard ancien. (C'est ainsi que Cérinthe parle du vase du sacre dans son Mahazeh Ieschoua.) Il se trouve qu'elle a un fils parfumeur, et comme elle s'y connaît encore mieux que lui, elle lui remet l'alabastre, en lui disant : Garde-toi de vendre cet alabastre d'huile de nard, t'en offrît-on trois cents deniers ! Et, dit l'aigrefin qui a forgé tout cela, c'est cet alabastre que Marie la pécheresse s'est procuré, et qu'elle a répandu sur les pieds et sur la tête de Notre Seigneur Jésus-Christ, les essuyant ensuite de la chevelure de sa propre tête.

[41] Matthieu, I, 18, 19.

[42] Publié pour la première fois dans le monde barabbalâtre par le théologien Wagenseil. (Tela ignea Satanæ, 1681, p. 14 de la Confutatio Toldos Ieschuœ).

[43] Cf. Le Mensonge chrétien, pet. édit., page 112.

[44] Cette profession de mauvaise foi suffit à le classer parmi les Juifs qui tenaient pour l'Évangile.

[45] Cette parole était dans l'Évangile des Juifs d'Egypte. L'Église s'efforce d'en pallier la brutalité dans Clément d'Alexandrie (Stromates, l. III), l'interprétant ainsi : De la femme, c'est-à-dire de la concupiscence. Et quant aux œuvres ce sont la génération et la mort.

[46] Cf. Le Mensonge chrétien, pet. édit., p. 439.

[47] Dans le pseudo-Clément d'Alexandrie, Stromates, l III.

[48] Façon de parler inspirée par la Genèse, II, 16, où Dieu dit à l'homme : Tous les arbres qui sont dans le Jardin, tu peux t'en nourrir ; mais l'Arbre de la connaissance du bien et du mal, tu n'en mangeras point, car du jour où tu en mangeras, tu dois mourir.

[49] Schabbath, p. 116, 2.

[50] Chaguiga, ch. II, § 1.

[51] Sanhédrin, Ch. II, Chélek, p. 103, 1, et traité Bérakoth, p. 17, 2.

[52] Jeu de mots que nous retrouvons souvent sur Ieschoua-Iohan-Nazir.

[53] Le Livre des Destinées du monde. Cf. Le Mensonge chrétien, petit. édit. p. 61.

[54] Aboda Zarah, Ch. II, p. 25, 2.

[55] Aboda Zarah, Ch. V.

[56] Pfeiffer, Theologiæ judaïcæ, etc., principia, p. 245.

[57] C'est Panéas, aux sources du Jourdain, où, n'étant encore que le fils de Juda Panthora et de Salomé la Gamaléenne, le Baptiseur s'était octroyé le nom de Bar-Abba.

[58] M. Marcus Rabinsohn, qui reproduit ce targum, (Le Messianisme dans le Talmud a les Midraschim, Paris, 1907, in-8°,) a pensé que cette conversion d'eau en sang était réelle, et que c'était le résultat d'un immense carnage de Juifs par les Romains. Il s'agit de toute autre chose, et Ozir-zib (Moïse) lui-même avait ce pouvoir de changer l'eau en sang.

[59] Schabbath, p. 67, a.

[60] Sanhédrin, p. 43, a.

[61] Guemara, traité Ketuvot.

[62] Faut-il lire Nazir ou traduire Nézer par rameau, racine, branche, et sous-entendre de David, comme plus loin ? Il n'importe, puisqu'il n'y a point de doute possible sur l'identité du personnage.

[63] Voleur. Le mot est grec, et les rabbins se sont bornés à l'écrire en caractères hébraïques, au lieu d'employer le mot hébreu gannav. Peut-être le scribe avait-il en vue quelque récit grec des exploits de Barabbas.

[64] Commentaires sur Daniel, p. 44, col. 1.

[65] Hieronymi Commentarii ad Matthœum, l. IV, XXVII.

[66] Page 43.

[67] Mischna. Sanhédrin, ch. VI, § 1.

[68] Le Tharthak, le Baal-Zib, (le Dagon des Phéniciens), les figures de terre cuite façonnées par Barabbas, etc.

[69] A nous, fils de Juda Panthora, et descendants de David.

[70] Page 43, c. 1, et p. 107, c. 2.

[71] Ce passage est très corrompu, mais il y a accord sur le sens.

[72] Un des anti-barabbalâtres les plus énergiques de la série, nous le démontrerons dans l'ouvrage que nous préparons sur ce prétendu converti.

[73] Tout cela respire la mauvaise foi la plus incurable, car il suffit d'ouvrir le Mahazeh connu sous le nom d'Évangile de Saint-Jean, pour voir que, sur ce point, la vérité est avec les scribes du Talmud contre l'Église.

[74] Le Talmud donne quelques détails sur les guérisons que ce charlatan prétendait opérer au nom de Ieschoua Panthora.

[75] Une note marginale (mais de qui et de quel siècle ?) exonère Jacob ben Zackan de l'empoisonnement de Rabbi Afhu : De Jacob ben Zackan il faut dire qu'il n'est pas le même que Jacob l'hérétique, dont il est fait mention ailleurs, lequel a empoisonné R. Alhu, car ce scélérat n'a pas vécu jusque là : mais il semble que ce Jacob ben-Zackan est celui qui s'est présenté pour guérir ben Damma. Le Jacob hérétique qui a empoisonné Afhu peut être celui dont il est fait mention dans le Cholin, (e Kiss. hadam), et il appartient à la même secte, probablement à la même famille.

[76] Aboda Zarah, Lefed Adonaï (le Flambeau du Seigneur), fol. 17, c. 1.

[77] C'est bien extraordinaire, car Rabbi Akiba partageait pleinement les sentiments de Jacob ben Zackan.

[78] Consacrés aux idoles par les rois de Juda, ancêtres de Barabbas. Cf. Le Mensonge chrétien, pet. édit., p. 12.

[79] Matthieu, XV, 11-20.

[80] Comme il est changé depuis que le Talmud a passé de Babylone en Europe.

[81] Tela ignea Satanæ, p. 17 de la Confutatio Toldos Ieschuœ.

[82] Observationes ad R. Davidis Gansii Chronologiam, p. 259.

[83] C'est David qui parle, confessant qu'il a péché contre l'Éternel et se plaignant de ce que ses ennemis tiennent sur lui de méchants propos.

[84] C'est encore David qui parle, pleurant de ce qu'on lui demande sans cesse pour le narguer : Où est ton Dieu ?

[85] Et non Mathias, comme l'entendent les exégètes ecclésiastiques.

[86] Le mot hébreu est pris ici dans le sens, non de consacré à Dieu, mais de rejeton ou branche vierge, épargnée par le ciseau.

[87] Par conséquent, ils n'auraient pas dû livrer Barabbas aux Romains, puisque la prophétie était pour lui.

[88] Celui qui a été publié par Wagense il dans ses Tela ignea Satanæ. Nous le reproduisons plus loin.

[89] Cf. Le Mensonge chrétien, pet. édit. p. 777.

[90] L'Enfer.

[91] Barabbas disait être l'Étoile du matin.

[92] Tellement il les tenait liés par ses incantations.

[93] Taanith, p. 20.

[94] Siméon Cléopas, compagnon de l'harammathas (fossoyeur) dans le Mahazeh Ieschoua de Cérinthe. Cf. Le Mensonge chrétien, pet. édit. p, 177.

[95] Theudas, (ainsi nommé aujourd'hui dans Flavius Josèphe,) semble bien être Juda junior, frère de Barabbas et surnommé Toâmin. L'Apparition du Vaurien de l'étranger, que nous reproduisons plus loin, nous porte à l'affirmer.

[96] Cf. petite édition, page 222.

[97] Cf. plus haut, la prophétie d'Apollonius à Titus.

[98] Cf. pet. édit. p. 239.

[99] Traité Gittin (Divorce), f. 56, 2, et f. 57, 1.

[100] Nous avons déjà rencontré cette affirmation dans la Vie d'Apollonius.

[101] C'est la moralité des terribles prophéties que le Deutéronome fait aux Israélites qui, au lieu d'écouter la voix de l'Eternel, suivent quelque imposteur du genre de Barabbas. Leur ennemi dominera sur eux au dedans comme au dehors :

Tu seras maudit dans la ville, et maudit dans les champs. Maudits seront le fruit de tes entrailles et le fruit de ton sol, la progéniture de tes taureaux et les portées de tes brebis. Maudit seras-tu à ton arrivée, et maudit encore à ton départ ! L'Eternel suscitera chez toi le malheur, le désordre et la ruine dans toute opération où tu mettras la main, tellement que tu seras bientôt anéanti et perdu, pour prix de tes méfaits, pour avoir renoncé à moi. L'Éternel attachera à tes flancs la peste, jusqu'à ce qu'elle t'ait consumé de dessus la terre où tu vas entrer pour en prendre possession. Ton ciel, qui s'étend sur ta tête, sera d'airain, et la terre sous tes pieds sera de fer. L'Éternel te fera écraser par tes ennemis : si tu marches contre eux par un chemin, par sept chemins tu fuiras devant eux, et tu seras un objet de stupéfaction pour tous les royaumes de la terre. Le Seigneur t'affligera de l'éruption égyptienne, tu ne mèneras pas à bonne fin tes entreprises, tu seras opprimé, spolié incessamment, sans trouver un défenseur. Tu fianceras une femme, et un autre la possédera ; tu bâtiras une maison, et tu ne t'y installeras point ; tes brebis tomberont au pouvoir de tes ennemis, et nul ne prendra parti pour toi. Tes fils et tes filles seront livrés à un peuple étranger, et tes yeux le verront et se consumeront tout le temps à les attendre, mais ta main sera impuissante. Le fruit de ton sol, tout ton labeur, sera dévoré par un peuple à toi inconnu ; tu seras en butte à une oppression, à une tyrannie de tous les jours, pet tu tomberas en démence, au spectacle que verront tes yeux. Le Seigneur te fera passer, toi et le roi quo tu te seras donné, chez une nation que tu n'auras jamais connue, toi ni tes pères ; là, tu serviras des dieux étrangers, du bois et de la pierre. Et tu deviendras l'étonnement, puis la fable et la risée de tous les peuples chez lesquels te conduira le Seigneur. Tu engendreras des fils et des filles, et ils ne seront pas à toi, car ils s'en iront en captivité. L'étranger qui sera chez toi s'élèvera de plus en plus au dessus de toi, et tu descendras de plus en plus. C'est lui qui te prêtera, loin que tu puisses lui prêter ; lui, il occupera le premier rang ; toi, tu seras au dernier. Et toutes ces malédictions doivent se réaliser sur toi, te poursuivre et t'atteindre jusqu'à ta ruine, parce que tu n'auras pas obéi à la voix de l'Éternel, ton Dieu.

Titus a réalisé ces prophéties, peu conformes aux espérances de l'Even-guilayon. C'est pourquoi le rédacteur du targum lui souffle la citation qu'il en fait.

[102] Les théologiens barabbalâtres qui nous ont transmis ce targum, après l'avoir saccagé, ne se sont même pas donné la peine de vérifier le texte des citations du Deutéronome.

Les traductions qu'ils proposent ne s'éloignent pas moins du vrai sens biblique que de la pensée des talmudistes.

Pour ce qui est de ce verset et de tout ce qui l'amène, j'ai suivi M. Zadoc Kahn (La Bible, t. I, p. 247-248).

[103] Avant de périr, il dit : Je suis pareil à un navire qui a payé son impôt, je puis donc passer et me mettre en route ! Cf. Le Mensonge Chrétien, pet. édit. p. 240.

[104] Balaam est maudit en ces termes par le Deutéronome (XXIII, 4-7,) avec les Ammonites et les Moabites :

Un Ammonite ni un Moabite ne seront admis dans l'assemblée du Seigneur, même après la dixième génération ; ils seront exclus de l'assemblée du Seigneur, à perpétuité, parce qu'ils ne vous ont pas offert à vous, Israël, le pain et l'eau à votre passage, au sortir de l'Égypte, et de plus, parce qu'ils ont stipendié contre toi Balaam fils de Beor, de Pethor en Mésopotamie, pour te maudire. Mais l'Éternel, ton Dieu, n'a pas voulu écouter Balaam ; et l'Éternel, ton Dieu a transformé pour toi l'imprécation en bénédiction, car il a de l'affection pour toi, l'Éternel, ton Dieu. Ne t'intéresse donc jamais à leur bien-être et à leur prospérité, tant que tu vivras !

Balaam, évoqué dans le targum, s'empare de cette malédiction pour la retourner, contre les Juifs.

[105] Le mot hébreu est plus dur. Traître, qui implique fatalement l'ignominie, serait plus juste. On veut dire qu'après avoir entraîné ses partisans, il les a abandonnés tout le premier sur le champ de bataille, au Sôrtaba.

[106] Le nom n'est pas dans toutes les éditions, il n'est ni dans celle d'Amsterdam, ni dans celle de Bâle, mais Vorstius l'a vu dans son exemplaire et l'a transcrit. Encore peut-on être certain que Barabbas était désigné sous son nom de Iehoudda.

[107] Sur cette fosse, cf. Le Vaurien de l'étranger.

[108] C'est pourquoi dans la mystification évangélique, Simon la Pierre pleure amèrement en quittant la cour du Hanôth, la prison où son frère aîné fut enfermé avant d'être mené à Pilatus.

[109] Mais comme ; par ses parents, Barabbas descend, d'une part, de David par Salomon et par Nathan, d'autre part, de Lévi, son deuil doit affecter tout Juda et tout Lévi, c'est un deuil royal et sacré.

[110] Apocalypse de Pathmos, I, 6, 7.

[111] Souca, 52 b.

[112] Rabbi Dossa emprunte ce nom aux Écritures sur lesquelles on discute, mais il sait fort bien que l'intéressé est le dernier fils du papas Iehoudda.

[113] Ils ne disent pas comment, du moins ils ne le disent plus. Il s'agit manifestement de Barabbas, l'aîné des sept, percé par les clous et peut-être par la lance. Faute d'indication suffisante de la part des rédacteurs du Talmud, les exégètes ont proposé d'étonnantes hypothèses sur ce double messie ben Joseph. Ils n'ont même pas vu que les docteurs talmudiques avaient le choix entre deux messies, tous deux fils de l'individu présenté sous le pseudonyme de Joseph dans les Toledoth Ieschoua du Canon.

[114] Il s'agit, je pense, de l'Idumée et de l'Arabie limitrophe de la Pérée. Ceci Confirme l'hypothèse qu'avant de se présenter devant Massada, il avait enlevé aux Arabes la forteresse de Macherous. Un passage de Josèphe m'avait déjà porté à le croire.

[115] Ménahem avait été pris dans les rues de l'Ophel. Cf. Le Mensonge chrétien, pet. édit, p. 220.

[116] C'est la déesse Salvia, la Vierge dont Virgile annonce le retour à Auguste dans les Géorgiques.

[117] Je suppose qu'à ce moment l'auteur aura pensé au couple Romulus et Remus. Quant à la couleur, elle est celle de Rome même, que les Juifs disaient être Edom.

[118] L'Aliéna, de la Sagesse de Valentin.

[119] De kerén, corne, puissance, domination, empire.

[120] Il s'agit du massacre de la garnison romaine de Massada par Ménahem.

[121] Raccourci de plus de trente ans entre l'aîné et le plus jeune des fils de Juda Panthora.

[122] Bar-Kochev, qui est lui aussi un ben-Joseph.

[123] Du cinquième jour après la pâque de 789 jusqu'à la Pentecôte. C'est cette idée qu'ont rendue les évangélistes dans ceux de leurs écrits où le revenant de Barabbas et tenté par le Satan au désert. Même idée dans les Actes des Apôtres, où les disciples dispersés rentrent à Jérusalem pour y recevoir l'Esprit-Saint le cinquantième jour.

[124] Souvenir de la Transfiguration.

[125] Très improprement nommée ainsi, nous l'avons démontré. Cf. Le Mensonge chrétien, pet. édit. p. 379.

[126] L'Assemblée, celle que Barabbas devait fonder le 15 nisan 789.

[127] La faculté de revenir à la taille des anges, soit soixante-quinze mètres de haut. Cf. Le Mensonge chrétien, pet. édit. p. 104.

[128] Abada Zara, p. 6 a.

[129] Oz (la Gloire) fol. 46, a.

[130] Celle de Barabbas, ce qu'on a appelé la Sainte Face.

[131] Ezéchiel, XXXVIII, 20-23.

[132] Mille d'années.

[133] Aboda Zarah, fol. 9 a.

[134] Gittin, 16 b.

[135] Sapor commence à régner en 1003.

[136] Sanhédrin, 97 b.

[137] Cf. Les discours de Pierre.

[138] C'est ce que Jésus fait observer dans ses discours sur l'art d'accommoder la faillite de Barabbas. Ces discours semblent l'œuvre des disciples de Rabbi Akiba.

[139] Dans ces conditions, les circonstances les plus malheureuses leur paraissaient être des signes précurseurs de la venue du Messie ; les hypothèses les plus invraisemblables aussi : par exemple, l'impossibilité de trouver une seule pièce de monnaie, ou bien un dernier poisson pour guérir un malade.

[140] Comme l'Agneau dans l'Apocalypse de l'Even-guilayon.

[141] Non plus par plaisanterie, sous les espèces de Barabbas au prétoire. Ses parents ne seront plus obligés de dire qu'un Simon de Cyrène a été crucifié à sa place.

[142] Ceux de Gog et de Magog. Mahomet en parle.

[143] Dont le dernier la Vierge, a vu naître Adam.

[144] C'est-à-dire en lutte avec Satan, jusqu'au terme fixé pour la chute de celui-ci.

[145] Pris aux Toledoth synoptisés, où il est dit : Il suffit au serviteur d'être comme son maître.

[146] Le Hanôth en 789.

[147] J'ai soif. (Mahazeh de Cérinthe.)

[148] Décrits dans son Apocalypse.

[149] On faisait l'application de cette comparaison dès la seconde moitié du second siècle. Cf. plus loin, l'Apparition du Vaurien de l'étranger.

[150] Il aurait fallu faire un choix sévère, étant donné le tour que le culte avait pris sous cet ancêtre de Barabbas. Cf. Le Mensonge chrétien, pet. édit. p. 12-16.

[151] Sur le Garizim. Ce n'est pas David, comme je l'avais dit d'après Josèphe, interpolé à cet endroit, ce serait Josias.

[152] C'est l'eau qui par le pouvoir du Messie est changé en sang. Ce détail m'avait échappé, mais il doit être exact, car la mère de Barabbas a été baptisée par son fils. Or, ce ne peut être dans l'eau du Jourdain, c'est-à-dire publiquement. C'est donc dans le privé, avec l'eau de la fontaine de Gamala, l'Aïn-Karem, comme disent les écrits des Coptes barabbalâtres.

[153] Celui que Salomé, dans sa précipitation, versa sur la tête de son fils aîné cinquante jours avant la pâque.

[154] Ceux que Barabbas invoquait en baptisant.

[155] Pour les sources, cf. Rabinsohn (Le Messianisme dans le Talmud), à qui je m'en rapporte.

Cf. notamment Pesikté, R., 75 a, 15.

Pirké de Rabbi Eliézer, édit. de Wilna, 1883, p. 19.

[156] Consolation.

[157] Qui l'a expulsé du tombeau. Mais le Gamaléen l'a tué par la main des Perses ! Vous connaissez la chose (Tu as vaincu, Gamaléen ! et autres sornettes.)

[158] L'Agneau millénaire a pria la suite du Mille des Poissons en une année qui serait la 1789e de Rome, si l'Église, interrompant la chronologie par peur d'un retour offensif de la Vérité, n'avait pas inventé l'Ère chrétienne et le système des Indictions.