LA SAINTE FAMILLE

 

DEUXIÈME PARTIE. — APOLLONIUS DE TYANE OU LA JUSTICE POURSUIVANT BARABBAS ET LA VÉRITÉ DÉMASQUANT JÉSUS

V. — RETOUR D'APOLLONIUS EN ORIENT.

 

 

I. — RETOUR EN GRÈCE.

a. — Embarquement sous le signe de la Balance, Juifs et goym mêlés

A Syracuse, il s'embarque pour retourner en Grèce. Il est sur un vaisseau syracusain et au temps où se lève l'Arcture, c'est-à-dire le temps où l'on entre dans la Balance, signe de la Nativité d'Octave, la Bête dont le nom est un nombre ; c'est le signe favorable pour les goym, et spécialement maudit par l'auteur de l'Even-guilayon.

b. — Devant le rocher de Leucade, Apollonius voit le saut de Ménahem dans l'abîme à Jérusalem

Apollonius veut que la traversée soit heureuse jusqu'à Leucade.

Là il dit : Changeons de navire, car il ne serait pas bon d'aller en Achaïe avec celui-ci. Mais ceux-là seuls firent attention à cette parole, qui connaissaient Apollonius.

Il y avait donc là des gens qui ne connaissaient pas Apollonius, mais tous connaissaient la réputation du saut de Leucade. C'est du haut du rocher de cette île qu'on précipitait les condamnés à mort. Quel est l'homme qui a été précipité dans l'abîme ainsi ? Barabbas hier, Ménahem aujourd'hui. Mais ce dernier saut, Apollonius seul le connaît par sa double vue.

c. — Le saut de Leucade réservé à ceux qui ne suivent pas Apollonius

Ceux qui ne connaissent pas Apollonius ne connaissent pas la sagesse, et méritent le même sort que Ménahem. Aussi continuent-ils leur route sur le vaisseau syracusain et font-ils le saut de Leucade en entrant dans le golfe de Krisa, à l'Orient de la Grèce. Philostrate joue sur les mots Crisis (jugement), Chrisis (action d'oindre), et Chrysis (d'or).

Au contraire, le nouveau navire sur lequel Apollonius est monté à Leucade, aborde heureusement au cap Leucaïos (Blanc), port de Corinthe à l'Occident de l'Achaïe, et non loin de Patras où vient d'être crucifié Loucas, frère de Simon le Cyrénéen, compagnon de Barabbas au Guol-golta. Les dieux, dont Apollonius est l'interprète, ont retourné le signe de la Balance contre l'Évangile : c'est le plateau juif qui fait la culbute !

 

II. — VESPASIEN BRAS D'APOLLONIUS.

Vespasien accompagnait Néron dans son voyage en Grèce, et c'est de Grèce qu'instruit par Saül et son frère Bar-kochev de toutes les infamies accumulées par Ménahem, Vespasien fut envoyé pour ramener la paix en Judée. Nul doute, car c'est le plan même de Philostrate, qu'Apollonius ne rencontrât Vespasien, et qu'en un temps où Néron était encore tout puissant, Apollonius ne lui prophétisât son élévation à l'Empire et ne le sacrât roi-christ des goym[1]. Après la cessation du signe de l'enfant aux trois têtes, Apollonius régnera par Vespasien.

Apollonius ne se trompe jamais, puisque c'est Philostrate qui le souffle, appuyé sur l'histoire.

Apollonius est encore en Grèce, lorsqu'arrivent les prisonniers de Judée qui furent employés au percement de l'isthme de Corinthe, et qui, si les travaux eussent continué, auraient rendu, malgré eux, service à la navigation commerciale dont leur Maître avait rêvé la mort[2].

Apollonius réserve toute sa pitié pour le philosophe Musonius, qui, dit-on, fut enchaîné et confondu avec les condamnés.

 

III. — TRACES DE SUPPRESSIONS IMPORTANTES DANS LA MISSION D'APOLLONIUS.

Il passe l'hiver dans les sanctuaires de Grèce, puis il décide d'aller en Égypte. Il semble bien que Philostrate l'y avait déjà envoyé, au temps où Barabbas y étudiait la magie.

Mais avant de se rendre en Égypte, il faisait un voyage dont on ne parle plus, car il est entendu pour l'Église que jamais il n'a vu de Juifs, ni chez eux, ni ailleurs, — à Rhodes, par exemple, où il fait escale, et à Paphos, où, selon son habitude, il occupe le temple —. Il allait en Judée.

Il est certain aussi qu'il voyait Titus quelque part, et qu'il lui faisait des prédictions qui pouvaient passer pour inspirées, puisque c'est le fils de Vespasien qui entra le premier dans Gamala.

C'est sans doute à Paphos, dans le temple de Vénus, où Titus était allé consulter l'oracle, qu'Apollonius se présentait à lui. Et il lui annonçait que, pour avoir détruit le berceau de Barabbas, il serait appelé les Délices du genre humain.

 

IV. — APOLLONIUS EN ÉGYPTE.

a. — Alexandrie au lendemain du mouvement évangélique provoqué par Ménahem

Arrivé en Égypte, il débarque à Alexandrie.

Les Alexandrins et les Grecs portaient une haine égale aux Juifs, particulièrement à ceux qui, tenant pour la Sainte-famille, avaient successivement donné à tous ses membres des secours en hommes et en argent.

On se rappelle les émeutes que suscita la prédication de l'Évangile en 788, et la mascarade semi-grotesque sema-tragique, par laquelle les Alexandrins prophétisèrent la faillite de Barabbas.

Le triomphe momentané de Ménahem sous les Anes de 819, avait ranimé chez les Juifs davidistes l'espérance du Royaume universel. Ils venaient de mettre toute la ville à feu et à sang, parce que Néron avait choisi, pour la gouverner, un hérodien de marque, ce Tibère Alexandre, qui sous Claude avait crucifié deux des frères de Barabbas : Simon dit la Pierre et Jacob senior. Les habitants, et particulièrement les Grecs, assaillis à coups de pierre, assiégés dans l'amphithéâtre et dans les temples, n'avaient été délivrés que par l'intervention des Romains : La mort de cinquante mille personnes avait inondé d'un déluge de Sang cette malheureuse contrée, et si les troupes d'Alexandre, deux légions et cinq mille Libyens, s'étaient arrêtés dans la répression, les naturels d'Alexandrie, n'écoutant que la vengeance, s'étaient acharnés tellement au carnage qu'on n'avait pu arracher de leurs mains ces corps morts auxquels ils insultaient encore.

C'est au lendemain de ces scènes affreuses qu'Apollonius entre dans la ville. Ménahem vient d'être exécuté à Jérusalem par le parti national, et les Anes (le Tharthak-Thakthar) viennent de succomber avec lui, mais après avoir fait cinquante mille Victimes, rien que dans Alexandrie.

b. — L'Ane de Juda remplacé par le cheval de Troie dans le texte actuel de Philostrate

Apollonius trouvait que les ânes coûtaient un peu cher à la tranquillité de l'Égypte, et il exprimait ses sentiments dans un discours dont la cause a complètement disparu.

Aujourd'hui il ignore qu'il y ait.eu des troubles à propos d'Ânes ; en revanche il a entendu parler, et beaucoup, d'émeutes à propos de chevaux. Mais les Juifs y sont restés tellement étrangers que leur nom n'a même pas été prononcé à cette occasion ! Ce sont les Alexandrins qui ont fait tout le mal, gens incorrigibles en vérité !

Les habitants d'Alexandrie aimaient beaucoup les chevaux, et toute la ville se portait à l'hippodrome pour voir les courses. Ce spectacle donnait lieu à des rixes qui devenaient quelquefois mortelles. Apollonius blâma de telles mœurs. Il alla au temple, et là s'adressant à la foule : Jusques à quand, s'écria-t-il, vous verrai-je affronter la mort, non pour défendre vos enfants et vos autels, mais pour profaner vos temples, en y entrant souillés de sang et de poussière, et pour venir expirer dans leur enceinte ? Troie a été perdue, dit-on, par un seul cheval, fabriqué par les Grecs[3] ; mais contre vous sont équipées les centaines de chars, qui vous rendent très difficiles à conduire ; et ce qui vous perd, ce ne sont pas les Atrides ni les Eacides, c'est vous-mêmes, ce qui n'est pas arrivé aux Troyens, même dans leur ivresse ! A Olympie, où il y a des concours de lutte et de pancrace, personne n'est mort pour des athlètes ; et cependant là il y aurait une sorte d'excuse : on ne ferait que dépasser les bornes en imitant ce qu'on a vu. Mais ici, que vois-je ? A propos de chevaux, des épées nues sans cesse hors du fourreau, et des pierres toutes prêtes à être lancées par des bras forcenés[4]. Puisse le feu détruire une ville où l'on n'entend que les cris plaintifs ou furieux des meurtriers et des victimes, où des ruisseaux de sang inondent le sol ![5]

Respectez donc le Nil, cette coupe où s'abreuve toute l'Égypte. Mais que vais-je parler du Nil à des hommes plus habitués à mesurer les inondations de sang que celles du fleuve ? Il ajouta plusieurs invectives, que rapportent les Mémoires de Damis.

Cette dernière phrase dénonce le procédé employé par le falsificateur ecclésiastique de Philostrate.

A ce que disait Apollonius il a substitué ce qu'on lit aujourd'hui. En tout cas, de même qu'à Éphèse, à Aspendus, à Kenchrées, à Corinthe, à Rome, point de Juifs, évangélisés ou non, dans l'Alexandrie du fils de Panthora.

 

V. — JÉSUS ET LES DOUZE APÔTRES PRÉVUS ET RAMENÉS A SEPT.

a. — Un innocent placé au milieu de douze brigands pour éprouver la puissance divinatoire d'Apollonius

On conduit des Juifs au supplice pour les mêmes crimes que Barabbas, lorsqu'Apollonius fait son entrée dans Alexandrie. Ces misérables, par leurs violences, ont témoigné leur foi dans l'Évangile ; ils sont martyrs dans le sens grec du mot.

Ce n'est pas à Apollonius qu'on fera prendre Barabbas pour un innocent sous les espèces de Jésus, et inversement Jésus pour un coupable ! Le nom ne fait rien à la chose.

Apollonius, qui a des oreilles pour entendre ou simplement des yeux pour voir, sait que Barabbas et ses six frères étaient dignes de mort, et il prévoit que les douze individus dont Jésus sera accompagné dans les Toledoth ne seront pas choisis parmi des innocents, quoiqu'on doive faire dire par leur Maître aux gens du Temple : Qui cherchez-vous ? Moi ? Me voilà, mais laissez aller ceux-ci ![6]

Néanmoins, dans Alexandrie, où naguère le fils de Panthora fut exposé en effigie à quarante brasses de hauteur, il y a des rabbins qui accusent les Romains de s'être faits les bourreaux de l'innocent. Eh ! bien, qu'un innocent se trouve au milieu de douze condamnés à mort, et on verra si Apollonius le laisse exécuter !

b. — Les douze qui n'ont jamais été que sept

Les oreilles des Égyptiens se dressaient au seul nom d'Apollonius. Quand il fut débarqué, et qu'il eut pris le chemin de la ville, tous fixaient sur lui leurs regards, comme sur un Dieu ; et, dans les passages étroits, tous lui cédaient le pas, comme à un prêtre portant des objets sacrés.

Comme il s'avançait avec un cortège plus considérable que celui des chefs du pays, il rencontra douze brigands que l'on menait à la mort.

Ces douze hommes sont pris dans les douze tribus juives, à raison d'un par tribu, et c'est à cause de l'Even-guilayon qu'ils se sont conduits comme autant de Barabbas.

Apollonius les regarda, et dit : Tous ne sont pas coupables. En voici un qui s'est faussement accusé. Puis, se tournant vers les bourreaux qui conduisaient ces hommes : Ralentissez un peu votre marche, leur dit-il, allez lentement au lieu du supplice, et ne mettez cet homme à mort qu'après les autres, car il n'est pas coupable ![7]

La raison de cette conduite fut bientôt connue ; car, à peine sept têtes étaient-elles tombées[8], qu'un cavalier vint à toute bride au lieu du supplice, et cria : Ne touchez pas à Phanion.

c. — Phanion (Jésus) ou l'Apparition du revenant de Barabbas, dénoncée avant son invention

Phanion, en effet, et son nom l'indique assez, est une simple Apparition, une phanie, comme on en voit tant d'exemples dans les auteurs grecs, ne fût-ce que dans Lucien, qui en fera tout un genre de littérature. Il est là pour un autre, qu'on ne voit plus, puisqu'il a subi sa peine depuis longtemps ; c'est le futur Jésus.

Quant au Cavalier, les lecteurs du Mensonge chrétien le connaissent par l'Apocalypse évangélique. C'est celui qui monte le cheval roux et à qui est donnée la grande épée. Ici c'est Vespasien lui-même. L'épée ayant abattu les sept têtes de la Bête davidique, justice est faite : si les Juifs veulent vivre en paix dans le monde, ils le peuvent !

Maintenant, pourquoi le cavalier attend-il que sept têtes soient tombées, que justice soit faite, en un mot, pour apporter l'ordre d'épargner Phanion ? Parce que les fils de la Gamaléenne, dont le dernier, Ménahem, vient de périr, étaient sept, et que tous méritaient la mort. Phanion, qui est ici au milieu des douze brigands, et qui dans le Mahazeh de Cérinthe, semble distinct de l'aîné des sept (alors qu'il n'en est que le double, sous le nom de Jésus), Phanion n'a pas à être exécuté, il l'a été en temps voulu. C'est également pourquoi on laisse aller les cinq autres brigands.

Puis Apollonius expliqua que Phanion n'était pas coupable de brigandage, mais qu'il s'était accusé pour éviter la torture, et que les tourments avaient fait avouer aux autres son innocence[9].

Il n'est pas besoin de dire les trépignements d'enthousiasme et les applaudissements que ce fait excita chez les Egyptiens, déjà pleins d'admiration pour Apollonius.

 

VI. — APOLLONIUS EMPEREUR SOUS LA FORME DE VESPASIEN.

a. — Après la chute de Gamala. Rapport de Vespasien à Apollonius

La ville était à peine remise de ces troubles, lorsque Vespasien, proclamé empereur par ses soldats, dans le palais même que Pilatus avait habité à Césarée, quitta la Judée pour venir à Alexandrie. Le mot Judée est devenu tellement sacré pour le falsificateur de Philostrate, qu'il est remplacé maintenant par le voisinage de l'Égypte.

Vespasien arrive, assuré de Tibère Alexandre et des deux légions commandées par celui-ci.

Son premier soin est d'aller trouver Apollonius dans le temple (de Sérapis évidemment) et de le remercier : il lui doit son élévation à l'Empire. Vespasien lui racontait comment il avait assiégé Gamala, et comment Titus était entré le premier dans la ville natale de Barabbas, la future Nazireth des Mahazeh et des Toledoth. C'était sa seconde entrevue avec lui : il venait comme au rapport.

D'où l'obligation pour le falsificateur ecclésiastique de dire que Vespasien voyait Apollonius pour la première fois :

C'est de cette entrevue qu'est venu le bruit que Vespasien, en faisant le siège de Jérusalem[10], avait songé à s'emparer de l'Empire ; qu'il avait prié Apollonius de venir lui donner des conseils à ce sujet ; que celui-ci avait refusé de se rendre dans un pays souillé par les crimes et par les souffrances de ses habitants[11] ; et qu'alors Vespasien, déjà maître de l'Empire, était venu lui-même en Égypte, pour avoir avec Apollonius l'entretien dont je vais rendre compte.

Hélas ! qu'en reste-t-il ? Ceci toutefois que Vespasien, qui vient d'être proclamé empereur à Césarée et reconnu par les légions de Tibère

Alexandre à Alexandrie, se tourne vers Apollonius et lui dit d'un ton suppliant : Fais-moi empereur ! Apollonius lui répond : Je t'ai déjà fait empereur ! Lorsque je demandais aux Dieux un prince juste, vertueux, sage, orné d'une couronne de cheveux blancs, un véritable père, c'est vous que je demandais ! Et c'est là une allusion manifeste à leur première entrevue. D'ailleurs, il se garde bien de glisser un seul mot sur sa mission anti-évangélique et sur les derniers troubles d'Alexandrie. Vespasien observe la même discrétion.

On voit ensuite que l'empereur demandait conseil à Apollonius pour savoir s'il devait poursuivre son entreprise contre Jérusalem par les mains de Titus ; qu'Apollonius répondait affirmativement, et prédisait l'incendie du Temple, où trônait na guères Ménahem dans ses habits de pourpre.

Dans les prophéties qu'ils prêtent à Jésus au sujet de cette destruction, les rabbins évangélistes oublient de dire que Ménahem n'avait point fait fi des bâtiments hérodiens, puisqu'il y avait établi sa cour, ni du trésor des prêtres, puisqu'il avait mis la main dessus. Apollonius prévoyait cette lacune, et la comblait.

Par l'art du tripatouilleur ecclésiastique, ce qu'Apollonius annonce dans le texte actuel, c'est l'incendie du temple de Jupiter Capitolin à Rome[12].

Vespasien ne veut pas quitter l'Égypte avant d'avoir offert à Apollonius la moitié de tout ce qu'il possède (Ménahem voulait le tout), Apollonius refuse. Il refuse même les dix présents que Vespasien lui offre, et qui répondent aux dix cornes que porte la Bête romaine dans l'Apocalypse évangélique.

b. — Falsification d'où il résulte qu'à part les douze apôtres de Jésus, lancés à travers lé monde, il n'y avait point de Juifs hors de Judée

Rien de plus devoir de rhétorique que les discours dans lesquels les philosophes Dion et Euphrate détournent sur des généralités l'attention que Philostrate concentrait sur les horreurs évangéliques provoquées par la Sainte-famille en Judée.

A en croire Euphrate, il aurait bien mieux valu que Vespasien ne s'occupât point des Juifs, dont personne, à l'étranger surtout, n'a jamais eu à se plaindre, étant donné que de parti-pris ce peuple refuse d'ambitionner le bien d'autrui.

Ce qu'aurait dû faire Vespasien, au lieu d'aller en Judée, c'était de conspirer contre celui qui l'y avait envoyé :

L'entreprise qu'a tentée Vindex, c'est vous, par Hercule, qu'elle réclamait tout le premier ! N'aviez-vous pas une armée ? Et les forces que vous meniez contre les Juifs n'auraient-elles pas été mieux employées au châtiment de Néron ? Il y a longtemps que les Juifs sont séparés, je ne dis pas de Rome, mais du reste du monde ! En effet, un peuple qui vit à l'écart des autres peuples, qui n'a rien de commun avec les autres, ni tables[13], ni libations[14], ni prières[15], ni sacrifices[16], n'est-il pas plus éloigné de nous que les habitants de Suse, ou ceux de Bactres, ou même les Indiens ? Aussi, à quoi bon châtier, pour s'être séparée de l'empire, une nation qu'il eût mieux valu n'y pas faire entrer ? Quant à Néron, il n'est pas un homme qui n'eût fait des vœux pour tuer de sa propre main un homme en quelque sorte gorgé de sang et qui se plaisait à chanter au milieu des massacres[17].

Pour moi, j'avais l'oreille toujours tendue vers les bruits qui venaient de vous, et quand un messager nous apprit que vous aviez fait périr trente mille Juifs dans une première bataille, et cinquante mille dans une seconde, je le pris à part et lui demandai en confidence : Que fait Vespasien ? Ne médite-t-il pas quelque plus grand projet ?

C'est évident ! Personne ne peut comprendre que Vespasien n'ait pas pour le moins assassiné l'homme qui, dans le Tacite de l'Église, persécute les disciples de celui qui, selon le Josèphe de la même farine eucharistique, était le Christ ! C'est incompréhensible ! Oui, s'écrie à son tour Dion, le philosophe au jugement si solide, oui, il eût été bien plus important de renverser Néron que de pacifier la Judée ! Moi-même, je vous l'ai dit ! Mais Vespasien n'a rien voulu entendre, il n'a pas voulu croire que les Juifs évangélisés s'appliquaient partout à fuir les biens terrestres et à en sauver les détenteurs ! Il a persisté à les empêcher de s'emparer de tout, comme disent Tacite et Suétone. Au lieu de se faire barabbalâtre, et de mettre le monogramme du Christ sur le labarum impérial !

En attendant, que résulte-t-il de ce discours éminemment ecclésiastique ? Qu'à part les Douze apôtres, il était bien difficile de rencontrer des Juifs hors de Judée, au temps de Néron. Et le faussaire a confessé pour ainsi dire son état pontifical, dans cette phrase qu'Apollonius est chargé de débiter : Pour moi, tous les gouvernements sont indifférents, car je ne relève que de Dieu ; mais je ne veux pas que le bétail humain (la semence de bétail) périsse faute d'un bon et fidèle pasteur ! Et c'est un de ces bons et fidèles pasteurs qui fait mentir Philostrate, après avoir falsifié toute l'antiquité.

e. — Guérisons (transférées à Vespasien), par lesquelles Apollonius, prévoyant Jésus, lui coupait tous ses effets

Apollonius, par l'influence du Dieu Sérapis, dont il occupait le temple, rendait à des paralytiques l'usage de leurs membres, et à des aveugles celui de leurs yeux en humectant leurs paupières de sa salive. Il coupait ainsi tous les effets de Jésus, bien longtemps avant l'invention du personnage.

Qu'a fait l'Église pour parer le coup ? Ceci : elle a d'abord supprimé tout ce que Philostrate disait des miracles d'Apollonius. Après quoi elle a déclaré, dans le texte actuel de Tacite, de Suétone et de Dion Cassius, que ces miracles étaient dus à Vespasien. Or il est à noter que dans Philostrate Vespasien quitte Apollonius sans avoir opéré la moindre guérison à Alexandrie. C'est qu'au temps de Philostrate (troisième siècle de l'È. C.) les miracles de Vespasien n'étaient encore ni dans Tacite, ni dans Suétone, ni dans Dion Cassius. L'Église les a donc enlevés à Apollonius pour les donner à Vespasien, qu'il avait fait héritier des Prophéties concernant le pouvoir messianique. Pourquoi ? Parce que Jésus étant censé avoir réellement vécu, et de plus opéré les guérisons qui sont aujourd'hui dans les Toledoth, Vespasien est censé les avoir connues, et qu'en les imitant de loin, il confirme leur réalité et l'existence de leur auteur. On le voit même s'introduisant dans le Temple de Sérapis (sans y rencontrer Apollonius, bien entendu), et demandant qu'on l'y laisse seul pour conférer avec le dieu sur la destinée de l'Empire.

 

VII. — LE LION ANTI-ÉVANGÉLIQUE.

a. — Un lion qui, étant humain, n'est ni de Lévi ni de Juda

Nous avons déjà vu le mépris d'Apollonius pour la Sainte-famille, représentée en Chaldée par la lionne étendue morte sur le sable, par le vieux mendiant, en qui est le chien enragé d'Éphèse, et par la femme-requin qui se nourrit de sang humain à Corinthe.

Mais que cette famille Cléopas ait des prétentions sur l'Égypte, c'est ce qui indigne le plus Apollonius, ancien pilote de l'Arche Antinoé ! Or voici un pauvre vieux lion, qui mendie sa pitance dans la rue et n'appartient certes pas à cette famille de mauvaises bêtes judaïques. Car c'est un lion qui ne lèche même pas le sang des victimes, et ne se jette pas sur leurs chairs écorchées et dépecées, comme font les Juifs évangélisés par le fils premier-né de Salomé Cléopas.

Ce pieux Nazir avait fait serment de ne boire que de l'eau, mais sa sobriété ne l'avait pas rendu meilleur.

Voici, au contraire, un lion qui buvait quelquefois du vin, sans que son naturel en fût changé. Ce lion vit dans Alexandrie, non pas clandestinement, comme on le dit de Barabbas dans les synagogues, mais publiquement, et à la différence de celui-ci, sans faire de mal à personne.

Entrant dans le temple où Apollonius est assis, il se couche aux pieds de l'homme-dieu qui vient de démasquer Barabbas en Jésus, il fait entendre un murmure de reconnaissance et en même temps de prière. Il n'y avait point d'âme dans le fils de la Cléopas, l'ennemi du genre humain ; il y en a une, et d'homme, dans ce lion-ci : Ce lion, dit Apollonius aux assistants, me prie de vous nommer l'homme dont l'âme est passée en lui. C'est ce fameux Amasis, roi d'Égypte dans le nome de Saïs.

b. — Le roi d'Égypte à qui les Juda et les Cléopas ont volé son hiéroglyphe

A ces paroles, le lion plie les genoux et verse des larmes, comme si l'homme qui est en lui voulait implorer la justice de ses anciens sujets contre les scélérats qui lui ont volé son signe hiéroglyphique, et faire rougir tous les Égyptiens de l'abandon où ils laissent le lion national. Apollonius le caresse et dit : Je suis d'avis que ce lion soit envoyé à Léontopolis pour y être gardé dans le temple, car il n'est pas convenable que ce roi, dont l'âme est passée dans le corps de ce royal animal, erre ainsi comme les mendiants !

Et après avoir offert un sacrifice pur au roi Amasis, les prêtres conduisent le lion dans l'Égypte intérieure, où il ne sera pas exposé à rencontrer l'exécrable bête gamaléenne qui se cache, sous figure humaine, dans le quartier juif d'Alexandrie.

 

VIII. — LE SAUVEUR DE L'ÉTHIOPIE SANS LE SAVOIR.

a. — L'abaissement de la statue de Memnon par suite du tremblement de terre de 727

Apollonius suit le lion et le dépasse même, il va jusqu'en Éthiopie, d'où naguères le trésorier de la reine Candace partit pour prêter aide et assistance à Barabbas.

Apollonius va en Éthiopie pour voir les Gymnosophistes, qui vivent nus et se comparent aux Indiens pour la sagesse. Quant à l'authenticité, ce chapitre ne 'vaut guère mieux que celui de l'Inde.

Sur la route, ayant rencontré la statue de Memnon, Apollonius lui demande de lui servir de témoin contre Barabbas, et lui fait des sacrifices.

Douze ans avant la naissance de ce scélérat, un tremblement de terre avait secoué la statue du fils de l'Aurore ; et celui-ci, qui hier recevait en pleine face le premier rayon du Soleil à son lever[18], inclinait aujourd'hui la tête en avant, comme un condamné à l'abîme.

b. — Présage que Barabbas avait tiré de cet accident

Passant devant la statue, en revenant de la Haute-Égypte ou en y allant, Barabbas avait tiré de l'abaissement de Memnon un présage favorable à l'Évangile : le fils de l'Aurore ne semblait-il pas accepter d'avance la sentence portée contre le Soleil lui-même ? et la région pour laquelle il accueillait les premiers feux du jour ne devait-elle pas se préparer à les voir s'éteindre par tiers, tandis que, glorifié, Barabbas accaparerait en lui la lumière des sept signes de la Genèse ?

c. — En attendant que Septime-Sévère le relève matériellement, Memnon suggère à Apollonius une interprétation qui le relève moralement

Memnon parle à Apollonius, il lui révèle le secret de sa nouvelle attitude : c'est pour saluer le Soleil qu'il s'incline, il est dans la position d'un homme qui se lève de son siège pour honorer la Divinité[19].

Chaque jour, comme autrefois, il voit lever l'Aurore. Ce n'est pas le Soleil qui s'est éteint par tiers, et ce n'est pas lui, Memnon, qui a été enterré après trois jours, c'est l'horrible Juif qui menaçait toute la région de ténèbres éternelles. Et si les Juifs de Memphis, où il a habité jadis, racontent qu'il est caché parmi eux, ce sont des menteurs comme les autres. Barabbas n'est point un survivant qui se cache, c'est un cadavre qu'on ne voit plus.

d. — L'Égyptien de Memphis qui se reproche le meurtre d'un homme

Il y a là une scène que les tripatouillages ecclésiastiques ont rendue non pas inintelligible en substance, mais incompréhensible pour qui ignore qu'Apollonius est l'interprète des Grecs, victimes des Juifs dans la dernière Évangélisation d'Alexandrie.

Pour l'expliquer, il nous faut remonter à un certain Thammuz, exécuté par le roi Actisan. En ce temps-là, les Juifs de la Haute-Égypte déployèrent de telles qualités dans le brigandage, que, dit Voltaire avec quelque exagération, ils avaient volé de quoi acheter toute l'Afrique, et que les pendants d'oreilles de leurs filles valaient seuls neuf millions cinq cent mille livres au cours de ce jour.

Le roi Actisan marcha contre eux, les détruisit et fit couper aux survivants le nez et les oreilles. Thammuz était leur roi.

Quand Apollonius arrive dans les environs de Memphis, il y rencontre fatalement des Juifs qui, pour se soustraire aux représailles des Grecs d'Alexandrie, s'étaient enfuis jusqu'en Éthiopie, l'Évangile à la bouche et la sique en main. Cette rencontre lui remet en mémoire l'histoire de Thammuz corrigé par Actisan, et voici qu'Actisan lui-même lui apparaît sous les espèces d'un habitant de Memphis, qui vient de tuer un homme on ne sait plus comment, en tout cas sans savoir qui c'était.

Les lois de Memphis condamnant tout homicide involontaire à s'expatrier, le meurtrier s'est dirigé vers les Éthiopiens gymnosophistes, pour obtenir d'eux la purification qui lui permettra de rentrer dans sa ville. Voilà sept mois qu'il erre autour d'eux comme un suppliant, et ils n'ont pas encore voulu le recevoir.

On soumet le cas à Apollonius, qui, ayant été autrefois pilote égyptien, connaît le casier judiciaire de la victime, aussi bien que, comme devin, il a découvert l'innocence de Phanion.

e. — Apollonius identifie la victime et, à sa tête d'âne, reconnaît le Père du butin

Le meurtrier n'a pas de nom[20], mais sa victime en a un.

Après reconnaissance du corps, Apollonius, l'identifiant à sa tête d'âne (détail supprimé), le baptise Philischos, l'Ami de la possession. Dès lors son parti est pris :

Les Gymnosophistes ne sont pas des sages, s'ils ne purifient pas cet homme (le meurtrier). Ignorent-ils donc que l'homme qu'il a tué, Philischos, descendait de Thammuz, qui ravagea autrefois les pays des Gymnosophistes ?

Depuis qu'il n'y a plus de Juifs qu'en Judée (et encore !), ce Thammuz est qualifié d'Égyptien[21]. Mais comme Thammuz est le nom du quatrième mois hébreu à partir de la pâque, et que ce mois est zodiacalement à califourchon sur 1' Ans de Juda et le Lion de Lévi, nous n'avons pas besoin de pousser nos recherches plus loin : nous savons que Philischos est un membre de ces deux familles, et qu'il porte ces deux noms : Juda par son père, et Lévi par sa mère. Nous sommes d'autant plus sûrs de son identité que son nom résume tout l'Évangile du Royaume universel des Juifs : Philischos, c'est le Père du butin, la possessio rerum dont parlent Tacite et Suétone comme étant son seul idéal. Et quant à son ancêtre, roi des voleurs, lui aussi, il se peut bien qu'il se soit réellement appelé Thammuz, qui est un équivalent d'Adonoï (Seigneur), et le nom d'une idole adorée dans le Temple de Jérusalem : étant donné le mois, cette idole ne peut être que le Tharthak, le Seigneur à tête d'âne.

Le Tharthak était son enseigne, comme il fut celle de Barabbas, son descendant.

f. — Apollonius juge que le meurtrier de Barabbas mérite le nom de Sauveur (Ieschoua) de son pays

— Que dites-vous ? demanda Timasion étonné. — Je dis ce qui est, jeune homme. Thammuz préparait une révolution à Memphis : les Gymnosophistes, l'ayant convaincu de complot, s'opposèrent à ses menées ; trompé dans son ambition, il ravagea toutes leurs terres, et, à la tête d'une bande de brigands, s'établit aux environs de Memphis.

Philischos, que cet homme a tué, est, je le sais, le treizième[22] descendant de Thammuz, et il devait être un objet d'horreur pour ceux dont Thammuz a autrefois dévasté le territoire. Cet homme, il faudrait le couronner, s'il avait commis le meurtre de dessein prémédité !

Il a en effet conservé la terre à ses occupants légitimes, la ville à ses vrais citoyens ; il mériterait d'être leur roi. En tout cas, il est leur Sauveur.

Pilatus, pour les mêmes raisons mérite le même nom ; c'est lui, et non le crucifié, que les hommes, s'ils étaient justes, devraient appeler leur Jésus !

Eh bien ! parce qu'il a commis un meurtre involontaire, qui, après tout, profite aux Gymnosophistes, est-il sage de ne pas le purifier ?

Timasion, étonné de ce qu'il venait d'entendre, s'écria : Qui donc êtes-vous, ô étranger ?Vous le saurez, répondit Apollonius, chez les Gymnosophistes. Mais comme je ne puis sans sacrilège parler à un homme encore souillé de sang, dites-lui, jeune homme, d'avoir bon espoir : bientôt il sera purifié ! Qu'il me suive jusqu'à l'endroit où je vais m'arrêter.

Quand le suppliant se fut présenté, Apollonius fit sur lui toutes les cérémonies prescrites pour les expiations par Empédocle et Pythagore, puis il lui dit de s'en aller et de se considérer comme purifié.

En effet, Pythagore n'est pas un philischos, mais c'est un philichtus, si l'on considère, comme Empédocle, que l'Ιχθός est l'origine commune. Et si quelqu'un a qualité pour purifier autrui, c'est leur disciple Apollonius, et non un Juif souillé de crimes.

g. — L'arbre du quatrième signe (Ane) s'incline devant Apollonius

Le mythe des arbres qui reconnaissent le Fils de Dieu à son retour dans l'Eden et sont prêts à fournir eux-mêmes les baguettes ou verges du commandement, Apollonius le retrouve au fond de l'Éthiopie, d'où Osir-ziph[23] l'avait sans doute tiré.

Osir-ziph s'en était attribué le bénéfice, à l'exclusion du Pharaon que les Iannès et les Mambrès, ses magiciens ordinaires, disaient investi d'un plus grand pouvoir. Barabbas, après Jessé, son ancêtre, en avait fait un article essentiel de la Kabbale évangélique.

Et après l'avoir introduit dans l'Histoire ecclésiastique de Sozomène, où l'on voit l'arbre persicus s'incliner jusqu'à terre devant le fils de la Gamaléenne arrivant en Égypte, l'Église l'a fait passer dans les Évangiles de l'Enfance.

Mais Barabbas est mort ignominieusement, et l'arbre qui doit fournir la verge du commandement est toujours parmi les Éthiopiens gymnosophistes, dont le chef dit, voyant Apollonius :

Pour que vous ne croyiez pas que nous sommes impuissants à faire des prodiges, voyez vous-même ! Et montrant un orme, le troisième à partir de celui sous lequel avait lieu l'entretien : Arbre, s'écria-t-il, saluez le sage Apollonius ! L'arbre obéit, et d'une voix de femme distincte, fit entendre ces mots : Salut, sage Apollonius.

Cet arbre, le quatrième dans l'ordre des signes de la Création, répond aux Ânes, signe triomphal du Messie des Juifs. Lorsque son Créateur l'autorisera à fournir la Verge, ce n'est point à un chien enragé comme fut Barabbas, c'est à un homme comme est Apollonius, et comme sera Messius Decius, empereur.

Barabbas est donc un impie et un sot, pour avoir cru et dit qu'il enfanterait des prodiges et que du bout de sa baguette il mènerait le monde !

La vérité n'a pas besoin de prodiges, ni d'opérations magiques. Voyez Apollon de Delphes, qui occupe le milieu de la Grèce et rend des oracles. Là, vous le savez, quiconque veut avoir une réponse du Dieu expose sa demande en peu de mots ; Apollon répond selon sa sagesse, et cela sans prodiges. Rien ne lui serait plus facile que d'ébranler tout le Parnasse, de changer en vin l'eau de la fontaine Castalie[24], d'arrêter le cours du Céphise[25] ; au lieu de tout ce fracas, il se borne à dire la vérité. Croyons bien que c'est malgré lui qu'on lui apporte de l'or et des offrandes magiques ; son temple même ne lui fait pas de plaisir, et ne lui en ferait pas, quand il serait deux fois plus vaste qu'il n'est ! Ce Dieu, en effet, habita autrefois une modeste demeure.et il construisit une étroite cabane selon la tradition, avec la cire apportée par des abeilles et des plumes apportées par des oiseaux. La sagesse, la vérité, s'apprennent à l'école de la simplicité : soyez simples, rejetez les prestiges des Indiens[26], vous paraîtrez un sage accompli. Pour dire : Faites ou ne faites pas, je sais ou je ne sais pas, c'est ceci ou c'est cela, qu'y a-t-il besoin de faire du tapage, de lancer la foudre ?... ou plutôt d'être comme si on avait été frappé !

A quoi peut bien conduire une Apocalypse comme celle du Royaume de l'or, où l'on posséderait tout sans travail, et du Jardin où tout pousserait sans peine ?

Supposez que vous êtes placé entre la sagesse indienne[27] et la nôtre. L'une vous dit qu'elle vous préparera pour votre sommeil un lit de fleurs, qu'elle a du lait pour votre soif et du miel pour votre faim, qu'elle vous fournira quand vous voudrez du nectar et des ailes, que pour vos repas elle formera un cercle de trépieds et de sièges d'or, que vous n'aurez pas à prendre de peine, que toutes ces choses viendront d'elles-mêmes vous trouver.

L'autre vous dit, au contraire, qu'il convient de coucher sur la dure, de vivre nu comme nous, et, au milieu des fatigues, de ne prendre ni goût ni plaisir à tout ce qui n'aura pas été gagné avec peine, d'éviter l'ostentation et le faste, de rejeter loin de vous les visions et les songes qui font oublier la terre. Si vous choisissez, comme Hercule, si votre jugement est bien ferme, si vous ne dédaignez ni ne repoussez la simplicité qui est conforme à la nature, vous pourrez vous vanter d'avoir dompté plusieurs lions, d'avoir coupé la tête à plusieurs hydres, d'avoir vaincu des Géryons et des Nessus, afin d'avoir accompli tous les travaux d'Hercule ! Que si vous préférez les artifices des charlatans, vous pourrez flatter les yeux et les oreilles, mais vous ne serez pas plus sage qu'un autre, et vous serez battu par un Gymnosophiste égyptien.

 

IX. — RÈGNE D'APOLLONIUS PAR VESPASIEN ET TITUS.

Lorsqu'Apollonius revient des cataractes du Nil, Vespasien règne depuis deux ans, et Titus vient de prendre Jérusalem.

Apollonius est content d'eux : ils ont accompli la mission dont il les a investis, c'est par eux qu'il règne. Il n'a qu'un reproche à faire à Vespasien : Néron avait rendu la liberté aux villes de Grèce, Vespasien la leur a enlevée, c'est sa seule faute.

Pour le reste, Apollonius est heureux de lui avoir donné l'Empire, car Titus convient que son père et lui doivent tout à Apollonius.

a. — Suppression du séjour d'Apollonius en Judée lors de la chute de Jérusalem

On ne sait plus par où passait Apollonius pour rejoindre Titus, on le retrouve tout à coup en Cappadoce, à Argos. 11 est absolument inadmissible que Philostrate ne l'ait point fait remonter d'Égypte en Cappadoce par Jérusalem ruinée. La destruction du Temple de Jérusalem, c'était le couronnement de toutes ses prophéties.

Titus n'avait été que l'instrument de la colère de Dieu.

Le séjour d'Apollonius en Judée a complètement disparu. Mais il est dit, et c'est un souvenir donné à la partie enlevée : Les pays où il séjourna le plus longtemps après son retour d'Éthiopie sont la Basse-Égypte, la Phénicie, la Cilicie, l'Ionie, l'Achaïe et l'Italie. Or, il n'y a plus un seul mot sur le séjour d'Apollonius dans cette Phénicie où le Zib, c'est-à-dire Dagon, était adoré dans tous les temples, — notamment à Eckron, et dont la boulè venait de frapper encore une fois l'Évangile du Royaume des Juifs.

Pour un Apollonius, champion des Grecs et interprète de raidi-judaïsme universel, la chute de Jérusalem, succédant à la faillite de Ménahem, c'est l'enterrement de toute la Sainte famille et le salut des goym assuré.

Le Roi des rois, c'est désormais Apollonius.

b. — Gageures contre l'histoire

Tout ce qui a trait aux relations d'Apollonius et de Titus semble une gageure contre l'histoire. On voit Titus refuser les couronnes que les populations voisines de l'Euphrate lui ont offertes pour avoir détruit Jérusalem, alors qu'au contraire il alla jusqu'à Zeugma pour recevoir celles que les Parthes lui dédièrent.

e. — Vestiges des divisions entretenues par l'Évangile dans les Synagogues d'Antioche

On peut voir dans Flavius Josèphe les terribles scènes qui se déroulèrent, après la chute de Jérusalem, dans les synagogues d'Antioche, entre Juifs hérodiens et Juifs barabbalâtres. La division, les Toledoth synoptisés ne peuvent la nier, c'est le résultat immédiat de l'Évangélisation, et, on se le rappelle, la Nativité selon Luc constate nettement que Barabbas est venu au monde en signe de contradiction pour tous les Juifs d'abord, et pour combien de goym ensuite ! Dans le texte actuel de Philostrate, savez-vous qui sème le trouble à Antioche ? Le gouverneur de Syrie lui-même ! C'est lui qui répandait la discorde dans Antioche, et nourrissait entre les citoyens des soupçons qui mettaient la division dans les assemblées !

d. — Vestiges d'une scène relative aux Juifs évangélisés de Cilicie

Les lecteurs du Mensonge chrétien savent que l'Évangélisation des Juifs de Cilicie avait été très active, particulièrement à Tarse, où l'élément hérodien, représenté par la famille du prince Saül, avait été mis à rude épreuve. Philostrate, qui avait déjà montré les ravages de la peste évangélique à Éphèse, relevait dans un chapitre important et curieux la participation des Juifs de Tarse à la tentative de Ménahem pour s'emparer des choses[28].

Mais comme l'Église a jugé bon de convertir le prince Saül sous le nom de Paul, et de l'envoyer à Tarse avec Barnabé pour prêcher la résurrection de Barabbas, le falsificateur ordinaire de Philostrate a été obligé de refaire complètement une scène qui se passait à Tarse entre Apollonios et Titus.

Les habitants de Tarse avaient autrefois détesté Apollonius, parce qu'il leur avait adressé des reproches continuels, et que, vivant dans la mollesse et dans la volupté, ils ne pouvaient supporter un langage un peu ferme. Mais à l'époque où nous sommes arrivés, ils se prirent pour lui d'une telle estime qu'ils le considérèrent comme le fondement et le soutien de leur ville.

Dans un sacrifice public que faisait Titus, tous les citoyens, se pressant autour de l'empereur, l'implorèrent pour leurs intérêts les plus chers : Titus répondit qu'il présenterait leur requête à son père,' et qu'il se chargerait en leur faveur des fonctions de député de la ville de Tarse. Apollonius s'approcha et dit : Si je vous prouvais que quelques-uns de ces hommes sont les ennemis de votre père et les vôtres, qu'ils ont eu des intelligences à Jérusalem pour y exciter la révolte[29], et qu'ils ont ainsi donné secrètement du secours à vos ennemis les plus déclarés, que feriez-vous ?Que pourraient-ils attendre de moi, sinon la mort ?Eh quoi ! ne rougissez-vous pas d'avoir les châtiments tout prêts en votre main, et de différer les bienfaits ? de vous charger vous même des premiers, et d'avoir besoin pour les autres d'en référer à votre père ?

Ces paroles firent un grand plaisir à Titus, qui s'écria : J'accorde aux habitants de Tarse ce qu'ils demandent : mon père ne pourra trouver mauvais que je cède à la vérité[30], et à vous, Apollonius !

 

X. — LE CHIEN ÉVANGÉLIQUE EXORCISÉ PAR APOLLONIUS.

a. — Le goy de Tarse rendu bête par la morsure d'un chien enragé

11 est triste à dire que, dans une ville où se parle la langue d'Homère et de Platon, certains goym en arrivent à croire, sur la foi de l'Évangile éternel, que Barabbas peut leur envoyer son Chien pour leur communiquer sa rage.

Un chien enragé s'était jeté sur un adolescent, et l'effet de cette morsure fut que l'adolescent imita tout ce que font les chiens. Il aboyait, il hurlait, il marchait à quatre pattes. Il y avait trente jours qu'il était malade[31], quand Apollonius arriva à Tarse.

Son père et sa mère, au comble de la désolation, viennent trouver Apollonius. Il semble vraiment que leur fils parle hébreu ou araméen !

Apollonius ordonna de rechercher le chien qui était l'auteur de tous ces désordres. On lui répondit qu'on n'avait pas vu ce chien, que le jeune homme avait été attaqué par lui hors de la ville, comme il s'exerçait à lancer des javelots, et que, comme le malade n'avait pas même conscience de lui-même, il avait été impossible d'apprendre de lui la forme de ce chien.

Apollonius ne cherche pas à voir ce chien, il sait d'avance qui est en lui sous cette forme.

b. — Apollonius dit de quel démon est possédé le chien et l'exorcise à distance

Apollonius, après quelques moments de réflexion, dit à Dagis : C'est un animal qui a le poil blanc et fort épais, il est originaire de l'Amphilochie.

En effet. L'Amphilochie (Celle qui accouche doublement), et qui est aussi l'Amphilogie (car elle est connue sous deux noms), c'est la mère du Maître de l'Ane, le Rabbi onou du Mahazeh de Cérinthe.

Apollonius la connaît déjà par l'Apocalypse, et il la prévoit telle qu'on la verra dans le Toledoth de Loucas, où elle accouchera sous deux noms (Eloï-Schabed et Marie), d'un enfant qui a l'air d'en faire deux (Ioannès et Jésus). Elle s'était montrée sous ces doubles apparences aux magistrats d'Hypate, pendant le centenaire de l'Année des baptêmes.

Le chien enragé de Tarse est donc bien le double bestial du Chien évangélique.

Il est encore près de telle fontaine, tout tremblant : car il voudrait boire, et l'eau lui fait horreur.

La fontaine près de laquelle il se trouvait n'est plus nommée, mais elle l'était, sans quoi personne n'aurait pu la trouver. C'était son Aïn à lui, son Aïn Gamel. Aujourd'hui qu'il est enragé, il ne peut plus boire d'eau, il ressemble au Chien de l'Enfer :

Amenez-le moi sur la rive du Cydnus, à l'endroit où sont les palestres. Il vous suffira de lui dire que c'est moi qui l'appelle.

Ici Apollonius prévoit la scène où Jésus envoie chercher les Anes pour faire son entrée dans Jérusalem, disant : Vous direz que le Maître en a besoin[32].

Mais au lieu d'envoyer chercher les Anes, qui ne viendront jamais et que d'ailleurs il ne veut pas voir, il fait appeler le Chien enragé qui est avec eux dans le signe.

Incurable comme signe, il est maintenant curable comme bête. Débarrassée de son démon, cette bête devient sociable, elle peut approcher l'homme.

A peine ce chien eut-il été amené par Dagis, qu'il alla se coucher aux pieds d'Apollonius, en poussant des cris plaintifs, comme les suppliants qui entourent les autels. Apollonius le caressa, pour le rendre encore plus traitable, et plaça le jeune homme mordu auprès de lui, le retenant par la main.

c. — Le goy guéri par la langue du chien exorcisé

Puis, pour que personne n'ignorât ce grand mystère, il dit à haute voix : L'âme de Télèphe le Mysien est passée en cet enfant, et la destinée s'acharne toujours contre lui.

Télèphe, roi de Mysie, fut percé de la lance d'Achille, mais guéri par la rouille de la lance même : le remède à côté du mal. Ici le mal a été fait par la langue-épée du Verbe évangélique[33]. Qui guérira le néo-Télèphe ? Le chien, préalablement débarrassé du démon qui l'a rendu enragé.

C'est ce qu'a fait Apollonius en caressant la bête.

Après avoir prononcé ces mots, il ordonna au chien de lécher la plaie, afin que l'auteur du mal en fût aussi le médecin.

Par son pouvoir Apollonius a purifié la salive du chien et il en fait la rouille réparatrice.

d. — L'eau du Cydnus délivrée du sort jeté sur elle par Barabbas

Aussitôt l'enfant se retourna vers son père, reconnut sa mère[34], adressa la parole à ses camarades, et but de l'eau du Cydnus.

En effet, Apollonius avait préalablement relevé cette eau de la malédiction que Barabbas avait prononcée contre elle par le moyen du Tharthak-Thakthar, l'Ange qui a pouvoir sur les eaux.

Elle n'était pas empoisonnée, comme l'avait voulu Barabbas. Ce n'était point des eaux de mort ; et ce fut l'eau d'oubli pour le goy qui avait commis le péché de prêter l'oreille au Verbe judaïque.

De son côté, baptisé dans une eau goy par un ennemi du Baptiseur évangélique, le chien est guéri de sa rage.

Apollonius n'oublia pas le chien : après avoir fait des prières au fleuve[35], il lança cet animal au travers du courant. Quand le chien eut atteint l'autre rive, il s'y arrêta, aboya (ce que ne font jamais les chiens enragés), baissa les oreilles et remua la queue, se sentant guéri. L'eau en effet est le remède contre la rage, quand le malade ose l'affronter.

 

XI

a. — Onze ans d'avance, Apollonius annonce à Titus qu'il mourra d'un poisson

D'après les rabbins évangélisés, Titus est mort empoissonné par Barabbas, et non empoisonné par Domitien, comme on le fait dire aujourd'hui à Philostrate.

Personne, avant que l'Église ne le dît ici, et ne l'insérât dans Dion Cassius, où Zonare l'a pris, personne n'avait jamais prétendu que Titus fût mort empoisonné par son frère.

Mais, étant donné que l'instrument de sa mort était le signe du salut pour les barabbalâtres, il a bien fallu donner le change là-dessus par une calomnie contre quelqu'un. On a choisi Domitien, parce qu'il persécuta l'Église. Malgré tout, il résulte formellement de Philostrate que Titus est mort d'un de ces fameux lièvres de mer qui ont été cause, sous Antonin, de l'accusation de magie évangélique portée contre Apulée[36]. Ce poisson n'est plus que dans Philostrate ; dans le Talmud, c'est une mouche énorme, sur laquelle nous nous expliquons plus loin, qui fait périr Titus.

Titus fit éloigner tout le monde, et dit : Apollonius, nous sommes seuls, me permettez-vous de vous interroger sur ce qui me tient le plus au cœur ?Vous pouvez m'interroger, répondit Apollonius, et plus vos questions seront importantes, plus vous pouvez les faire avec confiance. — Je veux vous interroger au sujet de ma vie et des hommes contre lesquels je dois le plus tenir me en garde[37] ; mais peut-être trouverez-vous qu'il y a de la lâcheté dans de telles appréhensionsJe ne vois là que de la précaution et de la prudence ; car c'est à cela qu'il faut veiller tout d'abord. Et levant les yeux vers le Soleil, il prit ce Dieu à témoin qu'il allait précisément parler à l'empereur sur ce sujet, si l'empereur ne l'eût pas abordé : il ajouta que les Dieux lui avaient dit d'avertir Titus de redouter, du vivant de sois père, les ennemis de son père, et après la mort de Vespasien, ses plus proches parents[38].

En effet, deux ans après avoir été admis par son père au partage de l'empire, il mourut empoisonné avec du lièvre marin, poisson qui fournit un venin plus mortel que toutes les substances de la terre et de la mer.

Néron s'en était servi pour empoisonner dans ses festins ses plus grands ennemis[39] : Domitien s'en servit contre son frère Titus, irrité, non parce qu'il avait pour collègue un frère[40], mais parce que son collègue était doux et vertueux. Après cet entretien secret, Titus et Apollonius s'embrassèrent publiquement. Quand l'empereur partit[41], Apollonius le salua par ces mots : Prince, soyez supérieur à vos ennemis par vos armes, à votre père par vos vertus.

 

XII. — L'IDÉE DU ROYAUME DE L'OR.

Cette chimère, survivant à la chute de Jérusalem, a fait le succès de l'Évangile auprès des Grecs d'Asie. Apollonius l'attaquait par toutes les armes du bon sens, prévoyant le parti qu'en devait tirer Péréghérinos, le Mysien qui se disait fils de Priam.

Il multipliait les séméiologies pour mettre en garde les populations contre les charlatans qui les pressuraient au delà de ce que pouvaient faire les publicains les moins scrupuleux. Cette partie aidait à comprendre que les progrès de la barabbalâtrie sont liés à la promet se de possessions sans travail.

Aussi est-elle remplacée maintenant par cette déclaration du falsificateur ecclésiastique :

Afin de ne pas allonger cet ouvrage en reproduisant tous les discours qu'a tenu Apollonius chez les différents peuples, et d'un autre côté, afin de ne pas avoir l'air de traiter légèrement une histoire que j'écris avec beaucoup de soin pour ceux gui ne connaissent point Apolionius, je crois devoir choisir, en y insistant, les faits les plus importants et les plus dignes de mémoire.

C'est dire qu'il n'en reste pas grand'chose.

a. — L'homme qui, à l'instar de Barabbas, a des oiseaux qui lui promettent la richesse

Il y a, se passant on ne sait plus où, une histoire de dresseur d'oiseaux qui se rattache certainement à celle de Barabbas. Le fond de l'ancien texte perce en quelques endroits du texte substitué.

Il s'agit d'un individu riche et ignorant qui, à l'instigation de gens intéressés dans l'affaire et avides d'or, instruit des oiseaux (il en est d'aquatiques, comme le pluvier), pour en faire des oiseaux savants. Il leur apprend à parler comme des hommes, — sans doute par le même moyen que Barabbas pour faire dire à Dieu : Tu es mon fils bien aimé, je t'ai engendré aujourd'hui, — et il compte sur la magie pour opérer en lui une métamorphose qui doit le rendre plus riche encore le baptême de feu, n'en doutons pas, l'opération qui doit éprouver le Messie comme le feu éprouve l'or.

Apollonius va le voir, il lui explique qu'il a en effet besoin d'une métamorphose, mais dans sa conscience et dans sa conduite : Vous avez besoin d'un changement, et en quelque sorte d'une éclatante métamorphose, si vous ne voulez pas vous laissez plumer sans vous en apercevoir, et mériter les chants plaintifs, plutôt que les chants joyeux, de vos oiseaux !

Le jeune homme comprend, cesse de s'occuper d'oiseaux savants, fréquente les écoles, et apprend à parler comme il faut pour se défendre contre les suggestions du mauvais esprit et contre les sycophantes qui abusent de sa naïveté.

C'est du ventre de Barabbas que partait la voix divine de la colombe ![42]

b. — Apollonius à Sardes prévoit et dénonce la faiblesse des Lydiens qui se laisseront évangéliser

Apollonius allait à Sardes, la ville de Lydie où il y avait le plus de Juifs. C'était l'ancienne capitale de Crésus, et c'est un des sept évêchés nommés dans l'Apocalypse de Pathmos. Elle était bâtie sur la pente du Tmolus et baignée par le Pactole.

Philadelphie, autre évêché barabbalâtre, était également au pied du Tmolus, sur le Caïstre, et pleine de Juifs acquis à celui qui est le Saint et le Véritable, celui qui a la clef de David, les sept étoiles, et le reste. Les Juifs qui baptisaient dans ces villes ne pouvaient pas moins faire que de promettre aux néophytes le retour de l'or dans le Pactole, et un billet d'entrée dans le Jardin aux douze récoltes.

Deux traditions sont répandues à Sardes : l'une sur le Pactole, qui aurait autrefois charrié pour Crésus des paillettes d'or, l'autre sur des arbres qui seraient plus anciens que la terre[43]. Apollonius jugeait que la première était assez digne de foi ; qu'en effet le Tmolus avait autrefois un sable mêlé d'or que les pluies avaient fait descendre, et qu'elles avaient entraîné dans le lit du Pactole, mais qu'avec le temps tout ce sable avait été emporté, et qu'il n'en restait plus.

Quant à l'autre tradition, il ne fit qu'en rire : Vous vous vantez, dit-il aux habitants, d'avoir des arbres plus anciens que la terre ; mais depuis le temps que j'étudie, je n'ai pas encore vu qu'il y ait des astres plus anciens que le ciel. C'était leur dire que le contenu ne peut exister sans le contenant.

Ces arbres ne se verront dans aucun Jardin, en dépit des promesses de Barabbas, et la Ville de l'or ne s'élèvera dans aucun pays.

Comment les Lydiens peuvent-ils se laisser abuser ainsi par les Juifs, eux qui connaissent la fin de Crésus ?

c. — Parallèle entre Crésus et Barabbas, entre les fils de l'un et les disciples de l'autre[44]

Crésus, en passant l'Halys, perdit l'empire des Lydiens[45]. Il fut pris vivant, fut chargé de chaînes, monta sur le bûcher, vit le feu allumé et s'élevant déjà à une certaine hauteur : cependant il continua de vivre, parce que les Dieux l'aimaient.

Ainsi voilà un homme qui a été presque baptisé de feu. Il n'en a pas été plus fier pour cela !

Que fit ensuite cet homme, votre ancêtre et le roi de vos ancêtres ? Ce roi, qui avait été traité ainsi contre toute justice, fut admis à la table de son vainqueur, et fut pour lui un conseiller fidèle, un ami dévoué.

A cet ancêtre, qui a oublié l'injustice du sort, au point d'être utile à son ennemi, les Lydiens semblent vouloir préférer un Juif qui, nuisible même à ses amis, a été saisi en plein crime par la main de la justice, et qui, loin d'avoir échappé à la croix comme Crésus au bûcher, est enterré en quelque coin de Samarie.

Or, le vieux roi n'avait laissé à ses fils que des exemples de philosophie et d'humanité :

Parmi vous, au contraire, je ne vois que perfidie, déloyauté, haine, profanation, impiété dans vos rapports envers vos parents, vos enfants, vos amis, vos proches, vos voisins. Vous agissez en ennemis, et cela sans avoir passé l'Halys, ou sans qu'on l'ait passé pour entrer chez vous. Et la terre, l'injuste terre, vous donne ses fruits !

Le fils d'Alyatte ne put sauver la capitale de son empire ni par la force, ni par les conseils : cependant il était roi, et il était Crésus. Mais vous, quel lion avez-vous écouté, quand vous avez engagé une guerre fratricide, enfants, jeunes gens, hommes faits, vieillards, et même jeunes filles et femmes ? C'est à croire que votre ville est consacrée, non à Cérès, mais aux Furies. Cérès aime les hommes : d'où vient votre fureur contre eux ?

Cérès, c'est la Moisson. Les Furies, ce sont les disciples et les ministres du Juif qui se disait le Moissonneur de la terre.

Il était naturel qu'un philosophe qui vénère l'antiquité voulût visiter une ville antique et puissante comme la vôtre.

Je suis donc venu de moi-même, sans attendre que je fusse appelé, comme je l'ai été par un grand nombre d'autres villes. J'ai voulu voir si je pourrais rendre à votre ville l'unité de mœurs, d'esprit, de loi et de religion. J'ai fait pour arriver à ce but tout ce qui dépendait de moi : la discorde, a dit un sage, est pire que la guerre.

Et elle la précipite, sans y préparer.

d. — Le trésor caché dans le champ

Nous avons déjà vu le jugement que le roi de l'Inde rend dans une affaire de trésor caché. Le jugement est rendu contre celui qui a vendu le champ. Mais dans d'autres contrées il y a dés malheureux qui, ignorant cette sentence, prient la Terre de leur révéler l'emplacement du trésor.

L'un d'eux s'adresse à Apollonius dans le même but. C'est un homme qui a quatre filles à marier, lesquelles, à ce que je crois, lui viennent des quatre points cardinaux. à n'a que vingt mille drachmes pour toute fortune, et il en a promis cinq mille à chacune de ses filles : quand il aura fait le partage, il ne lui restera plus rien pour vivre.

Ce qu'ayant entendu, Apollonius sort de la ville. Avisant un petit jardin d'apparence modeste en comparaison de celui de Barabbas, il y entre, et après avoir adressé sa prière à Pandora, qu'il considère comme plus puissante que Panthora, il va trouver le propriétaire et lui propose de lui acheter son jardin pour le père des quatre filles. Le propriétaire, un Juif (baptiseur sans doute)[46], qui s'est enrichi d'une façon tout à fait inique, l'a eu pour rien en dénonçant son ancien possesseur ; il prétend l'avoir payé quinze mille drachmes, Apollonius l'achète vingt mille.

Le protégé d'Apollonius se considère comme ruiné par ce marché, car c'est après un trésor qu'il soupire, et non après un champ.

Mais ayant fouillé, il trouve une amphore contenant vingt mille dariques, et par surcroît il récolte des olives en un temps où il n'y en avait pas, si bien que sa maison se remplit de prétendants. On ne nous dit pas la figure que fait le Juif en apprenant que le trésor a été trouvé par un goy, mais il n'a rien à dire : le marché est régulier.

e. — L'homme de Carie qui veut épouser Vénus, la Reine de Cnide

Cette similitude est dirigée et contre Barabbas, qui s'était promis d'épouser la Vierge du monde, et contre ceux qui, à son exemple, se font passer pour fils de dieux ou époux de déesses. Et si, au lieu de s'avouer fils d'Apollonius, Apollonius tirait argument de la condition que lui fait Philostrate, comment l'empêcher de se présenter comme fils de Protée ? Mais il ne veut point finir comme Barabbas, qui finit comme Ixion, lequel, pour avoir émis des prétentions sur Junon, fut précipité dans les enfers et attaché à une roue enflammée, comme celle du char d'Ézéchiel, d'apocalyptique mémoire.

Les Péréghérinos et les Alexandre, qui nourriront la même folie, se disant fils de Jupiter ou époux de la Lune, ne seront pas mieux traités, leur existence de mensonge terminée.

Voyant donc un insensé Carien, qui essaie par des dons et des sacrifices d'amener la Vénus de Cnide à le prendre pour époux, Apollonius lui tient ce discours :

Mon ami, votre présomption vous vient des poètes, qui chantent l'hymen des Anchise et des Pélée avec des déesses, mais croyez à ce que je vais vous dire de l'amour entre les différents êtres. Les Dieux aiment les déesses ; les hommes, des femmes ; les animaux, des femelles de leur espèce ; chaque être aime son semblable, pour enfanter des êtres semblables à lui. Quand il y a union entre deux êtres d'espèces différentes, c'est une monstruosité, ce n'est pas un hymen. Si vous aviez songé à l'histoire d'Ixion, jamais il ne vous serait venu à l'esprit de vous éprendre pour un être d'une nature différente de la nôtre. Ixion tourne comme une roue dans le ciel ; quant à vous, si vous ne renoncez à entrer dans ce temple, vous serez poursuivi par le malheur sur toute la terre, et vous ne pourrez dire que les Dieux ne sont pas justes envers vous !

Ainsi s'éteignit cette ivresse, et l'amoureux s'en alla, après avoir offert à Vénus un sacrifice pour implorer son pardon.

f. — Collectes semblables à celles dont l'Église chargera Saül mué en Paul

Naturellement il n'y a pas un seul Juif parmi les scélérats qui allaient partout disant que, si la terre tremblait, c'était par le pouvoir de Barabbas, et que, si elle cessait de trembler, c'était par considération pour eux.

Les villes situées sur la rive gauche de l'Hellespont ayant été agitées par des tremblements de terre, des Égyptiens et des Chaldéens y firent des quêtes, afin de recueillir une somme d'argent nécessaire pour offrir à Neptune et à la Terre un sacrifice de dix talents. Les villes y contribuèrent des deniers publics ; les particuliers, frappés d'épouvante, y mirent aussi du leur et ces Charlatans déclaraient que le sacrifice n'aurait pas lieu, tant que l'argent n'aurait pas été déposé chez les banquiers[47]. Apollonius ne voulut pas négliger les riverains de l'Hellespont : il parcourut les villes qui avaient été affligées du fléau, en chassa les misérables qui profitaient de l'infortune d'autrui pour battre monnaie, s'enquit des causes de la colère des Dieux, leur offrit des sacrifices selon les ressources des villes, éloigna d'elles le fléau sans leur imposer de lourdes charges et arrêta les tremblements de terre.

Voilà ce que fit Apollonius pour les temples et les villes, ce qu'il fit à l'égard de différents peuples et pour leur avantage, ce qu'il fit pour les morts et les malades, à l'égard des sages et des hommes étrangers à la sagesse, enfin à l'égard des princes qui le consultèrent sur la manière de bien vivre[48].

 

 

 



[1] Il me semble que c'est un devoir pour moi de citer à ce propos le jugement d'un historien quia longtemps fait autorité par l'éclat de ses lumières :

Une interprétation absurde de nos saints Oracles, célèbres dans tout l'Orient, donnait encore du crédit et de la vogue à cette même opinion. On appliquait à Vespasien les prophéties selon lesquelles devait sortir de la Judée le Chef et le Libérateur des nations. Tacite est tombé dans cette erreur, qui n'est point surprenante de sa part. Ce qui a droit de nous étonner, c'est qu'un adorateur et un prêtre du vrai Dieu, l'historien Josèphe, ait fait un si indigne abus des Écritures : Aveugle, dit M. Bossuet avec son éloquence accoutumée, aveugle, qui transportait aux étrangers l'espérance de Jacob et de Juda ; qui cherchait en Vespasien le fils d'Abraham et de David ; et attribuait à un prince idolâtre le titre de celui dont les lumières devaient retirer les Gentils de l'idolâtrie !

(Crevier, Histoire des empereurs romains depuis Auguste jusqu'à Constantin, t. III, l. XIV, p. 157).

[2] Tous les pilotes, tous ceux qui naviguent sur le lac (méditerranéen), les matelots et tous ceux qui font le commerce sur la mer, etc., ont jeté de la poussière sur leur tête, et ils ont poussé des cris mêlés de larmes et de sanglots, disait : Malheur ! Malheur ! Cette grande cité (Rome), où sont devenus riches tous ceux qui avaient des vaisseaux sur la mer, en une heure elle a été ruinée !

(Apocalypse, Cf. Mensonge chrétien, pet. édit. p. 94.)

[3] Et Jérusalem par un seul Ane de la fabrication de Barabbas.

[4] Le falsificateur ecclésiastique de Philostrate s'est reporté ici à l'affaire du quadrige de Cléopâtre en la dénaturant.

[5] Apollonius cite ici un vers d'Homère, (Iliade, VI, 450).

[6] Mahazeh de Cérinthe, aujourd'hui Évangile selon Saint-Jean, XVIII, 8. Ce passage n'est dans aucun des Toledoth synoptisés.

[7] Le falsificateur ecclésiastique de Philostrate a ajouté ceci, qui est en contradiction formelle avec les ordres donnés par Apollonius : Vous feriez bien de donner quelques heures de grâce à ces misérables, et même vous feriez encore mieux de leur laisser la vie. Et il traînait son allocution en longueur, contre son habitude, qui était d'être bref.

[8] Il y a maintenant huit, parce que le chiffre sept répondait exactement au nombre des démons issus de la Gamaléenne.

[9] Cette explication ne saurait être de Philostrate, elle va contre l'évidence et a pour but de détruire le sens de toute la vision.

[10] Ce n'est pas Vespasien qui l'a fait, c'est Titus.

[11] Ici, ce sont les habitants qui prennent l'initiative des crimes pour lesquels les fils de Panthora et leurs disciples ont été punis !

[12] Ce texte, manifestement substitué, a éveillé toutes sortes d'objections : L'incendie du temple de Jupiter Capitolin est du 19 décembre, et Vespasien était à Alexandrie depuis le milieu de novembre. Comment se fait-il qu'Apollonius lui en parle comme d'un événement advenu le jour même de son entrée ? Philostrate a retardé cette entrée, afin de faire coïncider l'entrevue de Vespasien et d'Apollonius avec le temps de l'incendie du Capitole, et pour avoir occasion de dire qu'Apollonius avait connu par inspiration cet événement, et qu'il le déclara à ce prince.

(L'abbé du Pin, Histoire d'Apollonius convaincue de fausseté, p. 83.)

De son côté, Legrand d'Aussy n'a pas été moins frappé de ces invraisemblances :

Comment un devin aussi habile qu'Apollonius, aussi bien instruit de ce qui venait de se passer à plusieurs centaines de lieues loin de lui, ignorait-il donc la part qu'avaient dans l'événement le frère et le fils de celui auquel il parlait ? Comment arrive-t-il qu'il connaît l'incendie du temple, et ne connaît pas ceux des parents ou amis de Vespasien qui ont péri dans les flammes ou après le combat, comme Sabinus, ou qui, par adresse, comme Domitien, ont eu le bonheur d'échapper ? Sa science divinatoire était-elle donc bornée ? ou plutôt Philostrate, qui si souvent lui prête des prédictions, ne lui en suppose-t-il pas quelquefois qui sont doublement absurdes ? Philostrate, au contraire, ne lui en supposait aucune qui ne fût confirmée par l'histoire, puisque ce sont, comme celles de Jésus dans les Toledoth, des prophéties post eventum.

[13] Quoi ! pas même les tables où étaient les douze pains de proposition, qua Jésus renouvelle dans la séméiologie dite Multiplication ?

[14] Par conséquent, point de vases, comme ceux dont Barabbas voulut s'emparer aux Tabernacles.

[15] Point d'invocation aux démons, comme celles de Barabbas.

[16] Non, pas le moindre. Deux-cent-soixante mille agneaux seulement à la pâque de 819 !

[17] Ici se trahit le falsificateur ecclésiastique. Il reporte dans Philostrate, qui l'ignore, le mensonge que d'autres faussaires ont introduit dans Suétone.

[18] Memnon, fils de l'Aurore avait la réputation d'un Oracle merveilleux. Un des personnages de Lucien, dans le Menteur par inclination, vante ainsi cette renommée :

Dans ma jeunesse, lorsque je vivais en Egypte, où mon père m'avait envoyé pour m'instruire dans les sciences, il me prit envie de remonter le Nil jusqu'à Coptos, et d'aller de là voir la statue de Memnon, afin d'entendre ce son prodigieux qu'il rend aux premiers rayons du soleil levant. Je l'entendis, non pas, comme le commun des hommes, rendre un son inarticulé ; Memnon ouvrit la bouche en ma faveur, et me rendit un oracle en sept vers, qu'il serait inutile de vous réciter. En remontant le fleuve, il se trouva parmi nous un citoyen do Memphis, l'un des grammatistes sacrés, homme admirable par son savoir, et versé dans toutes les doctrines des Égyptiens. On me dit même qu'il avait demeuré pendant vingt-trois ans dans les souterrains, où Isis l'avait initié dans les mystères de la magie.

[19] Le passage sur Memnon et sa statue est un très mauvais remaniement de Philostrate, que le falsificateur ecclésiastique a mis au compte de Damis (Dagis) après les ablations nécessaires. Il étonne à bon droit les archéologues, et nous reproduisons (d'après l'Apollonius de Tyane de M. Chassang) ce qu'en dit M. Letronne (Mémoire sur la statue vocale de Memnon (Académie des inscript., nouvelle série, t. X), observation faite que ce savant croit à l'existence d'Apollonius comme à celle de Jésus-Christ. Il croit même à l'ère chrétienne, erreur qui lui est commune hélas I avec tous les historiens

Les auteurs de la Description de Thèbes (p. 90) ont cru trouver dans ce passage une preuve certaine que le colosse, brisé par un tremblement de terre l'an 27 avant Jésus-Christ, était rétabli du temps de Philostrate. Ce sophiste fait une description pompeuse du temenos de Memnon, et de sa statue, qu'il représente comme entière ; mais chose singulière I personne n'a fait attention que Philostrate, de son propre aveu, rapporte en cet endroit les paroles mêmes de Damis. Or cette remarque est capitale, puisqu'il en résulte que cette description est tirée d'un ouvrage composé dans le cours du Ier siècle, près de 150 ans avant l'époque où il fut rétabli (sous Septime Sévère). Quant on voit donc ce Damis nous peindre Memnon sous la figure d'un beau jeune homme imberbe (il est probable qu'il était représenté avec de la barbe), et dont les yeux et la bouche annoncent qu'il va parler, on ne peut méconnaître dans son récit une description imaginaire...

Si elle paraît ainsi, c'est à cause de ce qu'on en a enlevé, car Philostrate, qui écrit après le rétablissement de la statue par Septime-Sévère, devait être fort exact, étant admirablement placé pour cela. Il est même probable qu'Apollonius, qui prévoit tout, même Jésus, annonçait à Memnon sa remise en état.

Il est encore assez singulier qu'on ait pris (Description de Thèbes, ibid.) pour de l'exactitude ce que Damis raconte de la position du colosse, lequel, dit-il, appuie ses deux mains sur son trône, et se penche en avant pour saluer, position qui n'est celle d'aucun colosse égyptien. Que dire de pareils détails, sinon que Damis ou n'avait pas vu Thèbes, non plus que Philostrate, ou se jouait de la crédulité de ses lecteurs ?

Le détail qui choque M. Letronne, a, au contraire, été exact pendant tout le temps qu'ébranlée par le tremblement de terre la statue a attendu son relèvement. Et c'est ce détail qui fait le prix de l'interprétation d'Apollonius.

[20] Il en avait certainement un, mais pour peu qu'il rappelât Actisan, il ne pouvait trouver grâce devant le falsificateur ecclésiastique de Philostrate.

[21] Il y eut, en effet, un roi de ce nom, mais ce n'est pas de lui qu'il s'agit.

[22] Il se peut qu'il y ait dans ce chiffre une indication de chronologie séculaire.

[23] Nom égyptien de Moïse, rappelons-le toujours.

[24] En opposition avec l'Aïn Karem de Barabbas, d'où est venue la séméiologie des Noces de Kana.

[25] Faculté que s'attribuait Barabbas, notamment en ce qui touche l'Euphrate.

[26] Il est manifeste, après tout ce qui précède, qu'il y avait là Ioudaioi (Juifs) et non Indôoi.

[27] Tout est indien ici, rien n'est plus iudéen.

[28] A côté de choses importantes, l'Église nous en dissimule de curieuses. Je crois voir notamment que Titus avait été envoûté sous la forme d'un veau par les Juifs. Car Titus ayant dit à Apollonius : Mon père et moi, nous vous devons tout ce que nous sommes, et Apollonius lui ayant dit, en lui frappant sur le cou qu'il avait comme un athlète : Qui osera mettre sous le joug un taureau si vigoureux ? il répond, en parlant de son père : Celui qui a pris soin de moi, alors que je n'étais qu'un veau.

[29] Par conséquent, ils étaient Juifs et partisans de Ménahem. Dans ce texte ils sont confondus avec l'ensemble des citoyens de Tarse. C'est une calomnie à la fois contre les Juifs évangélisés et contre les Grecs de Cilicie : les premiers, parce qu'on les voit dans un temple païen rendre hommage à la Bête ; les seconds, parce qu'ils ont l'air à avoir, eux, citoyens romains, pactisé avec le dernier frère de Barabbas.

[30] Quand le mot vérité apparaît dans un texte où est intéressé le Juif de rapport, on peut être sûr que tout ce qui amène le mot est corrompu. La vérité, en effet, est que les rabbins évangélistes de Tarse avaient affolé la semence de bétail avec la prophétie des Anes et du Chien.

[31] Les trente jours occupés par le signe des Anes, le Cancer des Grecs.

[32] Cf. Le Mensonge chrétien, petite édit., p. 518.

[33] L'épée dont est traversée l'âme de Marie (Amphilochie) dans le Toledoth de Luc, II, 35, et qui est la langue-épée du Verbe évangélique dans l'Apocalypse.

[34] Il était redevenu grec, donc sociable.

[35] Pour qu'il ne se laissât point corrompre par le Chien judaïque.

[36] Cf. Le Mensonge chrétien, petite édit., p. 282.

[37] Les Juifs barabbalâtres, dans l'esprit de Philostrate.

[38] Insinuation par laquelle le tripatouilleur ecclésiastique prépare sa calomnie contre le frère de Titus.

[39] Néron a bon dos, mais que penser de Vespasien qui garde précieusement ces poisons pour que Domitien puisse empoissonner son frère ?

[40] Ils n'étaient consuls ni l'un ni l'autre, en 834, qui est l'année de la mort de C'était Flavius Silvanus et Annius Vérus Pollio.

[41] Titus est censé partir d'Argos de Cappadoce, où se passe maintenant la scène, mais il est clair qu'elle se passait ailleurs, au moment du départ de Titus pour Rome.

[42] Cf. Le Mensonge chrétien, pet. édit., p. 128.

[43] L'orme qui salue Apollonius en Ethiopie est un fils de cette famille.

[44] Ce parallèle a été détaché de Philostrate et placé dans les Lettres d'Apollonius, après le traitement ordinaire.

[45] Comme Barabbas a perdu son royaume en passant le Jourdain.

[46] Il y avait du Juif dans l'affaire, les commentateurs le reconnaissent, quoique maintenant il ne soit plus question que de Phéniciens.

[47] Cf. le Soyez de bons banquiers du Toledoth de Luc.

[48] Les Lettres d'Apollonius, toujours fausses, mais quelquefois tirées des indications de Philostrate, portent la trace évidente de l'apparition d'Apollonius dans des villes que sa Vie ne nomme plus. De ce nombre est Tralles, où devait naître Phlégon, et qui, par la grâce de cet homme véridique, se tint éloignée de la barabbalâtrie. D'où cette Lettre aux habitants de Tralles :

Beaucoup d'hommes viennent à moi de divers côtés, les uns pour une cause, les autres pour une autre ; les uns jeunes, les autres vieux. J'examine les dispositions et le caractère de chacun avec autant d'attention que je puis, et j'observe s'il est bon ou mauvais citoyen. Jusqu'ici je ne saurais préférer à vous, qui êtes de Tralles, ni les Lydiens, ni les Achéens, ni les Ioniens, ni même les peuples de la Grande-Grèce, les Thuriens, les Crotoniates, les Tarentins, ou quelques autres de ce fortuné pays de l'Italie, comme on l'appelle, ou d'autres terres. Pourquoi donc, quand j'ai polir vous tant d'estime, ne viens-je pas habiter au milieu de vous, moi qui suis de votre race ? Je vous le dirai une autrefois. Pour le moment, qu'il me suffise de vous adresser des éloges, à vous, et à vos magistrats, qui surpassent en sagesse et en vertu les magistrats de beaucoup d'autres cités, surtout de celles d'où vous tirez votre origine.