LE MENSONGE CHRÉTIEN - (JÉSUS-CHRIST N'A PAS EXISTÉ)

 

TOME IX — LES ÉVANGILES DE SATAN (TROISIÈME PARTIE)

III. — LES TROIS JOURS DE JONAS.

 

 

I. — TRANSLATION DE LA CROIX DE BAR-JEHOUDDA À SIMON DE CYRÈNE.

 

Il vous souvient avoir lu dans l'infâme Cérinthe que Bar-Jehoudda porta lui-même sa croix jusqu'au Guol-golta[1]. Cette vérité ne pouvait être recueillie par les synoptiseurs, ils font servir contre elle une invention qu'ils trouvent dans le très ancien dispositif où Bar-Jehoudda passe sa croix à Simon de Cyrène en sortant de la ville[2]. Toutefois Luc, c'est le seul, constate que Simon de Cyrène avait été pris. Par les gens de Saül ou par les Romains ? A Lydda la veille, ou dans le Temple à midi ? Nul ne le saura jamais.

LUC, XXIII, 26. Or, comme ils l'emmenaient, s'étant saisi[3] d'un certain Simon de Cyrène, qui revenait des champs, ils le chargèrent de porter la croix[4] [derrière Jésus][5].

MATTHIEU, XXVII, 32. Or, comme ils sortaient, rencontrant[6] un homme de Cyrène, nommé Simon, ils le contraignirent de porter sa croix.

MARC, XV, 21. Et ils contraignirent un certain Simon de Cyrène, père d'Alexandre et de Rufus, qui passait par là en revenant de sa maison des champs[7], de porter sa croix.

Les synoptiseurs parlent de Simon négligemment un certain Simon, disent-ils, comme s'ils le connaissaient peu, mais ils le connaissent si bien qu'ils savent comment s'appelaient ses deux fils[8] ; et ce deux jeunes gens ne peuvent être connus eux-mêmes qu'à la condition d'avoir joué dans l'histoire du fanatisme juif un rôle analogue à celui de leur père. Ils furent ses vengeurs du sang[9].

Son intervention avait sa raison d'être dans le temps où les christiens soutenaient que bar-Jehoudda avait échappé aux romains extra muros. Elle ne s'explique plus dans un dispositif où le revenant reconnaît qu'il a bien été crucifié. Cependant l'édition du Saint-Siège l'entend encore aujourd'hui de deux manières : Le texte sacré ne dit pas formellement si Notre-Seigneur fut totalement déchargé de sa croix, ou s'il continua à la Porter avec une aide étrangère : dans la première hypothèse, le christ aurait marché en avant, Simon Portant seul la croix en arrière ; dans la seconde, il-aurait porté la partie antérieure et Simon la partie postérieure, le bout traînant à terre. Saint Augustin, saint Athanase, saint Jérôme, saint Léon, Origène et plusieurs modernes supposent que Notre-Seigneur fut entièrement déchargé. On peut donner à la croix un poids total d'environ cent kilogrammes. La croix devait traîner à terre, parce que ce long bois n'aurait pu rester en équilibre sur l'épaule : la diminution de poids qui en résultait peut être évaluée à 25 ou 30 kilogrammes. Le Sauveur avait donc encore à porter environ 75 kilogrammes. Ce fardeau dépassait ses forces parce qu'il était épuisé par les supplices qu'il avait endurés, par la longueur de la voie douloureuse, dont on connaît au moins les deux extrémités et qui devait être de 5 à 600 mètres, et par la difficulté des chemins dans un sol montueux. Nous ne savons pas quelle était la pesanteur de la croix, mais on peut réduire à zéro la longueur de la voie douloureuse à partir du prétoire : sitôt sorti du prétoire, on est dans les champs  et on prend la descente.

 

II. — LAMENTATIONS DE JÉSUS.

 

Bar-Jehoudda, c'est un fait constaté par les Actes des apôtres[10], n'ouvrit la bouche ni pendant le trajet ni sur la croix. C'est même cette circonstance qui a permis -aux aigrefins de lui appliquer le passage où le second Isaïe parle du supplice infligé au premier, qui avait été scié en deux par Manassé, un des ancêtres les plus glorieux du juif consubstantiel à l'Abbas[11] : Comme une brebis il a été mené à la tuerie ; et comme un agneau sans voix devant celui qui le tond, ainsi il n'a pas ouvert la bouche. Non seulement nous savons par les Actes qu'il n'a pas dit un mot pendant qu'on le conduisait au supplice, mais l'Évangile dont s'est servi Celse en témoignait de son côté[12]. S'il n'était pas innocent comme l'agneau, au moins avait-il été muet comme lui.

Ce n'était pas une raison pour que son revenant observât le même silence, au contraire. Déjà, tant devant Jérusalem qu'à Gethsémani, il avait versé des larmes et répandu une sueur de sang qui sont les marques sensibles de l'intérêt qu'il prend sinon aux malheurs de se patrie, du moins à la perte de son royaume. Cette attitude, si différente de l'ancienne arrogance, autorisait des aigrefins à voir dans le Joannès un nouveau Jérémie. Pourquoi Jésus ne se livrerait-il pas sur la route du Ghé-Hinnom à quelques lamentations ?

Cette scène n'est d'ailleurs que dans Luc où la partie lacrymatoire est particulièrement soignée[13].

LUC, XXIII, 27. Or une grande foule de peuple et de femmes le suivait, se frappant la poitrine et se lamentant sur lui.

28. Mais Jésus, se tournant, vers elles, dit : Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi, mais pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants[14] :

29. Car voici que viendront des jours où l'on dira : Heureuses les stériles, et les entrailles qui n'ont pas engendré, et les mamelles qui n'ont point allaité :

30. Alors ils commenceront à dire aux montagnes : Tombez sur nous : et aux collines : Couvrez-nous[15].

31. Car, si l'on fait ainsi au bois vert, que sera-t-il fait au bois sec ?

Le bois vert, c'est la génération dont était Bar-Jehoudda. Le bois sec, c'est la génération dont fut Bar-Kocheba[16]. Le bois jeune est vert, le vieux bois est sec. C'est une comparaison empruntée au baptiseur lui-même, quand il disait : Tout arbre qui ne sera pas bon sera jeté au feu[17]. Mais cette lamentation n'a de valeur qu'à la condition de rester un mythe de judaïsme transcendant, un regret de gloire interrompue, le bruit d'ailes cassées qu'a fait l'aigle juif en tombant. Les davidistes ne l'ont jamais entendu autrement, et depuis Vespasien jusqu'à présent, à travers les siècles, sans se lasser jamais, avec une opiniâtreté sans pareille, réunis devant le vieux mur du Temple qui fait face à l'Orient, ils couvrent la pierre de baisers, ils l'arrosent de larmes pour rappeler à Dieu la promesse qu'il n'a jamais tenue. Les Juifs du quartier maugrabin qui chaque vendredi, à l'heure du sabbat, renouvellent ces lamentations sont les plus purs christiens qui soient dans le monde ; et s'ils ne sont pas jehouddolâtres, c'est qu'ils savent combien le ben-Sotada du Talmud a été au-dessous de sa mission. Mais son Apocalypse est la leur, au millénarisme près : c'est celle de Jehoudda, de ses sept fils et de leurs disciples immédiats, les Naziréens, les Ebionites et les Ischaïtes. Que demandent-ils au ciel ? Un fils de David qui ne soit pas ravi prématurément à son peuple par le Code pénal.

Le Chantre : A cause du palais qui est dévasté,

Le Peuple : Nous sommes assis solitaires et nous pleurons.

Le Chantre : A cause du temple qui est détruit,

Le Peuple : Nous sommes assis solitaires et nous pleurons.

Le Chantre : A cause de notre majesté qui est passée,

Le Peuple : Nous sommes assis solitaires et nous pleurons.

Le Chantre : A cause de nos grands hommes qui ont péri,

Le Peuple : Nous sommes assis solitaires et nous pleurons.

Le Chantre : A cause des pierres précieuses qui sont brûlées[18],

Le Peuple : Nous sommes assis solitaires et nous pleurons.

Le Chantre : A cause des prêtres qui ont bronché[19],

Le Peuple : Nous sommes assis solitaires et nous pleurons.

Le Chantre : A cause de nos rois qui l'ont méprisé[20],

Le Peuple : Nous sommes assis solitaires et nous pleurons.

Le Chantre : Nous t'en prions, aie pitié de Sion,

Le Peuple : Rassemble les enfants de Jérusalem.

Autre lamentation :

Le Chantre : Hâte-toi, hâte-toi, libérateur de Sion.

Le Peuple : Rassemble les enfants de Jérusalem.

Le Chantre : Parle au cœur de Jérusalem.

Le Peuple : Rassemble les enfants de Jérusalem.

Le Chantre : Que la beauté et la majesté environnent Sion.

Le Peuple : Rassemble les enfants de Jérusalem.

Le Chantre : Ah ! Tourne-toi miséricordieusement vers Jérusalem.

Le Peuple : Rassemble les enfants de Jérusalem.

Le Chantre : Que bientôt la royauté reparaisse dans Sion.

Le Peuple : Rassemble les enfants de Jérusalem.

Le Chantre : Console ceux qui pleurent sur Jérusalem.

Le Peuple : Rassemble les enfants de Jérusalem.

Le Chantre : Que la paix et la félicité entrent dans Sion.

Le Peuple : Rassemble les enfants de Jérusalem.

Le Chantre : Et que le rameau (de Jessé) fleurisse à Jérusalem[21].

Le Peuple : Rassemble les enfants de Jérusalem.

 

III. — DEVANT LA CROIX.

 

MARC, XV, 22. Ensuite ils le conduisirent au lieu appelé Guol-golta, ce que l'on interprète par lieu des Crânes[22].

MATTHIEU, XXVII, 33. Et ils vinrent au lieu appelé Guol-golta, qui est le lieu des Crânes.

Dans notre analyse de Cérinthe, nous avons mis en relief autant que nous l'avons pu la scène où, parvenu au Guol-golta, Jésus appelle la mère de bar-Abbas, lui rend son fils pour être crucifié comme dans l'histoire et décline l'honneur de mystifier plus longtemps les goym. Cette déplorable franchise vaut à Cérinthe d'être compté au nombre des antéchrists qui ont désolé le monde ; mais son texte est là, sans doute plus explicite qu'aujourd'hui, on ne peut songer à l'anéantir ou à le truquer. Il y a pourtant un moyen de sortir d'embarras, c'est de supprimer complètement la funeste résolution que prend Jésus de rendre son rôle, juste au moment où il s'agit de le garder. Car si on ne le garde pas jusqu'à la fin, qui va-t-on retrouver sur la croix ? Bar-Abbas séditieux, assassin et voleur. En ce cas, que sert à Jésus d'être descendu dans les Écritures pour le sauver ?

Cérinthe est un scribe du second siècle, il a composé-artificieusement sa fable, comme dit l'auteur de la Seconde Lettre de Pierre[23], ce n'est pas un témoin croyable. Mais voici Matthieu et Marc. Si, toutes réserves faites sur leur parenté avec bar-Abbas, ni l'un ni l'autre n'ont connu le propos que Jésus tient devant la Croix : Femme, voici ton fils ; homme, voici ta-mère, c'est que Cérinthe est un hâbleur indigne de toute foi. Matthieu, au contraire, est des douze et il a assisté à la Cène. Marc a suivi Pierre qui est maintenant Prince des apôtres ; dès le moment que Pierre ne lui a pas parlé de la scène entre Jésus et la mère de bar-Abbas, c'est que Cérinthe l'a prise sous son turban. Luc est aujourd'hui disciple de feu Saül devenu Paul, c'est mieux que s'il avait été des douze ; si ni lui ni son maitre n'ont connu la scène en question, comment prêter la moindre attention à ce que dit Cérinthe ?

 

IV. — LE VIN DU DOUZIÈME VASE DE KANA TOURNÉ EN VINAIGRE.

 

Cet hérétique, que dis-je ? cet antéchrist avait commis bien d'autres excès. N'avait-il pas porté jusque dans l'agonie de bar-Abbas les jeux d'esprit millénaristes auxquels on devait les Noces de Kana ? Voici la cause de ce joyeux dispositif.

Bar-Abbas ayant manqué la Grande Pâque, le vin qu'il devait boire après avoir attaché son âne à la vigne s'était changé en vinaigre par les circonstances, et les Jérusalémites n'avaient pas été sans le faire remarquer ironiquement. Or il se trouve là un vase qui n'est autre que le douzième vase des noces de Kana. A l'aspect de ce vase dont il escomptait le contenant dans l'Apocalypse, le crucifié s'écrie : J'ai soif ![24] Et en effet, il en avait eu aussi soif en son vivant qu'il avait eu faim du pain-Zib. Mais le vin du douzième vase a tourné, c'est maintenant un imbuvable vinaigre. Sans savoir ce qu'ils font, en réalité enzônés par celui qui liait et déliait, les soldats trempent une éponge dans le vase et la tendent au moribond. Celui-ci n'a pas plus tôt pris le liquide, qu'y trouvant du vinaigre, au lieu de bon vin de la Vigne du Seigneur, il dit : Tout est consommé, et il expire. Il a compris que son pourvoi a été rejeté par le Père. Ce n'était pas la peine d'avoir observé si rigoureusement son vœu de naziréat, de s'être abstenu de vin toute sa vie pour en arriver à boire du vinaigre ! Les synoptiseurs ont maintenu le vinaigre, mais ils ont supprimé le vase, à cause de son caractère chronométrique.

 

V. — LA PURIFICATION PAR L'HYSOPE.

 

Ce n'est pas tout. Cérinthe, qui avait fait la première tentative pour assimiler bar-Abbas à l'agneau, n'avait pas dissimulé que cet agneau était plein de taches, contrairement à la Loi. C'est pourquoi les soldats romains avaient entouré l'éponge de vinaigre dans de l'hysope[25]. Mot malheureux, et qui ne reviendra pas dans les Synoptisés ! Cérinthe ne l'avait employé que pour esquisser l'allégorie de l'agneau pascal dont le crucifié est la figure. Moïse n'avait-il pas ordonné aux Israélites de tremper un bouquet d'hysope dans le sang de l'agneau pour en marquer le linteau et les deux poteaux des portes de leurs maisons ?[26] Or l'agneau était sur le linteau devant les Romains, et les croix des deux voleurs dressées à droite et à gauche formaient les deux poteaux de cet étrange portique. Enfin l'hysope faisait partie des offrandes nécessaires à la purification, voire de lépreux. Comme il y en avait eu dans la famille de bar-Abbas, et on peut lire dans un des Psaumes pénitentiaux de David : Purifie-moi du péché avec de l'hysope et je serai net[27]. Or personne n'avait plus besoin d'hysope que le pécheur dont les Romains étaient en train de faire l'agneau de la pâque. D'autre part Jésus allait connaître la souillure que cause l'attouchement d'un mort, puisqu'on le faisait entrer dans la peau d'un homme qui était mort en 789. Pour se purifier on prenait de l'hysope qu'on trempait dans l'eau et on en aspergeait la personne et la tente de l'homme souillé[28]. Sans qu'ils s'en doutent, uniquement parce qu'ils sont enzônés, les Romains se transforment en agents de purification. Ils purifient bar-Abbas ; et, sans l'hysope, Jésus ne pourrait pas offrir son corps et son sang pour la rémission des péchés d'autrui. C'est pourquoi les synoptiseurs ont supprimé cette hysope qui fait scandale à cause de sa destination.

Ce qui les ennuyait par-dessus tout, c'est que la passion se terminât sur une telle séméiologie. Dans deux synoptisés sur trois, Marc et Matthieu, l'épisode de la boisson précède la mise en croix, au lieu de la terminer après deux jours d'exposition, et le patient ne manifeste aucun besoin d'être désaltéré comme dans Cérinthe. Au lieu d'obéir à une suggestion du moribond lui-même, les soldats imaginent et emploient leur mixture comme un commencement d'épreuves, et cela non une minute avant sa mort, c'est-à-dire le vendredi 16 nisan après trois heures du soir, mais dès en arrivant, avant même de l'attacher à la croix.

Il ne suffisait pas d'effacer la séméiologie millénariste que Cérinthe avait enfermée dans le vase de vinaigre, il fallait demander l'explication de cette épreuve à des Écritures qui, sans être les Paroles du Rabbi, ne sortissent pas trop de la famille. Comme toujours, en un mot, il fallait donner le change. Il n'y avait guère pour cela que les Psaumes de David dont les Valentiniens les premiers avaient fait si grand état dans leur Sagesse[29], particulièrement du soixante-neuvième. Considérant que la situation du crucifié blanchi par Jésus n'était pas sans analogie avec celle du psalmiste à cet endroit de son œuvre, les synoptiseurs ont fait passer non seulement quelques détails, mais tout l'esprit de ce psaume dans la Passion[30].

Je suis exténué à force de crier, ma gorge est enflammée, mes yeux sont éteints à force d'attendre l'aide de mon Dieu. Plus nombreux que les cheveux de ma tête[31] sont ceux qui me haïssent pour rien[32] ; puissants sont mes oppresseurs, qui me poursuivent de leur haine gratuite.

Ô Dieu, tu es instruit de ma folie, mes crimes ne te restent point cachés[33]. Qu'ils n'aient pas à rougir à cause de moi, ceux qui espèrent en toi, Seigneur, Eternel-Cebaot ! Qu'ils ne soient pas couverts de confusion à mon sujet, ceux qui recherchent, Dieu d'Israël !

Car c'est pour toi que je supporte les insultes, que la honte couvre mon visage. Je suis devenu un étranger pour mes frères, un inconnu pour les fils de ma mère, parce que le zèle pour ta maison me dévore[34] et que les insultes de tes blasphémateurs retombent sur moi.

Je pleure tout en m'imposant le jeûne, et ceci mène e tourné à opprobre pour moi[35]. J'ai endossé comme vêtement un cilice[36], et suis devenu pour eux un sujet de sarcasme[37]. Ceux qui sont assis aux portes déblatèrent contre moi, les buveurs de liqueurs fortes me chansonnent.

Toutefois ma prière s'élève vers toi, Éternel, au moment propice ; ô Dieu, dans ta bonté infinie, exauce-moi, en m'accordant ton aide fidèle ! Retire-moi du bourbier, pour que je n'y sombre pas ; puissé-je être sauvé de mes ennemis et des eaux profondes ! Ne permets pas que je sois submergé par la violence des flots, englouti par le gouffre ; que la bouche de l'abîme ne se referme pas sur moi ![38]

Tu connais, toi, mon opprobre, ma honte, ma confusion[39] ; tous mes persécuteurs sont là devant toi. La honte a brisé mon cœur, j'en suis au désespoir ; j'attends qu'on me plaigne, mais c'est en vain ; qu'il me vienne des consolateurs : je n'en trouve point. Dans mes aliments, ils mettent du fiel ; pour apaiser ma soif, ils m'abreuvent de vinaigre.

Que la table dressée devant eux[40] leur devienne un piège, qu'elle soit un traquenard pour ces gens heureux ! Que leurs yeux s'assombrissent, perdent la vue ! Fais vaciller sans cesse leurs reins ! Déverse sur eux ton courroux, que ton ardente colère les accable ! Que leur demeure devienne une ruine, que dans leurs tentes il ne reste plus un habitant ;

Car ils s'acharnent contre celui que tu as frappé, et se plaisent à gloser sur les maux de tes victimes. Mets donc à leur compte crime sur crime ; qu'ils ne soient point admis à se justifier devant toi ! Qu'ils soient effacés du Livre des vivants, et que parmi les justes ils ne soient point inscrits ![41]

C'est dans ce psaume que les synoptiseurs ont puisé le vinaigre qu'ils ont mis dans la passion. Quant à l'hysope, ils l'ont remplacée à leur fantaisie, Marc par de la myrrhe[42], Matthieu par du fiel, de sorte qu'à la plante purificatrice d'abord spécifiée par Cérinthe se trouvent aujourd'hui substituées des matières auxquelles personne n'avait jamais songé.

MARC, XV, 93. Ils lui présentaient à boire du vin mêlé de myrrhe, mais il n'en prit point.

MATTHIEU, XXVII, 34. Là, ils lui donnèrent à boire du vinaigre avec du fiel ; mais lorsqu'il l'eût goûté, il ne voulut pas boire.

Luc n'a pas cru devoir placer cet épisode avant la crucifixion ni associer quoique ce fût au vinaigre. Et cependant il est celui des trois synoptisés qui a donné aux deux autres le conseil de mêler de plus près les psaumes de David à cette affaire.

 

VI. — BAR-ABBAS AU MILIEU DE SES SUJETS.

 

MARC, XV, 22.  Or il était environ la troisième heure[43], lorsqu'ils le crucifièrent[44].

MATTHIEU, XXVII, 36. Et s'étant assis ils le gardaient.

MARC, XV, 27. Ils crucifièrent avec lui deux voleurs, l'un sa droite, l'autre à sa gauche.

MATTHIEU, XXVII, 38. Alors furent crucifiés avec lui deux voleurs, l'un à sa droite, et l'autre à sa gauche.

LUC, XXIII, 32. On conduisait aussi avec lui deux autres hommes qui étaient des malfaiteurs, pour les mettre mort.

33. Et lorsqu'ils furent arrivés au lieu qui est appelé des Crânes, ils le crucifièrent, et les voleurs aussi, l'un à sa droite, et l'autre à sa gauche.

MARC, XV, 28. Ainsi fut accomplie l'Ecriture qui dit : Il a été mis au rang des scélérats[45].

Ces deux acolytes forment l'Orient et l'Occident, la vertu est au milieu d'eux : in medio stat virtus.

Ce n'est point à cause de ce voisinage, qui d'ailleurs n'était pas nouveau pour lui, que le princeps latronum avait été mis au rang des scélérats ; il s'y était mis lui-même et il avait été condamné pour cela. Dans la pâque selon Luc, Jésus annonce également que l'homme dont il est le sauveur avait été mis au nombre des scélérats, rien que par le lieu choisi pour son exécution.

LUC, XXIII, 34. Mais Jésus disait : Père[46], pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font.

En effet, à ce moment ils croyaient crucifier Abbas, ils ne se doutaient guère qu'ils étaient déicides !

Au milieu de tant de défauts, Cérinthe avait des qualités. Ainsi, la scène historique où les soldats se partagent les vêtements de bar-Abbas et qui avait eu lieu au pétoire, Cérinthe avait eu l'intelligence de la placer après la crucifixion, de manière à pouvoir dire que l'inventeur du baptême avait porté ces vêtements sur la croix par lui convertie d'instrument de mort en signe de vie éternelle. Sinon, ils auraient été frappés de la même impuissance qu'une corde qui proviendrait d'un pendu avant sa pendaison. C'était là le dispositif d'un penseur profond et favorable par nature au placement des reliques, une des branches les plus actives de l'industrie naissante. Toutefois il avait eu une de ces faiblesses comme en ont tant de grands esprits. Il avait reconnu que si ces vêtements étaient divisibles en tant qu'insignes de la royauté temporelle, il n'en était pas ainsi de la tunique de dessous, adhérente à la peau et qui était sans couture. C'était priver les magasins ecclésiastiques d'un article très important ; Marc et Mathieu, qui ont l'Esprit-Saint, font rentrer la tunique dans le champ des opérations futures. Pas plus que Cérinthe ils ne s'arrêtent à l'impossibilité matérielle pour les soldats de partager, sans les déchirer ou les couper, les vêtements d'un homme dont les bras sont étendus et les mains clouées.

LUC, XXIII, 34. Partageant ensuite ses vêtements, ils jetèrent le sort.

MATTHIEU, XXVII, 35. Après qu'ils l'eurent crucifié, ils partagèrent ses vêtements, jetant le sort afin que fût accomplie la parole du prophète, disant : Ils se sont partagé mes vêtements, et sur ma robe ils ont jeté le sort.

MARC, XV, 24. Et l'ayant crucifié, ils se partagèrent ses vêtements, y jetant le sort, pour savoir ce que chacun en emporterait.

 

VII. — L'ÉCRITEAU.

 

LUC, XXIII, 38. Il y avait aussi au-dessus de lui une inscription où était écrit en caractères grecs, latins et hébraïques : CELUI-CI EST [JÉSUS] LE ROI DES JUIFS.

MARC, XV, 26. Et le titre de sa condamnation était ainsi écrit : LE ROI DES JUIFS.

MATTHIEU, XXVII, 37. Et ils mirent au-dessus de sa tête sa condamnation ainsi écrite : CELUI-CI EST [JÉSUS] LE ROI DES JUIFS.

Le fait de l'inscription semble bien établi. Ce qui ne l'est pas du tout, c'est le libellé. Qu'y lisait-on ? Le Roi des Juifs ou le roi des voleurs ? Rex Judœorum ou rex latronum ? ou Barabbas rex latronum ? Il n'est pas probable qu'il y eût rex Judœorum, car c'était une insulte pour les Juifs loyalistes qui venaient de prêter leur appui à Pilatus, et ceux-là formaient l'immense majorité, la presque totalité. Nous les voyons protester vigoureusement dans Cérinthe et dire à Pilatus : N'écris pas : le Roi des Juifs, mais : pour avoir dit : Je suis le roi des Juifs. C'est une prétention qu'ils n'ont ratifiée à aucun moment ; et mettre sur la croix d'un homme condamné pour vol et pour assassinat : le roi des Juifs, c'est englober calomnieusement une la nation dans la sentence. Au contraire, mettre : roi des voleurs, c'est donner à la condamnation sa juste mesure et son vrai caractère. Dès le moment que l'inscription rappelle le jugement du Sanhédrin, c'est que le vol et l'assassinat y sont relatés. Un seul mot suffit ces deux états : celui de lestès, employé par les Grecs pour désigner bar-Abbas, celui de latro employé par les traductions latines du Talmud. Une chose est certaine : l'inscription ne contenait que des mots compréhensibles pour les Grecs et les Latins qui formaient  la majorité de l'assistance. Les mots : Jésus le Nazaréen ne se lisent que dans le Quatrième Évangile, après l'invention de Joannès, quatrième évangéliste[47]. Par conséquent, le mot Ièsous qui eût été la version gréco-latine de Ieoschoua, et les mots Naziraios-Nazirœus qui eussent été celle de Nazir, n'eussent compréhensibles que des seuls Juifs, s'il y en avait dans l'assistance. Pilatus eût donc complètement manqué son but.

Or l'inscription avait été faite au prétoire, l'Infaillible le constate.

Un écriteau destiné à faire connaitre les motifs de la condamnation était porté en avant du condamné, ou attaché à son cou ; il était parfois remplacé par une proclamation du crieur public, annonçant le nom du criminel et l'arrêt de la justice. Il était préparé quand Notre-Seigneur sortit du prétoire, afin de le précéder dans le long parcours de la voie douloureuse. Le titre ne tenait pas encore à la croix, à laquelle il ne fut attaché avec des clous que sur le Calvaire. Les Alexandrins qui ont laissé leur témoignage dans Philon ont retenu de ce titre les deux mots araméens Bar Abbas[48] et Marân, à quoi répondent les mots grecs Uios Patros et Basileus, et les mots latins Filius Patris et Dominus.

Nous avons dans Matthieu la preuve que tel était le texte de l'écriteau.

MATTHIEU, XXVIII, 39. Or, les passants le blasphémaient, branlant la tête,

40. Et disant : Ah ! toi qui détruis le temple de Dieu et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même. Si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix.

Ces passants posent la question telle qu'elle a été posée devant eux au prétoire, sur l'écriteau et au Guol-golta, et telle qu'ils l'ont posée trois ans après dans la mascarade d'Alexandrie. Ils disent textuellement au crucifié : Si tu es bar-Abbas, descends de la croix. Aussi ne recommencent-ils ni dans Marc ni dans Luc.

 

VIII. — GRATTAGE ET RÉFECTION DE L'ÉCRITEAU.

 

MARC, XV, 29. Et les passants le blasphémaient, branlant tête et disant : Ah ! toi qui détruis le temple de Dieu et le rebâtis en trois jours,

30. Sauve-toi toi-même et descends de la croix !

Les passants de Marc sont beaucoup plus circonspects que ceux de Matthieu, ils se gardent bien de dire au crucifié : Si tu es bar-Abbas, descends de la croix.

Pour le reste, ce sont des gaillards qui connaissent à fond leurs Évangiles, ils y ont lu les accusations portées par les faux témoins devant le Sanhédrin et ils connaissent à fond l'Apocalypse qui règle le Renouvellement du monde et du Temple en trois tiers marqués par les trois signes qui précèdent les Ânes. Leurs paroles seraient incompréhensibles sans cela. Les passants ne passent pas, ils repassent ; Bar-Jehoudda non plus ne passe pas, il revient. On a également convoqué les princes des prêtres qui ont fait sur eux-mêmes un retour énorme, car ils se souillent au point de ne pouvoir manger l'agneau le soir ni même le sacrifier ! Malheureusement, au lieu de laisser de côté ce noie de bar-Abbas qui s'attache si étroitement au crucifié, voilà-t-il pas qu'ils y insistent comme pour le faire entrer plus avant dans l'esprit ?

MATTHIEU, XXVII, 41. Pareillement les princes des prêtres eux-mêmes se moquant de lui avec les scribes et anciens, disaient :

42. Il a sauvé les autres[49], et il ne peut se sauver lui-même : s'il est le [roi des Juifs][50] qu'il descende maintenant de la croix, et nous croirons en lui !

43. Il se confie en Dieu ; qu'il le délivre maintenant, s'il veut ! car il a dit : Je suis le Fils de Dieu[51].

Comment ! après avoir obtenu de Pilatus qu'il délie bar-Abbas, voilà maintenant qu'ils défient l'Abbas de délivrer son bar ? Qu'est-ce que cela signifie ? Pilatus n'a donc pas délié cet illustre voleur, cet assassin fameux, ce rebelle notoire ? Tout ce qu'on nous a dit de cette libération n'est donc que phantasmes ludificatoires et poudre aux yeux ? Ah ! c'est bar-Abbas qui est là, devant nous, sur la croix, et non Jésus ?

Va-t-on pouvoir laisser un pareil aveu dans Marc et dans Luc ? Vous n'y pensez pas !

MARC, XV, 31. Pareillement les princes des prêtres eux-mêmes, se moquant de lui avec les scribes, se disaient l'un à  l'autre : Il a sauvé les autres, et il ne peut se sauver lui-même.

32. Que le christ, le roi d'Israël, descende maintenant de la croix, afin que nous voyions et que nous croyions.

Vous l'entendez, dans Marc, plus de bar-Abbas ! Christ, roi d'Israël, si l'on veut, mais point bar-Abbas. Ce n'est plus à l'Abbas qu'on adresse le défi de délirer sou bar, c'est le bar lui-même qu'on invite à rompre ses liens. Il est loin, le dispositif de Matthieu ! Plus loin encore dans Luc !

LUC, XXIII, 35. Et le peuple était là, regardant ; et les chefs le raillaient avec le peuple, disant : Il a sauvé les autres : qu'il se sauve, s'il est le christ, l'élu de Dieu !

36. Les soldats mêmes, s'approchant, l'insultaient, lui présentant du vinaigre,

37. Et disant : Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi.

Le propos tenu par ces soldats n'est que dans Luc, il avait un sens dans leur bouche lorsqu'ils mettaient le bar d'Abbas au défi de démontrer sa valeur millénaire en descendant de la croix : bar-Abbas avait dit qu'il vivrait mille ans, il meurt à cinquante, on comprend que les soldats soient frappés de la différence. Leur défi n'a plus aucun sens depuis le changement de telle qu'il a subi : on peut en effet s'être dit roi des Juifs, et même l'avoir été, sans être capable pour cela de se décrucifier soi-même. Au contraire, que sert d'être le bar d'Abbas si l'on ne peut descendre d'une croix a volonté, surtout quand on a en soi le pouvoir de marcher sur les scorpions et de renverser la puissance de l'ennemi ?[52]

MATTHIEU, XXVII, 44. Or c'était aussi l'insulte que lui faisaient les voleurs qui étaient crucifiés avec lui.

MARC, XV, 32... Et ceux qui avaient été crucifiés avec lui l'outrageaient de même.

En effet bar-Abbas fut traité comme il le méritait par les individus qu'il avait abandonnés au Sôrtaba, et je doute que Simon de Cyrène l'ait ménagé davantage. Luc institue un dialogue entre le roi des voleurs et ses deux sujets de gauche et de droite. Ces deux-ci, avec une franchise qui leur vaut sinon notre estime, du moins notre admiration, ne font aucune difficulté d'avouer qu'ils étaient dignes du châtiment crucial, fiais ils font pour Jésus l'exception qu'ils n'ont pas pu faire jadis pour bar-Abbas.

LUC, XXIII, 39. Or l'un des voleurs qui étaient suspendus en Croix, le blasphémait, disant : Si tu es le [christ][53], sauve-toi toi-même, et nous aussi.

40. Mais l'autre, répondant, le reprenait, disant : Ne crains-tu point Dieu, quand tu subis la même condamnation ?[54]

41. Encore pour nous, c'est avec justice : car nous recevons ce que nos actions méritent ; mais celui-ci n'a rien fait de mal[55].

42. Et il disait à Jésus : Seigneur, souvenez-vous de moi quand vous serez arrivé dans votre royaume.

43. Et Jésus lui dit : En vérité je te le dis, aujourd'hui[56] tu seras avec moi dans le paradis.

 

IX. — LA MORT DE BAR-ABBAS.

 

Il ne faut pas s'étonner que les synoptiseurs ne marquent pas l'intervalle de quarante-huit heures qui s'est écoulé entre la mise en croix de bar-Jehoudda et sa mort. Puisqu'ils ont mis la pâque le jeudi soir, le revenant n'est plus crucifié que le vendredi et il meurt quelques heures après. Aussi les synoptiseurs disposent-ils, autour de la croix, des ténèbres dont la densité favorise les attentats les plus noirs à la chronologie.

MARC, XV, 33. La sixième heure venue, les ténèbres se répandirent sur toute la terre jusqu'à la neuvième heure.

MATTHIEU, XXVII, 45. Mais, depuis la sixième heure, les ténèbres se répandirent sur toute la terre jusqu'à la neuvième heure.

LUC, XXIII, 44. Or il était environ la sixième heure, et les ténèbres couvrirent toute la terre jusqu'à la neuvième heure.

Au premier abord on s'imagine que ces ténèbres ne durent que trois heures ; elles en durent cinquante et une, comprises entre la sixième heure (midi) du 14 et la neuvième heure (trois heures) du 16, de manière que personne en ce temps-là n'ait pu voir ce qui s'était passé entre le 14 à midi — heure de l'ouverture des portes du Temple où Pilatus massacra les partisans de Bar-Jehoudda dont ils ignoraient l'arrestation —, et le 16 à trois heures — heure à laquelle les prêtres prièrent Pilatus de faire enlever de la croix tous les corps en vue du sabbat qui approchait —. Il convient que pendant tout ce temps les hommes aient eu des yeux pour ne point voir.

Il convient aussi que le patient ne meure pas sana avoir une petite explication avec son Père. Convié pie les prêtres à venir délivrer son fils, Dieu manifesté pour ce travail une répulsion qui contraste avec la bonne grâce que Pilatus mit naguère à délier Bar-Abbas. Le plus ancien dispositif est celui de Luc, dans lequel le bar invoque Dieu sous le nom d'Abba, rendu en grec par Patèr.

LUC, XXIII, 45. Et le soleil s'obscurcit, et le voile du temple se déchira par le milieu[57].

46. Alors, criant d'une voix forte, Jésus dit : Père, je remets mon esprit entre vos mains. Et disant cela, il expira.

Les synoptiseurs de Marc et de Matthieu n'ont pas cru Pouvoir laisser en place une invocation où le crucifié avoue être bar-Abbas. Puisque Jésus lui-même leur a dit de s'appuyer le plus possible sur les Psaumes et de prendre au premier verset du XIIe psaume les Paroles qu'ils vont mettre dans sa bouche, l'agonisant sera un peu moins fils de Dieu et un peu plus fils de David, cette seconde filiation ne lui étant point contestée par les Jérusalémites. Lisez les Psaumes, avait dit Jésus dans Luc. On a profité de ce conseil qui, émanant du Verbe juif, ne pouvait être mauvais. Pour quelques instants, et afin que les goym soient à la fois voyant et ne voyant point, le bar qui expire dans Marc et dans Matthieu parle moins familièrement de Dieu que celui qui expire dans Luc. D'Abbas Dieu redevient simple Eloi, comme dans la Nativité selon Luc.

MARC, XV, 3-1. Et à la neuvième heure, Jésus cria d'une voix forte, disant : Eloï, Eloï, lamma sabacthani ; ce que l'on interprète ainsi : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous délaissé ?

MATTHIEU, XXVII, 46. Et, vers la neuvième heure, Jésus cria d'une voix forte, disant : Eloï, Eloï, lamma sabacthani ? c'est-à-dire : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous délaissé ?

La substitution du mot Eloï au mot Abba est toute nouvelle pour les assistants. Cependant il ne devrait pas être permis à l'Église de traduire Eloï par Elie, quelque erreur que les anciens copistes aient pu commettre dans leur transcription. Étant donné le défi que les prêtres ont porté tout à l'heure à l'Abbas, l'intention primitive de l'Évangéliste n'est pas douteuse, il s'agit bien d'Éloï.

Mais il se peut que, pour détourner l'attention d'Eloï Schabed, véritable étymologie du nom de la mère du Joannès dans la Nativité selon Luc, les copistes aient substitué volontairement le prophète Elie à Eloï.

MATTHIEU, XXVII, 47. Mais quelques-uns de ceux étaient là, et qui entendaient, disaient : C'est Eloï que celui-ci appelle.

MARC, XV, 35. Quelques-uns de ceux qui l'environnaient l'entendant, lui disaient : Voilà qu'il appelle Eloï.

36. Et aussitôt l'un d'eux, courant, emplit de vinaigre une éponge, et, l'ayant mise au bout d'un roseau, il lui présentait à boire, disant : Laissez, voyons si Eloï viendra le délivrer.

MATTHIEU, XXVII, 48. Et aussitôt l'un d'eux, courant, prit une éponge, l'emplit de vinaigre, puis la mit au bout d'un roseau, et il lui présentait à boire.

49. Mais les autres disaient : Laisse, voyons si Eloï viendra le délivrer.

 

X. — LE DERNIER CRI.

 

50. Cependant Jésus, criant encore d'une voix forte, rendit l'esprit,

MARC, XV, 37. Mais Jésus, ayant poussé un grand cri, expira.

C'était, dit le Saint-Siège, le vendredi 14 nisan, à trois heures de l'après-midi, c'est-à-dire selon les calculs les plus probables le vendredi 7 avril de l'an 30 de notre ère. Voyons, Saint-Siège, un peu de sérieux, que diable ! Vous venez de nous dire que la pâque avait toujours lieu le soir du 14. Si le Juif consubstantiel et coéternel au Père est mort ce même jour à trois heures l'après-midi, comment peut-il s'être attablé le soir pour manger l'agneau avec les douze ?

Quelque Zoïle avait sans doute dit qu'en tout cela il n'y avait aucun témoignage romain en faveur de la divinité de Bar-Jehoudda. Au cri jeté par Jésus, le centurion de garde vit clairement qu'il avait sans le vouloir aidé à crucifier le bar d'Abbas pour tout de bon.

MARC, XV, 39. Or le centurion qui était vis-à-vis, voyant qu'il avait expiré en jetant un grand cri, dit : Vraiment, cet homme était le fils de Dieu.

Quel était donc ce cri ? Le tonnerre, voix ordinaire du Verbe. Et en effet qu'était le Joannès quand il faisait ses Révélations ? L'Évangile l'a dit d'après l'Apocalypse, il était Boanerguès, c'est-à-dire fils du tonnerre, et Cérinthe lui-même ne nie pas qu'ayant entendu son revenant, les goym présents à Jérusalem le 14 nisan avaient cru entendre pour le moins le tonnerre[58].

MARC, XV, 38. Et le voile du Temple se déchira en deux, depuis le haut jusqu'en bas.

MATTHIEU, XXVIII, 51. Et voilà que le voile du temple se déchira en deux parties, depuis le haut jusqu'en bas ; et la terre trembla[59] et les pierres se fendirent.

52. Et les sépulcres s'ouvrirent, et beaucoup de corps de saints qui s'étaient endormis, se levèrent.

53. Et, sortant de leurs tombeaux [après sa résurrection] ils vinrent dans la cité sainte, et apparurent à un grand nombre de personnes.

Ainsi, voilà le résultat qu'a produit l'auteur de l'Apocalypse en criant. Qu'eût-ce été s'il eût mangé l'agneau avant de mourir ? Toutefois, pour éviter que les Bore n'allassent chercher l'explication de cet effet dans le surnom de Boanerguès, — ce qui leur aurait permis d'identifier le patient avec Joannès et tous les deux avec bar Abbas, — le centurion de Matthieu et de Luc n'est plus saisi par la nature du cri, comme le centurion de Marc, mais par les phénomènes qui s'ensuivent.

MATTHIEU, XXVIII, 54. Le centurion et ceux qui étaient avec lui pour garder Jésus, voyant le tremblement de terre et tout ce qui se passait, furent saisis d'une extrême frayeur et dirent : Vraiment, celui-ci était le Fils de Dieu.

Encore bar-Abbas ! Le centurion ferait mieux de se taire ! Il se rattrape dans Luc.

LUC, XXIII, 17. Or le centurion, voyant ce qui était arrivé, glorifia Dieu, disant : Vraiment cet homme était juste.

Non pas juste selon la loi juive, comme le père et la mère de bar-Jehoudda, par exemple[60], mais juste selon la loi romaine, philosophiquement juste, comme Sénèque eût pu l'entendre. Le centurion et ses soldats sont du même avis que Pilatus : ils ne trouvent aucune cause à juger en cet homme, ils se demandent pourquoi ils l'ont crucifié. Ce ne peut être que sur les calomnies du Sanhédrin ; et comme ils ont lu dans l'Envoi de Pathmos qu'ils devaient se frapper la poitrine[61], ils se conforment à cette instruction pour n'avoir point la mine de gens insensibles aux Écritures. Cependant, si quelques-uns étaient de garde au temple de la Paix en 823, ils eurent la satisfaction de voir le .voile du temple de Jérusalem en parfait état de conservation parmi les trophées de Titus.

48. Et toute la multitude de ceux qui assistaient à ce spectacle, et qui voyaient ce qui se passait, s'en retournaient frappant leur poitrine.

 

XI. — LA DÉPOSITION DE CROIX ET LE CAVEAU PROVISOIRE.

 

LUC, XXIII, 49. Tous ceux de la connaissance de Jésus, et les femmes qui l'avaient suivi de Galilée, se tenaient l'écart, considérant toutes ces choses.

MARC, XV, 40. Il y avait là aussi des femmes qui regardaient de loin, parmi lesquelles étaient Marie-Madeleine, Marie, mère de Jacques le petit et de Joseph, et Salomé ;

41. Et qui, lorsqu'il était en Galilée, le suivaient et servaient ; et beaucoup d'autres qui étaient montées avec lai Jérusalem.

MATTHIEU, XXVII, 55. Il y avait aussi à quelque distance de là beaucoup de femmes qui, de la Galilée, avaient suivi Jésus pour le servir ;

56. Et parmi lesquelles étaient Marie-Madeleine, et Marie, mère de Jacques et de Joseph, [et la mère des fils du Zibdéos].

N'ayant point d'hommes de la famille à mobiliser, en dehors de Nicodème (Cléopas) dont on ne veut plus, on se rabat sur le témoignage des femmes. Encore ne peut-on nommer, comme a fait Cérinthe, que la mère et la sœur aînée du crucifié : Salomé senior, en Évangile la mère des fils du Zibdéos, ou Myriam Magdaléenne, et Salomé junior, en Évangile Myriam Cléopas, nom de son mari. Comme on a fait des sept fils du Zibdéos des personnes autres que Bar-Jehoudda et ses frères, on introduit ici sa veuve comme si elle était elle-même différente de Myriam Magdaléenne. Mais si la mère des fils du Zibdéos n'est pas la même Myriam Magdaléenne, comment s'appelle donc la mère de crucifié et où est-elle en ce moment ? Et puis d'où vient que Cérinthe a vu les deux Myriam sans avoir vu la mère des fils du Zibdéos ?

J'éprouve un sentiment de malaise inexprimable teilles les fois que l'Église s'empare de cette vieille femme de soixante-cinq ans, respectable sinon par son caractère, du moins par sa vertu conjugale et par ses douleurs maternelles, pour la travestir en une débauchée qui en l'espèce tombe amoureuse de son propre fils !

Marie-Madeleine, dit le Saint-Siège, est célèbre dans l'Évangile par ses sentiments de charité ardente envers le Sauveur des hommes, et dans la tradition ecclésiastique par ses larmes et sa pénitence. Le surnom de Madeleine fut donné à Marie, parce qu'elle était du bourg de Magdala, en Galilée, près du lac de Tibériade[62]. On croit qu'elle était d'une famille distinguée par ses richesses[63]. L'Évangile, en la nommant pécheresse, a fait supposer qu'elle s'était abandonnée à des débordements. On connaît le châtiment que Marie-Madeleine subit durant quelques années : elle fut tourmentée du démon[64] jusqu'au jour où le Sauveur, lui remettant ses péchés, l'affranchit de cette domination horrible. — Quand elle versa ses parfums sur les pieds de Jésus, il lui remit ses péchés. — C'est depuis cette époque qu'elle s'imposa des pratiques de pénitence. Après avoir mis sa chevelure et ses parfums aux pieds du Seigneur, comme si elle avait voulu figurer son renoncement à toutes choses vaines, elle se joignit à quelques saintes et nobles femmes qui suivaient le divin Maitre, écoutaient ses prédications et l'assistaient de leurs biens dans ses courses évangéliques. Marie-Madeleine et les saintes femmes suivirent Jésus de la Galilée à Jérusalem, et elles ne l'abandonnèrent pas, même à sa mort, qui arriva six mois après. Marie avec sa famille habitait le bourg de Béthanie[65]. C'est là que mourut son frère Lazare[66], c'est là que Jésus le ressuscita. Peu après, dans un repas qui fat donné à Béthanie au Sauveur chez un homme qui avait été guéri de la lèpre[67] et où Lazare assistait avec ses deux sœurs, Marie répandit un nouveau vase de parfums sur les pieds du Sauveur. Malgré les souffrances de son amour, Madeleine accompagna Jésus sur le Calvaire. Elle lui rendit les derniers devoirs de la sépulture, et mérita de voir des premières son Maître ressuscité. A partir de cet instant, on ne trouve plus dans l'Évangile aucune trace de Madeleine. Il est probable toutefois qu'elle se rendit d'abord en Galilée, où Jésus devait se manifester à ses disciples. Ce fut l'opinion générale des anciens que, après la descente du Saint-Esprit et la dispersion des apôtres, Marie Madeleine quitta Jérusalem et la Palestine. La tradition la plus fondée fait aborder Marie-Madeleine en Provence avec Marthe et Lazare. D'après cette tradition, Lazare devint évêque de Marseille[68] où il mourut ; Marthe porta l'Évangile à Tarascon[69], et Marie-Madeleine se retira dans la caverne devenue si célèbre sous le nom de Sainte-Baume. C'est là qu'elle finit ses jours dans les pratiques de la pénitence.

 

XII. — SUPPRESSION DE NICODÈME ET CONVERSION DE L'HARAMATHAS EN JOSEPH D'ARIMATHIE.

 

Redevenons sérieux, si c'est possible, et rappelons que dans Cérinthe, c'est Myriam Magdaléenne qui impose à ses enfants le traité de silence d'où est issue la Version de la survie.

Rappelons aussi le rôle prépondérant que joue Nicodème dans Cérinthe le soir du vendredi. Nicodème arrive seul au Guol-golta, avec tout ce qui est nécessaire, parfums, bandelettes et linceuls, à la sépulture de son parent. Mais comme Nicodème est un Cléopas, — Cléopas parait être une contraction de Cléopatras, dit le Saint-Siège[70], — comme Cléopas est le nom de famille de Salomé, que par Cléopas on remonte à Cléopatra, mère de Salomé avant d'être femme d'Hérode le Grand, et que si on maintient de telles attaches, la haine dynastique apparaît au premier plan de toute cette histoire, les synoptiseurs ont décidé de supprimer radicalement Nicodème et de partager son rôle entre l'Haramathas ou fossoyeur et les femmes. On ne veut plus entendre parler de Nicodème. Cet animal de Cérinthe l'a mis en avant à plusieurs reprises, mais c'est fini, bien fini !

Le rôle de l'Haramathas se relève incroyablement par la suppression de Nicodème. Il n'est plus retenu au cimetière par ses fonctions de déposeur et de fossoyeur, ce n'est plus un impur Samaritain[71], il est riche, il est noble, il a toutes les qualités de Nicodème .et plus encore, il est libre d'aller et de venir ; passant par-dessus la tête de tous les centurions et de tous les tribuns, il va trouver Pilatus au prétoire.

MATTHIEU, XXVIII, 57. Or, quand il se fit soir, vint un homme riche d'Arimathie, du nom de Joseph, qui, lui aussi, était disciple de Jésus.

58. Cet homme vint à Pilatus et lui demanda le corps de Jésus.

MARC, XV, 42. Le soir étant déjà venu (parce que c'était le jour de la préparation qui précède le sabbat),

43. Joseph d'Arimathie, noble conseiller, qui lui-même attendait le royaume de Dieu, vint et entra hardiment chas Pilatus, et lui demanda le corps de Jésus.

Quoique les copistes grecs eussent assez dénaturé le nom de l'Haramathas pour qu'on ne pût y retrouver l'indice de sa fonction, il ne s'ensuivait nullement qu'Haramathas pût être pris pour un nom de ville ; et tout le monde savait au temps de Julien ce que le mot signifiait. Mais sitôt qu'on fut assez maître des textes pour les traiter en quelque sorte chimiquement, on glissa dans Luc qu'Arimathie était une ville des Juifs[72], et Joseph un conseiller du gouvernement impérial qui n'avait en rien participé aux actes du Sanhédrin et qui même en était secrètement indigne.

Dans toutes les éditions, soit catholiques soit protestantes, qui nous sont passées sous les yeux, nous avons toujours trouvé ville des Juifs, mais cette innovation à la topographie n'a pas paru assez fausse an Saint-Siège ; il traduit par ville de Galilée, probablement dans le but de rendre plus odieuse la collaboration d'Antipas avec le Sanhédrin. Cette façon de traduire fait juger du crédit que l'Église attache à l'opinion d'Eusèbe et à celle de Jérôme sur l'emplacement d'Arimathie. Elle ruine d'un seul coup l'une et l'autre.

LUC, XXIII, 50. Mais voilà qu'un conseiller des gouverneurs[73] nommé Joseph, homme bon et juste,

51. Qui n'avait consenti ni au dessein ni aux actes des autres, et qui était d'Arimathie, ville des Juifs, et attendait lui-même le royaume de Dieu,

52. Vint vers Pilatus et lui demanda le corps de Jésus.

Pilatus, en admettant qu'une démarche quelconque ait été faite auprès de lui, n'exprime aucun étonnement que bar-Abbas soit mort : il y a cinquante heures qu'il est en croix, et d'ailleurs il a été achevé par le crurifragium si par hasard il donnait encore signe de vie. Mais s'il a été mis en croix le vendredi seulement, c'est-à-dire quelques heures auparavant, c'est une très mauvaise chose que Pilatus n'exprime aucun étonnement.

MARC, XV, 44. Pilatus s'étonnait qu'il fût mort sitôt : il nt donc venir le centurion, et lui demanda s'il était déjà mort.

46. Or, s'en étant assuré par le centurion, il donna le corps à Joseph.

MATTHIEU, XXVII, 58. Alors Pilatus commanda que le corps fût remis.

Quoique Pilate[74], quand on lui demanda le corps du Sauveur, s'étonnât qu'il fût déjà mort, cette surprise était d'un homme peu sensible et même peu attentif à tout ce que Jésus-Christ avait souffert dans le prétoire, puisque la seule peine de la flagellation et du couronnement d'épines était capable de faire mourir l'homme le plus robuste. Aussi il était si affaibli, quand il sortit de la maison de Pilate, que le temps qu'il vécut depuis fut bien plus l'effet d'une vertu divine que d'une force humaine.

Aujourd'hui qu'il est crucifié le jour de la préparation du sabbat, soit le vendredi, Jésus meurt tellement près de l'heure à laquelle il est entré en croix, que Pilatus ne peut se résoudre à le croire. Stupéfaction qu'il n'exprime dans aucun autre Évangile, et si naturelle, si fondée que, pour donner un peu plus de marge à Jésus, l'Eglise a mis dans Marc qu'il avait été crucifié à neuf heures du matin. On gagnait trois heures, c'était peu, mais on ne pouvait mieux.

Dans les autres synoptisés, Jésus, qui n'a pas de volonté à avoir, est expédié en trois heures. L'Eglise est encore plus pressée de le voir mourir que les Juifs ne le furent de se débarrasser de bar-Abbas. Pilatus ne serait pas dans la ceinture s'il ne répondait pas d'avance à cette objection que tous les païens allaient faire : Mais il fallait deux jours et davantage pour que le supplicié mourût ! A la rigueur Pilatus peut comprendre que Jésus meure le samedi ou le dimanche, mais trois heures après la mise en croix, c'est impossible ! Il importe donc qu'il soit très étonné, car s'il ne l'est pas, c'est que le supplicié aura été mis en croix le mercredi matin, 14 nisan, et alors s'il était en croix pendant le repas de la Pâque, adieu la Cène ! adieu l'Eucharistie ! adieu la recette ! adieu tout ! Si l'on doit le faire mourir exactement comme bar-Abbas, il eût mieux valu ne l'avoir pas fait naître.

MATTHIEU, XXVII, 59. Ayant donc reçu le corps, Joseph l'enveloppa dans un linceul blanc.

60. Et il le mit dans son sépulcre neuf[75], qu'il avait fait tailler dans le roc. Ensuite il roula une grande pierre à rentrée du sépulcre, et s'en alla[76].

LUC, XXIII, 33. Et l'ayant détaché de la croix, il l'enveloppa d'un linceul, et le mit dans un sépulcre taillé dans le roc, où personne n'avait encore été mis.

Dans Marc, l'Haramathas achète un linceul en ville avant de retourner au Guol-golta, et peu s'en faut qu'il n'achète aussi les parfums nécessaires à l'embaumement. Mais l'Evangéliste n'a enlevé ce rôle à Cléopas que pour le réserver aux femmes.

MARC, XV, 46. Et Joseph, ayant acheté un linceul[77] et détaché Jésus de la croix, l'enveloppa dans le linceul, le mit dans un sépulcre qui avait été taillé dans le roc, et roula une pierre à rentrée du sépulcre.

47. Or Marie-Madeleine, et Marie, mère de Joseph, regardaient où on le mettrait.

MATTHIEU, XXVII, 61. Mais Marie-Madeleine et l'autre Marie-étaient là, assises près du sépulcre.

Qu'est donc devenue la mère des fils du Zibdéos ? Elle était là il n'y a qu'une minute. Or nous nous intéressons-immensément à la mère des fils du Zibdéos, et nous n'admettons pas qu'elle soit absente en un pareil moment.

LUC, XXIII, 54. Or c'était le jour de la préparation, et le-sabbat allait commencer.

55. Les femmes qui étaient venues de la Galilée avec Jésus, ayant suivi Joseph, virent le sépulcre, et comment le corps de Jésus y avait été mis.

56. Et s'en retournant, elles préparèrent des aromates et des parfums ; et pendant le sabbat elles demeurèrent en repos selon la loi.

En effet on attendit que le sabbat fût passé pour Procéder à l'enlèvement du corps.

 

XIII. — CHANGEMENT D'HORAIRE DANS LA SIMILITUDE DE JONAS ET DU CRUCIFIÉ.

 

Dans le dispositif original de la résurrection, quand le ressuscité n'était encore que Joannès le baptiseur, mis en croix avant la pâque, Jésus avait dit : De même que Jonas a été trois jours et trois nuits dans le ventre de la baleine, de même le fils de l'homme sera trois jours et trois nuits au sein de la terre[78]. Jésus comptait alors comme tout le monde, à partir de 14 nisan, jour de la crucifixion.

Si les Évangiles d'aujourd'hui ne s'entendent plus ni sur le jour, ni sur l'heure, ni sur la durée de la crucifixion, c'est la faute de l'Église. Tous en revanche s'accordent à ressusciter Jésus le dimanche, à l'aube.

Il y a là une obligation à laquelle Jésus ne pouvait manquer sans se manquer à lui-même. Se ressusciter le jour du sabbat, t'eût été violer la loi qui défend de travailler ce jour-là, et rogner vingt-quatre heures Sur la similitude de Jonas par laquelle on était lié.

L'Église a compris que, Jésus célébrant la pâque dans l'Évangile synoptisé, on ne pouvait plus prendre le 14, jour de la crucifixion, comme point de départ des trois jours, mais le 16, jour de la mort. Quand Jésus s'appelle bar-Abbas il est crucifié trente-six heures trop tard, mais quand bar-Abbas s'appelle Jésus, il ressuscite trente-six heures trop tôt ! Matthieu charge les prêtres juifs de faire triompher eux-mêmes cette modification. Par ce moyen, le Temple devient le bouc émissaire du mensonge de l'Église.

En même temps, on répond à une objection qui avait été formulée au milieu de bien d'autres, c'est que, le Guol-golta n'ayant point été gardé par Pilatus après la déposition des corps, rien n'avait été plus facile que d'enlever celui de Bar-Jehoudda, soit dans la nuit du vendredi au samedi, s'il avait plu aux enleveurs de violer le sabbat, soit dans la nuit du samedi au dimanche.

MATTHIEU, XXVII, 62. Le lendemain[79], c'est-à-dire le jour d'après la préparation du sabbat[80], les princes des prêtres et les pharisiens vinrent ensemble vers Pilatus,

63. Et lui dirent : Seigneur, nous nous sommes rappelé que cet imposteur a dit, lorsqu'il vivait encore : Après trois jours je ressusciterai.

Certes, Bar-Jehoudda était un imposteur de fort calibre, mais que penser de celui qui fabrique cette Écriture ? Toutefois il ne ment pas au point de la Contredire. C'est le samedi 17 nisan qu'on envoie les Prêtres chez Pilatus, — cette fois ils ne craignent plus d'entrer chez le goy, — Bar-Jehoudda n'a plus que la huit du 17 au 18 pour disparaître.

61. Commandez donc que le sépulcre soit gardé jusqu'au troisième jour, de peur que ses disciples ne viennent et ne le dérobent, et ne disent au peuple : Il est ressuscité d'entre les morts ; et la dernière erreur serait pire que la première.

Comme, en dépit de leur fourberie, les synoptiseurs jugent bien l'œuvre de l'Église ! L'adoration d'un scélérat juif par les goym abusés n'est-elle pas une erreur pire que le millénarisme ?

Il était bien acquis que le poste romain s'était retiré le vendredi soir, après avoir achevé les suppliciés par le crurifragium. Pilatus ne pouvait donc pas promettre aux prêtres de leur donner de ses soldats pour garder le sépulcre, il fallait que ces gardes fussent de ces mêmes sergents qui sous la conduite de Saül avaient arrêté le roi des voleurs à Lydda. C'est ce que Pilatus fait observer avec une précision absolue. Mais c'est une si vieille tradition parmi les artistes de représenter les gardes sous le costume romain, soit en peinture, soit en sculpture, que nous l'avons suivie nous-mêmes, 185 yeux prévenus par ces images[81] ; mais nous nous sommes trompés, et nous confessons notre faute dans l'espoir que l'Abbas commun nous la remettra.

65. Pilatus dit : Vous avez des gardes ; allez, et garda-le comme vous l'entendez.

66. Ceux-ci donc, s'en allant, munirent le sépulcre, scellant la pierre et mettant des gardes.

Après avoir violé la Loi de tant de façons, les prêtres n'hésitent pas à faire violer en même ternie je sabbat et la pâque par leurs gardes qui, l'agneau digéré, vont se souiller abominablement en passant la nuit dans le cimetière des suppliciés. Seul Pilatus a le respect du sabbat, il a retiré son poste la veille, il ne fournira plus d'hommes. Quant aux prêtres, jamais ils n'ont tant tracassé dans toute leur existence que le Jour de ce sabbat où tout travail leur est défendu. Ils font des scellements avec du ciment que je veux croire

Quant aux gardes, ils furent, dit le Saint-Siège, placés à l'entrée du monument et du vestibule extérieur, afin de surveiller les scellés. La garde romaine se coin-Posait ordinairement de seize hommes qui se relevaient quatre par quatre de trois heures en trois heures. C'est possible, mais les hommes sont fournis par le Temple et non par Pilatus, le texte ne souffre aucune équivoque. Si Saül n'a plus mal à son oreille, c'est lui qui les commande, car il n'est parti pour Damas qu'après le septième jour de la pâque, soit le 22.

 

XIV. — LES REVENANTS DE L'ENLÈVEMENT.

 

MATTHIEU, XXVIII, 1. Or, la nuit du sabbat, le premier jour de la semaine commençant à luire, Marie-Madeleine et l'autre Marie vinrent pour voir le sépulcre.

La mère et la sœur du crucifié. Dans Cérinthe la mère seule vient au caveau provisoire qu'elle trouve ide, et où elle rencontre les deux anges de Shehimon et de Cléopas, qu'elle a jadis commis au transfert du cadavre à Machéron. La situation de Bar-Jehoudda s'est un peu améliorée depuis Cérinthe, on a enfin avoué a Jésus en quel lieu on avait mis ce martyr, et il l'a assumé. C'est donc une simple curiosité que satisfont les deux revenantes, elles viennent voir le caveau provisoire.

LUC, XXIV, 1. Mais le premier jour de la semaine elles vinrent de grand matin au sépulcre, apportant les parfums qu'elles avaient préparés ;

MARC, XVI, 1. Lorsque le sabbat fut passé, Marie-Madeleine et Marie, mère de Jacques [et Salomé], achetèrent des parfums pour venir embaumer Jésus.

C'était le samedi au soir, dit l'Infaillible, lorsque le soleil fut couché. Le sabbat finissait au coucher de soleil. Pour accorder saint Marc avec saint Luc, qui dit que ces femmes avaient préparé les parfums dès la veille du sabbat, il faut traduire ici : Elles avaient acheté des parfums ; ou bien elles achetèrent de nouveau des parfums, qu'elles joignirent à ceux qu'elles avaient achetés la veille et qui ne suffisaient pas pour embaumer comme il le faut le corps de Jésus-Christ. L'Infaillible aura beau faire, nous ne perdrons pas le respect que nous devons aux Écritures révélées. Et d'abord nous trouvons fort mauvais qu'il traite si dédaigneusement deux personnes, dont l'une, Myriam Magdaléenne, est connue dans l'Église sous le nom de Sainte Vierge mère de Dieu. Car enfin si Myriam Magdaléenne n'est pas la même femme que Salomé, mère des sept fils du Zibdéos, la mère du crucifié n'est pas là. Or nous savons qu'elle y est, avec ce qui lui reste des Parfums du sacre, et nous en sommes avertis depuis longtemps par Jésus lui-même qui a dit à Judas : Laisse-la réserver ces parfums pour ma sépulture[82]. elle n'a donc pas eu besoin d'en acheter de nouveaux, et Luc a pu dire avec raison que la préparation était faite dès le vendredi soir. Mieux que cela, l'embaumement. Car nous avons lu dans Cérinthe et nous le rappelons lei, parce que ces répétitions dans les choses sacrées Plaisent toujours aux âmes pieuses : Nicodème (le vendredi soir) apportait une composition de myrrhe et d'aloès d'environ cent livres. Ils prirent donc (l'Haramathas et lui) le corps de Jésus et l'enveloppèrent dans des linges avec des parfums, comme les Juifs ont coutume d'ensevelir[83]. Nicodème tenait-il les parfums de sa sœur ou les avait-il achetés ? Il n'importe : l'embaumement, fait par lui et par le fossoyeur, était terminé à la première heure du sabbat. Mais comme c'est précisément cela dont on ne veut plus, puisqu'on a supprimé Nicodème  et que l'Haramathas est devenu conseiller impérial, l'embaumement est encore à faire, et on a réservé cette besogne aux femmes, afin de leur ménager l'occasion de venir au Guol-golta le dimanche matin. Gardons-nous donc bien de traduire comme le Saint-Siège nous y invite pour accommoder Marc et Luc. Marc et Luc sont d'accord pour mentir : la mère et la sœur du crucifié ne sont venues au Guol-golta que pour guider les enleveurs. Mais si elles n'y reviennent pas le dimanche matin, au besoin avec les revenants des enleveurs, qui constatera la disparition du corps ?

MARC, XVI, 2. Ainsi parties de grand matin, le premier Jute de la semaine, elles arrivèrent au sépulcre, le soleil fiant déjà levé.

3. Or elles se disaient l'une à l'autre : Qui nous ôtera la pierre de l'entrée du sépulcre ?

4. Mais regardant elles virent la pierre ôtée ; or elle était fort grande.

LUC, XXIV, 2. Et elles trouvèrent la pierre ôtée du sépulcre.

Moins ancien que celui de Cérinthe, le dispositif de Mare l'est plus que celui de Luc. Prudent par certains côtés, — il ne met qu'un seul ange dans le caveau pour parler aux femmes, — il est fort maladroit par d'autres, car les femmes épouvantées de la disparition du corps s'enfuient à toutes jambes comme si l'événement était inattendu, et sans rien dire à personne, ce qui va contre l'intérêt ecclésiastique.

MARC, XVI, 5. Et entrant dans le sépulcre, elles aperçurent un jeune homme assis à droite, vêtu d'une robe blanche ; et elles furent frappées d'étonnement.

6. Il leur dit : Ne craignez point ; c'est [Jésus] le Naziréen crucifié que vous cherchez ; il est ressuscité, il n'est point ici[84] : voilà le lieu où on l'avait mis.

7. Mais allez, dites à ses disciples et à Pierre qu'il va devant vous en Galilée : c'est là que vous le verrez, comme il vous l'a dit[85].

8. Mais elles, sortant du sépulcre, s'enfuirent, car le tremblement et la peur les avaient saisies ; et elles ne dirent rien personne, tant elles étaient effrayées.

Luc, tout en arrangeant les choses à sa façon, da pas cru pouvoir faire revenir dans le caveau moins de deux hommes, qui sont Shehimon et Cléopas, les deux enleveurs. Il n'a pris qu'une seule précaution, celle de rie pas les nommer, du moins à ce moment[86].

LUC, XXIV, 3. Et étant entrées, elles ne trouvèrent point le corps du Seigneur [Jésus][87].

4. Or il arriva, pendant qu'en leur âme elles en étaient Consternées, que près d'elles parurent des hommes avec des robes resplendissantes.

5. Et comme elles étaient effrayées et baissaient le visage vers la terre, ils leur dirent : Pourquoi cherchez-vous parmi les morts[88] celui qui est vivant ?

6. Il n'est pas ici[89], mais il est ressuscité ; rappelez-vous Comment il vous a parlé quand il était encore en Gainée,

7. Disant : Il faut que le Fils de l'homme soit livré entre les mains des hommes pécheurs, qu'il soit crucifié, et que le troisième jour il ressuscite.

8. Et elles se ressouvinrent de ses paroles.

Elles ont de la chance, car il avait défendu de les 'lire à personne 1 Il est donc impossible qu'elles les aient apprises autrement que par la lecture. Enfin il n'est pas possible qu'elles aient lu ce texte, qui diffère très sensiblement du dispositif ancien, de celui de Luc lui-même, car il n'y est plus question ni de fouet ni de railleries, et on qualifie d'hommes pécheurs des gens qui n'ont fait que punir un voleur et un assassin.

Mais si la mère et la sœur du crucifié continuent à fuir du train dont elles fuient dans Marc, et à ne rien dire du résultat de leur visite, comment la disparition sera-t-elle connue des douze apôtres et des soixante-douze disciples que l'Évangéliste a groupés autour de Jésus pour la bonne règle allégorique ? Ce Marc est un imbécile qui ne prévoit rien !

Aussi Matthieu a-t-il songé à utiliser le témoignage des sergents par lesquels, seul de tous les évangélistes, il fait garder étroitement l'entrée du caveau.

Entre autres observations curieuses ils voient que la pierre roulée devant le caveau par Cléopas senior et le fossoyeur, et scellée par les princes des prêtres le matin du sabbat, a été déplacée non par la main de Shehimon et de Cléopas junior, mais par un tremblement de terre.

MATTHIEU, XXVIII, 2. Et voilà qu'il se fit un grand tremblement de terre : car un ange du Seigneur descendit du ciel, et s'approchant, il renversa la pierre et s'assit dessus.

3. Son visage était comme un éclair, et son vêtement comme la neige.

Cet ange, c'est Bar-Jehoudda lui-même dans son état d'assumé, d'homme de lumière, conforme à la description que l'Apocalypse fait de ces bienheureux. Il lui manque la couronne, mais il l'avait, c'est une lacune dans le signalement. Il est assis sur la pierre retournée, c'est-à-dire sur le côté ciel de la pierre. Les gardes devraient donc s'en aller à la renverse, comme font ceux qui dans Cérinthe arrêtent Jésus au Mont des Oliviers, mais ils se contentent de devenir comme morts, c'est-à-dire de tomber dans un sommeil qui les tenu impropres à entendre la révélation que le revenant fait aux deux femmes.

4. Par la crainte qu'il leur inspira, les gardes furent épouvantés, et devinrent comme morts.

5. Mais, l'ange prenant la parole, dit aux femmes : Ne craignez point, vous : car je sais que vous cherchez [Jésus] qui a été crucifié[90].

6. Il n'est point ici[91], car il est ressuscité, comme il l'a dit[92] : venez, et voyez le lieu où le Marân était déposé.

7. Et allant promptement, dites à ses disciples qu'il est ressuscité ; et voici qu'il va devant vous en Galilée : c'est là que vous le verrez. Ainsi, je vous l'ai dit d'avance[93].

Dans Luc c'est par les femmes que les apôtres, réduits à onze par la disparition inexpliquée d'Is-Kérioth, — Luc ne dit point comment il a fini, — et les soixante-douze, dont le nombre ne parait pas avoir été entamé, apprennent la disparition du corps de Bar-Jehoudda, disparition que son revenant interprète aujourd'hui comme une résurrection.

LUC, XXIV, 9. Et, revenues du sépulcre, elles annoncèrent toutes ces choses[94] aux onze et à tous les autres.

10. Or, c'était Marie-Madeleine [Jeanne][95], Marie, mère de Jacques, et les autres qui étaient avec elles, qui rapportaient ces choses aux apôtres.

11. Et ce récit leur parut comme du délire, et ils ne les crurent pas.

Singulières gens que ces apôtres à qui Jésus ne cesse d'annoncer sa résurrection, particulièrement clans ce même Luc, et qui ne veulent pas s'incliner devant l'évidence ! Mais ce passage est d'un scribe bien antérieur à la synoptisation ; on ne comprend même pas que l'Église l'ait laissé dans son travail, car la conduite des quatre-vingt-trois[96] est toute tracée : ils doivent ou accepter le fait comme prouvé d'avance par la prophétie de Jésus, ou le vérifier, s'ils conservent un doute. A ce propos, on peut se demander pourquoi l'Évangéliste ne les envoie pas au tombeau pour constater de visu la disparition. C'est qu'il est lié par ce fait que la mère et la sœur du crucifié sont les seuls revenants en état de constater la disparition, étant seules à savoir où le corps avait été mis par Cléopas senior et le fossoyeur. Les douze et les soixante-douze n'existent pas encore en 789, mais existassent-ils qu'ils ne pourraient pas être appelés à la vérification. A la date du 16 nisan il n'y a, en dehors du fossoyeur' qu'un homme qui sache où est le caveau provisoire, c'est Cléopas senior, et on n'en veut sous aucun prétexte. A la date du 17, parmi les cinq frères survivants de Bar-Jehoudda, il n'y en a qu'un qui sache où est te corps, c'est Shehimon. Celui-là, on peut le mobiliser ; et le voici.

12. Cependant Pierre, se levant, courut au sépulcre ; et s'étant penché, il ne vit que les linges posés à terre, et il s'en alla, admirant en lui-même ce qui était arrivé.

De sorte qu'en dehors des femmes et de Shehimon on a enlevé Cléopas junior — qui se sont mis d'accord Pour nier la crucifixion de bar-Jehoudda, tout ce qui s'est passé au Guol-golta et à Machéron est resté inconnu des quatre-vingt-quatre jusqu'à cette Écriture. Luc aurait bien pu se dispenser de cette constatation, lui qui redresse si bien les erreurs de Marc !

 

XV. — LA MÈRE DES SEPT FILS DU ZIBDÉOS.

 

De leur côté les synoptiseurs auraient bien dû biffer le Marc le passage suivant qui est une réduction Manifeste du dispositif de Cérinthe, avec cette circonstance aggravante que les sept enfants mâles de Myriam Magdaléenne y sont indiqués comme étant l'œuvre du Verbe Jésus (sauveur).

MARC, XVI, 9. Or, Jésus, étant ressuscité le matin, au Premier jour de la semaine, apparut premièrement à Myriam Magdaléenne de laquelle il avait accouché sept puissances.

10. Et elle alla l'annoncer à ceux qui avaient été avec lui, et qui s'affligeaient et pleuraient.

11. Mais eux, entendant dire qu'il vivait et qu'il avait été vu par elle, ne le crurent pas.

Là où nous avons mis que Jésus, en sa qualité de verbe créateur[97], était entré dans Myriam Magdaléenne pour en accoucher sept puissances (car ainsi faut-il dire pour rendre la pensée de l'évangéliste), toutes les traductions ecclésiastiques entendent qu'il avait chassé sept démons du corps de cette malheureuse. Je n'ai pas besoin de revenir sur la nature et sur l'identité de ces sept puissances, vous connaissez et leurs noms et leur qualité. Je voudrais simplement demander aux exégètes qui sont en même temps hellénistes, sur quelle particularité ils se fondent, non pas pour traduire daimôn par démon, — je vois bien ce qui les travaille, — mais pour rendre ecballein par chasser. Aph'ès ecbeblèkei epta daimonia, dit le texte. Pourquoi, puisqu'il s'agit d'une mère, celle des sept fils de Zibdéos, ne pas traduire tranquillement ecballein, comme le veulent tous les dictionnaires quand il s'agit de parturition, par mettre bas, faire éclore, accoucher ? Exemples : To bréphos ecballétai ; l'enfant vient au monde. Exébalé tous Dioscurous ! elle fit éclore les Dioscures. È thèluptéris, gunaiki ean dothè, ecballein phasi, la thélyptéride, donnée à une femme, la fait, dit-on, avorter[98]. Moi, voyez-vous, quand d'une part je lis dans une Écriture révélée, comme le Quatrième Évangile depuis qu'il n'est plus de Cérinthe, cette définition de Jésus : Tout a été fait par lui, et rien n'a été fait sans lui, et que je me trouve en face d'une femme dans laquelle il a mis le germe de sept enfants mâles dont je sais les noms et l'histoire, — il est entendu que nous ne comptons Pas les filles — eh bien, je traduis ecballein comme ont fait les sages-femmes qui l'ont accouchée et les opérateurs qui ont circoncis bar-Jehoudda, Shehimon, Jacob senior, Jacob junior, Philippe, Jehoudda Toâmin et Ménahem. Je sais que je m'expose aux peines éternelles, puisque je nie la virginité de Myriam Magdaléenne et la divinité de son békôr[99], mais j'ai pour moi le Vieil Abbas à la ressemblance de colombe, lequel depuis quinze siècles (inutilement je le reconnais), répudie la gloire d'avoir eu un fils crucifié pour trahison, Vol et assassinat. Car, à prendre les choses comme nous le devons, c'est-à-dire selon la lettre vivifiée par l'esprit, ce n'est pas lui, c'est Jésus qui est l'Abbas de l'honorable juif dont le pape est le vicaire. Nous avons d'ailleurs cité le passage de Valentin, où Myriam Magdaléenne relève de couches[100], lorsque, rentrant chez son mari, elle trouve attaché au pied de son lit le petit enfant qui figure alternativement dans les Écritures sous le nom de Joannès et sous celui de Jésus.

Matthieu a bien compris qu'on ne pouvait laisser les choses en un aussi fâcheux désarroi, étant donné surtout que, dans Cérinthe, Salomé est de tous les personnages soit masculins soit féminins la première à qui Jésus se montre après le transport de son fils aîné à Machéron. La peur qui dans Marc porte les femmes à la fuite et leur cloue la bouche, est mêlée dans Matthieu d'une joie qui les rend plus abordables et plus communicatives.

MATTHIEU, XXVIII, 8. Elles sortirent aussitôt du sépulcre avec crainte et avec une grande joie, courant porter ces nouvelles à ses disciples.

9. Et voilà que Jésus se présenta à elles, disant : Je vous salue. Et elles, s'approchant, embrassèrent ses pieds et l'adorèrent.

40. Alors Jésus leur dit : Ne craignez point : allez, annoncez à mes frères qu'ils aillent en Galilée : c'est là qu'ils me verront[101].

Il montre ici pour Myriam Magdaléenne la courtoisie la plus raffinée. Ce n'est plus l'ancienne attitude hautaine et distante : Femme, qu'y a-t-il de commun entre toi et moi ?[102] Déjà les anges de Shehimon et de Cléopas ont fait prévoir ce revirement en cessant de l'appeler femme comme dans Cérinthe[103]. Au lieu de cela, c'est : Bonjour, madame ; et Jésus salue le premier, de peur que sa mère selon le monde ne lui saute au cou en s'écriant : Bonjour, bar-Abbas !, et en versant des larmes capables de rouiller les pièces de monnaie qui tombent dans le plateau de l'Église.

On ne veut plus que les sentiments naturels crènent le fond de cette atroce mystification. On a enlevé, Myriam ce qualificatif de Magdaléenne qui l'enveloppe tout entière d'un vêtement de péché. Myriam n'est plus Magdaléenne, c'est Myriam tout court, presque Marie ! Jésus et elle se voient pour la première fois : Bonjour, madame ; bonjour, monseigneur, comme dans les royaumes qui sont de ce monde.

Vraiment ces gens sont trop polis pour être honnêtes ! Mais quoi ! voulez-vous que Myriam Magdaléenne attire l'attention du goy sur le suggestif discours qu'elle tient à Jésus dans Cérinthe : Seigneur, je vous prenais pour le jardinier [du Ghé-Hinnom]. Si Vous l'avez enlevé [de la croix], dites-moi où vous l'avez mis et je l'emporterai [à Machéron] ?[104] Autant vaudrait que le revenant ajoutât : Merci, maman !

Mais, puisque dans Cérinthe la mère avoue être l'instigatrice de l'enlèvement, puisque Shehimon et Cléopas reconnaissent en être les auteurs, les princes des prêtres et tout le Sanhédrin ne peuvent-ils venir déclarer que ce bruit d'enlèvement est une calomnie Bernée par eux-mêmes à l'aide de témoins payés pour tuer dans l'œuf la vérité de la résurrection ? Voici le travail, il est délicieux.

MATTHIEU, XXVII, 11. Lorsqu'elles s'en furent allées, voilà que quelques-uns des gardes vinrent à la ville, et rapportèrent aux princes des prêtres tout ce qui s'était passé[105].

12. Et ceux-ci, s'étant assemblés avec les anciens[106], et ayant tenu conseil, donnèrent une grosse somme d'argent aux soldats[107].

13. Disant : Dites : Ses disciples sont venus de nuit et l'ont enlevé, pendant que nous dormions.

14. Et si le gouverneur l'apprend[108], nous le persuaderons, nous vous mettrons en sûreté.

15. Ainsi les soldats, l'argent reçu, firent comme on leur avait appris ; et ce bruit s'est répandu parmi les Juifs jusqu'à ce jour.

C'est un bruit strictement judéen, un bruit intéressé, émanant de calomniateurs qui, pour couvrir leur déicide, ont soudoyé des mercenaires toujours aux gages des plus offrants ! Mais dans le fond, ces prêtres et ces magistrats savent parfaitement que bar-Jehoudda est ressuscité, puisque les gardes l'ont vu assis sur la pierre ; et, ceux qui font mentir les gardes n'en sont pas moins pénétrés qu'eux de la certitude de la résurrection, ce qui rend leurs procédés plus misérables encore ! En vain objectera-t-on que dans Cérinthe Myriam Magdaléenne reconnaît la première que l'enlèvement. est d'elle, de son fils cadet, de sa fille aînée et de son gendre, cette femme n'est qu'une espèce de folle, une débauchée, dont le corps craquait sous l'effort de sept démons d'une activité dévorante, et Cérinthe n'est qu'un hérétique dont l'Évangile respire le blasphème sans aucune interruption !

 

XVI. — TRANSFIGURATION DU RETOUR DE L'ENTERREMENT.

 

Après l'épisode des femmes au tombeau, le dispositif le plus ancien est indubitablement celui de Luc, dans lequel on voit Shehimon et Cléopas revenir de Machéron, l'enterrement terminé. Le compagnon de Cléopas n'est pas nommé, mais nous savons que c'est Shehimon, nous ne pouvons donc nous rallier à l'opinion d'un certain nombre d'interprètes pour qui, dit le Saint-Siège, le compagnon de Cléopas aurait été Saint-Luc lui-même. Pourquoi pas Saül, maître de Luc ? Car Saül était rentré en possession de son oreille depuis trois jours, et il n'avait pas encore pris le chemin de Damas.

Il fallait d'ailleurs que pour obéir à la parole de Jésus après la Cène, Shehimon s'en allât hors de la ne fût-ce que pendant une journée, de manière à Justifier le dispositif : Quand tu seras revenu, confirme tes frères. Ce dispositif datait d'un temps où Shehimon n'était pas encore la Pierre sur laquelle l'Église avait édifié sa fortune ; on ne contestait alors ni qu'il se fût réfugié en Asie après l'enlèvement, ni qu'il en fût revenu pour confirmer ses frères par son martyre en ce même Guol-golta. Mais aujourd'hui qu'il tait crucifié à Home après avoir investi Clément de sa succession, l'Église entendait bien limiter à une journée l'aller et le retour dont Jésus avait parlé.

LUC, XXIV, 13. Or voici que deux d'entre eux allaient ce même jour à un village nominé Emmaüs, qui était à la distance de [soixante] stades de Jérusalem[109].

14. Et ils s'entretenaient de tout ce qui s'était passé.

15. Et il arriva que, pendant qu'ils discouraient et conféraient ensemble, Jésus lui-même, s'étant approché, net' trait avec eux.

16. Mais leurs yeux étaient retenus, de peur qu'ils ne le reconnussent.

Il importe extrêmement que leurs yeux soient retenus par la ceinture, parce que s'ils ne sont pas dans ces liens particuliers, Shehimon va reconnaître son frère aîné et Cléopas son beau-frère. Or ce jour-là, après l'avoir enterré clandestinement, ils se sont entendus pour soutenir qu'il n'avait pas été crucifié du tout. C'est si vrai qu'il existe déjà un Évangile, celui de Cérinthe, dans lequel le mort de 789 est encore vivant en 802 ! Ils ne peuvent donc pas se servir de leurs yeux pour le voir ressuscité le 18 nisan, ce serait en faire un mauvais usage. Donc leurs yeux sont retenus.

17. Et il leur dit : Quels sont ces discours que vous tenez ainsi en marchant, et pourquoi êtes-vous tristes ?

18. Et l'un d'eux, nommé Cléopas, répondant, lui dit : Es-tu seul si étranger dans Jérusalem, que tu ne saches point ce qui s'y est passé ces jours-ci ?

Il faut que Jésus n'en sache pas le premier mot, qu'il soit plus étranger dans sa propre ville[110] que les Alexandrins eux-mêmes, car s'il est aussi instruit qu'eux de la mascarade du prétoire, il saura que Ber Jehoudda y a été bafoué sous le nom de Bar-Abbas et il aura vu l'écriteau. En ce cas, à quoi bon fabriquer toutes ces Écritures ?

19. Quoi ? leur dit-il. Et ils répondirent : Touchant [Jésus] le Naziréen[111], qui fut un prophète puissant en œuvres et en paroles[112] devant Dieu et tout le peuple ;

20. Et comment les princes des prêtres et nos chefs l'ont livré pour être condamné à mort, et l'ont crucifié.

21. Pour nous, nous espérions que c'était lui qui devait racheter Israël[113] ; et cependant, après tout cela, voici déjà le troisième jour que ces choses sont arrivées[114].

22. A la vérité, quelques femmes qui sont des nôtres nous ont effrayés : car, étant allées avant le jour au sépulcre,

23. Et n'ayant point trouvé son corps, elles sont venues disant même qu'elles ont vu des anges qui disent qu'il est vivant[115].

24. Quelques-uns des nôtres sont allés aussi au sépulcre[116] et ont trouvé toutes choses comme les femmes l'ont dit : mais lui, ils ne l'ont pas trouvé.

 

XVII. — L'ÉCOLE DU FAUX.

 

Sur ces données Jésus, révélant sa véritable nature, va leur faire un cours de composition littéraire à l'usage des scribes évangéliques. Il s'agit de rouler tous les goym à l'aide de quelques passages copiés infidèlement dans les prophètes, détournés de leur sens raisonnable et distribués dans les fausses Écritures qui sont les Évangiles, les Actes des Apôtres et les Lettres de Paul.

25. Alors il leur dit : Ô insensés et lents de cœur croire tout ce qu'ont dit les prophètes !

26. Ne fallait-il pas que le christ souffrît ces choses, et entrât ainsi dans sa gloire ?

27. Et, commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur interprétait dans toutes les Ecritures ce qui le concernait.

Traités par cette méthode sur laquelle brocheront un jour théologiens, exégètes et herméneutes, les bote gogoym se rendront à merci et assisteront impuissants au naufrage de leur dignité, de leur conscience et de leur raison. Pour la première fois depuis la création do monde on leur fera adorer un scélérat condamné la veille pour trahison, assassinat et vol, et, pendant des siècles ils s'extermineront autour de son cadavre. Le Verbe qui a conseillé cette tactique, c'est, dit l'Église, celui qui a créé l'âme et la vie ; c'est, disons-nous, celui qui a créé la folie et la mort.

28. Cependant ils approchèrent du village où ils allaient ; et Jésus feignit d'aller plus loin.

29. Mais ils le pressèrent, disant : Demeure avec nous car il se fait tard, et déjà le jour est sur son déclin. Et il entra avec eux.

30. Or il arriva, pendant qu'il était à table avec eux, qu'il prit le pain, le bénit ; le rompit, et il le leur présentait.

31. Alors leurs yeux s'ouvrirent, et ils le reconnurent ; et il disparut de devant leurs yeux.

Ils l'avaient reconnu à la façon dont il a rompu le Pain, ils sont censés avoir assisté à la Cène. Jésus leur distribue de nouveau le pain-Zib, mais il ne le présente plus sous la forme du poisson, comme dans les deux Pâques manquées de Cérinthe. Le repas d'Ammaüs est postérieur à ces deux séméiologies ; il n'y a point eu de poisson dans la Cène, on n'en met pas dans cette distribution de pain où Jésus ne leur donne que le pain quotidien. Si ce repas était réel, il augmenterait d'une unité le nombre des apôtres qui ont bénéficié de l'Eucharistie, car pour reconnaître Jésus à la façon dont il rompt le pain, il faut que Cléopas ait assisté à la Cène ; or, il n'est pas des douze. Mais s'il n'est pas des douze, il est de la beth léhem, de la maison du pain que la famille de David avait mission de distribuer aux Juifs. Dès le Moment qu'il est de la beth léhem, il est aussi de la beth saïda, puisque c'est la même beth. On peut donc dire que le poisson est sous-entendu : au fond, c'est à sen signe qu'ils reconnaissent en Jésus le revenant du Ieou-Shanâ-os. Qu'est-ce que Jésus ? Il vous l'a dit mille fois : Joannès ressuscité après trois jours et trois nuits.

Dans Marc on n'a pas tenu compte du repas d'Ammaüs, mais on a maintenu le principe de l'apparition aux deux enleveurs.

Fils de Shehimon, il ne convenait pas que Marc eût l'air d'ignorer complètement cette apparition, il pouvait la tenir de la bouche de son père ; mais on a réduit l'épisode à très peu de chose, évitant tout nom, même celui d'Ammaüs qui orientait le goy dans la direction de Rama et de Machéron.

MARC, XVI, 12. Il se montra ensuite sous une autre forme à deux d'entre eux, qui étaient en chemin et qui allaient à une maison de campagne.

13. Et ceux-ci allèrent l'annoncer aux autres ; mais ils ne les crurent pas non plus.

On n'a reporté dans Matthieu ni l'apparition aux deux enleveurs, ni l'incrédulité dont les autres disciples font preuve quand ils apprennent cette nouvelle. Cela pour une raison facile à comprendre, sinon pour les exégètes et les herméneutes, du moins pour les lecteurs du Mensonge chrétien. Parmi les autres dont il est question ici se trouve Jehoudda Toâmin dont l'absence au moment de l'enlèvement est relevée par Cérinthe avec une franchise déplorable. Ce jour-là, dit Cérinthe, Toâmin n'était pas avec eux[117]. Étant fils de Toâmin, Mathias pouvait n'avoir pas de renseignements particuliers sur l'apparition aux deux enleveurs, puisque son père était à Damas ou ailleurs ce jour-là ; en revanche, il aurait dû en avoir de très circonstanciés sur la séance spéciale que Jésus donne pour Toâmin huit jours après l'enlèvement, et dans laquelle il lui fait toucher sa plaie au côté. Mais cette séance ruinant d'avance tout le dispositif chronologique des synoptisés sur la résurrection au troisième jour, on l'a laissée pour compte à Cérinthe. Il était tout naturel que Mathias n'en eût jamais entendu parler, puisque son père était mort dans la même ignorance.

 

XVIII. — ANTIDATAGE DE LA LEVÉE DU DEUIL ET SES CAUSES.

 

Lorsque Cérinthe avait inventé cette séance, il avait eu en vue le repas funéraire du huitième jour, la levée du deuil fixé à sept jours par la Loi. Jusqu'au 24 la famille avait pleuré le mort. C'était l'aveu qu'elle ne savait pas qu'il fût ressuscité le 18. Les synoptiseurs ne pouvaient accepter cela dans un dispositif où il devait ressusciter le 18 sous peine de disqualification. Ils ont donc placé le repas funéraire le 19. Toutefois dans Marc il n'est nullement dit que le repas ait lieu à Jérusalem, il a certainement lieu dans la partie de la Galilée transjordanique où Jésus a annoncé qu'il précéderait les disciples. C'est d'ailleurs une violation de la loi, car la pâque ne finissant que le 21 au soir, ils n'avaient Pas le droit de sortir de la ville avant ce jour-là.

MARC, XVI, 14. Enfin, il apparut aux onze lorsqu'ils étaient à table ; et il leur reprocha leur incrédulité et la dureté de leur cœur, parce qu'ils n'avaient pas cru ceux qui avaient vu qu'il était ressuscité.

Ceux-ci sont Salomé senior et Salomé junior (la mère et la fille), Cléopas et Shehimon, les seuls auxquels Jésus apparaisse, parce qu'ils furent seuls mêlés à l'enlèvement. Luc, tout en supprimant le repas, rétablit la réunion à Jérusalem où Cérinthe l'avait mise, et, tout en supprimant la scène avec Toâmin, il accorde une grande importance à la vérification de l'identité par les mains et par les pieds du crucifié. Toutefois, à l'instar de Matthieu et de Marc, il supprime complètement la vérification par la plaie dans le côté. D'ailleurs, cette vérification qui se fait par Toâmin dans Cérinthe a été supprimée de bonne heure dans les synoptisés. Le texte auquel a répliqué le Rabbin de Celse ne contenait plus ni fer de lance ni plaie au côté. Seule la Kanaïte par excellence, c'est-à-dire Salomé, disait avoir vu son fils ressuscité montrant les trous de ses mains ; et dans l'Évangile dont s'est servi le Rabbin, c'est à elle qu'il exhibe les marques des clous[118]. Quelque autre magicien de la bande aura rêvé cela, dit le Rabbin[119].

LUC, XXIV, 33. Puis se levant à l'heure même, ils retour aèrent à Jérusalem ; et ils trouvèrent les onze assemblés, et ceux qui étaient avec eux[120],

34. Disant : Le Seigneur (Marân) est vraiment ressuscité, et il est apparu à Simon[121].

35. Et eux, à leur tour racontèrent ce qui leur était arrivé en chemin[122], et comment ils l'avaient reconnu à la fraction du pain.

36. Or, pendant qu'ils s'entretenaient ainsi, Jésus parut au milieu d'eux, et leur dit : Paix à vous ! C'est moi craignez point.

37. Mais eux, troublés et épouvantés, croyaient voir un esprit[123].

38. Et il leur dit : Pourquoi êtes-vous troublés et pourquoi ces pensées s'élèvent-elles dans vos cœurs ?

39. Voyez mes mains et mes pieds : c'est bien moi ; touchez et voyez : un esprit n'a ni chair ni os, comme vous voyez que j'ai.

40. Et lorsqu'il eut dit cela, il leur montra ses mains et ses pieds.

 

XIX. — LA TRANCHE DE ZIB.

 

Ce sont bien les pieds et les mains d'un homme qui a été crucifié, mais ce crucifié est-il Bar-Jehoudda ? Jésus a un moyen de le prouver, c'est de faire toucher la plaie que, seul de tous les crucifiés du 14 nisan, il a reçue dans le côté par le fer de lance, mais comme il ne veut pas de ce moyen, il ne lui en reste plus qu'un : le signe, plus probant que tout le corps. Au risque de démontrer une fois de plus l'identité du crucifié et de Joannès, Jésus va manger l'Ieou-Shanâ-os. Cela s'appelle aujourd'hui manger le morceau.

41. Mais eux, ne croyant point encore, et étant transportés d'admiration et de joie, il dit : Avez-vous ici quelque chose à manger ?

42. Et ils lui présentèrent un morceau de poisson rôti et un rayon de miel.

 43. Or, lorsqu'il eut mangé devant eux, prenant les restes, les leur donna.

Voilà Joannès l'ichthyophage tel que les Chaldéens l'ont connu et décrit. Depuis sa transformation en agneau pascal, il peut manger son signe. Qui mange le Zib sur le Zodiaque ? L'Agneau. Qu'est-ce que le Verbe juif ? Le miel de Dieu. Vous avez vu tout cela quand le Baptiseur vous est apparu au Jourdain, mangeant des sauterelles, ce Zib du désert, et le miel ethnique[124]. Vous l'avez revu dans la pâque où Jésus rôtit les Cent cinquante-trois poissons au bord du lac de Génésareth, et revu encore chez le marchand de poisson et de miel dans l'Âne d'or[125].

Bar-Jehoudda devait manger le signe pendant mille ans[126], mais c'est lui au contraire qui, pareil à Jonas, son prototype assyrien[127], lequel s'était promis de manger le Zib de Ninive, avait été avalé et rendu après trois jours et trois nuits ! C'est bien le moins que dans cette séméiologie il le mange le quatrième jour, celui de la création du Soleil et qui répond aux Ânes dans la kabbale sabbatique du Zodiaque. Les restes du Zib, c'est mille ans moins trois jours ; les disciples sont bien partagés, à la condition toutefois que le Père ratifie la promesse du Verbe. Nous avons le regret de dire que telle n'était pas son intention, notamment en ce qui concerne Shehimon et Jacob senior à qui, quatorze ans plus tard, il a ôté le pain-Zib de la bouche avec un sang-froid remarquable.

 

Dans Matthieu, Jésus avec un mépris absolu pour ces compromettantes séméiologies, fait ce qui a été convenu dès les premiers temps : il a été dit qu'il précéderait les disciples en Galilée, c'est en Galilée qu'il va les attendre. Pour les mêmes motifs de prudence et de régularité, on n'a pas reporté dans Matthieu l'apparition aux onze, que Marc et Luc placent le soir du dimanche 18. Cet animal de Cérinthe ne s'était-il pas avisé de la placer le dimanche 25, sous le prétexte que Toâmin ne pouvait pas être présent avant ce jour-là ? Dès le moment que Toâmin n'était pas là le 18, son fils ne peut pas savoir ce qui s'y est passé.

MATTHIEU, XXVIII, 16. Cependant les onze disciples s'en allèrent en Galilée, sur la montagne que Jésus leur avait déterminée[128].

17. Et le voyant ils l'adorèrent ; quelques-uns néanmoins doutèrent.

Grands Dieux ! est-ce possible après toutes les preuves qui viennent d'être données ? Les quelques sceptiques qui refusent de se rendre à l'évidence ne peuvent être des apôtres, fait observer le Saint-Siège, puisque Thomas, qui seul avait douté de la vérité de la résurrection, en était alors pleinement convaincu ; mais quelques-uns des disciples qui se trouvaient là présents avec les apôtres, et dont le doute portait, non sur le fait de la résurrection, qui était indubitable, mais sur la personne même de Jésus-Christ.

C'est-à-dire sans doute sur la question de savoir si vraiment Bar-Jehoudda était consubstantiel ou non à l'Abbas.

MARC, XVI, 15. Et il leur dit : Allez dans tout l'univers, et, prêchez l'Évangile à toute créature.

16. Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé : mais celui qui ne croira pas, sera condamné[129].

17. Or voici les prodiges qui accompagneront ceux qui auront cru : ils chasseront les démons en mon nom ; ils parleront des langues nouvelles ;

18. Ils prendront les serpents et, s'ils boivent quelque poison mortel, il ne leur nuira point ; ils imposeront les mains sur les malades, et ils seront guéris.

MATTHIEU, XXVIII, 18. Alors, s'approchant, Jésus leur parla, disant : Toute puissance m'a été donnée dans le ciel et sur la terre.

19. Allez donc, enseignez foules les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ;

20. Leur apprenant à garder tout ce que je vous ai commandé : et voici que je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la consommation de l'Æon.

C'est-à-dire jusqu'à la fin du monde, dit le Saint-Siège. Nullement, mais jusqu'à la fin du cycle en cours, l'Æon-Zib, et c'est pourquoi il y eut en l'an mille un si bel accès de folie religieuse.

Ainsi Mathias, qui a été mis par l'Eglise au nombre des douze, est mort sans avoir vu l'Ascension. Au contraire, il a entendu que son oncle restait, avec lui jusqu'en l'an mille à compter de 789. Marc au contraire qui n'est point des douze, mais qui est fils de Shehimon, a vu son oncle monter au ciel et choisir sa place à la droite de Dieu. Qui croire de Mathias bar-Toâmin ou de Marcos bar-Shehimon ?

MARC, XVI, 19. Et le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut élevé dans le ciel, où il est assis à la droite de Dieu.

20. Et eux, étant partis, prêchèrent partout, le Seigneur coopérant avec eux, et confirmant leur parole par les miracles qui raccompagnaient.

 

XX. — SUPRÊME LEÇON DE FAUX.

 

Ce qui suit n'est que dans Luc. Revenant sur les procédés qui ont été appliqués dans la fabrication de ces Ecritures sataniques, Jésus y ajoute une chose qui manquait aux disciples : l'intelligence et l'exploitation de ces Écritures mêmes. Après le faux, l'usage de faux, n'est dans l'ordre.

LUC, XXIV, 44. Puis il leur dit : Voilà ce que je vous ai dit, lorsque j'étais encore avec vous[130] : qu'il fallait que fût accompli tout ce qui est écrit de moi dans la loi de Moïse, [dans les prophètes et dans les Psaumes][131].

45. Alors il leur ouvrit l'esprit, pour qu'ils comprissent les Écritures[132] ;

46. Et il leur dit : Il est ainsi écrit, et c'est ainsi qu'il fallait que le christ souffrit, et qu'il ressuscitât d'entre les morts le troisième jour[133] ;

47. Et qu'on prêchât en son nom la pénitence et la rémission des péchés à toutes les nations[134] en commençant par Jérusalem[135].

48. Pour vous, vous êtes témoins de ces choses[136].

49. Et moi, je vais vous envoyer le don promis de mon Père[137]. Vous, demeurez dans la ville[138], jusqu'à ce que vous soyez revêtus de la force d'en haut.

Comme conclusion à cette séméiologie ichthyophagique, les synoptiseurs ont réduit le premier chapitra des Actes des Apôtres qu'ils ont ensuite raccordé aven le dispositif de Luc.

50. Puis il les mena du côté de Béthanie ; et, les mains levées, il les bénit.

51. Et il arriva que, pendant qu'il les bénissait, il s'éloigna d'eux, et s'éleva au ciel.

52. Et eux, l'ayant adoré, revinrent à Jérusalem avec une grande joie.

53. Et ils étaient toujours dans le Temple, louant et bénissant. Dieu. Amen.

Ceci pour donner tous ses apaisements, comme on dit en Belgique, au très excellent Théophile à qui sont dédiés et l'Évangile dit de Luc et les Actes des Apôtres. Le très excellent Théophile a pu constater, dans ce dernier écrit, que le revenant de Joannès ne renonçait pas à l'ichthyophagie pendant les quarante jours qu'il Passe autour de Jérusalem, comme son ancêtre Jonas les a passés autour de Ninive.

 

XXI. — LA DESCENTE AUX ENFERS.

 

Pendant plus de soixante ans on avait dit que Bar-Abbas vivait encore, 'ayant échappé aux exécutions de Pila tus. Mais maintenant que dans l'Envoi de Pathmos il avouait avoir été mort[139] pendant vingt-quatre heures, la question se posait de savoir comment il avait employé le temps pendant lequel il avait été retenu par les liens de la mort, comme dit l'honorable Pierre dans les Actes des Apôtres[140]. Pour lui, la mort, c'est Satan ; il l'avait dit dans son Apocalypse. Il avait donc été au pouvoir de Satan depuis le vendredi Jusqu'au samedi soir. Satan l'avait donc emmené en enfer, séjour ordinaire des criminels. Jésus l'y avait suivi dans les mythologies valentiniennes et il l'y avait laissé. Nous avons donné cette scène ailleurs[141].

La descente aux enfers est dans le Symbole des Apôtres que l'Église dit avoir été enregistré au concile de Nicée en 325. Le christ est mort, a été enseveli et est descendu aux enfers. Ce voyage n'est dans aucun des Évangiles canoniques, mais il est dans l'Évangile valentinien. Ce n'est pas un voyage d'agrément, mais un voyage d'affaires, auquel les sept disciples de la première heure, Bar-Abbas surtout, étaient les premiers intéressés. Jésus était allé disputer leurs corps à Satan, comme autrefois dans l'Assomption du nouveau Moïse[142] il lui avait disputé celui de Jehoudda Panthora. Le devoir de Jésus, s'il tenait à rendre compte de l'emploi de son temps pendant cette journée, était donc de dire aux douze qu'il revenait des enfers et ce qu'il y avait fait. On ne comprend pas qu'il s'en abstienne dans les quatre Évangiles canoniques. En admettant que ce détail lui soit sorti de la tête, il a eu quarante jours devant lui sur le Mont des Oliviers pour réparer son oubli. C'est dans les Actes des Apôtres que devrait se trouver le récit de la descente aux enfers. Dès le moment que les Apôtres la mentionnent dans leur Symbole, c'est qu'ils l'ont apprise ailleurs que dans les Évangiles et dans les Actes. Comme elle n'est ni dans les Lettres de Paul ni dans les autres Ecritures du canon, ils ne peuvent la tenir que de Valentin. Bar-Abbas est descendu aux enfers, et les Apôtres ont raison de le dire dans leur Symbole ; il y est resté jusqu'en 362, date à laquelle il en est sorti, non pour aller s'asseoir à la droite de Dieu, mais pour servir de pâture aux animaux de Machéron. Cette date étant postérieure de trente-sept ans au Concile de Nicée, le Symbole des Apôtres n'a aucune valeur testimoniale en ce qui touche l'Ascension.

L'Ascension définitive, c'est-à-dire l'aveu que Bar-Abbas ne reviendrait qu'à la fin du Cycle en cours, fut l'œuvre de l'Eglise romaine. Encore fallut-il renoncer au chantage périodique du Renouvellement différé de jubilé en jubilé, puisque d'un seul coup l'Eglise prorogeait de mille ans l'échéance d'abord fixée à 789. Beaucoup de christiens refusèrent d'aller avec ce Jésus-la pour rester avec l'ancien, celui qui pouvait revenir d'un jubilé à l'autre, et dès lors ils devinrent hérétiques relativement à l'Eglise de Rome qui, du haut de son mensonge perfectionné, les considéra comme de la chair à Persécution. Elle les traita en conséquence, dès qu'elle eut assez de peuple à soulever contre eux.

 

 

 



[1] Cf. L'Évangile de Nessus.

[2] Sur l'intérêt de cette translation, cf. Les Marchands de Christ.

[3] Épilaboménoi, ayant pris.

[4] Sur cette croix, voyons le Saint-Siège : Les auteurs avaient émis les opinions les plus diverses sur la nature du bois ou des bois dont était formée la croix. Après l'examen scientifique de diverses reliques, on peut affirmer que le bois de la croix provenait d'un conifère, et on ne peut douter que ce conifère ne soit du pin. D'après l'opinion commune, l'instrument du supplice de Notre-Seigneur se composait d'un montant avec une traverse laissant passer la tête de la tige, comme l'usage de la représenter s'en est le plus généralement répandu. D'après une ancienne tradition, la hauteur du montant était de 4m80, et celle de la traverse, de 2m30 à 2m60.

[5] Dans ce dispositif Simon marche devant Bar-Jehoudda, il ne se substitue pas complètement à lui comme dans les versions primitives.

[6] Euron simplement. Simon n'est pas pris, on le rencontre.

[7] Simon n'est plus venu de Cyrène exprès pour la Grande Pâque, il a une maison de campagne et par conséquent une maison en ville.

[8] Et aussi son frère Lucius, sous le nom de qui on a mis l'Évangile dit aujourd'hui de Luc. Notez que cet Évangile est précisément le seul où l'on assure que Simon a été pris, et par conséquent crucifié avec Bar-Jehoudda.

[9] Cf. Le Gogotha.

[10] Cf. Le Saint-Esprit.

[11] Cf. Les Évangiles de Satan, première partie.

[12] Anticelse, II, 59.

[13] Néanmoins la sueur de sang de Jésus et l'ange qui le console au témoignage d'Hilaire : De Trinitate, l. II, ch. XII, dans beaucoup d'exemplaires grecs et latins. Photius (Epistolæ, la CXXXIIIe) constate que les Arméniens avaient fait disparaître cette image de leurs Évangiles selon Luc. Elle est outrée, et ne fait pas moins de tort à l'homme, s'il eût existé, qu'au dieu, s'il fût descendu. C'est une image de la même famille que les larmes versées par lui sur le sort de Jérusalem : larmes de pitié, sueur d'angoisse au souvenir de la Grande Pâque manquée. Jésus souffre avec son peuple, car les aigrefins qui ont refait les Évangiles ont beau dire, il n'en a qu'un. On avait retranché l'image de la sueur de sang, avec d'autres sans doute, à cause des objections qu'elle suscitait contre Jésus, les unes par la faiblesse de sa nature humaine, les autres par l'indécorum de sa nature divine. Pour le même motif on avait supprimé les larmes dans beaucoup de copies. Mais larmes, sueur de sang, ange consolateur, tout cela était dans les premières versions, au témoignage de Justin, d'Irénée, d'Épiphane, d'Hippolyte, de Chrysostome et d'Augustin.

[14] Ah ! ces diables d'enfants, si Dieu eût écouté Bar-Jehoudda, il n'y en aurait plus eu à partir du même jour, à six heures du soir !

[15] Emprunté à l'Apocalypse. Cf. Le Roi des Juifs.

[16] Sous Hadrien. Cf. Les Évangiles de Satan, 1re partie.

[17] Cf. Les Évangiles de Satan, deuxième partie.

[18] La double pierre du témoignage, écrite des deux côtés, dont est venu le surnom donné à Shehimon. Cf. Les Évangiles de Satan, deuxième partie.

[19] Ils ont bronché surtout aux temps hérodiens où les saducéens ont acceptés les païens et leurs offrandes dans le Temple. Mais ceux qui ont bronché le plus se nomment Hanan et Kaïaphas. Aussi comme les fils de Jehoudda, Ménahem surtout, ont traité les fils de ces deux grands-prêtres ! Cf. Le Saint-Esprit et Le Gogotha.

[20] Moïse sans doute et ensuite Jehoudda, le nouveau Moïse. Cf. Le Charpentier.

[21] J'en suis la racine, avait dit Bar-Jehoudda. Cf. Le Roi des Juifs. Et en effet il était fils de Jessé (Ischaï) par David. Cf. sa généalogie dans Le Charpentier.

[22] Tout ce qu'on a pu faire pour déguiser l'étymologie de Guol-golta, c'est de mettre crâne au singulier.

[23] I, 16.

[24] Cf. L'Evangile de Nessus.

[25] Cf. L'Evangile de Nessus.

[26] Exode, XII, 22.

[27] Psaumes, LI, 9.

[28] Nombres, XIX, 18.

[29] Cf. L'Évangile de Nessus.

[30] Nous en donnons les principaux passages d'après la traduction de M. Zadoc Kahn.

[31] Ce détail convenait bien à Bar-Jehoudda nazir.

[32] Jésus est innocent de tout ce qui a conduit sur la croix le fils de David.

[33] Au conditionnel dans la traduction de M. Zadoc Kahn, au présent dans toutes les autres.

[34] La phrase est passée dans Cérinthe, cf. L'Évangile de Nessus.

[35] Bar-Jehoudda était en état de jeûne de trois jours lorsqu'il fut crucifié. Cf. Le Charpentier.

[36] La pourpre lui est devenue cilice au prétoire.

[37] Voir la mascarade au chapitre précédent.

[38] Certes, il a tout le dossier !

[39] C'est ce qui a conduit à la similitude de Jonas.

[40] Pour la pâque du soir.

[41] Tout cela, comme vous voyez, est plein de bons sentiments.

[42] On a dit que ce mélange était un stupéfiant dont les Romains se servaient pour étourdir les patients. Qu'ils eussent l'habitude de donner du vinaigre aux patients, c'est possible, mais soyez certains qu'ils n'y mêlaient pas de myrrhe, substance précieuse qui ne se trouvait pas partout, dans toutes les mains, et qui semble avoir été rare en Palestine après le départ des Mages !

[43] De l'après-midi.

[44] Vous avez droit à cette note du Saint-Siège : Tantôt la victime était attachée par terre à la croix, qui était ensuite élevée avec son fardeau : tantôt la croix était d'abord dressée, et le condamné attaché avec des cordes, puis cloué. Le premier mode parait avoir été probablement employé sur le Calvaire. Les crucifiés étaient souvent fixés avec des clous placés au milieu des mains et aux pieds. Avant de clouer les pieds, on préparait le trou avec une broche. Ce que dit le Sauveur à saint Thomas (Jean, XX, 27), prouve qu'il avait les mains percées de clous. Les auteurs profanes qui se sont occupés du crucifiement, parlent toujours de quatre clous. Toutes les peintures grecques représentent Notre-Seigneur fixé sur la croix avec quatre clous. Le clou de la passion conservé à Notre-Dame de Paris, de 90 millimètres de longueur, n'a pas de tête ; sa pointe méplate est intacte. La forge en est grossière. Le clou que l'on voit dans la basilique de Sainte-Croix de Jérusalem, à Rome, a 120 millimètre de long, 8 millimètres ½ de grosseur à sa plus grande dimension ; et sa tête est couverte d'une espèce de chapeau creux au fond duquel il est rivé, comme on le voit à quelques clous antiques, à ceux par exemple de la Bibliothèque du Vatican.

[45] Écriture évoquée dans la Cène selon Luc. On la reporte dans Marc.

[46] S'il y avait un texte araméen de ce passage, on y lirait Abba.

[47] Donnons à ce propos la note de l'édition du Saint-Siège : Les trois premiers évangélistes n'ont pas rapporté mot à mot l'inscription ; ils n'en ont donné que le sens. Saint Jean est le seul qui l'ait littéralement reproduite, en nous apprenant qu'elle portait ces mots JÉSUS DE NAZARETH LE ROI DES JUIFS, écrits en trois langues, en hébreu ou araméen, en grec et en latin. L'église de Sainte-Croix de Jérusalem, à Rome, possède un fragment considérable du titre de la croix. C'est une petite planche de chêne, ou bien de sycomore ou de peuplier, de 235 millimètres de largeur sur 130 millimètres de hauteur, sillonnée de trous de vers. On y voit très distinctement deux restes d'inscription grecque et romaine, et, dans le haut, l'extrémité de quelques lignes courbes qui paraissent être ceux d'une troisième inscription en lettres hébraïques. La seconde inscription porte : NAZARENOUS (en caractères grecs), et la troisième : NAZARENUS RE. Les lettres sont légèrement en creux, comme si elles avaient été tracées avec un outil particulier dont les charpentiers se servent de nos jours pour marquer le bois, ou simplement avec une petite gouge. Elles ont 28 millimètres à 30 millimètres. Peintes en rouge sur un fond blanc ; elles devaient être très visibles à la hauteur où Ponce Pilate les fît placer. Les mots sont écrits au rebours, de droite à gauche, en suivant l'ordre du titre hébreu, et les lettres sont renversées, comme si on les voyait dans une glace. Le titre de la croix, dans son intégrité, devait avoir approximativement 65 centimètres sur 20.

[48] Les copistes qui nous ont transmis Philon se sont bornés à écrire Karrabas là où il y avait Barabbas. Cf. Les Marchands de Christ.

[49] Quand cela ? Où cela ? C'est donc bien le même homme qui remettait les péchés au Jourdain ? Tout en raillant ils rendent à l'Eglise le service de reconnaitre que Bar-Abbas avait le pouvoir de conférer le salut par le baptême. Mais en même temps, et cela nous touche davantage, ils constatent pour la millième fois l'identité du baptiseur et de Bar-Abbas. Triste !

[50] Il y a eu le Fils de Dieu, la suite le démontre.

[51] Je le suis. Devant le sanhédrin dans Luc.

[52] C'était sa prétention. Cf. Les Évangiles de Satan, deuxième partie.

[53] Là encore on a substitué christ à fils de Dieu.

[54] Que Bar-Abbas. C'est un honneur, et il se plaint ! Le Père n'est content.

[55] C'est vrai.

[56] Cela date l'imposture. Aujourd'hui, c'est le jour où écrit l'aigrefin. Pour le crucifié, aujourd'hui, c'est le 14 nisan. Or Bar-Abbas n'est allé en paradis que le cinquantième jour après la pâque. Cf. Les Marchands de Christ. Le voleur gracié est donc arrivé cinquante jours avant lui.

[57] Luc est le seul chez qui le voile se déchire avant le dernier cri du patient.

[58] Cf. L'Évangile de Nessus.

[59] Cyrille de Jérusalem (Treizième Catéchèse), constata que le Guol-golta montrait encore, dans la pierre brisée par endroits, les traces du tremblement de terre qui avait affecté la région au moment où Bar-Abbas rendit l'âme. Cette découverte du plus haut intérêt a fait son chemin, et plusieurs savants anglais ont conclu de la disposition inusitée des cassures, qu'elles ne pouvaient avoir été faites que de miracle, les commotions ordinaires n'en produisant jamais pareilles. Et beaucoup ont été confirmés dans leur foi par ces zigzags à contre-sens des veines de la pierre. (Millar, Histoire de la propagation du christianisme. Maundrell, Voyage d'Alep, et Shaw dans ses Voyages.)

[60] Cf. Les Évangiles de Satan, première partie.

[61] Cf. Les Évangiles de Satan, première partie.

[62] Salomé fut surnommée Myriam Magdaléenne à cause de la sœur de Moïse, qui s'appelait ainsi. Cf. Le Charpentier.

[63] Certes, et par ses alliances. Restée veuve, sa mère Cléopâtre avait épousé Hérode le Grand. Cf. Le Charpentier.

[64] Ces démons, car ils sont sept, sont ses fils.

[65] Substitué à Bathanéa.

[66] Son gendre, Eléazar, mari de Thamar. Cf. L'Evangile de Nessus.

[67] Le père de Jehoudda de Kérioth. Cf. Les Évangiles de Satan, deuxième partie.

[68] L'inventeur de la bouillabaisse alors ?

[69] Tartarin doit descendre d'elle.

[70] Soyons plus affirmatifs : Cléopas est une contraction de Cléopatras, nom égyptianisé qui veut dire de la tribu du Lion (de Juda). N'avons-nous pas vu la mère de Bar-Jehoudda, naissant du Lion dans l'Apocalypse, et ne savons-nous pas que le téo latin est dans l'hiéroglyphe de Kléopatra, reine d'Egypte ?

[71] Cf. Les Évangiles de Satan, 2e partie.

[72] Arimathie, d'après Eusèbe, est la Ramathaïm-Sophim, située dans les montagnes d'Éphraïm, non loin de Bethel. D'après saint Jérôme, c'est la Ramléh actuelle, à quelques kilomètres de Lydda, sur la route de Jaffa à Jérusalem. D'après une tradition, Joseph d'Arimathie fut un des soixante-douze disciples, et porta la foi en Grande-Bretagne. Note du Saint-Siège.

[73] Bouleutès uparkôn.

[74] Cette citation, donnée par le Saint-Siège, est de Thomas de Jésus.

[75] En tô cainô autou mnèmeiô, de manière à faire croire que c'était le tombeau dont l'Haramathas s'était précautionné pour lui-même.

[76] C'était la coutume, dit le Saint-Siège, de faire tailler dans le roc des tombeaux pour les personnes de considération. D'après la tradition, le tombeau de Joseph d'Arimathie était composé de deux chambres, taillées l'une et l'autre dans le roc, et dont la première servent de vestibule à la seconde, où avait été déposé le corps du Sauveur. Sainte Hélène, en préparant le terrain pour isoler le tombeau de Notre-Seigneur, placé aujourd'hui au milieu de la rotonde de l'église du Saint-Sépulcre, modifia la forme du monument et le rendit quadrangulaire. La première chambre du tombeau, nommée chapelle de l'Auge, parce qu'on croit que c'est là que l'auge annonça sue saintes femmes la résurrection du Sauveur, est une sorte de vestibule long de 3m45 sur 2m90 de large. On entre par une petite perte très basse, percée dans le mur ouest, dans la seconde chambre, appelée chapelle du Tombeau de Notre-Seigneur. Elle a 2m07 de long sur 1m93 de large. Des plaques de marbre blanc couvrent le roc naturel. Le tombeau proprement dit s'élève de 65 centimètres au-dessus du pavement ; il est long de 1m89 et large de 93 centimètres. Il est creusé en forme d'auge et adhérent aux parois ouest-nord et est-Les tombeaux, étant des grottes ou des édifices, sont fermés par une porte ou par une pierre. L'antique tombeau dit des Rois, près de Jérusalem, se ferme au moyen d'une pierre qui est ronde comme une meule de moulin et qui se roule devant la porte.

[77] Sur le commerce des linceuls il y aurait toute une étude à laite qui devrait, pour être complète, commencer par le procès d'Apulée ; Cf. Les Évangiles de Satan, première partie. Nous avons déjà signalé dans l'Évangile de Nessus, le prodigieux déploiement de lingerie que supposent les supputations des exégètes. Le suaire dont se servit Joseph d'Arimathie devait, dit le Saint-Siège, envelopper décemment le corps pour le porter au tombeau, indépendamment des autres linges nécessaires à l'embaumement dont parle saint Jean, XIX, 40 ; XX, 5-7. On honore à Cadouin (Dordogne) et à Turin le saint suaire de Notre-Seigneur. La longueur du saint suaire de Cadouin est de 2m81 ; sa largeur de 1m13. La pièce d'étoffe est entière, ayant une lisière sur les deux côtés larges et une bordure coloriée sur les deux côtés longs. Quant au suaire de Turin, c'est une pièce d'étoffe de quatre mètres environ de longueur, en lin un peu jauni par le temps et rayé comme du basin. De grandes taches, dont quelques-unes indiquent certainement la place de la tête, ne peuvent être attribuées qu'au sang divin dont ce saint suaire fut décoré. Le temps a fait dans le tissu des trous imperceptibles dont quelques-uns ont été réparés par les Princesses de Savoie. D'une autre pièce était le saint suaire de Chambéry, dont parle Rabelais dans Gargantua et qui fut dévoré par un feu allumé de la main même de Satan.

[78] Cf. Les Évangiles de Satan, 2e partie.

[79] C'est-à-dire le jour même du sabbat, dit le Saint-Siège. Les Juifs appelaient le vendredi la préparation du sabbat, parce qu'on y préparait à manger, ce qu'il n'était pas permis de faire le lendemain. C'est exact.

[80] Donc le samedi matin, second jour dans le nouveau dispositif.

[81] Cf. Les Marchands de Christ.

[82] Cf. L'Évangile de Nessus.

[83] Cf. L'Évangile de Nessus.

[84] Non, mais il est à Machéron.

[85] Dans Luc peut-être, mais dans Marc il n'a rien dit de pareil. Le synoptiseur reporte dans l'un ce qu'il a lu dans l'autre et qu'il croit utile à la cause.

[86] Il les nomme plus loin.

[87] Si nous avions un vieux texte araméen de ceci, nous y lirions Marân.

[88] Avis à ceux qui disent aujourd'hui que le caveau n'était pas dans le cimetière des criminels, mais dans le jardin privé d'un certain Joseph d'Arimathie.

[89] C'est entendu, il est à Machéron.

[90] On se décide enfin à l'avouer !

[91] Là-dessus tout le monde est d'accord avec l'ange de Bar-Jehoudda. Il est à Machéron. Demandez plutôt aux anges Shehimon et Cléopas !

[92] Ceci manque dans le dispositif de Marc et de Luc.

[93] Par conséquent, je ne vous le dis pas aujourd'hui pour la première fois. Ceux qui soutiennent cela sont des athées ou, ce qui est pis, des ennemis de l'Eglise.

[94] Toutes ces choses, sauf le transport à Machéron.

[95] En remplacement de Salomé, dont on regrette la présence dans certaines copies et qu'on enlève de celle-ci, car Salomé est le vrai nom de Myriam Magdaléenne. Il est inutile que le goy finisse par s'en apercevoir.

[96] Ils sont réduits à ce chiffre par la mort d'Is-Kérioth.

[97] Cf. L'Évangile de Nessus. Les écrits juifs du Moyen-âge contre le christ sont tels que l'Église eût pu les commander, c'est-à-dire d'une ineptie, d'une grossièreté et d'une ignorance qui les frappe d'impuissance. L'un des plus idiots est assurément le Tholadoth Jesu dont elle a fait la célébrité, beaucoup plus pour se moquer des Juifs que pour se défendre contre leurs calomnies. On y lit toutefois ceci qui pour être faux dans le fond n'en est pas moins précieux par le chiffre : Le sanhédrin déclara Jésus né d'un adultère, et exclu comme tel de l'assemblée d'Israël, ce qui fut publié au son de trois cent trompettes. N'est-il pas curieux que le chiffre de ces trompettes soit celui des deniers auxquels Cérinthe, par la bouche de Jehoudda Is-Kérioth, estime les parfums contenus dans le vase l'année 788 au moment où eut lieu le sacre. Et ne savons-nous pas que le jugement du sanhédrin fut rendu quelques jours après e chrisme ? Nous avons adopté le 5 adar, parce que le Talmud dit que la sentence fut affichée pendant quarante jours.

[98] La thélyptéride est la fougère femelle.

[99] Premier-né. Cf. Le Charpentier.

[100] Cf. Le Charpentier.

[101] Pour la circonstance Jésus redevient le revenant de Bar-Jehoudda, et il répète ce que l'ange de celui-ci vient de souffler aux femmes.

[102] Cf. L'Évangile de Nessus.

[103] Cf. L'Évangile de Nessus.

[104] Cf. L'Évangile de Nessus.

[105] Ils se sont remis de l'émotion du tremblement de terre.

[106] Les soixante-douze membres du Sanhédrin.

[107] Stratiôtais. Dans l'esprit de l'évangéliste, il s'agit de soldats mercenaires, qui pouvaient n'être pas Juifs et à qui par conséquent il était indifférent de violer la pâque en passant toute une journée et toute une nuit hors de la ville.

[108] Or Pilatus quitta la Judée à la fin de cette année 789 sans savoir que le corps de bar-Abbas eût été enlevé dans la nuit du 18. Et puis qu'est-ce que cela pouvait bien lui faire ? Nous l'avons expliqué déjà (Cf. Les Marchands de Christ), il n'y avait que les enleveurs qui fussent intéressés à propager le fait de l'enlèvement, car ils en tiraient leur argument principal, leur seul argument même, en faveur de la non-crucifixion de leur parent.

[109] Sur Ammaüs, Cf. Les Marchands de Christ.

[110] La Ville de David.

[111] De Nazareth, dans la traduction du Saint-Siège, toujours dans le but de faire croire à l'existence de Nazareth avant le huitième siècle.

[112] Les Paroles du Rabbi, contenant l'Apocalypse.

[113] Du reste du monde. C'est bien cela.

[114] L'aigrefin compte du vendredi, jour de la mort.

[115] Ces deux anges sont Shehimon et Cléopas eux-mêmes.

[116] Deux seulement, les deux enleveurs, réduits même au seul Shehimon dans Matthieu.

[117] Cf. L'Évangile de Nessus.

[118] Anticelse, II, 59.

[119] Anticelse, II, 55.

[120] Les soixante-douze au moins.

[121] Pardon à Cléopas aussi, et avant ces deux-là, à Myriam Magdaléenne.

[122] Mais pourquoi diable étaient-ils sortis de la ville, rompant ainsi la pâque ? Voilà ce qu'on se garde bien de leur demander.

[123] C'est en effet ce que l'Evangéliste leur montre.

[124] Cf. Les Évangiles de Satan, 2e partie.

[125] Cf. Les Évangiles de Satan, première partie.

[126] Cf. L'Évangile de Nessus.

[127] Cf. Les Évangiles de Satan, 2e partie.

[128] Il s'agit évidemment de Gamala.

[129] Ah ! le misérable !

[130] Cette journée même, sur la route d'Ammaüs, mais nulle part ailleurs, dans aucune autre circonstance et dans aucun autre Évangile.

[131] Cette source d'impostures est ajoutée. Il n'en parle pas sur le chemin d'Ammaüs, mais Valentin y avait tant puisé qu'il avait tracé la voie !

[132] Avant cela ils n'y comprenaient rien. L'Évangile n'est qu'un long coq-à-l'âne entre Jésus et les disciples, notamment Pierre.

[133] Cela n'est écrit nulle part, sinon dans ces turpides Écritures, après la Transfiguration et sur la route d'Ammaüs.

[134] Les nations, ce sont les goym. Devant Dieu il n'y n qu'un peule les Juifs.

[135] C'est-à-dire par le christ lui-même, le premier bénéficiaire de la fraude ourdie contre les nations, toutes les nations.

[136] Et quels témoins ! Rien que d'abominables gredins.

[137] Ce don, c'est l'Esprit, le Paraclet dont Jésus a parlé dans Cérinthe. Entendez l'art de rouler les goym jusqu'à ce qu'ils retrouvent la raison, si toutefois ils la retrouvent !

[138] Ajouté par un aigrefin qui ne s'est pas embarrassé une seconde du démenti que Jésus lui donne au verset suivant.

[139] Cf. Les Évangiles de Satan, première partie.

[140] Cf. Les Marchands de Christ.

[141] Cf. L'Évangile de Nessus et Les Évangiles de Satan, première partie.

[142] Cf. Le Charpentier.