LE MENSONGE CHRÉTIEN - (JÉSUS-CHRIST N'A PAS EXISTÉ)

 

TOME XI — LE JUIF DE RAPPORT

VI. — L'IMMORTELLE VÉRITÉ.

 

 

I. — Le culte de ce Juif hors du milieu juif n'était pas seulement honteux par ses actes et scandaleux par origines, il ne ressortissait pas uniquement au code d'instruction criminelle, derrière lui tout le judaïsme entrait comme un corps étranger dans la civilisation le christianisme donnait à l'argent un sens religieux que les païens lui avaient toujours refusé.

Après la découverte et la destruction du corps de Bar-Abbas en Samarie, Julien mort, il y eut un moment, un quart, une moitié de siècle pendant lequel les principaux chefs de l'Église, succédanés d'Athanase, les Basile et les deux Grégoire en Asie, les Jérôme et les Ambroise à Milan, surent à n'en pouvoir douter qu'ils mentaient à Dieu et à eux-mêmes, et qu'ils propageaient une imposture sacrilège autour de laquelle les hommes devaient s'entre-tuer pendant des siècles. Il s'agit rouler Dieu à son nez et à sa barbe, de lui raconter que sous un pseudonyme et avec de faux papiers, Bar-Abbas est son fils unique. C'est un vieux propre à rien, un vieux gâteux qui n'y verra goutte. Quant aux dupes, on leur montrera que Bar-Abbas a été mis hors de cause, quoique coupable, tandis que les soldats de Pontius Pilatus, entraînés par les Juifs déicides, ont attaché Jésus à la croix, quoique innocent. Et ce sera l'image de la justice civile. C'est sur ce bel exemple qu'on jugera le droit romain.

La période des Pères de l'Église s'ouvre avec la mort de Julien, elle est hors de mon plan. Il en est un cependant que je veux vous présenter, c'est Augustin. Par celui-là vous connaîtrez tous les autres.  

Augustin avait été élevé à l'école des Manichéens, Chaldéens d'origine, et qui, tirant de l'astronomie appliquée aux choses du monde toute leur instruction et presque toute leur rhétorique, n'étaient point hommes-il tomber dans le piège juif avec ses ressorts faits pour prendre la grosse bête occidentale, peu habituée aux spéculations séméiologiques. Des thèmes comme ceux de la Nativité, de la Multiplication des pains et de la Passion n'étaient point pour tromper ces calculateurs-de périodes et ces pronostiqueurs d'éclipses à jour et heure dits. Les mesures de temps employées par les évangélistes dans leurs rébus venaient de Chaldée par l'Apocalypse, ainsi que le jeu des solstices, des équinoxes et des éclipses dont il est fait état dans ce trompe goym. Manès, dans ses écrits, prenait les. Paroles du Marân pour ce qu'elles sont : un plagiat sans vergogne et sans intelligence.

Nous laissons de côté Augustin converti, évêque et docteur. Il est un de ceux qui ont le plus fait pour consolider le mensonge ecclésiastique et nous faire avaler Bar-Abbas.

Nous parlons de l'Augustin qui avait vécu jusqu'à l'âge de trente ans au milieu des Manichéens de Carthage. Il connaissait le fond de la mystification, et les jehouddolâtres d'Afrique ou d'Italie ne trouvaient rien à lui opposer qui attestât l'existence de Jésus. Il est clair que si la phrase de Josèphe eût existé depuis plus de trois siècles, il ne se serait pas trouvé un seul homme instruit pour nier un fait prouvé par l'histoire juive. Il n'y aurait même pas eu discussion. En une seconde l'évêque le moins lettré, le plus obscur, renversait toute hérésie localisée en ce point. Dans les livres qu'il écrivit, jeune, sur le Beau et le Convenable, Augustin ne supposait même pas Jésus. Et certes Hiérius de Syrie, orateur romain, à qui il lès avait dédiés, ne le supposait pas davantage. Car, en dépit de tout, cette vérité ne s'effaça jamais que le crucifié de Pilatus était un de ces magiciens comme on ce voyait dans les grandes villes d'Asie et d'Égypte, lin individu dans le genre de Péréghérinos, mais inférieur en instruction et supérieur en méchanceté. C'était une tradition générale parmi les païens que ce fameux Jésus avait écrit des livres de kabbale où l'absurde le disputait à l'odieux. Ne pouvant le nier, — il les avait vus ! — Augustin s'est borné à dire que Jésus les avait adressée à Pierre et à Paul, ses successeurs[1]. Or cet Augustin savait parfaitement et que Jésus n'avait pas eu chair et que, loin d'être successeur de Bar-Abbas, Saül n'avait jamais cessé d'être le persécuteur de Pierre. Il savait parfaitement qui était sur la croie pendant la Cène.

C'était l'opinion des Manichéens que lés Apôtres juifs étaient loin de posséder le Saint-Esprit, et que les premiers écrits à consulter sur leurs doctrines étaient ceux du Marân, ceux de Philippe, de Toâmin, de Mathias, et de quelques autres de même farine apocalyptique. Et telle était aussi l'opinion de celui qu'on appelle aujourd'hui saint-Augustin, avant que, sous l'empire d'un violent mal de dents, il ne crût à la venue en chair de Jésus. Longtemps, pendant tout le temps qu'il a eu de l'honneur et de la santé, Augustin s'est élevé avec opiniâtreté contre les Écritures. Avec tous les Manichéens les meilleurs interprètes qu'ait jamais eus l'Évangile du Royaume des Juifs, il tenait que Jésus était une théophanie descendue des espaces célestes, et que par conséquent il n'avait pu prendre chair dans les entrailles d'une femme[2], cette femme fût-elle vierge par' miracle en même temps que mère. En un mot il Interprétait la Nativité comme Luc la propose, et comme tout le monde l'expliquait autour de lui, considérant Jésus non certes comme le propre fils de Salomé, — il était renseigné ! — mais comme une émanation directe du corps le plus lumineux de la Création[3]. Pour savoir ce qu'était Jésus pour Augustin, il ne reste plus qu'à nommer astronomiquement le corps le plus lumineux de la Création. Et les entrailles de la Gamaléenne, même à les supposer vierges, n'étaient point de nature à porter un fardeau dont la chaleur est évaluée à plus de trois mille degrés.

Lorsque Augustin vint en Italie, il était accompagné de son ami Alype, antijuif comme lui, et ennemi de Jésus au point qu'il ne pouvait voir son nom dans un livre sans se fâcher ! De Carthage il avait apporté les croyances manichéennes à Rome, où il vivait avec les élus de cette secte, qu'il dit aujourd'hui être composée de fourbes et de dupes. Toutefois ces fourbes et ces dupes avaient ceci de méritoire, qu'ils professaient publiquement toute la vérité sur le Nouveau Testament. Ils tenaient que les Écritures avaient été fabriquées dans le but de river la Loi juive à la foi christienne[4], ce qui est l'évidence même, et la raison qui les a inspirées. Si donc ils erraient quant à la nature des choses divines, — encore en étaient-ils plus près que tous les théologiens du christianisme, — ils avaient merveilleusement saisi l'intention des Évangélistes et le caractère que ceux-ci avaient donné à leur travail lorsqu'ils avaient senti la circoncision menacée par la dispersion des Juifs à travers les nations. Augustin leur prête l'opinion diamétralement opposée. Il leur fait dire qu'ils tenaient ces écritures-là pour falsifiées et que leur regret était de ne point posséder d'exemplaires par e ils pussent établir cette corruption originelle[5]. Or non seulement ils possédaient tous les Évangiles, tant nouveaux qu'anciens, mais encore les Paroles de Marân, d'après lesquelles on avait fabriqué la mystification jésu-christienne. Mais en dépit des textes nouveaux, ils en possédaient encore assez d'anciens pour qu'Augustin ne pût se résoudre à admettre que la Nativité de Joannès eût la propriété de conférer un corps à Jésus.

 

II. — A la vérité, lorsque s'ouvrit le cinquième siècle, Jésus ne se ressemblait plus, il n'avait plus de juif que la circoncision à l'âge de huit jours, car de versions grecques en versions latines, de corrections alexandrines en corrections romaines, l'Évangile était devenu une manière de livre anti-judaïque autour de on pouvait discuter éternellement avec une somme égale d'arguments contradictoires. Déjà paré des dépouilles de la morale païenne, Jésus avait l'air d'un dieu égaré parmi les Juifs, comme si en venant il s'était trompé de peuple ! Les Manichéens qui, forts de leurs documents, se croyaient imbattables, et qui, de l'aveu d'Augustin, l'avaient été jusque-là, trouvaient devant eux à Carthage tel rhéteur audacieux qui, Évangile en main, leur tenait tête sinon victorieusement, du moins avec assez de force apparente pour les embarrasser en Publie. Un passage en ruinait complètement un autre ; et devant certains lambeaux d'histoire conservés dans la fable, il n'était pas possible de nier qu'à défaut de Jésus quelqu'un ne fût venu et n'eût péri sur la croix. La décapitation de Joannès faisait disparaître plus que sa tête, le corps tout entier, et on aboutissait à une crucifixion qui, n'étant plus ni la sienne ni celle de Bar-Abbas, ne pouvait plus être que celle de Jésus. Parfois décontenancés en public, les Manichéens cessaient de hêtre en particulier, et ils n'avaient pas de peine à Prouver que le Nouveau Testament tout entier était art faux établi par je ne sais qui, dit Augustin. Il ne lui plaît pas de nommer les aigrefins à qui sont dus les Évangiles, les Actes et les Lettres apostoliques, mais les Manichéens les connaissaient peut-être.

A l'aide des Écritures qu'ils possédaient ils distinguaient quatre phases dans la genèse du christianisme. Bar-Abbas n'a pas été crucifié avec les autres, 1 a échappé, c'est Simon de Cyrène qui a été pris pour lui et crucifié, voilà la première phase : elle a duré aussi longtemps qu'il a été permis de soutenir qu'il Pouvait être encore envie, étant donné son âge en 789. °n a pu le prolonger ainsi jusqu'à cent vingt ans[6]. C'était même peu pour un homme qui devait en vivre mille.

En aucun cas, Bar-Abbas eût-il été dieu et se fût-il sacrifié, son sang ne pouvait racheter les immonde goym que nous sommes. La chute de Jérusalem était une punition du ciel. La tactique des christiens fol d'en rejeter la responsabilité sur les Juifs de Jérusalem et de les représenter comme ayant empêché Bar-Abbas d'accomplir sa destinée. Ils s'étaient servis comme agneau paschal de celui qui devait les transfigurer sous les Ânes. Voilà la seconde phase de la jehouddolâtrie, elle a duré plus d'un siècle pendant lequel les Juifs, effrayés des conséquences de leur acte, ont essayé de se racheter par le sacrifice de leurs premiers-nés et par les offrandes sémino-menstruelles que nous avons rapportées.

C'est pour y mettre terme que Jésus prend le parti posthume de dire qu'il s'est sacrifié volontairement. S'il en est ainsi, il est clair qu'on n'a plus à racheter sa conduite envers lui. D'où l'Eucharistie dans laquelle il rédime les douze tribus. Voilà la troisième phase.

Les Juifs, désormais plus tranquilles sur leur sort, s'emparent de l'allégorie, font article de commerce le pardon qu'ils ont obtenu, ils le vendent aux goym leur racontant que le christ a souffert également pour eux et qu'il leur pardonne tous leurs péchés sans les connaître. Voilà la quatrième et dernière phase : Mais c'était un criminel, disent quelques-uns ? — Devant les dieux païens peut-être, mais devant le nôtre non. La preuve, c'est qu'il l'a ressuscité. — Il l'a ressuscité ?Parfaitement. La preuve, c'est que son corps n'a pas été retrouvé.

Il n'y avait plus qu'à chercher des prophéties annonçant qu'il devait mourir. Il n'y en avait pas, et pourtant il en fallait au moins une. On finit par la dénicher dans le second Isaïe, parlant du premier.

Le second Isaïe avait dit du premier ; Qui a cru a ce que nous avons entendu ?[7] Et à qui le bras du Seigneur a-t-il été révélé ?[8] Il (Isaïe) s'élèvera comme un rameau devant lui[9] ; il sera méprisé des hommes ; il souffrira et s'accoutumera aux afflictions[10]. Il a pris véritablement nos langueurs sur lui, il a souffert nos douleurs, et c'est pour nos péchés qu'il a été inquiété[11]. S'il donne sa vie pour expier ses péchés, il verra sa semence (ses enfants)[12] ; ses jours seront prolongés[13], et la volonté du Seigneur prospérera entre ses mains[14].

Quand on eut inventé Jésus et relâché Bar-Abbas, que resta-t-il des péchés de celui-ci sur la croix ? Rie du tout. Dieu lui ayant pardonné au point de le ressusciter et de le faire asseoir à sa droite, qu'est-ce que les hommes avaient à réclamer ? Répondez, si vous pouvez.

Telles sont les transformations qu'avait subies au cours du temps le mensonge intéressé de la famille du prétendant ; et les Écritures que possédaient les Manichéens les reflétaient comme en un miroir.

Même après cinq ou six réfections partielles, avec suppressions et additions, l'Église n'a jamais pu éliminer Bar-Abbas de la fantasmagorie évangélique. Sans lui rien ne tient, il n'y a plus personne sur la croix. Jamais on n'a pu faire que les Évangiles parussent une œuvre honnête et raisonnable, c'est là un fait au-dessus de toute discussion, reconnu par Celse au nom des païens, par Faustus au nom des Manichéens, par Jérôme au nom des jehouddolâtres eux-mêmes. Au siècle de Jérôme il y avait autant de versions évangéliques et de copies, chacun y ajoutant ou y retranchant selon la nature des difficultés auxquelles il fallait répondre. Même après le truc de la décollation du Joannès, même après celui de à garde constituée par Pilatus au Guol-golta pour empêcher Bar-Abbas d'en sortir la nuit, l'Évangile avait encore l'air d'un livre d'ivrogne qui ne sait ce qu'il dit ou dit n'importe quoi[15].

Ayant falsifié l'Ancien Testament, Jérôme était tout naturellement désigné pour falsifier ce qu'on appelait le Nouveau. Il se mit à l'œuvre avec la même ardeur que devant. Il y avait déjà des versions latines de l'Évangile qui s'écartaient sensiblement du texte grec, lequel pour les faits et les idées ne s'écartait pas foins du texte araméen, dont il ne restait en quelque sorte plus rien, les scribes grecs ayant obtempéré aux corrections de Valentin et aux objections de Marcion. À la demande de Damase, pape[16], Jérôme entreprit le renouvellement complet à la fois des versions grecques et des latines :

Vous m'obligez, dit-il, de faire un nouvel ouvrage d'un ancien, d'arbitrer entre les versions et, comme elles sont différentes, de décider quelles sont celles qui accordent avec la vérité grecque[17]. C'est un travail religieux, mais une entreprise dangereuse... car quel est le savant ou l'ignorant qui, prenant entre ses mains Inc. volume des Écritures (déjà refaites), et voyant combien elles diffèrent de ses préventions[18], ne s'écrie aussitôt que je suis un faussaire et un sacrilège assez hardi pour faire des additions, des changements et des corrections dans les livres anciens ! Deux choses me consolent de cette envie : la première, c'est que vous, qui êtes le souverain pontife, me le commandez ; la seconds, c'est que, de l'aveu des plus médisants, là où il y e variété, il y a nécessairement fausseté. — Un peu plus ou un peu moins, ce n'est pas une affaire, au point où on en est. — S'ils disent qu'il faut ajouter foi aux exemplaires latins, qu'ils me répondent auxquels ! Car il y a presque autant d'exemplaires différents que de manuscrits ; et puisqu'il faut choisir entre tant de versions, pourquoi ne pas remonter à la source grecque[19] pour corriger les fautes qui viennent soit de la mauvaise traduction des interprètes, soit des corrections mal faites par des critiques malhabiles, soit des additions et des changements qu'a produits la négligence des copistes. Je ne parle pas ici de l'Ancien Testament, mais du Nouveau, qui sans doute est grec, à l'exception de l'Évangile de saint-Matthieu, qui a le premier publié son Évangile dans la Judée, écrit en lettres hébraïques[20]. Le Nouveau Testament, dis-je, étant plein de variétés dan' les traductions latines, qui sont comme autant de ruisseaux, il faut avoir recours à la source unique[21]. Je passe sous silence les exemplaires qui portent le nom de Lucien et d'Hésychius (que quelques-uns défendent avec une obstination condamnable), parce qu'il ne leur a pas été permis de corriger l'Ancien Testament après les Septante et qu'ils n'ont pas réussi dans les corrections qu'ils ont apportées au Nouveau[22]. Les versions qui ont été faites du Nouveau en plusieurs langues, avant leur correction, prouvent que ce qu'ils ont ajouté est faux[23]. Je promets donc dans cette préface les Quatre évangiles corrigés sur des exemplaires grecs, mais anciens, avec lesquels je les ai conférés. Mais de peur que le latin du Nouveau Testament ne différât trop de l'ordinaire, nous avons gardé un tempérament qui est de ne corriger que les choses qui changeaient le sens et de laisser le reste dans le même état que devant... Il faut avouer qu'il y a beaucoup de confusion dans nos exemplaires des Évangiles, parce que nos interprètes ont souvent ajouté dans l'un ce qu'un évangéliste avait dit de plus dans un autre, comme ils ont souvent corrigé les expressions de l'un sur celles de l'autre, ce qui est cause de cette confusion et fait que l'on trouve dans Saint Marc plusieurs endroits de saint Luc et de saint Matthieu, et dans saint Matthieu plusieurs endroits de saint Jean, et ainsi des autres[24].

Bref, après avoir fait disparaître autant qu'il était en son pouvoir la version naziréenne des Évangiles, la seule qui offrit quelque garantie, et éliminé peu à Peu les Évangiles en usage chez les Juifs hellènes, l'Église y a substitué un texte de sa façon en grec quelle a traduit en latin et présenté comme répondant a l'œuvre des quatre Évangélistes de son invention.

 

III. — C'est très peu d'années après ce travail, déjà Précédé de la mise en tableaux des Évangiles par le prodigieux Athanase, qu'Augustin vint en Italie. Avant sa conversion, il se riait de ces écrits, où il ne voyait que fantasmagorie, niant que Jésus fût réellement venu. Et avec Augustin majeur nous atteignons la fin du IVe siècle ! C'est le revenu de l'évêché d'Hippone qui lui a donné la foi. Avant qu'il ne sourit au Juif de rapport, il croyait que Jésus n'avait point eu de corps et même qu'il avait été dans une large mesure souillé par son séjour dans le ventre de Marie. Une première maladie, au milieu des Manichéens de Rome, ne put triompher de ses résistances. La peur de la mort ne fut pas telle qu'il eût trouvé décent d'adorer un Juif condamné par ses coreligionnaires pour crimes publics. Si grande était, au contraire, sa démence, qu'il allait jusqu'à se moquer du baptême, remède dont connaissait la triste origine !

Personne autour d'Augustin, parmi ceux qui partageaient les idées générales des christiens sur la fin du monde, personne ne voulait accepter Bar Abbas pour juge des vivants et des morts, parce que, stylé par Photin, évêque de Sirmium, qui avait expliqué le mythe évangélique d'après les éclaircissements de Celse et de Julien[25], personne ne croyait à Jésus en chair Augustin cite Vérécundus, chrestien irréprochable, qui il ne manque qu'une chose pour être sauvé : croire à l'existence de Jésus. Exemple : il a offert sa maison de campagne à Augustin malade, pour s'y soigner tout le temps qu'il lui plairait, c'est d'une bonne âme, et d'ailleurs Vérécundus est un homme excellent ; mais il ne veut être justifié qu'à une condition où on ne peut point l'être : il refuse de croire à l'existence de Jésus. Nébride a, lui aussi, toutes sortes de qualités chrestiennes, mais il est comme Vérécundus, il est tombé dans le piège de cette erreur pernicieuse qui lui faisait croire que la chair du Fils unique n'était qu'un fantôme ![26] Cependant Nébride, qu'on a fini par baptiser pendant une maladie, est mort jehouddolâtre en Afrique, et il est dans le sein d'Abraham, quoiqu'à la vérité Augustin confesse que ni Nébride, ni lui, n'ont su ce qu'il fallait entendre par là. Quant à Vérécundus, il est mort, lui aussi, jehouddolâtre : on a profité de ce qu'il était malade Pour le baptiser, il a dit adieu à Photin en même temps qu'à l'honneur et peut-être à la raison.

C'est Ambroise de Milan qui fit Augustin jehouddolâtre. A la place de la certitude qu'avait Augustin, Ambroise glissa le doute intéressé. Ce qui était mensonger pour le manichéen ne parut plus qu'incertain an professeur de rhétorique en quête d'une situation. Augustin cherchait des élèves, Ambroise en fournissait ; 14anès était mort, Ambroise vivait comme un roi. Si les Manichéens n'étaient que des calomniateurs ? Que manquait-il à Ambroise pour être le type de l'homme heureux ? Une femme. Les dignités, les richesses, une femme, voilà ce que cherchait Augustin[27]. Jésus pouvait lui donner tout cela au centuple. On ne lui demandait que d'y croire. Après tout, ne croyait-il pas à un tas d. 'affaires qu'il n'avait jamais vues, à d'autres auxquelles il n'avait point été présent lorsqu'elles s'étaient passées, e des événements qu'il n'avait lus que dans les livres, à des lieux, à des villes où il n'avait jamais été, à des choses qu'il avait simplement entendu dire par ses amis les médecins ? Il se tenait indubitablement pour le fils de Patrice et de Monique, uniquement parce qu'on le lui avait dit. Mais l'avait-il vu ? Non. Alors pourquoi blâmer ceux qui croyaient à Jésus ? Ambroise, évêque jehouddolâtre de Milan, n'était-il pas aussi riche, aussi puissant, plus riche même, plus puissant que Faustus, évêque manichéen de Cartilage ? Sans doute Ambroise était obligé de lire tout bas les passages difficiles des Écritures, pour éviter les objections auxquelles il n'et pu répondre ; mais puisque cette méthode lui réussissait, pourquoi ne réussirait-elle pas à Augustin ? Et voici déjà que les absurdités des livres ecclésiastiques ne lui semblent plus absurdes[28], mais au contraire substantielles et lucratives.

Simplicianus, maître d'Ambroise, avait été frappé par l'édit de Julien contre les rhéteurs qui se permettaient de mêler la jehouddolâtrie à leur enseignement[29] Que faut-il lire, après l'Évangile et les Psaumes ? demande Augustin. C'est-à-dire : Quoi faire maintenant que l'identité charnelle de Jésus, de Joannès le baptiseur et de Bar-Abbas, roi des voleurs, est matériellement prouvée ?Lire Isaïe, répond Ambroise. — C'est, pense Augustin, parce que de tous les prophètes Isaïe est celui qui annonce le plus clairement l'Évangile et la vocation des Gentils. — Augustin, c'est une justice à lui rendre, ne comprit rien à Isaïe, n'y vit rien de ce qu'on lui annonçait. Il n'était pas encore baptisé. Quand il le fut, il comprit un peu mieux. Il avait avec lui son fils, un enfant de quinze ans qu'il se proposait sans doute d'abandonner comme il en avait abandonné la mère, car il voulait se pousser dans le monde par un beau mariage.

Ce qui lui manquait pour comprendre tout à fait, c'est la lecture de Paul, l'initiation financière au Juif de rapport. Aussitôt que, Paul lu, il entrevit le moyen de jouer un rôle dans la comédie, il déclara que le crucifié n'était point ce Bar-Abbas dont le corps avait été retrouvé et incinéré en Samarie, mais l'ineffable Jésus. Si Jésus n'a point existé, dit-il, s'il n'a point effacé sur la croix le péché d'Adam, vous n'êtes point saures, vous mourez tous en Adam ; Jésus crucifié, vous vivez tous en lui. La condition ? Une seule, croire qu'il a été homme. Ainsi, dit Augustin, comment aurait-il pu me racheter sur la croix, moi qui me le représentais comme une simple fantasmagorie ? Autant était fausse pour moi sa mort en chair, autant était vraie la mort de mon âme, car je ne croyais pas qu'il fut mort corporellement[30]. Et comment aurait-il pu croire une chose pareille ? Outre les Manichéens, il avait lu tous les Gnostiques ! Il convient, en effet, qu'il a vu le Jésus spirituel, le Verbe non incarné, dans les écrits qu'il nomme platoniciens pour n'avoir point à citer les Valentiniens, les Marcionites et tant d'autres. Dans tous ces écrits Jésus n'est qu'un mythe sans aucun rapport avec le crucifié de Pilatus, ou il est dirigé contre ce scélérat. Savez-vous comment se défend Augustin ?

S'il eût lu les Évangiles avant les Gnostiques, peut-être ceux-ci lui eussent-ils enlevé toute possibilité de croire à l'existence de Jésus. Mais il n'a lu les Évangiles qu'après, et comme il s'en félicite ! C'est ainsi, et ainsi seulement, qu'il a pu comprendre le sens des paroles : le Verbe s'est fait chair ! Car lorsqu'il eut vu que ce Verbe, pendant son séjour dans le monde, avait mangé, bu, dormi, marché, conversant avec les hommes, se réjouissant, s'attristant avec eux, ce jour-là il n'a pu se ranger à l'opinion de ceux qui, comme les Apollinaristes et les Photiniens, nient son existence en chair. Car ce ne sont pas là les actions d'un fantôme, et si ces actions avaient été faussement rapportées, toutes les autres choses qu'on a écrites de lui seraient entachées de mensonge[31].

Moralité : sous le prétexte qu'Augustin a lu les Évangiles après la Sagesse de Valentin, les Antithèses de Marcion, les Révélations de Philumène, d'Apellès, les écrits de Photin et d'Apollinaris, il est' ; de toute nécessité que Jésus ait eu chair et que le crucifié ne soit plus Bar-Abbas. Mais ces livres, Augustin n'ose même pas avouer qu'il les a lus dans le grec ! Il ne les connaît que par la traduction latine de Victorinus, rhéteur à Rome. D'ailleurs, pour montrer à quel point il avait été abusé par ces impertinents, Victorinus s'est ensuite converti à la jehouddolâtrie pure, quoiqu'il et' sa statue dans le Forum. C'est du moins ce qu'on a dit de lui à Augustin.

Si les Confessions sont authentiques[32], il n'y a que l'auteur des Lettres de Paul pour lutter d'imposture avec Augustin. Car ce qui engendre sa foi, c'est précisément ce qui est de nature à la faire avorter, c'est toute l'œuvre gnostique qui, rapprochée du silence de l'histoire, démontre surabondamment l'inexistence de Jésus. En tout cas, au temps d'Augustin[33], il n'y avait pas encore une seule ligne sur Jésus dans Josèphe. Sans quoi l'Église l'aurait montrée à tout venant. Manichéens, Platoniciens, Valentiniens, Gnostiques, Marcionites, Ariens, Photiniens, Apollinaristes, tous eussent été confondus à la face du ciel.

Augustin a préféré croire que Jésus avait existé. Et Pour cela il a préféré croire, avec les évangélistes, que les Juifs étaient le premier-né d'entre les peuples, ce qui n'est vrai d'aucune façon. Le supposer de bonne foi est impossible, car en ce cas il serait tombé dans tous les pièges qui lui avaient été signalés par les Manichéens et qu'il signalait lui-même avant d'être évêque. Ce qui l'a déterminé, c'est l'Écriture dans laquelle il y a le faux le plus lucratif, la mise en valeur de Bar-Abbas, le côté des Lettres de Paul qui permet de battre monnaie avec le sacrifice imaginaire du christ ! Du jour où il a saisi la spéculation fondée sur le Juif de rapport, c'est pour lui chose sacrée que l'Évangile. Oser médire de ce petit livre dont on tire des évêchés qui sont des royaumes ! Augustin se sent tout à coup une haine violente contre ceux qui dénoncent ce livre divin. Oh ! s'écrie-t-il, Seigneur, que j'aimerais vous voir les frapper de votre épée à deux tranchants !

De franc ambitieux qu'il était, Augustin devient intrigant hypocrite et stérile. En même temps, de tolérant qu'il était, il devient inique, exclusif et méchant. Hier il pensait comme Manès. Le voilà maintenant qui pense en Juif, il est jaloux du Dieu des Juifs. Iahvé devient tout à coup son dieu, et ses ennemis sont les siens. Cet amour des Juifs n'est pas dû à ce sentiment de justice qui nous porte à vouloir que tous les peuples retrouvent leur patrie, quand elle leur a été ravie par la violence. Cela, Julien l'aurait fait, s'il n'était pas tombé, vaincu, dit l'Église, par le Galiléen. Ce que l'Église défend en eux, c'est le privilège qu'elle tient d'eux, c'est la recette venant d'eux, c'est le Juif de rapport promu dieu en raison de ce rapport même. Augustin dénonce les Manichéens, avec lesquels il avait vécu pendant douze ans, et affile contre eux des prières perfides. Seuls les écrits juifs sont divins, divins les Psaumes, fils de Dieu les patriarches juifs, malgré leurs incestes et leurs crimes. Il n'est de vertu que dans les Écritures juives. Jamais les Juifs en leurs rêves les plus audacieux n'ont rêvé tyrannie aussi illimitée. Ce qu'aucun roi, aucun héros juif n'avait pu réaliser pleinement dans un rayon de cinquante lieues autour de Jérusalem l'Église d'Augustin en prépare le triomphe dans tout l'univers connu. Que Bar-Abbas commande, et seul, sous le nom de Jésus ! Au monastère les jeunes gens ! Au couvent les filles ! Sur la terre rien que des fruits secs ! Le type de l'homme de Dieu, c'est l'ermite Antoine au désert d'Égypte. Sous le prétexte qu'il est évêque, ce misérable Augustin ose traiter d'autres hommes et ses précepteurs mêmes d'hérétiques et de païens !

 

IV. — Un des nôtres, Rutilius, gallo-romain de Toulouse, qui fut gouverneur de Rome, préfet du palais sous Théodose et poète à ses heures, voit avec effroi la lèpre de la superstition judaïque s'étendre lentement sur l'Italie. Cette nation juive, c'est la racine de la folie, la radix stultitiæ[34] qui envahit le monde, la mauvaise herbe qui pousse entre les dalles des voies romaines et qui les disjoint.

L'île du Tibre avec son pont aux Juifs regorge d'hommes barricadés contre la lumière, exilés crédules qui se complaisent dans de honteuses ténèbres. Déjà les plus beaux sites leur appartiennent dans les Provinces. Plût à Dieu, s'écrie Rutilius, que jamais la Judée n'ait été soumise par Pompée et par Titus ! L'abcès ouvert n'en infecte que plus largement, et la nation vaincue met le pied sur ses vainqueurs ![35]

Pourquoi Bar-Abbas a-t-il battu, sabaoté tous les dieux ? C'est parce qu'avant même de prêcher il était Populaire dans les colonies juives répandues partout. Mettre son succès au compte de Douze êtres fantastiques dont nul n'a jamais vu les traits diaphanes, c'est une puérilité, une explication pour petits enfants. Ce qu'il faut dire, ce qui fait tout comprendre, naturellement et scientifiquement, c'est que les Douze représentants des Douze tribus d'Israël étaient arrivés avant que Bar-Abbas eût pris la peine de naître, et c'est ce qui les a dispensés de partir. Cinquante Romains à Pompéï, cent Gaulois à Phocée, deux cents Espagnols dans la ville d'où Pilatus était parti pour gouverner la Judée, trois cents Germains dans Colonia Agrippinæ, seraient ressuscités publiquement et le même jour, que jamais ils n'eussent pu se faire croire de leurs compatriotes ! Ce n'est point parce qu'il est ressuscité que Bar-Abbas a enfoncé Dieu, c'est parce qu'il est Juif. Qu'est-ce que les Évangiles ? Les Juifs disant aux goym : C'est un des nôtres qui vous a sauvés. Sans nous, où en seriez-vous ?

Néanmoins, sans l'envahissement graduel des provinces romaines par les Barbares, la jehouddolâtrie n'aurait pas prévalu. Mais l'homme, déjà malade, fut troublé par la chute de ces fortes masses qui semblaient indestructibles et qui au premier choc tombaient en poussière. Devant l'agonie de l'Empire on fit des réflexions. La vie n'était point dans les puissances géantes que fait le monde. Où pouvait être le salut ? Dans la vertu ? Non, la vertu ne mourait pas moins que le vice, souvent même avant lui. Dans les dieux ? Maie ils étaient par terre. Dans le Dieu unique ? La philosophie l'avait cherché, trouvé. On ne demandait qu'à voir un homme qui se vantât de l'avoir vu, et Bar-Abbas était celui-là. C'était un coquin ? Sans doute. On intima donc à Jésus l'ordre d'avoir vécu, d'avoir été mieux que dieu, homme. On le fuma comme de l'opium, on le-but comme de l'alcool, on le mangea comme du haschisch ; et on se crut sauvé.

L'idée du Dieu Sauveur rendait tous les Dieux inutiles : elle suivit celle de la fin du monde dans ses pie-grès, car l'une n'allait point sans l'autre. A travers les exagérations répandues plus tard dans la littérature christienne des Tertullien, des Cyprien, des Arnobe, des Lactance, la vérité se fait jour : partout les Dieux d'Occident s'enfuyaient par les lézardes des temples, et les peuples les laissaient partir. Le Christianisme, c'est l'effort vers la justice nié, les Barbares acceptés d'avance, l'inutilité de la civilisation proclamée, la vanité de la science et de l'art publiée, la médecine elle-même abandonnée. On s'en remet à Bar-Abbas du soin de tout jusqu'à ce qu'il revienne : Faut-il s'étonner, s'écrie Porphyre[36], si Rome est affligée de la peste depuis tant d'années, puisqu'Esculape et les autres Dieux en sont bannis ! Dès que Jésus est adoré impunément, nous n'avons plus de secours à attendre des Immortels !

Il ne faut pas croire que l'annonce du royaume des cieux fût une bonne nouvelle, un doux Évangile. Les hommes n'ont point changé : ceux d'alors tenaient énormément à la terre, et l'idée qu'ils allaient finir avec elle était un épouvantail. Prêcher la fin du monde, c'était proprement bâtir sur le chantage. Le Jour d'Iahvé était un jour de colère, d'autant plus redouté qu'il était le dernier. La bonne nouvelle, celle qu'on a appelée de son nom grec : Évangile, ce fut d'apprendre que Dieu commettait pour juger à sa place un être qu'on pourrait apprivoiser, comme depuis on apprivoisa les juges avec des épices. Ce fut un grand soulagement d'apprendre que Dieu ne s'occuperait pas lui-même du jugement, et qu'il enverrait pour remettre les peines quelqu'un qu'on pouvait acheter. On respira tout à fait quand on sut que ce juge serait un ancien juif, mort mécontent de ses compatriotes, et porté à l'indulgence pour les peuples qui étaient restés étrangers à son supplice.

Nous sommes loin de cette explosion de lumière, qui aurait tout à coup embrasé l'horizon et répandu sur le terre comme les chauds rayons d'une aurore nouvelle] Ce n'est point par une sorte d'illumination intérieure que le christianisme s'est insinué dans les mœurs. Toutes ses conquêtes sont dues à la force. Religion de nie et de ruines, l'épée et le feu lui ont frayé le passage. Elle ne progressa que complice des derniers despotes romains, vrais souverains d'Asie, vrais mangeurs de chair humaine, quand elle entra dans la police impériale et dit à Théodose en lui montrant le peuple : Partageons ! Lorsque les Wisigoths d'Alaric franchirent les Thermopyles, ce fut aussi facilement que s'ils traversaient un stade ou une plaine ouverte à la course des chevaux[37]. Les hommes vêtus de robes sombres, les moines portés par le flot de l'invasion, livrèrent les portes de la Grèce. Les Wisigoths passèrent, eux restèrent, ne les ayant même pas filtrés !

Les pauvres chrestiens disparurent complètement, chassés, persécutés, foulés, volés, incendiés, assassinés par les christiens de tout poil ; ils perdirent jusqu'à leur nom, et, destinée horrible, l'Église s'en est emparée pour le donner à leurs bourreaux ! Quant au véritable nom du christ, c'est Ignorance, non pas seulement de l'astronomie, — cela ne serait rien, mais des devoirs de la société envers elle-même. Il est le grain de sable qui se croit tout le désert, la nébuleuse qui se croit tout le ciel, le Juif qui se croit toua l'humanité.

 

V. — Le lecteur nous rendra cette justice que ne n'avons récusé aucun témoin à cause de sa race, de ses sentiments ou de ses opinions. Nous l'avons entendu d'où qu'il vint et quoi qu'il pensât. Il a déposé comme il a voulu, et nous ne l'avons taxé de faux que sur Preuves. Quand nous l'avons mis en contradiction avec lui-même, ce n'a jamais été que pour le ramener à la vérité dont il s'était écarté. Si ceux qui ont travaillé Cette affaire avant nous n'avaient pas été aveuglés, les nus par le préjugé religieux, les autres par leur situation dans le monde, ils auraient trouvé la vérité dans les écrits juifs. Elle y est, tout entière en un seul mot : ce nom de Ben-Sotada que le Talmud de Jérusalem donne au fils aîné de Salomé. Nous y sommes ramenés 'te nouveau par la force des choses[38].

Ce nom, qui vaut toute une bibliothèque, tire son étymologie d'un fait dont Salomé n'est nullement responsable, mais victime. Personnellement, elle n'est Point sota, adultère, elle est sotada, fille d'une sota, d'une femme adultère. Est-ce à dire gué Cléopâtre ait été surprise en adultère ? Non, car elle eût été condamnée : mais elle a quitté son mari pour en prendre un autre, elle est adultère ; Jésus, ombre de Ben-Sotada, est formel, il vous en souvient[39]. Le fait d'avoir quitté son mari s'est encore aggravé de ceci qu'elle en a accepté un autre hors d'Israël, elle est sortie de Juda pour entrer dans le lit d'Hérode, elle est adultère envers sa tribu. Ce n'est pas tout, sa part de l'héritage, sa part de la promesse, elle l'a transmise aux deux enfants qu'elle a eus d'Hérode : Lysanias et Philippe, qui ont eu chacun une tétrarchie à la mort de leur père. Elle a donc créé deux concurrents, deus adversaires, à ses enfants du premier lit. Quand le Grand jour viendra, elle sera divisée contre elle-même. Dieu ne pourra plus la ramener à l'un en deux, deux en un, elle est condamnée à la première et à la seconde mort ; elle ira dans les ténèbres extérieures. Voilà le cas de la sala dont Salomé est la sotada. Cléopâtre, mère de Salomé, grand'mère de Ben-Sotada du côté maternel, est morte maudite, vouée à l'enfer par son petit-fils. De son côté, celui-ci est mort sans lui avoir fait grâce, il faudra que son ombre, quand elle reviendra sous le nom de Jésus dans la fable, relève cette malheureuse de sa condamnation. D'où l'épisode de la femme adultère dans le Temple : il concerne Cléopâtre encore plus que Bethsabée[40].

Sans doute il y a dans la généalogie de Salomé de exemples de sotisme qui auraient pu être exploités contre elle, mais ç'eût été les aller chercher bien loin dans les âges, et mettre au service de la politique lite érudition bien inquiète. Car, n'étant même pas responsable du sotisme de sa mère, comment aurait-elle pu l'être de cas prescrits depuis des centaines et des centaines d'années ? Oui, à lire sa généalogie, il y aval du sotisme, et pis que du sotisme. Il y avait Juda le même, Juda le patriarche. Salomé descendait de Juda par le sotisme de ce patriarche avec sa belle-fille Thamar, qui avait épousé successivement Her et le triste Onan. L'Écriture sainte ayant seule le don de conter ces choses avec le privilège de Dieu, je lui passe la parole, afin que vous ne m'accusiez pas de diffamer le grand-père et la grand'mère de la Vierge[41].

Juda rencontre Thamar qui, veuve d'Onan, et rentrée chez son père, s'est déguisée et assise au bord du Chemin pour tenter son beau-père, prévenue qu'il devait Passer par là. La Genèse dit qu'il ne reconnut pas sa belle-fille, mais en tout cas il fut parfaitement reconnu d'elle, puisqu'elle le guettait :

Que me donnerez-vous pour ce que vous me demandez ? dit-elle. — Je vous enverrai, dit-il, un chevreau de mon troupeau. Elle répondit : — Je consentirai à ce que vous voulez, pourvu que vous me donniez un gage en attendant. — Que voulez-vous ? lui dit Juda. — Elle lui répondit : Donnez-moi votre anneau, votre bracelet et le bâton que vous tenez à la main. Ainsi elle conçut de lui. Juda envoya ensuite le chevreau par son pasteur, afin qu'il retirât le gage de cette femme, mais ne l'ayant point trouvée, le pasteur retourna à Juda et dit : Je ne l'ai pas trouvée, et même les habitants de ce lieu m'ont dit que jamais femme de mauvaise vie ne s'était assise en cet endroit. Juda répondit : — Qu'elle garde ce qu'elle a ! Elle ne peut pas au moins m'accuser d'avoir manqué à ma parole ! Mais trois mois après on vint dire à Juda : Votre belle-fille est tombée en fornication, car on commence à s'apercevoir qu'elle est grosse. Juda dit : — Qu'on la produise en public, afin qu'elle soit brûlée ! Et lorsqu'on la menait au supplice, elle envoya dire à son beau-père : J'ai conçu de celui à qui sont ces gages. Voyez à qui sont cet anneau, ce bracelet et ce bâton. J'abrège cette histoire et je passe sur les réflexions qu'elle suggère. Ce qui en fait le charme, c'est que l'honnête patriarche destinait Thamar à son troisième fils, et qu'on ne sait s'il consomma ce projet. Il fait grâce à sa belle-fille, rentre eu possession de ses gages, et, du moins je l'espère, mange le chevreau le jour où elle accouche de deux jumeaux dont est Pharès, ancêtre direct de Salomé. Voilà l'une des raisons pour lesquelles elle pourrait être appelée Sotada dans le Talmud.

Toutefois je ne pense pas qu'il se soit jamais rencontré un seul Juif pour contester avec celui de leurs patriarches auquel la Judée doit son nom et qui a agi dans la plénitude des droits pastoraux. Il n'en est pas moins vrai que le nom de Pharès signifie séparation, et qu'à partir de lui la descendance de Juda se divise en deux branches, dont l'une, celle dont est Salomé, descend de l'inceste, puisque Thamar était la belle-fille de Juda, et de l'adultère, puisque Juda avait des femmes légitimes. Mais voici qui arrange tout. Pharès engendra Esron, qui engendra Aram, qui engendra Aminabad, qui engendra Naasson, dont la sœur,

Schabed, a épousé Aaron, frère de Moïse, ce qui montre combien l'inceste de Juda avec Thamar était une chose recommandable auprès de la tribu de Lévi. Si donc le Talmud avait reproché à Salomé son sotadisme à raison de Juda, il aurait en même temps condamné Aaron, petit-fils de Lévi, qui a épousé une arrière-petite-fille de Pharès Jamais je ne croirai qu'il se soit trouvé un scribe pour condamner le Grand-père des Grands' prêtres d'Israël et le fondateur de la religion avec Moïse. Le sotadisme de Salomé ne saurait donc être là, il ne saurait être dans l'ascendance de David. De Pharès à David la généalogie de Salomé est conforme au livre de Ruth dont elle est prise[42]. Si donc l'inceste de Juda avec Thamar était la cause du sotadisme de Salomé, tous ses ancêtres, de Pharès à David, eussent été des Sotadas. Or parmi eux il y a Ichaï (Jessé), père de David, lobai qui a la Verge de Moïse et d'Aaron[43], Ichaï, le dépositaire de toute la kabbale juive, Ichaï, le Poissonnier, le Pécheur de Juifs ! Où est celui d'entre eux qui aurait osé traiter Ichaï et David de Sotadas ?

Le sotadisme de Salomé ne saurait être non plus dans le fait que David, dont elle descend, fut coupable d'adultère avec Bethsabée. Ce n'est pas elle qui descend de Bethsabée, c'est son mari. Seul un Hérode eût pu contester contre David ; or le Talmud n'est pas hérodien, il est davidiste avec tous les prophètes. Le sotadisme de Salomé ne remonte pas si haut, et surtout si loin d'Hérode, il est dans une des neuf femmes d'Hérode, il est dans Cléopâtre.

 

VI. — L'origine hérodienne du nom de Ben-Sotada, voilà ce qu'il a fallu cacher plus encore que celui de son père et de sa mère. Ce nom expliquait dynastiquement une chose qui n'avait jamais cessé d'être dynastique. Il est cause de tous les mystères qu'on a faits autour de la naissance de celui que le Talmud appelle Ben-Sotada, sans aucune intention blessante ni pour lui pour sa mère. Il est incontestable, au contraire, que les talmudistes ont voulu le ménager, ne fût-ce qu'à cause de son invincible attachement pour la Loi.

A aucun moment il n'est entré dans la pensée de Ces : scribes d'attaquer l'honneur de Salomé en l'appelant sotada, car, tout en appelant son fils Ben-Sotada, ils n'ont pas hésité à dire bien haut que tous les christs passés étaient régulièrement sortis de la semence de David, Ben-Sotada comme ses autres frères, et même davantage, puisqu'il était le premier-né. Le nom de Sotada n'est pas plus une injure pour leur mère que celui de Panthora pour leur père. L'homme que les Talmuds appellent ainsi n'a pas eu qu'un fils (c'est l'Église qui prétend cela), il en a en sept. En vingt endroits du Talmud de Jérusalem, Bar-Jehoudda est lui-même appelé Pandera ou Pandira par ceux qui se réclament de lui. Il faut avoir perdu le sens commun pour croire que ses sectateurs l'auraient désigné sous le nom d'un individu qui aurait séduit sa mère, car enfin cet individu aurait pu la séduire et n'être pas le père de l'enfant. Le nom seul de Pandera, accolé à celui de Jésus dans le Talmud, et accepté par des christiens avérés, montre que, loin de désavouer un tel nom, ils le tenaient pour le plus grand hommage traditionnel qu'on pût rendre à la mère et au père. Ainsi l'a pensé Jean de Damas, au VIIe siècle, et il a été canonisé pour cela. (On dit : saint Jean Damascène.) Salomé était Sotada, ayant encore sa virginité, et Panthera était dans la famille avant qu'elle ne fût mariée, puisque, dans la généalogie de Jésus selon Damascène, le père de Joseph est Panthera' Dans cette généalogie, le christ n'est pas seulement fils de Panthera, il est son petit-fils, il est fils de Bar-Panthera[44]. C'est donc son grand'père, et nullement son père, dont Panthora ou Pandira aurait déshonoré la couche ! A ce compte, ce n'est pas seulement sa mère qui serait Sutada, ce serait également son père.

L'absurde calomnie dirigée contre l'honneur de Marie a sa source dans le Talmud de Babylone. La faute Première en est à lui : il a pris Panthora pour un personnage distinct de Jehoudda le Gamaléen. Il est donc responsable de l'accusation que les Juifs du Moyen âge ont ensuite insérée dans leurs écrits. Encore n'y a-t-il que demi-calomnie, car, pour eux comme pour les talmudistes, Panthora ne cesse pas d'être un coreligionnaire du mari trompé. Jonatham, l'auteur d'un Tholodoth Jésu[45] dans lequel il se dit habitant de Jérusalem et contemporain des événements, fait bien de Pandira le séducteur de Marie et le père du christ, mais ce galant n'est nullement soldat romain, et, le coup fait, il s'enfuit à Babylone où sans doute il raconte son exploit aux scribes du Talmud. En allant à Babylone, Pandira remonte à sa source. Dans un autre Tholodoth Jésu[46] Panthère ne cesse pas d'être Juif, il est si peu romain qu'au lieu de fuir à Babylone, c'est en Égypte qu'il se retire avec sa complice et l'enfant : nouvelle présomption d'identité entre Panthère et Joseph, et tellement forte, tellement pressante qu'un prêtre catholique[47], exégète à ses heures, n'a pas craint d'émettre cette opinion fort sensée que Panthère pourrait bien être simplement un surnom de Joseph.

Dans le même Tholodoth, les exégètes catholiques relèvent comme un anachronisme monstrueux ce fait que Joshua ben Perachja, précepteur du christ dans l'art de la magie, aurait étudié sous Rabbi Akiba. Or, disent-ils, cet Akiba n'a vécu que sous Hadrien, plus de cent ans après la mort de Jésus : comment peut-il se faire qu'Akiba soit allé à Nazareth pour voir Marie et qu'il y ait appris la naissance adultérine de Jésus ?[48] Il serait en effet surprenant que l'Akiba contemporain d'Hadrien et de Bar-Kocheba fût allé à Nazareth sous Auguste, en l'an 738 ; ce serait d'autant plus surprenant que Nazareth n'existait pas ; mais le père de l'Akiba par lequel Paul apprend à tisser la tente de David sous Claude existait, et ses relations, ainsi que celles de son fils, avec Joshua ben Perachja et les Jehoudda de Gamala n'ont rien que ne vienne confirmer le rôle éminent des Akiba dans les Actes des Apôtres et dans les Lettres de Paul.

Si les évangélistes n'avaient pas fait mystère de son nom de circoncision, Ben-Sotada n'aurait jamais passe pour le fils d'une adultère, l'Église ne se serait pas cru obligée de faire de Panthère un soldat romain, et peut- être qu'à leur tour les Tholodoth Jésu n'auraient pas fait ce Panthère père du christ, s'ils n'eussent trouve cette affirmation dans la bouche d'un Juif que l'Église a inventé elle-même[49], le présentant comme contemporain du second siècle. Car si le Talmud de Babylone dit que Panthera fut l'amant de la Sotada, il ne dit pas du tout qu'il ait été le père de son premier enfant. C'est l'Église qui a spécifié, lancé cela dans le livre qu'elle a écrit Contre Celse. Mais quoi ! elle aimait encore mieux déshonorer Marie que de se perdre. De deux maux elle a choisi celui qu'elle a estimé le moindre. Voilà le cas qu'elle fait de la malheureuse femme qu'elle présente à ses dupes comme étant la Vierge, mère de Dieu ! Mais quelle pudeur espérer de ces vils calomniateurs qui, non contents de déshonorer cette femme par la supposition du soldat Panthère, n'ont Pas craint ensuite de la faire habiter par sept démons et de la représenter partout comme une prostituée de Carrière, sous le nom de Marie-Magdaléenne ? Quelle Conscience attendre de ces gens qui, voyant la recette compromise et leur fourberie découverte, n'ont pas hésité à retuer, en lui coupant le cou, le scélérat qu'ils font adorer comme un dieu crucifié pour le salut des hommes ? Les Tholodoth qu'ils dénoncent comme impies et blasphématoires, le sont mille fois moins que Ces inventions détestables.

 

VII. — Nous avons déjà signalé la prodigieuse imbécillité des écrits juifs sur le personnage mi-partie réel mi-partie imaginaire de Jésus. Mais à travers cet amas d'anachronismes et de divagations, il arrive que la vérité se glisse et force la main de l'auteur. C'est ainsi que le Tholodoth de Jonatham donne à cinq ou six reprises le nom de famille du crucifié, ce nom, indissolublement lié à l'histoire de la circoncision, ayant été transmis de synagogue en synagogue jusqu'au seizième siècle. Ce Tholodoth place en effet dans le sillon de Jésus un certain Juda, capable exactement des mêmes choses que lui, et qui le suit comme l'ombre suit le corps, avec cette différence qu'ici c'est le corps qui suit l'ombre. C'est ce Juda qui offre au Temple dal lui apprendre le nom de Iehova, en réalité le mot du plérôme, que Jésus devait prononcer au moment voulu, pendant que les prêtres délibèrent pour empêcher le progrès de l'Évangile éternel, le nommé Juda se dresse en Judée et se met à faire assaut de miracles avec Jésus. Il s'élève dans l'air en prononçant le mot qui fait de lui l'égal de Jésus ; lui aussi est allé au troisième ciel, d'où il a rapporté une Apocalypse, il essaie à précipiter Jésus sur la terre, comme Satan dans cette vision, et de le réduire par la vertu de l'eau. Mais il tombe lui-même, entraînant l'autre, parce que tous deux étaient souillés par le péché originel. Jésus se lave dans le Jourdain, mais les miracles qu'il fait, Juda peut les faire. Juda est son alter ego, son idem ego même, pénétrant tous ses secrets et les révélant aux prêtres de Jérusalem. C'est par lui qu'ils sont instruits de son système, de ses desseins, et même il leur livre la manière dont Jésus a volé le nom de Iehova. En un mot, c'est par un nommé Juda qu'a été faite l'Apocalypse.

Après avoir demeuré longtemps en Galilée, il forme le dessein de monter à Jérusalem, d'entrer dans le Temple, et d'y enlever le nom ineffable de Dieu. Voilà qui est précieux. Il se proposait en effet d'enlever non pas le tétragramme I-e-a-o, mais la tiare pontificale qui portait ce nom gravé sur une lame d'or, de revêtir les insignes de grand-prêtre, d'arracher le Temple lui-même à ceux qui le détenaient en dépit de la Loi, d'y prononcer le mot du plérôme, et d'y faire Valoir, contre les sacrificateurs vendus à Rome, les vertus que le tétragramme recèle : ce qui arrache cette réflexion à un exégète catholique[50] : N'est-ce pas une impiété manifeste de supposer que ces vertus subsistaient entre les mains d'un scélérat qui n'avait enlevé le mot que dans le dessein de tromper le genre humain par les plus noires et les plus diaboliques impostures ? C'était évidemment une impiété, mais elle n'est pas imputable à Kaïaphas, elle est à la charge de celui qui se disait roi-christ. Mais, tout en présentant la chose avec quelque obscurité, Jonatham n'en est pas moins plus près de la vérité historique que tous les exégètes réunis.

La tiare qu'il s'agissait d'enlever, les vêtements qu'il s'agissait d'endosser pour la Grande pâque, c'était une réduction de l'Apocalypse, une Apocalypse tissée, brodée, gravée, parlant aux yeux du peuple. Or, loin d'être renfermé dans un endroit consacré à Ieoa, naziréé, si vous aimez mieux, cet appareil était depuis Hyrcan conservé dans une tour attenant au Temple, et qui, changeant de destination par la volonté d'Hérode, avait été dédiée à Antoine : elle était devenue la tour Antonia. De telle sorte que le nom d'Ieoa, le tétragramme sacré, le mot du plérôme enfin, se trouvait dans un édifice sur lequel on invoquait le nom d'une des Bêtes. Car Hérode, pour s'attacher le collège sacerdotal par lequel on contenait le peuple, s'était réservé la garde des insignes du grand-prêtre. Ainsi avait fait son fils Archélaüs, et c'est en grande partie pour les lui ravir que Jehoudda le Gamaléen s'était jeté sur Jérusalem au Recensement. Car on n'était rien, il n'y avait rien de possible sans les vêtements du grand-prêtre. On n'aurait pas pu célébrer la pâque sans eux ! Celui qui les gardait tenait tout le Temple. C'est ce que les Romains avaient parfaitement vu, la révolte de Jehoudda n'avait servi qu'à démontrer cela. Lorsqu'ils réduisirent la Judée en province, ils conservèrent la garde des insignes en s'attribuant la tour Antonia. Avec le respect qu'ils ont toujours manifesté pour la religion, ils firent faire pour les y serrer une magnifique armoire qu'on scellait du sceau des sacrificateurs et des gardes du trésor du Temple. Le gouverneur de la tour faisait continuellement brûler une lampe devant cette armoire, et, sept jours avant -chacune des trois grandes fêtes de l'année, qui étaient des temps de jeûne, il remettait le saint habit entre les mains du grand-prêtre qui, après s'en être servi, le replaçait dans la même armoire. Comment voulait-un que le mot du plérôme fût efficace dans de telles conditions ?

Le plan de Bar-Jehoudda était de laisser Kaïaphas prendre l'habit des mains du gouverneur, et une fois déposé dans le trésor du Temple, de s'en emparer, afin de pouvoir éblouir le peuple et célébrer la Grande pâque. Voilà ce que nous apprend Jonatham, vous voyez bien que son écrit n'est pas si méprisable ! Il est d'autant plus précieux, au contraire, qu'il note aide à reconstituer l'épisode des Galiléens tués dans le Temple même par Pilatus. C'est pour faire main basse sur le saint habit qu'ils avaient envahi la rue du trésor, ignorant l'arrestation du faux prophète, qui s'était éclipsé au Sôrtaba, et persuadés, comme le dit l'Évangile de Cérinthe, qu'il pouvait encore venir. Ils furent étrillés de telle sorte, et si unanimement condamnés, qu'étant venu à Jérusalem pour la pâque suivante, Vitellius, père de l'empereur de ce nom et Proconsul de Syrie, désormais certain du loyalisme des Jérusalémites, crut pouvoir faire ce que n'aurait Pas osé Pilatus : il déchargea le gouverneur de la tour Antonia de la garde du saint habit, qu'il confia aux Prêtres sous leur propre responsabilité[51].

La grosse affaire, avant comme après l'exécution de Bar-Jehoudda, c'était d'avoir avec soi, sur soi, le nom de Ieoa. Jonatham raconte qu'afin d'empêcher le rapt de Ce nom dans le Temple, on avait formé par art magique deux lions d'airain placés l'un à la droite, l'autre à la gauche du Saint des Saints : ces lions rugissaient chaque fois qu'on sortait, et leur rugissement faisait perdre la mémoire à ceux qui l'entendaient. Mais le fils de Pandera évita le piège en se faisant une Incision à la peau de la cuisse et en y fixant le nom de Ieoa qu'il avait dérobé. Le détail du tatouage est tiré du Talmud de Jérusalem. On sait qu'il ne se composait pas de lettres, mais de la croix aux bouts de laquelle on peut en effet adapter le tétragramme. Quant l'emplacement du tatouage, nous nous étions toujours demandé à quel endroit du corps il se trouvait ; il était à la cuisse droite de Bar-Abbas, conformément l'horoscope de Jacob à Juda[52]. Cette cuisse devenait un peu celle de Jupiter. Pour ce qui est des deux lions, ils sont bien d'origine magique, comme Jonatham le constate, mais ils ne sont pas du côté du Temple, ils sont dans le camp opposé : l'un est celui de Lévi, l'autre celui de Juda, les deux familles dont était hot Bar-Jehoudda. Vous ne serez pas fâchés d'apprendre que ces deux lions sont en réalité les deux oliviers qui se tiennent devant l'Abbas dans l'Apocalypse[53], et d'où l'huile du chrisme devait être extraite. Comment des oliviers peuvent être lions, et des lions oliviers, c'est ce qu'explique la transfiguration générale des choses par le Saint-Esprit.

Comme il monte à Jérusalem pour faire son entrée dans le Temple, Jésus est arrêté (il ne manque que le nom de Lydda), avec plusieurs de ses disciples, (dont Simon de Cyrène), pendant que les autres se dispersent par les montagnes, (répétition de ce qui s'était passé au Sôrtaba). Mais ce qu'il y a de plus curieux, c'est que la tentative de Bar-Juda pour enlever le tétragramme se place sous le règne d'une certaine Oloina et de son fils Monbas. Or, si peu docte que fit Jonatham, il ne pouvait ignorer que Bar-Abbas eût été crucifié sous Tibère, puisque cet empereur est nomme dans l'Évangile de Luc avec la date attribuée par cet écrit à la campagne des baptêmes. On amène.1é015 devant Oloina et Monbas, exactement comme dans Luc on l'amène devant Antipas.

Condamné à mort, on ne le crucifie qu'après l'avoir lapidé. Cette condamnation suivie de lapidation ci celle d'un bar-Juda comme lui, c'est la lapidation de Jacob junior par Saül[54]. Cérinthe avait déjà mêlé cette affaire à son Évangile, lors de cette fête de la Dédicace où le roi-christ échappe personnellement aux lapideurs ; mais, sous le nom de Stéphanos, son frère Jacob est moins heureux dans les Actes. Dans un autre Tholodoth Jésu[55], c'est bien sous Hérode Antipas qu'a lieu la crucifixion du fils de Pandira. Mais, là encore, Antipas ne s'en va pas qu'il ne l'ait d'abord fait lapider. La lapidation d'un bar-Juda antérieurement à la crucifixion d'un homonyme est de nouveau constatée. Ce Tholodoth contient, avec des déformations qui sont d'ailleurs de très bonne foi, une vérité de première importance, confirmée par le Talmud, à savoir qu'avant de s'assembler pour le jugement de Bar-Abbas, le sanhédrin envoya par toute la terre (il n'y a que cela de trop) un ordre enjoignant à quiconque le voudrait ou le Pourrait de se présenter à Jérusalem pour défendre la cause de l'inculpé.

Dans le Tholodoth de Jonatham, au moment de crucifier Jésus, la croix se rompt parce qu'il prononce le nom d'Ieoa (c'est en effet ce qui devait arriver à la croix qui soutient les quatre points cardinaux). Alors Juda, qui est présent (il lui est bien difficile de faire autrement), rend ce miracle inutile en tirant de son Jardin (aux douze récoltes) un tronc de chou d'une taille suffisante pour qu'on pût y attacher Jésus[56].

Ou retrouve encore ce Juda (décidément ce nom est inséparable de Jésus), lorsque le corps du crucifié est tiré du tombeau, attaché à la queue d'un cheval et traîné devant certain palais où on lui coupe les cheveux, signe de son naziréat. Et ce qu'il y a de plus frappant dans cette apparition du nom de Juda, c'est qu'elle se produit non sous Tibère, mais sous Claude. Et le palais devant lequel on traîne le corps n'est pas du tout celui de Pilatus ou d'un Hérode, mais bien d'une reine étrangère que le Tholodoth Jésu appelle Oloina, femme d'un roi qu'il nomme Monbas. Il s'agit en effet de Monobaze, roi d'Adiabène, qui avait épousé sa sœur Hélène, dont vous pouvez lire toute l'histoire dans Josèphe[57] et qui, s'étant faite juive à la mort de son mari, vint habiter Jérusalem où sa charité est restée légendaire. Les années qu'elle y passa sont précisément celles de la famine où Shehimon et Jacob senior tous deux bars de Juda le Gamaléen, furent crucifiés par Tibère Alexandre. On se demande si dans l'histoire de ce corps attaché à un cheval et de cheveux coupés il n'y aurait pas quelques reliefs de détails que pouvaient relater Josèphe, avant sa mise au point ecclésiastique, ou les Actes apostoliques conservés chez les christiens du Royaume, car ils ne peuvent en aucune façon se rapporter à l'aine des fils de Juda, son corps ayant disparu dans un secret qui n'a pas été découvert avant 362. Il est donc évident qu'entrainé par la similitude du nom, Jonatham fait entrer dans le même cadre chronologique le châtiment de quatre des fils de Juda : d'une part Jacob junior, lapidé par Saül, et Bar-Juda, crucifié par Pilatus, tous deux sous Tibère ; d'autre part, Shehimon et Jacob senior, crucifiés sous Claude par Tibère Alexandre, pendant que la reine Hélène était à Jérusalem. Et comme ces deux Juda ont été exécutés pour avoir provoqué et aggravé la famine, le peuple, qu'ils avaient réduit à la dernière extrémité, les aura traînés devant le palais de sa bienfaitrice, la reine Hélène, dont ils avaient paralysé les efforts et Intercepté les convois[58].

Jonatham n'invente pas, il subit des traditions juives qu'il met en œuvre de bonne foi et qui reposent sur l'histoire. La preuve la plus éclatante de son ignorance et de sa naïveté, c'est que, trouvant le séjour de Pierre à home dans les écrits répandus par l'Église, il ce lui oppose même pas la fin de non-recevoir qui résulte de la crucifixion de Shehimon bar-Juda dans Josèphe, pendant la présence de la reine Hélène à Jérusalem. Il ne parait même pas se douter que le Shehimon qu'il cite par son nom et par son surnom de Képhas est le frère de celui qu'il appelle Jésus. Au moins lui rend-il la véritable doctrine que ce bar-Juda eût apportée à Rome, s'il y fût allé. C'est par le nom — car lui aussi a dérobé ce mot magique, — qu'il opère les miracles auxquels il doit son action sur les masses. Les savants et les philosophes lui ayant Promis de faire tout ce qu'il demanderait à cause de ces. Prodiges, il leur dit simplement de ne pas maltraiter les Juifs, de fêter la fête de la mort de Jésus au lieu de la Pâque, et celle du quarantième jour au lieu de la Pentecôte. Ils le promettent, mais à la condition qu'il demeurerait avec eux. A cet effet on lui construisit une tour où il s'enferma, vivant de pain et d'eau pendant six ans[59], au bout desquels il mourut. On voit encore à Rome cette tour qu'on appelle Peter[60], ou du moins une pierre sur laquelle il était assis[61]. Il n'y a là aucun parti pris de nuire à l'Église. Au contraire, Jonatham a l'esprit si bien fait qu'il finit en bon disciple du pape Clément. A l'histoire de Pierre il mêle celle de Paul sous les traits de Simon le Magicien : la mirifique invention des Homélies clémentines !

 

VIII. — Dans une question qui ne regarde que les descendants d'Abraham, il fallait sinon faire passer leur témoignage avant tous autres (on ne doit paie abdiquer son droit de contrôle), du moins tenir le plus large compte de leurs traditions sur la personne humaine de Jésus. Si même on récusait Israël, il reste Ismaël. Après la synagogue, la mosquée ; après le Talmud, le Coran.

Le Coran marque le commencement du VIIe siècle.

Jésus est entré dans le Coran par les Évangiles, c'est-à-dire en un temps où le mythe avait effacé l'histoire. Mais pour les Arabes, comme pour les Évangélistes d'ailleurs, — le crucifié de Pilatus, ce n'est pas Jésus, c'est celui qu'ils appellent Ischa, du nom d'Ischaï, père de David, et qui est identique à Joannès le baptiseur. Pour Mahomet, la fable d'Ischa est un exemple proposé aux idolâtres pour les amener au culte d'un seul dieu, et le Coran le trouve bien choisi à cause du caractère anti-occidental de ce dieu. Par malheur la division s'est élevée à propos d'Ischa, les sectes se sont formées (le christianisme), et ce blasphème a prévalu que Dieu avait eu un fils. Mais croient-ils que nous ne connaissons pas leurs secrets ? que nous n'entendons Pas leurs discours ? Ils sont dévoilés à nos yeux, et nos envoyés célestes[62] les écrivent. Si Dieu avait un fils, je serais (moi, Mahomet), le premier à l'adorer. Laissez-les perdre leur temps dans de vaines disputes. Le Jour qui leur est promis les y surprendra. Et c'est Ischa lui-même,car il est le signe certain de l'approche du Jugement[63]qui leur annoncera leur punition[64]. En un mot, pour les Mahométans comme pour les Juifs Contemporains de l'Apocalypse, Ischa est le Ieou-Shanâ-os, le Joannès, et personne avant lui n'a porté ce nom, du moins dans la nation juive[65]. Car Jonas, qui l'a porté avant lui chez les Ninivites, est un des Prophètes honorés par Mahomet.

Pour Mahomet comme pour tous les kabbalistes, Ischa et Ioannès sont des équivalents. L'ich, l'oan, c'est le Poisson. Le mythe du Poisson est peut-être le plus ancien mythe originel des peuples de l'Orient. Mèdes, Assyriens, Chaldéens, Phéniciens, Égyptiens, tous l'ont eu avant Osar-Zib. Il préexiste à la genèse d'Adam. La terre est sortie de la mer, le poisson bisexuel est antérieur à l'androgyne. Cette vue est confirmée par la science[66]. Comment Adam est-il fait dans la Genèse ? Double, comme Ichtar[67], Derkéto, Atergatis, et Dagon, le Baal-Zib-Baal de l'Évangile, qui tous sont des divinités androgynes et se terminent en queue de poisson[68]. A leur exemple, Adam est fait ich, mâle d'eau, et icha, femelle d'eau[69]. — C'est dans l'ordre naturel des choses, parce que le règne animal aquatique est créé avant le règne animal terrestre —. Iahvé le fait à son image, mais c'est du limon laissé par la mer qu'il le tire. Le premier des Pêcheurs d'hommes, c'est lui ; le premier pêché, c'est Adam. Avant le péché, il y a le pêché originel. Le Messie des Assyriens, le Roi qui commandera aux autres rois, quel est-il ? Le Roi-poisson. Dans les fouilles du palais de Nemrod qu'a-t-on trouvé ? La figure de ce Messie sculptée en bas-relief : un guerrier plein de force, coiffé de la mitre, revêtu du manteau royal et recouvert entièrement pat un voile d'écailles de poisson[70]. C'est ce voile que nous avons fait tomber.

Le Coran admire l'Apocalypse en ce qu'elle retient d'Abraham, dont les Arabes sont fils par Ismaël. Jonas, Joseph, Moïse (Ozar-Zib), interprètes de cette kabbale, sont leurs plus grands prophètes. Le Joannès est inspiré de la même révélation qu'eux. C'est pourquoi Marie est la plus grande figure de femme de tout le Coran, on peut même dire la seule, parce qu'elle a porté le signe de l'Année de Dieu, l'oan, en un mot parce qu'elle est la mère de l'Oannès que les Évangiles appellent Ioannès le baptiseur. Pour avoir la preuve de l'identité charnelle de Jésus avec Joannès, il n'y a qu'à ouvrir le Coran.

Ce que Mahomet respecte dans Ischa, c'est Joannès. Ce qu'il admire dans Joannès, c'est le chantre de la ruine de l'Occident et le prophète de l'invasion des Barbares.

Mahomet avait nourri l'espoir de ramener les jehouddolâtres d'Asie à la vérité, c'est un naïf. Il a écrit le Coran pour servir d'avertissement à ceux qui disent que Dieu a un fils. Ils avancent cette assertion sans fondement. Leurs pères étaient dans la même erreur. Il ne sort de leur bouche que mensonge[71]. Là-dessus il leur dévoile tout au long la kabbale du Zib, l'origine du nom d'Ozar-Zib donné à Moïse par les Égyptiens, celle du nom de Zibdéos donné au père du Juif de rapport, et toute l'allégorie des Pécheurs d'hommes. Car, dit-il, Dieu n'a envoyé des prophètes que pour annoncer ses promesses et ses menaces[72]. Vous ne voulez pas me croire parce que je ne suis pas Juif, vous ne voudrez certainement pas croire Mahomet qui est dans le même cas, mais au moins écoutez la merveilleuse histoire du Zib de Moïse[73].

Pour fuir le châtiment réservé aux villes coupables de révolte, Moïse et Aaron[74] sont partis au désert, emportant avec eux le poisson symbolique : Je ne cesserai de marcher, dit Moïse, jusqu'à ce que je sois parvenu à l'endroit où les deux mers se joignent[75]. Arrivés près d'un rocher (celui que Moïse a frappé de sa verge), ils oublient leur poisson, qui s'en retourne dans la mer par une voie souterraine. Néanmoins, ils passent outre : Apporte-moi de la nourriture, dit Moïse à son serviteur ; notre voyage a été fatigant. Mais Aaron éprouve un embarras qu'il ne cherche pas à dissimuler : Avez-vous fait attention, dit-il, à ce qui est arrivé auprès du rocher où nous avons passé ? J'y ai laissé le poisson, Satan me l'a fait oublier, et par miracle il est retourné dans la mer. — C'est ce que je désirais, reprit Moïse, et ils s'en retournent. Comment la fuite de ce poisson peut-elle être un signe favorable, désirable même ? C'est que, comme celui de Jonas, il n'est pas resté où il s'est perdu, il est retourné à l'Orient, pour passer je ne dirai ni la main, ni même la patte, mais la queue, à quelqu'un de mystérieux que Moïse cherchait et voulait voir.

En s'en allant ils rencontrent un serviteur de Dieu, comblé de ses grâces et éclairé de sa science, un Ioannès par conséquent, ou, si vous aimez mieux, un Zibdéos, un pécheur d'hommes : Permets-moi de te suivre, lui dit Moïse, afin que je m'instruise dans la doctrine de vérité qui t'a été révélée. Le Ioannès pour que Moïse ne soit ni assez constant ni assez discret : Comment pourras-tu t'abstenir de m'interroger sur des événements que tu ne comprendras pas ? lui dit le Ioannès. Mais Moïse ayant promis zèle et obéissance : Si tu me suis, dit le Ioannès, ne m'interroge sur aucune chose avant que je ne t'en aie parlé (en un mot, sois muet). Ils partent et montent dans une barque, mais le Ioannès la met en pièces. A cette vue, Moïse ne peut garder le silence : Est-ce pour nous faire périr, s'écrie-t-il, que tu as rompu cette barque ?Tu vois, dit le Ioannès, tu n'es pas assez patient-pour rester avec moi. Moïse s'étant excusé, ils repartent. Ioannès rencontre un jeune homme et le tue : Eh ! quoi, s'écrie Moïse, tu viens de mettre à mort un innocent !Tu vois, dit Ioannès, tu n'es pas assez patient pour rester avec moi. — Excuse-moi encore cette fois, dit Moïse, je ne recommencerai plus. Ils arrivent près d'une ville dont les habitants leur refusent l'hospitalité. Néanmoins, comme un mur de la ville menaçait ruine, Ioannès le rétablit dans sa solidité première : Tu aurais pu te faire payer de ce bienfait ! s'écrie Moïse. Comme c'est la troisième fois qu'il parle le premier : Restons-en là, dit Ioannès, mais auparavant je veux t'apprendre ce que signifient les trois choses sur lesquelles tu n'as pu garder le silence.

Alors il explique qu'il a agi non de lui-même, mais par ordre de Dieu : la barque était poursuivie par un roi qui voulait l'enlever à ses possesseurs ; le roi, c'est. Pharaon ; la barque, c'est la même que celle du Zibdéos dans les Évangiles, c'est l'arche d'alliance des Hébreux. Le jeune homme tué, c'était un infidèle, né de parents fidèles ; il méritait la mort[76]. Le mur cachait un trésor appartenant à deux orphelins — Israël et Ismaël sans doute, c'est Mahomet qui parle —. Dieu ne veut pas qu'il tombe avant que ses deux enfants ne soient en âge de recueillir le trésor. Ce trésor, en un mot, c'est l'héritage[77]. C'est l'Agneau paschal qui fera tomber le mur, et voilà pourquoi Moïse a été si content quand il a vu la fuite du Poisson. Voilà aussi pourquoi les murs de Jérusalem tombaient par tiers devant le mot du plérôme prononcé par le Joannès de l'Apocalypse. Mais tout cela est secret, et il n'en faut rien dire : ordre de Dieu, c'est la kabbale de la dernière pesach, le dernier passage du soleil dans l'hémisphère boréal. Toute l'Apocalypse est là, et tout le mythe de Jésus dans la nuit du Mont des Oliviers. Vous ne me croirez pas, parce que je ne suis pas Juif, mais Mahomet était fils d'Abraham comme Bar-Jehoudda, et il doit savoir ce qu'il y avait dans le zodiaque de son grand ancêtre de Chaldée.

C'est après cette histoire que vient le chapitre intitulé Marie dans le Coran.

Mais avant d'en venir à Marie, Mahomet raconte l'allégorie messianique de Zou Cornaïn, l'Homme aux deux cornes, lequel n'est autre que le Messie[78], quoiqu'aujourd'hui encore la plupart des exégètes musulmans croient y voir Alexandre le Grand. C'est cet homme-là, le Fils de l'homme, à qui Moïse et Aaron avaient apporté le Zib de proposition, mais le moment où il devait le manger n'était pas encore venu au temps de la sortie d'Égypte. Ses deux cornes, que porte également l'Agneau de l'Apocalypse[79], sont l'Orient et l'Occident. C'est ce que Mahomet explique dans la Caverne, ainsi intitulée de celle où doit naître le Fils de l'homme, et que met en scène le Proto-évangile de Jacques dans la Nativité du Juif de rapport[80].

La mission de l'Homme aux deux cornes, c'est d'exterminer les peuples qui habitent à l'Occident, en leur donnant toutefois un répit pour cesser d'être infidèles. De là il revient à l'Orient où sont les peuples à qui Dieu n'a pas donné de vêtements, les fils du Soleil par conséquent. Il remonte ensuite au Nord[81], dont les peuples lui demandent moyennant tribut de les débarrasser de Gog et Magog. Gog et Magog sont fils de Japhet, disent les commentateurs, d'où la haine qu'Ezéchiel et plus encore l'auteur de l'Apocalypse ont vouée à l'Europe peuplée par eux. Pour protéger les enfants d'Abraham contre Gog et Magog, l'Homme aux deux cornes soude deux montagnes de fer, qui suffiront jusqu'au jour où elles s'en iront en poussière.

Ce jour-là sera l'Enfer pour les maudits et l'Eden pour les élus, selon la sempiternelle formule.

 

IX. — C'est de Ninive que venait le poisson de Moïse et d'Aaron ; c'est aussi de Ninive que vient le poisson de Tobie. La parabole de Tobie a d'abord été écrite en chaldéen, et c'est sur ce texte que Jérôme, canonisé pour ses faux, l'a traduite, mais, dit-on, avec le secours d'un interprète. Entendez qu'il en a écarté tout ce qui pouvait nous éclairer sur les rapports de Tobie et de Jonas, partant ceux de Moïse et de Bar-Jehoudda.

On a modifié tes noms, qui tous avaient une signification particulière, dérivée du rôle des personnages dans la parabole. Cependant, le héros s'appelle encore Tobiah[82], nom qui rend l'idée de cohabitation charnelle et de procréation. C'est l'idée qui domine toute cette séméiologie.

Laissons de côté l'authenticité du livre, les Juifs ne le reçoivent pas dans leur canon, et je pense qu'ils n'ont pas tort : le conte est si peu juif ! Mais pourquoi y reçoivent-ils celui de Jonas ? il l'est encore moins, s'il est possible. Tobie surtout est d'un sentiment exquis, 'touchant, et d'une grande hauteur morale. Avec cela, rien de théâtral, de conventionnel, d'insincère comme le Sermon sur la Montagne. Lorsque, plusieurs siècles avant Jésus, le vieux Tobie dit en propres termes à son fils : Prenez garde de ne jamais faire à autrui ce que vous seriez fâché qu'on vous fit[83], il le pense. Lorsqu'il leur dit, au milieu d'autres préceptes admirables : Mangez votre pain avec les pauvres et avec ceux qui ont faim, et couvrez de vos vêtements ceux qui sont nus[84], le cœur parle, on aime Tobie et on sent qu'il vous aime.

Comme Jonas, Tobie est une adaptation, un conte ninivite judaïsé. Seul de son espèce, Tobie a toujours refusé d'adorer les veaux de Jéroboam, roi d'Israël. Sa femme s'appelle Shanâ, qui veut dire Année : malheureuse année, que celle de leur naissance à tous deux ! Car ils sont emmenés en exil à Ninive avec leur tribu par le roi Salmanasar. Cependant Tobie réussit à obtenir du roi la liberté d'aller et de venir pour soulager ses frères dans le besoin. C'est un modèle de désintéressement, de bienfaisance et de charité envers les vivants, de piété envers les morts. Quand tombe un de ceux de sa race, il l'enlève, l'emporte chez lui, afin que les regards du Saint des saints ne soient point offensés, et il l'enterre sitôt le soleil couché. Il veut que ses morts soient enterrés par un vivant, et non par d'autres morts comme sont les Assyriens. Mais loin d'être récompensé de ses bonnes actions, il devient aveugle par une fiente de l'hirondelle qui a ramené le printemps, et pour comble de disgrâce, c'est à la veille d'un jubilé que Dieu lui ravit la lumière. Il est âgé de cinquante ans[85] : sept sabbats d'années se sont écoulés depuis sa naissance. Il se demande avec inquiétude si sa vie va s'arrêter sur ce chiffre insuffisant. Cependant il ne se plaint pas et se recommande humblement à Dieu. Une chose va tout arranger qui semble secondaire au premier abord : avant de perdre la vue, Tobie est allé en Élimaïde, le pays des Mages[86] (c'est la Médie), où il a placé dix talents chez un certain Gadael, frère de Gadrias[87], demeurant à Daguès[88]. Mais il a eu bien soin de retirer de ce Gadael une reconnaissance écrite qui joue un grand rôle dans l'affaire.

Outre ce débiteur, Tobie a un frère nommé Daguel[89], lequel habite Daguès[90], la même ville que Gadael, frère de Gadrias. Ce Daguel a une femme qui s'appelle Shanâ[91], comme celle de Tobie, mais il y a espoir que cette Année sera meilleure que celle où est né Tobie, c'est une Année qu'on désire et qu'on attend. Daguel a une fille nommée Sara (Princesse). Elle est unique et doit le rester. Cette moitié de Dagon est naturellement destinée à un Sar qui ne s'est pas encore présenté. Ou est ce prince charmant ? Sara en est fort eu peine, car mariée successivement à sept hommes, le démon Asmodée les a tués aussitôt qu'ils sont entrés dans sa chambre. Aussi a-t-elle une si mauvaise renommée qu'une simple servante de son père ose lui dire en face : Puissions-nous ne voir jamais de vous ni fils ni fille sur la terre, meurtrière de vos maris ! Voilà qui est fort mystérieux et fort triste, car la pauvre Sara ne peut nier avoir reçu sept maris chez elle. Mais on la juge mal, elle n'est pour rien dans leur mort, elle est restée vierge, et elle prie Dieu de lui envoyer l'époux à qui elle est réservée. Il se trouve en effet que Tobie a un fils, également nommé Tobie, qui est unique et doit le rester.

Or le même jour, les prières du vieux Tobie et de sa nièce sont exaucées en même temps. L'ange Raphaël est envoyé pour guérir Sara de son démon et Tobie de sa cécité. Ce jour-là même, au lendemain de l'accident qui lui a ravi la lumière, Tobie a fait venir son fils et lui a révélé qu'il avait confié dix talents à Gadael de Daguès. Il faut absolument que le jeune homme aille chez les Mages pour retirer cette somme et la rapporter à son père en vue d'une échéance prochaine et irrémissible.

Quoique ces dix talents détonnent un peu au milieu de cette histoire et qu'ils donnent à Tobie un air de banquier, il faut y insister. Ces dix talents font partie d'un compte secret que Tobie a avec Daguel. Tout ce qu'il demande, c'est de rentrer dans cette somme, et qu'on n'en parle plus, mais il serait navré qu'elle produisit le plus petit intérêt, cela irait contre le sien : Plût à Dieu, lui dit sa femme, que cet argent, pour lequel vous avez envoyé notre fils, plût à Dieu qu'il n'eût jamais été ! Cette somme, en effet, c'est la génération en cours, qui est de cent ans selon Abraham, c'est-à-dire de dix fois dix ans. Tobie a évalué sa vie en numéraire[92]. Dans son discours à son fils le sens parabolique des dix talents se dessine : le père ordonne au fils d'honorer sa mère jusqu'au dernier jour, à cause des périls auxquels elle a été exposée pendant qu'elle le portait dans son sein : en un mot, le jeune Tobie est fils de l'exil. Sa mère Shanâ, c'est l'Année de la captivité. De son côté Sara, fille de Daguel, est malheureuse en époux par le même motif : elle est fille de l'exil. Sa mère Shanâ, c'est aussi l'Année de la captivité. Voilà deux couples de vieilles gens séparés l'un de l'autre par de fâcheuses circonstances. Il est clair toutefois que le signe de la reconjonction est chez Daguel, avec qui le vieux Tobie a un traité, un schtar dont son fils ignore ou feint d'ignorer le contenu.

Le jeune Tobie va se mettre en route lorsqu'un jeune homme brillant lui apparait, la robe relevée, comme prêt à se mettre en route aussi. C'est l'ange Raphaël, qui s'offre à le guider. Ebloui et charmé, Tobie l'amène à son père : Que la joie soit toujours avec vous, dit Raphaël, en entrant dans la maison ! Mais le vieux Tobie : Quelle joie puis-je avoir, moi qui suis assis dans les ténèbres, et qui ne vois point la lumière du ciel ?Ayez bon courage, répond l'ange, le temps approche où Dieu vous guérira.

 

X. — Voilà Tobie parti, allant de Ninive à Daguès. Etant au bord du Tigre, un poisson énorme, — pas plus toutefois que celui qui avala Jonas, c'est le même, — sort de l'eau et se jette sur lui pour le manger Diable ! mais c'est le contraire de ce qu'espère Tobie, il compte manger un jour le poisson d'Israël, et c'est le poisson de Ninive qui veut le manger. Heureusement que Raphaël est là ! Ce poisson peut être converti en bon signe, on l'emportera avec soi ! Prends-le par les ouïes et le tire à toi, dit Raphaël. Sans le tuer, — d'ailleurs ils ne pourraient pas, et c'est ce qu'il faut remarquer pour comprendre, — Tobie le vide, prélève le cœur, le fiel et le foie[93], et les met de côté, car, lui dit Raphaël, ils seront nécessaires pour en faire des remèdes très utiles. Pour le corps, ils le rôtissent et ils en font leur nourriture après l'avoir salé, car vous entend bien qu'il doit y en avoir pour trente jours au moins.

Tobie fait l'ignorant pour donner de l'importance à Raphaël : Je vous supplie de me dire quels remèdes on peut bien tirer de ce que vous m'avez fait conserver de ce poisson. — Si tu mets un morceau du cœur sur les charbons, dit Raphaël, la fumée qui en sort chasse toutes sortes de démons, soit d'un homme soit d'une femme[94], en sorte qu'ils ne s'en approchent plus. Appliqué sur les yeux où il y a quelque taie, le fiel les guérit. C'est, comme vous voyez, ce poisson qui, en chassant le démon de l'homme et de la femme depuis leur division Par Dieu, leur permettra de se rejoindre et ramènera la lumière dans les yeux éteints du vieux Tobie. Nous voilà en pleine magie. A peine avons-nous quitté Ninive que nous sommes déjà en Élymaïde. Qui révèle à Tobie la puissance de l'Oan, de l'Ich, du Zib, du Dag ? Son ange gardien, Raphaël, l'un des sept qui se tiennent devant Dieu et qui par conséquent sont au courant de toute la kabbale génésiaque, sabbatique, jubilaire et millénaire.

On arrive chez Daguel, dont la fille est toujours persécutée par le même démon. Elle t'est destinée depuis le commencement, dit Raphaël à Tobie. Tout son bien doit te revenir, il faut l'épouser, demande-la à son Père, il te la donnera. Voilà donc des noces en perspective, et une fortune qui vaut un royaume. Chose extraordinaire ! Tobie hésite fortement : J'ai ouï dire que cette fille avait déjà épousé sept maris et qu'ils sont tous morts, et l'on m'a dit aussi qu'un démon les avait tués. Si je faisais des mystères avec vous comme messieurs les Évangélistes, je vous cacherais quels sont ces sept maris, mais j'ai contracté l'habitude de tout vous dire. D'ailleurs vous avez déjà vu des allégories du même genre dans l'Évangile de Cérinthe avec les cinq maris de la Samaritaine[95], dans les autres avec la femme aux sept maris que Jésus cite en exemple aux disciples[96]. Les sept maris de Sara sont là pour les sept jours de la Genèse, les sept premiers mille au bout desquels Adam et Eve sont morts, les sept jours de la pâque, et les sept sabbats d'années qui se sont écoulés depuis la naissance du vieux Tobie. Ce sont des temps ou passés nu mauvais.

Si Tobie veut vivre, il faut qu'il se marie. Tobie or not Tobie. Une fois qu'il sera dans la maison, il épousera Sara. Pendant trois jours il la respectera, — c'est une façon de jeûner, — se bornant à prier Dieu avec elle. La première nuit, dit Raphaël, vous mettrez sur le feu le foie du poisson, et le démon sera mis eu fuite. La seconde nuit, vous serez admis en la société des saints patriarches. La troisième nuit, vous recevrez la bénédiction de Dieu. Après la troisième nuit, tu prendras cette vierge, et vous aurez part à la bénédiction de Dieu, en la race d'Abraham, par vos enfants. Tobie ne s'était pas trompé en affirmant que cette fille avait eu sept maris : Et pourtant elle est vierge ! En effet, c'est la moitié de Tobie depuis le commencement. Tobie en est la partie mâle, ich ; Sara, la partie femelle, icha : un en deux, deux en un, ni homme ni folie : tels Ichtar, Dagon, Beel-Zib-Beel et toutes les divinités terrestres qui sont pisciformes au-dessous du bassin... de la mer.

C'est pour cela que le vieux Tobie est en compte avec un nommé Gada-el, que le père de Sara s'appelle Daga-el[97], autrement dit Dieu-poisson, et que la ville où ils demeurent s'appelle Dag-ès. Les deux Dag-el sont liés ensemble, comme les deux poissons dans le signe. Ils sont le Sèmeion de cette union mystique, exactement comme le Sèmeion de l'Évangile ; et leur femme s'appelle Shanâ, exactement comme dans l'Évangile. Comme dans l'Évangile, c'est la rencontre du Signe et de l'Année.

Arrivé chez Daguel, Tobie lui demande sa fille. Mais le père est saisi de frayeur, sachant ce qui était arrivé à ces sept maris qui étaient entrés chez elle, et craignant qu'il n'en arrivât autant à celui-ci. Mais Raphaël intervenant déclare que Sara est due pour épouse à Tobie : c'est pour cela que nui autre n'a pu la posséder. Daguet n'hésite plus, lorsqu'il apprend que Tobie est son neveu, le fils de son propre frère. Ce mariage est conforme à la loi de Moïse, il est célébré. Cependant on prend la précaution de changer Sara de chambre. La première nuit, Tobie tire de son sac une partie du foie du poisson, la met sur des charbons ardents, et rien qu'à l'odeur le démon s'enfuit dans le désert de la Haute Égypte[98] où Raphaël l'enchaîne. Tobie, manifestement inspiré par Raphaël, rappelle alors à sa femme l'origine de l'ich et de l'icha d'où est issue la race humaine, et pour montrer que le dogme de l'un en deux, deux en un, est quelque peu antérieur à Bar Abbas, il appelle sa femme sœur. Au chant du coq, Daguel, à qui Raphaël n'a pas parlé du poisson, s'imagine qu'il en est advenu du pauvre Tobie comme des sept hommes qui sont entrés autrefois chez la fille et il s'en va creuser sa fosse. Mais ayant appris qu'il est sain et sauf, Shanâ et lui remercient Dieu d'avoir eu pitié des deux enfants uniques et repoussé d'eux l'ennemi qui les persécutait. Il comble la fosse et fait un grand festin qui dure quatorze jours, après quoi son gendre pourra s'en retourner et emmener sa femme. Les Pourim sont terminés[99], la pâque est venue, el' entre dans une année jubilaire. Reste à rentrer dans les dix talents prêtés à Gadael, mais cela ira tout seul, car celui-ci les a conservés intacts, ils sont encore dans les dix sachets cachetés qui lui ont été remis en garde.

Quoique Raphaël ait comblé Tobie de ses faveurs, il n'a encore rien fait tant que les dix talents prêtés à. Daguel ne seront pas aux mains du vieux Tobie dans le délai prescrit. Comme dernière grâce, Tobie supplie Raphaël d'aller les chercher lui-même. Il n'y a que lui en état de remplir cette mission. Or, dit Tobie, mon père compte tous les jours, et si je suis en retard d'un jour, sa vie sera accablée d'ennuis. Il faut non seulement que Gadael rende les dix talents, ce qu'il exécute ponctuellement, mais encore qu'il vienne aux noces, lesquelles ont lieu chez le jeune Tobie. Aussitôt qu'ils se rencontrent, les deux hommes s'embrassent connue s'ils se connaissaient depuis toujours. Gadael pleure de la joie qu'il a d'are déchargé des dix talents, on voit bien qu'il ne les gardait pas pour en jouir ; il bénit Tobie de l'en avoir allégé, et dès lors on ne le revoit plus, il se confond avec Daguel. Quant à Tobie il bénit sa femme, observation faite que, pour la bénir de cette sorte, il a attendu que les dix talents soient rentrés, autrement dit que le jubilé fût commencé.

Cependant, le vieux Tobie et sa femme, ignorant le mariage de leur fils, se désolent de ce qu'il n'est pas revenu au jour marqué : Nous n'aurions pas dû l'éloigner de nous, dit Shâna, puisqu'il est tout pour nous et que seul il nous tient lieu de toutes choses ! C'est en vain que le vieux Tobie essaie de la remonter, tous les jours elle va hors de sa maison, regardant de tous côtés pour voir si son fils ne revient pas. Par contre, Daguel tente de le retenir, offrant d'envoyer de ses nouvelles à ses parents. Mais il cède à l'image du vieux Tobie qui est là-bas, comptant les jours, il laisse partir son gendre avec sa fille et la moitié de tout ce qu'il possédait.

Ils arrivent ainsi à Haran, d'où venait Abraham quand il s'est fixé sur la terre de Canaan. Raphaël conseille à Tobie d'y laisser sa femme et de prendre les devants pour guérir son père : Prends du fiel du poisson, lui dit-il, approche-toi de ton père, donne-lui le baiser, et aussitôt mets-lui de ce fiel de poisson que tu portes avec toi, car sache qu'à l'instant ses yeux s'ouvriront, et il verra la lumière du ciel, et il sera comblé de joie en te voyant. Le chien de Tobie — ou celui de Raphaël ? — va devant comme pour prévenir l'aveugle qui, devinant le signe, se lève avec sa femme, et bientôt voilà les deux vieilles gens dans les bras de leur fils ! Est-il besoin de dire que le fiel de ce poisson fait merveille et rend la vue au vieux Tobie ?[100] Sept jours après, on annonce Sara, ayant avec elle, entre autres choses, les dix talents de Gadael, et pendant sept autres jours on célèbre sa venue. Mais croyez que Shanâ est encore plus guérie que son mari. Car le vrai mariage de Tobie avec Sara a marqué la pâque, on est passé sous les Ânes, et déjà voici le Lion qui se lève, signe de la royauté.

Tant qu'on ne connaît pas le fond de l'histoire, on regrette un peu le placement d'argent qui est comme une faute de goût dans cette histoire toute pleine de sentiments nobles et purs. Ce placement est cependant nécessaire à la moralité de la séméiologie, parce que dix multiplié par dix font cent, et que cent ans, c'est le chiffre assigné par Abraham à chaque génération. Le vieux Tobie avait donc confié tout son capital-vie à Dag-el. Maintenant que Raphaël le lui a fait rendre par l'intermédiaire d'un couple formé à l'image d'Ichtar, c'est Dieu lui-même qui se charge de le multiplier dans le Poisson millénaire, lorsqu'il tiendra son serment, le schtar de l'ich. Or c'est cela qu'a voulu dire l'auteur de cette séméiologie, lequel n'est ni Tobie le père ni Tobie le fils, comme le pensent les exégètes, mais celui qui les a inventés tous les deux plus ou moins longtemps après le retour des dix talents dans le sac chronométrique du vieux Tobie. L'âge auquel Tobie recouvre la vue est de cinquante-huit ans selon les uns, de soixante selon les autres. Il n'importe. C'est sous le quatrième signe qu'il revoit ses dix talents et son fils marié. Le chien nous en avait prévenus, qui se lève devant les Ânes. C'est sous les Ânes que l'homme de foi qu'est Tobie a recouvré la vue, et non pas seulement celle qu'il avait auparavant, mais une vue spéciale qu'il doit à Raphaël : Il vous a fait voir à vous-même la lumière du ciel, lui dit son fils. Et c'est là en effet un mystère qui ne peut être révélé à des profanes, il suffit à ceux-là de juger sur les apparences. Car s'il est bon, dit Raphaël, de tenir caché le secret du Roi, c'est une chose honorable de révéler et de confesser les œuvres de Dieu[101]. Aussitôt que Raphaël les a quittés pour retourner vers celui qui l'a envoyé, ils se prosternent le visage contre terre, et pendant trois heures ils bénissent Dieu.

Il n'est pas douteux que les différents éditeurs de Tobie aient arrangé ce conte comme il leur a plu, à cause de sa conclusion : une petite Apocalypse non chiffrée, où l'on prédit la fin de Ninive, comme autrefois Jonas, la descente de la Jérusalem d'or et la soumission de toute la terre aux Juifs. Le jeune Tobie est un Nazir, un Roi-christ, fécond en enfants jubila-millénaires, comme le prouve son union mystique avec une Sémiramis juive, une Derkétade[102] : Tobie n'est pas un conte, c'est un Évangile venu à dos d'âne du pays des Mages. Le jeune Tobie est un Ικθυς[103] infiniment plus ancien et plus respectable que Bar-Jehoudda. Il est vraiment Fils d'Ichtar. Quand les Jérôme et les Tertullien revendiquent pour les jehouddolâtres le qualificatif de piscicoli[104] ou de piscis filii[105], ce sont les propagateurs du plagiat initial dont le Juif de rapport s'est rendu coupable.

 

XI. — Cette digression sur le poisson de Tobie ne nous éloigne pas du Coran, elle nous en rapproche et nous y ramène.

Mahomet fait bien entre l'Évangile et les Évangiles la distinction qui doit être faite. L'Évangile, c'est le trait d'union entre le Pentateuque et le Coran[106] ; les Évangiles, c'est une fable dans laquelle il entre plus ou moins de fantaisie et de mystification. L'Évangile est un legs d'Amram : Dieu entre tous les hommes a choisi Adam et Noé, la famille d'Abraham et la famille d'Amram. Ces familles sont sorties les unes des autres, Dieu sait et entend[107].

Qui est Amram ? Le père de Lévi, dont les enfants sont Moïse, Aaron et Marie la Magdaléenne.

Dans une des Nativités que produit Mahomet, — il y en a deux dans le Coran, — c'est Amram lui-même qui présente Salomé aux musulmans sous le nom de Marie. Cela veut dire que le premier mari de Cléopâtre était de Lévi, et en effet c'était un Cléopas (nom hiéroglyphique de Lévi, nous l'avons suffisamment expliqué). Vidons ce point. Salomé n'était pas fille d'Amram et de Lévi, comme le dit Mahomet, sinon Amram et Lévi seraient dans sa généalogie. Elle n'était pas non plus fille d'Aaron, comme elle le disait sans doute et comme Luc le dit d'après elle. Naasson, dont elle descendait, n'était que le beau-frère d'Aaron, à qui Aminabad, père de Naasson, avait donné sa fille Eloï-Schabed en mariage[108]. Elle n'était donc à travers les temps que nièce d'Aaron par Eloï-Schabed, et nullement sa fille, elle ne lui était qu'apparentée. Si, comme il semble bien, elle laissait croire qu'elle était de Lévi par Aaron, c'est un subterfuge de plus à son actif. Il ne faut point douter toutefois qu'au cours du temps plusieurs de ses ancêtres ne se soient croisés avec des filles de Lévi, et que par là elle n'eût du sang d'Aaron dans les veines. C'est pourquoi l'Esprit-Saint est en elle plus que dans son mari. Ne vous ai-je pas dit qu'Esprit était féminin dans les langues sémitiques[109] ?

Le temple que met en scène Mahomet dans la Nativité, ce n'est pas celui de Jérusalem ou tout autre Lieu de prière, c'est le Temple haram, comme il dit, le temple où personne n'est que Dieu. En quelque lieu que tu sois porte tes regards vers ce sanctuaire auguste. Les Juifs et les christiens savent que cette manière de prier, venue du ciel, est la véritable[110]. Ainsi orienté, Mahomet a merveilleusement compris la Nativité selon Luc. Lui aussi, il en a chassé la sota. Afin d'éviter de dire pourquoi Salomé était sotada, il a placé la Nativité au temps d'Amram. C'est Amram qui sera son père. En un mot, son père est un Lévi. Sa mère en était une aussi, mais comment parler d'elle après ce qu'elle a fait ? C'est Iaô-Schabed, femme d'Amram dans la Genèse, qui la remplacera. Celle-là, on est sûr qu'elle ne passera pas dans le lit d'Hérode.

Le premier enfant d'Amram, c'est une fille[111], et par là il faut, je pense, entendre que Salomé était l'aînée des enfants de Cléopâtre[112]. L'épouse d'Amram[113] dit à Dieu : Je l'ai nommée Marie[114], je la mets sous ta protection, elle et sa postérité, afin que tu les préserves des ruses de Satan. Zackûri est celui que Dieu charge de la protéger. II la protège de si près qu'elle conçoit, qui ? Jésus ? pas du tout : Joannès ! Toutes les fois qu'il va la visiter dans son appartement retiré, il voit près d'elle de la nourriture qui lui vient il sait d'où. Cette nourriture, c'est le pain-Zakhûri[115], dont il ne reste plus que cinquante tranches d'une année au jour de l'accouchement[116], mais Dieu peut le renouveler et le multiplier à l'infini. C'est la grâce que Zakhûri demande à Dieu dans le sanctuaire : Donne-moi un enfant béni, ô toi qui exauces nos vœux ! L'Ange, — c'est Gabriel, — l'appelle alors, disant : Le Très-Haut t'annonce la naissance de Joannès. C'est clair, Joannès est fils de Marie et de Zakhûri... De sorte que, si ce n'était pas le même enfant que Jésus, c'est celui-ci qui serait fils d'Eloï-Schabed, mère de Joannès dans Luc !

Mais Mahomet ne connaît ni Eloï-Schabed ni Joseph, la sizygie[117] qu'il adopte est entre Zakhûri et Marie. Il simplifie le thème de Luc dont la sizygie parait double. Mais c'est bien le thème de Luc dont il se sert, parfois dans les mêmes termes : D'où me viendra cet enfant ? répondit Zakhûri à l'Ange. La vieillesse m'a atteint et ma femme est stérile. — Dieu fait ce qu'il lui plaît, répond l'Ange. Zakhûri lui demande un signe qui soit le gage de sa promesse : Tu seras muet pendant trois jours, lui dit l'Ange. Tel sera ton signe[118]. Et se tournant vers Marie : Dieu t'a choisie, dit-il, il t'a purifiée, tu es élue entre toutes les femmes... Nous te révélons ces mystères. Tu n'étais point avec eux[119] lorsqu'ils jetèrent le bâton sacré[120]. Qui d'eux eût pris soin de Marie ?[121] Tu ne fus point témoin de leurs disputes. Après cette évocation des disputes entre les puissances terrestres à propos de la verge de l'Æon-Lion, qui appartient à Marie, et qui est la verge du commandement, Joannès perd le nom de son signe pour s'appeler Ischa le Messie, le confident du Très-Haut. Il fera entendre sa parole aux hommes depuis le berceau jusqu'à la vieillesse[122]. Dieu lui enseignera l'écriture[123] et la sagesse[124], le Pentateuque et l'Évangile. Il leur dira : Les prodiges divins vous attesteront ma mission. Je formerai de boue la figure d'un oiseau, je soufflerai dessus, elle s'animera à l'instant par la volonté de Dieu[125]... Je vous dirai ce que vous aurez mangé, et ce que vous aurez caché dans vos maisons. Tous ces faits seront des signes pour vous si vous êtes croyants. Je viens vous rendre permise cette partie de la Loi qui vous avait été défendue[126]. Alors les autres apôtres de la famille, s'adressant à Dieu, disent : Seigneur, nous croyons au livre que tu as envoyé[127], nous suivrons ton Apôtre, écris-nous (écris nos noms) avec ceux qui te rendent témoignage[128]. Mais, quoique christien à sa façon, Mahomet ne peut voir en Ischa que le chef et l'aîné des apôtres. Ischa est aux yeux du Très-Haut un homme comme Adam. Ces paroles sont la vérité venue du ciel. Gardez-vous d'en douter. Venez, appelons nos enfants et nos femmes, mettons-nous en prières et invoquons la malédiction de Dieu sur les menteurs ![129]

Dans la seconde Nativité selon Mahomet, quel est encore l'époux de Marie ? Zackûri, père de Joannès, dans Luc. Zackûri, c'est Joseph ; et sa femme, ce n'est pas Eloï-Schabed[130], comme il semble dans Luc, c'est Marie. Avant sa naissance Joannès a reçu l'ordre d'étudier la kabbale : Joannès, lis les Écritures avec ferveur ![131] Juste envers ses parents, il ne connut ni l'orgueil, ni la désobéissance[132]. Célèbre Marie dans le Coran, s'écrie Mahomet, célèbre le jour où elle s'éloigna de sa famille (terrestre), du côté de l'Orient, — pour se confondre avec la Vierge, de manière à rentrer dans le thème de géniture prédit à son premier-né par Zackûri —. Elle accouche près d'un palmier, l'arbre de la connaissance du bien et du mal[133], le long d'un, ruisseau créé par Dieu à cette occasion (élément, nécessaire à la rémission par l'eau baptismale), et, lorsque l'opération est terminée, Gabriel lui dit : Ébranle le palmier et tu verras tomber des dattes mûres ! Or, c'était l'hiver, dit un commentateur du. Coran, mais, à la voix de Gabriel, l'arbre s'était couvert de feuillages et, de fruits. Voilà ce que c'est que d'avoir donné aux Juifs l'enfant qui devait les faire rentrer dans le Jardin aux douze récoltes ! Vous savez maintenant pourquoi Bar-Abbas est dit le Jardinier dans Cérinthe, et pourquoi sur le Zodiaque des Chaldéens, reçu dans la famille d'Amram, la Vierge qui porte l'enfant de Dieu est représentée avec des raisins et des épis plein les mains.

Dans le Coran, comme dans le mythe chaldéen d'Ichtar, Gabriel a apporté de l'Orient à Marie le message qui lui ordonne de concevoir, elle a conçu, accouché après la gestation habituelle, et reparu, comme dans l'image zodiacale de la Vierge, avec l'enfant sauveur dans les bras. Cela n'a pas fait grief aux droits de son mari sur le nouveau-né, au contraire. Si elle a conçu de l'Orient, du Soleil levant, comme il est dit dans Luc, elle a accouché d'Ischa, fils d'Ischaï, de Jehoudda, fils de Jehoudda. Mahomet a la sphère des Mages sous les yeux lorsqu'il compose. Or, si dans Marie il n'y avait pas Magdaléenne, et dans Magdaléenne la mère des sept fils par qui Panthora espérait fouler aux pieds les Roumis, Mahomet n'en parlerait pas comme s'il s'agissait de la propre sœur de Moïse et d'Aaron.

Lorsqu'elle revient avec l'enfant qu'elle amène de l'Orient : Marie, lui dit-on, il vous est arrivé une étrange aventure ! Sœur d'Aaron[134], votre père[135] était juste, et votre mère[136] vertueuse. — Par conséquent comment se fait-il que vous ayez accouché dans le secret et qu'on ne vous voie point de mari ? — Pour toute réponse elle fait signe d'interroger son fils : Nous adresserons-nous à un enfant au berceau ? Mais l'enfant, qui a déjà quatre mille neuf cent cinquante ans le jour de sa naissance et en qui est le signe, répond : Je suis le serviteur de Dieu, il m'a donné l'Évangile et m'a établi prophète. Voilà bien l'auteur de l'Évangile éternel du Royaume, comme dit l'Apocalypse, il ne s'appelle pas Jésus, il est Joannès comme signe, et Ischa comme chair : Ainsi parla Ischa, véritablement fils de Marie, sujet d'égarement pour un grand nombre. Dieu ne saurait avoir un fils !

Quant à Marie, sa maternité ne l'empêche pas de rester la Vierge, comme dans le Proto-évangile de Jacques : Dieu propose à l'admiration des croyants[137] Marie, fille d'Amram, qui conserva sa virginité. Gabriel lui transmit le souffle divin. Elle crut à la parole du Seigneur, aux Écritures, et fut obéissante[138]. Mais tout cela n'est que figure, et doit cesser quand le blasphème commence. S'adressant aux Juifs qui ont fabriqué les Écritures christiennes : Ô vous qui avez reçu le Livre de la loi, s'écrie Mahomet, pourquoi couvrez-vous la vérité par le mensonge ?... Pourquoi la cachez-vous quand vous la connaissez ?La Loi ne nous ordonne pas, disent-ils, d'être justes avec les, infidèles. Ils mentent à la face du ciel et ils le savent ![139] ... Ceux qui font commerce de l'alliance du Seigneur et de leurs serments perdent, pour un vil intérêt, le partage qui leur était destiné dans l'autre vie. Dieu ne leur parlera point au jour de la résurrection, ils seront la proie des supplices[140]. Quelques-uns d'entre eux corrompent le sens des Écritures, et veulent nous faire croire que c'est le véritable. Ils vous disent que c'est la parole de Dieu, et ce n'est point la parole de Dieu. Ils prêtent un mensonge au Très-Haut, et ils le savent ![141] ! Nous, nous croyons aux livres que Moïse, Ischa et les prophètes ont reçu du ciel, nous ne mettons aucune différence entre eux, nous sommes musulmans ![142]

Voilà la vérité tout entière, elle est là depuis treize cents ans, il n'y a qu'à se baisser pour la prendre. L'opinion de Mahomet sur Bar-Abbas et sa mère, c'est celle d'avant les croisades. Déjà il ne cachait pas son étonnement de voir les Occidentaux adorer un mort et, pour comble d'aberration, un Juif qui avait passé sa vie à souhaiter, à prédire, à préparer leur destruction. Ils disent que Dieu a un fils ! C'est proférer un blasphème. Peu s'en faut qu'à ces mots les cieux ne se fendent, que la terre ne s'entrouvre et que, brisées, les montagnes ne s'écroulent ! Qu'eût-il dit s'il avait vu ces mêmes Occidentaux brandir la croix patibulaire et se ruer sut l'Islam pour délivrer le faux sépulcre de leur plus mortel ennemi ? Croyez-vous qu'il eût parlé de Marie et d'Ischa, comme il en a parlé dans le Coran ? Et que voulez-vous que Mahomet pensât du christianisme, lorsqu'il voyait, lui, transcripteur de deux Nativités de Joannès le baptiseur et Jésus sont le même enfant, des Évangiles où l'Église a coupé la tête de l'individu qu'elle fait adorer, d'autre part, comme crucifié ?

 

XII. — Mahomet n'ignorait rien de ce qui touche la grande mater sabbatica de l'Évangile. La parole d'Abraham est dans les sept démons que Dieu avait tirés des flancs généreux de cette fanatique.

La Caverne, et les sept enfants de Dieu qui sont dedans, est une des énigmes proposées par Mahomet à la sagacité des devineurs. Dieu avait envoyé ses sept fils dans une caverne et les y avait endormis, après avoir placé un chien devant l'entrée. Au bout d'un grand nombre d'années, il les réveille pour voir qui d'entre eux saurait mieux compter le temps qu'ils étaient restés en sommeil. Ouvrant les yeux, ils voient que leurs concitoyens adorent d'autres divinités que Dieu, tels ceux qui suivent la Bête romaine dans l'Apocalypse. Pour que leurs yeux n'en voient pas davantage, ils s'enferment volontairement dans la caverne, placée de telle sorte que le soleil en se levant se détourne à droite et en se couchant se détourne à gauche, si bien qu'il n'en éclaire jamais l'entrée. C'est un miracle incompréhensible, mais Dieu fait ce qu'il veut. On devine qu'ils sont hors du point solsticial marqué par l'Âne, mais très près de lui néanmoins, puisque leur Chien est couché à l'entrée de la caverne, et que quiconque les eût aperçus aurait reculé d'épouvante.

Réveillés de nouveau par Dieu afin qu'ils s'interrogeassent mutuellement sur la durée de leur sommeil, l'un d'eux croit n'avoir été là qu'un jour ou moins encore, — c'est parce qu'il n'a pas vu se lever le Chien qui marque le commencement d'une nouvelle période —, mais un autre réplique que Dieu sait combien de temps ils ont demeuré dans la caverne. C'est lui qui a compté. Combien sont-ils eux-mêmes ? Mahomet ne veut pas le dire : On disputera sur leur nombre et l'on dira qu'ils étaient trois et leur chien, cinq et leur chien, sept et leur chien ; mais c'est vouloir pénétrer un mystère que peu de personnes savent. Dis : Dieu connaît parfaitement leur nombre. Nous aussi, ils étaient sept, de l'Agneau à la Balance incluse, comme les sept jours de la Genèse et les sept fils que Jehoudda le Gamaléen emmène dans la caverne[143] pour les naziréer en vertu de ce même canon astrologique. Ils sont trois jusqu'à l'Âne, et leur chien est toujours là : cinq en y comprenant le Lion, qui tient le bâton de commandement, et leur chien ne s'est pas levé ; sept, en y comprenant la Balance, signe du retour à l'androgynisme d'Adam, et leur chien continue à garder l'entrée de la caverne. Car c'est le Chien qui devait prévenir l'Âne, demandez plutôt à Nicolas d'Antioche, disciple de Shehimon dit la Pierre ! Ils sont morts et leur chien ne s'est jamais levé ! Il ne plaît pas à Dieu que Mahomet en dise plus long : Ne parle d'eux qu'avec science, et ne raconte point leur histoire aux infidèles ![144] Mais il s'agit si bien des sept démons de la Gamaléenne, que des christiens lui ayant demandé de leur raconter cette histoire, il leur répliqua : Demain. Et le lendemain, au lieu de la leur dire, il écrivit ce verset qui en est la moralité : Ne dis jamais : je ferai cela demain, sans ajouter : si c'est la volonté de Dieu. C'est là précisément ce que Bar-Abbas et ses frères avaient oublié, ils avaient compté sans la volonté de Dieu, celui-ci les avait protestés, ne s'étant jamais engagé pour cette échéance[145].

Pensez-vous qu'un prophète comme Mahomet ignorât ce qu'était l'Âne de Juda ? Qui a mieux défini le rôle de ce signe dans la kabbale résurrectionnelle ? Écoutez l'histoire de ce voyageur Ozair qui, monté sur son âne, passe un jour devant Jérusalem après sa ruine par les Chaldéens[146]. Il tient en main un panier de figues qui viennent de l'Arbre de la génération et un vase rempli d'un via qui provient de la Vigne du Seigneur, et pourtant il ose dire : Comment Dieu ressuscitera-t-il les habitants de cette ville détruite ? Pour avoir formulé ce doute, Dieu le punit de mort. Pendant cent ans il le laisse en cet état, puis, jugeant l'épreuve assez longue, il le ressuscite : Combien de temps as-tu demeuré ici ? lui demande-t-il. — Un jour ou quelques heures, répondit le voyageur. — Vois ta nourriture et ta boisson, ajouta le Seigneur, elles sont encore dans leur entier. Regarde ton âne, il n'en reste que les ossements ! Nous avons opéré ce miracle afin que ton exemple instruise les hommes. Alors Dieu rassemble les os de l'âne, les couvre de chair, et, rendu à la vie, l'animal se met à braire ! Et vous voudriez qu'entré sur ce même âne dans la Ville consacrée à Dieu, dans Nazireth en un mot, Jésus ne ressuscitât point ? L'ombre d'un Juif serait-elle moins que celle d'un âne ?

 

XIII. — En dépit des ménagements que la politique leur commande, les musulmans n'ont pas toujours caché le mépris que leur inspire la superstition née des mensonges ecclésiastiques. Que n'avons-nous dans le texte original la lettre, — si terrible par sa portée documentaire, — que le calife de Bagdad, à la fin du Xe siècle, envoyait à Nicéphore Phocas, empereur byzantin, lequel avait eu l'audace de se dire pur et chrestien ! Malheureusement on en a enlevé tout ce qui était à retenir, et, qui pis est, la main des moines a comblé les vides qu'elle y a faits. Contentons-nous de la version qui nous reste, quoiqu'elle sente le froc et le capuchon.

Je ne pense pas qu'on puisse rien lire de plus exquis dans l'ironie et de plus précis dans la définition que la lettre de ce calife. L'homme qui a écrit cela s'appelait de son surnom Elkaffal et il était de Tachkend. Arouet qui de son surnom s'appelait Voltaire et était de Paris n'a rien signé de plus délicieux. Phocas se dit pur[147], écrit Elkaffal, or il est le plus impur des polythéistes[148], ses vêtements même sont souillés par des impuretés[149]. Il se dit chrestien[150], or c'est un être féroce, incapable d'un acte de clémence, il n'est pas chrestien, c'est un trinitaire et un ignorant, car il dit que Jésus[151] défie toute description humaine ! Est-ce raisonnablement que tu parles ainsi ou ton cœur est-il troublé ? Celui qui veut conquérir l'Orient et l'Occident et répandre partout la religion de la croix est le plus vil des hommes ! Et qui s'incline devant les croix avec l'espoir qu'elles le dirigeront est un âne qui mérite d'être marqué au visage[152] ! Jésus le prophète est le fils de Marie, qui l'a nourri, comme tu l'as été toi-même d'aliments. Quant à celui dont le trône est au-dessus des cieux, c'est le Père de Jésus[153] et celui qui ressuscitera les cadavres décomposés[154]. L'époux de Marie, ce n'était pas, comme on l'a dit, Joseph le Charpentier ; c'est là l'invention d'un homme obligé de mentir[155]. Les Évangiles sont la démonstration de ce que nous disons[156], et ils annoncent ceux de la bonne nouvelle qu'il viendra quelqu'un qui sera le sceau des prophéties[157]. Ce quelqu'un est nommé le Paraclet[158], et il viendra découvrir tout ce que les prophètes auront annoncé, en entier et sans en rien cacher. Parmi eux[159] il s'appelait le Fils de David[160], et il exauçait les vœux qu'on lui adressait[161] dans les prières. Aurait-il fait usage du suaire s'il n'en avait pas eu besoin ? Et s'il en a eu besoin, n'est-ce point comme un adorateur de Dieu et, un de ses serviteurs ? Si Mohamed est mort, à l'exemple de tous les grands prophètes, Jésus est mort aussi à un moment déterminé[162], et tous les prophètes de la race d'Adam ont eu le même sort. Comment contester cela quand on sait qu'il est mort sur la croix, et qu'il a souffert de mauvais traitements : mauvais traitements qui ont consisté en couronne d'épines[163], en soufflet, et en garrottage à l'aide de cordes au moyen desquelles on l'a traîné au gibet[164]. Si les fils de Mohamed ont souffert de dures épreuves, s'ils ont été faits prisonniers, s'ils ont eu la gorge coupée (Elkaffal rappelle les exploits dont se vantait Phocas), Jésus, de son côté, a goûté l'amertume de la mort pareille à l'amertume des coloquintes. [Joannès le Précurseur[165] et Zacharie[166],] et d'autres parmi ceux que la faveur de Dieu nous a envoyés, ont été les victimes des tyrans qui ont porté la main sur eux. Pourtant, aucun de ceux qui ont souffert[167] n'a pu arriver à égaler leur supériorité[168].

Je ne pense pas que Phocas ait fait afficher cette lettre sur les murs de Constantinople[169], ni qu'il en ait envoyé une copie au pape, même en l'état de sophistication où elle est aujourd'hui.

 

XIV. — J'ai fini. J'ai fourni ma preuve, j'ai déchargé ma conscience. Le Juif de rapport n'est pas ressuscité, et surtout il ne le méritait pas. La vérité seule est digne de vivre. Le christianisme mourra comme son idole, perdu par lui-même, sans avoir jamais sauvé personne. L'Église tombera de dessus son âne après avoir trompé tout le monde, l'État et le peuple. Alors, s'il leur reste encore un peu de voix, les christiens pourront chanter les louanges de Dieu ; jusqu'à présent ils n'ont fait que les braire.

 

FIN DU ONZIÈME ET DERNIER VOLUME

 

 

 



[1] Augustin, De consensu Evangelii, liv. I, part. II, ch. X.

[2] Confessions, liv. V, ch. X.

[3] De massa lucidissima mons tuæ porrectum... Talem itaque naturam ejus nasci non posse de Maria. (Confessions, liv. V, ch. XI).

[4] Confessions, liv. V, ch. XI.

[5] Confessions, liv. V, ch. IX.

[6] Cf. Les Marchands de Christ.

[7] Bar-Jehoudda n'avait pas été plus écouté qu'Isaïe, quoiqu'il eût sur lui l'avantage d'avoir entendu la voix de l'Abba lui disant du haut des cieux : Je t'ai engendré aujourd'hui.

[8] Réponse des évangélistes : A Bar-Abbas dans son Apocalypse.

[9] Ainsi Bar-Abbas : Et germinavit radix Jessé.

[10] Fuites en Egypte et au désert, emprisonnements, fouet, exposition publique, supplice de la croix.

[11] Bref c'est de notre faute s'il a été crucifié, la faute de ceux qui l'ont abandonné au Sôrtaba, à Lydda, puis celle de ceux qui l'ont livré à Pilatus.

On pouvait interpréter en ce sens la mission que Bar-Jehoudda tenait de son père et qui lui ordonnait d'aller jusqu'au sacrifice de sa vie. Et à la condition de supprimer tous les crimes pour lesquels il avait été condamné à mort, on pouvait dire qu'il avait souffert pour la Circoncision, innocent comme l'agneau de la pâque expiant les péchés du Peuple Juif envers Dieu.

[12] On ne pouvait appliquer ce passage à Bar-Abbas qu'à la condition de prendre les choses au spirituel, puisque selon son naziréat il était mort vierge. Mais sa virginité est le grand argument qu'on invoquait en faveur de son innocence au point de vue du péché d'Adam. Au moins n'avait-il pas commis celui-là, et pour cette cause son baptême était agréé de Dieu. Ses autres péchés, en supposant qu'il en eût eu sur la conscience, ce qui n'apparaissait plus dans l'Évangile, il les avait expiés sur la croix (on sous-entendait : volontairement), il en était lavé. Là encore, selon l'Ecriture, Dieu avait fait grâce à son christ.

[13] En effet on avait commencé par nier qu'il eût été crucifié. Maintenant on niait qu'il eût été mort, sinon peut-être pendant le qu'il était resté au caveau provisoire. Encore l'avait-il employé à l'enfer pour y réconforter ceux qui attendaient la résurrection générale selon son Apocalypse.

[14] La volonté de Dieu, c'est le Royaume des Juifs sur la terre, tel qu'il est défini dans l'Apocalypse, les nations menées par la verge de fer du fils de David.

[15] Cf. Celse dans Bar-Abbas.

[16] De 388 de l'E. C. à 384. Imposteur intrépide qui a dû parer le coup de la découverte du corps de Bar-Abbas en 362. C'est peut-être lui qui a décapité Joannès le baptiseur.

[17] Quant à la vérité juive, il n'en est déjà plus question.

[18] Ces préventions chez le savant, c'est l'identité charnelle de Bar-Abbas et de Jésus.

[19] Pourquoi ne pas remonter plutôt à la source araméenne ?

[20] Mathias bar-Toâmin n'a jamais transmis que les Paroles du Marân.

[21] La source unique pour cet imposteur, c'est celle où les mots Bar et Abbas sont traduits par uios patros ou uios théou.

[22] D'où la disparition des Évangiles selon Lucien et Hésychius.

[23] On sent qu'ils avaient laissé beaucoup trop de vérités et qu'on n'avait pas pu y glisser la décapitation du Joannès.

[24] Préface des Quatre Évangiles refaits sur l'ordre du pape Damase avec les attributions actuelles. On a mis ce travail sous le nom de Jérôme, canonisé pour ses impostures.

[25] Cf. Bar-Abbas.

[26] Confessions, liv. IX, ch. III.

[27] Confessions, liv. VI, ch. VI.

[28] Confessions, liv. VI, ch. IX.

[29] Cf. Bar-Abbas.

[30] Confessions, liv. V, ch. IX.

[31] Confessions, liv. VII, ch. XIX et XX.

[32] J'ai la conviction contraire, mais afin de ne point engager la discussion, je les prends telles qu'on me les donne.

[33] Mort en 430 de l'E. C.

[34] Rutilius Namatianus, De reditu suo, I, 389, 439, 518 et suiv. Radix stultitiæ est une expression remarquable. Il s'agit de la racine de David que Bar-Abbas disait être dans son Apocalypse. Et germinavit radix Jessé. Le poème de Rutilius, fortement adultéré, a reparu à la fin du quinzième siècle.

[35] Tous les vers qui spécifiaient l'origine christienne du monachisme été ou altérés ou supprimés ou remplacés. A Faléries on doit un Juif, gardien d'un couvent où l'on célèbre la pâque... d'Osiris !

[36] Dans Eusèbe, Préparation évangélique, l. V, ch. I.

[37] Eunape, Vie de Maxime.

[38] Cf. dans Le Charpentier, notre premier aperçu de la question.

[39] Cf. Les Évangiles de Satan, deuxième partie.

[40] Cf. L'Évangile de Nessus.

[41] Genèse, ch. XXXIII.

[42] Ruth, IV, 18-22.

[43] On dit tout aussi bien la verge de Jessé que la verge de Moïse ou la verge d'Aaron. Ces verges sont la même verge magique. Jetée sur la terre, elle devient serpent (image du temps). Le jour où quelqu'un la plantera, elle prendra racine, et sa racine portera fleur. Ce quelqu'un, c'est le Messie. Le petit Bar-Abbas a trois verges de ce genre dans l'Évangile de l'Enfance. (Cf. Bar-Abbas.) Il l'a dit lui-même dans son Apocalypse : Je suis la racine. Il aurait pu ajouter : Donc je suis la fleur. C'est le jardinier dans toute sa force édénique.

[44] Cf. Le Charpentier.

[45] Livre de la génération de Jésus, publié par Wagenseil dans ses Tela ignea Satanæ.

[46] Celui qui a été publié par Huldrich en 1705.

[47] L'abbé du Clot, La Bible vengée des attaques de l'incrédulité, Paris, 1835, t. III, p. 295.

[48] Concluons-en que le Rabbi Akiba qui fit campagne pour Bar-Kocheba, arrière-petit-neveu des sept fils de Jehoudda, est pour beaucoup dans l'élaboration de la Nativité selon les premiers Évangiles, laquelle Nativité est aujourd'hui dans celui de Luc.

[49] Dans l'Anticelse. Cf. Bar-Abbas.

[50] L'abbé du Clot, La Bible vengée des attaques de l'incrédulité, Paris, 1835, t. III, p. 291.

[51] Cf. Josèphe, Antiquités judaïques, liv. XVIII, ch. VI, § 776.

[52] Dans la traduction de la Genèse par M. Ledrain, la Loi ne doit pas sortir d'entre les cuisses de Juda que le Messie ne vienne. Dans l'Apocalypse il porte le signe du tétragramme sur la cuisse. Cf. Le Roi des Juifs.

[53] Cf. Le Charpentier.

[54] Le Talmud de Babylone a également mêlé le bar-Juda lapidé au premier des bar-Juda crucifiés. Cf. Le Roi des Juifs.

[55] Celui qui a été publié par le protestant Huldrich en 1705.

[56] Vous le voyez, c'est bien un bar-Juda que Marie la Gamaléenne appelle le jardinier au Guol-golta.

[57] Antiquités judaïques, liv. X, ch. II.

[58] Cf. Le Saint-Esprit.

[59] En effet, si on ajoute six ans à la date que les Actes des Apôtres assignent à la fausse décapitation de Jacob senior et à la fausse évasion de Shehimon hors de la prison de Jérusalem, on obtient la date de 802 qui est celle de la crucifixion.

[60] Elle s'appelait simplement Antonia, elle était à Jérusalem, et c'est là que, selon les Actes eux-mêmes, il avait été enfermé avec Jacob senior.

[61] C'est le : Tu es Petrus, et super hanc petram ædificabo ecclesiam meam.

[62] Nos prophètes, surtout les anciens, comme Jonas, Joseph et Moïse.

[63] L'Ieou-Shanâ-os, le Joannès, et c'est ainsi qu'il est appelé dans le Coran quand on l'envisage sous cet aspect apocalyptique.

[64] Le Coran, ch. X, La Parure.

[65] Sinon son père, à qui Cérinthe et Matthieu l'ont donné.

[66] Mon fraternel ami Poirier, le grand anatomiste, enlevé trop à l'Académie et à la Faculté de Médecine, a fait sa thèse d'agrégation sur ce sujet. A la base du squelette humain, a trouvé la raie.

[67] L'ichtus grec en vient tout droit.

[68] On retrouve ce mythe dans les mythologies du Nord. Niord, l'Adam de l'Edda, correspond au signe du poisson.

[69] Ich, poisson, en scythe ; fisch, en allemand ; fish, en anglais ; fits, en suédois, piscis, en latin, pésk, en breton, etc.

[70] Cf. Layard, Nineveh.

[71] Le Coran, XVIII, la Caverne, 3, 4.

[72] La Caverne, 54.

[73] La Caverne, 60 et suiv.

[74] Aaron n'est pas nommé, mais comme il s'agit d'un serviteur de Moïse, dont il dépendait en effet, ce ne peut être que lui. C'est à tort que des exégètes musulmans nomment Josué.

[75] La mer Rouge et la Méditerranée.

[76] Un des premiers actes de l'enfant Jésus en Égypte, dans l'Évangile de l'Enfance, c'est de tuer un autre enfant pour la même raison.

[77] Voir les similitudes du trésor dans les Évangiles, les perpétuelles allusions de Marie Magdaléenne au trésor de lumière dans la Sagesse de Valentin, les deux deniers de la veuve dans la cour du trésor.

[78] Avec les attributs du bélier.

[79] Cf. Le Roi des Juifs.

[80] Cf. Bar-Abbas.

[81] La Thrace, disent les exégètes musulmans.

[82] De l'hébreu biah.

[83] Tobie, IV, 16.

[84] Tobie, IV, 17.

[85] On lit : cinquante dans certaines éditions, celle de M. Ledrain, par exemple, cinquante-six dans d'autres, la Vulgate notamment.

[86] Elimas veut dire Mage. C'est ainsi qu'on appelle Simon le Magicien dans les Actes des Apôtres. (Cf. Le Saint-Esprit) Bar-Jehoudda n'est lui aussi qu'un Elimas.

[87] On lit Gabael et Gabrias, mais c'est Gadael et Gadrias. Le radical hébreu de leur nom (dag, poisson) est simplement retourné.

[88] On lit Raguès, ville dont parle en effet Strabon, mais ici c'est Dagués, c'est même Dag-os (dag, poisson, os, signe.)

[89] On lit Raguel.

[90] On lit Raguès.

[91] Dans l'édition de M. Ledrain, Edna, où l'on retrouve Eden.

[92] Que de paraboles bâties sur ce fondement dans les Évangiles ! Cf. Les Évangiles de Satan, première et deuxième parties.

[93] Trois choses nécessaires à trois opérations.

[94] C'est pour cela que dans Cérinthe Jésus fait cuire les cent cinquante-trois poissons sur les charbons ardents. Il chasse le Démon des sept fils de la Gamaléenne.

[95] Cf. L'Évangile de Nessus.

[96] Cf. Les Évangiles de Satan, deuxième partie.

[97] Et non Raguel, comme on le lit partout. Dag-el est le Dagouri des Paroles du Marân, c'est le Dagon des temples de Phénicie dont il est question dans les Évangiles. Le Baal-Zib-Baal de ces mêmes Évangiles n'est qu'un Dag-el.

[98] Avec les noirs de son espèce.

[99] La fête des Sorts par laquelle on inaugurait le signe des Poissons. cf. Le Charpentier.

[100] Pour saisir la subtilité de cette séméiologie, il faut se rappeler que le vieux Tobie a été aveuglé par l'hirondelle printanière. Or, le poisson qui le guérit est le frère Sud de celui que les Chaldéens appelaient l'ichtus kélidonios, le poisson à tête d'hirondelle, (le poisson Nord de la constellation.) Cf. Bouché-Leclerq, Astrologie grecque, p. 148.

[101] Tobie, XII, 7.

[102] Issue de Kèto, (kètos, d'où cétacé.)

[103] Mot formé arec les initiales de ces cinq mots : Ιήσοΰς, Χριστος, Θεοΰ Υίός, Σωτήρ, Jésus-Christ, fils de Dieu, sauveur.

[104] Nous renaissons dans l'eau à l'état de petits poissons, selon notre Ichtus Jésus-Christ, et ce n'est qu'en restant dans l'eau que nous sommes sauvés. (Tertullien, De baptismo, ch. I.)

[105] C'est se conduire en fils de l'ichtus. (Jérôme, Lettre VII, ad Chromatium.)

[106] Le Coran, ch. III, La famille d'Amram, 2.

[107] Le famille d'Amram, 30.

[108] Exode, VI, 23.

[109] Cf. Bar-Abbas.

[110] Le Coran, II, la Vache, 139.

[111] La famille d'Amram, 34. Dieu, dit Mahomet, savait ce qu'elle avait mis au jour. Des caractères marqués distinguent les deux sexes. Sur ces caractères, cf. la Sagesse de Valentin dans Les Évangiles de Satan, troisième partie.

[112] Si c'est par analogie avec les enfants d'Amram, il y en a eu deux après elle, deux fils.

[113] Le Coran ne la nomme pas ; mais c'était Iaô-Schabed (Exode, VI, 20), que Luc rend par Eloï-Schabed.

[114] C'est son nom d'Évangile, son nom spirituel.

[115] Le pain-Verseau.

[116] Cf. Le Charpentier.

[117] Conjonction. Voyez celle de Madame Paul dans le présent volume.

[118] En effet le signe est l'oan (ou zib), le poisson, dans lequel Jonas, — c'est pourquoi Jehoudda de Gamala porte le nom de Jonas dans certains Évangiles, — a été muet pendant trois jours et trois nuits.

[119] Avec ceux qui, à la mort d'Hérode, ont délibéré sur sa succession. Elle était alors en Egypte.

[120] La verge qu'avaient Moïse, Aaron et Ischaï, père de David, laquelle est le signe du pouvoir dans la kabbale. C'est cette verge qui devient serpent dans l'Exode (IV, 3 ; VII, 10, 12, 20) et dévore celle des magiciens de Pharaon, ce qui signifie, le serpent étant l'image du temps, que le pouvoir appartient à cette verge jusqu'à la fin des âges. Il s'agit ici de celle d'Ischaï, dont Bar-Jehoudda est fils par David. Ischaï, Ischa (Jessé), Isa, c'est tout un pour Mahomet. Celle d'Aaron était enfermée dans l'Arche avec douze autres, elle donne les fleurs et les fruits de l'Eden. (Nombres, XVIII, 8.)

[121] Aucun certes, ils l'eussent plutôt tuée, elle et son premier-né. De là la fuite en Egypte.

[122] Il avait près de cinquante ans pendant l'année des baptêmes.

[123] Paroles du Marân, Apocalypse.

[124] Dans le sens de gnose secrète, kabbale. Cette science vient avant le Pentateuque, elle sert à comprendre les Ecritures.

[125] Suivent les miracles de Jésus, les résurrections même.

[126] De prononcer le nom de Ieoa, le tétragramme, et par là de pouvoir enfin rentrer dans l'Eden.

[127] L'Apocalypse, interprétation de la double pierre.

[128] Les patriarches.

[129] La famille d'Amram, 52, 54.

[130] Serment de Dieu. Ce nom ne figure ni dans la première ni dans la seconde Nativité selon Mahomet, laquelle semble provenir d'un Évangile reçu chez les Ischaïtes (Jesséens, Poissonniers), d'Égypte.

[131] Ch. XIX, Marie, 13.

[132] Marie, 14. Par conséquent, il n'instilla jamais sa mère, ses frères et ses sœurs, en leur disant qu'il ne les connaissait pas.

[133] C'est le figuier dans l'Évangile.

[134] La sœur d'Aaron et de Moïse, c'était Marie la Magdaléenne. Après cela, doutez-vous encore que Marie la Magdaléenne et Marie la Vierge ne soient une seule et même personne ?

[135] Amram, fils de Lévi, qui avait le Lion pour emblème.

[136] Iaô-chahed (serment d'Iaô). Son nom est un équivalent d'Eloï-Schabed. Avec quel art Mahomet évite de mêler la Soda, la mère immédiate de Salomé, à cette histoire !

[137] Musulmans.

[138] Le Coran, ch. LXVI, la Défense, 12. Marie fut obéissante en faisant tous les enfants qu'il plut à son homme, sans aller conter à toutes ses voisines comment et quel jour la chose s'était passée. Mahomet est d'autant moins dupe de cette Nativité que, pour lui, Gabriel est l'ange qui préside aux rapports conjugaux. Mais la discrétion de Marie, son silence sur celui qui lui a fait cet enfant et les autres, est utile à Mahomet, et il la propose en exemple à l'une de ses femmes qui est allée raconter à une autre qu'il a passé avec une troisième une nuit qui était destinée à la seconde. Mahomet la répudia pour lui apprendre à vivre, mais Gabriel arrangea l'affaire.

[139] La famille d'Amram, 64, 69.

[140] La famille d'Amram, 70.

[141] La famille d'Amram, 72.

[142] La famille d'Amram, 77.

[143] Cf. Le Charpentier.

[144] La Caverne, 22.

[145] Pour se débarrasser des importuns Mahomet dit : Ces enfants demeurèrent trois cents ans dans la caverne plus neuf ans. Mais il ajoute, sachant bien que ce n'est pas répondre : Dieu sait parfaitement le temps qu'ils y restèrent. Le Coran aussi.

[146] Le Coran, II, La Vache, 261.

[147] A cause des effets du baptême.

[148] Il est amusant de retrouver sous la plume d'Elkaffal l'opinion des Celse et des Julien qu'adorer un mort (surtout celui-là !) est pire que la plus grossière idolâtrie.

[149] Croix patibulaires et signes de la passion.

[150] Le calife fait parfaitement la différence entre le chrestien, tenu à la justice et à l'humanité par l'étymologie même de son nom, et le christien, qui tient trop de Bar-Abbas pour mériter le nom dont il se pare.

[151] Il y avait certainement un autre nom, peut-être même le nom de circoncision : Juda.

[152] Ah ! il connait son dossier, le calife de Bagdad !

[153] Comme il est l'Abba du calife, quoique celui-ci ne soit pas fils d'Israël, mais d'Ismaël.

[154] Par conséquent celui de Bar-Abbas, pour qui l'opération est encore à faire. Cependant, elle sera plus difficile pour lui que pour un autre, depuis son avatar de 362.

[155] Encore un homme qui connaît le vrai nom de ce pseudo-charpentier et tout le fond de l'affaire.

[156] Nous, mahométans, sur la résurrection générale à la fin des temps.

[157] Des prophéties dont ce Juif n'est qu'un interprète comme tant d'autres. Sur ce sceau, voir Bar-Abbas.

[158] Dans l'Évangile de Cérinthe. Le calife de Bagdad attend lui aussi le Messie, qui ne sera pas Juif, mais musulman.

[159] Les Juifs.

[160] C'est vrai, mais n'y avait-il pas encore un autre nom, celui de Bar-Abbas ?

[161] Au Paraclet qu'il devait être à partir des Ânes de 789, C'est l'expression employée par Cérinthe dans son évangile. (Cf. L'Évangile de Nessus.)

[162] Qui n'a pas toujours été celui qu'on dit dans les Évangiles. Pour les Arabes, victorieux des troupes d'Antipas en 788, la version de la famille (à savoir que le roi-christ n'était pas parmi les crucifiés de Pilatus) avait fait son chemin jusqu'à Mahomet.

[163] La couronne d'épines n'a été introduite dans les Évangiles qu'aux temps de Sextus Empiricus. Il n'est pas probable que le calife l'ait spécifiée aussi clairement.

[164] Toute cette partie a été remaniée. La condamnation par le sanhédrin  est supprimée. Le garrottage date de Lydda, et le dépôt de Bar-Abbas dans la prison du Hanôth est supprimé.

[165] Addition ecclésiastique certaine. Le Coran ne connaît qu'un seul Joannès : Bar-Abbas.

[166] Zakhûri, le nom séméiologique du père de Bar-Abbas.

[167] Du coté juif.

[168] Celle des prophètes de l'Islam.

[169] Sur cette lettre voir Nicéphore Phocas, empereur byzantin, par M. Schlumberger, Paris, 1890, in-4°. On n'en a qu'une copie du douzième siècle, si toutefois le mot copie convient au travail dont elle a été l'objet.