LE MENSONGE CHRÉTIEN - (JÉSUS-CHRIST N'A PAS EXISTÉ)

 

TOME X — BAR-ABBAS

I. — DE BAR-ABBAS À JÉSUS.

 

 

I. — Je me suis engagé à établir non seulement que Jésus n'a point existé, mais que, depuis le châtiment infligé à Bar-Jehoudda jusqu'à la fin du quatrième siècle et au-delà, aucun homme consciencieux et instruit, de quelque pays que ce soit, n'a été dupe de la mystification ourdie par les parents du crucifié et reprise cent ans plus tard, sous une forme nouvelle, par les premiers évangélistes. Le moment est venu de tenir cette promesse. Je vous ai annoncé des milliers de témoignages, j'aurais pu dire des millions, si je n'avais pas voulu vous réserver la surprise de voir des peuples entiers surgir du monde antique et déposer ainsi : Tout ce que vous dit Arthur Heulhard, nous l'avons dit nous-mêmes. Tous nous avons su, professé publiquement, de bouche et de plume, que l'individu promu dieu par les Juifs du Royaume était l'imposteur et le scélérat qui, prétendant être christ et fils de Dieu, avait été crucifié sous le nom même qu'il s'était donné : Bar-Abbas[1]. Et cela, nous ne l'avons pas dit pendant une ou deux générations, nous l'avons dit pendant quatre fois cent ans, sans nous laisser-influencer par les faux que l'Église semait à chaque instant sous nos pas pour nous faire tomber dans ses pièges.

On ne m'embarrasse donc nullement en m'opposant les trois cent soixante millions d'hommes qui croient à l'existence de Jésus, parce que les savants ont négligé de leur apprendre qu'ils adoraient Bar-Abbas. A mon tour j'en fais comparaître des milliards, qui ont refusé d'adorer Bar-Abbas, parce qu'ils connaissaient l'inexistence de Jésus. La seule différence, c'est que vos témoins sont vivants, tandis que les miens sont morts. Ils n'en sont que plus désintéressés dans la question.

 

II. — Appelons d'abord les témoins qui se sont succédé depuis l'exécution de Bar-Abbas jusqu'à la mort d'Hadrien, soit une période de cent années pendant lesquelles nul n'a pu connaître Jésus, puisqu'il n'était Pas encore inventé. Nous commençons par les Juifs réfractaires à la jehouddolâtrie, et par là nous entendons tous ceux qui, soit parce qu'ils n'étaient pas christiens, soit précisément parce qu'ils l'étaient, ont refusé de reconnaître pour fils de leur Dieu le fils aîné de Jehoudda le Gamaléen. A ceux-là on fait un procès-absurde, et qui d'ailleurs ne se serait jamais produit, s'ils se fussent défendus par les armes invincibles qu'ils avaient en mains. Les catholiques et les protestants leur reprochent d'avoir tué Jésus ; s'ils n'étaient pas aveugles, ils ne leur en voudraient que d'avoir donné-naissance à Bar-Abbas.

Sur le séjour de cet imposteur en Égypte nous n'avons que trois lignes dans le Talmud de Jérusalem et trois lignes dans celui de Babylone : Joshua ben Perachja et Jésus se rendirent ensemble à Alexandrie d'Égypte, dit le Talmud de Babylone. A partir de ce moment, Jésus exerça la magie, et instruisit les Israélites dans les voies les plus fâcheuses. Ce passage n'a de valeur qu'en ce qu'il établit le fait même du séjour de Bar-Abbas en Egypte à l'âge de l'initiation. C'est une variation sur le passage du Talmud de Jérusalem où Bar-Abbas n'est nullement désigné sous le nom de Jésus, mais sous celui de Ben-Sotada, fils de l'adultère, ou, pour rentrer dans la pensée du scribe, fils de la déviation par le double adultère de David et de Bethsabée[2]. Elle est d'un temps où l'imposture évangélique a fait son œuvre et où le fils aîné de Jehoudda, parfois désigné sous le nom de Joannazir[3] dans le Talmud de Babylone, n'est plus connu que sous sou pseudonyme ecclésiastique : Jésus.

Strauss a fait observer qu'ayant vécu un siècle avant bar-Abbas[4], Joshua ben-Perachja n'a pu accompagner celui-ci à Alexandrie. Nous avons montré qu'il y avait erreur d'un degré dans l'allégation du Talmud : c'est le père qui fut disciple de Joshua ben Perachja, et non le fils. Encore doit-on défalquer du compte de Strauss les vingt-et-un ans qu'avait Bar-Abbas lorsque l'Église fait naître Jésus dans l'Évangile de Luc.

Voici comment l'Église[5] explique qu'il y ait eu, au temps du séjour de Bar-Abbas en Égypte, des traductions grecques de la kabbale sur laquelle ont spéculé le père et la mère de cet imposteur. Le roi Ptolémée — on veut parler de Ptolémée XIV, Césarion, fils de Cléopâtre et de César, et non, comme le croient les exégètes, de Ptolémée Philadelphe, mort quelque deux cent trente ans avant la naissance de Bar-Abbas —, ayant voulu fonder une bibliothèque où seraient réunis les ouvrages de tous les écrivains, fit demander à Hérode qui régnait alors eu Judée de lui envoyer ces livres. Hérode les lui envoya écrits en hébreu, mais comme personne n'entendait cette langue en Égypte[6], Ptolémée lui fit demander de lui envoyer des savants juifs pour les traduire en grec. De là ces traductions qui existent encore en Égypte, où on les trouve partout entre les mains des Juifs ; mais ils les lisent sans les comprendre.

La kabbale de Ben-Perachja était connue en Égypte bien avant que Bar-Abbas y fût mené. Le signe physique du naziréat, — consécration à Iahvé, — c'était le tatouage cruciforme, nous l'avons déjà dit[7], et nous avons cité le passage du Talmud de Jérusalem où il est question de la croix dont fut marquée la peau, bras droit, main droite, front, on ne sait, — de Bar-Abbas. De tout temps ce signe avait été permis ou toléré, à la condition qu'il ne reproduisit pas la lettre thav, la dernière de l'alphabet hébreu, toutes les lettres d'ailleurs appartenant au Verbe de Dieu. Ben-Sotada, pour l'appeler comme les rabbins qui discutent là-dessus dans le Talmud de Jérusalem[8], s'était tatoué de la croix solaire. Mais, leur objecte Rabbi Éliézer, Ben-Sotada n'a apporté ses sortilèges d'Égypte que de cette façon ?Est-ce qu'à cause d'un fou, répliquèrent-ils, nous châtierions une quantité d'hommes sensés ?

Il y avait certainement des documents plus explicites sur l'initiation de Bar-Abbas à la magie et sur les pratiques auxquelles il se livrait. Comment, en attendant qu'on pût les supprimer, les a-t-on disqualifiés ? En lui attribuant les miracles fabriqués par les évangélistes. De cette façon ceux qui l'accusaient de sortilèges ont passé pour des calomniateurs, et les miracles eux-mêmes pour des faits authentiques. Il avait essayé à force de prodiges de réveiller l'attention de ses contemporains, mais ceux-ci attribuèrent à la magie les miracles qu'ils lui voyaient opérer[9]. Les miracles étaient indispensables, et quand bien même ils ne seraient pas là en remplacement des signes, il eût fallu les inventer, ne fût-ce que pour ne pas mettre Bar-Abbas au-dessous d'Apollonius de Tyane et de tous les faiseurs de tours qui tondaient partout l'immense troupeau des imbéciles.

 

III. — Dans les Évangiles dits de l'Enfance, la plupart des scènes à clef se passent en Égypte. Il n'y a point, avons-nous dit[10], d'Évangiles apocryphes relativement à d'autres qui seraient authentiques. Ceux qui semblent les plus absurdes, comme les Évangiles de l'Enfance, sont parfois les plus précieux par les allégories qu'ils recèlent, car ils aident puissamment à expliquer les séméiologies des Écritures canoniques et jusqu'aux noms de guerre des principaux personnages.

On y voit Jésus faisant des oiseaux avec de la boue : ce sont les modèles de la colombe lumineuse qu'il exhiba au Jourdain et dont parle le Coran d'après la tradition recueillie par les Évangiles eux-mêmes[11]. Il ne faudrait pas croire qu'il fut libre de ne pas avoir une colombe comme présage de l'Ieou-Shanâ[12]. Elle lui était ce qu'était l'avis prœpes à un augure, l'oiseau dont le vol est favorable et se pose en un lieu d'heureux présage. Avec sa colombe de terre cuite il ne pouvait en imposer qu'à des rustres perdus d'ignorance et de crédulité. Mais il y avait, même en pays barbare, des gens d'assez d'expérience pour .ne pas s'étonner qu'un Juif eût pu faire une colombe de terre cuite et qui volât. Car la plupart des auteurs grecs, et notre gaulois Favorinus d'Arles, nous ont transmis comme un fait certain qu'Archytas de Tarente, à la fois philosophe et mécanicien, avait fait une colombe de bois qui volait, et qui, une fois posée, ne s'élevait plus. Et Aulu-Gelle, qui rapporte le fait[13], pense que l'impulsion était fournie à cet oiseau mécanique par l'air qu'il contenait intérieurement. Il est probable que la colombe de Bar-Abbas eût été de bois, si elle n'avait pas eu pour but de recevoir de l'huile et de former lampe.

On le voit rendant la vie à un poisson desséché, image du Zib qui était son signe dans le Zodiaque millénaire (l'Ieou-Shanâ-os), et d'où son père fut surnommé avant lui Ieou-Shanâ-os par les uns et Zibdéos par les autres. On le voit portant de l'eau à Marie dans son manteau, ce qui complète l'étymologie des mots Ieou-Zeb (ou Zeph, équivalent de Zib), et Baal-Zib-Baal[14]. On le voit planter en terre trois bâtons qui deviennent immédiatement trois arbres couverts de feuilles et de fruits, parce qu'ils lui ont servi à marquer sur le calendrier les trois signes par où il devait rentrer dans l'Eden avec les Ânes : d'où il est dit le Jardinier par Cérinthe[15]. On le voit faisant jaillir de nouveau la fontaine miraculeuse dont parle la Genèse comme étant au milieu de l'Eden.

On le voit mettant à mort un enfant qui l'avait frappé : c'est un droit régalien, et il en usa contre Ananias lorsque celui-ci se permit de lui faire concurrence en baptisant[16].

Joseph et Marie choisissent pour demeure la maison d'un jeune homme qu'une magicienne avait changé en mulet. Le jeune homme descend d'Abraham par Ismaël et Agar. La magicienne est de la famille de Jannès et de Mambrès, les mages de Pharaon qui jadis engagèrent la lutte contre Moise ; et par cette métamorphose elle a rendu impossible le retour du jeune homme à l'unité de son espèce, puisque le mulet est le produit de l'âne avec la jument ou celui du cheval avec l'ânesse et ne reproduit pas. Il est dans des conditions encore moins bonnes que l'ânesse de Balaam qui pouvait être montée par l'âne de Juda ; mais il ne se rend aucun Compte de son état, et cette inintelligence est l'œuvre de la magicienne qui l'a métamorphosé ; ses sœurs, au contraire, qui sont d'un sexe condamné, mais en même temps sauvé par le petit Bar-Abbas, voient très bien où est le salut du pauvre mulet. Elles se tournent vers Marie, l'accoupleuse de femmes, la priant de lui rendre sa Première forme. Marie met le petit sur le dos du mulet, et immédiatement ce mulet redevient jeune homme, parce que Bar-Abbas en le montant l'a soumis au signe de Juda, fils d'Abraham par la noble Sara : ce signe, c'est l'Âne et l'Ânesse qui dans la kabbale millénariste marquent le retour à l'un en deux, deux en un ; c'est le signe copulatif de l'Æon-Zib, lui-même copulatif en tant qu'Æon[17].

Toute cette scène n'est qu'une séméiologie inspirée par les Paroles du Rabbi où Salomé jouait, en sa qualité de reine-mère, le rôle considérable que l'on sait. Répétons pour la dixième fois qu'interrogé par elle sur le Point de savoir à quel moment arriveraient les choses de l'Évangile du Royaume, Bar-Abbas répondait : Ce sera quand vous aurez foulé aux pieds le vêtement de la Pudeur, quand deux deviendront un, le mâle avec la femelle, ni homme ni femme[18].

 

IV. — Explicite sur Bar-Abbas, l'histoire des Juifs est muette sur Jésus, plus muette encore que les poissons du lac de Génésareth, On ne s'est pas borné à dresser contre elle une montagne de faux, on l'a fait parler de Jésus alors qu'elle n'en disait rien, ou mentir toutes les fois qu'elle parlait de Bar-Abbas. L'Évangile a dit qu'un jour les pierres crieraient !

Philon, qui meurt très vieux, nous mène jusqu'aux premières années de Claude, non sans avoir assisté à la' reprise de la mascarade du prétoire au Gymnase d'Alexandrie[19], dans une ville qui comptait plus de deux cent mille Juifs ! Or la parade d'Alexandrie se rapproche beaucoup plus de l'originale que le récit de celle-ci dans les Évangiles actuels. Ce récit a subi des restrictions sensibles : la scène a été simplifiée de manière à en abréger la durée, mais celle que cite l'Église dans Justin[20] porte qu'on avait tiré Bar-Abbas de côté et d'autre et qu'on l'avait fait asseoir sur un trône en lui disant : Juge-nous ![21] Allusion trop conforme à son Apocalypse pour se retrouver aujourd'hui dans les- textes admis par le canon.

Philon est de ces Juifs qui se sont hellénisés par la langue, mais il n'a point renoncé à Moise pour embrasser Platon, il n'admire dans la philosophie des Grecs que ce qui s'en éloigne pour se rapprocher du judaïsme. Comme tons les Juifs, il alla au moins une fois sacrifier l'agneau dans le temple de Jérusalem, le temple de ses pères, et prit son chemin par Ascalon, la patrie d'Hérode et la ville aux familières colombes[22]. Car tout alexandrin qu'il fut devenu par habitation, il ne dévia pas d'une ligne de la foi mosaïque : Nous acceptons la mort avec joie, comme si nous recevions l'immortalité, plutôt que de laisser toucher à aucun des usages de nos ancêtres, persuadés qu'il en arriverait comme de ces édifices auxquels on arrache une pierre et qui, tout en paraissant rester fermes, s'affaissent peu à peu et s'écroulent[23]. Et nul, pas plus Caligula que le dernier des citoyens romains, n'entreprit rien contre ses croyances.

Philon ne s'est pas douté de l'existence de Jésus, mais il a connu celle de Jehoudda et de ses fils, car rien ne lui échappe de ce qui touche aux mouvements religieux de sa nation. Il est frère d'Alexandre l'alabarque, un hérodien in partibus Ægyptiorum qui sert de trait d'union entre l'autorité romaine et les Juifs du Delta. Alexandre était à Jérusalem en 772, lors de la première arrestation de Bar-Abbas ; du moins est-il nommé Parmi ceux devant lesquels comparut cet imposteur, gui n'en était pas encore à la période inflammatoire[24].

Riche à millions, tout-puissant sous Caligula, c'est l'alabarque Alexandre qui fit la commandite d'Agrippa, petit-fils d'Hérode, lorsque celui-ci alla en Judée pour gouverner les terres où Bar-Abbas s'était dit roi-christ. Nous avons dit comment Agrippa avait fait escale à Alexandrie, comment il avait été reçu par l'alabarque, comment enfin et par quel exemple les habitants avaient taillé l'ambition qu'il annonçait de reconstituer le royaume de son grand-père : on lui joua la mascarade du prétoire. Les remaniements et les substitutions de texte pratiqués dans les Antiquités judaïques et dans la Guerre des Juifs de Josèphe, en même temps que dans le Contre Flaccus et dans la Légation à Caïus de Philon, nous ont empêché de dater avec précision la mascarade d'Alexandrie. D'un examen plus attentif il résulte qu'elle est postérieure de deux ans et environ quatre mois à celle du prétoire. Elle eut lieu en juillet ou en août 791, seconde année du règne de Caligula, quelques semaines avant la fête des Tabernacles, la Rosch-hashana dont il est fait si grand état dans les Évangiles. Ce fut le prélude de troubles sanglants qui mirent aux prises les Juifs et les Égyptiens et, à ce qu'il semble bien, les Juifs entre eux. L'influence d'Alexandre en sortit amoindrie, mais elle remonta sous Claude qui le tira de prison et le combla d'égards. Parmi les fils de l'alabarque, l'un épousera une Bérénice hérodienne après la mort de Caligula ; l'autre, Tibère Alexandre, gouverneur de Judée sous Claude et devenu parent de Saül, fera crucifier deux des frères de Bar-Abbas : Shehimon et Jacob senior.

Le silence de Philon sur Jésus était malheureux. Comment enzôner[25] ce grand Juif ? Un jehouddolâtre du sixième siècle, nommé Ammonius, se mit en devoir d'écrire, sous le nom de Philon, un ouvrage que celui-ci aurait adressé à Mnason[26], disciple des Apôtres, et dans lequel il combattait la divinité de Jésus avec toute la vigueur dont cet Ammonius était capable. Le but de cet intéressant travail n'était pas d'établir que Jésus était dieu, mais qu'il avait été homme : il s'agissait de culbuter les bataillons eutychéens, lesquels niaient, avec les manichéens — et combien d'autres ! que Jésus fût venu en chair et qu'il fût efficace de s'égorger pour ou contre Bar-Abbas. D'après le faussaire Anastase, sinaïte, voici le langage ingénu qu'Ammonius aurait tenu, s'adressant aux Eutychéens : Puisque vous ne voulez pas reconnaitre la nature humaine de Jésus-Christ, je vais faire le personnage de Paul de Samosate[27], ou plutôt celui d'un Juif infidèle, du philosophe Philon qui, dans un ouvrage qu'il adressa à Mnason, disciple des Apôtres, combattit la divinité du Sauveur. Étant du quatrième siècle, Paul de Samosate ne pouvait être invoqué utilement, tandis qu'en faisant plutôt intervenir Philon, contemporain de Bar-Abbas et de Saül, on prouvait l'existence de Jésus Par le seul fait que Philon niait sa divinité. Or c'était merveille d'entendre Philon s'écrier dans un long passage qu'avait inventé Ammonius : Les miracles de Jésus ne prouvent point qu'il soit Dieu ! Moise et plusieurs saints prophètes en ont fait d'aussi grands ! Et Philon ajoutait : Les infirmités, les misères, les besoins de la nature humaine auxquels il a été sujet, de même que les outrages, les supplices, la mort qu'il a soufferts, montrent qu'il n'était qu'un homme ! Il n'était qu'un homme, mais il en était un qui n'était pas Bar-Abbas, voilà ce qu'on demandait à Philon de dire. Ainsi Philon, qui était mort dans une incomparable ignorance des Évangiles, devenait garant de Jésus contre Bar-Abbas joué au Gymnase d'Alexandrie.

Par lui tous les Juifs d'Égypte, son frère l'alabarque, son neveu Tibère Alexandre, témoignaient de l'existence de Jésus en chair et en os. Ce témoignage, devançant les besoins de l'Église, enzônait tout le premier siècle. Philon avait combattu la divinité de Jésus, oui ! mais il avait prouvé par là que Jésus était homme, il avait entendu parler de ses miracles, de ses malheurs, de sa mort, et il ne les niait pas, puisqu'il les soumettait à la critique ! Mnason était un compagnon de Paul, il avait assisté à l'enzônement de Saül par Jacques : Philon lui avait adressé un écrit pour combattre la divinité de Bar-Abbas, mais ayant rencontré Pierre à Rome[28], il avait été tellement ébranlé dans son opposition qu'on ne doutait point qu'il ne fin mort jehouddolâtre

Aujourd'hui on convient qui Ammonius est un faussaire, mais on s'est longtemps servi de lui pour soutenir que Philon avait connu l'existence de Jésus. Obligée d'en rabattre, l'Église  a insinué que, s'il n'était point de Philon lui-même, l'écrit invoqué par Anastase le Sinaïte pouvait bien être de quelque autre Juif, membre de la Synagogue et contemporain de Mnason ; mais la chose est jugée : Ammonius est un faussaire comme Anastase.

 

V. — L'Égyptien Apion avait été député à Caligula pour lui exposer les griefs des Alexandrins contre les Juifs représentés par Philon dans cette ambassade. Dans un livre documenté Apion montrait que les soulèvements d'Alexandrie contre les Juifs tenaient en partie à la religion, pour mieux dire aux prétentions monstrueuses de la kabbale juive. Le livre d'Apion a disparu, et on lit aujourd'hui dans Josèphe[29] que si ces soulèvements tenaient à la religion, il y en aurait eu également dans les autres villes habitées par les Juifs, puisque chacun est d'accord que les Juifs ne sont point divisés de sentiments sans leur foi, et qu'au contraire ils y sont attachés jusqu'au martyre. Or, il y eut des émeutes dans quatre ou cinq villes, notamment Séleucie, Éphèse et Athènes, à cause de la division que la croisade jehouddique semait au quartier juif[30]. Il est donc certain qu'après avoir supprimé Apion, l'Église a revu et corrigé la Réponse de Josèphe à cet auteur, comme elle a remanié ce que l'écrivain juif y pouvait dire des Paroles du Rabbi. Et quoique, dans ses Antiquités, Josèphe eût constaté que ces Paroles étaient la cause de la chute de Jérusalem, on lit aujourd'hui dans sa Réponse à Apion que toute l'histoire, toute la loi, toute la morale juive consiste dans les vingt-deux livres de l'Ancien Testament, où nul ne s'est trouvé assez hardi Pour entreprendre d'ajouter, d'ôter ou de changer un seul mot, — pas même un iota, disait Bar-Abbas. De même vous chercheriez vainement dans le Contre Apion de Josèphe la mascarade où les Alexandrins Jouèrent Bar-Abbas au Gymnase, quoique Philon dans son Contre Flaccus la donne comme ayant été le prologue de l'émeute qui amena Philon et Apion devant Caligula.

Qu'Apion connût les Paroles du Rabbi, il n'en faut point douter. C'est en Égypte même que Jehoudda le Gamaléen avait été initié à cette kabbale par Joshua ben Perachja.

Sur les Ânes de Juda et la restauration de ce signe Apion disait tout ce qu'il fallait dire. Juste à l'endroit où Josèphe le cite à propos des séditions arrivées dans Alexandrie et des Ânes eux-mêmes, un texte latin d'une époque relativement moderne remplace aujourd'hui le texte grec, lequel ne reprend qu'après le pont aux ânes franchi[31]. Cette substitution embrasse tous les événements qui concernent les Juifs et la Judée depuis le règne d'Hérode, jusques et y compris la mascarade du Gymnase. Et on peut lire aujourd'hui dans ce latin de curie que si l'on veut faire une recherche exacte des auteurs des séditions arrivées dans Alexandrie, on trouvera que ce n'étaient point des Juifs, mais des citoyens tels qu'Apion ! D'où il résulte qu'Apion attribuait ces émeutes aux prophètes du Tharthak[32].

Apion insistait tellement sur le signe de Bar-Abbas que l'interpolateur latin de Josèphe lui lance cette aménité tout ecclésiastique : Apion aurait dû considérer ces choses, s'il n'avait une stupidité d'âne et une impudence du chien qui est un des dieux de sa nation[33]. Nous ne rendons aucun honneur aux Ânes, ni ne leur attribuons aucun pouvoir[34]... Les ânes ne servent parmi nous, comme partout ailleurs où on agit raisonnablement, qu'à porter des fardeaux et autres usages d'agriculture, et on les charge de coups lorsqu'ils sont paresseux ou qu'ils mangent le blé dans l'aire. Sans savoir qu'il s'exposait à de pareilles injures de la part des jehouddolâtres futurs, Apion racontait tout au long le rêve mondial qu'avait formé pour son fils aillé l'homme que les Jérusalémites disaient être Baal-Zib-Baal et que les Évangiles appellent tantôt Ieou-Ziph (Joseph), tantôt Zibdéos (Zébédée). Ce qu'était devenu le texte d'Apion dans Josèphe, nous l'ignorons absolument ; il est certain que, tout en défendant les Juifs sérieux de compter sur le double âne, Josèphe reconnaissait la matérialité du fait en ce qui touche Zibdéos et ses sept fils. Comme Josèphe et avant lui, Apion, disait dans son livre que le futur Jésus des Évangiles s'appelait devant la circoncision Jehoudda, fils de Jehoudda, nés tous deux sur la montagne du Camel[35]. Exégètes compétents, et vous, simples jehouddolâtres, ouvrez les oreilles et les yeux ! Voici ce qu'est devenu le songe du Zibdéos entre les mains de l'interpolateur latin de Josèphe.

D'abord, par un vigoureux coup de pouce dans la chronologie, les faits se passent sous Antiochus Épiphane[36] qui, comme vous savez, trouva un Tharthak d'or dans le Temple, lorsqu'il s'empara de Jérusalem. Zibdéos se nomme Zabidos (comme Barabas se nomme Carabas dans Philon). Au lieu d'être né au mont Camel, il est prêtre et sacrificateur d'Apollon au mont Carmel[37]. Loin de prophétiser contre les Iduméens dont est issue la famille d'Hérode, il va s'installer en Idumée afin de prophétiser pour eux. La guerre ayant éclaté entre Jérusalémites et Iduméens[38], l'oracle d'Apollon révèle à Zabidos le moyen d'entrer dans le Temple et de s'emparer du Tharthak. Une condition est nécessaire, c'est que tous les Juifs soient réunis dans le Temple, et il n'y a pas besoin d'être bien malin pour voir qu'une telle condition s'oppose radicalement au plan de Zabidos, tandis qu'au contraire elle était indispensable à la réalisation de celui de Zibdéos. On s'étonne donc que ce soit Zabidos qui aille trouver les Jérusalémites pour leur confier un pareil projet, alors qu'on contraire c'est le fils ainé de Zibdéos qui leur avait donné rendez-vous dans le Temple, avec les Juifs Cyrénéens, Alexandrins et autres. On s'étonne encore plus lorsqu'on voit Zabidos s'enfermer dans une machine de bois, comme aurait pu la construire un Charpentier qui n'aurait pas été spécialement affecté à la barque du salut, allumer autour de cette machine infernale trois rangées de flambeaux[39], comme aurait pu les exiger le fils du Charpentier, et paraître, au fur et à mesure qu'il s'avance dans cette triple ceinture de lumière, pareil à un astre descendu sur la montagne de Sion : tel l'Agneau, s'il fût venu à la pâque de 789[40].

Ce grand spectacle éblouit les Jérusalémites qui voient Zabidos venir de loin ; on ne sait quelle stupeur les saisit qui les paralyse, ils laissent entrer la machine dans le Temple, Zabidos en sort sans bruit, prend le tharthak d'or et (j'espère que c'est avec sa machine) s'en retourne au Carmel, lieu de sa naissance et de son sacerdoce. Pourquoi pas en Idumée ? Car à ce compte les vainqueurs sont les Carmélites qui ne sont pas en guerre avec les gens de Jérusalem ! Le faussaire s'étonne lui-même que Zabidos s'en aille au Carmel avec son tharthak ; et achevant de se moquer des dupes auxquelles il vient de donner ce beau change sur le songe du Zibdéos et sur son lieu de naissance, il s'écrie : Ne puis-je pas dire avec vérité qu'Apion n'a pu faire un conte si impertinent sans montrer qu'il est lui-même le plus grand âne et le plus effronté menteur qui fût lamais, puisque ces lieux dont il parle sont imaginaires[41], et que son ignorance passe à ce point qu'il ne dit pas que l'Idumée confine à Gaza[42] et n'a point de ville se nommant Dora ?[43] Il y a bien une ville ainsi nommée en Phénicie, auprès du mont Carmel, mais elle n'a point de rapport à ce qu'Apion dit si mal à propos, elle est à quatre jours de l'Idumée ! Comment parviendra-t-il à nous persuader que nos pères avaient cru si facilement à la venue d'Apollon s'avançant vers eux et marchant sur la terre tout environné d'étoiles ?[44] N'avaient-ils jamais vu de lampes et de flambeaux, eux qui en avaient une si grande quantité ? Ce prétendu Apollon pouvait-il marcher ainsi à travers un pays si extrêmement peuplé, sans rencontrer quelqu'un qui eût découvert sa fourberie ? Et aurait-il en un temps de guerre trouvé les bourgs et les villes sans corps de garde ? On voit par là qu'Apion reproduisait toutes les prétentions qu'affichait Bar-Abbas, et les circonstances dans lesquelles il avait si ignominieusement échoué, avec le nom des lieux que le faussaire taxe d'imaginaires pour avoir été enlevés de toutes les écritures ecclésiastiques. On voit aussi qu'à l'instar de Josèphe, et avant lui, il contait l'histoire des vases enterrés au Garizim par l'imposteur du Sôrtaba, car ayant su par Luc qu'un des chefs de la condamnation de Bar-Abbas était d'avoir empêché les prêtres de transporter les vases sacrés de Siloé au Temple, le faussaire a mis dans le même chapitre de la Réponse à Apion qu'il était défendu de porter aucun vase dans le Temple. Apion disait comment, à la voix de Bar-Abbas, devant le mot du Plérôme[45], les murs de Jérusalem s'écroulaient et les portes du Temple s'ouvraient toutes seules : Je ne parle point des autres absurdités qui se rencontrent dans cette ridicule histoire, dit à ce propos le faussaire. Mais je ne laisserai pas de demander comment les portes du Temple, si pesantes qu'il ne fallait pas moins de deux cents hommes pour les fermer chaque jour, eussent été si facilement ouvertes par cet imposteur tout revêtu de lumière ?[46]

L'entrée de Jésus à âne, — que dis-je ? à deux ânes ! — dans la Ville Sainte, est un des traits qui ont le Plus contribué au succès de Bar-Abbas auprès des Juifs, car le privilège de délier l'Âne et l'Anesse, et d'entrer à Jérusalem sur ce Tharthakthahthar, est réservé au Messie triomphant, quoi qu'il lui arrive ensuite, fût-ce la crucifixion. Il était absolument défendu de faire pénétrer dans la ville aucune chair de cheval, de mulet, d'âne, soit privé soit sauvage, de Panthère, de renard, de lièvre ou de quelque animal dont il est interdit aux Juifs de manger. Défense d'en nourrir, défense d'y porter même leurs peaux[47]. Dans la fable, dès que le peuple de Jérusalem voit Jésus sur le double âne, il n'hésite plus : C'est le fils de David qui entre ! Hosanna dans les hauteurs ! Lorsque les Juifs de la dispersion purent lire dans un récit que les églises déclaraient véridique la condition sine qua non des ânes, ils ne doutèrent point qu'un tel héros n'eût été ressuscité par Iahvé et ne dût revenir un jour avec les pouvoirs suprêmes. Les Ânes étaient la preuve.

 

VI. Sur les trois grands écrivains juifs du premier siècle, l'un, Philon, montre bar-Abbas joué au Gymnase par les Alexandrins ; l'autre, Josèphe, raconte l'histoire de l'imposteur qui ne se faisait conscience de rien pour tromper ses compatriotes et qui, leur ayant donné rendez-vous sur le Mont Garizim pour y retrouver les vases qu'il avait enterrés la veille[48], fut battu au Sôrtaba par Pilatus. Et Josèphe parlait de la fin de ce misérable, puisqu'aujourd'hui encore il parle de celle de Shehimon, de Jacob senior[49] et de Ménahem[50]. Le troisième, Juste, galiléen de Tibériade, est un historien de terroir, il parlait donc du gamaléen qui s'était dit bar-Abbas. Le premier a vécu et est mort en Egypte, les deux autres ont passé leur jeunesse dans des conditions telles, à la fois si près du Temple et de Gamala, qu'ils n'ont pu faire un pas sans croiser un juge de bar-Abbas ou un sicaire christien. Josèphe a vu le règne de Ménahem à Jérusalem. On a falsifié Josèphe et supprimé Juste, celui-ci avec d'autant plus de raisons qu'ayant écrit l'histoire de la guerre finale commencée par l'aventure de Ménahem[51], il ne pouvait parler du roi-christ de 819 qu'après avoir passé en revue toute sa famille depuis le Recensement de Quirinius. Mais de Jésus pas l'ombre, ainsi que l'a constaté le patriarche Photius[52].

Pour ce qui est de Josèphe, après en avoir enlevé presque tout ce qui avait trait à bar-Abbas, l'Église lui a fait subir trois interpolations[53]. Le but de la première est de faire croire à l'emprisonnement et à la mort (sous-entendu par décapitation) de Jean-Baptiste ; le but de la seconde est de faire croire à l'existence de Jésus et à sa résurrection, preuve de sa divinité. Le but de la troisième est de faire croire que Jacob junior. Présenté tantôt sous le nom d'André dans les Évangiles, tantôt sous celui de Stéphanos dans les Actes, n'était pas celui des frères de bar-Abbas que Saül avait lapidé en 788, mais un autre Jacob, qui aurait été exécuté par ordre du sanhédrin postérieurement à la crucifixion de Shehimon et de Jacob senior[54].

Les Juifs, dit-on, en parlant des orthodoxes, n'ont Pas réclamé contre les Évangiles, ils ont donc été forcés d'avouer l'authenticité des miracles et de la résurrection. Ils n'ont pu réclamer contre ce qui n'existait pas ; mais contre ce qui existait, c'est-à-dire contre Bar-Abbas et ses sectateurs, ils ont réclamé dès le premier jour, notamment par l'organe de Saül.

C'est un fait notoire, disent les Actes des Apôtres, qu'on se prononce partout contre cette secte[55]. Et l'auteur, quel qu'il soit, du Dialogue avec Tryphon, confirme que les Juifs organisèrent un apostolat, — le seul qu'il y ait jamais eu, — pour mettre leurs coreligionnaires en garde contre les excès de la croisade jehouddique.

De ce nombre fut Simon de Chypre, plus connu sous le nom de Simon le Magicien et auteur de la Grande exposition dirigée contre l'Évangile du Royaume.

Ce Simon était un fort habile homme que les hérodiens opposèrent aux frères survivants de Bar-Abbas. Né à Kitto[56] en l'île de Chypre, commensal des Hérodes, mage à leur dévotion et à celle des procurateurs, Simon était reconnu par tous comme la Grande Puissance, le Grand Démon de Dieu. (Jésus en avait extrait sept des entrailles de Salomé.) Mais c'était un faux prophète pour les davidistes, puisqu'il niait le Messie, autant dire la prédestination des Juifs au gouvernement du monde. C'est le faux prophète de l'Apocalypse, et il se peut très bien qu'étant parfaitement instruit de la kabbale et des sortilèges usités dans la famille jehouddique, il ait dit son mot soit avant soit après la condamnation de Bar-Abbas. Aussi fut-il considéré pendant deux siècles au moins comme étant, avec Saül, l'ennemi capital de la famille et de la secte christiennes. C'est contre ces deux personnages qu'on éclatait, lorsque les souvenirs du passé revenaient à la surface. Dans les premiers écrits fabriqués par l'Église sous le nom de Clément le Romain, la haine des jehouddolâtres s'exprime par la fable de Pierre accourant à Rome pour châtier Simon sous le nom de Saül et Saül Sons le nom de Simon. Quand le mensonge eut tout envahi et qu'on eut enzôné Saül mort, on représenta Simon comme ayant été la contrefaçon de Bar-Abbas, on lui prêta la même prétention à l'immortalité[57].

Les Simoniens repoussaient Bar-Abbas pour ses crimes et le Millénium pour sa faillite. Simon lui-même, condamnant la thèse du retour à l'hermaphroditisme originel prêché par Jehoudda et ses disciples, avait introduit le type d'Hélène dans sa Révélation : d'où ses sectateurs sont dits parfois Héléniens. Il n'est pas de calomnies dont l'Église jehouddolâtre n'ait poursuivi Simon, jusqu'à l'accuser d'avoir trouvé cette Hélène dans une maison publique et de l'avoir associée à sa vie pour combattre Bar-Abbas. Pour Simon, en effet, les deux moteurs du monde étaient un principe masculin, une manière d'Iahvé, et le principe féminin auquel il avait donné le nom d'Hélène. D'où les docteurs ecclésiastiques, dans un esprit de mensonge qu'ils étendent à toutes les matières, ont dit[58] — cela ne signifie Pas qu'ils l'aient cru — : Simon se prétendait une incarnation du Père et il avait acheté sur le marché de Tyr une fille publique, nommée Hélène, qu'il faisait passer pour le principe féminin de sa divinité.

Quand on eut fabriqué la résurrection, on raconta que loi aussi s'était vanté de ressusciter le troisième jour. L'auteur des Philosophoumena ne sait rien de la fin misérable qu'on a inventée pour Simon d'après les prédictions que Pierre lui fait dans les Actes. Il connait la fable de Pierre venu à Rome pour s'opposer aux prestiges de Simon, mais il ignore et ce que dit le pseudo-Justin du monument qui lui aurait été élevé dans l'île du Tibre et ce que dit le récit de sa fin icarienne, en plein cirque, devant Néron et les apôtres Pierre et Paul. En revanche, les Philosophoumena connaissent bien les Évangiles : l'auteur peint une scène où Simon, enseignant sous un platane, convie ses disciples à lui creuser une fosse et à l'enterrer vivant leur garantissant qu'il ressusciterait le troisième jour : les disciples obéissent, mais il ne vient pas au rendez vous : en effet, il n'était point le christ[59]. Et, à la différence de Bar-Abbas, il ne disait point l'être.

Malgré toutes ses prétentions à la divinité, la renommée de n'avoir été qu'un vulgaire magicien n'en demeurait pas moins étroitement attachée à Bar-Abbas, ne fût-ce qu'à cause des Paroles du Rabbi. Pour ceux qui ne savaient pas qu'il eût été en même temps un criminel, c'est un magicien qu'on avait crucifié, rien qu'un magicien ; et son remplacement sur la croix par un autre magicien de sa bande, nommé Simon de Cyrène, n'était qu'un dernier tour de métier. C'est ce qui a donné l'Église, dans Tertullien notamment et dans Irénée l'idée de mettre en cause Simon de Chypre comme s'il avait été pour quelque chose au Guol-golta. Lorsque plusieurs siècles eurent passé sur la crucifixion de Simon de Cyrène et qu'on eut supprimé les Paroles de bar-Abbas, on raconta de Simon le Chypriote qu'il avait la témérité d'affirmer qu'il était la puissance de Dieu, que lui, qui était la Sagesse, était descendu par l'opération du Démon pour être recherché des Juifs, et qu'étant enveloppé d'un fantôme, il avait paru souffrir, quoi qu'il n'eût pas souffert ![60] Or les prétentions qui s'affirment ici sont Proprement celles de bar-Abbas, dont les Juifs disaient eux-oléines : Il a le Démon[61] ; et le trait final, la substitution de Simon de Cyrène à Bar-Abbas par le moyen d'un fantôme, reproduit textuellement le dispositif de l'Évangile de Marc[62].

Il y eut donc un moment où l'Église enzôna Simon le Chypriote pour détourner sur lui l'attention qui s'était portée sur Bar-Abbas, cet autre magicien dont la bande avait été dispersée au Sôrtaba. On eut besoin un jour de quelqu'un dont les ancêtres fussent de Samarie, qui feignit de ne connaître ni l'affaire du Sôrtaba ni l'enterrement de Bar-Abbas à Machéron, et qui vint affirmer que Simon le Magicien, Chypriote dans Josèphe, était Samaritain, comme les Actes des Apôtres, sans le dire positivement, pouvaient le laisser croire ! C'est alors qu'on enzôna le philosophe Justin, dont les parents étaient Grecs de Sichem. Justin déclara qu'un magicien autre que Bar-Abbas avait travaillé la Samarie sous Tibère et que ce magicien nommé Simon était de Gitta[63] près Sichem. Mais il fait, au nom de l'Église, cet aveu dont il aurait bien pu se dispenser : Autrefois nous nous livrions à la magie ; aujourd'hui nous nous consacrons au dieu bon[64] et non engendré.

S'adressant donc à Antonin le Pieux, également enzôné pour la circonstance, Justin s'écrie : Après le retour du christ au ciel, les démons suscitèrent de hommes qui se dirent dieux, et loin de les poursuivre vous les avez comblés d'honneurs ! Simon, le Samaritain du bourg de Gitthon[65], vint dans votre ville impériale de Rome, sous le règne de Claude César. Aidé par les démons, il fit des prodiges de magie. On le prit pour un dieu ; il eut sa statue comme un dieu : elle s'élève dans l'île du Tibre, entre les deux ponts, avec cette inscription latine : Simoni deo sancto. Presque tous les Samaritains, et quelques hommes d'autres nations, le reconnaissent et l'adorent comme leur première divinité. Une certaine Hélène, qui l'accompagnait alors dans toutes ses courses, et qui avait d'abord vécu dans un lieu de prostitution, passe pour être sa première expression... Nous l'avons déjà dit, Simon vint auprès de vous dans cette ville impériale de Rome sous Claude César. Il excita une telle admiration parmi le Sénat et le peuple romain qu'on le prit pour un dieu et qu'on lui éleva une statue comme aux autres dieux à qui se décerne cet honneur. Nous supplions donc avec vous le Sacré Sénat (quelle vénération ! c'est presque le Sacré Collège !) de prendre connaissance de notre requête, afin que si quelqu'un est attaché à ces fausses doctrines il puisse reconnaitre la vérité et échapper à l'erreur. Nous vous demandons aussi de vouloir bien détruire cette statue.

Voilà ce que l'Église écrit dans la Première Apologie qu'elle a mise sous le nom de Justin.

Mais personne n'a présenté requête à Antonin pour obtenir la destruction d'un monument qui était celui d'une divinité sabine. Une telle erreur était impossible de son temps. Volontairement ou non, l'auteur de cette phrase commet une erreur dont on n'a eu la preuve qu'au XVIe siècle par la découverte de diverses inscriptions en l'honneur du dieu sabin Semo Sancus : l'une en effet dans l'île du Tibre, d'autres au Palatin où ce dieu avait un temple. Erreur pardonnable à un étranger qui écrirait loin de Rome et sans avoir vu les choses, mais inexcusable chez ce même homme, s'il habite Rome et a écrit deux Apologies. Que Justin cherche à expliquer la divinité de Bar-Abbas à Antonin, passe encore ! Mais lui soutenir que Simon de Chypre est samaritain[66] et qu'il a sa statue dans l'île du Tibre, entre les deux Ponts — comme si cet Empereur qui est un vieux romain avait besoin de ces indications topographiques ! —, et le soutenir à la faveur d'une confusion aussi bouffonne avec la vieille divinité sabine — comme s'il ne se rappelait pas qu'il parle au prince le plus versé dans les cultes du terroir ! — voilà ce qu'on ne peut comprendre ! Cette erreur aurait été signalée à Justin entre les deux Apologies qu'on lui prête, soit par son entourage soit par celui de l'Empereur, et il aurait eu tout le temps de retrancher de la Première un argument qui la rendait ridicule.

Il parait donc bien qu'elle n'est point de Justin. Justin avait vu assez de monuments pour ne point confondre l'asile rustique et moussu de Semo Sancus avec un sanctuaire frais élevé à Simo Magus. Les marques du temps auraient suffi à lui épargner cette bourde qu'il aurait eu, d'autre part, l'occasion et le moyen de réparer avant d'écrire une seconde Apologie.

En dépit de toutes ses ruses, l'Église n'a jamais pu nier qu'elle eût dans ses fondements des livres qui n'étaient ni les Évangiles, ni les Actes des Apôtres, ni les Lettres de Paul, mais bien des livres de kabbale de magie. Ces livres étant ceux où Bar-Abbas annonçait son règne et sa judicature, l'Église dans Justin fait partir cette judicature non plus des Paroles du Rabbi, mais des Évangiles, et parlant à Antonin le Pieux elle dit :

Il enverra certains annoncer ces choses dans monde entier et ce sont surtout les Gentils qui croiront- en lui. Quelques-uns, il est vrai, osent dire que Jésus est homme, fils d'un homme, et inculpé de magie[67]. Ce sont des on-dit : le sang de Jésus est dû non à la semence humaine, mais à la puissance de Dieu... il est le Fils de Dieu, le Verbe, la première puissance après Dieu[68] ; la Vierge l'a conçu sans commerce humain. Quant aux livres de magie attribués à Bar-Abbas par la malignité publique, ce sont les livres les plus innocents du monde, et ils ne sont pas juifs, ils sont païens : Les démons[69] firent porter la peine de mort contre ceux qui liraient les livres d'Hystaspe, de la Sybille ou des Prophètes[70], pour effrayer les hommes et les détourner de chercher dans cette lecture la connaissance du bien. Ils voulaient par ce moyen les retenir sons leur joug, mais ils n'ont pu interdire ces livres pour toujours. Nous les lisons sans crainte, et même, comme vous voyez, nous vous les offrons, dans la persuasion que cette lecture sera agréable à tous. Quand même nous ne parviendrions à persuader qu'un petit nombre d'entre vous, ce sera pour nous un très grand gain ![71]

Après la mort de Simon de Chypre qui semble être advenue sous Néron, Ménandre parut qui, tels Ananias et Apollos, et sans aucun souci du privilège appartenant à la famille de Bar-Abbas, se mit en devoir de oaptis. er dans Antioche. Il prétendait qu'on baptisât en son nom, et d'un baptême qui garantissait la résurrection un jour ou l'autre, — plutôt l'autre. L'Église dans Justin fait Ménandre samaritain, ce qui est possible, et disciple de Simon le Chypriote, ce qui est plus douteux. Ménandre le Samaritain, du bourg de Capparétée, fut disciple de Simon. Avec l'assistance des démons, il trompa par les prestiges de la magie les habitants d'Antioche, au point de faire croire à ses adeptes qu'ils ne mourraient pas, et encore aujourd'hui an trouve de ses disciples qui le croient.... Simon et Ménandre de Samarie séduisirent et maintiennent encore dans l'erreur beaucoup d'hommes.

Ménandre, en effet, se disait Jésus[72], et il avait pris ce nom auprès de ses disciples[73] ; mais, à la différence de Bar-Abbas, il ne sauvait pas les Juifs. En bon Samaritain qu'il était, il enseignait que le vrai Père leur était inconnu, ce qui résulte en effet de la faillite de l'Apocalypse. Obéissant à un scrupule que n'a pas connu Bar-Abbas, il n'osait pas se dire envoyé du Père, mais simplement des Æons ; il était lui-même Mon préposé au salut, l'Æon-Jésus, donc l'Æon-Zib, et Bar-Abbas n'était qu'un faux messie, comme sa lin l'avait surabondamment prouvé. Si on avait la kabbale de Ménandre, on saurait en quoi elle se rapproche ou s'éloigne du millénarisme juif au point de vue chronométrique. Mais Ménandre, comme son nom l'indique, était, lui aussi, l'homme qui demeure éternellement. En recevant son baptême à lui, Ménandre, ses disciples ne peuvent plus mourir, et au cas improbable où cela leur arriverait, ils ont reçu la résurrection avec le sacrement.

Ananias et Apollos, eux aussi, disaient être des Jésus, sans quoi ils n'auraient point baptisé. Mais comme ni eux ni Ménandre ne descendaient de David, ils n'avaient pas le droit de prendre un pareil titre. C'est pourquoi Jésus dit avec tant d'insistance dans les Synoptisés : Il en viendra beaucoup en mon nom... mais il n'y a que moi (de légal) ! Cependant tous exigeaient la circoncision, sauf Ménandre, et c'est la cause de son succès dans les villes syriennes. Pour triompher des répugnances que soulevait cette mutilation, l'Église a dû désavouer Bar-Abbas et se faire ménandrienne dans la Lettre aux Galates.

 

VII. — La profondeur du silence des historiens romains sur Jésus n'a d'égale que l'exactitude de leur documentation sur Bar-Abbas. Car on ne peut douter que Pilatus, rendant compte à Tibère des actes de son administration, ne lui ait fait un rapport sur la fin du Roi des voleurs. Quant à descendre à des détails que l'Église elle-même ne connaitrait pas sans les Évangiles, c'est une autre affaire. Ce n'est pas Jésus que le procurateur avait eu devant lui, mais Bar-Jehoudda dit Bar-Abbas.

Par des inventions hardies, mais ridicules, on fit que Justin déclarât à Antonin le Pieux : Vous pouvez voir tout le récit de la Passion dans les Actes de Pontius Pilatus... Qu'il ait accompli ces miracles, les Actes de Pontius Pilatus vous en donnent la preuve[74]. De même on mit dans Tertullien que Pontius Pilatus avait envoyé à Tibère un procès-verbal de cette vie et de cette mort miraculeuses, que Tibère en avait été impressionné au point de prier le Sénat de décerner les honneurs divins à Jésus[75], et que, si le Sénat ne déféra point à cette juste requête, c'est parce que l'Empereur ou Pilatus, ignorant les usages, avaient oublié de s'adresser directement à lui. Grande faute. Si Tibère avait eu le respect des prérogatives sénatoriales, la face du calendrier ecclésiastique eût changé. Au lieu de saint Pierre et de saint Paul, nous aurions saint Tibère et saint Pilate qui seraient morts martyrs au lieu de finir d'une façon basse et misérable.

Tibère poussant l'indifférence pour les dieux nationaux jusqu'à vouloir introduire la religion de Bar-Abbas à Rome, Tibère ouvrant le Panthéon à un Juif exécuté pour crimes publics, non vraiment il n'y a que l'Église pour oser de telles mystifications. De même il n'y a que l'Église pour se figurer que les détails de l'exécution, comme le tirage au sort des vêtements et leur répartition entre les soldats, étaient consignés tout au long dans les Actes de Pilatus[76]. Certes c'est une insanité rare que de représenter Tibère comme ayant demandé au Sénat d'inscrire Bar-Abbas parmi les dieux, et Néron comme ayant débattu la question avec Pierre et avec Paul. Mais si l'on songe que Tibère, instruit Par le Juif Théodore de Gadara, passa toute sa vie avec des astrologues comme Thrasylle, et que Néron, attentif. à toutes les traditions des Iules, prétendait descendre des Troyens, fils du Soleil, on peut affirmer que ces deux empereurs surent parfaitement ce qu'était la Kabbale jehouddique, la Croix, l'Agneau paschal, les Ânes et le reste[77].

Pour remédier au silence de l'histoire romaine sur Jésus, l'Église a interpolé Suétone et Tacite en divers endroits. Les Actes des Apôtres ayant dit contre toute vérité que Claude avait expulsé les Juifs de Rome, parmi lesquels Akiba l'Ancien[78] qui dans Corinthe aurait initié Saül au métier de tisserand davidiste, on a glissé la chose dans Suétone, afin qu'il y en eût un témoin hors des Écritures ecclésiastiques. Suétone est le seul à parler de l'expulsion des Juifs sous Claude : les autres chroniqueurs de Rome n'en parlaient pas plus que des supplices infligés sous Néron aux jehouddolâtres. Tacite, qui résume tous les historiens antérieurs, est muet. Or on sait quelle opinion il avait des Juifs : il a parlé de la punition qui leur fut infligée sous Tibère, il n'eut pas manqué d'y ajouter l'expulsion qui aurait eu lieu sous-Claude pour une cause aussi scandaleuse que l'introduction de la jehouddolâtrie dans Rome.

Des expulsions particulières, il y en eut sans doute, mais de collective point[79]. La candidature de Shehimon ; christ en charge, au trône universel, ne rallia point l'unanimité, en dépit des efforts d'Akiba et de sa femme. C'est ce couple qui était dépositaire des Paroles du Rabbi pour Rome et l'Italie. Il était tellement lié avec les divers membres de la famille jehouddique, hommes et femmes, qu'il a pu passer pour avoir reçu chez lui, à Rome, une Marie qui, étant donné son nom et la date supposée de la Lettre de Paul aux Romains[80], ne peut être que Salomé, fille de la mère des fils du Zibdéos et femme de Cléopas. De même, le Rufus qui nomme le pseudo-Paul, comme étant à Rome auprès d'Akiba et de Zéchéna[81], ne peut être que celui des deux fils de Simon le Cyrénéen dont il est question dans l'Évangile de Marc[82].

En dehors de l'interpolation de Suétone au sujet des Juifs qui sous Claude auraient été expulsés de Rome pour jehouddolâtrie, l'Église a remanié cet historien à l'endroit où il parlait du Royaume universel que leurs ancêtres leur avaient promis. Il est bien vrai, comme il l'observe, que, colportée par eux de temps immémorial, cette prophétie avait envahi tout l'Orient : c'est des Juifs que devait sortir le maître du monde, et c'était là toute leur religion. Mais ce que Suétone ne pouvait ignorer, C'est la renaissance de cette Apocalypse sous Tibère avec Bar-Abbas, sous Claude avec Shehimon, et sous Néron avec Ménahem : les astrologues avaient même dit à Néron qu'à ce compte le siège de l'Empire devait être non plus Rome, mais Jérusalem, en un mot qu'il fallait que l'Apocalypse s'accomplit, mais dans le sens contraire à l'attente de son auteur. Cet oracle, qui concernait un empereur romain, comme l'événement le prouva dans la suite, dit Suétone, les Juifs se l'appliquèrent à eux-mêmes. Ils se révoltèrent, mirent à mort leur gouverneur[83], chassèrent le lieutenant consulaire de Syrie qui venait à son secours et lui enlevèrent son aigle. Vespasien, avec son fils aîné, Titus, au nombre de ses lieutenants, rétablit l'ordre. Dès lors l'oracle se déclara pour les Romains contre les Juifs. Vespasien consulta celui du Carmel, et le sort répondit que, si grande que pût être son ambition, il lui garantissait le succès. Josèphe, un des plus nobles prisonniers, au moment où on le jetait dans les fers, ne cessa d'affirmer qu'il serait délivré par Vespasien, et par Vespasien empereur[84]. C'est Titus qui prit Gamala, et il voulut y entrer le premier. C'est à lui que l'oracle de Paphos promit la prise de Jérusalem : un tel honneur pour lui et une telle joie pour les soldats que ceux-ci, le saluant du nom d'imperator, rêvaient de donner un commencement d'exécution à l'Apocalypse en fondant avec lui l'empire d'Orient !

C'est un fait évident que Tacite disait toute l'histoire intérieure de la Judée depuis Jehoudda le Gamaléen jusqu'à Ménahem. Il la savait par Josèphe, par Juste de Tibériade, par les historiens latins et grecs qui avaient écrit avant lui sur les origines de la Guerre des Juifs. Josèphe n'avait écrit lui-même, et il le dit positivement, que pour répondre aux historiens étrangers. L'Église a fait mieux qu'interpoler et falsifier Tacite, elle a coupé tout le chapitre où il racontait le règne de Ménahem et les événements qui ont amené la guerre[85]. Parmi les historiens que Tacite avait consultés, il y avait Vespasien et Titus eux-mêmes, Titus qui avait vengé sur Gamala le massacre que .Ménahem avait fait de la garnison de Massada ! Comme Josèphe, Tacite attribuait les causes de la guerre au Recensement de 760, à Jehoudda le Gamaléen et aux manifestations de ses fils, par ordre de martyre, en commençant par Jacob junior, lapidé par Saül, pour finir par Ménahem, le roi-christ de 819. Les prétentions de Bar-Abbas à la monarchie universelle, sa condamnation, sa capture et Sa fin occupaient donc encore plus de place dans Tacite que dans Josèphe, à cause du caractère anti-occidental de son Apocalypse. Ce que Josèphe avait dû atténuer par diplomatie, Tacite le mettait en relief comme une monstruosité tempérée de bouffonnerie.

C'est seulement après avoir fait disparaître le chapitre sur les apôtres de la Restauration davidique qu'on a mêlé Jésus-Christ et ses disciples à l'incendie de Rome sous Néron. Il est certain qu'aucun des historiens a qui Tacite emprunte le récit de l'incendie, ne mêlait les disciples du Gamaléen à ce sinistre[86]. Aucun, par conséquent, ne disait que les christiens de Rome eussent été arrêtés en masse et livrés aux supplices les plus atroces pour un crime dont on n'accusait que le hasard ou Néron[87].

Le but de celui qui interpola Tacite à cet endroit a été de faire croire que, dès le règne de Néron, il y avait à Rome, et sous le nom de christiens, des incirconcis adorateurs de Bar-Abbas, et que l'horreur manifestée universellement pour le nom de christ et de christiens venait d'une cause étrangère au sicariat jehouddique. L'immixtion des Juifs de Rome à l'incendie n'est dans aucune des histoires qui avaient précédé Tacite. Ces histoires étaient dans toutes les mains en son temps, elles n'avaient point encore disparu au temps de Dion Cassius qui arriva cent ans plus tard. Or, ni Dion Cassius, ni ses successeurs jusqu'au cinquième siècle ne connaissent l'incendie de Rome par les christiens ; ils n'ont trouvé ce nom, à propos du fait, ni dans Tacite ni dans les écrivains antérieurs à Tacite. Autrement, sénateur romain, ennemi déclaré des Juifs, à fortiori des jehouddolâtres, Dion Cassius n'eût pas manqué de reproduire l'accusation, en l'aggravant au besoin. Ce n'est donc pas à propos de l'incendie que Tacite parlait des christiens, c'est dans le chapitre où il parlait du frère aîné de Ménahem, et non pas sous le nom de Jésus-christ, mais sous son nom de circoncision, lequel était celui de son père : Jehoudda, fils de Jehoudda. Et c'est cela qui, ecclésiastiquement, n'était pas tolérable !

Tacite serait donc le premier et le seul qui, sous Trajan, par une malice incroyable, aurait songé à déclarer coupables les Juifs de Rome que personne ne soupçonnait sous Néron ? Il aurait de son propre mouvement, sans raison et sans indice, introduit dans le fait historique de l'incendie un élément entièrement nouveau et qui aurait échappé à tous les historiens antérieurs ? En es cas, intéressée à l'honneur de ses ancêtres, l'Église n'eut pas manqué de supprimer ou le passage ou simplement le mot coupables, qui est absolument calomnieux dans cette circonstance. Il a donc fallu que quelqu'un, à une époque postérieure à Dion Cassius, introduisit dans Tacite, à propos de l'incendie, non seulement la personne de Bar-Abbas, mais le nom de Jésus-Christ et toute la fable de la persécution néronienne contre les christiens de Rome.

Nous avons soupçonné soit un arien soit un païen ennemi de la jehouddolâtrie[88], mais nous étions encore nefs à cette époque. L'interpolation est d'un pape. Il malt supprimé tout le chapitre où Tacite racontait l'histoire du sicariat juif depuis Jehoudda le Gamaléen jusqu'à Ménahem. Il ne lui restait plus qu'un moyen d'introduire christ et christiens dans l'histoire de la ville où il siégeait, c'était de les mêler à l'incendie, mais en laissant planer le doute sur leur culpabilité, et en concentrant l'attention du lecteur sur la cruauté de Néron[89]. Je vous défie bien d'ailleurs, et c'est là aussi l'un des buts de l'interpolation, — de savoir à quelle nationalité appartiennent les 'victimes du tyran. On a le droit de les croire entièrement composées de non-juifs.

Etant donné l'opinion de Tacite sur Bar-Abbas et ses frères, l'interpolateur n'a pas osé lui faire dire que leurs disciples étaient innocents, il lui a fait la concession de reconnaître qu'ils avaient la renommée d'affreux scélérats, mais il a rédigé son interpolation de telle sorte que Tacite a l'air d'ignorer complètement la condamnation prononcée contre Bar-Abbas par le Sanhédrin quarante jours avant sa crucifixion par Pilatus. Aujourd'hui, c'est Pilatus qui non seulement a crucifié, mais condamné. Et quant à Bar-Abbas, l'interpolateur reconnaît implicitement que c'est un rebelle, un assassin et un voleur que Pilatus a eu le plus grand tort de délier pour crucifier ensuite cet innocent Jésus qui semble bien, — Tacite ne le dit pas, mais il le sait par Luc, — être ressuscité le troisième jour, exactement comme dans Josèphe ! Il y a plus. Le passage fût-il de Tacite, — au lieu d'être comme aujourd'hui dans Tacite, — il ne prouverait point qu'il ait existé aux côtés du christ un second personnage appelé Joannès que ses disciples auraient, eux aussi, regardé comme étant le christ. Il prouve au contraire qu'il n'y a jamais eu qu'un seul et même individu, connu de ses partisans sous le nom de christ, en un temps bien antérieur à l'invention des douze apôtres ; et l'interpolation vient confirmer tout ce que les Évangiles, par la bouche de Jésus, nous disent du Joannès à la fois baptiseur et christ. Au fond de notre creuset, quelle que soit notre analyse, nous retrouvons toujours Bar-Jehoudda dit Bar-Abbas.

Falsifier Tacite et Suétone, calomnier Néron fut l'enfance de l'art pour ceux qui exploitaient le cadavre de Bar-Abbas, mais comment se concilier le grand Sénèque, la philosophie romaine ? Il n'y a rien que l'Église n'ait fait pour enzôner Sénèque. Elle le réclame dans Tertullien. Dans Jérôme elle le met au rang des auteurs sacrés, M. de Maistre voit en lui un coreligionnaire. Les jehouddolâtres du troisième et du quatrième siècle, quand il fallut créer une doctrine morale, prennent de Sénèque tout ce qu'il a dit de Dieu et de la Providence, désespérant de mieux penser et incapables de mieux dire. Sans doute on peut lui reprocher bien des choses, il est homme. Mais l'Église lui en prête une qui le déshonorerait complètement, si elle n'était pas d'un fausseté réjouissante : toute une correspondance avec le pseudo-Paul sur la gloire et la divinité de Bar-Abbas ![90]

 

VIII. — Les deux éruptions du Vésuve[91], en bouleversant toutes les têtes, avaient consolidé la croyance des Juifs dans la fin prochaine de la nation ennemie. L'Apocalypse avait échoué en Judée, mais réussi en Italie. Les dieux abandonnaient Rome. Iahvé soulevait les volcans contre les latins de la Campanie. L'éruption où périt Pline l'ancien fit partie de la gheoullah[92] jehouddique. On se persuadait qu'il n'y avait plus de dieux, dit Pline le jeune, que cette nuit était la dernière, l'éternelle nuit qui devait ensevelir le monde, comme l'annonçaient de terribles prédictions. Ces prédictions, Sénèque nous en a déjà parlé[93], et elles n'étaient pas que sibyllines, elles étaient apocalyptiques. Bar-Abbas avait annoncé ce feu, cette fumée, le soleil changé en ténèbres et la lune en sang. Sans croire en aucune façon que Bar-Abbas fût dieu, il semblait à beaucoup de Romains qu'il y eût une vertu spéciale dans les sept jours de la pâque juive, et dans d'autres rites des cultes étrangers. Mais ce n'est point par les Juifs davidistes, c'est par les Juifs hérodiens que le respect du chiffre sabbatique s'était insinué dans la ville. Perse le dit : Quand viennent les jours d'Hérode, quand les lanternes ornées de violettes et bien rangées aux fenêtres exhalent une épaisse fumée dans l'air, quand une queue de thon nageant dans la sauce déborde du plat rouge et que le vin colore la blancheur des bouteilles, alors vous marmottez des prières entre vos dents et vous observez pieusement le sabbat des circoncis. Pour écarter les revenants, et conjurer les malheurs que présage un œuf cassé, vous allez aux grands prêtres de Cybèle, à la prêtresse borgne armée du sistre d'Isis, et ils vous font voir des dieux qui pénètrent dans les corps pour les gonfler, à moins que vous n'ayez pris la précaution de manger trois têtes d'ail le matin, conformément à l'ordonnance.

Le triomphe de Vespasien et de Titus amena, laissa dans Rome une foule de Juifs qui, ne pouvant pleurer sur les ruines de Jérusalem, se logèrent dans celles de. Rome, déjà trop grande pour être partout neuve. Grouillants et tassés, les voici cachant leurs espérances sous les vieux arcs de la porte Capena, sur la route qui mène à Bates, tout près de l'asile mystérieux où la nymphe Egérie venait, aux rayons de la lune, dicter les tablettes de Numa. Moyennant une redevance à la, ville, ils sont maîtres du temple, des bosquets et de la fontaine sacrée. Rien n'éclaire mieux la différence des races : les christiens tuent ceux qui laissent les Romains pénétrer dans le Temple de Jérusalem[94] ; Moïse, pour quelques sesterces, habite chez le législateur de Rome ! Pour que nous sachions cela, il faut qu'un poète, un Juvénal, verse un pleur de regret, en passant, sur délicieux endroit que la superbe indifférence du peuple a laissé dégénérer en ghetto. On fait argent de tout, l'ombre de chaque arbre est taxée et rapporte. Le riant asile des Muses, le vallon d'Egérie, avec ses grottes et ses eaux claires ourlées de marbre, tout cela est devenu un repaire de mendiants qui n'ont pour tout mobilier que des couchettes remplies de foin. Pour payer leur loyer que font-ils ? Les petits métiers du carrefour. Celui-ci vend des bouteilles de vin cuit de Syrie, des figues de Syrie, des poires de Syrie, et quand viennent les fêtes de décembre, celui-là offre des tapis, des prunes sèches de Damas, de la bougie, des aiguillettes. Les. Syriens porteurs de litière culbutaient ces regrattiers, ces revendeurs de laines teintes achetées en solde dans Antioche. Dressés à la mendicité par leurs mères[95], ils vont par les rues, assourdissant les Romains de leurs plaintes. Ils crient pitié sur un ton plus aigu que celui des prêtres de Bellone, des naufragés qui portent leur tirelire, et des marchands d'allumettes. Au coin des Ponts, dans les ruelles montueuses, sur le versant de la colline d'Aricie qui conduisait au temple de Diane Taurique, ils implorent la charité des belles matrones avec des cris de sommation. D'autres disent la bonne aventure, lisent dans les astres, annoncent au fils impatient la mort d'un père qui tarde, à l'épouse infidèle la mort d'un époux impotent, à l'entrepreneur de travaux publics une concession lucrative. La ville d'ailleurs est Pleine d'étrangers, non pas seulement de ces Grecs a tout faire, rhéteurs, peintres, sculpteurs, baigneurs, musiciens, géomètres, augures, danseurs, médecins, qui ont ensorcelé la société romaine, mais d'asiatiques, Syriens surtout, dont les mœurs, le langage, les instruments de musique se sont transmis de l'Oronte au Tibre, et Syriennes, dont la mitre peinte fascine les jeunes gens attardés le soir aux environs du Cirque. Les Grecs s'abattent sur les Esquilies et le Viminal, venant de Partout, de Sicvone et d'Amydon, d'Andros et de Samos, de Tralles et d'Alabandes, propres à tout, essayant tout, réussissant tout, prêts à monter au ciel pour gagner leur pain, car il n'était ni Maure ni Sarmate celui qui s'attacha des ailes, il était Athénien, et capables, tant ils sont persuasifs, de faire croire que quelqu'un est ressuscité.

Les Juifs, au bas de l'échelle, font du chaldaïsme au rabais, troublent par des prophéties la cervelle des vainqueurs infatués de leur triomphe.

Au sortir de sa corbeille et de son foin, toute tremblante, la Juive s'approche, mendie à l'oreille, elle a un oracle à vendre ! Interprète des lois de la destinée, grande prêtresse de l'Arbre[96], fidèle messagère du troisième ciel, on lui met quelque monnaie dans la main, et on sait tout. Il en coûte peu, on a le songe des Juifs à bon compte ![97] Les plus friands de prophéties étaient les Gaulois, — crédule comme un Gaulois, dit Martial. Ouvrant leurs grands yeux bleus, montrant leurs paumes blanches, ils écoutaient, bouche bée, aspirant la parole d'Iahvé dans le souffle amer des jeûneurs[98].

La ville était bonne aux Juifs, la vie leur était facile, quoiqu'ils fussent très suspects depuis l'Apocalypse et ses suites. Titus avait vécu publiquement avec Bérénice, la grande cousine de Saül, et même on accorde que cette Cléopâtre hérodienne aurait eu une cour de patriciens. Vainqueur des Juifs, Titus était si peu l'ennemi de leur sang que, si on l'eût laissé faire, il eût épousé Bérénice, quoique mûrie dans l'inceste. Les rues qui conduisaient au palais étaient pleines de Juifs, marchands de pierreries et de parfums. Nés au pays des onguents et des baumes, ils fournissaient aux boutiques de Cosmos et de Nicéros l'amômon d'Assyrie et les huiles d'Arabie dont on oignait les chevelures, partout attachés aux métiers qu'entretient le luxe de la toilette, au commerce d'argent qu'alimentent les besoins des prodigues[99].

 

IX. — On oubliait déjà très vite en ces temps-là dans les capitales du monde latin. N'allait-on pas voir bientôt sur l'arc de Titus le turban juif, le chandelier à sept. branches et la table de proposition ? C'était la souveraineté éternelle, puisque cela serait en pierre dans le Forum !

Les penseurs toutefois se souvenaient de Jehoudda le Gamaléen et de ses fils. Parmi ceux-là Quintilien, maître de Pline le jeune. Il les désigne positivement, et dans un livre d'où la politique est exclue, un livre d'enseignement encore classique parmi nous : l'Institution oratoire[100]. Joint aux brûlants souvenirs de la guerre finale, leur nom seul faisait planer le soupçon de haine universelle sur tous les Juifs indistinctement. A qui la faute sinon à cette maison de David qui depuis soixante ans semait la folie partout, dans le vent de ses Apocalypses ? Il est, dit Quintilien, des hommes auxquels l'ignominie s'attache au delà du tombeau... On hait le nom de ceux qui font le mal[101]. Et cette pensée dirigeant son regard vers Jérusalem et les christiens, il ajoute : Il n'est pas jusqu'aux villes dont les fondateurs n'encourent une espèce d'infamie, parce qu'elles sont le centre d'une nation pernicieuse à toutes les autres : tel est le premier auteur de la superstition judaïque. Ce coup de boutoir tout à fait inattendu chez un rhéteur pacifique s'éclaire par la date et par les circonstances. Quintilien ne blasphème pas contre Jésus et contre son Église, comme l'a écrit Rollin, il y a pour cela les raisons dirimantes que vous savez[102]. Mais il blasphème contre le père de Bar-Abbas, il parle de David et de sa descendance. David -est le fondateur de Jérusalem au sens où les habitants l'entendent, lorsqu'acclamant Jésus sur ses ânes, ils s'écrient : Gloire à notre père David !La ville de David, disent les Ecritures quand elles nomment Jérusalem du nom de celui qui l'a judaïsée.

David le premier a formé le dessein d'y bâtir le Temple. David est le premier qui se soit dit christ parmi les Juifs[103]. C'est à David qu'ont été faites toutes les promesses exploitées plus tard par les prophètes[104] jusqu'au Joannès. C'est lui qui a enterré au Garizim les vases qui devaient servir au chrisme de Bar-Abbas, roi de la terre[105]. Seul et en propres termes, David est le premier auteur de la superstition judaïque, qui vient de mener Jérusalem à sa perte et dont la Rome de Domitien va être victime à son tour, comme Pavait été la Rome de Tibère. Lorsque sous le nom de Jésus le revenant de Bar-Abbas dit aux disciples[106] : Vous serez en exécration à tous à cause de mon nom ! il cite du Quintilien et du Tacite.

 

X. — Après la chute de Jérusalem, Vespasien avait décide que les Juifs paieraient dorénavant les didrachmes du Temple au trésor du Capitole. Cette mesure, au début, ne souleva point trop de résistances, mais quelques années plus tard, sous Domitien, lorsque vint le jubilé de 839, cinquantenaire de la mort de Bar-Abbas, il y eut plus que des hésitations. Au dernier jubilé le roi-christ, restaurateur de la Loi, avait ordonné de refuser le tribut à la Bête ! Or ne savait-on pas qu'il avait échappé aux exécutions de Pilatus par un de ces miracles dont il avait le secret ? qu'il était vivant sur la terre ? qu'il allait réapparaître pour juger le monde et qu'à chacun il rendrait selon ses œuvres ? à celui-ci la vie dans la Jérusalem d'or, s'il refusait l'impôt ; à celui-là, s'il le payait, l'étang de soufre. Ou bien la Loi n'était qu'un vain mot. Si vous voulez vous rendre compte de la force du dilemme, relisez l'Apocalypse. L'ombre de Bar-Abbas et son nom d'Apocalypse, — Ieou-Shanâ-os (Joannès), — sont restés si étroitement liés à cette agitation nouvelle que l'Église y a fait entrer sa personne même : c'est de là que vient la légende du Joannès Porte latine[107], plongé dans une cuve d'huile bouillante à Rome sous Domitien, s'enfuyant ensuite à Ephèse, puis exilé à Pathmos où il compose l'Apocalypse. On ne doute pas qu'il y ait eu en Asie un mouvement christien et que, là aussi, l'ombre du Joannès ait parlé. Car, devant régner sur le monde, le Joannès était partout, même à Pathmos, s'il y eut, des Juifs déportés pour la loi.

Si ceux de Rome avaient suivi ponctuellement ses ordres, ils seraient sortis de la ville[108], ils auraient fui la Bête ; mais n'auraient-ils pas retrouvé partout. son image monnayée ? S'en aller n'était pas pratique ; se révolter n'était pas possible ; refuser le tribut, comme. Bar-Abbas et Ménahem en avaient donné ordre, il n'y fallait pas songer non plus. Mais il n'était pas défendu de ruser. Quelle foi devait-on aux publicains ? Aucune. Pour ne point encourir la damnation, les Zélateurs dissimulèrent leur origine, de manière à faire échec à la loi romaine. Il en résulta un tel trouble dans la perception que des Juifs authentiques échappaient à l'impôt, tandis que des individus, étrangers à cette nation, mais chômant le jour du sabbat, étaient soumis à la taxe. Suétone se rappelle avoir vu, dans sa jeunesse, un receveur visiter, devant une assemblée nombreuse, un vieillard de quatre-vingt-dix ans, pour savoir s'il était circoncis.

A ceux qui observaient les paroles du Rabbi tous les moyens étaient bons pour que les agents du fisc ne pussent avoir de leur argent. Ils le cachaient sous leurs vêtements, sur leur peau, presque dedans, ce faisant qu'un avec lui : un en deux, deux en un. Martial, qu'on sait par cœur, Martial qu'on chante dans toutes les rues de Rome, depuis le quartier de Suburre jusqu'aux villas des environs, Martial, chronique vivante du pavé de Rome et des gradins de l'amphithéâtre, Martial lâche quelques épigrammes contre ces Juifs qui font servir leurs parties les plus secrètes à la défense de leur bourse, et il dit à Lecania : Ton esclave se tient les parties enveloppées d'un sac de cuir noir, chaque fois que tu te plonges toute nue dans un bain chaud. Le mien, pour ne rien dire de moi, n'a pas le moindre pondus judœum[109] sur la peau[110]. En même temps renaissaient les plaisanteries obscènes que le peuple avait faites contre les christiens de Ménahem sur le passage de Vespasien et de Titus triomphants. Mais qu'est-ce que la licence dont il avait usé contre le goût, dans ses caricatures et dans ses brocards, comparée à celle que les Galiléens de Jérusalem avaient prise contre la nature pendant les journées du siège ? Martial a noté trois ou quatre de ces railleries[111] sur le priape juif pesé au poids de celui de l'Âne venu de Jérusalem en cendres et condamné au tribut par Jupiter Capitolin ! Elles étaient déjà grossières, le temps et la plume des copistes les ont rendues peu intelligibles[112]. Tout christien était censé ménophile[113] et porteur d'un priape destiné à grandir au centuple sous le quatrième mois de la Grande Année : Centuplum accipies ! et à passer par la transfiguration générale des choses : Aureum haberes ? Tu l'aurais donc en or ? Enfin, brochant sur le tout, l'exécrable usage qu'en avaient fait les Galiléens du siège n'était pas de nature à relever le niveau de ces allusions inspirées par l'Évangile du Royaume.

De loin d'abord, de près ensuite, le mouvement fut mené par le fils de cet Akiba qui se cache dans les Écritures canoniques sous le nom à peine déformé d'Akila[114]. Akiba l'ancien était originaire du Pont. Sous le nom d'Akila et sous celui de Prisca ou Priscilla[115], le père et la mère de l'Akiba qui nous occupe sont restés si étroitement liés à la croisade christienne que l'Église n'a pu se passer d'eux à Rome, à Corinthe et à Éphèse. C'est par eux que Saül, prince hérodien, et Apollos, christ anti-davidiste, sont convertis à la jehouddolâtrie dans les Actes des Apôtres[116]. Sans eux point de Paul apôtre des nations. En effet, zélateur de la Loi littérale et de la kabbale asinaire, prêchant que le maître des nations devait sortir de Juda, les Akiba n'ont cessé de tisser dans les synagogues la toile sans fin dont la tente de David devait couvrir le monde[117]. Toutes les sympathies des Akiba étaient pour Bar-Abbas et ses frères.

Akiba jeune était, dit-on, né à Sinope, ville du Pont. C'est le plus célèbre de tous les Akiba à cause de sa version grecque des écritures juives[118], c'est le grand Akiba, Rabbi Akiba. Sa version était ébionite[119], il n'avait pas traduit, interprété comme ont fait les Septante, il avait tout rendu à la lettre, disciple en cela de Jehoudda le Gamaléen dont le plus bel éloge est le surnom de Panthora[120] que les Juifs christiens lui ont donné. C'est un fait certain, reconnu par l'Église elle même, que la seule version grecque dont les christiens fissent état, c'était celle d'Akiba, particulièrement en ce qui touche les Prophètes. Elle n'était autre que la transcription en grec de la version araméenne dont se servaient le père et la mère de Bar-Abbas. Akiba l'ancien la tenait d'eux. Instruit par sa famille et plus encore par le long séjour de Salomé et de ses fils dans le Pont et la Bithynie[121], Rabbi Akiba connaissait à fond Bar-Abbas par son histoire et par ses Paroles ; mais comme il est mort dans la Loi et la kabbale jehouddiques, et qu'il n'a soufflé mot de Jésus, il est traité d'apostat par l'Église, quoique d'autre part elle retienne son père et sa mère parmi les fondateurs de la jehouddolâtrie à Rome, à Corinthe, à Éphèse et dans le Pont.

Voici par quel moyen l'Église tire d'Akiba deux personnes distinctes par le changement d'une seule lettre. Sur l'indication des Actes des Apôtres qu'Akiba était originaire du Pont, elle fait naître dans cette province, à Sinope, un certain Akila, païen d'éducation, mais fort entêté de magie et d'astrologie. Il faut que cet homme ait pu apprécier l'Apocalypse. Frappé des miracles qu'opéraient les christiens de son temps, il embrasse le christianisme pour en vivre. Mais voyant qu'il ne réussissait pas au gré de ses désirs, parce qu'il manquait de la foi et de la sincérité nécessaires dans un don si divin, il retourne à sa magie et à son astrologie pour tromper les simples et jouer au grand homme. Ceux qui gouvernaient alors l'Église s'aperçoivent de ce manège, mais c'est en vain qu'ils lui remontrent sa faute ; il est insensible à leurs objurgations. On est obligé de l'excommunier. De dépit il passe aux Juifs, se fait circoncire pour bien montrer qu'il a cessé d'être christien ; et pour mieux le prouver encore il se met à l'école de Rabbi Akiba, le plus fameux docteur de la Loi en ce temps-là. Il fait un si rapide progrès dans la langue hébraïque et dans la connaissance des livres sacrés que son maître le juge capable de les traduire en grec, afin de pouvoir opposer à la version des Septante, devenue celle de l'Église, un texte moins favorable aux interprétations des christiens. Cet homme sans scrupule, disons le mot : cet apostat, compose sa version dans ce but et il la donne en la douzième année d'Hadrien[122]. Mais, on ne sait pourquoi, il en refait une seconde qui petit à petit se substitue complètement à la première, et c'est celle qu'on trouve dans les synagogues hellénistes à la place de la version des Septante[123]. Cependant  disparaît, elle aussi, sous l'effort du temps.

Toutes ces ruses tombent devant ce fait que, comme au temps de Claude — et même de Néron, si l'on en croyait la Lettre de Paul aux Romains —, c'est dans la maison d'Akiba que les christiens se réunissaient, c'est lui qu'était ce qu'on appelle l'Église. On fait à sa mère l'honneur de la nommer avant lui dans cette lettre ; et peut-être, — telle la mère de Bar-Abbas, — a-t-elle survécu à son mari. Saluez de ma part Zekena[124] et  Akiba[125], mes coopérateurs en Jésus-Christ — qui pour ma vie ont exposé leurs têtes ; à qui je rends grâces, non pas seulement moi, mais toutes les Églises des Gentils —, et aussi l'Église qui est dans leur maison. Car à l'époque où elle a fabriqué les Actes des Apôtres et la Lettre aux Romains l'Église n'avait pas encore l'intention de soutenir que Shehimon dit la Pierre ou Saül mué en Paul eussent été les premiers évangélisateurs de Rome. Au contraire, soit dans les Actes, sait dans la Lettre aux Romains, elle reconnait sans hésitation qu'Akiba senior et sa femme étaient expulsés de Rome pour christianisme lorsqu'ils sont passés par Corinthe, allant en Asie. La lettre va plus loin, le pseudo-Paul reconnait formellement à deux autres personnes, Andronicus et Junias, qu'il dit être de sa famille et qui sont dans l'Église de Rome, l'honneur imaginaire d'avoir été au christ avant lui.

Personnellement et par sa transcription de ce qu'on peut appeler le texte royal des Écritures, Rabbi Akiba fut oracle au quartier juif.

Et puis il y a du vrai dans la légende des deux petits-fils de Jehoudda Toâmin, venus à Rome sous Domitien. Ce qui ne l'est pas, c'est qu'ils y soient venus sur son désir. Mais ce Jehoudda étant le seul frère cognominal de Bar-Abbas et, après Philippe, le plus autorisé des scribes des Paroles du Rabbi, son ombre ne plane pas moins sur le jubilé de 839 que celle du Joannès. Qu'il ait été représenté dans ce mouvement par sa descendance, c'est à quoi nous croyons sans effort. Vous connaissez la chose, nous vous l'avons déjà contée[126], d'après Eusèbe[127], copiant Hégésippe, à ce qu'il dit. Domitien apprend qu'il existe en Bathanée des descendants de l'antique race de David, les petits-fils de Jehoudda, frère du jésus, et craignant sans doute qu'ils ne revendiquassent un jour leurs droits à la couronne universelle, il les fait venir à Rome, il les interroge lui-même (en araméen ?) et se fait exposer leur généalogie (y compris le nom de circoncision de leur grand-oncle ?). Il leur demande quelle est leur fortune : ils répondent qu'ils possèdent trente-neuf arpents de terre, lesquels paient tribut, et qu'ils travaillent pour vivre. Il leur demande enfin quand arrivera le royaume de Jésus-Christ : ils disent que ce sera pour la fin du monde. Domitien, pleinement rassuré, les remercie et les laisse aller en paix, ce qui n'indique pas un naturel bien sanguinaire, car il a devant lui des christiens d'une authenticité indiscutable, petits-fils du Jehoudda du Recensement, petits-neveux du roi-christ de 788 et de celui de 819, et prétendants à cet Empire qu'il exerce lui-même par la grâce changeante de Jupiter. Que reste-t-il au fond de tout cela ? Le fait que deux des fils de Jehoudda Toâmin se sont trouvés à Rome pendant l'émotion jubilaire avec un fils de cet Akiba qui, sous Claude déjà, tissait la tente de David dans Rome, dans Corinthe, dans Ephèse et dans le Pont. Eusèbe reconnaît d'après Hégésippe que ces deux intéressants personnages auraient gouverné quelques églises et vécu jusqu'aux temps de Trajan. On sait même quel était leur nom[128] approximativement pour celui qu'on appelle Zokher[129], exactement pour celui qu'on appelle Jacob. D'autre part, nous allons voir dans le Talmud que la prédication et la personne d'Akiba étaient particulièrement connues à Rome sous Domitien.

On bannit de Rome pour la vingtième fois les astrologues qui troublaient la ville et on fit rentrer le lise judaïque avec plus de rigueur que la veille. On consulta Gamaliel[130], on le fit venir même, car Gamaliel descendait de David. Il connaissait d'autant mieux les Paroles du Rabbi que son grand-père, président du Sanhédrin sous Tibère et sous Claude, avait condamné à mort pour crimes publics Jacob junior, Bar-Jehoudda, Eléazar Bar-Jaïr, Shehimon et Jacob senior, c'est-à-dire quatre des fils et un des gendres de Jehoudda. On lui montra les Écritures dont les christiens de Rome faisaient usage, et force lui fut de déclarer qu'elles étaient conformes à la Loi, sinon qu'il en répudiait toutes les parties inspirées par la haine de l'étranger et celles qui ne leur défendaient pas aussi sévèrement de voler les goym que leurs propres coreligionnaires[131].

Toutefois Domitien ne put empêcher que l'Apocalypse fît des victimes dans le patriciat et jusque dans sa propre famille.

Il y eut dans la société romaine une secousse favorable aux idées que les Juifs nourrissaient contre les dieux et leurs images. Cela s'explique par la catastrophe du Vésuve où Vulcain, pour ne citer que celui-là, fort mal comporté. D'ailleurs, le lazzaronisme romain, — il y en avait et beaucoup, — s'était accommodé facilement du sabbat. Il se trouve toujours des gens pour flirter avec les religions qui proscrivent le travail une fois par semaine. Ce qui est plus grave, c'est qu'il s'en soit trouvé pour accepter la circoncision et qu'il ait fallu un édit pour l'empêcher. Or la circoncision, c'est le principe christien par excellence : sans circoncision, point de baptême, et sans baptême, point de part dans le Royaume[132].

Sur le conseil de femmes qui les poussaient à ces choses nouvelles[133], des citoyens romains furent assez misérables pour s'y soumettre. L'accès de folie passé, ils ne surent comment avouer leur faiblesse ni comment la cacher[134]. Des personnages aristocratiques se désintéressèrent des affaires publiques, les dieux ne comptant plus dans la combinaison nouvelle. On peut croire que d'impudents baptiseurs les amenèrent sur les rives de l'Almon pour leur remettre leurs péchés contre espèces. Ils sont à bon droit qualifiés d'athées pour Dion Cassius. On en dénonça d'autres qui parlaient de refuser l'impôt, ce refus étant une condition de salut dans la doctrine jehouddique. Cette folie ayant cessé. Nerva interdit ces dénonciations qu'on ne faisait par toujours dans le seul intérêt des finances publiques et rappela ceux qui avaient été exilés à tort[135].

Titus Flavius Clémens et sa femme Domitilla, l'un cousin germain, l'autre nièce de Domitien, avant été mêlés, on ne sait ni pourquoi ni comment, à ces histoires, furent condamnés par Domitien lui-même, le mari à mort, la femme à l'exil dans l'île de Pandateria. Toutefois la mort de Flavius Clémens n'est nullement comme dit l'Église, le martyre d'un jehouddolâtre. Mais que Clémens ait cherché dans l'Apocalypse une indication sur la fortune de la Bête régnante[136], cela n'est pas douteux. L'usage qu'on a fait de son nom à la fois dans le Talmud et dans les Écritures ecclésiastiques en est la preuve la plus convaincante.

Dion Cassius[137] dit qu'il fut condamné avec d'autres qu'avaient séduits les mœurs judaïques, notamment Acilius Glabrio, personnage consulaire, accusé lui aussi d'athéisme : victimes païennes d'une sorte d'impiété qui s'était glissée parmi les Juifs. Cette impiété, c'est la superstition judaïque dont Quintilien parle de son côté, c'est le Messie destructeur de la Babylone d'Occident et qui avait déjà parlé au Vésuve en 832. Mais Clémens et Acilius Glabrio allèrent-ils jusqu'à se soumettre à la première condition exigée par Bar-Abbas ? Pour cela il leur aurait fallu faire à Iahvé l'hommage de leur prépuce : la circoncision est une preuve matérielle de prosélytisme. Or on lit dans Suétone que Clémens a été condamné subitement sur le soupçon le plus ténu. S'il est de ceux qui furent baptisée, c'est qu'il avait accepté la circoncision, peut-être a l'instigation de sa femme désireuse de réaliser par lui l'un en deux, deux en un, sans lequel elle était marquée pour l'étang de soufre. En ce cas, c'est le Talmud qui aurait raison contre Suétone, circoncis lui-même dans son texte[138]. Car la conversion de Titus Flavius Clémens et d'Acilius Glabrio a fait plus de bruit dans le monde juif que dans le monde romain. Rome a caché Acilius et Clémens comme une tache, les Juifs les exhibent comme un trophée. Comme toujours, ils ont exagéré dans leurs Écritures, et déformé. Pour les uns[139] le converti s'appelle Katia[140] Bar-Schalom[141], il se fait circoncire au moment d'aller au supplice, il lègue toute sa fortune à Rabbi Akiba, et les commentateurs du Talmud reconnaissent bien qu'il s'agit de Flavius Clémens, neveu ou cousin de Domitien et, par conséquent, de Titus[142]. Dans d'autres[143] le converti s'appelle Onkelos[144] [Bar-Kalonimos][145], il est poursuivi par des soldats que l'empereur envoie à sa poursuite, on le dit neveu de Titus[146], mais on ne dit pas qu'il se soit fait circoncire. Dans d'autres encore[147], il s'appelle Onkelos ha-ger[148] et est neveu d'Hadrien[149].

Racontée dans le Talmud[150] bien longtemps après l'apparition des Évangiles et rédigée dans le même style qu'eux, avec les mêmes images, l'affaire de Clémens est devenue parabole sous la plume du scribe.

Ayant songé à prendre une mesure grave contre les Juifs (expulsion générale de Rome ou persécution à mort), un César en qui on reconnait immédiatement Domitien assemble les grands de l'Empire et leur pose ce dilemme : Si on a un ulcère au pied, faut-il l'amputer et vivre, ou garder son pied et souffrir ?[151] Tous sont pour l'amputation, sauf le sénateur Katia Bar-Schalom (Flavius Clemens), et c'est pourquoi il est condamné à mort. Avant de périr, il dit : Je suis pareil à un navire qui a payé son impôt[152], je puis donc passer et me mettre en route ! Ce navire, ou pour mieux dire cette arche d'alliance, ce Gogotha que nous avons vu franchir la Méditerranée sous la conduite de Paul[153], quel charpentier l'a construit, sinon le Joseph de l'Évangile ? Qu'est-ce donc, sinon ce que l'église a appelé plus tard la barque de Jésus et la barque de Pierre ?

Il y a sur le même fait une autre légende plus confuse[154], mais précieuse en ce qu'elle constate la présence de toute une légion de rabbis à Rome en même temps qu'Akiba. Elle cite Rabbi Gamaliel, Rabbi Éléazar et Rabbi Josué, dont le premier au moins, Petit-fils de celui qui a condamné Bar-Abbas à mort, est venu pour combattre Akiba. Pendant leur séjour, le Sénat décrète qu'au bout d'un mois[155] il n'y aura plus de Juifs non seulement dans la ville, mais dans le monde. C'est l'amputation. Un sénateur anonyme, homme pieux, — entendez philojuif, — vient trouver Rabbi Gamaliel et lui fait part de la décision. Grand émoi parmi les docteurs. Mais le sénateur, plus juif qu'eux en cette circonstance, leur rend le calme en leur disant que, dans le délai de trente jours, leur dieu ne manquerait pas de venir à leur secours. Le vingt-cinquième jour il en parle à sa femme : Voilà déjà vingt-cinq jours d'écoulés, dit-elle. — Reste cinq jours, dit le mari. — N'as-tu pas de bague empoisonnée ? reprend la femme, suce-la et meurs ! Cela donnera aux Juifs un nouveau délai de trente jours, et dans l'intervalle on abrogera le décret. Le mari suit le conseil, il suce la bague et meurt. Mais on reconnut plus tard qu'il s'était fait circoncire : le vaisseau avait payé l'impôt (au Charpentier) avant de quitter le port, il était sauvé !

Ce qui frappe ici, c'est que l'exécution du décret dépend du sénateur, puisqu'il a le pouvoir de la retarder en disparaissant. C'est apparemment qu'il était consul au moment du décret, et que sa mort coïncide avec le dernier jour de son consulat. Or on lit dans Suétone que Clémens avait à peine terminé le sien, lorsque Domitien le fit mettre à mort. Ce malheureux avait-il cru s'assurer le Royaume du monde en se faisant circoncire ? Être l'empereur-messie ?

Comment douter que ce ne soit là le véritable motif de sa circoncision, quand dans la tradition juive, donc christienne, on le voit léguer tous ses biens personne à Rabbi Akiba, par conséquent déshériter sa femme et ses enfants au bénéfice de ce jehouddiste avéré dont le père a fait campagne pour Shehimon, roi-christ soue Claude, et dont le fils prêchera par toutes les synagogues Bar-Kocheba, roi-christ sous Hadrien ? Or Domitien avait désigné les deux fils de Clémens pour ses successeurs au trône, donnant par anticipation à l'un le nom de Vespasien et à l'autre son propre nom[156]. Pour quelle raison leur père aurait-il testé en faveur d'Akiba, si ce n'est celle qu'invoquait Bar-Abbas pour se faire donner les biens de ses contemporains ? Ananias et sa femme, même dans les Écritures actuelles, ne sont-ils pas assassinés par les apôtres-Pour n'avoir point agi comme Clémens ? Ainsi, de son Propre mouvement, cet homme qui avait été consul reformait aux Juifs, coutre ses enfants mêmes, le droit de réintégrande[157] que Bar-Abbas faisait déjà valoir sous-Tibère. Roulé par les Juifs, croyait-il les rouler à son tour, s'appliquer leurs titres à la possession de l'univers ? Se contentait-il, au contraire, d'une part modeste dans leur Royaume ? Sa vaste imbécillité lui permettait de nourrir tontes ces idées à la fois, il était d'une faiblesse abjecte[158]. Mais si elle est allée jusqu'où dit le Talmud, e est que le Royaume dont parle aujourd'hui Jésus-comme d'une vieille lune était encore de ce monde cinquante ans après la crucifixion de son titulaire.

Dion Cassius, qui pourtant connaît les christiens, ne les nomme plus à cette occasion. Mais qu'ils fussent nommés et définis dans le texte original, cela n'est pas douteux. Qu'ils le fussent par d'autres historiens, c'est un fait reconnu de l'Église elle-même dans Eusèbe[159] où elle dit : Bruttius écrit que beaucoup christiens ont subi le martyre sous Domitien. Qu'ils le fussent également d'Epictète, on en a la preuve par les conditions mêmes dans lesquelles il a parlé, et on ne peut douter que le passage où Arrien cite ce propos[160] n'ait subi l'affront des remaniements monastiques. Car le sage Epictète s'était retiré à Nicopolis[161] après le sénatus-consulte qui expulsa les étrangers de Rome, et sachant qu'un de ses auditeurs, un jeune Grec, avait ouvert l'oreille à la prétendue révélation christienne, il l'en reprit vivement : Pourquoi fais-tu le juif, puisque tu es grec ? Ignores-tu dans quel cas on est réputé juif[162], ou syrien[163], ou égyptien[164] ? Quand nous voyons quelqu'un se complaire dans le faux-fuyant[165], nous avons coutume de dire : Il fait le juif, quoi qu'il ne le soit pas ! Celui-là est appelé juif, et l'est véritablement, qui a la passion maladive du baptisé et du sectaire[166]. Être christien, c'est être surjuif, nous l'avons dit dès le premier jour.

Ce qui porte à croire que Titus F. Clémens fut assez circoncis pour pouvoir être réclamé par les christiens, c'est le parti que l'Église a tiré de lui dans ses impostures. Elle a commencé par enzôner son père dont elle a fait le compagnon de Paul et le successeur de Pierre sous Néron. C'est lui que les Écritures canoniques appellent Titus dans la Lettre aux Galates[167] et dans la Première aux Corinthiens[168], et Clémens dans la Lettre aux Philippiens : lequel Clémens, dit cette lettre, est inscrit au livre de vie[169], c'est-à-dire mort et glorifié, à la date que l'aigrefin assigne à sen faux, c'est-à-dire sur la fin du règne de Néron. C'est ce Clémens-là qui est devenu le pape Clément, successeur de Pierre, et qui déclare avoir été l'apôtre chéri de Jésus sur le sein duquel il a reposé pendant la Cène[170]. Quant à son fils, celui qui fut mis à mort par Domitien, l'Église l'a enzôné au point de mettre sous son nom deux Lettres aux Corinthiens dont elle fait ses délices habituelles, — moi aussi d'ailleurs, — et qui seraient dans le canon, si elle n'avait pas jugé plus utile à ses intérêts de fondre les deux Clémens en un seul qui est tantôt le premier pape après Pierre, tantôt le troisième, selon les exigences de sa chronologie spéciale[171]. Le faussaire qui correspond avec les Corinthiens et leur annonce le martyre de Pierre et de Paul sous les princes[172], prend le nom de Clémens, mais il supprime les prénoms Titus Flavius qui ruineraient son faux, puisqu'il est censé écrire sous Nerva et que Titus Flavius Clémens a été mis à mort sous Domitien.

C'est une chose bien remarquable que, malgré ses inépuisables ressources de mensonge, l'Église n'ait pas pu envoyer Paul à Rome sans l'y faire précéder du vieil Akiba, ni en Asie et en Macédoine sans l'y faire accompagner de Clémens. Akiba, voilà la clef de voûte de toute l'Église romaine, de tout le christianisme au premier siècle. Sans lui, point de Saül métamorphosé en Paul. De même, sans Acilius Glabrio nous n'aurions jamais eu l'histoire du païen devenu christien sous le nom d'Akila et redevenu juif à l'école d'Akiba, sans jamais cesser d'être adonné à la magie. Car Acilius fait Aculios en grec ordinaire et Aculas en dialecte syriaque. La transformation d'Abbas en Aculas a permis de transporter à cet Aculas l'origine païenne qui n'appartient qu'à Acilius Glabrio.

Quant à la persécution soufferte par les frères Flavius et Acilius pour avoir proclamé la divinité de Jésus, elle a donné lieu aux Actes de Nèreus et Akilleus, dans lesquels Acilius est resté sous la forme Akilleus, tandis que Flavius (Jaune) est devenu Néreus (couleur d'eau de mer), comme il convient à un homme admis à l'honneur de monter dans la barque de Joseph le Charpentier.

Mais vous seriez allés chez les christiens de Corinthe, évangélisés depuis Claude par le vieil Akiba, vous n'y auriez pas trouvé d'autres Écritures que celles de Jehoudda Panthora et de ses fils : les Paroles du Rabbi ; et elles vous auraient paru si différentes des canoniques actuelles que, si vous aviez pu voir celles-ci, ne connaissant pas les autres, vous n'auriez pas taupé de les attribuer à de misérables faussaires. Et c'est de quoi fait semblant de se plaindre le gagiste ecclésiastique qui a fabriqué les Lettres de Denys de Corinthe : J'ai écrit plusieurs lettres à la prière des frères, et les apôtres du démon les ont altérées par des retranchements et des additions : la malédiction les attend[173]. Il ne faut pas s'étonner si l'on a entrepris de corrompre les Écritures du Seigneur, puisque l'on a entrepris de corrompre celles qui en sont si différentes.

 

XI. — C'est sous Trajan qu'éclatèrent les révoltes en les Juifs de Cyrénaïque, de Chypre et d'Égypte renouvelèrent les exploits pour lesquels Simon de Cyrène avait été crucifié aux côtés de Bar-Abbas. La marque du sicariat jehouddique est sur ces événements. On l'a enlevée ; et pour tout renseignement, — outre la fausse lettre du procurateur de Judée qui se déclare las de tuer les innocents christiens de Galilée, — l'Église produit une lettre de Pline le jeune à Trajan avec la réponse de ce grand prince.

Dans Eusèbe cependant[174] elle reconnait d'après Hégésippe qu'un Shehimon, descendant de Cléopas, et de la maison de David, était le chef des christiens de Judée au temps d'Atticus, procurateur entre les années septième et neuvième de Trajan[175]. Elle ajoute qu'il fut martyrisé sur la dénonciation de quelques hérétiques — elle veut parler de Shehimon Cléopas lui-même et des autres disciples de Panthora, Naziréens, Ébionites et Ischaïtes — ; il aurait eu alors cent vingt ans, l'âge qu'aurait eu Shehimon, frère cadet de Bar-Jehoudda[176]. Or il ne s'agit pas d'un Cléopas qui aurait eu cent vingt ans, mais d'un Cléopas qui pouvait être dans l'âge viril, s'il était petit-fils de celui-là. D'autre part, qu'est devenu Rabbi Akiba depuis le jubilé de 839 ? II n'est pas mort martyr à Rome sous Domitien, puisque Clémens le fait son héritier avant de marcher au supplice. Que sont devenus les deux fils de Jehoudda Toâmin qui ont poussé jusqu'à Rome sous Domitien ? Ils ont péri ? Peut-être : mais n'ont-ils pas laissé d'enfants ? Les fils de ce Simon le Cyrénéen qui avait prêché l'Évangile du Royaume sous Tibère, le vertueux Alexandre et le bouillant Rufus qui confessaient que leur père avait été crucifié à la place de Bar-Jehoudda, ces champions indomptables de la vérité étaient-ils à ce point morts qu'aucun de leurs fils ou de leurs neveux ne fût en état de manier la signe et d'éventrer d'autres hommes avec l'aisance d'un Bar-Abbas supprimant un Ananias ? Comment s'appelait en circoncision cet Artémion[177] qui souleva les Juifs de Chypre et d'Égypte ?

Et surtout comment s'appelait Andréas qui souleva ceux de Cyrénaïque ? Car cet Andréas, qui porte en grec le même surnom que Jacob junior en hébreu (Oblias, force du peuple), cet Andréas a tout à fait la grande tradition jehouddique. Et il a préparé la croisade par une tournée dont il n'est pas question dans les Ecritures ecclésiastiques, mais dont celles de Lucius Challans portaient si bon témoignage qu'elles ont entièrement disparu. Et ce Lucius Charinus ne devait pas être né très loin des synagogues visitées par Andréas, car il était étrangement renseigné sur ce voyage et cette croisade. Oui, dit Photius[178], qui possédait ses livres en tout ou en partie[179], Lucius Charinus s'arme victorieusement du voyage d'Andréas pour accabler les apôtres ! Et en effet Andréas avait trouvé le moyen le surpasser ces illustres ancêtres, bien que d'après l'auteur de la Lettre de Barnabé, longtemps reçue dans le Canon, ils aient eux-mêmes surpassé tout genre de crimes. Toutes les synagogues de Chypre, de Cyrène et d'Égypte, secouées par la prédication de cet enragé ; l'Évangile du Royaume partout déployé comme le seul drapeau national ; la colère d'Iahvé appelée sur ses Serviteurs, s'ils ne tuent à la fois les Cyrénéens, les Chypriotes, les Egyptiens, et avec plus de rage encore les Juifs affranchis ou libres qui acceptent l'image de la Bête et portent la main à leur bouche quand ils passent devant un temple païen ; deux cent vingt ou deux cent quarante mille personnes éventrées pour graisser les roues du char d'Ezéchiel[180], quelques-unes mangées, les meurtriers se faisant des ceintures d'intestins et se frottant le visage avec du sang tout chaud... ah ! ce fut un beau voyage que celui d'Andréas !

On n'en a pas entrepris beaucoup qui méritent davantage le nom de croisade contre les infidèles, et Charinus peut s'en faire une arme contre les apôtres depuis Auguste jusqu'à Hadrien. Jésus ne désavoue pas ces honnêtes zélateurs de la. Loi qui, depuis les jours de Joannès jusqu'à ceux de Bar-Kocheba, ont essayé de forcer par la violence les portes du Royaume, Les Akiba, les Artémion, les Andreas, les deux fils de Jehoudda Toâmin, les Shehimon Cléopas, d'autre encore qui vont venir, voilà les hommes qui tissent pieusement dans le monde la tente auguste de David ! La renommée qu'ont laissée les apôtres de la première génération, ceux de la dernière la complètent et la pal' font. La page de Tacite contre les Juifs, la fameuse page si souvent citée, c'est la réponse de Babylone au manifeste christien de l'Apocalypse. Appliquée au judaïsme tout entier, elle n'est point juste, elle n'est point vraie, elle est indigne de l'histoire et de l'historien ; mais elle n'est pas hors de proportion avec son objet, si on considère qu'elle renferme la psychologie de l'apostolat authentique, celui qui — pourquoi ne voulez-vous pas écouter Jésus quand il dit la vérité ? — avait rendu le nom de christ odieux à tous les hommes ![181]

 

XII. — Infâmes dans Tacite, monstrueux et célèbres par leurs crimes, sans que cet historien donne un seul motif de cette épouvantable sentence, malfaisants dans Suétone, hypocrites et cauteleux dans Arrien, voici des christiens d'un nouveau genre dans Pline le Jeune, gouverneur du Pont et de Bithynie sous Trajan. Ce sont des gens qui sortent on ne sait d'où et sur lesquels il est absolument impossible de rien savoir. Consulté par Pline, Trajan n'en sait pas davantage. Au moins devrait-il y avoir concordance d'opinion entre Tacite et Pline, qui sont deux amis et qui servent le même Prince, et entre Pline et Suétone qui sont plus intimes encore. Il n'en est rien. Dans le moment même où à Rome Tacite porte contre tous les christiens des accusations étayées par des faits et qui équivalent à une condamnation en masse, Pline dans le Pont se déclare tellement désarmé par les édits en faveur des associations, tellement incertain des précédents historiques, des origines de la secte, de ses doctrines, de ses sentiments même, qu'il en est réduit à solliciter les lumières de l'Empereur ! Peut-être aurait-il su ce qu'il voulait savoir par Rabbi Akiba ou quelqu'un des siens, mais il s'agit précisément de ne rien apprendre. Car la province de Pline avait été troublée sous ses prédécesseurs par la folie qui allait devenir périodique et qui est le plus grand mal dont ait pâti l'antiquité à partir de Tibère. En affirmant que Dieu réaliserait l'Apocalypse un jubilé ou l'autre, les disciples de Bar-Abbas avaient Perturbé à tous les degrés de l'échelle ces peuples de la Bithynie et du Pont que le moindre oracle local faisait trembler comme la feuille morte. Et cependant Pline se demande ce que cela peut bien être que le christ et les christiens. Enzôné par l'Église quelques centaines d'années après sa mort, il écrit à Trajan :

Seigneur, je me suis fait un devoir de vous consulter sur tous mes doutes. Car qui peut mieux que vous me guider dans mes incertitudes ou éclairer mon ignorance ![182] N'étant jamais intervenu dans les informations contre les christiens, j'ignore où doit finir l'instruction et commencer la peine. Faut-il tenir compte de l'âge ou ne distinguer point entre l'enfant et l'homme fait[183], pardonner au repentir ou se montrer impitoyable, malgré son désistement, pour quiconque a été une fois christien ? punir le nom seul, fût-il exempt de crime, ou bien le crime attache au nom ?[184] Je n'ai pas médiocrement hésité. Voici toutefois comment j'ai procédé à l'égard de ceux qu'on m'a déférés comme ciels-tiens. Je leur ai demandé s'ils étaient christiens. Quand ils l'ont avoué, j'ai réitéré ma question une seconde et une troisième fois[185], et les ai menacés du supplice. Quand ils ont persisté, je les y ai envoyés car, de quelque nature que fussent leurs aveux, j'ai pensé qu'on devait punir au moins leur opiniâtreté et leur inflexible obstination[186]. J'en al réservé d'autres, entêtés de la même folie, pour les envoyer à Rome, car ils sont citoyens romains[187]. Bientôt après, les cas se multiplièrent selon l'usage, par la publicité donnée à l'incrimination. On publia un écrit anonyme[188], où l'on dénonçait beaucoup de ceux qui niaient être christiens ou l'avoir été, mais ils ont, moi présent, invoqué les dieux, offert de l'encens et du vin à votre image que j'avais fait apporter Pour cela avec les statues de nos divinités. Ils ont, en outre, maudit le christ (ce à quoi, dit-on, il est impossible de forcer les véritables christiens)[189]. Ceux-là, j'ai cru pouvoir les relâcher. D'autres, portés sur la liste, ont d'abord reconnu qu'ils étaient christiens, et se sont rétractés bientôt, avouant qu'ils l'avaient été, mais qu'ils ont cessé de l'être, les uns depuis plus de trois ans, les autres depuis un plus grand nombre d'années, quelques-uns depuis plus de vingt ans[190]. Tous ont adoré votre image et les statues des dieux ; tous ont maudit le christ[191]. Au reste ils affirmaient que leur faute ou leur erreur n'avait jamais consisté qu'en ceci : ils s'assemblaient à jour fixe avant le lever du soleil[192] ; ils chantaient tour à tour un hymne à la louange du christ considéré comme Dieu[193] ; ils s'engageaient par serment, non à quelque crime[194], mais à ne point commettre de vol, de brigandage, d'adultère, à ne point manquer à une promesse, à ne point nier un dépôt[195] ; après quoi, ils avaient coutume de se séparer pour se rejoindre ensuite et manger des mets innocents[196], à une table commune. Ils y avaient renoncé, ajoutaient-ils, depuis l'édit par lequel j'ai défendu les associations, suivant vos ordres. Je n'en ai pas moins jugé nécessaire, pour arriver à savoir la vérité, de soumettre à la torture deux femmes qui les servaient à table[197] et qu'ils appelaient ministræ. Mais je n'ai rien trouvé qu'une superstition informe et extraordinaire[198]. J'ai donc suspendu l'information pour vous en référer. L'affaire m'a paru digne de réflexion, étant donné surtout le nombre des personnes compromises. Le danger menace une foule de gens de tout âge, de tout ordre, de tout sexe, appelés à succomber. La contagion de cette superstition n'a pas seulement infecté les villes ; elle a gagné les bourgs et les champs. Je crois pourtant qu'on peut remédier au mal et l'arrêter. Ce qu'il y a de certain, c'est que les temples, qui étaient presque déserts, sont fréquentés, et que les sacrifie longtemps négligés recommencent, et qu'on vend maintenant des victimes qui avaient auparavant de la peine ri Prouver acheteur. Par quoi il est facile de juger combien de gens on peut ramener de leur égarement, si on fait grâce à la résipiscence.

Ce faux saute aux yeux par sa maladresse. Comment ! Dans la thèse de l'Église Pierre a été pape à Rome pendant vingt-cinq ans trois mois et quelques Jours, les quatre Évangiles canoniques ont paru ainsi que les Lettres de Paul, les christiens ont été reconnus coupables de l'incendie de Rome, Pierre et Paul ont Prêché devant Néron la divinité de Bar-Abbas, mieux que cela les chaînes de Paul sont célèbres dans tout le prétoire, et Pline qui a plaidé pendant vingt une ne sait pas encore ce qu'il faut entendre par Jésus et les douze apôtres ? Pline qui parlait le grec comme il parlait le latin, — et il l'écrivait avec une perfection qui eût pu tromper les Grecs eux-mêmes sur son origine, — Pline, curieux de tout ce qui est écrit, Pline qui sous les portiques de Rome cherche à voir tout ce qui se colporte sous le manteau, Pline qui surveille d'un œil jaloux la boutique du libraire Tryphon pour pouvoir parler le premier de la dernière nouveauté, Pline qui a des copistes à l'année, Pline n'a jamais rencontré le plus petit morceau du Nouveau Testament ! Voilà des Écritures que l'Église donne comme ayant été eu circulation depuis le règne de Claude, voilà des christiens qui adorent Bar-Abbas comme un dieu, quelques-uns depuis plus de vingt ans, et dans toute L'e Province du Pont et de Bithynie on ne trouve pas un Seul exemplaire de Matthieu, de Marc, de Luc, de peul et de Jochanan entre les mains de ces innombrables ! Et on en est réduit par l'obscurité de la matière à employer la torture !

Un Trajan qui vaut ce Pline répond :

Vous avez fait ce que vous deviez faire, mon cher Pline, dans l'examen des poursuites dirigées contre les christiens. Il n'est pas possible d'établir une forme certaine et générale dans cette sorte d'affaires[199]. Il ne faut pas faire de recherches contre eux. S'ils sont accusés et convaincus, il faut les punir ; si pourtant l'accusé nie qu'il soit christien, et qu'il le prouve par sa conduite, je veux dire en invoquant nos dieux, il faut pardonner â son repentir, de quelque soupçon qu'il ait été auparavant chargé. Quant aux dénonciations par écrits non signés, il n'y doit être donné aucune suite, car c'est d'un pernicieux exemple, et c'est' indigne de mon règne.

La réponse de Trajan est encore plus vague que la lettre de son gouverneur. C'est que l'une et l'autre, datent d'un temps où l'Église a supprimé toute documentation sur ce qu'elle est convenue d'appeler la personne humaine de Jésus. Non seulement il ne faut pas faire de recherches contre les jehouddolâtres, mais on n'en peut déjà plus faire aucune sur eux. Aussi a-t-il semblé à l'Église, authoress des deux lettres, que Trajan se contredisait, d'une part, en défendant de rechercher les jehouddolâtres, de l'autre en ordonnant de les punir. Un droit est un droit, et si on peut être christien on doit pouvoir le dire sans être poursuivi. Dans Tertullien l'Église argumente là-dessus et censure la jurisprudence qu'elle prête à Trajan : Insoutenable arrêt ! s'écrie-t-elle, Trajan défend de rechercher les christiens parce qu'ils sont innocents, et ordonne de les punir comme coupables ! Il épargne et il sévit, il dissimule et il condamne. Ordonnance impériale[200], pourquoi vous contredire si grossièrement ? Si vous condamnez les christiens, pourquoi ne pas les rechercher ? et si vous ne les recherchez pas, pourquoi ne pas les absoudre ?

En effet, ces choses-là ne se voient que dans les Procès dirigés par les juridictions ecclésiastiques contre les défenseurs de la vérité !

Méfions-nous de ceux qui sacrifient tout à la phrase et, avant de philosopher sur les faits, tâchons de savoir s'ils sont. N'imitons pas Benjamin Constant[201], qui soutient cette thèse que la foi en Jésus-Christ fut embrassée dès les premiers temps par une multitude qui n'était étrangère ni à l'instruction ni à l'opulence, en se fondant sur cet argument : Pline atteste que déjà, sous le règne de Trajan, des personnes de tout état se réunissaient aux pieds de la croix ![202]

 

XIII. — Le dernier soupir du Royaume messianique tel que l'avait conçu Jehoudda le Gamaléen, c'est le mystérieux Bar-Kocheba qui se leva sous Hadrien, avec Akiba Bar-Joseph pour précurseur et pour mentor. Cet Alla est-il celui à qui Clémens aurait légué tous ses biens, ou le fils de celui-là ? On ne pourrait répondre que si l'on savait son âge au temps de Bar-Kocheba. Mais il n'était pas que le héraut du roi Bar-Kocheba, il était de la famille, à telles enseignes que l'Église, lorsqu'elle l'eut travesti en Akita, s'est trouvée amenée à dire qu'il était parent de l'empereur Hadrien avec lequel il avait hé partie pour réédifier le temple de Jérusalem !

Bar-Kocheba n'est qu'un surnom, comme Joseph, comme Myriam Magdaléenne, comme Bar-Abbas, comme la Pierre, comme tous les personnages principaux des Évangiles, comme Artémion et comme Andreas, les apôtres du Royaume sous Trajan. En circoncision il s'appelait Shehimon, et je pense qu'il était arrière-petit-fils de celui des frères de Bar-Jehoudda que les Évangiles ont surnommé la Pierre[203].

Shehimon n'est connu dans l'histoire que par son surnom, tout comme Bar-Jehoudda ; il est Bar-Kocheba, c'est-à-dire fils de l'Étoile, tout comme Bar-Jehoudda ; et cette Étoile, c'est l'Âne et son ânesse, c'est le Tharthakthakthar, le signe triomphal[204] sur lequel le revenant de Bar-Jehoudda fait son entrée dans Jérusalem. Son père et sa mère avaient fait pour lui le même vœu que Jehoudda et Salomé pour leur fils ale, ils l'avaient consacré à l'Abbas en vue du Jubilé de -889. Shehimon, lui aussi, était et Nazir et Bar-Abbas, et c'est pourquoi en le voyant pour la première fois, Akiba s'écrie : voilà le roi-Messiah ![205] Jacob junior (sous le nom d'Andréas) apercevant Bar-Jehoudda au Jourdain dit : Nous avons trouvé le Messiah ![206] Si le nom de circoncision de Bar-Kocheba a fini par disparaître, comme celui de son arrière-grand-oncle, ce n'est nullement, comme l'a dit un savant juif[207], parce qu'il est de l'intérêt de celui qui se disait ou se croyait le Messie de dissimuler son véritable nom et celui de sa famille. Au contraire, l'intérêt d'un tel imposteur, lorsqu'il descendait de David comme celui-là, c'était de prouver ses titres par une généalogie en règle[208]. Shehimon avait les deux généalogies qui sont aujourd'hui dans les Évangiles, et c'est ce qui permit à Akiba de saluer en lui le Messiah sans autre présentation.

Ceux qui suivirent Shehimon croyaient si proche l'heure où il pourrait dire le mot du plérôme[209], que certaine d'entre eux osèrent prononcer le tétragramme comme il est écrit. Dans Valentin, si attaché à Jehoudda le Gamaléen qu'il se reproche intérieurement de ne pouvoir reconnaitre son fils aîné pour dieu, Salomé, l'illustre veuve de l'homme de lumière[210], revendique hautement Shehimon Bar-Kocheba parmi ses descendants directs[211], comme si la grande famille apostolique s'était éteinte en lui avec le dernier espoir. C'est pour cette raison que l'Église a supprimé tout le livre de Dion Cassius[212], dans lequel cet historien, natif du Pont comme Akiba, remontait à l'origine jehouddique de Shehimon et contait l'histoire du règne Kochebien. Les choses sont telles aujourd'hui que pour avoir un maigre récit de la guerre, il en faut passer par trois hommes d'Église : Eusèbe, Jérôme et le moine Xiphilin, l'abréviateur de Dion Cassius.

Le fanatisme de Shehimon s'assaisonne de magie, c'est une tradition de famille. On dit que de sa bouche il vomissait du feu par le moyen d'une boite en fer blanc remplie d'étoupes enflammées. Est-ce un souvenir de Jehoudda et de son frère dont il est dit dans l'Apocalypse que de leur bouche sort un feu qui consume leurs ennemis ?[213] La colombe du Jourdain s'allumait à l'appel de Bar-Abbas. Shehimon procéda comme ses pères, les Paroles du Rabbi étaient sa charte. Il profita d'une pâque, en organisa une, si elles étaient interdites, et, tel Ménahem, régna dans Jérusalem où il s'est maintenu, presque victorieux, pendant deux ans[214]. Ses sujets se marquèrent au front de la croix que Bar-Abbas avait sur le bras. De cette manière, ils ne pouvaient déserter sans trouver dans le camp ennemi la mort qu'ils avaient fuie dans le leur.

Depuis le travail du moine Xiphilin dans Dion Cassius, il est devenu impossible de savoir où est la fameuse Montagne royale, le Béthar sur lequel Shehimon s'était retiré lorsqu'il fut obligé d'abandonner Jérusalem. C'est là que l'Évangile du Royaume fut écrasé Pour toujours. La Montagne royale était assez éloignée de Jérusalem pour que, parmi les divers emplacements proposés, les érudits aient opiné pour les environs de Séphoris, au nord de la Galilée[215]. Qu'il me soit permis d'ouvrir un avis. La seule montagne qui fût désignée pour servir de dernier boulevard à Shehimon, c'est Massada, dont Josèphe dit qu'en dépit de la prise de Jérusalem par Titus, les Romains n'eussent point été vainqueurs sans celle-là. La seule montagne qui méritât historiquement le nom de royale, c'est encore Massada, moins encore à cause des défenses que les rois Asmonéens et Hérodiens y avaient élevées pour la sûreté de leurs personnes, que du choix qu'en avaient fait Ménahem et son beau-frère Éléazar pour asseoir la base de leurs opérations. Le nom seul de Massada — forteresse de montagne, — répond aux exigences topographiques ; et quant au Béthar, ou maison de guet, rien ne répond mieux à l'étymologie que le merveilleux sommet d'où la vue d'Éléazar embrassait à l'ouest tout le camp romain de Silva, et sur les autres points jusqu'à plus de six heures de marche. On n'y pouvait être surpris, et on y pouvait surprendre.

Ç'avait été le dernier rempart des jehouddistes sous Vespasien. Pourquoi ne serait-ce pas le dernier rempart des jehouddistes sous Hadrien ? Les scribes d Talmud ont pour ainsi dire certifié l'identité des christiens de Ménahem et de ceux de Bar-Kocheba, lorsque songeant sans doute à la résurrection d'Éléazar dan Cérinthe[216], ils ont dit que, le quatrième jour, les corps des martyrs tombés au Béthar n'avaient pas encore éprouvé de commencement de corruption. Et c'est un argument de plus, presque une preuve, e faveur de l'identité du Béthar avec Massada, ca Josèphe attribue à l'air de cette montagne des propriétés telles qu'après cent ans les provisions renfermées par Hérode dans la forteresse étaient encore saines et fraîches comme au premier jour[217]. Un détail renforce la vraisemblance de toutes ces hypothèses c'est dans la direction sud de Jérusalem et ouest de Massada, et uniquement dans cette direction, sous le térébinthe de Mamré, au marché d'Hébron et de Gao, que furent vendus les prisonniers.

Au lieu d'appeler Jérusalem Nazireth, comme eût fait Shehimon, Titus Annius Rufus, par ordre d'Hadrien, rasa Jérusalem, promena la charrue[218] sur l'emplacement du sanctuaire, jeta les fondements d'un temple à Jupiter Capitolin, donna à la ville le nain significatif d'Alla, et répliqua au dernier roi-christ par la division tout apocalyptique de cette cuitas en sept quartiers. Loin d'en interdire l'accès aux Juifs isolément, Hadrien ne le défendit qu'il ceux dont l'habitude était de se rassembler en armes pour monter à la pâque et aux fêtes comme faisaient les christiens[219]. Il n'empêcha point de célébrer la pâque chez soi et de manger l'agneau dans l'intimité de la famille. Celui qu'un mange dans les Synoptisés ne provient pas du Temple, et Jésus, par son dispositif, autorise l'agneau tue dans la maison d'un particulier, pourvu que celui-ci soit Juif et jehouddiste. Ce qui fut défendu, c'est tout ce que Bar-Abbas professe comme indispensable à l'entrée dans le Royaume, c'est la circoncision pratiquée sur les goym, c'est la prédication des années sabbatiques, source de tous les désordres, c'est le prosélytisme judaïque dans ses formes offensives.

Ce qu'Hadrien voulut détruire en passant le niveau sur le Temple, c'est le char d'Ezéchiel, c'est l'axe de la croix, le pseudo-centre du monde, le siège du Messie. On doubla le nombre des espions, on renforça la police. A dix-huit milles d'Emmaüs, on arrêtait ceux qui, de Césarée ou de Joppé, montaient à Jérusalem. Et renouvelant les ordonnances de Vespasien et de Trajan : A quel parti appartenez-vous ? demandait-on. Autrement dit : Quel Seigneur reconnaissez-vous ? L'empereur ou quelque prétendant au Royaume universel ? Il fallut ruser, prendre des masques. Tous les artifices évangéliques la recommandation de n'avoir rien sur soi, de ne saluer personne en chemin, de peur des faux frères, viennent de là, le style même, si tortueux dans sa fausse simplicité.

Victimes de l'Apocalypse sous Hadrien, comme ils l'avaient été de tout temps, les Juifs du Sanhédrin trouvèrent dans le nom de Bar-Kocheba les éléments d'un jeu de mots analogue à celui qu'ils avaient fait jadis sur Bar-Jehoudda et son père. De ceux-ci ils avaient dit[220] : Ce sont des Baal-Zib-Baal (dieux-poissons) ; de Shehimon ils dirent : Ce n'est pas Bar-Kocheba (le fils de l'Étoile), c'est bar-Koziba (mot à double sens dans lequel entrent à la fois le radical de kozab, mentir, et le mot Zib poisson), fils du Poisson menteur. Ce pêcheur d'hommes avait trompé tout le monde... comme le premier, comme tous les charpentiers de Phrygie et tous les poissonniers de Thessalie que nous avons vus dans Apulée[221] et jusqu'à nos jours.

Rapproché du surnom (Zibdéos) que Jehoudda le Gamaléen porte parfois dans les Évangiles, celui de Koziba liait l'un à l'autre Bar-Abbas et Bar-Kocheba comme les deux zib sont liés dans le signe. Comment obvier à cet inconvénient ? L'Église dans Hégésippe a commencé par dire que, dès le temps de Néron, avant le règne de Ménahem en 819, les membres de la famille christienne avaient quitté Jérusalem afin de n'être point confondus avec ses défenseurs, et qu'ils s'étaient réfugiés au delà du Jourdain en un lieu nommé Kocheba, d'où ils n'étaient plus sortis qu'après la déconfiture de Bar-Kocheba pour lequel ils avaient montré une indifférente confinant à l'antipathie. Hégésippe en témoignait de tout cœur, lui qui ne les avait quittés qu'une quinzaine d'années après, pour venir à Rome prêcher Jésus et la vérité apostolique ! Hégésippe pouvait mentir, il n'était fait que pour cela. Mais il fallait un second témoin.

On enzôna Julius Africanus, originaire de Samarie, et qui avait écrit au troisième siècle. Africanus déclara que rien n'était plus vrai, et que de son temps il y avait encore, non seulement à Kocheba, mais à Nazireth même des parents du Seigneur, et d'une patience, d'une bonté, d'une affabilité dont on n'avait aucune idée quand on ne les avait pas vus de près.

On avait montré par l'invention de Kocheba trans Jordanem que les christiens ne pouvaient avoir suivi Bar-Koziba ; mais contre cette évidence que la même kabbale, les mêmes Paroles avaient été communes à Bar-Abbas et à Bar-Koziba, il a fallu forger plusieurs faux. Celui-ci est magnifique. Passant des Juifs qui tiennent leur kabbale de Jehoudda le Gamaléen à ceux qui ont suivi le dernier roi-christ, l'Église écrit dans Justin :

Ils nous tiennent[222] pour leurs ennemis et leurs adversaires. Comme vous (Antonin, successeur d'Hadrien), ils nous persécutent et nous font mourir quand ils le peuvent : vous pouvez en avoir facilement la preuve. Dans la dernière guerre de Judée, Bar-Kocheba, le chef de la révolte, faisait subir aux christiens, et aux christiens seuls, les derniers supplices s'ils ne reniaient et ne blasphémaient Jésus-Christ ! Et le faussaire, car c'en est un et de la plus belle eau baptismale, s'étonne que des Juifs agissent ainsi avec les jehouddolâtres, car, dit-il, les prophéties qui annoncent le Messie ont été faites cinq mille[223], trois mille, deux mille, mille, et huit cents ans avant la venue de Bar-Abbas. Elles devraient être sacrées pour eux, et pour donner un exemple de celles qui s'appliquaient au Messiah, il cite l'horoscope de Jacob à Juda, réduisant toutefois les deux Ânes à un et omettant rebondissement que Bar-Abbas et Bar-Kocheba avaient eux-mêmes imprimé à ce signe, pour ne pas attirer l'attention de ceux qui pourraient avoir Dion Cassius complet dans leur bibliothèque ou simplement L'Âne d'or.

Quant au Royaume, — sachez-le bien, prédécesseurs et successeurs d'Hadrien ! — lorsque vous entendez dire que nous l'attendons, vous soupçonnez inconsidérément qu'il s'agit d'un royaume humain. C'est du royaume de Dieu que nous voulons parler. Hadrien lui-même, malgré les apparences contraires, a toujours cru qu'il en était ainsi, et c'est pourquoi l'Église, dans Justin, produit pour la justification des christiens une lettre de ce très grand et très illustre empereur adressée à Minucius Fundanus, proconsul d'Asie. Après avoir fabriqué l'Apologie adressée par le pseudo-Justin à Antonin le Pieux[224], l'Église joint à ce travail une copie de la lettre d'Hadrien en vertu de laquelle nous demandons, dit-elle, à être jugés, à n'être pas condamnés sans avoir été entendus, enquêtés, car, si cela continue, les christiens finiront par succomber sous la calomnie[225]. Ce n'est pas tout. Sous Trajan, on a vu Pline le Jeune chercher ses renseignements sur les christiens dans la torture. Il n'est pas étonnant qu'il n'ait rien trouvé, car dans une autre lettre non moins fausse que celle de Pline, Hadrien déclare qu'il est impossible à l'homme le plus perspicace de distinguer entre les disciples de Bar-Abbas et les adorateurs de Sérapis ![226] Le patriarche de la religion romaine lui-même, lorsqu'il arrive en Egypte, s Alexandrie, par exemple, est forcé par les uns d'adorer Sérapis et par les autres le christ. ... Les christiens sont comme ceux qui adorent Sérapis, les adorateurs de Sérapis sont comme ceux qu'on dit être évêques christiens. Ainsi peut-on croire que ceux qui ont joué Bar-Abbas au Gymnase étaient ses évêques sans le savoir. En vertu de ce principe il s'est trouvé un homme pour prétendre qu'Hadrien lui-même avait en le dessein de bâtir un temple à Jésus[227] ; cet homme s'appelle Lampride[228].

 

XIV. — C'est le jubilé de 889 qui déchaina le redoublement de folie et de monstruosité dont le nom christien porte la marque indélébile. L'Église a dû aborder ce sujet dans l'Apologie qu'elle adresse sous le nom de. : Justin à Antonin, successeur d'Hadrien. C'est dire que dès cet empereur les faits étaient acquis à l'histoire, l'Église ne les nie pas : On nous accuse de renverser la lumière dans nos assemblées secrètes, d'égorger des enfants, de nous repaitre de leurs chairs palpitantes, et de nous livrer à des débauches inouïes. Y a-t-il quelques sectateurs de Ménandre ou de Marcion[229], qui soient en effet coupables des actes qu'on nous reproche ? Qu'on sévisse contre eux, ils ne sont pas avec nous et nous avons écrit un livre pour les combattre !

C'est sous Antonin, peu de temps après le règne de Bar-Kocheba, qu'eut lieu à Carthage, parmi les. Juifs amenés comme esclaves, la première exécution publique de jehouddolâtres. Le nom seul de ces scélérats est la preuve de leur origine et montre qu'ils avaient les Paroles du Rabbi ou Livres du jésus dans leurs Actes martyrologiques ils sont dits Scilitains (de Scilo, envoyé). Quoique leurs noms aient tous été latinisés, il en est deux qui appartiennent manifestement à l'histoire du dernier roi-christ : Akibanus[230], qu'on a rendu par Aquilinus (nom formé d'Akila, le pseudo-mentor du pseudo-Paul), et Nazirénus qu'on a rendu par Nartzalus. Avec eux sont des femmes, leurs complices dans le crime pour lequel ils ont été livrés aux bêtes, les seuls bourreaux qui conviennent à de pareils forfaits.

Le proconsul ne leur demande pas d'où ils venaient, ils ne venaient de nulle part que de Judée, ils étaient à Carthage, meurtriers de leurs enfants sacrifiés à Bar-Abbas, et en prison pour cela. Aujourd'hui il n'est pas plus possible de comprendre leur condamnation que celle de Jésus par Pilatus. Ce sont d'étonnants Platoniciens, comme le proconsul Maximus à qui fut déféré Apulée. Ils paient l'impôt et ils honorent l'empereur, ils rendent à César ce qui est à César, mais ils vivent selon le rite christien, ils sont christiens, et malgré l'offre qu'on leur fait de revenir à la religion des Romains (à laquelle ils n'avaient jamais appartenu), christiens ils restent ; leur maître, c'est le Marân, c'est  Bar-Abbas. A quoi reconnaît-on qu'ils vivent selon le rite christien ? Quel est le rite christien pour lequel ils ont été punis ? On ne le dit pas, mais nous le savons par Apulée : c'est la pâque molochiste par laquelle ils espèrent obtenir de Bar-Abbas un peu de sa poissonnade d'or[231].

Aujourd'hui, dans les Actes définitifs de leur martyre — leur témoignage en faveur de l'existence de Jésus —, ils ont les quatre Évangiles, les Lettres de Paul, les Actes des Apôtres, les Constitutions apostoliques du bienheureux Clément et le reste. Je crois même qu'ils ont les faux canons de Nicée : Qu'y a-t-il dans votre boîte ? demande le proconsul. — Les livres des Évangiles[232], répond Spératus, et les Épîtres Paul, homme juste. Mais ce qu'il y avait dans cette boîte[233], c'est Bar-Abbas sous la forme d'un pain-zib quelconque. Et l'homme qui, à la suite de leur exécution cent fois méritée, promena dans Carthage le mannequin symbolique terminé aux deux extrémités par des oreilles d'âne et par des pieds de porc, celui-là a tranché toute la question scilitaine[234]. Ceux qui ont été punis l'ont pour avoir adoré par le crime rituel l'individu qui disait avoir sur eux le pouvoir de vie (Âne) et de mort (porc). Dans Carthage, vouée à la Lune, on promène avec signe solaire l'image du nouveau maître du monde Cela est pictural et définitif. Cet animal m'est depuis longtemps odieux, dit la Lune dans Apulée. On a vu l'Âne incapable par nature de prononcer le nom de César, et n'y pouvant point parvenir dans une nie constance où ce nom eût pu le sauver. Il y a des femmes parmi les condamnés. Nul doute, puisqu'elles sont qualifiées d'onocoïtès[235], qu'il n'y ait dans cette épithète, une allusion au penchant monstrueux qu'une de leurs pareilles manifeste pour l'âne solaire dans l'Âne d'or. Que les impies voient, qu'ils voient et qu'ils reconnaissent leur erreur ![236], dit le grand-prêtre d'Isis, — la scène est à Kenchrées, je lis : Carthage et je lis : Apulée, — lorsque Lucius reprend la forme humaine que la magicienne de Thessalie lui avait enlevée pour lui donner celle de l'animal cher à Bar-Abbas.

Et le dernier acte de ce grand-prêtre qui rend si exactement les besoins de la civilisation, c'est de réciter des prières pour le sublime Empereur (Antonin), pour le Sénat, pour les chevaliers, pour tout le peuple romain, Pour la navigation, pour ceux qui sont sur la mer[237], pour la prospérité de ce qui compose généralement le Vaste Empire romain. Tous viennent, avec des présents, s'assurer de la résurrection de Lucius et de son retour des Enfers, et tout le peuple s'écoule après avoir baisé les pieds d'argent de la déesse.

Il est bien vrai d'ailleurs que, malgré quelques mouvements en Judée, désespérés et stériles, Antonin laisse les christiens poursuivre leur travail maléfique. Qu'ils baptisent, qu'ils prophétisent, qu'ils s'assemblent comme il leur plaira, de jour ou de nuit, s'ils ne vont pas contre le droit commun, s'ils ne circoncisent point par force ou par embauchage, Antonin ferme les yeux. Ælius Aristide, ce rhéteur qui court le monde pendant dix-sept ans à la recherche d'un remède pour son affection nerveuse, était un client-né pour les disciples de Bar-Abbas. Il meurt sans avoir rencontré le salut sur terre : en revanche il a connu ces Palestiniens impies bons à mettre la discorde dans les familles[238]. Chez les plus apparaît une manière d'hypocrisie spéciale à leur superstition et qui leur donne cette physionomie ambiguë qu'Épictète a déjà observée. Qu'est-ce que cachent ces sabbatismes et ces prosternements ? L'honnête Plutarque s'en est ému : derrière ces affectations de piété s'abritent les mauvais sentiments qu'il observe chez les Juifs. Descendus de Jabné à Lydda, puis installés à Ouscha, à Séphoris, libres de penser et d'écrire, les rabbins et les docteurs de la loi inaugurent cette période d'études qui ressemble à notre scolastique et à notre scotisme et qui a donné le Talmud. Antonin les encourage et les soutient, il les installe à Tibériade, qui est une ville toute romaine, pleine de légionnaires en congé, de fonctionnaires et de publicains : Vous savez, disent-ils tout bas à l'oreille des fidèles, il s'est circoncis lui-même afin de pouvoir se présenter à la Pâque ![239]

Quant aux Scilitains, peut-être pourrait-on croire que leur affaire de Carthage a entamé l'admiration incoercible qu'il professe pour le reste des jehouddolâtres. Ce serait le mal connaitre, car voici ce qu'il écrit au sujet de ceux d'Asie[240] :

L'empereur César Titus Ælius Hadrianus Antoninus, grand pontife, revêtu de la puissance tribunitienne pour la vingt-et-unième fois, consul pour la quatrième, père de la patrie, au Conseil d'Asie, salut.

Certes il me parait que c'est aux dieux eux-mêmes qu'il appartient que de tels hommes ne restent pas cachés : car c'est à eux qu'il convient, bien plus qu'à vous-mêmes, de punir ceux qui refusent de les adorer ! Vous qui provoquez des émeutes contre eux, vous ne faites que les confirmer davantage dans leurs idées en les accusant d'athéisme — et en leur reprochant d'autres choses encore que nous ne pouvons prouver[241] —. Or, pour eux, être cités en justice et paraître mourir pour leur dieu est un sort bien plus enviable que la vie. Ainsi ce sont eux qui triomphent en faisant le sacrifice de leur vie, plutôt que de se résoudre à faire ce que vous leur commandez. Quant aux tremblements de terre qui se sont Produits ou qui se produisent encore, il ne semble pas hors de propos de vous donner un conseil à vous qui perdez tout courage dès qu'ils arrivent. Mettez en parallèle votre conduite avec celle de ces hommes. Ceux-ci mettent alors, plus que jamais, leur confiance en leur dieu : et vous, pendant tout ce temps où il me semble que vous ne connaissiez plus rien, vous négligez les dieux et le reste, vous ne vous souciez pas du culte de l'Immortel : et ces christiens qui l'adorent, vous les chassez, vous les poursuivez jusqu'à la mort. Déjà, à propos de ces hommes, beaucoup de gouverneurs de provinces ont écrit à mon divin père : il leur a répondu de ne pas les troubler, à moins qu'ils ne paraissent faire quelque entreprise contre l'État romain. A moi aussi beaucoup de rapports ont été faits sur le même sujet : et j'y ai répondu dans le même sens que mon père. Si l'on continue à créer des inquiétudes à l'un de ces christiens, à cause de sa qualité de christien, que celui qui a été accusé soit délié de l'accusation, quand bien même il serait convaincu de christianisme ! Et l'accusateur sera puni.

A été publié à Ephèse, dans le Conseil de l'Asie.

Gloire, honneur et nombreuses Académies aux exégètes qui regardent de tels morceaux comme authentiques !

 

XV. — Parmi les Romains les plus documentés sur Bar-Abbas et ses disciples, Minucius Félix mérite la première place après Fronton, philosophe stoïcien et précepteur de Marc-Aurèle. Avocat illustre du barreau de Rome, on ne le minait plus que par un ouvrage intitulé Octavius ou de la vraie religion, mais il en avait fait un aussi Contre les astrologues ou De la destinée, par lequel il s'était préparé au second[242], car le Joannès de l'Apocalypse avait la même réputation dans l'un que dans l'autre.

Cicéronien pour le ton, disciple de Sénèque pour les idées, Minucius est le type accompli du chrestien : une bonne conscience et point de culte, voilà toute sa religion. L'Église dans Lactance le place avant Tertullien. Il n'importe qu'il soit devant ou derrière, car il a été tellement corrompu qu'il n'a plus d'âge, et ce qu'il en reste m'inspire les plus vives inquiétudes au point de vue de l'authenticité. Lactance en parle deux fois, regrettant qu'avec toute son éloquence il ait été plus capable de pressentir le christianisme que de le servir : jugement très postérieur à Lactance et qui met Minucius Félix à son véritable rang parmi les philosophes nettement et catégoriquement antijuifs. Ce jugement lui reproche d'avoir mal employé ses moyens : ce qu'a fait l'avocat disert et facile est peu en comparaison de ce qu'il eût pu faire s'il se fût appliqué tout entier à la recherche de la vérité ! Mais l'Écriture Sainte paraissait trop obscure, trop basse à cet esprit gâté par les succès d'audience, égaré, comme tant d'autres, sur le chemin des profits et des honneurs. Il est resté à la porte ; enivré par le bruit de la rue, il n'est point entré dans l'Église de Bar-Abbas !

En effet, il ne connaît pas un seul trait, une seule parole des Évangiles, mais il connaît le fait initial : la crucifixion du scélérat dans lequel on a incorporé Jésus. Comment nier toutefois que la fable ne soit dans l'air judéo-grec, quelque part, mais loin de Rome encore ? Cependant le crucifié du Guol-golta ne s'appelle pas encore Jésus. A Rome et ailleurs tous s'accordent pour dire que l'homme à qui des misérables font leurs dévotion est un criminel avéré. Mais quels crimes a commis Jésus dans l'Évangile ? Ce n'est point de lui qu'il s'agit, mais du roi-christ lié à la croix par Pilatus. Vous avez entendu Apulée, il l'appelle encore Joannès : cela quinze ans après la déconfiture de Bar-Kocheba ![243] Jésus est en cours de fabrication, ainsi que cette morale sublime qui, éclatant comme un coup de tonnerre, aurait déchiré, dissipé les ténèbres du monde païen ! A ce propos où en est la liste des papes sur laquelle Shehimon, cadet de Bar-Abbas, est porté le premier, et Flavius Clémens, cousin de Domitien, le second ?

Le philosophie ne repousse les christiens qu'à proportion de judaïsme et réciproquement. Minucius Félix ne manque point à cette règle. S'il faut combattre la dégradante superstition qui menace déjà l'Occident, c'est moins parce qu'elle se fonde sur un principe criminel que parce qu'elle sert de véhicule à la race la plus vile et la plus méprisée de la terre. Au lendemain du règne de Bar-Kocheba, il n'y a pas deux Testaments parmi les Juifs, il n'y en a qu'un, l'Ancien, dont le christianisme est l'aboutissement fatal. Aujourd'hui Minucius parle de ces déicides avec des ménagements qui confinent à la considération, il approuve la conception qu'ils ont de la divinité dans leurs Ecritures et prend la défense de Iahvé. Là nous retrouvons la main de l'Église. L'Église n'a jamais permis qu'on attaquât le Père de son Juif, son propre père. Rome ne l'a point tué sous Hadrien, comme elle se l'imagine, elle n'a puni que les Juifs. Feuilletez leurs écrits ou si vous aimez mieux ceux des Romains. Lisez ce qu'en ont écrit Josèphe[244] et Julien[245], pour ne point parler de ceux qui les out précédés. Vous trouverez que leurs péchés ont attiré sur eux le châtiment, et qu'il ne leur est rien arrivé qui ne leur ait été prédit longtemps auparavant[246]. Dieu n'a point été pris avec eux, comme vous blasphémez, mais il les a livrés comme des déserteurs[247] à leurs ennemis.

Grâce aux incursions de l'Église dans le texte d'Octavius, la cause s'instruit dans l'obscurité la plus complète, avec des points de pénombre où l'on entrevoit, on ne sait où, très loin de Rome, une Cène sanguinaire, un enfant sacrifié, du bois de croix, une tête d'âne, des banquets où l'inceste est en permanence, un chien qui renverse la lumière, des choses si invraisemblables et si difficiles à vérifier qu'elles semblent écloses dans le cerveau d'un fou. Le seul document que cite Minucius l'appui de ces visions étranges, c'est un discours de Fronton, consul, proconsul, rhéteur, philosophe, avocat, et précepteur de Marc-Aurèle. Ce discours parait être le point de départ du plaidoyer de Minucius pro chrestianis contra christianos[248].

On a, bien entendu, ajouté le nom de Jésus-Christ au commencement et à la fin d'Octavius, on a intercalé de même le passage où les martyrs sont représentés comme un spectacle agréable à Dieu, ce qui n'a jamais été du Dieu bon que célèbre le chrestien Minucius. Mais il est clair que le nom de Jésus et même celui de Christ ne sont qu'une estampille ecclésiastique. Minucius était trop bien renseigné sur Bar-Abbas pour être dupe de Jésus. Sans nommer une seule fois la Judée ou les Juifs, il dit que l'individu dont d'autres Juifs sont en train de faire un dieu est un esclave crucifié pour ses crimes. Il n'y a d'erreur que dans le mot : esclave. Le roi des Juifs n'était esclave que de son fanatisme et de son orgueil. Le mot provient des Lettres de Paul et il a été ajouté par une main ecclésiastique. De même tout ce qui a trait aux martyrs, notamment cette phrase : Nous jugeons de la félicité qui nous attend par l'assurance qu'il (Jésus) nous en a donné lui-même en conversant parmi nous. C'est la traduction de cette autre phrase du Quatrième Évangile : Et le Verbe s'est fait chair et il a habité nous.

L'argument est des plus simples, le dialogue selon l'ordonnance classique ; l'un des interlocuteurs feint, d'attaquer les chrestiens ou plutôt de les confondre avec les sectateurs du christ gamaléen, afin de donner à l'autre l'occasion de les réhabiliter, fût-ce au détriment des païens. C'est un simple jeu, les parties sont d'accord avant de plaider. Octavius, jadis idolâtre, aujourd'hui chrestien, est venu de fort loin embrasser Minucius à Rome : Minucius, païen converti par Oeta-vins, étant allé se refaire aux bains d'Ostie pendant les vacations, Octavius l'y suit. Cécilius, païen à convertir, les accompagne. On a pensé que Minucius, en la personne d'Octavius, était venu d'Afrique, parce qu'il entretient ses amis des choses de la navigation qui sont à leur plus haute puissance au port de Carthage, mais sont-elles moins en honneur à ce port d'Ostie où fréquentent tous les vaisseaux de la Méditerranée ? Le débat s'engage à propos d'un Sérapis de pierre rencontré sur le chemin de la plage, et que Cécilius a salué et baisé au grand scandale d'Octavius. Minucius sera juge dans un procès qu'il ne demande qu'à faire gagner à Octavius, contre Cécilius qui ne demande qu'à le perdre.

Comme Octavius fait reproche à Cécilius de cette idolâtrie qui passe les bornes de Rome pour s'égarer sur les dieux égyptiens, le païen, feignant d'être piqué, se lance à fond contre les ignorants et les impies qui dérangent l'ordre du ciel et de la terre pour y loger un Dieu créateur du tout. Il en vient ensuite à cette faction infâme et désespérée qui s'est levée contre les dieux, engageant la populace et les femmes dans une association profane qui a les dehors d'une conspiration, s'évertue dans les sacrilèges et les assemblées nocturnes, se prépare à l'absorption d'une viande horrible par des jeûnes solennels : gens qui préfèrent les ténèbres à la lumière, se taisent en public et ne tarissent Plus quand ils sont entre eux, fuient les temples comme des sépulcres, méprisent les idoles, se moquent des saintes cérémonies et, avant à peine de quoi se vêtir, raillent les honneurs du sacerdoce, affrontent les tourments présents par peur de tourments incertains, meurent volontairement pour s'assurer qu'ils ne mourront Point quand ils ne seront plus, s'entreconnaissent à certains signes cachés, couvrent leur luxure du nom de communauté, s'appellent frère et sœur afin de lui donner des airs d'inceste, tant ces malheureux se plaisent aux crimes ! Voilà ce qu'on dit d'eux. On dit encore qu'ils adorent la tête d'un âne qu'ils ont consacrée : religion 'véritablement digne de leur vie. On rapporte aussi qu'ils Ont en vénération les parties honteuses de leurs prêtres, comme s'ils voulaient adorer en elles la nature du Père qui les a engendrés. Je ne sais, dit-il, si ces soupçons sont faux[249] ou véritables, mais ces pratiques occultes et nocturnes sont toutes propres à les faire naitre.

Cécilius mêle à dessein les sectes, afin de les atteindre toutes en les confondant, mais il y en a deux au moins qu'on distingue très bien : la secte des christiens nicolaïtes, adorant dans leurs prêtres les fils de Celui qui les a engendrés[250], et se ruant après boire à la débauche sur le signal du Chien[251] ; la secte des jehouddolâtres molochistes qui adorent la croix patibulaire, consacrent leurs enfants à leur roi supplicié, les lui sacrifient, paschalement[252] enduits de pâté azyme, pour lui demander la rémission de leurs péchés, et boivent ensuite le sang du sacrifice pour avoir leur part du Royaume[253].

Non seulement les chrestiens d'Octavius n'ont ni autels, ni églises, ni images, aucune forme d'offrande et de sacrifice dont Dieu ait cure, mais ils ignorent totalement que les jehouddolâtres aient une Cène dont un dieu fait homme soit l'hostie sous la forme du pain et du vin. Au contraire, l'hostie, c'est l'enfant que les pas-chants lui offrent en sacrifice et par lequel ils espèrent obtenir et leur grâce et leur entrée dans l'Éden. Car, pour eux, Bar-Abbas n'est pas mort au Guol-golta, ou s'il est mort, il est ressuscité après trois jours et trois nuits. Cécilius contait toute l'affaire : aujourd'hui, dans le dialogue refait par l'Église, il discute le principe de la résurrection générale plutôt que le cas particulier : Dites-moi un peu, je vous prie, dit Cécilius, ressusciterez-vous sans corps ou avec le corps, ou avec un corps, et sera-ce avec celui que vous aurez eu ou avec un autre ? Sera-ce sans corps ? mais je ne crois pas que sans corps il y ait ni vie, ni âme, ni sentiment. Avec un corps ? Comment ! mais il y a longtemps que le vôtre n'est plus ! Avec un autre ? Mais ce ne sera plus le même homme ! D'ailleurs depuis tant de siècles écoulés et tant d'années, qui est jamais revenu, ne fût-ce que quelques heures (comme les poètes feignent de Protenilas), pour qu'on puisse ajouter foi à une chose si incroyable ?[254] C'est donc pour avoir cru successivement à la version de la mère de Bar-Abbas (non crucifixion), et à celle des évangélistes (résurrection), que les Juifs jehouddolâtres entassaient crime sur crime. Car s'ils n'avaient pas cru ce scélérat capable de revenir, tout au moins afin de se venger d'eux qui l'avaient ou condamné ou abandonné après sa condamnation, jamais ils ne lui auraient offert leurs propres enfants en sacrifice !

Cécilius n'est là que pour fournir à Octavius le moyen de dissiper une confusion onomastique que les païens mal intentionnés pourraient exploiter contre les chrestiens. Quant aux christiens, celui qui leur reproche de confesser dans leurs cérémonies un homme exécuté pour ses crimes sur le bois sinistre de la croix, leur donne des autels conformes à la corruption de leur doctrine et de leurs mœurs, ils adorent ainsi ce qu'ils méritent ! Mais la religion chrestienne, la relie ou naturelle n'a rien de commun avec ces superstitions ignominieuses qui intriguent encore plus par ce qu'on en ignore qu'elles ne révoltent par ce qu'on en sait. Car alors qu'on reproche aux jehouddolâtres d'adorer la croix patibulaire, on ne soupçonne même pas le sens caché dans cette promesse de la croix mondiale dont Jérusalem est le centre et Bar-Jehoudda le truchement, car s'ils adorent celle que tous les ers considèrent comme l'instrument du dernier supplice, c'est à cause de l'autre, et Minucius Félix ne semble pas se douter des motifs pour lesquels ils s'exposent à la première.

Aujourd'hui, revenant sur tout ce qu'il disait et sur tout ce que disait Fronton, préalablement supprimé, Octavius déclare qu'il avait, lui aussi, cru longtemps que les jehouddolâtres adoraient des monstres, dévoraient des enfants, remplissaient leurs banquets d'incestes, après avoir confié au chien le soin d'éteindre la lumière dans l'assemblée ; mais il n'a pas considéré que cela eût été jamais ni prouvé ni découvert, en dépit du long espace qui s'est écoulé depuis ces accusations mensongères, et des promesses de récompense ou de pardon qu'on a faites aux délateurs. En un mot il n'y a jamais eu de Scilitains.

On a fait sauter une pièce essentielle à la machine, car à peine est-il croyable qu'un homme comme Octavias ait eu à se détendre de jehouddolâtrie, lui qui par son incirconcision était indigne d'entrer dans le Royaume n'ayant ni le signe physique de l'alliance ni le sacrement qui y faisait suite. Minucius et ses deux amis sent païens de naissance, et ils ne sont même point baptisés, puisqu'on voit l'un d'eux saluer et baiser le Sérapis d'Ostie, quoiqu'à la fin de la journée il se déclare chrestien. Des divinités installées à Ostie, le port d'attache des superstitions étrangères, Cécilius, qui fait le païen, ne connaît que Sérapis, déjà vieux sous le ciel de Rome et qui a des temples depuis Auguste. Aucun sanctuaire à Jésus, pas même le petit oratoire que le Prétendu pape Anaclet aurait élevé sur le Vatican en l'honneur de Pierre. Minucius Félix est chrestien tout à fait, Octavius l'est à demi, Cécilius ne demande qu'à le devenir, et tous les trois, par honneur plutôt que par réflexion, s'élèvent contre la fable judaïque dont le héros a si bonne mine sous le nom de Jésus et si mauvaise réputation sous le nom de Bar-Abbas. Et non seulement ces chrestiens ne connaissent de Justin aucune apologie destinée à prouver l'existence de Jésus, mais encore, amenés à parler du renom qui enveloppe le christ et le précède partout, ils repoussent impitoyablement toute assimilation avec la secte de ce vieux scélérat qu'on ne peut apaiser que par de nouveaux crimes !

Non seulement les chrestiens de Minucius n'ont point entendu dire que Jésus fût venu avec une morale nouvelle, inconnue des Juifs, mais ils savent par tout le Inonde que Bar-Abbas disait être envoyé pour réaliser sur terre k Royaume des Juifs avec la destruction des Gentils. Les christiens sont tous semblables en ce qu'ils menacent le monde de la chute du ciel et des astres de leur Dieu[255]. Et quand on leur demande leurs raisons, ils répondent qu'ils sont mis en mouvement par Dieu même à qui ils attribuent tout ce que d'autres attribuent au destin. Ainsi ils disent que ce n'est pas leur volonté qui s'est portée d'elle-même à embrasser leur secte, mais que Dieu les y a appelés[256]. Ils annoncent la fin du monde[257], mais à eux-mêmes ils se promettent l'éternité ; s'ils se refusent à brûler leurs cadavres, c'est que la résurrection les attend après leur mort, et ils sont si sûrs de leur fait qu'on les croirait déjà ressuscités. A eux l'avenir avec toutes les récompenses, le Royaume avec toutes ses gloires ! Aux autres la mort avec toutes ses ténèbres, le châtiment avec toutes ses cruautés, éternel, lui aussi, comme est le bonheur pour les christiens ! Donc ou Bar-Abbas ou la mort voilà le dilemme posé à l'humanité tout entière : c'est la dictature du chantage. Et pourtant que peut Iahvé ? Rien, sinon mentir à ceux qu'il perd : Voici des supplices, dit Cécilius, des tourments, des croix, non plus à adorer mais à souffrir, des feux que vous craignez pour vous-mêmes et que vous prédisez aux autres[258]. Où est ce Dieu qui peut secourir les morts et qui ne saurait aider les vivants ? Les Romains, sans l'assistance de votre Dieu, ne sont-ils pas les maîtres du monde et de vous-mêmes ?

Au dessus de tous les hommes est un Dieu-Esprit,- unique, infini, indivisible, et qu'on diminue en cherchant à déterminer sa grandeur. Nous ne le comprenons jamais mieux qu'en l'appelant incompréhensible. Il n'a point de fils sous le nom de Verbe. Le nom de cet Esprit unique, c'est Dieu. On cherche des mots, quand une chose peut être divisée, mais Dieu, étant simple, ne peut être divisé. Il est le Père et il est le Roi. Il n'a oint et n'oindra personne ni au ciel ni sur la terre. En un mot il n'y a point de Christ dans le ciel, comme disent les Valentiniens, et il n'en est point né dans la famille de David, comme l'ont dit successivement Bar-Abbas et Bar-Kocheba, qui tous deux méritent le nom de Bar-Kozeba, fils du Mensonge. Tout chrestien est celui qui avoue Dieu pour son père spirituel et pour son roi. Minucius fait commencer les chrestiens avec les philosophes qui tiennent que Dieu est un pur Esprit. C'est pourquoi il combat toutes les fables dans lesquelles des succédanés de Dieu, ou des parties de Dieu prises erronément pour le tout, revêtent un corps Pour agir à la façon d'hommes plus au moins bien inspirés. Cela supprime Jésus tout net, et avec lui toute la thèse d'un Bar-Abbas habitant mille ans sur la terre enjuivée. De pareilles propositions eussent révolté le chrestianisme d'Octavius.

Il loue Evhémère et Persée d'avoir montré, par les impostures de Jupiter Dictéen, d'Apollon Delphique, de l'Isis de Pharos, et de la Cérès Eleusina, que les dieux sont d'anciens hommes dont la mémoire est passée religion pour avoir, en courant le monde, porté dans les pays l'invention de quelques semences ou de quelque autre chose utile à la société humaine. Considérez les cultes, et dans toutes les cérémonies, dans tous les mystères, vous verrez la fin misérable de vos dieux, leur mort et leurs funérailles. A l'appui de son argumentation, Octavius cite les mystères d'Isis, de Cérès, de Jupiter et de Cybèle. Ce sont là néanmoins les dévotions de l'Egypte, et maintenant celles de Rome. Chaque année Isis pleure le fils qu'elle a perdu, et chaque année dans leurs cérémonies ridicules ses prêtres le retrouvent. Ainsi ils ne cessent tous les ans de perdre ce qu'ils ont trouvé, et de trouver ce qu'ils ont perdu : n'ont-ils point honte de pleurer ce qu'ils adorent ou d'adorer ce qu'ils pleurent ? Octavius, de grâce, arrêtez ! Vous déblatérez contre le futur Vendredi Saint, contre la Pâque future !

La foi des chrestiens n'est ni maladive, ni criminelle, ni mystérieuse, elle est saine et claire. La croix ne les attire pas, ni celui qui est dessus. Nous n'adorons, ni ne souhaitons les croix, dit Octavius. Il ne veut point de confusion avec la secte juive dont quelques fonctionnaires romains de l'étranger commencent à parler comme d'un phénomène monstrueux. D'ailleurs il ne comprend pas, ni ceux qui l'écoutent : Quand vous nous accusez d'adorer un criminel et sa croix, vous vous trompez de la façon la plus complète... Vous êtes bien éloignés de la vérité en pensant qu'un criminel ait pu mériter qu'on le prit pour un dieu ou qu'on ait pu prendre pour un dieu un homme terrestre. Celui- là certes est misérable de qui toute l'espérance est en un homme mortel, puisqu'en le perdant il perd toutes sen espérances. Ce sont les Juifs[259] qui choisissent un homme, lequel ils adorent, prient, consultent sur tous leurs doutes, et à qui ils font des sacrifices. Mais cet homme qui est un dieu pour les autres n'est qu'un homme pour lui-même...

Ceux-là portent sur le corps un signe à quoi ils se reconnaissent entre eux ; et ce signe, c'est la croix que Bar-Abbas avait sur la peau. Est-ce que les chrestiens se tatouent ? Nous n'adorons point les croix, ni ne souhaitons d'y être attachés. C'est vous peut-être (païens), qui les adorez en adorant des dieux qui sont aussi de bois ! Les bannières de Rome, les étendards, qu'est-Ce donc sinon des croix dorées et enjolivées ? Qu'est-ce donc qu'un porte-étendard ? Un porte-croix, une espèce de crucifié. Qu'est-ce qu'un vaisseau dont les antennes sont déployées ou les rames parallèles à l'eau ? Une croix. Un joug dressé ? Une croix. Un homme qui prie Dieu les bras étendus ? Une croix. De deux choses l'une : ou le signe de la croix est naturel et innocent, ou il est intentionnel et coupable. En ce cas, comment 6e fait-il qu'il serve à la religion romaine ? Bref Octavius se défend avec une telle véhémence qu'un vieux théologien, traducteur de Minucius, s'écrie[260] : Je dis que si du discours d'Octavius il s'ensuit que les premiers chrestiens n'ont point adoré la croix, il s'ensuit aussi, par la même raison, qu'ils n'ont point adoré Jésus-Christ !

 

 

 



[1] Il existe encore des leçons dans lesquelles il est dit : Jésus Bar-Abbas. Quelques critiques (M. Peyrat, Histoire de Jésus, in-8°, 1864, p. 285) ont été frappés de la coïncidence qui amène deux Jésus en même temps devant Pilatus, l'un qualifié de Bar-Abbas, l'autre de roi des Juifs. Aucun n'a vu qu'il y a identité par application de la théorie jehouddique : un en deux, deux en un.

[2] Cf. Le Charpentier.

[3] Contraction d'Ieou-Shanâ (Année de Dieu) et de Nazir (consacré par un vœu).

[4] Strauss, Vie de Jésus.

[5] Dans Justin, Première Apologie, XXX, adressée à Antonin le Pieux par le faussaire.

[6] Quoiqu'il y eût plus d'un million de Juifs, dont deux cent mille à Alexandrie.

[7] Cf. Le Charpentier.

[8] Traité du Schabbath.

[9] Dialogue avec Tryphon, § 69 : travail d'Église mis sous le nom de Justin par le faussaire.

[10] Cf. Les Évangiles de Satan, première partie.

[11] Les Évangiles de Satan, deuxième partie. Nos apôtres ont écrit (dans l'Évangile par conséquent) que Jésus étant venu au Jourdain (où Joannès baptisait) il descendit dans l'eau, qu'un feu s'alluma dans le fleuve, et que, Jésus étant sorti de l'eau, le Saint-Esprit vola sur lui sous la forme d'une colombe. (Dialogue avec Tryphon, § 88.)

[12] L'année de Dieu, la Grande année.

[13] Nuits attiques, X. Archytas vivait quatre cents ans avant Bar-Abbas.

[14] Cf. Le Charpentier et Les Évangiles de Satan, première partie.

[15] Cf. L'Évangile de Nessus.

[16] Cf. Les Évangiles de Satan, troisième partie.

[17] Le Poisson est double, comme l'Âne.

[18] Rapporté par Clément d'Alexandrie : Le Seigneur était donc tel, ajoute l'homme d'Église qui a jehouddolâtrisé Clément, qu'il condamnait la volupté qui devance l'union. Non, mon ami, non, ce que condamnait celui que tu appelles le Seigneur, c'est l'union même, parce qu'elle devance la génération. Cf. Les Évangiles Satan, première partie.

[19] Cf. Les Marchands de Christ.

[20] Première Apologie.

[21] La scène du prétoire ne comporte pas le fouet. Le fouet n'est venu qu'après la parade.

[22] De Providentia, sermo II, § 107.

[23] Légation à Caïus, 16.

[24] Cf. Le Roi des Juifs.

[25] Enzôner quelqu'un, c'est le lier malgré lui dans la ceinture magique de Bar-Abbas. Cf. Le Gogotha.

[26] Dont on avait trouvé le nom dans les Actes. C'est ce Mnason, chypriote, qui est l'hôte de Paul lorsqu'il monte à Jérusalem, dans la ceinture du frère Jacques. Cf. Le Gogotha.

[27] Un de ceux qui connaissaient et affirmaient l'inexistence de Jésus en chair.

[28] Nous avons parlé de cette imposture. Cf. Le Gogotha.

[29] Réponse à Apion.

[30] Cf. Le Saint-Esprit.

[31] Cette substitution commence avec la fin du ch. II du livre II et ne finit qu'après les premiers paragraphes du ch. IV. Le passage relatif à la tête de l'Âne d'or jadis conservée dans le Temple se trouva coupé en deux parties fort inégales, moitié latine, moitié grecque.

[32] Nom chaldéen de l'Âne.

[33] Et l'un des signes que le Zibdéos, le père aux sept fils, avait introduit dans son thème du monde. Cf. Les Évangiles de Satan, première partie.

[34] Voici un rabbin qui n'est pas de cet avis : J'enverrai un de mes meilleurs chevaux, dit Sapor, roi de Perse. — As-tu, répond le rabbin, un cheval à cent couleurs comme l'âne du Messie ? Cité par M. Peyrat, Histoire élémentaire et critique de Jésus, Paris, 1864, in-8°, p. 172.

[35] Alias Gamala (chameau, en grec Camélos). Cf. Les Évangiles de Satan, deuxième partie.

[36] Antérieur de quelque deux cent cinquante ans à la mort de Bar-Abbas.

[37] En Phénicie. L'oracle du Carmel prédit l'empire à Vespasien. Le faussaire place cet oracle à Dora, ville du Carmel.

[38] Ouvrez les Antiquités de Josèphe, vous n'y trouverez pas la moindre trace de cette guerre au temps d'Antiochos Epiphane.

[39] Ce sont les trois vêtements lumineux dont devait être enveloppé Bar-Abbas : le vêtement-Agneau, le vêtement-Taureau et le vêtement-Gémeaux. Cf. Les Évangiles de Satan, troisième parti.

[40] Ici cesse le texte latin et reprend le texte grec, qui est de la même main en ce qui touche cette fantasmagorie.

[41] Le mont Carmel, Nazireth provisoire en attendant le grand jour où Jérusalem sera la Nazireth éternelle, est devenu imaginaire par suppression dans les Évangiles.

[42] Apion savait cela sur le bout du doigt.

[43] Le faussaire donne le change sur le mot doru, bois. Apion avait dit que Zibdéos était en même temps dorutomus, charpentier.

[44] Ici le faussaire a laissé échapper qu'il s'agissait des onze étoiles de sa vision de Joseph, alias Zibdéos. Cf. Le Charpentier.

[45] Le mot de l'accomplissement de l'Apocalypse. Cf. Les Évangiles de Satan, troisième partie.

[46] Le faussaire demande également si après avoir emporté le Tharthak d'or. Zabidos l'a rapporté, ou s'il l'a donné à un premier Apion contemporain d'Antiochus pour le rapporter, afin que celui-ci l'y trouvât à son tour pour donner sujet à ce second Apion d'inventer une telle fable. Il nous livre par là le secret de son faux. C'est bien le tharthak rêvé par Zibdéos qu'Apion avait visé dans son livre contre les Juifs.

[47] Rescrit d'Antiochus le Grand, à la demande des prêtres de Jérusalem, dans Josèphe, Antiquités, livre XII, ch. III.

[48] Cf. Le Roi des Juifs.

[49] Cf. Le Saint-Esprit.

[50] Cf. Le Gogotha.

[51] Juste avait écrit son histoire au lendemain même des évènements, mais pour la publier il attendit vingt ans et la mort de Titus ; Josèphe avait publié la sienne du temps de Vespasien et l'avait montrée à Titus qui en avait approuvé la publication. Juste et Josèphe se disputaient soit l'honneur d'avoir défendu la Galilée, soit la honte de l'avoir perdue, mais sur Ménahem ils étaient d'accord, donc sur Bar-Abbas.

[52] Cf. Photius, Bibliothèque dans la Patrologie grecque de Migne.

[53] Il est un autre endroit où l'on aurait dû interpoler Josèphe, c'est où il parle de Jonas et du poisson dans lequel ce prophète a passé trois jours et trois nuits. (Antiquités judaïques, IX, II). En effet, si cette similitude eût été appliquée au crucifié de Pilatus dès 788, Josèphe qui écrit cinquante ans après eût été forcé d'en tenir compte. Mais le passage sur la résurrection de Jésus n'a été introduit dans Josèphe qu'au cinquième siècle ; et sans prendre garde que le crucifié aurait dû sortir du Guol-golta qu'après trois jours et trois nuits, l'interpolateur l'a ressuscité le troisième jour, comme dans Luc !

[54] Sur ces impostures, cf. Les Marchands de Christ et Le Saint-Esprit.

[55] Ch. XXXIII, 22.

[56] Le Cittium des latins.

[57] Philosophoumena, VI, dans les Œuvres d'Origène, édition de la Patrologie grecque.

[58] Notamment dans le Contra hœreses d'Irénée, I, 23, et dans les Homélies Clémentines, II, 23-25.

[59] Philosophoumena, liv. VI, 20, p. 3225 du t. XVI de la Patrologie grecque. Il est clair que l'auteur ne sait rien de particulier sur Simon, dont il connaît en tout ou en partie la Grande Exposition. D'ailleurs on l'a falsifiée au cours des temps, afin que Simon eût l'air d'avoir connu Jésus. On y cite aujourd'hui comme favorable à cette thèse, un verset qui se trouve dans Paul, dont les Lettres ne sont point antérieures au troisième siècle, peut-être même au quatrième. On y reproduit également un verset de la Première Épître de Pierre (I, 24) et un verset de Mathieu (III, 10).

[60] Irénée, Contra hæreses et Tertullien, Des prescriptions contre les hérétiques.

[61] Cf. L'Évangile de Nessus.

[62] Cf. Les Évangiles de Satan, troisième partie.

[63] Pour Kitto de Chypre.

[64] Pour Cittium, nom latin de Kitto de Chypre.

[65] Avec le christos, fils de Jehoudda, on faisait de la magie. Aujourd'hui c'est le chrestos qu'on adore en lui. A une lettre près, Dieu ne s'est aperçu de rien. On l'a roulé !

[66] Il revient une troisième fois sur cette origine avant de terminer son discours : J'ai, dit-il, méprisé parmi les miens l'enseignement impie et faux de Simon. (Deuxième Apologie, XV.)

[67] Apologie, XXX.

[68] Apologie, XXXII.

[69] Agissant sur les autorités humaines.

[70] En dehors des Prophètes qui jamais n'ont été défendus, l'Église désigne ici les faux oracles qu'elle-même a forgés sous les noms d'Hystaspe et de la Sibylle et où elle fait annoncer la mission de Bar-Abbas par des voix païennes.

[71] Première Apologie, ch. XLIV, qui avec le XLVI est le plus ecclésiastique, c'est-à-dire le plus dénué de scrupules.

[72] Sauveur, Sôter en grec.

[73] Irénée le dit, et d'ailleurs il n'en peut être autrement.

[74] Première Apologie, ch. XXXV et XLXIII (trad. de M. Louis Pautigny, Paris, 1904, in-12°). Justin n'a pu connaitre ces Actes apocryphes, première partie de l'Évangile de Nicodème, ils n'étaient pas encore fabriqués. Quant à Antonin le Pieux, nous montrerons qu'il pensait de Bar-Abbas comme feu Pilatus.

Cela n'empêchait pas Grégoire de Tours d'être convaincu que les Actes de Pilate qu'il possédait étaient le récit fidèle et la version authentique de ce qui s'était passé au Guol-golta.

[75] Apologie, V.

[76] Je m'étonne que des critiques avertis consentent à discuter les inventions mises sous le nom de Tertullien et d'Eusèbe. Celles qu'on a mises sous le nom de Justin ne méritent pas plus de considération.

Vous pouvez apprendre ces détails, dit-il (Première Apologie), dans les Actes rédigés sous Pontius Pilatus. Quels Actes ? Il ne peut être question que des Gesta Pilati ou Évangile de Nicodème. Or, d'après le Codex de Fabricius, ce document n'est censé avoir été découvert que sous Théodose. Si les écrits mis sous le nom de Justin et de Tertullien n'étaient pas des faux certains, on pourrait croire que l'affirmation de Justin faite par deux fois et le récit de Tertullien out été l'occasion exploitée par les faussaires Mais comme aucun des apologistes du troisième siècle, voire du quatrième, y compris Lactance, n'a eu recours, même dans les cas les plus désespérés, à l'argument de Justin et de Tertullien, c'est que ni Justin ni Tertullien ne parlaient des Acta Pilati dans leurs outrages authentiques.

[77] La vérité est que Tibère a fait bon accueil au Soleil, le Verbe des Parthes : on a retrouvé près de Naples une inscription au nom de Mithra. Initié par ses amis Vologèse et Tiridate, Néron demande à Mithra la rémission de son parricide. A Rome les souverains parthes et leurs ambassadeurs célèbrent publiquement le culte de Mithra. Néron y incline si apertement que, mort, on le croira sauvé par le dieu et recueilli par ses fidèles. Vingt ans après sa mort (Suétone sortait de l'enfance), un faux Néron parut qui faillit régner sur les Parthes. L'initiation de Néron est certaine. V. Pline, Histoire naturelle, XXX, Dion Cassius, IV, LXIII, et Suétone, Néron.

Nul doute qu'il n'ait parfaitement su ce qu'il fallait entendre par le Messie, puisqu'il est censé avoir connu Pierre et Paul. Instruits par les astrologues, les Romains croyaient aux signes, et chaque comète interprétée par eux comme l'annonce non équivoque d'un changement dans le gouvernement de la terre. La comète était un présage que Néron expiait toujours d'un sang illustre, dit Tacite, — entendez qu'il supprimait l'homme désigné comme devant l'évincer de l'Empire.

A la première éruption du Vésuve succédèrent des prodiges, tels qu'embryons d'homme et d'animaux à deux têtes trouvés sur les chemins (la seconde tête interprétée par les auspices comme mauvaise pour l'Empereur en exercice), puis vint, comme pour justifier ces présages, la conspiration des Pisons. Le danger passé, c'est au Soleil surtout, dont la lumière avait percé les ténèbres des Pisons, qu'on décerna des offrandes et des actions de grâces. C'est dans le Cirque que les conjurés devaient faire le coup, et dans le Cirque il y avait un ancien temple du Soleil. On convint qu'il avait été le Sauveur de Néron. On décida même que Néron était une manière d'Oint de ce dieu de lumière. Sans le savoir, on le fit Christ, quand on donna son nom au mois d'avril, qui répondait à l'Agneau juif. On voulut lui élever un temple comme au Soleil lui-même, et c'est peut-être sa modestie qui empêcha ce beau projet d'aboutir.

[78] Transformé en Akila par les aigrefins qui ont fabriqué les Actes des Apôtres et les Lettres de Paul.

[79] Cf. Le Saint-Esprit.

[80] Lettre aux Romains, XVI, 6.

[81] L'Ancienne : femme d'Akiba l'Ancien, et dont le nom est rendu en latin par Prisca.

[82] Cf. Les Évangiles de Satan, troisième partie.

[83] Gessius Florus. Ce fait, d'autant plus important qu'il appartient peut-être au règne de Ménahem, a complètement disparu de Josèphe.

[84] C'est ce même Josèphe dans lequel on lit aujourd'hui que Bar-Abbas était le Christ !

[85] C'est sous Nerva que Tacite, libéré de la tyrannie domitienne, prit la résolution d'écrire l'histoire, et c'est sous Trajan qu'il la publia comme il l'écrivait, livre par livre.

Ouvrez Tacite au livre V de ses Histoires, là où il parle des Juifs et de la Judée, à propos de l'expédition de Vespasien et de Titus. Vous n'y trouverez pas un mot du Recensement de Quirinius où périt le père de Bar-Abbas. Vous y lirez que sous Tibère tout fut tranquille alors que Josèphe insiste sur le grand trouble qui advint en Judée par le fait de Bar-Abbas. Pas un mot de Shehimon et de Jacob senior crucifiés par Tibère Alexandre pour avoir prêché le refus du tribut frumentaire. Au contraire, il est dit que les Juifs supportèrent patiemment l'oppression jusqu'à la procurature de Gessius Florus. Pas un mot du règne de Menahem à Jérusalem ni du massacre de la garnison romaine à Massada. (Cf. Le Gogotha.) Pas un mot de la prise de Gamala et de l'entrée de Titus dans la ville. Pas un mot des vœux de naziréat qui unissaient les fils et les disciples de Jehoudda contre le Temple et contre Rome. Au contraire, il est dit que les vœux ne sont point en usage chez les Juifs ! Pas un mot des signes que Bar-Abbas avait annoncés pour le premier tiers de l'année 789 ; mais, comme il n'avait pu les fournir à la date indiquée, quelques vagues prodiges en remplacement par exemple (§ XIII), une voix plus qu'humaine annonçant dans le Temple que les dieux païens allaient céder la place à celui des Juifs, et le bruit de leur départ perçu distinctement. Suppression totale de la prise de Jérusalem, et du règne d'Éléazar, fils de Jaïr et beau-frère de Ménahem, dans Massada. (Cf. Le Gogotha.)

[86] Cf. Le Gogotha.

[87] On ne sait, dit-il, s'il faut accuser le hasard ou Néron du désastre (car l'un et l'autre a été dit par les historiens). Ce fut le plus cruel et le plus terrible que le feu eût jamais causé à Rome. (Annales, livre XV, ch. XXXVIII.) Encore suis-je convaincu que le choix offert entre le hasard et Néron est une manœuvre ecclésiastique. Cf. Le Gogotha.

[88] Cf. Le Saint-Esprit.

[89] Il existe un petit dialogue grec où Musonius, exilé à Lemnos, retient le projet de percer l'isthme de Corinthe parmi les idées qui peuvent honorer Néron, et on sait qu'une partie des Juifs entraînés dans le parti davidiste et faits prisonniers par Vespasien furent employés à cette besogne. On attribue injustement ce dialogue à Lucien, il n'est pas de lui, mais il a plus de prix encore, il est du temps de Galba. Un vaisseau aborder à Lemnos où Ménécrate est venu voir Musonius : les passagers ont la tête couronnée de fleurs et chantent un chœur de bon augure : ils apportent à Musonius la nouvelle de la mort de Néron. L'exilé va-t-il se déchaîner contre tyran ? Point. Il lui reprochera d'avoir fait tuer l'épirote qui avait osé se mesurer à lui dans la tragédie : Ce n'était qu'un jeu, dira-t-il, pour celui qui avait tué sa mère, il aura des pointes contre façon d'émettre la voix, mais il ne soufflera mot de l'incendie de Rome et du châtiment des christiens : cela n'existe pas.

Nous avons déjà dit que, si les Juifs de Rome eussent été pour quelque chose dans l'incendie, jamais ce qu'on appelle le christianisme n'aurait pu s'établir dans la ville.

A propos de l'incendie de Lyon, Sénèque écrit à Libéralis : On a bien vu des villes ravagées par des incendies, on n'en a pas vu d'anéanties. Il console Libéralis du malheur qui afflige sa patrie : peut-être en sortira-t-elle plus brillante. Timagène, ennemi du bonheur de Rome, disait que ce qui l'affligeait lorsqu'il voyait Rome en proie à un incendie, c'était que les édifices allaient être rebâtis avec plus de somptuosité. Il est vrai de dire que dans l'état même où est notre ville aujourd'hui, s'il lui arrivait un malheur, tous les citoyens se disputeraient la gloire de réparer ses pertes et l'honneur de la venger sur les incendiaires.

[90] Epistolæ Pauli ad Senecam et Senecœ ad Paulum. Lisez cela, je vous prie, si vous voulez passer un bon moment. Fais en sort d'éviter les objections des païens et des israélites, écrit Paul au frère Sénèque. Tu deviendras un auteur nouveau, en appliquant la perfection de style où tu es si apprécié à faire l'éloge de Jésus-Christ !

Des écrits qui nous sont parvenus sous le nom de Jérémie la plupart sont faux, et parmi ceux qui le sont le plus, le fameux Catalogue des auteurs ecclésiastiques, où l'on n'a pas craint d'inscrire Sénèque comme ami et sectateur de Paul. L'immatriculation de Sénèque comme jehouddolâtre est un travail d'église du sixième ou septième siècle : on en a glissé quelque chose dans Augustin pour faire croire que celui-ci l'avait empruntée à Jérôme et que la liaison de Sénèque et de Paul était un fait acquis avant la fin du quatrième siècle. On en tirait également une preuve que Paul était venu inocule au telle de Sénèque, et par contrecoup on donnait un air d'authenticité à l'investiture de Clément par Pierre, la grosse affaire de l'Église romaine. Tous ces faux se tiennent. On prouve Paul par Sénèque, Pierre par Paul et le pape Clément par tous les trois.

La Chronique de Dexter qu'on a voulu faire passer pour contemporaine de Jérémie n'est qu'une grossière supercherie de l'espagnol La Higuera. L'Église d'Espagne, jalouse des lauriers de celle de Rome, a appris que Paul étant à Rome avait écrit des lettres à Sénèque : à son tour elle apprend à la postérité que Sénèque a écrit à Paul alors en Espagne.

[91] L'une sous Néron, l'autre sous Titus.

[92] Vengeance.

[93] Cf. Le Saint-Esprit.

[94] Cf. Le Gogotha.

[95] Martial, Épigrammes.

[96] De la connaissance du bien et du mal : le figuier d'après Abbas. On voit que Juvénal le connaissait.

Cophino fœnoque relicto,

Arcane Judœa tremens mendicat in aurem,

Interpres legum Solymarum, et magna sacerdos

Arboris, ac summi fida internuncia cœli.

Implet et illa manum, sed parcius. Ære minuto

Qualiacumque volet Judœi somnia vendunt.

[97] Pas celui de Joseph, toutefois !

[98] Jejunia sabbatariorum, dit Martial.

[99] Parlant de l'insatiable avidité des femmes, Juvénal (Satire VI) en montre une à qui son amant a tout donné e et qui veut encore ce diamant célèbre devenu plus précieux au doigt de Bérénice, parce cette incestueuse princesse le reçut de son frère Agrippa, dans cette contrée où les rois célèbrent la fête des sept jours, les pieds nus et où une antique superstition laisse vieillir les pourceaux.

[100] Le passage se trouve au livre III qui était achevé lorsque Domitien appela l'auteur près de lui. Originaire d'Espagne, comme Sénèque, Lucain et Martial, né sous Caligula, amené très jeune à Rome par Galba, professeur de rhétorique à vingt-six ans, Quintilien fit toute sa carrière publique sous les Flaviens, au fort des événements de Judée. C'est vers 844 qu'il entre au service de Domitien, entre la publication de son troisième livre et celle du quatrième. Après vingt ans consacrés à l'éducation de la jeunesse romaine, Quintilien goûte le charme d'une demi-retraite dans la mise en ordre de ses cours, un demi-repos dans cette situation de précepteur princier : les nouveaux élèves que la faveur impériale donnait à Quintilien, c'était les fils de Flavius Clémens et de Domitilla, autre Domitilla, qui était sœur de Domitien.

[101] Rappelez-vous l'inscription découverte dans les ruines de Pompéi : Je hais les christiens et leurs crimes hideux. (Cf. Le Gogotha.)

[102] Néanmoins l'abbé Rollin a bien senti que la phrase de Quintilien était contre la maison de David, et pour n'avoir point vécu au temps de la haute exégèse qui règne aujourd'hui, il n'en a conservé que plus de sens critique. C'est bien des christs et des christiens qu'a parlé Quintilien, et d'eux seuls. Charger les Juifs hérodiens, alors que par Josèphe ils accusent eux-mêmes les christiens d'avoir provoqué tous les malheurs de la Judée, c'eût été chez Quintilien le comble de l'aveuglement, car depuis Hanan jusqu'au dernier des grands-prêtres en passant par Kaïaphas, le Temple avait été le plus fidèle auxiliaire des procurateurs romains, depuis Coponius jusqu'à Gessius Florus en passant par Pontius Pilatus.

[103] Comparé à un ange, un messager d'Eloï (I Rois, XIX, 9 ; II Rois, XIV, 17 ; XIX, 27.)

[104] Il faudrait les citer tous, mais l'Évangile nous en dispense. Revoyez le cantique de Jehoudda, sous le nom de Zacharie, dans Nativité de son fils aîné. (Luc, I, dans Le Charpentier.)

[105] Cf. Psaumes de David, II, 6, XXI, 23.

[106] Cf. Les Évangiles de Satan, deuxième partie.

[107] La Porta Capena, dans l'esprit de celui qui a mis cette imposture en circulation.

[108] Sortez de Babylone, ô mon peuple, etc. Cf. Le Roi des Juifs.

[109] Le pondus, pour Martial, c'est le poids d'une livre pris comme étalon monétaire.

[110] Lecania peut chercher sur eux, ils n'ont d'argent ni l'un ni l'autre.

[111] Cf. Épigrammes, liv. III, liv. VII, 55 et 82.

[112] Cf. celle que nous avons citée dans Le Gogotha. Aidez-vous aussi des séméiologies de l'Âne d'or dans Les Évangiles de Satan, première partie.

[113] Ami du mois triomphal de l'Âne. Atys, le soleil des Phrygiens est souvent, dit Ménotyrannus, maître des mois. L'un des apôtres-poissonniers de Thessalie dans l'âne d'or est appelé Aristomène, le mois par excellence. Cf. Les Évangiles de Satan, première partie. Il se peut aussi que Martial ait composé le nom de Ménophile de menein, demeurer, être stable, comme Ménandre le samaritain avait fait du sien.

Martial était très au courant des particularités de la guerre contre les Juifs de Ménahem, voire des opérations qui avaient eu lieu contre ceux d'Eléazar à Massada. Il dit, s'adressant à Domitien : Ton frère mérite de partager avec votre père les triomphes de l'Idumée. II, ép. 2. Quant à l'aigle-phœnix qui emporta Bar-Abbas en Egypte dans l'Apocalypse (cf. Le Charpentier et Le Roi des Juifs), ne croyez pas qu'on ignorât ce messager des temps, qui, après dix siècles de vie renouvelle par le feu le nid qu'il s'est construit en Assyrie. V, 7, des Épigrammes. Ce livre est dédié à Domitien lui-même qui avait une bibliothèque magnifique dont Martial connaissait le conservateur, Sextus.

[114] On obtient une déformation plus forte, on donne un change plus complet, lorsqu'on latinise le nom et qu'au lieu du grec Akula on écrit Aquila. La pensée s'éloigne alors de la loi juive pour se porter vers l'aigle romaine.

[115] Traduction de Zekena, l'ancienne, relativement à la nouvelle, femme de son fils.

[116] Cf. Le Saint-Esprit.

[117] Cf. Le Saint-Esprit.

[118] Cf. Jérôme, Commentarii in Isaiam, ch. I. —  L'Église reconnait ici que l'Akila auquel elle attribue cette version, est regardé par les Juifs comme ayant été l'Akiba du Pont.

[119] Vide de toute interprétation.

[120] Toute la loi. Cf. Le Charpentier.

[121] Cf. Le Saint-Esprit et la suscription des Lettres de Pierre.

[122] Soit l'an 128 de l'E. C.

[123] Toutes ces impostures dans Épiphane, dans Jérôme, dans Philastrius et autres gagistes.

[124] On lit : Prisca.

[125] On lit : Akila naturellement.

[126] Cf. Les Évangiles de Satan, première partie.

[127] Au livre III de l'Histoire ecclésiastique.

[128] Cf. Henry Doulcet, Essai sur les rapports de l'Église avec l'État romain, 1882, in-8°, p. 30.

[129] Zachûri. Nom de kabbale donné à Jehoudda dans la Nativité selon Luc et qui signifie Verseau. Cf. Le Charpentier. Cela porte à croire qu'il s'appelait lui aussi Jehoudda.

[130] Derenbourg, Histoire de la Palestine, p. 322 et Graëtz, t. IV, p. 119. A la vérité, Domitien n'est pas nommé comme étant l'empereur qui consulta Gamaliel, mais étant donné le cas, je ne vois guère que lui. Au sujet de cette période voyez Essai sur le règne de Domitien de M. Gsell. Paris, 1894, in-8°.

[131] Celle-ci, par exemple, a passé dans les Évangiles : Qu'il (le juif non christien) te soit comme le païen et comme le publicain !

[132] Cf. Le Roi des Juifs.

[133] Molitores rerum novarum.

[134] Il y a une épigramme de Martial sur l'un d'eux : Un sac d'une telle taille couvre les parties de Ménophile qu'il suffirait seul à tous les comédiens ensemble. J'avais cru (car nous nous baignons souvent de compagnie) que c'était une précaution pour conserver sa voix : mais voilà qu'en s'exerçant â la palestre devant le peuple assemblé, son sac se détache et tombe : le malheureux était circoncis ! Et c'est pourquoi Martial le dit ménophile, ami du signe de l'immortalité.

[135] On lit sur quelques-unes de ces monnaies : Calumnia fisci judaici sublata.

[136] On sait qu'à chaque règne nouveau changeait le chiffre contenant le nom de la Bête impériale dans l'Apocalypse. Cf. Le Roi des Juifs.

[137] Dion Cassius, LXVII, XIII. Très suspect à ce point de vue, depuis qu'il a été revu, corrigé et abrégé par le moine Xiphilin.

[138] On a certainement touché à Suétone là où il parlait de la condamnation de Clémens. On la place plusieurs années quinze après le jubilé, huit mois avant l'assassinat de Domitien qui a régné ans. Or le jubilé correspond à la cinquième année de ce règne. Il est vrai que la douzième était sabbatique et qu'Akiba a pu la prêcher. De plus il est absolument impossible de deviner pourquoi Domitien a fait mourir Clémens dont tout le crime aurait été une faiblesse ou incapacité méprisable pendant son consulat, qui répondrait à la treizième ou quatorzième année de Domitien.

[139] Abodah Zarah, 10b.

[140] C'est Titus défiguré par le scribe : terriblement, il faut le dire. M. Derenbourg propose de traduire katia par curtus, circoncis.

[141] Fils de Clémens. Le scribe a traduit Clemens par Schalom, (clément, pacifique). M. Derenbourg propose integer, incirconcis.

[142] Abodah Zarah, 113.

[143] Gittin, 56b.

[144] Corruption d'Aculeios, Acilius, ou plutôt assimilation par le scribe du nom d'Aculeios à celui d'Onkélos, auteur de Targums célèbres parmi les Juifs et grand ami de Gamaliel l'Ancien : il assista même à son enterrement.

[145] Fils de Clémens. Le scribe confond Acilius avec Titus F. Clémens, fils de Clémens.

[146] Et par conséquent de Domitien.

[147] Midrasch Tanchouma, commentaire sur l'Exode, XXI.

[148] Onkélos de l'étranger, par opposition à l'Onkélos des Juifs.

[149] Erreur évidente.

[150] Aboda Zarah, 10b, cité par M. Derenbourg, Histoire de la Palestine, p. 335.

[151] Si ton pied te scandalise, coupe-le, dit Jésus, et jette-le loin de toi, il vaut mieux entrer dans la vie (éternelle) n'ayant qu'un pied que d'en avoir deux et être jeté dans le Ghé-Hinnom du feu.

[152] On l'a laissé mouler dans l'arche d'alliance en échange de son prépuce. C'est la condition sine qua non, les Actes des Apôtres sont formels. Cf. Le Gogotha.

[153] Cf. Le Gogotha.

[154] Debarim raba, ch. II, Midrasch lalkout sur le Psaume XVII, 10.

[155] De trente jours, comme dans le système christien.

[156] Suétone, Domitien, XV.

[157] Pour Bar-Abbas le droit de rentrer en possession du royaume de ses pères, et d'entrer par application des prophéties en possession du monde.

[158] Contemptissimæ inertiæ, dit Suétone.

[159] Chronique.

[160] Arrien, Dissertations d'Epictète, II, IX, 20. Ce passage semble avoir été plus étendu et surtout plus clair. Il rend tout à fait suspect cet autre passage du livre IV, 7, où il est dit : On peut se sentir en mesure de faire face à l'appareil menaçant de la tyrannie, soit par une sorte d'exaltation, soit par une résignation habituelle, comme les Galiléens. — Ce mot Galiléens m'étonne au plus haut point, non qu'ils mourussent moins bien que les autres Juifs, mais avec le sens qu'on lui donne ici il ne date que de Julien. Remarquez que, légèrement postérieur Tacite, à Suétone, à Pline le jeune, et non moins bien placé pour distinguer entre les Juifs. Arrien ne sait pas ce qu'est un christien, bien qu'il sache ce qu'est le baptême. D'où vient que le mot christiens soit couramment employé dans les trois auteurs latins, comme s'il répondait à une définition  acceptée ?

[161] Nicopolis fut un des premiers foyers de jehouddolâtrie. C'est pourquoi le pseudo-Paul parle de s'y retirer dans la Lettre à Titus.

[162] En ce cas, disciple de Bar-Abbas.

[163] En ce cas, disciple de Ménandre.

[164] En ce cas, disciple d'Apollos ou de tout autre baptiseur.

[165] Epamphoterizonia, usant d'ambigüité, donnant le change. Jésus épamphotérise perpétuellement. La fable évangélique n'est qu'un long épamphotérisme sur la personne de Bar-Abbas.

[166] To pathos tou bébammenou cai érèménou.

[167] Je me suis trompé lorsque j'ai attribué ce prénom à Annœus Gallion, frère de Sénèque. C'est une erreur grave par les conséquences que j'en ai tirées, quoique le fait des relations de Saül avec Gallion demeure entier, et c'est le principal.

[168] Sans compter la Lettre à Titus.

[169] Lettre aux Philippiens, IV, 3 : Clément et les autres qui m'ont aidé dans mon ministère, dont les noms sont inscrits au Livre de vie.

[170] Cf. L'Évangile de Nessus et Les Évangiles de Satan, troisième partie.

[171] Cf. Le Gogotha.

[172] C'est-à-dire pendant que Vitellius, Othon et Vespasien se disputaient l'Empire. Voilà le premier état chronologique du martyre Pierre et de Paul. C'est beaucoup plus tard qu'on l'a ramené au temps de Néron, prince unique.

[173] Imité de la Lettre de Paul aux Thessaloniciens.

[174] Histoire ecclésiastique, III, XXXII, 3.

[175] 858-860 de Rome, soit 105-107 de l'E. C.

[176] On a fait le compte de l'âge de Shehimon Cléopas comme s'il s'agissait de Shehimon Pierre, son oncle, qui pouvait être né en 740, et qui en ce cas aurait eu quarante-huit ans lors de la crucifixion de son frère aîné. A cette date (788) Cléopas avait déjà deux fils sortis de l'enfance, les Évangiles les appellent Jacob et Josès. Cf. Les Évangiles de Satan, troisième partie.

[177] Fidèles à leur habitude de donner le change sur les noms, les auteurs des Lettres de Paul citent un Artémas parmi les plus pacifiques amis de Rome.

[178] Patriarche de Constantinople.

[179] Cf. Bibliothèque de Photius, ch. 104. Voyez aussi l'article Agapius, ch. 179.

[180] Quelques auteurs additionnent, ce qui rait quatre cent soixante mille. Evidemment c'est un chiffre beaucoup plus digne de l'Évangile du Royaume, mais nous avons l'habitude, et nous l'avons déjà fait observer, de ne rien mettre eu pis.

[181] Cf. Les Évangiles de Satan, deuxième partie.

[182] Sur Bar-Abbas ce Pline est d'une ignorance tout ecclésiastique.

[183] On ne recevait que des hommes ayant trente ans. Pline a lu les Évangiles où Jésus introduit les enfants que, conséquents avec leurs doctrines, Bar-Abbas et ses frères repoussent avec brutalité. Cf. Les Évangiles de Satan, troisième partie.

[184] Les auteurs latins, Tacite, Suétone, Fronton. Apulée, Minucius Félix et tous les Évangiles (Cf. Les Évangiles de Satan, première partie) constatent l'exécrable réputation qui s'attachait au seul nom du christ et qui eût été toute contraire si ce christ eût été le Jésus des Évangiles, partisan du tribut à César, et innocent des crimes de Bar-Abbas. Ajoutons Josèphe qui, sous le nom de Zélotes et de Sicaires, charge en toute circonstance les partisans de la maison de David.

[185] Comme faisaient les baptiseurs.

[186] Singulier légiste !

[187] Voilà en partie le but de la lettre. Ce Pline a lu les Lettres de Paul et les Actes des Apôtres.

[188] La dénonciation anonyme, organe de la lâcheté sous tous les régimes et à toutes les époques. Est-ce que Fronton, précepteur de Marc-Aurèle, a employé ce moyen ?

[189] Il s'agit ici des christiens façonnés par l'Apocalypse. Adorer la Bête et ses idoles, c'est la damnation certaine. Plutôt la mort !

[190] Au Jubilé de 839. Pline est censé écrire dans les premières années de Trajan. Cette indication nous aide à fixer la date, en deçà de celle que Mommsen assigne à ce faux document.

[191] Voila l'état général de l'opinion non juive sous Trajan et bien après.

[192] La pâque en Jésus, tout bêtement ! Rappelons qu'elle n'est pas encore dans Cérinthe qui est plus près du troisième siècle que du second.

[193] L'hymne forgée par quelque Ambroise de Milan d'après celle que chantent les Douze à la pâque imaginaire.

[194] Comme on eût pu le croire.

[195] Plus de crimes de naziréat. Ils font serment de ne pratiquer que les vertus ignorées des christiens primitifs.

[196] Le faussaire vise les affreuses Agapes dénoncées par tous les auteurs du second siècle, et reconnues par celui des Lettres de Paul. Ces Agapes s'ouvraient le plus souvent à des convives scandaleux, comme dans la secte des Nicolaïtes, et loin de leur offrir comme ici des mets innocents, elles se signalaient quelquefois par d'abominables tueries d'enfants (Fronton, Justin et Minucius Félix, soit par des actes immondes que Valentin n'a pu indiquer qu'avec ménagements. Cf. Les Évangiles de Satan, première partie.

[197] Singulier légiste encore une fois !

[198] Si elle n'était pas supposée, fabriquée de toutes pièces, la lettre donnerait quelque chose de plus topique sur la doctrine et la nationalité de ces jehouddolâtres. Il est impossible d'esquiver avec plus d'hypocrisie la fâcheuse découverte qui eût amenée une instruction conduite par l'homme qu'était Pline, le premier avocat de son temps !

[199] Le faussaire énonce ici une vérité qu'il est permis de généraliser. En dehors des erreurs inhérentes à la justice humaine, il n'y eut condamnés que les jehouddolâtres convaincus de crimes. Voilà ce que les Passions et les Actes écrits après coup dissimulent à la postérité.

[200] Ce petit billet !

[201] Cf. Le christianisme, causes humaines qui, indépendamment de sa source divine, ont concouru à son établissement.

[202] Phrase. Il n'est même pas question de cela dans le texte.

[203] Il est nommé Shehimon, prince d'Israël, sur ses monnaies (cf. M. Derenbourg, Notes sur la guerre de Bar-Kocheba, 1878, in-8°). — A la vérité, je ne sais positivement duquel des six frères, de Bar-Jehoudda descend Shehimon, mais son nom me fait croire que c'est de celui qui est surnommé la Pierre. Par la mort de Bar-Jehoudda le droit d'aînesse est passé à Shehimon, et c'est pourquoi à la mort de celui-ci, son fils Jehoudda, qui semble avoir été l'unique, fut surnommé Malik, le roi présomptif, grécisé sous le nom de Malcos qui est le Marcos dont l'Église a fait un de ses quatre Évangélistes. Cf. Le Saint Esprit.

[204] Les monnaies de Shehimon sont dites kochbiennes à cause de cela dans le Talmud, traite Baba Kamma. Si elles ne portent les Ânes eux-mêmes, c'est que les figures, surtout celle-là, sont défendues par la Loi.

[205] Nous l'avons trouvé se disant roi-christ, disent les Juifs qui amènent Bar-Abbas à Pilatus.

[206] Cf. L'Evangile de Nessus.

[207] M. Derenbourg. Cf. Notes sur la guerre de Bar-Kocheba, p. 158.

[208] Cf. Le Charpentier.

[209] Sur le mot du plérôme tel que le prononçait Bar Abbas, cf. Les Évangiles de Satan, troisième partie.

[210] Pseudonyme valentinien de son mari.

[211] Cf. L'Évangile de Nessus et Les Évangiles de Satan, troisième partie.

[212] Le soixante-neuvième de son Histoire romaine.

[213] V. Le Roi des Juifs.

[214] Sur les commencements de la campagne cf. Les Évangiles de Satan, première partie.

[215] M. Derenbourg a démontré d'une manière très plausible qu'il ne pouvait être question de Séphoris. Séphoris aurait été ruinée de fond en comble. Or, non seulement elle conservait une physionomie très prospère après chute du Béthar mais elle servit de refuge aux docteurs de la Michna qui, s'étant tenus en dehors de l'entreprise de Shehimon avaient quitté Jabné, le précédent siège du Sanhédrin. Séphoris était fort bien gardée.

[216] Cf. L'Évangile de Nessus.

[217] Guerre des Juifs, VII, XXXI, 536. — Cela peut tenir à la saturation saline. La femme de Loth, changée en statue de sel, est une légende de même origine.

[218] C'est, je pense, une image.

[219] Interdiction constatée par l'Église dans Justin et dans Eusèbe, mais avec ce caractère seulement. Le fait d'aller à Jérusalem pour ses affaires ou pour y prier n'a jamais été défendu, les Talmuds en fournissent la preuve irréfragable.

[220] Cf. Le Charpentier.

[221] Cf. Les Évangiles de Satan, première partie.

[222] Nous, jehouddolâtres.

[223] Que de fois n'avons nous pas vu ce chiffre sous la forme des cinq pains, des cinq portiques, des cinq maris de la Samaritaine, et autres paraboles séméiologiques ? On voit que Bar-Abbas, en bon fils de Seth, inventeur de l'astrologie, faisait remonter sa kabbale à Adam.

[224] Après la lettre d'Hadrien le manuscrit de l'Apologie réputé le meilleur (c'est celui que M. Pautigny a suivi dans son édition) contient deux autres pièces fausses : un édit d'Antonin au Conseil d'Asie et une lettre de Marc-Aurèle sur le miracle de la Légion fulminante.

[225] Voici la Lettre d'Hadrien à Fundanus : J'ai reçu une lettre de Serenius Granianus, clarissime, votre prédécesseur. Le fait me semble de nature à demander une enquête pour éviter troubles et ne pas laisser le champ aux entreprises mauvaises des calomniateurs. Si les habitants de votre province peuvent soutenir avec vraisemblance leur Requête contre les christiens et répondre à la barre du tribunal, qu'ils se tournent vers ce moyen seulement, mais qu'ils s'abstiennent de suppliques ou de pures criailleries. Il est bien plus convenable, s'il y a une accusation intentée, que vous en connaissiez. Si les christiens sont accusés et convaincus de faute contre les lois, punissez-les selon la gravité du délit. Mais, par Hercule, si ce n'est qu'un prétexte à calomnie, faites une enquête sur cette criminelle conduite, et voyez à en faire bonne justice.

[226] Ce faux, assez adroit d'ailleurs, se trouve dans Vopiscus, Vita Saturnini, VIII.

[227] On n'a pas osé mettre : au christ.

[228] Interpolé et falsifié dans la Vie d'Alexandre Sévère, ch. XLIII et LI.

[229] Vous verrez tout à l'heure qui était Marcion et ce qu'il pensait du nommé Bar-Abbas.

[230] Disciple d'Akiba.

[231] Cf. Les Évangiles de Satan, première partie. On sait que, dans les rares écrits où il est question de la poissonnade, ce mets séméiologique est remplacé par du fromage. Ainsi, dans les Actes du martyre de Perpétue, cette mère criminelle, exécutée à Carthage comme les premiers Scilitains, communie en songe avec ce fromage ; et au ciel, où elle va, c'est encore sous cette forme qu'elle communie avec le Pasteur, ou mieux l'imposteur qui devait introduire le troupeau de David dans l'Æon-Zib.

[232] Il n'est pas question des Évangiles dans la version latine considérée comme la première et des latines et des grecques. Il n'en pas question non plus dans la version grecque et dans les versions latines qui en dérivent : Les livres en usage chez nous, répond Spératus, et les Épîtres de Paul.

[233] Tameion, dit Matthieu dans l'allusion qu'il fait à cet usage. Cf. Les Évangiles de Satan, troisième partie.

[234] Cf. Le Gogotha.

[235] Qui couche avec les ânes.

[236] L'Âne d'or, XI.

[237] Rappelez-vous les exécrables souhaits que forme Bar-Abbas dans l'Apocalypse contre tous ceux qui naviguent sur la Méditerranée. Cf. Le Roi des Juifs.

[238] Oratorio platonica pro Rhetorica IIe, édition Dindorf, II, p. 402.

[239] Moïse Schwab, Le Talmud de Jérusalem, t. VI, pp. 221-222 (traité Meghilla).

[240] Dans le recueil de faux que l'Église a mis sous le nom d'Eusèbe et sous le titre d'Histoire ecclésiastique.

[241] Variante indiquée par M. Lacour-Gayet, Antonin le pieux et son temps, Paris, in-8°.

[242] Il portait son nom, l'Église l'avoue dans le Catalogue des écrivains ecclésiastiques qu'elle attribue à Jérôme. Après avoir supprimé l'ouvrage, elle dit que, tout en étant d'un homme éloquent, il n'est pas du même style que l'Octavius... refait par elle.

[243] Cf. Les Évangiles de Satan, première partie.

[244] Après les fraudes ecclésiastiques.

[245] L'empereur Julien, mort en 363 de l'E. C., deux siècles après Minucius Félix. Les exégètes catholiques, pour parer le coup, ajoutent le nom d'Antoninus à celui de Julianus, comme s'il s'agissait d'Antoninus Julianus, aide de camp de Titus pendant le siège de Jérusalem.

[246] Allusion aux prophéties ou plutôt aux postphéties de Jésus dans les Synoptisés.

[247] Ils ont déserté la vérité contenue dans l'Église. Ah ! les monstres !

[248] Cf. Les Évangiles de Satan, première partie.

[249] Le mot n'est certainement pas de Minucius Félix, car rien n'est mieux établi. Cf. Les Évangiles de Satan, première partie.

[250] Ego hodié genui te. Scandales indubitables, conclusion fatale de la thèse apostolique : les Juifs sont détenteurs du salut, le salut vient des Juifs (Cérinthe, Lettres de Paul, etc.) et autres blasphèmes honteux.

[251] Les Évangiles de Satan, première partie.

[252] Le 14 nisan, pour être servis le soir et mangés pendant la fameuse nuit du passage. Cf. Les Évangiles de Satan, troisième partie.

[253] Tour remplacer le corps vierge de Bar-Abbas, qui a lui-même remplacé l'Agneau du Royaume, rien de plus pur, puisqu'il faut de la chair humaine en sacrifice, que le corps d'un petit enfant nazir.

[254] Que Cécilius qui parle pour les païens nie le principe de la résurrection, cela va de soi. Mais qu'Octavius ne le foudroie pas par l'exemple de Jésus, ressuscitant tour à tour Eléazar, la fille de Jaïr, Jacob junior et lui-même, voilà ce que personne ne peut comprendre, car ce n'est pas pendant quelques heures seulement que Jésus est revenu, c'est pendant onze ans d'après Valentin, pendant dix-huit d'après Ptolémée (il est vrai que les Actes des Apôtres ont réduit ce délai à quarante jours). Et Douze hommes l'ont vu qui, au dire de l'Église, ont répandu partout cette bonne nouvelle dans le au monde, et l'un d'eux, Pierre, enterré par Anaclet à quelques mètres du logis d'Octavius, a fondé l'Église de Rome, avec Paul, apôtre non moins irréfutable de la résurrection de Bar-Abbas dans le même corps devenu glorieux !

[255] C'est en effet, la pure doctrine de l'Apocalypse.

[256] C'est le signalement des montanistes. Mais loin de se dire appelés directement par leur dieu, les Juifs jehouddolâtres suivaient étroitement les Paroles du Rabbi. Vous n'avez d'autre maître que le christ, disent les Évangiles. Voilà ce que l'arrangeur a en pour but de dissimuler.

[257] Nullement, mais au contraire son renouvellement à leur profit.

[258] Apocalypse et Évangiles.

[259] Inutile de dire que le mot n'y est pas, il y a Égyptiens, car Minucius Félix n'a jamais entendu soutenir que Bar-Abbas fût Juif ni même qu'il y eût une Judée. Il en sait un peu plus long tout de même que Pline le jeune ! Cf. plus haut.

[260] Guillaume du Mas, docteur ès-droits, chanoine et doyen de l'église collégiale d'Alet. (Octavius, Paris, 1637, in-4°.)