LA SAINTE FAMILLE

 

DEUXIÈME PARTIE. — APOLLONIUS DE TYANE OU LA JUSTICE POURSUIVANT BARABBAS ET LA VÉRITÉ DÉMASQUANT JÉSUS

I. — VIE D'APOLLONIUS JUSQU'À SA RÉSURRECTION.

 

 

I. — L'HOMME-DIEU GREC.

a. — Flavius Philostrate et son personnage d'Apollonius

Né à Lemnos, Philostrate était condamné par l'Évangile, et comme grec et comme insulaire, à être assommé par la grêle et précipité au fond de la mer[1]. Il n'accepta point cette sentence.

Le nom de Flavius et l'attachement qu'il marque pour la famille Flavia, donnent à penser qu'il descendait d'une affranchie de Vespasien. Lorsque son ancêtre reçut le nom de Flavius, il ne se doutait guère qu'un autre

Flavius, Clémens, dérogerait un jour au point de se faire circoncire et baptiser. En tout cas, grec, fils de grec, pénétré de la grandeur grecque, Philostrate est révolté par l'impudence des rabbins, qui accumulent faux sur faux pour insinuer chez les Grecs le culte d'un Juif qui, à tout prendre, n'était extraordinaire que par sa méchanceté.

Le personnage de Jésus, créé pour mentir, et par cela même immoral, s'excluait de la communion des hommes. Philostrate lui en oppose un autre, tout d'honneur et de sincérité.

Ce personnage, inventé de toutes pièces, c'est Apollonius de Tyane. Nous noterons plus tard les efforts de Église pour faire croire qu'Apollonius avait vécu[2]. Ce qui saute aux yeux, c'est que sa Vie par Flavius Philostrate est purement imaginaire,... comme Jésus et les Douze Apôtres, les sermons sur la montagne, les paraboles, les miracles, la Cène, P Eucharistie, la résurrection et le reste.

Le vrai nom de ce personnage était Apolloniosir, mot formé comme Osir-ziph, (nom égyptien de Moïse). Pour nous conformer à l'habitude, nous dirons Apollonius.

b. — L'arbre généalogique d'Apollonius

Quant à Tyane, ce n'est point par fantaisie d'écrivain que Philostrate y fait naître Apollonius, c'est par raison étymologique. Le nom phrygien de Tyane est Thoanau, dont le radical, resté dans l'hébreu[3], veut dire Jumeau. C'est à Thoanau que les poètes ont placé la délicieuse fable de Philémon et Baucis, image du deux en un, un en deux, mis à l'épreuve de la vie, c'est-à-dire réalisé dans l'amour conjugal indéfectible. Philémon, c'est le Noé, le Charpentier phrygien, et Baucis est la femme du Charpentier. Jupiter et Mercure, parcourant le pays sans se faire connaître, n'ont été bien accueillis que d'eux. Ils ont sauvé ce couple du déluge où ils ont noyé tous les autres habitants. La cabane de Philémon et de Baucis est devenue un temple[4], dont ils ont été faits les prêtres : ils ont demandé pour unique salaire la faveur de mourir ensemble ; et morts ils ont été réunis, Philémon sous la forme du chêne, et Baucis sous celle du tilleul. Ce sont les fondateurs mythologiques de Tyane : Le Tyanéen, dit Ovide[5], montre encore les troncs voisins de ce corps géminé.

Apollonius descend d'eux, il peut prétendre à une généalogie dont l'ancienneté ne cède en rien à celle de Barabbas.

Les gamèlia (noces) du Tyanéen et de la Tyanéenne semblent un plus bel exemple que celles du Gamaléen et de la Gamaléenne, car ceux-ci vont être punis par leur Dieu pour avoir exigé de lui un salaire disproportionné avec leurs services ; ils ne seront point réunis dans la mort, puisque l'un sera tué à Jérusalem et l'autre à Éphèse, et on verra bien si le bois dont ils sont redevient jamais millénaire, comme le Figuier de l'Eden.

c. — Naissance d'Apollonius la même année (739) que Barabbas

Apollonius naît la même année que Juda bar-Juda dit Barabbas, par conséquent en 739 de Rome, au lendemain des Jeux Séculaires célébrés par Auguste. Il vivra non mille ans, mais cent-dix : un siècle sibyllin. Il porte, lui aussi, le même nom que son père. Protée, dieu égyptien de l'Eau et du Feu, principes élémentaires, que Barabbas et après lui Péréghérinos prétendirent incarner, Protée est apparu à sa mère, et lui a annoncé que, voulant se faire homme, afin de régénérer la race, il l'a choisie entre toutes les femmes pour naître d'elle.

Comme la Gamaléenne, dans le Toledoth dit de Luc, elle était déjà enceinte (de six mois), lorsque Protée s'est fait voir à elle. Et comme elle lui demande de qui elle accouchera, il répond : De moi, et se nomme : Protée, dieu Égyptien[6]. Elle s'est docilement prêtée à ce mystère d'incarnation.

Ainsi, de par Philostrate, Apollonius est mystiquement son propre père, l'époux de sa mère, et son propre fils. Sa mère, comme celle de Barabbas semble n'avoir point connu d'homme cette fois-là ; rependant elle aura d'autres fils : six, n'en doutons pas[7]. Le chiffre sept est essentiellement pythagorique[8].

d. — La Jardinière

Comme Barabbas, Apollonius naît sous le Capricorne, Je 6 janvier sans aucun doute. Mais, à la différence de ce Juif né pour faire le mal aux goym, Apollonius est né pour faire le bien à tous.

La Tyanéenne accouche dans un jardin — à l'Orient évidemment, comme Marie dans le Coran. — C'est la Jardinière, elle aussi. Apollonius à peine né, l'air se fait plus doux et la terre donne des fleurs nouvelles. Le tonnerre tombe près de lui[9], et remonte au ciel sans le blesser, se contentant de le baptiser de feu.

e. — L'existence antérieure d'Apollonius, le pilote de l'Arche des dieux

Comme Barabbas, qui se dira plus ancien qu'Abraham, mais ne le prouvera pas, Apollonius avait vécu bien longtemps en Egypte, avant de naître à Tyane, et il le prouve.

Il a été dans le corps du Pilote égyptien. Il a été mieux qu'un Charpentier, comme Noé ; il a su conduire l'arche[10]. Celle qu'il monte ne connaîtra pas le naufrage qui attend l'arche de Barabbas ; c'est l'Arche Antinoé, celle où les dieux sont assis.

f. — Apollonius égal à Protée, et supérieur à Barabbas, dans l'art d'échapper sans avoir recours au camouflage

Comme sur mer, sur terre il ne redoute rien.

Quelle était la sagesse de Protée, il est inutile de la rappeler. 11 suffit d'avoir lu les poètes pour savoir combien il était habile à se changer, à se transformer, à échapper à qui le voulait prendre.

Cela nous promet un homme plus habile encore dans cet art que Barabbas, sorcier terriblement surfait et obligé de se déguiser pour agir. Aucun Saül ne lui mettra la main dessus, à Lydda : jusqu'entre les mains de ses ennemis, il sut se soustraire à des périls qui semblaient inévitables. Barabbas lui-même ne pourra l'envoûter jusqu'à mort définitive.

 

II. — LA MISSION D'APOLLONIUS.

a. — L'eau de Vérité contre celle du Baptême

L'eau douce, se portant au plus bas et au plus haut de sa température, salue la naissance d'Apollonius : une fontaine, glacée à sa source et néanmoins bouillante à l'émergence, sourd subitement et reste intarissable.

Elle a la propriété de faire connaître les menteurs et de les punir avec éclat, notamment de les rendre comme lépreux, aveugles et paralytiques.

C'est le contraire de l'Aïn-Karem de Gamala, le contraire surtout de la fontaine du Siloé lez-Jérusalem.

Il y a près de Tyane une source consacrée à Jupiter témoin des serments, et nommée Asbamée[11] : à l'endroit où elle jaillit, elle est glacée, mais fait entendre le bruit de l'eau bouillant dans une chaudière. L'eau de cette source est bonne et salutaire à ceux dont les serments sont sincères ; quant aux parjures, le châtiment les atteint aussitôt : ils sont frappés à la fois aux yeux, aux mains et aux pieds[12] ; ils sont pris d'hydropisie et de consomption[13] ; ils ne peuvent même pas s'enfuir, une force invincible les enchaîne près de cette source, et là ils confessent en pleurant leur fourberie.

Apollonius est le seul être au monde qui, le moment venu, pourrait se baptiser impunément dans l'eau d'Asèbamma.

Jamais cette eau, à la fois glace et feu, ne supporterait qu'un faux prophète comme Barabbas y vînt un jour plonger son corps ; il y serait et glacé et brûlé : la seule chose qu'il pourrait faire, c'est de pousser des cris de démoniaque en avouant ses crimes.

L'eau d'Asèbamma ne peut donc servir à baptiser : elle ne lave pas les crimes, elle tue les baptiseurs.

b. — Déclaration d'Apollonius sur sa véritable identité

Ainsi, loin de se dire dieu et fils de Dieu, loin de renoncer au nom de son père, Apollonius ne cesse de dire bien haut qu'il est fils d'homme, et homme simplement. Ce ne sera ni un Barabbas, ni un Péréghérinos, ni un Alexandre d'Abonotichos : c'est un honnête homme et religieux.

e. — Le grec, langue d'élection d'Apollonius

Loin de lui apprendre que l'hébreu est la langue de Dieu, ses parents le font instruire dans le grec attique. Enfin, loin d'être laid, de tournure basse et commune, comme Barabbas, il est beau comme le dieu dont il porte le nom. Envoyé à Tarse pour y étudier la rhétorique, il est remis aux mains d'un Phénicien, nommé Euthydème, qui pourra lui en dire long sur la Baal-zib boulé et l'Évangile du Royaume des Juifs, déjà prêché dans les synagogues de Cilicie. Et pour peu qu'il se lie avec le petit hérodien Saül, qui a fui jusqu'à Tarse les fureurs de Juda Panthora, il sera renseigné sur les desseins qu'on nourrit et les idées qu'on professe dans la charmante famille gamaléenne.

 De là il vient à Æges, autre ville de Cilicie, que Philostrate choisit, parce qu'en grec son nom évoque le Capricorne augustal. Il y passe sept années dans l'étude de la philosophie.

 d. — Pythagore, maître de philosophie d'Apollonius

 Après avoir comparé toutes les sectes et penché pour Épicure[14], il se décide pour Pythagore, ce qui est conforme au dessein de Philostrate sur son personnage. Car Pythagore a dit : Les deux plus beaux dons que l'homme, en naissant, reçoive du ciel, sont le privilège de dire la vérité, et le pouvoir de faire du bien à ses semblables.

 Pythagore a d'autres titres c'est un mathématicien qui n'a jamais versé dans l'astrologie judiciaire, comme l'abominable Juif dont Philostrate veut combattre le culte naissant.

e. — Pythagore et ses ancêtres pisciformes

Mais le grand secret des préférences d'Apollonius, c'est que, comme Barabbas, Pythagore disait avoir été avant de naître. Entre les différents êtres qu'il avait successivement incarnés était Pyrrhus le Pêcheur. Et devenu philosophe dans sa dernière métempsycose, il professait un tel respect pour les poissons que, trouvant des pêcheurs, il leur achetait leur prise et la tirait du filet pour la rejeter dans la mer[15], par manière de piété filiale, rendant ainsi ses pères à leur élément.

f. — Empédocle ΙΧΘΥΣ

Avec Pythagore, l'oracle d'Apollonius est Empédocle d'Agrigente, qui disait avoir été poisson, avant d'être androgyne, et androgyne avant de naître mâle, ce qui lui donne droit au cryptogramme Ιχθύς et à la qualité de fils de Dieu bien avant le Ioannès juif.

g. — Métempsycose réservée à Barabbas et à sa mère par Apollonius

Enfin, il est un point sur lequel Apollonius convient avec Pythagore Apôtre de la métempsycose, celui-ci professa qu'après la mort les âmes peuvent être envoyées dans d'autres corps, soit d'hommes supérieurs, si elles méritent cette promotion, soit de bêtes inférieures, si elles se sont exposées à cette régression. Et c'est sous cette dernière forme, celle du chien enragé et de l'âne, de la lionne cruelle et de la lamie (requin) vorace, qu'Apollonius rencontrera Barabbas et sa mère après leur mort Tel est le sort réservé à ceux qui, en leur vivant, appelaient bête et semence de bétail tout homme étranger aux douze tribus, et se considéraient comme devant être métamorphosés en dieux.

h. — Son idéal pour l'avenir de Tyane

Comme Barabbas, qui descendait de David, fondateur de la Jérusalem juive, Apollonius descend des fondateurs de Tyane. Mais loin de rêver la conversion de Tyane en Ville toute d'or, loin d'ambitionner la richesse et la puissance universelles, comme le cupide Barabbas, il renonce à ses biens propres, sitôt parvenu à l'âge de raison.

Si Pythagore voulait que ses disciples[16] renonçassent à la propriété, déposassent tous leurs biens à ses pieds et vécussent en commun, ce n'était pas pour les exploiter à son seul bénéfice, sous la promesse de leur livrer ensuite le trésor d'un temple, de les introduire dans une ville d'or et de pierreries, et de leur abandonner les dépouilles du monde entier. L'ambition d'Apollonius serait satisfaite si, par lui, Tyane devenait la capitale de l'honneur.

i. — Naziréat pythagorique d'Apollonius ses sept disciples

Comme le maître qu'il adopte, Apollonius fait serment de s'abstenir de chair, de poisson, de tout aliment ayant eu vie ou qui fût le produit d'un animal vivant. Il y a donc peu de chances pour qu'il accepte une tranche du Zib, si Barabbas lui en offre, ou qu'il participe à une Pâque piscale, s'il vit assez pour connaître cette institution. Sa seule boisson est l'eau, quoiqu'il ne condamne pas absolument le vin chez autrui. Ses vêtements sont de lin : point de peaux, ni de tissus de poil ou de laine. Partant point de chaussures en cuir ; il ira nu-pieds. Il ne suivra donc pas l'homme aux vêtements de poils, de chameau et à la ceinture en cuir si jamais il le rencontre au Jourdain. Il renonce d'avance à revêtir le manteau de pourpre du Roi des rois, car cette couleur provient du murex.

Il jure de laisser croître sa barbe et ses cheveux, sans jamais se permettre de les couper ; mais sa mère ne les lui tresse pas en sept nattes gluantes de parfums.

Il décide d'observer le célibat, non comme Barabbas, par un calcul intéressé, mais pour ne donner son temps et ses soins qu'à l'humanité toute entière. Il n'attend des dieux aucun salaire pour cette contention des sens : le bien qu'il veut faire dans ses voyages anti-évangéliques, le mal qu'il veut réprimer, ne lui laissent le temps de prendre ni un loisir ni un plaisir. Il est bientôt entouré de sept disciples, comme Jésus dans les Mahazeh et dans les Toledoth avant leur synoptisation. Il lui serait tout aussi facile d'en avoir douze, si Barabbas eût eu onze frères, ou bien de n'en avoir que six.

La maison où il aurait pu vivre philosophiquement, il la donne à son maître de pythagorisme, ce que Barabbas n'aurait jamais fait pour personne.

Loin de se cacher du monde, comme le Nazir, jusqu'au jour de sa manifestation, il s'y jette pour être en exemple à tous.

j. — Sa religion

Sa religion sera pure de ces hécatombes comme en font les Juifs, dont jamais aucun peuple n'a approché pour la fureur du sang répandu. Depuis l'âge de raison jusqu'à sa mort, si toutefois il meurt, Apollonius vivra publiquement dans les temples et il défendra leurs dieux, dont le moindre est supérieur à celui des Juifs.

 

III. — LES MIRACLES DU NOUVEL ESCULAPE.

Son premier hommage va droit au dieu de la médecine, le plus utile aux hommes, et dont la renommée de guérisseur semble mieux garantie que celle d'un Barabbas. Il s'établit dans le temple d'Esculape à Æges, il ne prétend à rien d'occulte, et pourtant les prêtres eux-mêmes avouent que le dieu lui révèle tous ses secrets.

Sur les routes de Cilicie, ce ne sont que gens de tout âge et de tout sexe se hâtant vers Apollonius, et en un temps où Barabbas n'était pas encore revenu d'Égypte avec ses recettes. Il guérit tous les malades guérissables et méritants, il chasse tous ceux qui viennent lui demander des cures impossibles ou imméritées. Il ne remet rien à la discrétion d'une kabbale grotesque, comme fait Jésus dans les Toledoth qu'on colportait en Cappadoce au temps de Philostrate.

Être sain d'esprit pour être sain de corps, voilà le principe. Un Barabbas est un malade inguérissable.

 

IV. — APOLLONIUS CONTRE LA SAINTE FAMILLE.

a. — Contre le futur baptiseur du Jourdain et la parabole de l'Économe remetteur de dettes

Il y a une catégorie de malades qu'Apollonius ne guérit pas.

Chaque jour croît le nombre de ceux qui viennent lui demander des grâces, d'autant plus injustes que les intéressa sont en même temps des menteurs ou n'avouent qu'à demi. Mais Apollonius n'a pas besoin de leur confession, il a bu de l'eau qui révèle et démasque, et il ne veut pas connaître l'eau qui remet. Se tournant vers le prêtre d'Esculape, il lui dit :

Est-il vrai que les Dieux soient justes ?Ils sont toute justice, répondit le prêtre. — Sont-ils prudents ?Peut-il y avoir une prudence supérieure à celle de la Divinité ?Connaissent-ils ou ignorent-ils les affaires des hommes ? Le principal avantage que les Dieux ont sur les hommes est que ceux-ci, vu la faiblesse de leur entendement, ne connaissent pas même ce qui les concerne, tandis que les Dieux connaissent et les choses divines et les choses humaines. — Bien dit et parfaitement vrai. Mais, ô prêtre, puisque les Dieux savent tout, il me semble qu'un homme qui aborde un sanctuaire avec une bonne conscience doit faire cette prière : Ô Dieux, donnez-moi ce qui m'est dû ! Or, si les hommes pieux ont droit à quelque bien, il n'est dû que du mal aux méchants. Et les Dieux ont raison, quand ils trouvent un homme sain et pur de crime, de le renvoyer couvert, non pas de couronnes d'or, mais de biens de toute espèce ; quand ils voient un homme tout flétri et tout gâté par le vice, de le livrer au châtiment, et d'appesantir d'autant plus sur lui leur colère, qu'il a fait preuve de plus d'audace en portant aux autels un cœur impur.

Puis se tournant vers Esculape : Ô Esculape, s'écria-t-il, je reconnais la sagesse profonde qui vous est propre, quand je vous vois défendre aux méchants de vous approcher, alors même qu'ils apporteraient ici tous les trésors de Sardes et de l'Inde ! Car, s'ils font ainsi des sacrifices et des offrandes, ce n'est pas pour honorer les Dieux, c'est pour se racheter des châtiments qui leur sont dus ; et votre suprême équité vous empêche de leur en faire grâce.

Apollonius était encore dans l'adolescence lorsqu'il tenait ces sages discours et d'autres semblables.

Mais comme il avait en lui du sang de Protée, il devinait qu'un abominable Juif s'arrogerait le droit de remettre les dettes de ses coreligionnaires envers leur Dieu, qu'il appellerait son Père. Il prévoyait qu'appliquant cette doctrine à ce scélérat lui-même, des rabbins oseraient lui remettre ses dettes propres et le présenter ensuite aux goym comme Sauveur. Et il savait, étant d'âge convenable, que certains Juifs, Siméon Cléopas et son frère Juda surnommé Panthora, aussi impies que ridicules, disaient avoir la puissance de convertir Peau en sang de la vie éternelle.

b. Apollonius pour les Hérodes contre la Sainte-famille

Tout en restant profondément grec, Apollonius prend toujours parti pour les Romains, quand leurs ennemis sont des corrompus ou des méchants, comme ceux qui suivirent Juda Panthora dans sa conspiration contre Archélaüs, l'ethnarque de Judée choisi par la Bête dont le nom est un nombre. Il y avait un passage capital sur le mouvement fomenté dans les synagogues de Cilicie, et sur un factieux à qui Apollonius prédit qu'il sera livré au bourreau avant trois jours. Ce factieux est maintenant le gouverneur lui-même, et il conspire contre les Romains avec un Archélaüs qui est roi tantôt de Macédoine, tantôt de Cappadoce. Mais il n'y a point de doute que l'Archélaüs cité par Philostrate, ne le fût à propos de sa déposition et du Recensement qui suivit. Le nom est resté après suppression de tout ce qui en justifiait l'emploi. Car il n'y avait point d'Archélaüs roi de Macédoine en ce temps-là, et il ne saurait être question d'Archélaüs de Cappadoce, qui ne conspira jamais contre les Romains au point de donner son nom à une conjuration, et qui mourut a Rome en 770, dix ans après le Recensement où fut tué Panthora. Après avoir changé tout le texte et retranché tout ce qui a été nécessaire, on fait certifier la substitution actuelle par Maxime d'Égées, écrivain auquel sa réputation d'éloquence a valu une charge de secrétaire de l'empereur. (Quel ?) Ce Maxime est un témoin supposé, nous en verrons bien d'autres,

c. — Mort d'Apollonius père, la même année que Juda père

Comme Barabbas à la mort de son père, Apollonius est âgé de vingt-trois ans, lorsqu'il perd le sien, ce qui nous donne 761. C'est pour effacer ce synchronisme que, dans le texte actuel, Apollonius n'a plus que vingt ans. D'Æges, où il est nourri dans le sentiment du devoir, il vole à Tyane pour ensevelir son père[17], ce qu'il fait de ses propres mains, car il est son fils premier-né[18], il ne se considère pas comme fils de Dieu, et il peut se permettre ce qui est défendu à Barabbas par un naziréat orgueilleux et impie.

 

V. — APOLLONIUS TUTEUR DE SES FRÈRES.

Loin d'encourager ses frères dans leurs mauvaises passions, il ramène l'un d'eux (son Jacob junior) à la sagesse et à la vertu, non point par des menaces terrifiantes et déraisonnables, comme les discours de Jésus dans les Toledoth, mais par des remontrances pleines d'adresse et de douceur. Jusque là ce frère[19] avait parfumé ses cheveux comme aurait fait une femme, et comme faisait la Gamaléenne de ceux de son fils le Nazir ; de ce jour, il se fait raser la tête, non par pénitence, comme les ouailles de Barabbas au Jourdain, mais pour s'humilier devant un frère qui illustre ses cheveux par sa sagesse.

 

VI. — L'APOCALYPSE MUETTE D'APOLLONIUS.

a. — Pour combattre l'Évangile, Apollonius garde le silence du mépris, mais donne des signes

Petit à petit Apollonius approche du temps où Barabbas commence à évangéliser. C'est le moment qu'il choisit pour adopter la règle pythagoricienne du silence.

A l'inverse de Barabbas, qui est le Verbe du Dieu des Juifs, et se ridiculise par l'Even-guilayon où s'étalent une ignorance et une présomption scandaleuses, Apollonius, qui a tant et de si bonnes choses à dire, va apprendre à se taire.

Il s'interdira l'usage de la parole pendant sept ans[20]. Et pendant cette période, contrairement à Barabbas qui promet des signes et est incapable d'en faire aucun, il ne s'exprimera que par signes, mais tellement clairs que tout le monde sur le moment pourra les comprendre.

Il fera même cesser par un signe, — mais quel signe ! — le mal que Barabbas est en train de faire par sa parole.

b. — La famine causée par les accapareurs de blé de la beth-léhem

Dans Aspendus, une ville de Pamphilie, dont le nom sent terriblement le gibet auquel fut exposé Panthora sur la place publique de Jérusalem, Apollonius, à propos d'une famine causée par des accapareurs de blé[21], fait tout rentrer dans l'ordre sans prononcer un seul mot.

Arrivé dans l'année qui précède la sabbatique et proto-jubilaire 788, il trouve tous les habitants en révolte contre l'édile chargé de l'Annone. De mystérieux individus ont accaparé tout le blé de l'année (parce qu'il leur est interdit de semer dans celle qui vient), et ils en exigent un tel prix que personne n'en peut avoir (pas même en se faisant circoncire). C'est la famine annoncée dans l'Even-guilayon. Les Aspendiens en ont rendu l'édile responsable, et ils ont voulu le mettre à mort ; il s'est réfugié dans un temple élevé à Tibère, il a saisi la corne de l'autel, et s'est mis sous la protection de la statue de l'empereur (la Bête dont le nom est Mystère). Les affamés sont accourus dans le temple pour y mettre le feu avec des torches et des tisons ; ils allaient arracher de l'autel le malheureux édile et le massacrer, lorsqu'Apollonius est arrivé, qui par signes a demandé au magistrat quelle était l'injustice dont il s'était rendu coupable.

Le pauvre homme proteste de son innocence : il souffre le même sort que ses administrés. Si on ne le laisse parler, il périra, et avec lui, le peuple tout entier.

Apollonius se tourne vers les affamés, il leur fait entendre par signes qu'avant de condamner l'édile il faut au moins l'écouter. On dépose paisiblement sur l'autel les torches qui allaient embraser le temple de Tibère, et on vient se ranger autour du magistrat. Celui-ci s'explique il est lui-même victime des entrepreneurs de famine, il les connaît et il les nomme — du moins il les nommait : ce sont les Juifs évangélisés, qui recommencent leurs exploits de 760 —. Immédiatement les Aspendiens reprennent leurs torches : au lieu de brûler le temple de Tibère et l'édile, ils parlent de courir à l'instant chez les accapareurs et de les brûler avec leurs maisons !

Nouveaux signes d'Apollonius : la mort des affameurs ne donnera point de blé, puisqu'on ignore où ile le cachent ; après leur avoir remontré leur inhumanité, il faut les traiter par la douceur et la persuasion. Mais c'est à grand'peine qu'Apollonius, réduit à ses seuls signes, réussit à faire prévaloir cet avis.

Ce ne sont que larmes et cris de rage ; les hommes, vieillards et enfants, lui demandent s'il veut réellement les voir mourir de faim.

c. — Le signe de mort pour les accapareurs, signe de salut pour les affamés

Il avait bien envie de rompre son vœu de silence pour forcer les affameurs à remettre les grains sur le marché, mais il préfère user d'un signe qu'il avait gardé pour la fin. Et il faut croire que ce signe le dispense de leur remémorer l'histoire de l'année sabbatique 760 et la punition des entrepreneurs de famine tels que Juda Panthora et son frère, car tout-à-coup, devant la statue même de Tibère[22], ils promettent de rapporter les grains.

Il avait suffi à Apollonius de leur montrer à l'horizon la croix patibulaire qui attend leur Maître et Seigneur au Guol-golta !

d. — La moisson de la terre n'est pas aux Juifs

La date de cette parabole, sa moralité aussi, est dans ce billet d'Apollonius aux véritables fauteurs de ces troubles, lesquels ne sont plus Juifs, puisque, pendant une vie qui durera cent-dix ans, Apollonius n'en rencontrera pas un seul :

La terre est notre mère, commune à tous (elle ne sera point moissonnée par Barabbas), et tous nous avons droit à être nourris par elle (Barabbas n'en serrera pas le grain dans sa grange). Quelle est donc votre injustice, à vous autres, de vous attribuer exclusivement ses bienfaits ? Changez de conduite avant la fin du jour, ou, peut-être ce soir même, ne vous offrira-t-elle plus qu'un tombeau.

C'est en effet tout ce qu'elle réservait à Barabbas, lorsque la croix mondiale, tatouée sur sa cuisse droite, se fut changée pour lui en croix patibulaire.

Aspendus renaît donc à la vie, et Apollonius reçoit le nom de Sauveur, que les synagogues évangélisées destinaient à Barabbas.

 

VII. — ENSEIGNEMENT, PREMIÈRE MORT, ET RÉSURRECTION D'APOLLONIUS.

a. — Apollonius pendant l'année des baptêmes à Antioche

Son vœu de mutisme étant à échéance, le Tyanéen vient à Antioche, où, cette année-là, il n'est question que du prochain avènement de Barabbas au trône du monde. A un homme qui s'appelle Apollonius Antioche se recommande par le temple de Daphné, consacré au culte d'Apollon. Selon sa coutume, le Tyanéen élit sa demeure dans le temple même, tout près de la fontaine Castalie, qui prédisait l'avenir par des mouvements d'eau analogues aux intermittences de la fontaine du Siloé lez-Jérusalem, et dans un sens qui n'avait rien de favorable au Royaume des Juifs[23]. C'est là, j'en ai la conviction, que le Tyanéen laissait son nom primitif pour prendre celui d'Apolloni-osir qu'il devait garder jusqu'à l'âge de cent-dix ans. De même que, cette année-là, Juda bar-Juda changea de nom pour s'appeler Barabbas, de même le Tyanéen veut s'appeler comme le dieu de la civilisation.

Pendant le séjour d'Apollonius, toutes les eaux qui coulent autour de la ville sont comme perturbées par une influence étrangère et maligne. La fontaine Castalie, oracle d'Apollon, se tait devant tant de sottises, et l'Oronte aux belles eaux, de grec et d'arcadien est devenu barbare. C'est le Tharthak, l'Ange à tête d'âne de l'Évangile, qui opère.

Néanmoins Apollonius ne désespère pas. Il tient pour tous école de sagesse et de bonté. Ses instructions ne sont pas d'un Maître ignare et méchant comme celles de Barabbas, que ses apôtres disent être le Messie dans les synagogues d'Antioche ; elles sont d'un père. On peut l'interroger, il répond à tous clairement, sans énigmes : le consulter, il parle à tous comme doit parler un législateur et un bienfaiteur du genre humain, qui n'a pour but que le bonheur des hommes ; mais qui, en leur dictant ce qu'ils ont à faire, doit le pratiquer lui-même avant eux, et donner lui-même l'exemple. Il ne convient donc pas, si l'on veut régenter la terre, de se faire condamner pour trahison, vol et assassinat, comme le fils de Dieu qui se lève au Jourdain.

Sa réputation se répand dans toute l'Asie mineure. On vient à lui, comme à l'Oracle de la vraie religion et de la vraie morale. Barabbas peut éructer ses blasphèmes, il ira aux enfers avant d'accaparer la lumière.

b. — Du baptême considéré comme bain froid

Afin de nous égarer dans la chronologie, le tripatouilleur de Philostrate a supprimé des épisodes entiers, dont on retrouve la trace mal à propos, et dont il résulte qu'avant de venir à Aspendus de Pamphylie et à Antioche de Syrie, Apollonius a séjourné chez les Ephésiens. C'est à Ephèse qu'il exprime pour la première fois son opinion sur les bains. Tout en condamnant le baptême, Apollonius approuve l'eau froide. Si Barabbas ne se fût placé qu'au seul point de vue de l'hygiène, Apollonius n'eût pas contesté l'utilité du baptême, et si on l'eût écouté, on eût fermé les étuves d'Ephèse. Celles d'Antioche l'ayant été pour cause de scandales, l'empereur, dit-il, vient de prolonger notre vie.

c. — Apollonius aux sources du Jourdain

Tel Barabbas, Apollonius ne fait aucun miracle, sinon que, pendant quatorze années, depuis celle des baptêmes jusqu'à celle de la crucifixion de Simon dit la Pierre et de Jacob senior, il trouve le moyen de parcourir la Syrie, la Palestine et l'Arabie, sans entendre parler de Barabbas et de son Évangile !

Tous les commentateurs ont senti qu'il y avait là quelque chose d'anormal.

Car, après Antioche, Apollonius allait dans les villes barbares, c'est-à-dire celles où on ne parlait pas grec, mais syriaque (araméen) et hébreu. Quelles étaient ces villes barbares ? Il serait d'autant plus intéressant de le savoir que, pour la première fois depuis qu'il est en voyage, nous voyons Apollonius se faire oindre, lorsqu'il juge avoir suffisamment instruit les populations, et se jeter ensuite dans l'eau froide, sans songer un seul instant à remettre les péchés de personne, faisant ainsi passer son chrisme avant son bain, contrairement à ce que fit Barabbas en cette même année. Car on ne peut douter que nous ne soyons en l'année proto-jubilaire 788. Et l'on ne peut douter non plus qu'Apollonius ne se transportât aux sources du Jourdain, où se dressait le temple d'Auguste, la Bête dont le nom de famille, Octave, était un nombre.

d. — Rencontre de Dagis (Dag-isch) le Ninivite

A un endroit que les falsificateurs de Philostrate ont déplacé, Apollonius faisait la connaissance d'un jeune homme venu tout exprès de Ninive, la ville du prophète Ionas. Ce jeune homme s'appelle Damis dans le texte actuel, mais il est certain qu'arrivant de la ville qui a le poisson pour emblème, il se nommait Dagis dans l'original. Philostrate avait formé le nom du mot dag, qui veut dire poisson en hébreu et en phénicien. N'oublions pas qu'il a donné pour maître de grammaire à son héros Euthydème de Phénicie, pays voué à Dagon, le Baal-Zib dont Barabbas escompte la boulé contre les goym.

Dans le texte actuel, c'est à Ninive même qu'Apollonius trouve Dagis. Or nous avons la preuve matérielle, et dans ce texte même, que la rencontre des deux personnages a eu lieu non seulement avant Ninive, qui est sur le Tigre, mais avant Zeugma, qui est sur l'Euphrate. Si le lieu de la rencontre n'est plus indiqué, les circonstances ne le sont pas davantage. Car, à côté des suppressions et des adultérations qui se sentent, il y a les coupures qui se voient.

Dans le texte actuel, Apollonius et Dagis traversent la Mésopotamie pour aller de Ninive à Babylone.

Or, c'est pour aller de l'Euphrate à Ninive qu'on traverse la Mésopotamie. Il faut donc qu'Apollonius ait fait la rencontre de Dagis avant d'arriver à Zeugma. Et en effet Dagis dit qu'ils ont passé par les tribus Arabes et qu'Apollonius apprit leur langue. Par conséquent, Philostrate les faisait se rencontrer avant leur entrée en Arabie, et c'est une grande injustice de lui imputer les erreurs de géographie que commettent les tripatouilleurs ecclésiastiques[24].

Voyant sa chevelure vierge, Dagis vient à Apollonius comme un Juif au Nazir, il s'offre à lui servir de guide jusqu'à Babylone, déclarant pouvoir parler toutes les langues de Chaldée. et des pays voisins.

Apollonius répond qu'il les parle toutes, lui aussi, sans les avoir apprises[25], et qu'il sait un art plus difficile : celui de lire dans le cœur de l'homme, jusqu'à ses plus secrètes pensées. Il n'a donc besoin de personne, et peut éclairer tout le monde.

C'est soit au Jourdain, soit à Jérusalem, soit à Gamala même, que Dagis s'attachait à lui pour la vie et devenait son historiographe.

e. — Les Reliefs de la table ou Paroles d'Apollonius

Sans être acquis à l'Évangile du Royaume des Juifs, — il l'abhorre, — Dagis a conservé sa foi dans la kabbale assyrienne et perse, c'est-à-dire anti-grecque et anti-latine. Apollonius ne cherche pas à la lui enlever d'un seul coup, il attend les occasions d'interpréter les signes autrement que ne fait un Ninivite, descendant de Ionas.

Dagis est pour son Maître ce qu'est Philippe pour Barabbas : chaque jour il écrit tout ce que fait et tout ce que dit Apollonius. Et il intitule ce journal Les Reliefs (les Restes de la table.)

C'est sans doute qu'en quelque temple de Judée Apollonius tenait table ouverte, en réplique aux repas que la Reine-mère des voleurs donnait dans Képhar-aïn. Ce temple ne peut guère être que celui d'Auguste à Césarée Panéas, cette Césarée dont il est question si souvent dans les Toledoth, à propos des lieux où, selon toute vraisemblance, Barabbas s'est proclamé Roi des rois.

Il est certain qu'Apollonius faisait un long séjour à Césarée[26].

f. — Apollonius contre les Paroles du Rabbi, leur vide moral et leur tour énigmatique : (Le Cherchez et vous trouverez)

Les lecteurs du Mensonge chrétien savent que les Paroles du Marân ou Rabbi sont le livre où Philippe avait consigné les Discours (loghia) de son frère sur les choses de ce monde et de l'autre, et que le Juif Papias, évêque d'Hiérapolis de Phrygie, en a fourni des Explications, qui sont en partie passées dans les Toledoth canoniques.

Philippe était entré dans des détails si bas et si oiseux, (et pourtant combien précieux, si on les avait !) qu'il se voyait comparé par Philostrate à un de ces petits chiens qui, les yeux fixés obstinément sur leur maître, ramassent avec avidité la moindre miette tombée de sa table. Pour avoir suivi cet exemple, et observé la même posture vis à vis d'Apollonius, Dagis entend quelqu'un lui faire le même reproche. Mais la différence est grande entre les Paroles du Rabbi et celles d'un Apollonius ! Que, dans les Toledoth, le Seigneur Jésus, renouvelant sans doute un geste brutal de Barabbas, refuse de secourir la Syro-phénicienne, par la raison qu'il ne faut pas donner aux chiens le pain de la maison de David (la beth léhem), cette femme ne perd rien, le pain en question ne vaut pas mieux que la maison d'où il vient ! Mais il n'en est pas de même de celui qui tombe de la table d'Apollonius.

Aussi Dagis répond-il à son critique malavisé : Mais si ce Maître était un dieu, si de ce banquet il ne tombait que des parcelles d'ambroisie, le chien serait-il donc punissable de les ramasser toutes ? Non certes, et c'est Philippe l'Évangéliste qui est le chien aux miettes sans valeur ni saveur.

Apollonius condamnait la forme à la fois subtile et niaise des Paroles du Rabbi : questions mal posées, objections d'un entourage de compères, réponses ambiguës du Maître, et surtout cette prétention au mystère, qui s'affiche encore aujourd'hui dans le Cherchez et vous trouverez des Toledoth.

Jamais on ne le vit user d'ironie, ni discuter avec les disciples. Mais lorsqu'il parlait, c'était comme un prêtre du haut du trépied ; il disait sans cesse : Je sais. Il me semble. Que faites-vous ? Il faut savoir... Ses sentences étaient brèves et solides comme le diamant, ses expressions étaient d'une grande propriété et parfaitement appropriées aux choses, tout ce qu'il disait avait autant de retentissement que les édits du prince. Un de ces hommes qui disputent sur des riens lui demanda un jour pourquoi il ne cherchait pas : J'ai cherché dans ma jeunesse, répondit Apollonius ; maintenant il n'est plus temps pour moi de chercher, mais d 'dire ce que j'ai trouvé.

Quand on dit avoir trouvé, qu'on est le bar de l'Abba, et qu'on revient sur la terre, sous les espèces de Jésus, on ne fait pas chercher les autres !

g. — Apollonius tué pour avoir annoncé la crucifixion de Barabbas, assassin d'Ananias et de Zaphira

Il ne faut jamais oublier qu'Apollonius est né Protée, et que nul ne surpasse Protée dans la connaissance de l'avenir. Au lendemain du sacre de Barabbas, Apollonius annonçait à tous qu'au lieu de régner mille ans, cet orgueilleux serait, avant cinquante jours, puni par l'instrument de mort, la croix, dont l'homme-dieu grec avait montré le signe aux affamés d'Aspendus. Et d'ailleurs il n'avait pas besoin d'être Protée pour cela.

Il suffisait de connaître la loi : Barabbas avait assassiné.

h. — Première mort et résurrection publique d'Apollonius

Philostrate n'a pu opposer Apollonius à Barabbas qu'à la condition de le faire mourir quelque part une première fois, et de le ressusciter publiquement. Qui lui faisait connaître la première mort P L'auteur de cette belle théorie, Barabbas lui-même, déjà meurtrier d'Ananias et de Zaphira et condamné pour cet assassinat.

Est-ce à dire qu'il y eût une scène où Barabbas, de sa propre main, frappait Apollonius ? Non, car t'eût été un faux de Philostrate. Ce n'est pas pour avoir tué un grec que Barabbas fut condamné par le sanhédrin, c'est pour avoir tué un Juif, un baptiseur rival, et sa femme, et pour les avoir dépouillés. Or Apollonius ne baptise pas, n'a pas d'argent, et n'est pas marié. De plus, ne pouvant mentir, il ne chargera pas Barabbas d'un crime inconnu de ses juges. Mais les disciples de Barabbas n'ont pas tué que des Juifs réfractaires à l'Évangile, ils ont tué des goym parlant grec et parlant latin.

Apollonius était parmi les victimes.

Il faut donc supposer que Barabbas l'avait envoûté sous la figure de quelque bête et fait assassiner comme tant d'autres[27].

Mais Apollonius ressuscitait, et à la vue de tous, selon l'illustre exemple de Juda Panthora et de son frère dans l'Apocalypse de l'Even-guilayon.

Pendant soixante ans Dagis ne quittera pas Apollonius, et la raison de cet attachement, dit-il, c'est qu'Apollonius est ressuscité. Ce que confirme Apollonius lui-même, disant à Dagis : Je suis ressuscité, comme tu le crois. Et une autre fois, à Ephèse, parlant à la statue de Domitien : Tu aurais beau me tuer, cela ne servirait à rien, je ressusciterais ! Par conséquent, comme Barabbas dans l'Apocalypse de Pathmos, il pouvait dire : J'ai été mort, et comme Jésus dans le Mahazeh de Cérinthe : J'ai vaincu la mort.

 

VIII. — L'IMPRENABLE BARABBAS.

a. — Le mensonge de la mère : Barabbas échappé à Saül dès Lydda

Ce mensonge de la mère avait produit sur le moment un tel effet que, cinq siècles après, les Arabes y ajoutaient foi comme à une vérité incontestable. Et ils l'ont légué à Mahomet.

Les Arabes devaient à Barabbas leur victoire sur les Gaulois d'Hérode Antipas, ils n'avaient pour lui que de l'admiration et de la reconnaissance.

Rentrés dans leurs tribus après la guerre contre Hérode Antipas, ils avaient répété ce qu'ils avaient entendu dire autour d'eux dans les districts transjordaniques : Barabbas, couvert de la protection divine, avait échappé aux soldats de Saül ; il vivait en Asie, caché : sa mère, ses frères, des disciples l'y avaient vu.

Cette croyance est celle du Coran, où Barabbas est connu sous le nom d'Ischa.

Les Juifs ont trouvé en lui un homme plus malin qu'eux :

Les Juifs furent perfides envers Ischa. Dieu trompa leur perfidie, il est plus puissant que les fourbes[28]. Dieu est donc intervenu ce jour-là, entre les Juifs et leur Prophète ? Certes ! Ils disent : Nous avons tué le messie, fils de Marie, l'Envoyé de Dieu. Mais non, ils ne l'ont point tué, ils ne l'ont point crucifié[29].

Dès Lydda, où ont été arrêtés quelques-uns de ses compagnons, Barabbas a échappé ! Dieu, qui sait tout, l'affirme dans l'assemblée des prophètes, où est Mahomet, le plus grand de tous : Je détournai de toi (Ischa) les mains des Juifs[30].

Ce n'est donc pas le fils de Marie qui est sur la croix dans les Toledoth, mais un corps fantastique. Ceux, dit le Coran, qui disputent à ce sujet, le font sur des apparences, la vérité ne les éclaire point. On n'a pas fait mourir Ischa ![31]

Qui donc est sur la croix, puisque Barabbas a échappé ?

Un Iehoudda, répondent les Musulmans dans d'autres écrits, mais le Iehoudda qui joue le rôle de traître dans les Évangiles... Ils se trompent sur ce dernier point ; mais malgré tout, malgré Mahomet lui-même, qui n'a pas donné le nom de circoncision d'Ischa, ce nom a franchi l'espace et le temps : c'est un Iehoudda qui a été crucifié par les Romains.

Voilà ce que les Musulmans postérieurs à Mahomet ont appris de Flavius Josèphe et des rabbins du Talmud.

Sur le vrai fils de Marie Mahomet suit entièrement la version de la Gamaléenne. Il ne croit qu'en elle : le vrai fils de Marie a longtemps survécu à sa mère, qui est allée au ciel avant lui :

Elle était juste (au sens de la thora) ; ils vivaient et mangeaient ensemble. Nous leur donnons des preuves (aux barabbalâtres), et ensuite ils se livrent au mensonge. Dis-leur : Adorerez-vous une idole impuissante (Barabbas sur sa croix), qui ne saurait ni vous nuire, ni vous protéger, tandis que Dieu sait et entend tout ?[32]

Le Coran insiste sur l'âge  auquel Ischa serait parvenu, il aurait enseigné jusqu'au dernières limites de la vieillesse[33] : allusion manifeste à la survie que le Ioannès aurait eue en Asie. On sait que, d'après cette version, il atteint jusqu'à cent-vingt ans. Ischa en atteste Dieu : Lorsque la mort est venue par ton ordre (et nullement par celui de Pilatus) trancher le fil de mes jours, tu m'as assisté. Tu es le témoin universel[34].

Certes Ischa est mort, comme tous les hommes depuis Adam, mais ce n'est pas au Guol-golta, la veille de la pâque !

C'est bien plus tard que Dieu l'a fait mourir, d'une mort naturelle, et non ce jour-là d'un supplice infâme : Dieu dit à Ischa : Je t'enverrai la mort. Je t'élèverai à moi, tu seras séparé des infidèles (Juifs). Ceux qui t'ont suivi (depuis l'Année des Baptêmes jusqu'à Bar-kochev) seront élevés au-dessus d'eux, jusqu'au jour du Jugement. Vous reparaîtrez tous devant mon tribunal, et je jugerai vos différends[35]. Et Ischa sera bien traité, car il est mort paisible et chargé d'années, après une vie toute de bienfaisance et de vertus. Loin d'avoir été l'objet d'une résurrection postpascale en 789, il ne ressuscitera qu'avec les autres : La paix (le Salem) me fut donnée, dit-il, au jour de ma naissance ; elle accompagnera ma mort et ma résurrection. Ainsi parla Ischa, le vrai fils de Marie, sujet des divisions d'un grand nombre. Dieu ne saurait avoir un fils[36].

b. Apollonius ressuscité va poursuivre Barabbas errant, sous la forme d'une bête, à travers le monde

Au temps de Philostrate, les rabbins évangélistes, revenant sur la version de la famille, disent que le Dieu des Juifs a ressuscité un meurtrier sous le prétexte que ce scélérat descend de David et de Bethsabée, c'est bien le moins qu'un dieu comme Esculape, prenant les devants, (il a bien cent ans d'avance sur le Père juif !), ressuscite un honnête goy comme Apollonius, qui descend de Philémon et de Baucis. Apollonius lui-même est né Protée, il peut donc revêtir la forme qu'il veut (celle d'Ananias, par exemple), apparaître ressuscité à Barabbas encore vivant, et lui faire connaître à son tour la première mort, dans le cas où il aurait échappé dès Lydda. De toutes façons, c'est un mort grec ressuscité, qui va se lancer à la poursuite du mort juif dont sa mère dit qu'il a éludé le châtiment.

 

 

 



[1] Cf. Le Mensonge chrétien, pet. édit. p. 89.

[2] Si l'Église n'avait fait que forger des témoignages, il n'y aurait que demi-mal, car les suppositions d'écrits ne nous trompent plus.

Mais elle a traité de telle sorte le texte de Philostrate, que les critiques modernes en sont encore à se poser la question de savoir si, dans son ouvrage, le philosophe e entendu viser les barabbalâtres.

Parmi ceux qui se sont prononcés pour l'affirmative, citons M. Aubé (Histoire des persécutions) :

Nous venons ici, dit-il, à un problème difficile et très délicat, et qui tient de fort près à la question du caractère et du but de l'ouvrage de Philostrate, le problème des rapports, s'il y en a, entre la Vie d'Apollonius de Tyane et la question chrétienne. S'il y en a ? cela ne fait nul doute pour nous. Le nom des chrétiens n'est pas écrit une seule fois dans les huit livres de Philostrate.

Mais, à défaut du nom, la chose s'y trouve. Le christianisme remplit ce livre. Il est toujours présent à l'esprit de l'auteur. La pensée du fondateur de l'Église chrétienne et de ses premiers apôtres, le souvenir des actes et des paroles que la tradition écrite leur attribue, est éclatant dans nombre de pages. Le fait même de n'avoir pas prononcé une seule fois le nom des chrétiens est absolument inexplicable, s'il n'est voulu.

Ce silence de parti pris crie très haut, et un mot de Tacite revient ici et s'impose au souvenir : Prœfulgebant quod non visebantur. Philostrate non seulement connaissait les chrétiens, très connus partout, mais il avait lu leurs écrits, son esprit en était imbu, quand il compose son ouvrage. Cet ouvrage même, nous l'avons montré, porte la visible marque des nombreux emprunts qu'il y a faits librement.

Il y a longtemps que la critique a été frappée des analogies qui se trouvent entre la Vie d'Apollonius et les Écritures chrétiennes, longtemps qu'on a vu dans le livre de Philostrate une contrefaçon, une copie, quelques-uns disent une parodie, une caricature des scènes Évangéliques, et qu'on a prêté à l'auteur du livre, ou à l'impératrice Julia Domna, qui l'inspira, le dessein d'opposer Apollonius au Christ, pour confirmer Caracalla et tous les autres païens dans la fidélité au paganisme.

Autant en a pensé, sous une forme plus enveloppée, M. Christian Baur, le savant exégète de Tubingue :

Philostrate, dit-il, écrivait à une époque où le christianisme était déjà tellement répandu, qu'il ne pouvait guère y avoir d'auteur grec ou romain qui ne fût au courant de cette religion. Philostrate surtout devait en être instruit, lui, un écrivain si érudit, et qui de plus, au moment de la composition de son livre, vivait à la cour impériale. Le silence obstiné qu'il garde sur le Christ et le christianisme doit donc paraître volontaire. Ce silence n'eût été incompréhensible que dans le cas où le livre aurait une tendance manifestement hostile à la doctrine chrétienne. Or une pareille tendance, nous ne sommes ni forcés ni autorisés à la lui attribuer. On peut admettre aussi bien que l'auteur n'avait en vue qu'un simple parallèle. Pour traiter son sujet d'une manière objective, il évitait toute mention du christianisme ; bien que la pensée lui en fût présente dans tout l'ouvrage ; il ne s'agissait que d'essayer de former avec les éléments fournis par le monde païen un personnage idéal de la même espèce que celui que les chrétiens croyaient devoir adorer en Jésus-Christ. Plus le sujet était traité objectivement, moins il pouvait manquer son but. Tout souvenir de l'intention qui l'avait dicté, toute polémique ouvertement exprimée, eût troublé l'impression de l'ensemble, et eût donné à l'ouvrage l'air d'un pastiche : au contraire, l'auteur, en se donnant l'apparence d'ignorer l'existence du christianisme, laisse parler les faits eux-mêmes, et semble nous donner une production tout à fait indépendante.

[3] Je rappelle que, dans les Toledoth canoniques, Juda junior, frère cognominal de Juda bar-Juda dit Barabbas, est appelé Toâmin (Didumos en grec), dont on a fait Thomas. C'est un peu pour cela que l'Église a supprimé tout ce qui, dans Philostrate, expliquait le choix de Tyane comme ville natale d'Apollonius.

[4] Les Huttes ou Tabernacles, dont Barabbas faisait si grand état dans sa Kabbale et dans les prophéties qu'il s'appliquait, offrent une analogie évidente avec l'humble cabane de Philémon.

[5] Métamorphoses, l. VIII, 730, 731.

[6] Un Évangile de l'Enfance, que l'Église a répandu en Arabie, débute ainsi :

On trouve dans un livre du grand-prêtre Joseph, qui vécut au temps du Christ (quelques-uns disent qu'il s'agit de Caïphe), qu'à peine au berceau, Jésus parla et dit à sa Marie : Je suis Jésus, fils de Dieu, ce Verbe que tu as engendré, comme te l'a annoncé l'ange Gabriel, et mon Père m'a envoyé pour le salut du monde. (Fabricius, Codex apocryphus Novi Testamenti, Hambourg, 1719, p. 169).

[7] Apollonius est le premier-né, comme Barabbas.

Le tripatouilleur ecclésiastique de Philostrate prend bien soin de dire qu'il était le cadet.

[8] Apollonius n'a plus qu'un frère dans le texte actuel ; mais, par une lettre qu'on lui prête, on voit que Philostrate lui en avait donné plus d'un.

[9] Il a eu uniquement pour but de prouver qu'Apollonius est un bar ner regesch (fils du tonnerre), comme disait Barabbas de sa précieuse personne et de celle de ses frères. Cf. Le Mensonge chrétien, pet. édit. p. 60.

[10] On a effacé tout ce qui avait trait à cette existence antérieure, dont on ne retrouve l'affirmation que dans deux passages du texte actuel, (III, 23-24, VI, 21).

[11] Il serait intéressant de savoir le nom exact que Philostrate donnait à cette source, car le sens en dépend. Ne serait-ce point Asèbamma ? (Dégoût de l'auto-baptisé juif qui se fera baptiseur).

[12] C'est exactement le contraire de ce qui arrive à la fontaine du Siloé-lez-Jérusalem :

Il y a à Jérusalem une piscine probatique, appelée en hébreu Bethsaïda et ayant cinq portiques, sous lesquels gisait une grande multitude de malades, d'aveugles, de boiteux, de paralytiques, attendant le mouvement des eaux. Car un ange du Seigneur descendait en un certain temps dans la piscine, et l'eau s'agitait. Et celui qui le premier descendait dans la piscine, après le mouvement de l'eau, était guéri de quelque maladie qu'il fût affligé. Cf. Cérinthe, (sous le nom actuel de S. Jean), v. 2-4.

[13] L'hydropique des Toledoth canoniques, en l'espèce le père de Barabbas, et l'homme à la main sèche, en l'espèce Barabbas, y conserveraient toutes leurs infirmités. Cf. Le Mensonge chrétien, pet. édit. pp. 359, 363.

[14] A cause du livre de Celse Contre les Magiciens.

[15] Plutarque, Symposion, l. VIII, question 8.

[16] Entre lesquels fut Archytas de Tarente, l'inventeur de la colombe qui volait ; Philostrate cite son Traité sur l'éducation des enfants.

[17] Auprès de sa mère dit le texte actuel. On peut être sûr au contraire que, dans l'original il ne la perdait pas avant 802, date de la mort de la Gamaléenne.

[18] C'est pourquoi dans le texte actuel il n'est plus que le cadet.

[19] Présenté aujourd'hui comme étant son aîné.

[20] Il y a cinq, mais on peut être sûr qu'il y avait sept.

[21] On verra dans notre ouvrage sur Constantin le châtiment formidable infligé par les Egyptiens aux Juifs d'Alexandrie, qui essayèrent d'organiser de la même façon la famine en 788.

[22] Grave manquement à l'Évangile, mais ils ne sont pas sous l'œil du Rabbi.

Le tripatouilleur ecclésiastique s'est trouvé en face d'un texte où Philostrate parlait de gens qui, sur l'ordre de Panthora et de ses fils, s'abstenaient de manier ou simplement même de regarder une pièce de monnaie à l'effigie de la Bête. Il a trouvé dans son érudition le moyen de détourner l'esprit du lecteur sur une espèce tout à fait opposée.

Tibère était, dit-il, un prince sous lequel on condamna, comme criminel de lèse-majesté, un homme, pour avoir frappé un de ses esclaves qui avait sur lui une drachme à l'effigie de Tibère. La question, telle que l'avaient posée les ordonnances de Barabbas, était abordée ailleurs par Philostrate, et résolue dans le sens antiévangélique. Mais, là encore, le texte est adultéré.

[23] Cf. l'Apocalypse d'Hadrien Antinoos, p. 57.

[24] Philostrate n'est pas meilleur géographe que chronologiste, dit l'abbé Du Pin. (Vie d'Apollonius convaincue de fausseté).

Il fait partir Apollonius d'Antioche et le fait aller d'abord à Ninive ; de Ninive il le fait aller en Mésopotamie qu'il lui avait fallu traverser tout entière pour venir à Ninive, soit qu'il fût venu par l'Arabie en faisant un grand circuit, comme Philostrate a l'air de le supposer, soit qu'il fût venu droit d'Antioche par le chemin le plus court.

[25] Il est bien plus fort que ce Jésus dont le Mahazeh de Cérinthe dit avec une admiration ridicule : Comment celui-ci sait-il les Écritures (juives), qui ne les a point apprises ?

[26] Dans les Lettres qu'on a mises au compte d'Apollonius il y en a une adressée Aux magistrats de Césarée. Elle a été fabriquée pour donner le change sur les circonstances et les conditions du séjour d'Apollonius dans la ville, et même sur l'identité de le ville, car le faussaire a voulu parler de Césarée Maritima, résidence de Pilatus.

Mais, comme il arrive souvent à ce genre de faux, celui-ci reconnaît implicitement le fait qui a été supprimé dans la Vie d'Apollonius :

Les hommes, pour toute chose et par-dessus toute chose, ont d'abord besoin des hommes, dit le pseudo-Apollonius ; puis ils ont besoin des cités. Car, après les Dieux, ce sont les cités qu'il faut honorer, ce sont les avantages des cités qu'un homme sensé doit préférer à toute chose. S'il s'agit non pas de telle ou telle cité, mais de la plus considérable de la Palestine, de la plus florissante de toutes celles de ce pays par le nombre des habitants, par les lois, par les institutions, par les exploits de la guerre, par les travaux de la paix, comme est votre cité, il n'y en a pas une qui doive inspirer plus d'admiration et de respect, et à moi et à tout homme sensé. Voilà, du consentement général, quels sont les motifs de préférence, si le consentement général est quelque chose dans ce qui est le jugement. Qu' si votre cité est la première à honorer un homme, quand elle est cité et quand cet homme est pour elle un étranger venu d'un pays lointain, que pourra lui donner en retour cet homme ? et quel présent sera digne de leur mutuelle affection ? Je n'en connais qu'un : c'est que, se trouvant l'ami des Dieux par une sorte de privilège de sa nature, il leur demande pour la ville toute sorte de biens, et que ses prières soient exaucées.

C'est ce que, quant à moi, je ne cesserai de faire pour vous : car j'aime les mœurs grecques, qui par le moyen de l'écriture communiquent à tous les avantages d'un seul. Apollonide, fils d'Aphrodisè, est un jeune homme d'une nature vigoureuse et tout à fait digne du titre de citoyen de Césarée : je m'efforcerai de faire qu'il vous devienne utile en toute chose, pourvu que la Fortune ne me soit pas contraire. (Vie d'Apollonius, p. 399 de l'édition Chassang.).

[27] C'était évidemment la chose la plus grave de toute la Vie d'Apollonius. Qu'ont fait les falsificateurs ecclésiastiques ? Ce que nous les avons vu faire mille fois, cc qu'ils sont condamnés à faire partout. Ils ont commencé par supprimer sur ce point Philostrate, ils ont remplacé la première mort d'Apollonius par une tentative d'assassinat ourdie contre lui par un goy, et, la transportant à Corinthe une vingtaine d'années plus tard, ils ont fabriqué deux lettres sur ce sujet.

La première est adressée A Euphrate ; c'est cet Euphrate qui a envoyé l'assassin : Praxitèle de Chalcis est un fou furieux ; on l'a vu, armé d'une épée, à ma porte, à Corinthe, avec un de vos disciples. Pourquoi vouliez-vous me faire assassiner ?

Ai-je jamais dérobé vos bœufs ?... Ne sommes-nous pas séparés par beaucoup de montagnes couvertes d'arbres, et par la mer retentissante ? (C'est une citation d'Homère).

Quelle distance n'y a-t-il pas entre votre philosophie et la mienne !

La seconde est adressée à Bassus le Corinthien ; c'est ce Bassus qui remplace Euphrate dans la conception et la préméditation du crime :

Praxitèle de Chalcis est un fou furieux : il est venu armé d'une épée pour m'assassiner. C'est vous qui l'aviez envoyé, vous qui vous dites philosophe et agonothète aux jeux Isthmiques. Pour le pousser au meurtre, vous aviez promis de lui livrer votre femme, et cela, misérable, quand je vous ai rendu tant de services ! Sur ce Bassus, voir IV, IV, § g.

Ce qui frappe dans ces deux faux, c'est le nom de modeleur, de sculpteur, qu'on donne à l'assassin. De plus, il est de Chalcis, dont le roi, un Hérode, fut le protecteur du temple de Jérusalem après Hérode Antipas, et l'hôte de Saül (aujourd'hui Saint-Paul !) après l'échec de celui-ci à Damas.

[28] Le Coran, III, 48 ; IV, 156 ; V, 109-111.

[29] Le Coran, III, 48 ; IV, 156 ; V, 109-111.

[30] Le Coran, III, 48 ; IV, 156 ; V, 109-111.

[31] De même dans le Taarich : Dieu n'a pas permis qu'on crucifiât son Envoyé : Les Juifs se sont efforcés de le tuer, mais il a été enlevé au ciel.

[32] Le Coran, V, 79-80 ; V, 109 ; V, 117 ; III, 49 ; XIX (Marie).

[33] Le Coran, V, 79-80 ; V, 109 ; V, 117 ; III, 49 ; XIX (Marie).

[34] Le Coran, V, 79-80 ; V, 109 ; V, 117 ; III, 49 ; XIX (Marie).

[35] Le Coran, V, 79-80 ; V, 109 ; V, 117 ; III, 49 ; XIX (Marie).

[36] Le Coran, V, 79-80 ; V, 109 ; V, 117 ; III, 49 ; XIX (Marie).