LA SAINTE FAMILLE

 

DEUXIÈME PARTIE. — APOLLONIUS DE TYANE OU LA JUSTICE POURSUIVANT BARABBAS ET LA VÉRITÉ DÉMASQUANT JÉSUS

IV. — APOLLONIUS EN OCCIDENT.

 

 

I. — LE VAISSEAU SANS BÊTES JUIVES.

a. — Raison secrète pour laquelle Apollonius change de vaisseau

Débarrassé de ce fâcheux, Apollonius va s'embarquer pour l'Occident.

Comparé à celui dont Barabbas devait être le Charpentier, c'est un petit vaisseau que celui qui amena l'homme-dieu grec en Ionie. Mais grand est le nombre des gens qui, disciples d'Apollonius, veulent y monter avec lui, convaincus qu'il commandait à la tempête, au feu, à toutes les puissances de la nature. Son vaisseau se trouve trop petit : d'où l'obligation d'en changer.

C'est la cause apparente de ce changement, mais il y en a une secrète.

b. — Ajax et les bêtes ennemies des Grecs

Il paraîtra un jour un livre d'une insolence extrême, intitulé Voyages de Saülas, où le vaisseau barabbalâtrique est monté par Saül, le persécuteur converti en Paul par l'imposture des aigrefins. Ce vaisseau contiendra 276 bêtes goym, les 84 disciples du Sauveur (Barabbas déifié) étant censés voguer à part vers l'Occident[1], montés dans l'Arche céleste. Ces Voyages de Saülas, ce vaisseau injurieux à tous les goym, Philostrate les connaît[2], donc Apollonius les prévoit.

Ce n'est pas sans raison qu'il passe devant le tombeau d'Ajax, et que, près du lieu où ce héros repose, un vaisseau dresse son mât.

Jadis Ajax a égorgé les bêtes des Grecs, les prenant pour des ennemis, et quand il s'est aperçu de son erreur, il l'a expiée en se donnant la mort.

Mais aujourd'hui n'y-a-t-il pas sur le rivage des bêtes à apparences humaines ?

Du fond de la tombe, Ajax dicte la conduite que doit tenir Apollonius. Que, sans aller jusqu'à égorger les bêtes du troupeau barabbalâtrique, — de tels souhaits sont bons pour un Barabbas à l'endroit des goym, — Apollonius protège les Grecs, en n'admettant sur son vaisseau aucun des chiens enragés dont il a fait lapider le maître à Éphèse !

 

II. — APOLLONIUS DANS LES ÎLES MENACÉES PAR L'ÉVANGILE.

a. — A Lesbos, devant le tombeau de Palamède

Sous ce vaisseau, la mer se courbe avec docilité.

Arrivé dans l'île de Lesbos, Apollonius aperçoit le tombeau de Pale-mède, il s'approche avec tous les passagers, il trouve la statuette enterrée tout près de là, elle est bien celle d'un homme plus âgé que Palamède à sa mort, et il y a sur le piédestal : Au divin Palamède. Alors il s'écrie :

Ô Grecs, honorons un homme de cœur, de qui nous tenons toutes les sciences ! Nous pourrons nous dire meilleurs que les Achéens, si nous honorons un homme qu'ils ont mis à mort contre toute justice !

Barabbas, au contraire, est un ignorant et un méchant, justement crucifié.

Ensuite, Apollonius met la statuette à son ancienne place, où je l'ai vue, dit mensongèrement le Philostrate actuel pour donner le change sur le fond de l'allégorie.

Il consacra tout autour un espace de terre d'une étendue égale à ceux que l'on consacre en l'honneur d'Hécate, c'est-à-dire l'espace nécessaire pour un repas de dix convives, et fit cette prière : Palamède, oublie la colère que tu as autrefois conçue contre les Achéens, et fais que leurs descendants soient sages en grand nombre ! Exauce-moi, ô Palamède, maître de l'éloquence, maître des Muses, mon maître !

 

III. — APOLLONIUS EN GRÈCE.

a. — Il indique le moyen de conjurer les effets de la malédiction évangélique

Sept ans avant la tentative de Néron pour percer l'isthme de Corinthe, Apollonius débarque au Pirée et se rend à Athènes.

Tous les philosophes viennent à lui, de quelque secte qu'ils soient, et dix jeunes gens, l'ayant rencontré, lèvent les mains vers l'Acropole en s'écriant : Par Minerve, protectrice d'Athènes, nous nous rendions précisément au Pirée pour aller vous trouver en Ionie !

Ces dix jeunes gens appartiennent chacun à une famille différente, et, multipliés par les cent ans dont un siècle se compose, forment au total un Millénium de vie. Leurs dieux (comme ils sont arriérés !) ne veulent pas qu'ils vivent mille ans, comme des sujets de Barabbas ; mais ils pensent qu'il vaut mieux ne vivre que cent ans à chercher le progrès, que d'en vivre mille à ne rien faire, sinon compter les dépouilles des goym. C'est l'enseignement d'Apollonius, surtout depuis la faillite de l'Évangile. Les dix jeunes gens qui viennent à lui ont à lui signaler bien des abus qui se sont glissés dans la société grecque : la dégénérescence des mœurs, l'abaissement des caractères, et une chose qui annonce les décadences irrémédiables : le recul du jugement.

En outre, un démon nouveau s'est introduit dans certains corps et leur inspire toutes les idées contraires à la raison, voire un inquiétant misogynisme, sous la menace que le monde des goym va finir, liquidé par les Juifs.

Comme Apollonius dissertait sur les libations, il vint dans son auditoire un jeune homme d'une tenue si molle et si efféminée, qu'il était devenu le héros de quelques chansons de table. Il avait pour patrie Corcyre[3], et il se disait descendu d'Alcinoüs le Phéacien, l'hôte d'Ulysse.

Apollonius parlait alors des libations, et disait qu'il ne fallait pas boire soi-même, mais conserver le breuvage pur et intact pour le Dieu. Il ajouta qu'il fallait verser la libation du côté de l'anse, parce que l'homme ne boit jamais de ce côté.

Comme, dans l'Apocalypse, la coupe de la malédiction juive se verse par l'anse, d'Orient en Occident, sur la Grèce et les îles, c'est en conjurer les effets que de verser par l'anse opposée le vin des libations aux dieux, d'autant plus qu'elle est vierge des lèvres humaines.

b. — Le Corcyréen possédé de Barabbas

Barabbas n'avait pas prévu cette réplique d'une philosophie si simple. Le jeune Corcyréen non plus, qui semble bien se prêter, par l'anse auriculaire droite, aux mauvaises pensées de l'Évangile.

A ce moment le jeune Corcyréen fit entendre un éclat de rire bruyant, plein d'insolence. Apollonius tourna les yeux vers lui et lui dit : Ce n'est pas vous qui êtes coupable, c'est le démon qui vous pousse sans que vous le sachiez. En effet, ce jeune homme ne savait pas qu'il était possédé : aussi lui arrivait-il de rire de ce qui ne faisait rire personne, puis, tout à coup, de se mettre à pleurer sans cause, ou bien de se parler à lui-même et de chanter. On croyait généralement que c'était la fougue de la jeunesse qui le rendait si peu maître de lui, mais il ne faisait que suivre les impulsions d'un démon ; et, comme il venait de se conduire en homme ivre[4], les assistants le croyaient ivre.

Ivre du vin maudit que lui verse secrètement le démon juif dont il est possédé, et qui est l'aîné des sept démons de la Gamaléenne, comme le diront les Toledoth d'après l'Apocalypse. Or ce démon n'est nullement resté dans le monde, comme le jeune Corcyréen l'entend dire par les rabbins évangélisés, il est mort sur la croix, et Apollonius détruit partout son ombre méprisable, quelle que forme qu'elle prenne.

e. — Exorcisé par Apollonius, le démon se renverse lui-même sous la forme d'un Barabbas à tête de porc

Mais Apollonius continuant à fixer sur lui ses regards, le démon poussait des cris de peur et de rage, comme un malheureux qu'on aurait brûlé ou torturé ! Il jurait de quitter ce jeune homme et de ne plus entrer chez personne. Mais Apollonius l'apostrophait avec colère, comme eût fait un maître envers un esclave rusé, menteur et impudent ; il lui commandait de partir et de donner quelque signe de son départ. — Je renverserai telle statue, cria le démon ! Et il montra une des statues du portique royal, près duquel se passait cette scène.

Le nom et l'aspect de la statue donnaient la clef de cet exorcisme allégorique. C'était un Barabbas à tête de porc, la suite le montre assez. Car s'il ne s'agissait point d'une statue ennemie, sous des espèces ridicules, Apollonius commanderait au démon un acte d'iconoclastie, et il en serait moralement responsable, comme l'odieux Juda bar-Abba qui inspire les Juifs d'Asie et d'Achaïe, et qui les pousse à attaquer les Dieux dans leurs images.

La statue chancela et tomba. Le bruit qui s'éleva, l'admiration et les applaudissements qui éclatèrent alors, je renonce à les décrire !

Philostrate les décrivait, au contraire, ainsi que la statue renversée, dont les débris étaient sans doute jetés au feu.

Le jeune homme parut sortir d'un profond sommeil : il se frotta les yeux, les tourna vers le soleil[5], et fut confus de voir tous les regards fixés sur lui ; il n'y avait plus rien en lui d'immodeste, son regard n'était plus égaré, il était rentré en possession de lui-même, absolument comme s'il venait de prendre quelque remède. Bientôt il quitta son manteau, les étoffes délicates dont il était couvert, et tout l'attirail de la mollesse ; il s'éprit de l'extérieur négligé et du grossier manteau d'Apollonius, et embrassa tout son genre de vie.

 

IV. — LES NOCES AVEC LA FEMME-REQUIN, MANQUÉES PAR LA BOULÈ DU ZIB.

a. — La Sirène de Kenchrées

C'est une étrangère, Phénicienne, est-il dit, depuis qu'il n'y a plus de Juives dans l'œuvre de Philostrate. Elle est venue récemment à Kenchrées, l'endroit où Lucius dans l'Ane d'or reprend la forme humaine ; et de Kenchrées elle est venue s'établir dans un faubourg de Corinthe, où elle vit, cachée au milieu de gens mystérieux. Cette enchanteresse est, dit-on, très belle, très riche, et propriétaire de jardins incomparables, telle la Vierge Jardinière. Un jeune homme d'une grande beauté, Ménippe, hier encore ami de la sagesse, est sur le point de succomber aux charmes d'une beauté si bien dotée en apparence. Mais elle-même existe-t-elle ? Voilà précisément la question. Ménippe semble n'y avoir pas songé, emporté par son rêve.

Un jour que Ménippe marchait seul sur la route qui mène à Kenchrées, un fantôme lui apparut, sous la figure d'une femme qui lui prit la main, lui dit qu'elle l'aimait depuis longtemps, qu'elle était Phénicienne, et demeurait dans un faubourg de Corinthe qu'elle lui désigna : Venez me trouver le soir, continua-t-elle, vous m'entendrez chanter, je vous ferai boire du vin comme vous n'en avez pas encore bu. Vous n'aurez pas à craindre de rival : belle comme je suis, je serai heureuse de vivre avec un beau jeune homme comme vous. Le jeune homme fut vaincu par ces paroles ; car, bien que philosophe, du reste très solide, il ne savait pas résister à l'amour. Il alla donc chez cette femme chaque soir, et pendant longtemps la fréquenta comme sa maîtresse, sans se douter que ce ne fût qu'un fantôme.

Apollonius considéra Ménippe avec le regard attentif d'un sculpteur.

Ménippe, envoûté sous une figure de bête par la clame, est en train de perdre la forme humaine. Apollonius, d'un regard profond, qui va jusqu'à l'âme, l'empêche d'être asinifié, comme le sera sous Hadrien le Lucius d'Apulée.

b. — Son identification par Apollonius

Quand il eut ses traits bien gravés dans la mémoire, il lui dit : Savez-vous, beau jeune homme, que vous réchauffez un Serpent et qu'un Serpent vous réchauffe ?

Ce Serpent, c'est Satan, l'Apocalypse de Barabbas nous l'a assez dit, et ce n'est pas sans peine que la pauvre Psyché lui échappera au Jubilé de 889. Ménippe est possédé de Satan par le moyen de la dame. et cette dame est justement le fantôme de celle qui joue le rôle de la Vierge céleste dans l'Apocalypse.

Ménippe fut étonné ; Apollonius continuant : Vous êtes lié avec une femme qui n'est point votre épouse...

(Elle est même veuve de Juda Panthora.)

Autant en dira Barabbas, lorsqu'il apparaîtra, sous le nom de Jésus, à la Samaritaine : Celui avec lequel vous êtes n'est point votre époux. Apollonius lui coupe ici son effet, car le Mahazeh de Cérinthe n'est pas encore composé.

... Mais croyez-vous qu'elle vous aime ?— Oui, certes, toute sa conduite me le donne à croire. — Et l'épouseriez-vous bien ? — Ce serait pour moi un grand bonheur que d'épouser une femme qui m'aime. — A quand la noce ? — A bientôt, à demain peut-être.

Ménippe n'en est pas bien sûr. Épouser la Vierge, cela ne dépend ni de lui, ni d'une vieille Juive qui, sous ses airs virginaux, n'a pas eu moins de dix enfants, quand elle était dans le monde !

c. — La Vierge juive, épouse de Satan, et les invités aux noces

Apollonius attendit le moment du festin, et quand les convives furent arrivés, il entra dans la salle : Où est, demanda-t-il, la belle que vous fêtez ? La voici, dit Ménippe, qui se leva en rougissant.

Apollonius la reconnaît immédiatement, pour l'avoir vue sous la forme de la vieille Lionne, étendue morte sur le sable de la Chaldée. Il ne dit rien, et se tournant vers Ménippe :

A qui de vous deux appartient l'or, l'argent et les autres objets précieux qui ornent cette salle ? — A ma femme, car voici tout ce que je possède Et Ménippe montrait son manteau.

Sur la table, rien à manger. Quel peut bien être le mets réservé par le fantôme à ses convives ?

Apollonius, se tournant vers les convives : Connaissez-vous les jardins de Tantale, qui sont et ne sont pas ?Oui, mais seulement par Homère, car nous ne sommes pas descendus dans le Tartare.

Mais Barabbas y est descendu, lui. Le fils de la Jardinière, Jardinier lui-même, est dans la situation de Tantale, roi de Lydie condamné par les dieux à une soif et à une faim dévorantes.

Le fleuve de vie auquel il devait boire pendant mille ans, il est là, tout près de lui, mais chaque fois qu'il y veut boire, l'eau fuit ses lèvres altérées. Les jardins aux douze récoltes, les voici, voici leurs arbres au-dessus de sa tête, mais chaque fois qu'il veut en détacher les fruits, les branches s'éloignent de sa main avide. Et c'est ainsi que la statuaire représente Tantale.

d. — La femme-requin démasquée

Eh bien ! tout ce que vous voyez ici est la même chose : il n'y a ici nulle réalité, tout n'est qu'apparence. Voulez-vous que je me fasse mieux comprendre ? La charmante épousée est une de ces Empuses, que le peuple appelle Lamies (Requins) ou Mormolyces. Elles aiment beaucoup l'amour, mais encore plus la chair humaine : elles allèchent par la volupté ceux qu'elles veulent dévorer.

Empuse, Lamie ou Mormolyce, c'est le fantôme de la Gamaléenne. Oui, cette belle fiancée est morte ; et si elle revient jamais corporellement ce ne sera pas pour épouser un Grec, si sage soit-il, ce sera pour être reconjointe (gamèleia de nouveau) avec l'estimable Panthora. Cette Empuse, cette Lamie, cette Mormolyce, Apollonius prévoit que les rabbins évangélistes lui donneront un jour le rôle de la Vierge céleste, l'exposant ainsi à épouser son fils aîné. Ce qui complète sa ressemblance avec la femme de Tantale, c'est que, pareille à celle-ci, elle aura un jour la prétention de faire manger aux hommes ce que Tantale voulut faire manger aux Dieux sous les espèces de Pélops : les membres mêmes de son fils ! Mais Pélops était innocent, il a été ressuscité par Cérès, et il est le père du Péloponnèse, tandis que le fils de la Lamie est un vulgaire scélérat dont le corps eucharistique empoisonnera tous ceux qui l'avalent.

En attendant, et pour bien expliquer l'état de cette femme, en qui Apollonius voit une lamie, il faudrait avoir le texte de Philostrate, et savoir ce qui y était dit du Baal-zib de Phénicie, par qui Panthora chassait les démons et d'où il tire son surnom de Zibdéos dans les Toledoth canoniques. On verrait alors pourquoi sa femme est convertie en requin, par la boulé même du Dieu-Zib (Dagon).

C'est pour que, même dans l'ordre ichtyologique, elle ne puisse pas être reconjointe avec le Zibdéos, le Requin avec la Baleine. Elle est morte divisée, comme fût mort Ménippe si celui-ci l'avait épousée.

Indigne calomnie s'écria la jeune femme, et elle parut indignée de tout ce qu'elle venait d'entendre, et s'emporta contre les philosophes, qu'elle taxa de cerveaux creux.

Le corps du Juif de rapport vaut l'esprit de tous les philosophes, l'auteur des Lettres de Paul vous le dira[6], et toute l'Église avec lui.

e. — Évanouissement de toute la mise en scène du repas nuptial

Tout d'un coup les coupes d'or, et les vases qu'on avait cru d'argent, s'évanouirent, tout disparut, on ne vit plus ni échansons ni cuisiniers ni aucun des autres serviteurs : les paroles d'Apollonius avaient dissipé le prestige.

f. — La mère de Barabbas moralement responsable des pâques homicides consacrées à son fils

L'intervention d'Apollonius a sauvé Ménippe d'un péril plus grand. Car il allait être sacrifié au fils de la prétendue Vierge et mangé par les invités. Comme nous sommes à Kenchrées et sous Claude, il semble que ce soit en cette ville et en ce temps qu'ont commencé parmi les Juifs les premières pâques barabbalâtriques, dans lesquelles un être humain remplaça l'agneau.

Alors le fantôme se mit à pleurer et supplia Apollonius de ne pas le mettre à la torture pour lui faire avouer ce qu'il était. Mais, comme Apollonius le pressait et ne voulait pas le lâcher. le fantôme finit par reconnaître qu'il était une Empuse, qu'il avait voulu gorger Ménippe de plaisir, pour le dévorer ensuite, et qu'il avait coutume de se nourrir ainsi de beaux jeunes gens, parce qu'ils ont le Sang très frais.

C'est là un des faits les plus célèbres de la Vie d'Apollonius. Cependant j'ai cru nécessaire d'y insister. C'est que, s'il est plus connu que les autres, ayant eu lieu au milieu de la Grèce, en général on sait seulement qu'il a dévoilé une lamie à Corinthe.

Cette fin ne saurait être de Philostrate. La scène ne pouvait se terminer ainsi, car Apollonius manque entièrement à sa mission, qui est, ayant en lui l'eau d'Asèbamma, de démasquer les menteurs et les criminels. La femme-requin échappe, sans que nous sachions qui elle est et comment elle s'appelait avant d'être en enfer. Apollonius laisse la coupable sortir tranquillement, et par conséquent lui donne la liberté de recommencer ailleurs son anthropophagie[7].

Mieux que cela, pour sauver Ménippe, il s'est compromis de la façon la plus grave, étant allé, lui Grec, dans une maison dont les familiers sont connus pour se nourrir de chair humaine à certains jours. Vous verrez bientôt le parti que les Juifs, ennemis d'Apollonius, tireront de cette circonstance pour de venger de lui[8].

g. — Vision dans laquelle Péréghérinos apparaît, suivant le corps de son père, dont il est l'assassin

Il est certain que le jeune Mysien, repoussé par Apollonius en Troade, venait à Corinthe, où Apollonius le voyait tué (étranglé, dit Lucien), par le fils auquel il eut le malheur de donner naissance. L'épisode a été enlevé, mais on en retrouve un écho dans une Lettre d'Apollonius, où il est question d'un fils empoisonneur de son père :

Au Corinthien Bassus.

Que quelqu'un à Corinthe vienne à demander : Comment est mort le père de Bassus ? tous, étrangers aussi bien que citoyens, répondent qu'il a été empoisonné. — Quel est l'empoisonneur ? Les voisins même répondront : C'est le philosophe Bassus. Et cependant ce misérable suivait en pleurant le convoi funèbre de son père !

 

V. — DÉPART D'APOLLONIUS POUR ROME.

a — Il annonce une île de plus dans la Méditerranée pour témoigner de la faillite de l'Évangile

Apollonius passe par la Crète. Comme à iEges et à Pergame, il s'établit dans le temple d'Esculape.

La Crète est encore à sa place. Le Lion de Lévi et de Juda n'a rien pu contre le Serpent d'Esculape.

Ce temple est le rendez-vous de toute la Crète, comme Pergame de toute l'Asie ; on y vient même souvent de la Libye. Ce temple regarde la mer de Libye, près de Phœstum, ville où la mer est retenue par un petit rocher. Il est appelé Lébénéen, parce qu'il est sur un promontoire qui a la figure d'un lion, comme cela est fréquent pour les amas de rochers.

D'après une légende du pays, ce lion serait un de ceux qui furent autrefois attelés au char de la déesse Rhéa[9]. Un jour qu'Apollonius s'entretenait dans ce temple, vers midi, avec plusieurs personnes attachées au service de l'autel, la Crète fut ébranlée par un violent tremblement de terre, et la mer se retira de près de sept stades. La plupart des interlocuteurs d'Apollonius craignaient que la mer, en se retirant, n'emportât le temple et ceux qui s'y trouvaient ; mais il leur dit : N'ayez pas peur, c'est la mer qui vient d'enfanter de la terre !

En effet, une île de plus, Thia, venait de naître de la Méditerranée.

Ainsi, loin de se conformer aux Sorts de Barabbas, Lesbos, Lemnos, patrie de Philostrate, et toutes les autres îles qu'Apollonius a longées pour venir en Grèce, sont restées à leur place ; et quant à Thia, elle est sortie du sein de sa mère, la mer. Cette naissance n'est nullement un signe de la réalisation de l'Évangile, comme les Juifs barabbalâtres le disaient.

C'est un nouveau témoignage de sa faillite, et un nouveau dément des Dieux.

 

VI. — APOLLONIUS À ROME SOUS NÉRON.

a. — La Bête qui a publié l'Évangile, décrite et jugée par Apollonius

Apollonius arrive à Rome en 819, sous le consulat de Pantins Telésinus et de Suétonius Paulinus. C'est l'année où Ménahem, dernier frère de Barabbas, se leva en Judée, préludant à l'établissement du Royaume par les épouvantables massacres de Jérusalem.

C'est dire que le mot Juif est encore moins prononcé à Rome qu'ailleurs.

Apollonius a avec lui le Ninivite Dagis, le Grec Ménippe, qu'il a sauvé de la femme-requin, et Dioscoride l'Égyptien.

Néron est méprisable, parce que c'est un histrion. Mais Apollonius distingue entre ceux qui lui font la guerre : il y a des philosophes comme Musonius, et il est avec ceux-là, (il blâme même ceux qui se sont enfuis de Rome par peur) ; il y a aussi une manière de gens sur lesquels on ne s'explique plus que par adjectifs, les impies, dont les menaces doivent faire pitié, comme des propos d'ivrogne ; car eux aussi sont insensés, mais non redoutables. Ces impies, que Philostrate, après Apulée, compare à des parricides, ce sont les hommes qui, épousant la femme-requin, rêvent de manger Rome toute vive, comme les Juifs le feront des Romains et des Grecs en Égypte et en Cyrénaïque sous Trajan. La Bête juive, Ménahem en un mot, paraît mille fois plus méchante à Apollonius que la Bête à sept têtes dont parle l'Évangile, car cette Bête-là s'appelle Juda bar-Juda : elle assassine la Judée, elle dévore Jérusalem, sa mère !

u Moi qui ai parcouru plus de pays qu'aucun autre homme, j'ai rencontré en Arabie et dans l'Inde une foule de bêtes féroces ; mais cette bête féroce qu'on appelle...[10] je ne sais pas encore combien elle a de têtes[11], ni si elle a les griffes bien crochues et des dents bien tranchantes[12]. On dit que cette bête est sociable et qu'elle habite au sein des villes ; cependant je la trouve plus sauvage que celles qui volent sur les montagnes et dans les forêts : car il arrive quelquefois que les lions et les panthères se laissent apprivoiser par des caresses[13] et changent de naturel, tandis que ce monstre s'irrite, quand on veut le toucher[14], redouble de férocité, et déchire tout. Vous ne pourriez dire d'aucune bête féroce qu'elle dévore sa mère !... lui[15], est gorgé de cette pâture !

Le Talmud en convient, quand il jette un coup d'œil désolé sur l'histoire de la patrie perdue ; Barabbas est l'assassin de son peuple !

b. — Portrait de la Bête Ménahem appliqué à Néron par le falsificateur ecclésiastique de Philostrate

Le portrait de la Bête gamaléenne est assez ressemblant pour que le falsificateur ecclésiastique de Philostrate ait senti le besoin de donner le change : c'est maintenant Néron qui mange sa mère, après l'avoir retirée de l'eau ! Or le faussaire oublie qu'Agrippine n'est pas morte noyée, mais égorgée : Musonius le savait bien, et Tacite le dit tout au long. Philostrate n'a pu écrire le contraire, et lorsqu'il cite ce vers d'Homère : Ce n'est pas de Jupiter que sont émanés de pareils décrets, ce n'est pas aux décrets anti-philosophiques de Néron qu'il en a, c'est à ceux de Barabbas, renouvelés par Ménahem. Ces décrets, nous les connaissons, tout le monde les connaissait, Tacite et Suétone les citent. C'est que, selon les prophéties dont l'Even-guilayon est le couronnement, les Juifs devaient s'emparer de toutes choses.

e. — Apollonius devant le consul Pontius Télésinus, ami de la justice

Apprenant qu'Apollonius, le Grec ressuscité est à la poursuite du Juif échappé à Pontius Pilatus, Pontius Télésinus le mande auprès de lui. Apollonius se rend à la convocation, il comparaît dans ce vêtement où rien n'entre de ce qui a eu vie. — Partant point de vêtements en poils de chameau, point de ceinture en cuir de Gamala —. Le consul ne lui demande même pas son nom, tant il est sûr qu'interrogé sur son identité, Apollonius ne serait pas obligé de la nier, comme Barabbas réapparaissant sous le nom de Jésus devant Pilatus. Apollonius dans ses prières ne demande pas aux dieux de le faire Roi du monde ; et s'il était puni par eux, il ne réclamerait pas contre leur boulè (sentence).

Quand vous approchez des autels, lui dit Télésinus, quelle est votre prière ? — Je demande aux Dieux de faire que la justice règne, que les lois soient respectées, que les sages restent pauvres, que les autres s'enrichissent, mais par des voies honnêtes. — Quoi ! quand vous demandez tant de choses, pensez-vous être exaucé ? — Sans doute, car je demande tout cela en un seul mot, et m'approchant des autels, je dis : Ô Dieux ! donnez-moi ce qui m'est dû. Si je suis du nombre des justes, j'obtiendrai plus que je n'ai dit ; si au contraire les Dieux me mettent au nombre des méchants, ils me puniront, et je ne pourrai faire de reproches aux Dieux si, n'étant pas bon, je suis puni.

Apollonius se retire librement. Mais, comme la conduite de Néron blesse la morale, la justice et la philosophie, il fait à haute voix les réflexions qu'elle lui inspire[16].

Il est dénoncé au préfet du prétoire.

d. — Apollonius accusé de lèse-majesté devant le préfet du prétoire

C'est le fameux Tigellin. Certes Tigellin a montré pour Néron de coupables complaisances, et il a une mauvaise figure de juge. Apollonius est amené devant lui sous l'accusation de lèse-majesté. L'accusateur est un maître en l'art de perdre ceux qu'il charge, on ne lui échappe pas, ses réquisitions forment un vaste rouleau, qu'il agite au dessus de la tête d'Apollonius, comme un bourreau brandirait le glaive qui doit la faire tomber ; et ce terrible guilayon, il le remet à Tigellin.

Apollonius reste impassible.

e. — Apollonius plus fort que ne sera Jésus comparaissant pour Barabbas devant Pilatus

Un jour, quand il se présentera pour Barabbas devant Pontius Pilatus, au prétoire de Jérusalem, Jésus obtiendra que le gouverneur soit frappé d'amnésie et libelle un écriteau différent de celui qu'ont connu le grand-prêtre et le sanhédrin[17].

C'est un beau tour, mais qui profite au crime. En voici un plus beau, et qui profite à l'innocence : lorsque Tigellin ouvre le rouleau, il n'y trouve pas une seule lettre, pas un seul caractère ; toute trace d'écriture a disparu ! Il regarde Apollonius avec effroi, croyant avoir affaire à un démon.

Apollonius pourrait se retirer. Mais non : s'il lui a plu de blanchir le rouleau, ce n'est pas pour effacer des crimes comme ceux que relatait l'écriteau qui pendait au cou de Barabbas allant au Guol-golta. Il n'a pas la moindre raison de cacher le nom de son père et celui de sa ville natale, comme le héros des Mahazeh et des Toledoth canoniques.

Apollonius désigna son père et sa patrie ; il dit pourquoi il s'était voué à la philosophie, c'est-à-dire pour connaître les Dieux et comprendre les hommes ; car, ajouta-t-il : il est moins aisé de se connaître soi-même que de connaître les autres.

f. — Sa mission est de démasquer la Gamaléenne et ses sept démons

— Mais Apollonius, comment démasquez-vous les démons et les spectres ? — Comme des meurtriers et des sacrilèges.

Il est manifeste que Tigellin, dans sa demande, et Apollonius, dans sa réponse, désignent les meurtriers et les sacrilèges que sont les sept démons de la Gamaléenne, lâchés à travers les Mahazeh et les Toledoth. Il est même évident que Tigellin fait allusion à des épisodes aujourd'hui supprimés dans les parties précédentes, où Apollonius ne démasque guère que la mère et le fils aîné.

L'Église n'a pas pu supporter cela : Ce mot, dit-elle, était à l'adresse de Tigellin, qui provoquait Néron à toutes sortes de cruautés et de débauches. C'est parfaitement stupide.

— Pourquoi ne craignez-vous pas Néron ? — Parce que le même Dieu qui lui a donné de paraître terrible, m'a donné d'être sans crainte. — Que pensez-vous de Néron ? — J'en pense plus de bien que vous autres : car vous le croyez digne de chanter, et moi de se taire.

g. — Sa nature est d'être imprenable

Je vous laisse la liberté, s'écria Tigellin, frappé de ses réponses ; mais vous me donnerez caution pour votre personne. — Et qui voudra cautionner une personne que nul ne peut enchaîner ? Tout cela parut à Tigellin au-dessus de l'homme ; et, croyant à la présence de quelque démon, il ne voulut pas combattre en quelque sorte avec un dieu : Allez-vous-en, dit-il, où vous voudrez, car vous êtes trop fort pour que mon pouvoir vous atteigne !

Certes, et beaucoup plus fort que Barabbas, lequel n'a nullement échappé, quoique les rabbins évangélistes de Rome prétendent le voir parmi eux. Eh ! bien, s'il n'est ni traître, ni meurtrier, ni voleur, ni sacrilège, pourquoi ne se présente-t-il pas à Tigellin ? Celui-ci ne le fera pas plus arrêter qu'il n'a fait arrêter Apollonius !

h. — Il ressuscite une jeune Romaine devant tout le peuple

On ne saurait demander à Barabbas de ressusciter un goy ; mais s'il est au milieu des Juifs de Rome, comme on le dit dans les synagogues, pourquoi ne ressuscite-t-il personne parmi eux ? N'a-t-il donc ce pouvoir que dans les Mahazeh où il s'appelle Jésus, et lors qu'il opère sur son beau-frère Éléazar ou sa belle-sœur, la fille de Jaïr ?

N'étant pas circoncis, Apollonius n'a pas le droit de ressusciter un Juif, mais il a le pouvoir de ressusciter un goy, et il l'applique.

Une jeune fille nubile passait pour morte. Son fiancé suivait le lit mortuaire en poussant des cris, comme il arrive quand l'espoir d'un hymen a été trompé, et Rome tout entière pleurait avec lui, car la jeune fille était de famille consulaire. Apollonius s'écria : Posez ce lit, je me charge d'arrêter vos larmes. Et il demanda le nom de la jeune fille. Presque tous les assistants crurent qu'il allait prononcer un discours, comme il s'en tient dans les funérailles pour exciter les larmes. Mais Apollonius ne fit que toucher la jeune fille et balbutier quelques mots ; et aussitôt cette personne, qu'on avait cru morte, parut sortir du sommeil. Elle poussa un cri, et revint à la maison paternelle, comme Alceste rendue à la vie par Hercule. Les parents firent présent à Apollonius de cent cinquante mille drachmes, qu'il donna en dot à la jeune fille.

Encore une idée que Barabbas n'aurait jamais eue ! Il aurait plutôt fait signer des billets à la ressuscitée !

Voilà donc une résurrection dont les Juifs mêmes eussent pu témoigner, pour peu qu'Apollonius fût circoncis ! Mais il ne l'était point ; et d'ailleurs, n'étant point baptisée dans l'eau de Judée, la seule qui ait été convertie en sang par le Ioannès, la jeune consulaire se considérait indubitablement comme ayant subi tout au moins la première mort.

Comment Apollonius s'y était-il donc pris ? Incarnation de Protée, dieu de l'eau et du feu, il avait fait tomber de la pluie sur la morte et en même temps il lui avait rendu la chaleur du sang : par ce moyen, il l'avait baptisée de feu, si bien qu'une vapeur s'élevait de son corps, elle fumait ! Et c'est le cas, lorsque les deux éléments sont en présence dans la nature.

Là est la leçon philosophique du miracle. L'Église l'a effacée dans le commentaire dont elle le fait suivre, et qu'elle met au compte de Philostrate :

Maintenant, trouva-t-il en elle une dernière étincelle de vie, qui avait échappé à ceux qui la soignaient ? Car on dit qu'il pleuvait, et que le visage de la personne fumait. Ou bien la vie était-elle en effet éteinte, et fut-elle rallumée par Apollonius ? Voilà un problème difficile à résoudre pour les assistants eux-mêmes.

 

VII. — DÉPART D'APOLLONIUS POUR L'ESPAGNE.

a. — Un chapitre presqu'entièrement substitué

Néron étant parti pour faire son voyage de Grèce, où le prince Saül ira le renseigner sur Ménahem, Apollonius décide qu'il fera celui d'Espagne, où il rencontrera peut-être Pilatus. Le texte est en majeure partie substitué, comme il convient, et par conséquent nous ne savons plus quel chemin Apollonius prenait pour aller en Espagne. On voit cependant qu'il passait par la Celtique, la patrie des Gaulois noyés par la perfidie de Barabbas à la Journée des Hazirim (Porcs).

Après quoi il arrivait (sans doute par Tarragone, d'où s'était embarqué Pilatus pour la Judée), jusqu'aux Colonnes d'Hercule, si menacées par l'Apocalypse de l'Évangile éternel.

Le plus remarquable de ce voyage, c'est que certaines nouvelles de ce que Néron fait en Grèce parviennent jusqu'à Apollonius, aucune de ce que Ménahem fait en Judée.

 

VIII. — DÉPART D'APOLLONIUS POUR L'AFRIQUE.

a. — Partie entièrement supprimée

Cet arrêt du destin hâte le retour d'Apollonius, qui passe en Libye, où il se garde bien maintenant d'aller au temple de Jupiter Ammon, qui était le but de ce voyage.

Assuré que les Colonnes d'Hercule sont toujours solides, et que l'axe de la croix mondiale ne s'est pas déplacé au bénéfice de Jérusalem, où Ménahem trône dans le temple, il s'embarque pour la Sicile.

 

IX. — APOLLONIUS EN SICILE.

a. — L'avènement de Ménahem en Judée, passé sous silence

Là, il annonce que Néron va mourir, et que l'Empire est en proie à l'ambition de quelques citoyens de Rome et de quelques étrangers, parmi lesquels il ne saurait y avoir un seul Juif, l'indifférence de ce peuple pour la possession de la terre étant si connue que l'attention d'Apollonius ne peut être attirée de ce côté.

b. — Apollonius annonce un Empire à trois têtes, qui remplacera pendant un an la Bête à sept têtes de l'Évangile

En décrivant la Bête dont le nom est un nombre, Barabbas n'avait envisagé qu'un corps à sept têtes, et il n'avait nullement prévu que la destinée pourrait donner pendant un certain temps l'Empire du monde à trois têtes représentées par Galba, Othon et Vitellius.

Les magiciens sont les plus misérables des hommes : ils se flattent de changer la destinée, les uns en tourmentant des esprits, les autres par des sacrifices barbares, d'autres par des charmes ou des préparations magiques. Plusieurs d'entre eux, mis en jugement[18], ont reconnu que telle était leur science. Apollonius, au contraire, se conformait aux décrets du destin, il annonçait qu'ils devaient s'accomplir ; et s'ils lui étaient révélés à l'avance, ce n'était point par des enchantements, c'était par des signes où il savait lire la volonté des Dieux.

Comme on était à Syracuse, une femme de la haute classe mit au monde un enfant monstrueux : il avait trois têtes attachées par trois cous différents à un même corps :

Dagis, dit Apollonius, allez voir ce qui en est. L'enfant était exposé en public pour qu'il pût être vu de quiconque savait expliquer les prodiges. Dagis revint dire à Apollonius que c'était un enfant mâle, qui avait en effet trois têtes. Alors, rassemblant ses compagnons, il leur dit : Il y aura trois empereurs, mais après qu'ils auront exercé le pouvoir, deux d'entre eux à Rome même, le troisième dans le voisinage de Rome, ils périront ; et leur rôle n'aura pas même duré autant que le rôle des rois de théâtre.

Cette prédiction ne tarda pas à se vérifier : Galba mourut aux portes de Rome, après avoir été un instant empereur ; Vitellius mourut aussi, après l'avoir été pour ainsi dire en rêve ; enfin, Othon mourut en Occident, chez les Gaulois, sans même avoir obtenu les honneurs d'une sépulture illustre, car il fut enseveli comme un simple particulier. La Fortune, en sa course, accomplit toutes ces révolutions dans l'espace d'un an.

 

 

 



[1] Voir dans Le Mensonge chrétien, pet. édit., p. 657, le sens chrono-évangélique obtenu par l'addition de ces deux nombres. Ils forment les 360 jours de l'année calculée selon Barabbas.

Le vaisseau monté par Saül converti est égyptien, comme celui dont Apollonius a été le pilote dans les temps antiques. Sa capacité semble limitée à 276 personnes, mais il en contient en réalité 360, car les Toledoth ont paru, comptant 12 apôtres et 72 sous-apôtres, qui occupent, en esprit, 84 places. Si le vaisseau contenait 360 personnes, y aurait là, substituées à 84 Juifs, 84 bêtes qui seraient embarquées contre le gré de Charpentier.

[2] Philostrate est mort vers le milieu du troisième siècle de l'É. C. Nous avons des raisons de croire qu'il a connu les Voyages de Saülas, d'où sont sortis les Actes des Apôtres.

[3] Aujourd'hui Corfou.

[4] Il est comme s'il avait bu le vin de la colère du Père de Barabbas.

[5] Il peut s'apercevoir que l'astre du jour n'a pas été éteint par tiers.

[6] Cf. la Lettre aux Romains, dans Le Mensonge chrétien, grande édit. t. XI.

[7] Ainsi s'exprime Legrand d'Aussy, qui n'ayant rien compris à cette allégorie la trouve fort bête.

[8] Cf. plus loin, la pâque infanticide de Rome dédiée à Barabbas sous Domitien.

[9] Image de la Terre.

[10] Juda, nom de famille et de circoncision de Barabbas.

[11] Philostrate le savait fort bien, puisque Ménahem était la septième.

[12] Emprunté au portrait de la Bête romaine dans l'Apocalypse.

[13] Allusion aux bons traitements que les Juifs avaient reçus de Claude et de ses prédécesseurs.

[14] Barabbas le déclare en propres termes dans le Talmud (Cf. notre Troisième partie, et aussi dans les Toledoth canoniques, quand il prétend être la pierre qui écrase ceux qui y touchent).

[15] Le monstre en question, Ménahem, gorgé du sang des Jérusalémites. (Cf. Le Mensonge chrétien, pet. édit. p. 217 et plus loin Apparition du Vaurien de l'étranger). Il y a maintenant Néron.

[16] Il ne lui reproche nullement d'avoir incendié Rome. Le falsificateur de Philostrate a oublié d'introduire cela dans le texte, du moins à cet endroit.

[17] Cf. plus loin, l'écriteau véritable selon le Talmud.

[18] Des martyrs de l'Évangile du Juif de rapport. Aujourd'hui canonisés sous divers noms.