LE MENSONGE CHRÉTIEN - (JÉSUS-CHRIST N'A PAS EXISTÉ)

 

TOME IX — LES ÉVANGILES DE SATAN (TROISIÈME PARTIE)

II. — L'ILLUSTRE BAR-ABBAS.

 

 

I. — TRANSLATION DE LYDDA À GETHSÉMANI ET POSTDATAGE[1] DE LA LIVRAISON DE BAR-JEHOUDDA.

 

Respectant la chronologie, l'infâme Cérinthe avait placé la livraison de Bar-Jehoudda dans la soirée du 13 au 14 nisan, jour de la préparation, se bornant pour les besoins de son thème à la transporter sur le Mont des Oliviers[2]. Les synoptiseurs ne pouvaient pas maintenir cette date, puisqu'ils avaient décidé que Bar-Jehoudda célébrerait la pâque et inventerait l'Eucharistie. Ils ont donc postdaté l'arrestation d'un jour.

Dans Cérinthe les gens du Temple opèrent l'arrestation avec des falots et des lanternes, comme s'ils ne s'étaient emparés de Bar-Jehoudda que la nuit du 14 commencée. Mais l'arrestation eut lieu de jour et le 13. Des environs de Lydda on suivit la voie romaine, la plus courte et la seule d'ailleurs qui permit la circulation d'un chariot escorté d'une colonne importante. On passa donc par Amwas Nicopolis, Kuryet (Kérioth) el Enab, et Ammaüs Kalonieh[3]. On entra dans Jérusalem par une des portes du nord-ouest. La distance à parcourir étant d'environ dix lieues, nous ne pouvons évaluer la durée du trajet à moins de huit heures, s'il a été fait à pied, de quatre à cinq heures, s'il a été fait chariot. Ce n'est donc pas l'arrestation qui a nécessité falots et lanternes, c'est la livraison.

Dans Cérinthe cette livraison est très rudimentaire. Les scènes de désespoir et de larmes, les agitations de la nuit, le sommeil trois fois interrompu de Joannès, de Pierre et de Jacob, rien de tout cela n'est encore inventé.' En revanche, Is-Kérioth qui connaît lui aussi le jardin des Oliviers substitué à l'Éden, — il était millénariste intégral, — y fait son entrée en véritable Douzième Æon. Il guide un chiliarque (qui commande à mille hommes), avec ses sergents, munis de lanternes, falote et armes : c'est donc bien un Æon qu'il représente et qui en livre un autre.

Il ne donne point le baiser qui trahit la personnalité du Seigneur[4]. Le baiser n'était pas encore le signal convenu. Jésus se porte à la rencontre des facteurs du Mille en action : Que cherchez-vous ? dit-il. — [Jésus] le Naziréen. — C'est moi. Et quand il leur dit : C'est moi, ils s'en vont à la renverse et tombent sur le sol, comme morts, en vertu de l'Apocalypse cil il est dit que nul ne peut supporter la vue du Seigneur. Cérinthe déploie tous ses efforts pour soulever sa fable au-dessus de la cruelle histoire. Il ne veut pas que le christ et ses frères aient fui devant Pilatus au Sôrtaba.

Jésus qui, dans une première allégorie, le Banquet, alarmé les crimes apostoliques, soutient ici que Bar-Jehoudda s'est livré lui-même, que sans cela il n'aurait pas été pris et que, si les disciples ont faibli sur le moment, ils se sont repris ensuite, à Lydda. Les frères et les compagnons du christ n'ont pas fui, Jésus en se livrant lui-même les a sauvés du déshonneur. Shehimon notamment s'est conduit avec une bravoure dont il a fallu modérer l'éclat. Il a tiré l'épée, il a coupé l'oreille droite de Saül ! Mais Jésus lui a dit : Remets ton épée au fourreau, ne dois-je pas boire la coupe que le Père m'a donnée ? Sur quoi, il a été entraîné et crucifié.

Dès le moment qu'il donnait à Jésus le rôle de Joannès et réciproquement, Cérinthe avait effacé la fuite des christiens devant Pilatus et introduit dans le thème, sous la figure de Judas, le Satan ou l'Esprit de monde qui, ayant arrêté le prétendant, se trouvait avoir livré le Fils de Dieu. Il avait été ainsi amené à rabatte sur le jardin des Oliviers, en noircissant l'un et en blanchissant l'autre, deux faits d'ailleurs bien établis : l'arrestation de Bar-Jehoudda près de Lydda et la fuite de tous ses compagnons. Ces deux faits, les synoptiseurs les ont encadrés dans la nuit du passage.

Quant à Jésus, sa situation chronométrique est tour jours celle que Cérinthe à déjà signalée à la date du 13 : Vous vous disperserez, me laissant seul. Sur les douze apôtres, onze ont déjà fui en tant que mois. Is-Kérioth subsiste, mais diminué de vingt-huit trentièmes. Quant aux soixante-douze disciples qui di joué jusqu'ici le rôle des demi-décans, il n'en est qu'us de vivant, le dernier, mais réduit des quatre sixièmes, et dans ce qui lui reste à vivre il fait corps avec le Kérioth. Jésus ne peut donc compter que sur lui-même.

 

II. — LE DOUBLE SIGNE RETOURNÉ CONTRE LUI-MÊME.

 

Dans le dispositif des Synoptisés le coq du 15 n'a pas encore chanté que voici la troupe conduite par Is-Kérioth avec épées et bâtons, mais sans falots et lanternes. Les onze disciples restés avec lui au pressoir dorment depuis neuf heures. Aucun n'a donné l'alarme, poussé jusqu'au trio formé par le christ et ses deux frères, crié au moins : Sauve qui peut ! Ils ont compté sur ces trois sentinelles. Mais le seul qui ait un tempérament de veilleur, c'est Is-Kérioth, et on a le droit de s'étonner que Jésus avec sa connaissance des hommes ne l'ait pas plutôt choisi pour faire le guet.

La théorie s'avance dans l'ordre des douze idoles de la maison d'Israël, telles qu'on les voyait peintes dans le Temple au temps d'Ezéchiel. En tête marchent les Sept fils de Jehoudda, jouant chacun le rôle d'un mois et d'une heure de l'année proto-jubilaire. Le reste est du remplissage, pour arriver jusqu'à Is-Kérioth, le grand premier rôle depuis qu'il a reçu trois décans (trente sicles), pour livrer le Signe de Dieu, l'Ieou-Shanâ-os au Temple. Dès le moment qu'il a vendu l'Ieou-Shanâ-os, il l'a jusqu'à ce qu'il en fasse la livraison, il est devenu titulaire du rôle du Zib par substitution au Joannès. Et je pense que, devant cette millième preuve, les exégètes tant savants et herméneutes tant diserts ne vont point nier l'identité de Joannès et de l'individu arrêté par Is-Kérioth

Depuis le 15 adar, ce n'est plus Jehoudda-bar-Jehoudda, natif de Gamala, qui est le Zib, c'est Jehoudda-bar-Simon, natif de Kérioth. Le signe qui était a la tribu de Juda, sans préjudice de l'Âne, est passé à Dan. Qu'est-ce que Jésus ne cesse de vous dire depuis le commencement ?  Commencement ? Que ceux qui étaient les premiers dans l'Évangile du Royaume sont devenus les derniers dans la fable et réciproquement. Il y a eu maldonne dans la distribution primitive. En la personne de Bar-Jehoudda, Juda s'était attribué le rôle du douzième Æon, il avait compté sans Dan à qui le Père réservait tout simplement le rôle du douzième mois et du trois cent cinquante-huitième jour. D'accord avec le Père le serpent de Dan[5] avait tout chambardé !

A part cette interversion séméiologique, les douze n'en sont pas moins la figure complète de l'année de la faillite, en même temps que celle du 13 nisan, jour de l'arrestation de Bar-Jehoudda. Ce sont les douze heures de ce jour fatal qu'on a transférées dans la nuit du 15. Ç'a été beaucoup plus facile que de transporter Bathanéa à Béthanie, et Lydda à Gethsémani. Qu'est-ce qu'une foi qui, après avoir transporté les montagnes et les plaines, ne pourrait plus transporter les dates et convertir les heures de jour en heures de nuit ?

Vous pouvez distribuer à qui il vous plaira les rôles des onze premières heures du 13, mais la dernière heure de liberté de Bar-Jehoudda appartient à le Kérioth : il n'est pas seulement le titulaire du douzième signe ; en fait il a été le maître de la douzième heure. A six heures du soir Bar-Jehoudda était arrêté.

Le dispositif le plus ancien est celui de Marc et Matthieu. Il est particulièrement curieux dans Marc, le seul où l'on lise que le signe de l'An de Dieu, l'Ieou-Shanâ-os, était commun[6] aux deux Jehoudda et qu'il  était double[7], ce qu'Is-Kérioth reconnaît en saluant deux fois le revenant du nom de Rabbi[8]. Le signe qu'Is-Kérioth avait donné aux gens du Temple, commandés par Saül, c'est celui dont on lui a distribué le rôle dans le thème, c'est le Zib ; et ce signe leur appartient depuis lin mois, puisqu'ils l'ont acheté son prix, trente pièces.

MARC, XIV, 43. Jésus parlant encore, Judas Iscariote, l'un des douze, vint, et avec lui une grande troupe, armée d'épées et de bétons, et envoyée par les princes des prêtres, et par les scribes et les anciens.

44. Or le livreur leur avait donné le signe commun : Celui que je baiserai, c'est lui-même[9] ; saisissez-le, et emmenez-le avec précaution.

45. Étant donc venu, il s'approcha aussitôt de lui, disant : Rabbi, rabbi, je vous salue ; et il le baisa[10].

46. Et eux mirent la main sur lui, et le saisirent.

MATTHIEU, XXVI, 47. Jésus parlant encore, voici que Judas, l'un des douze, vint, et avec lui une troupe nombreuse, armée d'épées et de bétons, envoyée par les princes des Prêtres et par les anciens du peuple.

48. Or celui qui le livra, leur donna le signe, disant : Celui que je baiserai, c'est lui-même ; saisissez-le.

49. Et aussitôt, s'approchant de Jésus, il dit : Je vous salue, Rabbi. Et il le baisa.

50. Et Jésus lui répondit : Ami[11], pourquoi es-tu venu ? Alors ils s'avancèrent, mirent la main sur Jésus et se saisirent de lui.

LUC, XXII, 47. Jésus parlant encore, voici venir une troupe ; celui qui s'appelait Judas, l'un des douze, la précédait ; et il s'approcha de Jésus pour le baiser.

48. Mais Jésus lui dit : Judas, c'est par un baiser que tu livres le Fils de l'homme ?

Le baiser, dit le Saint-Siège, était une manière de saluer usitée en Orient, en particulier de la part du disciple envers son maître ; mais, employé ici par le traître, il avait un caractère particulièrement odieux. Pas du tout, au contraire ! Is-Kérioth embrasse l'Agneau comme il le fait sur le Zodiaque et comme Bar-Jehoudda se le promettait si bien. C'est par un baiser que livres le Fils de l'homme, lui dit Jésus ?Comme diable voulez-vous que je fasse, eût pu dire Kérioth ? Je fais partie de trois thèmes : du thème du Monde comme Æon, de celui de l'année proto-jubilaire comme Mois, de celui du 13 nisan comme Heure. Je peux bien vous embrasser, puisque nous trempons dans le même plat ! Jésus accepte fort bien ce baiser zodiacal et dit en réponse : Ami, pourquoi es-tu ici ?Pour faire ce que vous me commandez, aurait pu répliquer Is-Kérioth, et aussi pour vous présenter ma note, car enfin vote nous devez au moins deux additions, à mon père et à moi, sans compter les herbes amères que je vous ai fournies ! Vous en aller comme vous faites, c'est de la grivèlerie toute pure ! De plus, votre frère cadet selon le monde m'ayant assassiné à la Poterie, la nuit dernière, vous avez donné au Temple le moyen dont il usera certainement de ne pas me payer mon mois !

La trahison de Judas est donc une chose laborieusement, minutieusement échafaudée, après de nombre tâtonnements, des variations pénibles. A l'exécution, elle devient impossible. Mais les scribes, ayant appliqué a Jésus le fond inglorieux de l'histoire du roi-christ abandonné par ses compagnons, il fallait bien rejeter sur quelqu'un tout l'odieux de la conduite commune. Bar-Jehoudda avait fui au Sôrtaba d'une manière telle qu'entre cette panique et la trahison pure il n'y a plus de place que pour les nuances. Non seulement Jehoudda-bar-Simon ne fut point le traître Judas, mais il ne l'est aujourd'hui que par homonymie : le seul traître qu'il y ait dans toute cette histoire s'appelait Jehoudda-bar-Jehoudda. Et c'est pourquoi on a sacrifié Jehoudda-bar-Simon, en vertu du principe que les évangélistes ont prêté à Kaïaphas : Il vaut mieux qu'un seul périsse pour le salut de tous.

 

III. — L'OREILLE DE SAÜL ET LE SPÉCIALISTE LUC.

 

Cérinthe avait mis en scène l'essorillement du prince Saül par Shehimon à Lydda[12]. Il ne pouvait prévoir qu'un jour viendrait où l'Église convertirait Saül en jehouddolâtre sous le nom de Paul. Au temps des synoptiseurs de Marc et de Matthieu on ne pouvait pas prévoir non plus qu'une pareille énormité serait nécessaire au succès de la mystification. Ils mentionnent encore l'oreille coupée, mais ils enlèvent et le nom de l'opérateur (Shehimon, petit-fils de Jacob)[13] et celui de l'essorillé, Amalech, fils d'Esaü[14], le nom d'Esaü ne convenant que trop bien à Antipater[15], dont Saül était l'arrière-petit-fils.

MARC, XIV, 47. Un de ceux qui étaient présents[16], tirant son épée, en frappa le serviteur[17] du grand prêtre, et il lui coupa l'oreille.

MATTHIEU, XXVI, 51. Et voilà qu'un de ceux qui étaient avec Jésus, étendant la main, lira son épée, et, frappant le serviteur du prince des prêtres, lui coupa l'oreille.

Le coup était conforme à l'esprit et même à la lettre de l'Apocalypse, où il est dit : Celui qui frappera de l'épée sera frappé de l'épée. Mais il prouvait qu'une résistance plus ou moins longue avait marqué l'arrestation de Bar-Jehoudda, que le prétendant était accompagné de gens armés, et armé lui-même, comme il convient à un individu surnommé le roi des voleurs. Or Jésus n'a accepté le rôle du revenant qu'à la condition qu'aucun coup ne serait porté soit contre le Romains, soit contre les gens du Temple. Il se tourne non pas vers Shehimon, mais vers Bar-Jehoudda, trop connue des Alexandrins sous le nom de bar-Abbas, et il l'invite à remettre bien vite son épée au fourreau, afin de n'avoir plus la mine d'un chef de brigands, mais celle d'un philosophe humanitaire, lors de sa comparution devant Pilatus.

MATTHIEU, XXVI, 52. Alors Jésus lui dit : Remets ton épée en son lieu : car tous ceux qui se serviront de l'épée, périront par l'épée.

Cette épée n'est plus celle de David. Jésus ne veut pas dire publiquement à Bar-Jehoudda qu'Is-Kérioth était sans doute en état de légitime défense lorsqu'il lui a mis la main dessus, et à Shehimon qu'il aurait pu s'illustrer autrement qu'en assassinant Is-Kérioth à la Poterie, car il y a des goym qui ont des oreilles, — de moins en moins toutefois, grâce aux prophéties et aux paraboles ! — et qui pourraient entendre. Mais il enferme Bar-Jehoudda dans un dilemme. Il lui laisse le choix ou d'appeler à la rescousse les Cent quarante-quatre mille anges, comme il est dit dans l'Évangile du Royaume, ou de révéler  toute la comédie qui se joue devant les gogoym. Ou il tiendra la parole qu'il lui a révélée, ou il sortira tout le dossier. Et pour prévenir une réponse favorable à la première alternative, il lance à son client un de ces traits diaboliques dont il a le monopole.

53. Penses-tu que je ne puisse pas prier mon Père, et ne m'enverra pas à l'heure même plus de douze légions d'anges ?

54. Comment donc s'accompliront les Écritures d'après lesquelles il doit en être ainsi ?

C'est évident ! Si le Père avait envoyé son Fils, les Douze Æons, les Trente-Six Décans et les Cent quarante-quatre mille anges à Lydda, Bar-Jehoudda aurait pas été pris et crucifié, et son Apocalypse se serait réalisée. D'autre part, si Jésus n'est pas pris el crucifié dans les conditions qu'il a acceptées lors de la Transfiguration, comment cette Écriture recevra-t-elle son accomplissement ? Puisque c'est à celle-ci qu'il faut satisfaire en la circonstance, autant réserver l'accomplissement de l'Apocalypse pour le jour où le fils de l'homme reviendra sur les nuées avec une grande puissance et une grande majesté. De cette façon, les aigrefins de Rome ne perdront rien pour attendre et ils auront le bénéfice des deux combinaisons.

C'était parfait, mais quand ils eurent décidé de convertir Saül à la jehouddolâtrie sur le chemin de Damas, il fallut lui remettre l'oreille, ce qu'ils avaient hésité à faire dans les Ecritures données par eux comme étant de Jehoudda dit Marcos, fils de Shehimon, et de Mathias, fils de Jehoudda Toâmin. On introduisit la chose dans l'évangile qu'on attribuait à Lucius, frère de Simon de Cyrène. Lucius cessa d'être cyrénéen, on glissa dans certaine Lettre aux Colossiens que c'était un médecin, disciple de Paul et non moins jehouddolâtre que l'intrépide apôtre des nations ! Le fait est que cet évangéliste mérite bien le titre médecin : c'est lui qui a recollé l'oreille du prince Saül !

LUC, XXII, 49. Or, ceux qui étaient autour de lui, voyant ce qui allait arriver[18], lui dirent : Seigneur, si nous frappions de l'épée ?

50. Et l'un d'eux frappa le serviteur du grand prêtre, et lui coupa l'oreille droite.

51. Mais Jésus, prenant la parole, dit : Arrêtez-vous ! Et ayant touché son oreille, il le guérit.

Désormais Saül, rentré en possession de son oreille droite, va pouvoir se consacrer sous le nom de Paul à la Propagande de la jehouddolâtrie. L'épisode de l'oreille coupée est donné dans Cérinthe comme s'étant passé le 13 nisan, et celui de l'oreille remise est donné par Luc comme s'étant passé le 15 ; on s'explique donc que Saül n'assiste pas à la Cène ; mais à partir du lendemain matin, il peut être converti en apôtre sur le chemin de Damas.

Jésus guérit de la main l'oreille de Saül. Donc si cette oreille avait été emportée, elle pouvait encore revenir en son emplacement primitif à la condition que Jésus s'en mêlât. Dans cet épisode funambulesque Luc laisse percer le bout de l'oreille lunaire. Est-ce donc la première fois que la lune joue son rôle dans les affaires de Jésus ?[19]

La veille même de l'apothéose nocturne par laquelle le Temple préludait à l'année nouvelle, la lune avait encore une brèche à l'orient, et le lendemain elle commençait à perdre un peu de son disque à l'occident, alors que l'astre du jour, n'ayant reculé que pour mieux sauter, préparait son triomphe aux dépens d'elle. Shehimon, en faisant tomber l'oreille droite du serviteur de la lune, marque la différence que Dieu a mise entre les deux astres. Il montre que son Maître peut couper les oreilles à la lune pleine, sans que celle-ci puisse riposter, et les lui remettre à sa guise. Il peut même continuer, à taillader son corps, quartier par quartier, sans qu'elle y puisse rien.

En emportant l'oreille droite, Shehimon a frappé Saül dans la partie de son individu qui ressemble à la quasi-pleine lune le soir du 13 nisan. Il l'a frappé d'une sorte de badelaire épais et recourbé, de cimeterre large et court en forme de lune après son dernier quartier. C'est proprement l'arme terrible des sicaires, là sique dont les christiens ont fait un sanglant emploi contre les gens du Temple. Personne au monde sinon Jésus n'est capable de remettre en place ce bout d'oreille hérodienne. Dès qu'il le veut, la lune reprend son plein,

Si vous préférez, lisant à la lettre, croire qu'un certain Jésus, dont l'inexistence est certaine, a remis à un nommé Amalech l'oreille droite que celui-ci avait, perdue le 15 nisan sur le mont des Oliviers, je ne m'y oppose pas, je tiens pour la liberté des cultes. Considérez toutefois que cette oreille est tournée du même côté que la brèche lunaire à la date du 13 nisan, c'est-à-dire du côte opposé à Rome, et que Bar-Jehoudda s'est assis à la droite du Père le 18 nisan. Donc si Saül n'avait pas repris possession auparavant de l'oreille tournée de ce côté, il n'aurait jamais pu entendre la voix du crucifié en allant de Jérusalem à Damas. Que, celui qui a des oreilles entende ! disait en son vivant le tant docte kabbaliste Bar-Jehoudda.

 

Ainsi c'est Luc qui a inventé Paul apôtre, et par contrecoup Paul apôtre qui a inventé Luc évangéliste. Mais c'est l'Église de Rome qui les a inventés tous les deux, car Luc est le seul évangéliste qui remette l'oreille de Saül, et Paul le seul apôtre qui nomme Luc parmi les compagnons de son apostolat.

Voici d'ailleurs ce que le Saint-Siège dit de ces deux agrégés à la jehouddolâtrie : Quant aux faits que Luc rapporte seul, et aux circonstances qu'il ajoute aux récits de ses devanciers, il a eu pour s'en assurer diverses autorités : 1° Saint Paul, si bien instruit de tout ce qui concernait le Sauveur, soit par ses révélations, soit par les rapports des premiers disciples. On sait[20] que saint Luc a longtemps vécu avec l'Apôtre, qu'il l'a suivi dans la plus grande partie de ses missions. Les premiers chrétiens étaient si persuadés de la part que saint Paul avait prise à la composition du troisième Évangile[21], qu'ils lui en faisaient honneur et que Tertullien l'appelle illuminator Lucæ. Mais l'illuminator Pauli, qui est-ce, sinon Luc ? Paul a donné à Luc les yeux avec lesquels celui-ci a vu Jésus lui remettre son oreille, mais qui a rendu à Saül l'oreille avec laquelle Paul a entendu la voix de Bar-Jehoudda sur le chemin de Damas ?

 

IV. — ROI DES VOLEURS.

 

C'est de l'histoire, condensée dans la Réplique du Rabbin[22], que Celse tirait l'indubitable fait de la fuite Bar-Jehoudda, errant ça et là pour se soustraire à l'arrestation. Transportée de l'Occident à l'Orient, transfigurée par Jésus, cette fuite devient une marche prophétisée et comme la première étape vers un sacrifice librement consenti. Aussi l'Eglise peut-elle dire, avec quelque apparence de raison, que la fuite de Bar-Jehoudda est une de ces inventions comme en inspirent seuls la haine et le dénigrement. Elle fait observer que Jésus ne se cache pas, ne cherche pas à se cacher, qu'il enseigne tous les jours et publiquement dans le Temple, allant ainsi au devant des sergents, qu'il se nomme de lui-même à ceux qui le cherchent sur le Mont des Oliviers, qu'il ne veut pas être défendu, demandant qu'on laissât aller ses disciples, qu'on ne retienne que lui, victime innocente des Juifs méchants et aveugles[23]. Et l'auteur du Dialogue avec Tryphon insiste : Aucun, dit-il, pas même un seul[24], ne voulut le secourir lors de son arrestation, mais tous l'ayant désavoué, s'enfuirent[25]. Mais en dépit de toutes ces précautions, le qualificatif de roi des voleurs planait inexorablement sur la mémoire de l'homme qui s'était dit christ.

En vain Jésus avait-il rejeté le mot sur le sanhédrin en lui disant qu'il avait transformé le Temple en une caverne de voleurs.

Ceux qui avaient infligé cette destination à la maison de Dieu, c'étaient les disciples de Jehoudda. C'est pourquoi Bar-Jehoudda ressortissait à la police ; son arrestation avait été d'autant plus régulière que sa tête était à prix depuis quarante jours.

MARC, XIV, 48. Alors prenant la parole, Jésus leur dit : Vous êtes venus comme à un voleur, avec des épées et des bâtons, afin de me prendre[26].

49. J'étais tous les jours parmi vous, enseignant dans le temple, et vous ne m'avez point pris : mais c'est pour que les écritures s'accomplissent.

Quelles Ecritures ? Celle-là même, où Jésus dit que Bar-Jehoudda fut mis au rang des scélérats par le sanhédrin, et (en dehors des histoires disparues) le Talmud, où il est dit qu'arrêté près de Lydda, il fut crucifié la veille de la pâque[27]. Aussi a-t-on jugé bon historiques dans Matthieu que les écritures en question ici, historiques et talmudiques, étaient celles de vagues prophètes dont on néglige de nous donner les noms, car où sont les prophéties qui annoncent l'arrestation de Bar-Jehoudda par les sergents de Saül la veille de la comédie eucharistique ?

MATTHIEU, XXVI, 55. En cette heure-là[28], Jésus dit à la troupe : Vous êtes sortis comme contre un voleur, avec des épées et des bâtons, afin de me prendre ; j'étais tous les jours assis parmi vous, enseignant dans le temple, et vous ne m'avez point pris.

56. Or tout cela s'est fait pour que s'accomplissent les Écritures des prophètes[29].

Ayant observé que des gens armés d'épées et de bâtons n'avaient peut-être pas la compétence nécessaire pour apprécier de telles déclarations, et qu'au surplus cet assemblage de gendarmes et de paysans caractérisait toute l'affaire, Luc donne à Jésus un auditoire plus relevé. Car enfin ces gendarmes sont en service commandé, et ces paysans se sont armés pour leur défense, tandis que, si Jésus s'adresse aux princes des prêtres, aux officiers du Temple et aux membres du sanhédrin, et qu'aucun d'eux ne proteste, il sera acquis que tous ces suifs ont agi contre un innocent comme on agit contre un bandit ou contre un loup.

LUC, XXII, 52. Puis Jésus dit à ceux qui étaient venus vers lui, princes des prêtres, magistrats du temple et anciens[30] : Vous êtes sortis comme contre un voleur avec des épées et des bâtons.

53. Quand j'étais tous les jours avec vous dans le temple, vous n'avez pas mis la main sur moi ; mais voici votre Heure[31] et la Puissance des ténèbres[32].

De là les lanternes, les falots et les torches dont sont munis les gens du Temple dans Cérinthe. Sans la lumière du soleil ce sont des infirmes réduits à s'éclairer par des moyens anormaux et fort aléatoires. On n'a pu songer à attendre le matin, car Jésus eût été levé, et levé il eût produit cette lumière pendant laquelle les gens du Temple, en cela héliocoles, recommençaient à l'adorer. Quand il parait, tous tombent à terre comme assommés, et en effet ils le sont, car nul, pas même Moïse, n'a pu soutenir l'éclat de ces yeux dont la flamme illumine le monde. Tous ont reconnu leur Maître, tous ont lu l'Apocalypse à l'endroit marqué.

Au contraire la mauvaise renommée de Bar-Jehoudda a persisté comme un miasme, imperméable à toutes les ruses de l'Église ; la tradition arabe, héritière de la tradition locale, dit aujourd'hui que lors de son retour le christ tuera l'antéchrist devant la porte de Lydda ; et au Moyen-âge déjà, toute une partie de Nicopolis, première étape après Lydda, était dénommée Latrôn[33], à ce point qu'on en fait aujourd'hui le pays natal des deux larrons crucifiés avec leur roi[34].

 

V. — LA FUITE DES DOUZE ET LA RÉTROGRADATION[35] DE JÉSUS.

 

MATTHIEU, XXVI, 56. Alors tous les disciples, l'abandonnant, fuirent.

MARC, XIV. Alors ses disciples, l'abandonnant, s'enfuirent tous.

Les synoptiseurs de Marc et de Matthieu ont réveillé les onze disciples couchés au pressoir, d'où ils peuvent sortir maintenant qu'il fait jour. Mais dans Luc on a complètement oublié de délivrer ces malheureux, de sorte qu'en cherchant bien on les retrouverait peut-être à la place où ils se sont endormis, sauf Pierre dont 0 ne peut effacer la présence[36] dans la cour du Hanôth Is-Kérioth dont le cadavre gît à la Poterie, les entrailles débordantes.

Car enfin tout cela est très joli, et le rôle d'Is-Kérioth concentre tous les regards. Mais qu'est devenu se corps entre l'arrestation qui a eu lieu à Lydda, et la livraison aux Romains qui a eu lieu dans le prétoire ? Pourquoi est-il présent à l'une qui s'est faite avec épées et bâtons, et absent de l'autre qui s'est faite avec un appareil plus réduit ? D'où vient qu'immédiatement après l'arrestation il disparaît de la terre ? Aurait-il été assumé par Jésus avant Bar-Jehoudda ?

 

Ombres employées dans une allégorie astrologiques, les onze compagnons d'Is-Kérioth, après le repos qu'ils ont pris au couchant sur le plan terrestre, retournai au levant, car il n'est pas douteux que Jésus ne les précède après la troisième veille[37]. La nuit de l'équinoxe, elles sont au couchant, tandis que veille celui qui Id conduit. Le jour levé, elles vont au levant, tandis que celui qui les conduit est arrêté. Le phénomène de la rétrogradation du Soleil est décrit aussi clairement qu'il peut l'être avec des pions maniés sur l'échiquier. Contrairement à la raison, les disciples marchent pendant que le Maître est immobilisé. On ne pourrait s'y prendre autrement pour représenter un équinoxe juif au théâtre. Il s'en est fallu d'un équinoxe que Jésus ne vint en 789, et les douze ont repris dans la lumière diurne leur course un moment contrariée par la rétrogradation de leur maître. Dans ce thème, Jésus révise les calculs optimistes qui avaient amené Joannès à prédire le Renouvellement du monde pour le 15 nisan. Jésus est chaque année retardé par un obstacle qu'il tourne, mais qu'apparemment il ne veut pas détruire.

Quant à la fuite des douze, ce n'est pas l'acte infamant et spontané d'hommes qui manquent à leur devoir en abandonnant leur maître, c'est la fuite naturelle et patiente des temps au bout desquels Israël rencontrera la délivrance et sera mis en possession de la terre.

Oui sans doute, la Grande journée n'est pas venue, ni le Royaume. Le Temps et l'Heure semblent avoir trahi la Judée depuis le jour maudit où Rome lui a mis le pied sur la poitrine et planté le fer dans la gorge. Toutes les heures ont fui, amies et ennemies, mais le Seigneur est éternel. Jamais le christ et ses frères n'ont donné sur le Mont des Oliviers le plus grand exemple de couardise qui ait été proposé à la méditation des hommes. Pas un mot de reproche contre le Temps et contre les Heures quand Jésus les revoit après sa résurrection. De leur côté, pas un mot d'explication. La pièce est un succès. Quand on se retrouve, c'est mieux qu'un souper de centième, mieux qu'un souper millième, mieux qu'un souper de cinq millième[38].

 

VI. — BARBILÔ LA SANGSUE ET L'HOMME TOUT NU.

 

On entraîne Jésus au supplice.

Si quelque larme furtive voile l'azur de vos yeux, essuyez-la, madame. Jésus est en sûreté. Ne vous indignez plus contre les douze. Jésus n'a pas besoin d'eux pour se tirer d'affaire.

MARC, XIV, 51. Un homme grand[39] le suivait, couve seulement d'un vêtement blanc sur sa nudité[40] et ils saisirent de lui.

52. Mais, laissant le vêtement blanc, il s'enfuit [nu][41] d'au milieu d'eux.

Qui s'échappe ici ? L'homme fort ou Jésus ? Jésus madame. Les gens de Saül n'ont devant eux qu'un homme vigoureux, nu du haut jusques en bas et qu'ils emmènent. Quant au vêtement, il a été apporté du ciel par Barbilô la Sangsue. (Extrait des Mystères de Jérusalem par Pontius du Terrail et Kaïaphas de Montépin. La suite au prochain numéro.) Dans ce vêtement de lumière où les hérodiens ne voient que du feu Jésus drape son corps selon le monde, il échappe à la police, et à sa place on entraîne un homme tout nu.

Oh ! je le sais, ce n'est pas l'avis des exégètes et des herméneutes ! Et plusieurs au dire du Saint-Siège croient que le jeune homme[42], dont Saint-Marc est le seul à parler, était Marc lui-même. Beaucoup, et l'Infaillible est avec eux, pensent aussi que le vêtement est une espèce de chemise de nuit couvrant presque entièrement le corps. Mais si vraiment Jehoudda dit Marcos, fils de Shehimon, avait mis sa chemise de nuit pour mieux dormir au pressoir d'huile, pendant que son oncle et parrain agonisait sur la croix, il faudrait admettre que le sens du confortable l'emportait chez lui sur la vocation du grand reportage.

Ce vêtement n'est donc point une chemise de nuit, mais un voile comme on en emploie dans les séances de spiritisme. Jésus le prend des mains de Barbilô[43] la Sangsue. Mais il ne le prend que pour rendre invisible son corps selon le monde, Bar-Jehoudda, avec lequel il se confond depuis la Transfiguration, où de rouge ce vêtement est devenu blanc. Autrement il y aurait là trois personnes : Jésus vêtu de blanc, Bar-Jehoudda de pourpre, et un homme tout nu. Dans l'intention de l'évangéliste, celui qu'on arrête n'est ni Jésus ni même Bar-Jehoudda, puisqu'il a été convenu en 789 que celui-ci avait échappé aux exécutions, c'est Simon de Cyrène, le seul dont on ait dit que les romains l'avaient crucifié à la place du roi-christ.

Il résulte, en effet, des Ecritures  que Jésus n'avait pas moins de trois vêtements à sa disposition, deux avec lesquels il s'était produit dans le monde de l'humanité[44] jusqu'à son arrestation, et troisième qu'il avait laissé dans l'infini d'où il était sorti, et qui ne lui fut envoyé[45] qu'après le moment où il était assis avec les disciples au bord du chemin du Mont des Oliviers, c'est-à-dire à Gethsémani.

Il avait évidemment beaucoup plus de trois vêtements, et à la vérité je ne pense pas qu'il pût en avoir moins de sept, mais pour patienter jusqu'aux Ânes de 789 Bar-Jehoudda n'en avait pas besoin de plus de trois. Le Père devait les lui envoyer au fur et à mesure des temps fixés pour chacun d'eux[46], et c'étaient des vêtements lumineux d'un éclat insupportable à des hommes recouverts d'une peau ordinaire. Mais hommes-là devenaient, hommes de lumière par millénarisation. Déjà, en ses Odes, Salomon avait cru s'apercevoir qu'il était l'objet d'une transfiguration de ce genre : J'ai été délivré des liens, ô Seigneur, car tu as été à ma droite, me suivant et me donnant la main... J'ai été méprisé en présence d'une foule et l'on m'a chassé, j'ai été comme du plomb en leur présence mais une vertu m'est arrivée de ta part, car tu as placé des lampes à ma droite et à ma gauche, afin que nulle partie de mon être ne fût sans lumière, et je suis devenu le dessus des tuniques de poil[47]. Qu'est-ce que le dessus des tuniques de poil ? Jehoudda Toâmin, frère et secrétaire de Bar-Jehoudda, va nous le dire ; il entend toutes choses merveilleusement, car, dit-il, mon homme de lumière a des oreilles[48]. Or son homme de lumière, c'est-à-dire son être éclairé par l'Esprit-Saint, entend que l'homme devenu le dessus des tuniques de peau est l'homme purifié de toutes les matières lourdes qui sont sous les tuniques, et par conséquent élevé au-dessus d'elles par la lumière[49].

Simon de Cyrène était sans doute un vaillant, mais il ne pouvait pas devenir lumineux sans l'intervention du fils de David. Celui-ci n'ayant pas été millénarisé, Simon tombe dans la même disgrâce, mais il a une consolation au milieu de son infortune, les Romains n'auront que sa peau. D'ailleurs il n'est nu que selon le monde. Est-ce que Bar-Jehoudda n'était pas nu avant que les Arabes ne précipitassent dans le lac de Génésareth les deux mille Gaulois d'Antipas ?[50] Est-ce que le même Bar-Jehoudda, Shehimon et autres ne sont pas nus quand ils célèbrent la pâque aux poissons dans leur barque ? Cela ne les empêche pas d'avoir aujourd'hui leurs vêtements d'assomption. Simon n'est donc nu que pour la galerie hérodienne, uniquement composée de gens qui ont des yeux pour ne point voir et des oreilles pour ne point entendre, sauf Saül qui désormais est pourvu de tous ces organes, depuis qu'il a récupéré son oreille droite et que les écailles lui sont tombées des yeux[51].

Il semble bien d'après tout cela que Simon le Cyrénéen était de l'affaire sinon depuis le Sôrtaba, du moins depuis Lydda, que son arrestation a coïncidé avec celle du roi des voleurs, et qu'elle a été postdatée pour permettre à celui-ci, mué en Jésus, de célébrer la pâque. Quant à l'intervention de Barbilô la Sangsue, elle provient d'un écrit très ancien où Jésus ne mange encore aucun agneau. Dans cet écrit il n'attend pas que Bar-Jehoudda soit au pied de la croix pour se retirer lui, comme il le fait dans Cérinthe[52], il s'en retire non-seulement avant la crucifixion, mais encore avant l'arrestation.

 

VII. — CONVERSION DU HANOTH, PRISON, EN HANAN, EX-GRAND-PRÊTRE.

 

Bar-Jehoudda fut incarcéré dans le Hanôth, où il l'a été déjà deux fois, et d'où il s'était évadé la seconde, après avoir été fouetté avec tous ses frères[53]. Le Hanôth était, comme nous l'avons dit, situé à l'angle nord-est du Temple, à côté de la salle du Sanhédrin, dans le quartier des marchands.

Chien, — et même pourceau, car le sentiment ethnique nous ordonne de nous identifier aux deux mille Gaulois précipités dans le lac —, encore mal habitué aux ruses , ce gibier — de potence, — nous avons cru sur la foi  Cérinthe qu'il avait été mené chez Hanan[54], grand-prêtre au temps du Recensement de 760. Mais il ne faut Pas confondre Hanan, qui très probablement était mort, avec Hanôth qui était la prison du Temple. Par un mot très maladroit de Shehimon, en réponse â la Prophétie où Jésus lui annonce son triple reniement, noua savons qu'entre son transfert à Jérusalem et sa crucifixion Bar-Jehoudda fut mis dans une prison. Shehimon promet de l'y suivre, il ne l'y a pas suivi, quoique rien ne l'en empêchât, et c'est en cela que consiste son reniement. Mais il reconnaît le fait de l'emprisonnement de son frère pendant la nuit du 14, et nous allons avoir tout à l'heure confirmation que le juif consubstantiel au Père a été prisonnier du Sanhédrin avant d'être conduit au prétoire de Pilatus.

Il est donc certain qu'il n'y avait pas Hanan dans le texte original de Cérinthe, mais Hanôth. Hanôth est devenu Hanan, comme dans le même chapitre le torrent du Cédron est devenu celui des Cèdres et Amalech Malchos, et comme au chapitre suivant Joseph l'Haramathas est devenu Joseph d'Arimathie. On avait mené Bar-Jehoudda prôs Anôton, au Hanôth, et non prôs Annan prôton, à Hanan premier[55], comme on le dit aujourd'hui. On a coupé Annas en deux pour en faire An[nas pr]ôtos, aux deux extrémités duquel nous retrouvons les syllabes initiale et finale du mot Anôtos dont le sens topographique a paru de fort mauvais aloi. Après quoi on a ajouté cette glose absurde que, si on avait mené Bar-Jehoudda chez Hanan au lieu de le mener au Hanôth, c'est parce qu'Hanan était le beau-père de Kaïaphas, le grand-prêtre de cette année-là[56]. Mais à supposer qu'Hanan fût encore de ce monde le 14 nisan 788, c'eût été un bien vilain tour à lui jouer que de déposer le roi des voleurs dans la maison où ce pontifical vieillard achevait ses jours[57]. Ce n'est pas Hanan, c'est Kaïaphas qui mène toute l'affaire, et si le Quatrième Évangile est le seul aujourd'hui qui nomme Hanan, c'est parce que seul à l'origine il faisait mention du Hanôth.

Il est inadmissible qu'on ait déposé le prisonnier ailleurs que dans le Hanôth. La troupe qui avait été envoyée à Lydda sous le commandement de Saül était casernée dans le quartier du Sanhédrin. Elle a déposé son homme dans la prison dont elle avait ordinairement la garde et où il avait déjà été enfermé avec Shehimon. C'est ce qui explique que celui-ci y soit allé tout droit, quoiqu'il suivit la troupe à une distance qui ne lui permettait pas de savoir à quel endroit précis elle allait. Bar-Jehoudda fut incarcéré où devait l'être un individu condamné à mort depuis quarante jours, mais les évangélistes ne pouvaient décemment pas mener le revenant au Hanôth sans avouer qu'il y avait contre lui un jugement datant du 5 adar. Jésus est innocent, lui, encore plus innocent que l'enfant qui vient de naître, car il ne connaît même pas la tache originelle. C'est pourquoi les synoptiseurs le conduisent dans la demeure particulière de Kaïaphas, qui envoie chercher les autres membres du Sanhédrin pour instruire nuitamment ce cas inattendu.

Bar-Jehoudda était coupable aux yeux des hommes, mais il a pâti pour la Loi, cela suffit. Et puisque Jésus a passé sur Jérusalem à cette pâque comme à toutes les autres, il répondra devant Kaïaphas et devant Pilatus pour celui dont il a fait par transfiguration l'agneau sans tache.

Mais devant Kaïaphas il comparaîtra libre de liens, il passera, gardé à vue dans la cour du Hanôth, la nuit que Bar-Jehoudda passa, lié dans l'intérieur de la prison.

 

VIII. — LES TROIS RENIEMENTS DE SHEHIMON.

 

Le dispositif de Luc est le plus ancien des synoptisés, car il ne mentionne pas la réunion nocturne, donc imaginaire, du sanhédrin chez Kaïaphas[58].

LUC, XXII, 54. Se saisissant donc de Jésus, ils l'amenèrent à la maison du grand-prêtre ; mais Pierre le suivait de loin.

55. Or, un feu ayant été allumé au milieu de la cour, et s'étant assis autour, Pierre se trouvait au milieu d'eux.

Comme on ne pouvait pas avouer que la condamnation était parfaitement justifiée, parfaitement régulière, qu'elle ne remontait guère à moins de quarante jours pendant lesquels la tête du condamné était à prix, Marc et Matthieu ont assemblé tout le sanhédrin dans la maison de Kaïaphas pour juger l'innocent Jésus.

MARC, XIV, 53. Cependant ils amenèrent Jésus chez le grand-prêtre, où s'assemblèrent tous les prêtres, et les scribes, et les anciens.

54. Pierre le suivit de loin, jusque dans la cour du grand-prêtre ; et il était assis près du feu avec les serviteurs, et se chauffait.

MATTHIEU, XXVI, 57. Mais les autres, se saisissant de Jésus l'emmenèrent chez Caïphe, prince des prêtres, où s'était assemblés les scribes et les anciens du peuple.

58. Or, Pierre le suivit de loin, jusque dans la cour du prince des prêtres ; et y étant entré, il s'assit avec les serviteurs, pour voir la fin.

Simple curiosité, comme on voit, badauderie, noctambulisme.

D'après la tradition, dit le Saint-Siège, la maison de Caïphe, soit que ce fût sa propre maison, soit que ce fût celle des grands prêtres, était sur le mont Sion, dans la ville haute, à l'endroit où est aujourd'hui le petit couvent qui appartient aux Arméniens. Ce couvent occupe un emplacement triangulaire, en dehors de la porte actuelle qui porte le nom de Bab-es-Sioun ou porte de Sion. On remarque au milieu une petite cour. C'est là, croit-on, que saint Pierre se trouvait pendant qu'on jugeait son maître, et qu'il le renia trois fois ; Nicéphore nous apprend que sainte Hélène avait bâti en ce lieu une église dédiée au prince des apôtres. Cette tradition nous oriente ou plutôt nous désoriente vers sud-ouest de Jérusalem. Mais la maison de Kaïaphas a trop souvent changé d'endroit, au gré des intérêts ecclésiastiques ou simplement conventuels, pour qu'on puisse adopter l'emplacement indiqué par le Saint-Siège. D'ailleurs ce n'est pas la maison de Kaïaphas qu'il eût fallu chercher, c'est celle de Hanan. Mais comme on l'eût infailliblement trouvée là où était le Hanôth, nu n'a jamais dirigé d'investigations de ce côté. On n'y a même jamais songé, la personne du grand-prêtre de 760 étant complètement étrangère à la question, peut-être même absente du Quatrième Évangile, au moment où ont commencé les recherches. C'est seulement après avoir établi le texte des synoptisés dans sa teneur actuelle qu'on a remplacé Hanôth par Hanan. Encore a-t-on été obligé, pour donner un rôle à ce nouveau personnage, de glisser dans le vieil écrit de Cérinthe : Hanan l'envoya (Jésus) lié à Kaïaphas[59]. Ce raccord a l'avantage d'écarter l'idée de Hanôth, mais il a l'inconvénient de mettre au premier plan le rôle de Hanan, dont il n'est parlé dans aucune autre version, quoique les synoptiseurs lui attribuent ici l'initiative hardie d'avoir fait lier Jésus avant de l'envoyer au grand-prêtre de 788. Si Bar-Jehoudda eût été déposé chez Hanan, il l'eût été lié. De même, s'il eût été déposé chez Kaïaphas.

Toutes réserves faites sur l'authenticité de la narration dite du Pèlerin de Bordeaux, et sur l'âge qu'on lui attribue (quatrième siècle), c'est la seule tradition qui ne s'écarte pas volontairement de la vérité topographique. Elle dit que la maison de Kaïaphas était située à l'Est entre la montagne de Sion et Siloé, par conséquent au sud-est. Mettons nord-est et nous y voilà. On y montrait la colonne de la flagellation, ce qui est faux, de la seconde flagellation, puisqu'elle a eu lieu au prétoire, mais pouvait être vrai de la première qui avait eu lieu au Hanôth. Toutes les traditions relatives à cette maison sont fausses, mais il y a des degrés ; celle de l'Infaillible est naturellement la plus fausse.

 

Dans Cérinthe la scène historique où Shehimon reI4 trois fois son frère embrasse les trois veilles de la nuit[60]. De plus c'est un parent de Saül, très probablement son frère Costobar, qui reconnait Shehimon pour être le coupeur d'oreille de Lydda. On a supprimé fâcheux témoin d'un épisode gênant.

Le plus ancien dispositif est celui de Marc, où l'on avoue que Shehimon était dans la cour bien avant troisième veille (trois heures du matin).

MARC, XIV, 66. Et pendant que Pierre était en bas dans la cour, vint une des servantes du grand prêtre ;

67. Et lorsqu'elle eut aperçu Pierre qui se chauffait, le regardant, elle dit : Toi aussi tu étais avec [Jésus] le Naziréen.

68. Mais il nia, disant : Je ne sais ni ne connais ce que tu veux dire. Et il sortit devant la cour, et un coq chanta[61].

69. Or, la servante, l'ayant encore vu, dit à ceux qui étaient présents : Celui-ci est un d'entre eux.

70. Mais il le nia de nouveau. Et peu après, ceux qui étaient là disaient à Pierre : Tu es certainement un d'en eux, car tu es aussi Ga[li]léen[62].

71. Alors il se mit à faire des imprécations et à jurer : Je ne connais point cet homme que vous dites.

72. Et aussitôt un coq chanta encore[63]. Et Pierre se ressouvint de la parole que lui avait dite Jésus : Avant qu'un coq chante deux fois, tu me renieras trois fois. Et il se mit à pleurer.

Il était déplorable en effet qu'il circulât un Évangile confirmant celui de Cérinthe où Shehimon passe dans la cour du Hanôth, et le 14, deux des veilles que les synoptiseurs lui font passer sur le Mont des Oliviers le 15. Luc et Matthieu suppriment le premier chant du coq mentionné par Marc et qui répond à la troisième veille : ils ont prolongé la scène de Gethsémani jusqu'au matin, il suffit d'un coq répondant aux approches de la quatrième veille pour enregistrer le triple reniement de Shehimon.

LUC, XXII, 56. Une servante, l'ayant vu assis devant le feu, et l'ayant regardé, dit : Celui-ci aussi était avec cet homme.

57. Mais Pierre le nia, disant : Femme, je ne le connais point.

58. Et peu après, un autre, le voyant, dit : Toi aussi, tu es de ces gens-là. Mais Pierre dit : Homme, je n'en suis point.

59. Et, un intervalle d'environ une heure s'étant écoulé, un autre l'affirmait, disant : Vraiment, celui-ci aussi était avec lui : car il est également Ga[li]léen.

60. Et Pierre dit : Homme[64], je ne sais ce que tu dis. Aussitôt, lui parlant encore, un coq chanta.

61. [Et le Seigneur, se retournant, regarda Pierre][65]. Et Pierre se ressouvint de la parole du Seigneur, lorsqu'il lui avait dit : Avant qu'un coq chante, tu me renieras trois fois.

62. Et Pierre, étant sorti, pleura amèrement.

Dans Marc Jésus lui avait dit qu'il fallait que le coq chantât deux fois. On a supprimé cette condition qui permet à Shehimon de dormir au pressoir d'huile jusque six heures du matin. Depuis la Transfiguration il est pris à chaque instant d'un invincible sommeil[66].

MATTHIEU, XXVI, 69. Cependant Pierre était assis dehors dans la cour ; et une servante s'approcha de lui, disant : Et toi aussi tu étais avec [Jésus] le Galiléen ?

70. Mais il nia devant tous, disant : Je ne sais ce tu que veux dire.

71. Et comme il sortait hors de la porte, une autre se vante l'aperçut, et dit à ceux qui se trouvaient là : Celui-ci était aussi avec [Jésus] le Naziréen[67].

72. Et il le nia de nouveau avec serment, disant : Je ne connais point cet homme.

73. Peu après, ceux qui se trouvaient là s'approchèrent, et dirent à Pierre : Certainement, toi aussi tu es de ces gens-là : ton langage te décèle.

74. Alors il se mit à faire des imprécations et à jurer qu'il ne connaissait point cet homme. Et aussitôt un coq chanta.

75. Et Pierre se souvint de cette parole que Jésus avait dite : Avant qu'un coq chante, tu me renieras trois fois. Et étant sorti, il pleura amèrement.

 

IX. — LE PSEUDO-JUGEMENT DU SANHÉDRIN.

 

Sur cet abominable mensonge nous n'ajoutons rien à ce que nous avons dit autrefois[68].

Rien de plus vil, de plus ignoble, de plus lâche que ce travail opiniâtre de calomnie, dirigé par les aigrefins du baptême contre les malheureux Jérusalémites dispersés loin de leurs foyers et de leur patrie par la faute du scélérat qu'il s'agit d'imposer comme un dieu à l'humanité mystifiée.

Le sanhédrin, dit le Saint-Siège, qui est souvent désigné dans les Evangiles par la périphrase : les Princes des prêtres, les scribes et les anciens du peuple, parce que c'étaient là les membres qui le constituaient, était le conseil et le tribunal suprême des Juifs. Il était composé de soixante-douze membres ; le grand prêtre en était le président[69], les vingt-quatre chefs des familles sacerdotales ou princes des prêtres y représentaient l'élément sacerdotal ; les scribes, la science juridique de la loi ; les anciens du peuple, le reste d'Israël. Les Juifs faisaient remonter à Moïse l'origine du sanhédrin[70], mais on ne le voit constitué comme il l'était du temps de Notre-Seigneur, qu'après la captivité. Même sous Pilate, le sanhédrin jugeait les causes graves, et il avait le droit de prononcer la peine de mort, à la condition que sa sentence fût confirmée par le procurateur romain[71].

Bar-Jehoudda ayant été jugé par contumace, quand il était encore au delà du Jourdain, les pièces de ce procès ne comportaient pas d'interrogatoire d'identité, mais c'est sous son nom de circoncision qu'il avait été condamné, et le jugement du 5 adar 788 était au greffe du Hanôth où il fût brûlé par Ménahem en 819[72].

LUC, XXII, 66. Et lorsque le jour se fit[73], les anciens du peuple, les princes des prêtres et les scribes s'assemblèrent, et le firent venir dans leur sanhédrin[74], disant : Si tu es le christ, dis-le nous.

67. Et il leur répondit : Si je vous le dis, vous ne me croirez pas ;

68. Et si je vous interroge, vous ne me répondrez pas, ni ne me renverrez.

Dans ces conditions nous ne saurons ni du sanhédrin ni de Jésus comment s'appelait en circoncision celui qui s'était dit roi-christ.

MATTHIEU, XXVI, 59. Cependant les princes des prêtres et tout le sanhédrin cherchaient un faux témoignage contre Jésus, pour le livrer il la mort.

60. Et ils n'en trouvèrent point, quoique beaucoup de faux témoins se fussent présentés.

MARC, XIV, 55. Or les princes des prêtres et tout le conseil cherchaient un témoignage contre Jésus pour le faire mourir, et ils n'en trouvaient point.

56. Car beaucoup témoignaient faussement contre lui ; mais les témoignages ne s'accordaient point.

57. Et quelques-uns, se levant, portaient contre lui un faux témoignage, disant :

58. Nous l'avons entendu dire : Je détruirai ce temple de main d'homme, et en trois jours j'en rebâtirai un autre non fait de main d'homme.

59. Mais leur témoignage n'était pas uniforme.

Quoique ces faux témoignages ne fussent pas uniformes, ils étaient encore trop vrais en ce qui touche la 8ubstitution du Temple céleste au monument construit Par Hérode. Ils renvoyaient à l'Apocalypse où l'on Pouvait lire, en effet, qu'après les trois signes correspondant aux trois premiers jours de la Genèse (Agneau, Taureau, Gémeaux), le Temple tout d'or descendrait sous les Ânes, tandis que, moins favorisé de la fortune, le monde des goym serait détruit par tiers[75]. De plus ils sont d'une sinistre exactitude en ceci que Bar-Jehoudda se proposait de purifier par le feu l'édifice où son père et d'autres de ses parents avaient trouvé la mort au Recensement.

Matthieu a senti qu'il fallait redresser ces témoignages ; il fait venir deux témoins encore plus faux que les premiers pour réciter devant le sanhédrin un passage de Cérinthe qui répond mieux à l'intérêt de l'Église.

MATTHIEU, XXVI, 60. ...En dernier lieu vinrent deux faux témoins,

61. Et ils dirent : Celui-ci a dit : Je puis détruire le temple de Dieu, et après trois jours le rebâtir.

Ces deux témoins, d'autant plus faux qu'ils sont à la solde de l'Église, insinuent ici que le temple céleste, c'est le corps de Bar-Jehoudda, et non le monument qui devait commencer à descendre d'en haut le 15. Pour de faux témoins ils sont prodigieusement orthodoxes, car ce qu'ils veulent dire, c'est que Jésus parle du temple de son corps, comme il l'a fait dans Cérinthe où, quand il fut ressuscité des morts (après trois jours), ses disciples se ressouviennent qu'il en a prévenu les prêtres[76]. C'est pourquoi Matthieu supprime le terme non fait de main d'homme, dont il est question dans Marc.

MARC, XIV, 60. Alors le grand prêtre, se levant au milieu d'eux, interrogea Jésus, disant : Tu ne réponds rien à ce que ceux-ci déposent contre toi ?

MATTHIEU, XXVI, 62. Alors le prince des prêtres, se levant, lui dit : Tu ne réponds rien à ce que ceux-ci témoignent contre toi ?

Il n'a rien à répondre. Ce qu'ont dit les premiers témoins est dans l'Apocalypse qu'il a révélée à Bar-Jehoudda.

63. Mais Jésus se taisait. Et le prince des prêtres lui dit : Je t'adjure par le Dieu vivant de nous dire si tu es le Christ, le Fils de Dieu.

64. Jésus lui répondit : Tu l'as dit. De plus, je vous le déclare, vous verrez un jour le Fils de l'homme assis à la droite de la majesté de Dieu, et venant dans les nuées du ciel.

MARC, XIV, 61. Mais Jésus se taisait, il ne répondit rien. Le grand prêtre l'interrogea de nouveau et lui dit : Es-tu le Christ, le Fils du Dieu béni ?

69. Et Jésus lui dit : Je le suis[77] ; et vous verrez le Fils de l'homme assis à la droite de la majesté de Dieu, et venant sur les nuées du ciel.

LUC, XXIII, 69. Mais désormais le fils de l'homme[78] sera assis à la droite de la puissance de Dieu.

70. Alors, ils dirent tous Tu es donc le Fils de Dieu ? Et Jésus répondit : Vous le dites, je le suis[79].

71. Et eux repartirent : Qu'avons-nous besoin d'autre témoignage ? car nous-mêmes nous l'avons entendu de sa propre bouche.

MARC, XIV, 63. Alors le grand prêtre, déchirant ses vêtements, dit : Qu'avons-nous encore besoin de témoins ?

64. Vous avez entendu le blasphème : que vous en semble ?

MATTHIEU, XXVI, 65. Aussitôt le prince des prêtres déchira ses vêtements, disant : Il a blasphémé qu'avons-nous encore besoin de témoins ? voilà que maintenant vous avez entendu le blasphème.

66. Que vous en semble ? Et eux, répondant, dirent : Il mérite la mort.

MARC, XIV, 64. .....Tous le condamnèrent comme étant digne de mort.

En effet la condamnation à mort avait été votée à l'unanimité, et il n'en pouvait être autrement. Au reste, le but que les évangélistes poursuivent, c'est de faire croire aux goym que Bar-Jehoudda n'a été condamné que cette fois-là et pour blasphème. Mais, même dans cette hypothèse, sa condamnation n'en eût pas moins été légale, puisqu'aux termes du Lévitique[80] les blasphémateurs devaient être punis de mort. Et elle eût été mille fois plus justifiée que celle des malheureux suppliciés par l'Église pour avoir blasphémé le saint nom de Bar-Jehoudda et celui de Salomé, la Mère de Dieu, comme disent les théologiens !

Voici un travail plus ignoble encore contre la vérité historique. Antéplaçant[81] les scènes burlesques qui se sont déroulées au prétoire et dont nous allons parler, les synoptiseurs vont nous montrer les juges se ruant sur le condamné, l'accablant d'injures et de coups, se déshonorant par des sévices interdits au bourreau et pires que la peine prononcée. Si nous n'avions écouté que la logique, nous aurions marié ces scènes avec celles du prétoire auxquelles elles sont visiblement empruntées. Mais c'est cette anticipation même que nous avons voulu prouver, pour en montrer le but. Ce but, c'est de faire, croire que bar-Jehoudda n'avait point été enfermé dans une prison où l'on ne pénétra que pour l'emmener au prétoire, mais qu'il avait passé la nuit dans une cour particulière ouverte à tout venant par Kaïaphas. Il y avait un intérêt dominant, on s'en rendra compte tout à l'heure, à ce qu'il semblât au lecteur par le libre accès de chacun auprès de Bar-Jehoudda, que celui-ci n'eût pas été prisonnier dans le sens strict, mais seulement gardé à vue.

MATTHIEU, XXVI, 67. Alors ils lui crachèrent au visage, et le déchirèrent à coups de poing ; et d'autres lui donnèrent des soufflets[82].

68. Disant : Christ, prophétise-nous qui est celui qui t'a frappé ?

LUC, XXII, 63. Et ceux qui tenaient Jésus le raillaient et le déchiraient de coups.

64. Puis, lui avant bandé les yeux, ils le frappaient au visage, et l'interrogeaient, disant : Prophétise qui est celui qui t'a frappé ?

MARC, XIV, 65. Aussitôt quelques-uns se mirent à cracher lui lai, à voiler sa face, à le déchirer à coups de poing et à lui dire : Prophétise ! et les serviteurs le déchiraient de soufflets.

LUC, XXII, 65. Et blasphémant ainsi, ils disaient beaucoup „autres choses contre lui.

 

X. — CONVERSION DE L'ÉVENTREMENT D'IS-KÉRIOTH EN AUTO-PENDAISON.

 

Plus je réfléchis à Is-Kérioth et plus je doute qu'il ait arrêté Bar-Jehoudda de sa propre main. Plus on pénètre dans les Ecritures et plus on voit qu'il est impossible de se prononcer sur un point de ce travail diabolique sans connaître la fin du tout, qui est un change général dirigé contre le goy. Il semble d'après les Actes des Apôtres, le seul écrit où l'Eglise avoue l'éventrement d'Is-Kérioth, que celui-ci n'aurait pas arrêté bar-Jehoudda, mais seulement indiqué le lieu de sa retraite. C'est ce renseignement, ou seulement le soupçon de l'avoir fourni, qu'il aurait payé de sa vie.

Eventré à la Poterie, que va-t-on faire de lui, maintenant que dans le dispositif actuel il ne l'a pas été le 14 et qu'il mange l'agneau du 15 ? Cérinthe s'était bien gardé de dire comment avait fini cet honnête citoyen. Marc et Luc avaient imité son silence. De même l'auteur des Lettres de Paul pour qui Is-Kérioth n'existe pas[83]. Seul Shehimon, sans se nommer comme étant le coupable[84], reconnaissait dans les Actes des Apôtres qu'Is-Kérioth avait été trouvé le matin, le ventre ouvert, les entrailles répandues, devant les murs de Jérusalem qui d'ailleurs en avaient vu bien d'autres. Mais c'était encore trop que Shehimon reconnût cet éventrement. Dans Matthieu, postérieurement à la fabrication de toutes les autres écritures, l'Eglise a pensé qu'elle devait se débarrasser du traître par un moyen qui n'entachât point l'honneur de Pierre. Il suffisait que les Actes missent le meurtre d'Ananias et de Zaphira sur le dos, d'ailleurs habitué à cette charge, du premier évêque de Rome.

Toutefois l'aigrefin qui a forgé cette écriture aurait bien pu se dispenser d'avouer que la tête du condamné était à prix depuis plus de trente jours (trente-neuf exactement) lorsqu'Is-Kérioth l'a arrêté. Car c'est confirmer le Talmud dans lequel on lit que la condamnation remonte au 5 adar[85].

MATTHIEU, XXVII, 3. Alors Judas, qui l'avait livré, voyant qu'il était condamné, fut touché de repentir, et reporta les trente pièces d'argent[86] aux princes des prêtres et aux anciens,

4. Disant : J'ai péché[87] en livrant un sang innocent.

5. Mais eux lui répondirent : Que nous importe ? vois toi-même[88].

6. Alors, ayant jeté l'argent dans le temple, il se retira et alla se pendre[89].

6. Mais les princes des prêtres, ayant pris l'argent[90], dirent : Il n'est pas permis de le mettre dans le trésor, parce que c'est le prix du sang.

7. Et après s'être consultés entre eux, ils en achetèrent le Champ du potier, pour la sépulture des étrangers[91].

8. C'est pourquoi ce champ est encore aujourd'hui appelé Haceldama, c'est-à-dire le champ du sang.

9. Alors fut accomplie la parole du prophète Jérémie : Ils ont reçu les trente pièces d'argent, prix de celui qui a été apprécié suivant l'appréciation des enfants d'Israël[92] ;

10. Et ils les ont données pour le Champ du potier, ainsi que me l'a prescrit le Seigneur[93].

 

XI. — PILATUS DANS LA CEINTURE DE JOANNÈS.

 

Jésus s'est tiré très avantageusement de l'épreuve côté juif, le revenant de Kaïaphas et celui de Bar-Jehoudda ne se sont même pas reconnus ! Voyons maintenant si, du côté romain, le revenant de Pilatus reconnaîtra l'individu qu'il a fait crucifier le 14.

Rappelons d'abord que, cette même nuit du 14, Pilatus est entré dans Jérusalem avec ses troupes.

Les synoptiseurs mentionnent une réunion du Sanhédrin qui aurait eu lieu le matin, et dans laquelle on aurait décidé de lier bar-Jehoudda et de le remettre à Pilatus. Le fait de la réunion est plausible. Cérinthe n'en parle pas.

MATTHIEU, XXVII, 1. Or, le matin étant venu, tous les princes des prêtres et les anciens du peuple tinrent conseil contre Jésus, pour le livrer à la mort.

2. Et, l'ayant lié, ils l'emmenèrent, et le livrèrent à Pontius Pilatus, gouverneur.

MARC, XV, 1. Dès le matin, les princes des prêtres s'étaient assemblés avec les anciens, et les scribes, et tout le sanhédrin lièrent Jésus, l'emmenèrent et le livrèrent Pilatus[94].

LUC, XXIII, 1. Et toute l'assemblée se levant, ils le menèrent Pilatus.

Le seul point véridique est que le jour avait lui. On n'avait point à lier Bar-Jehoudda, il était lié depuis Lydda[95]. Ce n'est point par les prêtres et par le sanhédrin qu'il fut livré à Pilatus, c'est par les sergents du Temple. Saül soignait son oreille. Est-ce son frère Costobar qui commandait l'escorte ? On ne le saura plus jamais.

Cérinthe nous a tracé le tableau des sergents qui refusent d'entrer au prétoire afin de ne point se souiller et de pouvoir manger la pâque, et qui par cette attitude forcent les soldats romains à sortir du poste pour prendre livraison du prisonnier : tableau d'une vérité saisissante, donc condamné d'avance par l'Église, puisqu'il fixe la date du 14. Dans les synoptisés ils n'ont plus cette raison de ne pas pénétrer chez des païens, de ne pas s'exposer à voir de plus près les images de Tibère ; la pâque est mangée depuis la veille. Les prêtres et tout le sanhédrin pénètrent avec les sergents dans le prétoire et portent eux-mêmes devant Pilatus leurs infâmes accusations contre Jésus.

LUC, XXIII, 9. Et ils commencèrent à l'accuser, disant : Nous avons trouvé celui-ci pervertissant notre nation, défendant de payer le tribut à César, et disant qu'il est christ-roi.

La question est posée ici avec une netteté scandaleuse. Elle ne l'est ainsi que dans Luc. Jésus est perdu de réputation si Pilatus lui-même ne se constitue son avocat, son paraclet. Jésus lui en a fourni le moyen lorsqu'il a dit aux pharisiens et aux hérodiens : Rendez à César ce qui est à César (en un mot : Payez le tribut), et lorsqu'il a guéri le serviteur du centurion ; Pilatus n'aura pas de peine à convaincre le sanhédrin de mensonge et de calomnie.

Kaïaphas a demandé à Jésus s'il était vraiment le fils de Dieu, Pilatus va lui demander si par hasard il ne serait pas le roi des Juifs. Il en doute fortement, le Saint-Esprit lui a passé sous la cuirasse non pas simplement la ceinture magique du frère Jacques[96], mais celle de Joannès lui-même, qu'il a en ce moment devant lui. Serviteur d'un prince païen, saura-t-il résister à cette ceinture en cuir de Gamala que nous avons vue autour des reins de Joannès, quand il baptisait au Jourdain, et qui a le pouvoir de lier et de délier les hommes, non pas seulement de leurs péchés, mais aussi de leurs serments militaires ?

3. Or Pilatus l'interrogea, disant : Es-tu le roi des Juifs ? Jésus, répondant, dit : Tu le dis[97].

4. Alors Pilatus dit aux princes des prêtres et à la multitude : Je ne trouve aucune cause (à juger) en cet homme.

5. Mais eux insistaient, disant : Il soulève le peuple, enseignant par toute la Judée, commençant par la Galilée jusqu'ici[98].

MATTHIEU, XXVII, 11. Or Jésus comparut devant le gouverneur, qui l'interrogea, disant : Es-tu le roi des Juifs ? Jésus lui répondit : Tu le dis.

12. Et comme les princes des prêtres et les anciens l'accusaient, il ne répondit rien.

13. Alors Pilatus lui dit : N'entends-tu point combien de  témoignages ils rendent contre toi ?

14. Mais il ne répondit à aucune de ses paroles, de sorte que le gouverneur en était extrêmement étonné.

MARC, XVI, 2. Et Pilatus l'interrogea : Es-tu le roi des Juifs ? Jésus, lui répondant, lui dit : Tu le dis.

3. Et les princes des prêtres portaient contre lui beaucoup d'accusations.

4. Pilatus l'interrogea de nouveau, disant : Tu ne réponds rien ? vois de combien de choses ils t'accusent.

5. Mais Jésus ne répondit pas davantage, de sorte que Pilatus en était étonné.

 

XII. — ANTIPAS DANS LA CEINTURE DE JOANNÈS.

 

Pilatus en effet est excessivement étonné. La ceinture Joannès opère. A-t-il devant lui le roi-christ de 788, l'homme qui a fui trois jours auparavant au Sôrtaba et qu'Hérode Antipas cherchait pour le tuer, comme le disent les synoptiseurs[99] avec une franchise qui n'est pas dans leurs habitudes ? C'est lui qui le dit, comme Jésus le fait observer modestement, mais il s'avance beaucoup. Il y a non loin de là un homme qui pourra le renseigner, s'il le veut, mais le voudra-t-il ? C'est douteux, au tour que prennent les choses. Cet homme, c'est Hérode Antipas, tétrarque de Galilée, cousin germain de ce Saül à qui Shehimon a coupé l'oreille droite la veille. Mais depuis ce temps Saül a retrouvé cet organe. De plus, il est dans la ceinture du frère Jacques à ce point qu'ayant comparu successivement à Césarée, devant ses parents, Agrippa II, Bérénice, Drusilla el Félix[100], peu s'en est fallu qu'il ne les convertit toue, à la jehouddolâtrie. C'est bien le diable si Jésus, qui est' le revenant de Joannès, ne triomphe pas d'Antipas en le soumettant, lui aussi, à l'action de sa ceinture ! Car enfin, si la ceinture de son frère Jacques — une ceinture de puîné ! — a eu pouvoir de convertir Saül d'hérodien en davidiste, et de persécuteur en adorateur, que, sera-ce lorsqu'Antipas aura devant lui, pendant quelques minutes, la ceinture du frère aîné, du Nazir lui-même ? Si cette ceinture rate son effet, c'est que le baptiseur n'avait pas la faculté de lier et de délier.

LUC, XXIII, 6. Pilatus entendant nommer la Galilée demanda si cet homme était Galiléen,

7. Et dès qu'il sut qu'il était de la juridiction d'Hérode[101] il le renvoya à Hérode, qui était lui-même à Jérusalem agi ces jours-là.

8. Hérode, voyant Jésus, s'en réjouit beaucoup ; car désirait depuis longtemps de le voir, parce qu'il entendu dire beaucoup de choses de lui, et qu'il espérait lui voir faire quelque miracle.

9. Il lui faisait donc beaucoup de questions ; mais Jésus ne lui répondait rien.

Excellente habitude dont il ne se départit jamais ! De son côté Antipas, qui a complètement oublié la journée des porcs est décidé à ne pas parler de cette vieille histoire. Si Pilatus compte sur lui pour apprendre quelque chose, il est roulé ! Il me semble toutefois que si j'étais le revenant, l'esprit d'un homme qui a été décapité par un autre et que je comparusse devant celui-ci, je lui ferais une timide observation sur cet acte inamical. Il me semble aussi que, si au lieu d'être identique à ce décapité j'en étais distinct, que j'eusse été baptisé par lui dans le Jourdain, teste palomba, et que je me trouvasse devant son bourreau, je reprendrais l'usage de la parole pour reprocher à ce monstre d'avoir privé mes contemporains de la tête de mon vieux maître. Mais, de son côté, Antipas est tellement enzôné[102] par la ceinture, qu'il ne se rappelle même pas le Passage des synoptisés où trois jours avant la Pâque, par conséquent le 12, les pharisiens tiennent Jésus le discours suivant : Retirez-vous, allez-vous-en d'ici, car Hérode veut vous faire mourir[103]. Il se lui rappelle encore moins que ces mêmes pharisiens qui ont fidèlement rapporté cette réponse de Jésus : Allez et dites à ce renard : voilà que je chasse les démons et guéris les malades aujourd'hui et demain, et c'est le troisième jour que je dois être consommé[104].

10. Cependant se trouvaient là les princes des prêtres et les scribes, l'accusant sans relâche.

11. Mais Hérode avec sa cour le méprisa[105], il se joua de lui après l'avoir revêtu d'une robe blanche, et il le renvoya à Pilatus.

12. Et Hérode et Pilatus devinrent amis ce jour-là même : car auparavant ils étaient ennemis l'un de l'autre.

Eh bien ! vous le voyez, la ceinture a opéré, et non seulement contre Pilatus, mais contre le monde païen tout entier ! La confrontation d'Antipas et de Jésus ne rapportera rien à Pilatus, mais Bar-Jehoudda y gagne ceci que, parti de Gamala en habit de pourpre et arrêté dans ce costume extravagant, il retournera vêtu de blanc au prétoire, c'est-à-dire innocent de tout crime et de toute usurpation, comme le démontre l'habit immaculé dont Antipas l'a revêtu de sa propre main[106]. Et devant toute la cour, s'il vous plaît ! Car Hérodiade est là, ainsi que Salomé, veuve de Philippe le tétrarque, et Saül devenu jehouddolâtre sous le nom de Paul ! Aucun n'a pu tenir contre la ceinture en cuir de Gamala.

 

XIII. — BLANC COMME JÉSUS ET NÉANMOINS EXPOSÉ ROUGE COMME FEU BAR-ABBAS.

 

Quand Jésus retourne auprès de Pilatus, il est entièrement blanc ; et comme Antipas ne le cherche plus pour le tuer comme il le faisait encore la veille, il ne reste rien ni de la condamnation du 5 adar pour crimes publics, ni des accusations portées par le sanhédrin qui a envahi le prétoire. Jamais personne n'a été plus blanc que ce prisonnier dans sa robe pourpre.

LUC, XXIII, 13. Or Pilatus ayant convoqué les princes des prêtres, les magistrats et le peuple,

14. Leur dit : Vous m'avez présenté cet homme comme soulevant le peuple ; et voilà que, l'interrogeant devant vous, je n'ai rien trouvé en lui de ce dont vous l'accusez.

15. Ni Hérode non plus : car je vous ai envoyés à lui, et on ne l'a convaincu de rien qui mérite la mort.

16. Je le renverrai donc après l'avoir fait châtier.

D'une façon qu'il ne dit pas, mais qui, même légère, est excessive envers Jésus qui prêche résolument le tribut à César et guérit les serviteurs des centurions. Le châtiment c'est celui qu'avait subi Bar-Jehoudda avant sa crucifixion : l'exposition publique hors du prétoire, puis le fouet. Pour ce qui est du fouet, les synoptiseurs aviseront ; mais tout ce qu'ils ont pu faire pour l'exposition publique, c'est de la reporter au dedans.

Dans Cérinthe, où l'on ne voit pas qu'il ait fait mener Bar-Jehoudda chez Antipas, Pilatus après de nombreuses allées et venues finit par sortir tout à fait du prétoire pour exposer publiquement le prisonnier[107]. Dans les synoptisés le mot prétoire, qui n'est point grec, encore moins araméen, mais purement latin, est venu en remplacer un autre emprunté à la topographie hérodienne. Nul doute que l'exposition ait eu lieu au Palais d'Hérode, afin de donner satisfaction à Antipas, abominablement trahi par les bathanéens qu'avait débauchés le prétendant. C'est pour cela qu'il se trouve mêlé, lui et sa cour, au châtiment de ce misérable, et qu'il est représenté fraternisant dès cette heure avec Pilatus. Ayant refusé de pénétrer au prétoire, afin de pouvoir manger la Pâque, les Jérusalémites n'avaient pu exercer leur colère contre Bar-Jehoudda ; ils se rattrapèrent quand il fut exposé dans une cour du palais. C'est là que se passèrent toutes les scènes qui se passent aujourd'hui dans la cour de Kaïaphas, et qui n'apparaissent ni dans celles du prétoire selon les synoptisés, ni dans celles du Hanôth, où selon Cérinthe tout se borne à un soufflet[108].

La question est de savoir si Antipas habitait un des palais qui furent plus tard occupés par Agrippa et par Bérénice et brûlés par Ménahem avec le greffe, ou si à ce moment il était chez Pilatus. Cette question en amène une autre, celle de savoir où était le prétoire.

L'enlèvement du mot Hanôth ayant eu pour effet de dépister les recherches, la tradition relative à l'emplir cernent du prétoire ne vaut pas mieux que celle qui concerne la maison de Kaïaphas. Le mot prétoire ne saurait être pris dans le sens de tribunal. Pilatus n'avait rien à juger, il le dit lui-même : Je ne trouve aucune cause. Le prétoire est avant tout la demeure du commandant en chef[109].

La tradition actuelle dit que le prétoire était dans la forteresse Antonia, située au nord-ouest du Temple, et nous nous y sommes conformés jusqu'ici sur la foi des dissertations. Qu'il y ait eu un poste romain et très important dans la tour Antonia, clef du temple, cela ne fait point de doute, mais ce poste était sous le commandement d'un tribun[110], ce n'était pas le palais du procurateur de Judée. Comme à Césarée, la demeure de Pilatus, quand il venait à Jérusalem, était le palais construit par Hérode, le haut palais qu'assiégea Ménahem en 819 et qui dominait la vallée du Ghé-Hinnom à l'extrémité ouest de la montagne de Sion. Il est inadmissible que, depuis la déposition d'Archélaüs, le procurateur romain demeurât ailleurs que dans le palais d'Hérode, le plus somptueux de toute la ville, magnifiquement défendu par les trois tours Hippicus, Phasaël et Mariamne, et disposé à la romaine avec des portiques, des cours intérieures, une salle de théâtre, une salle de conseil, et le Xyste, enceinte entourée d'une colonnade et réservée pour les exercices de gymnastique. C'était le palais d'un empereur romain plutôt que d'un roi juif, d'on César plutôt que d'un Hérode ; et par raison de sûreté plus encore que par goût de luxe, le lieutenant de Tibère aurait certainement refusé toute habitation qui eût Irti5 Rome en infériorité, car si la tour Antonia était forte, le haut palais l'était encore davantage. Un autre motif qui nous porte à y fixer le prétoire, c'est la proximité de la piscine d'Ezéchias et du réservoir qu'on appelle aujourd'hui l'étang du sultan Soliman et qui étaient indispensables à la vie de la garnison romaine. C'est de là que provenaient les roseaux et les joncs qui servirent à la parodie du sacre, et dont il semble que chaque soldat se soit muni pour la circonstance.

Par sa décoration, par ses statues, par les souvenirs d'Auguste qu'Hérode et Archélaüs y avaient accumulés, l'intérieur du haut palais était un tel scandale pour les Juifs de la loi que, s'ils y fussent entrés en y amenant Bar-Jehoudda, ils se seraient souillés et mis d'eux-mêmes hors d'état de manger la pâque. Il a fallu pour leur donner satisfaction que Pilatus fit sortir hors du Palais le poste qui prit livraison du prisonnier. C'est très probablement dans le Xyste que Bar- Jehoudda fut exposé, puis fouetté, avant d'être conduit au Ghé-Hinnom. Depuis le matin jusqu'à environ deux heures de l'après-midi, il n'a changé de place que pour être exposé, tandis que, nous le savons par l'histoire[111], Pilatus à midi est entré dans le Temple où il a massacré les christiens qui s'y étaient donné rendez-vous sous le prétexte de Sacrifier l'agneau. C'est à son retour du Temple qu'il donna ordre de dépouiller Bar-Jehoudda de sa pourpre, de le fouetter et de le conduire au supplice. La porte de Gennat, qui conduisait au Ghé-Hinnom était à l'angle du Palais, et on ne voit nullement qu'il ait fallu traverser toute la ville du nord-ouest au sud-ouest pour aller au Guol-golta. Du fouet à la croix, le trajet se fait hors les murs.

Le spectacle se déroula dans l'ordre indiqué par Luc. Il sera livré aux gentils, et raillé, et flagellé et couvert de crachats, et après qu'ils l'auront flagellé, ils le feront mourir[112]. Mais c'est surtout dans son orgueil qu'on voulut l'atteindre. Les Juifs ne furent point les seuls acteurs de ces scènes dont le grotesque tempère la cruauté : les païens venus pour la pâque, les marchands égyptiens notamment, prêtèrent un pie-saut concours aux soldats romains. Il apparaît bien que l'exposition publique fut surtout une parodie de sacre, dont tous les éléments, joncs et roseau, empruntée à la spécialité baptismale de bar-Abbas, s'appliquaient dans l'esprit des gens à la fragilité de son pouvoir. Nous en avons la preuve par la seconde représentation que les Alexandrins ont donnée de cette parodie et dans laquelle ils ont eu recours aux mêmes accessoires inoffensifs. Ce qu'ils avaient va à Jérusalem, ce n'est point Jésus, vêtu de blanc par Antipas, c'est le fils aîné de Jehoudda le Gamaléen, vêtu de la pourpre royale et se disant non seulement roi-christ, mais bar-Abbas, au moins dans la mesure d'un douzième.

 

XIV. — L'ILLUSTRE BAR-ABBAS.

 

D'après tout ce que nous avons vu jusqu'à présent dans l'Apocalypse et dans les quatre Évangiles il est incontestable que Bar-Jehoudda prétendait être bar-Abbas, fils du Père, et que les soldats romains l'avaient turlupiné sous ce nom dans le prétoire ; nous avons cité le passage de Philon dont il résulte que, trois ans après sa crucifixion, les égyptiens d'Alexandrie avaient à leur tête, et sous ce même nom de bar-Abbas, sacré roi des Juifs un fou qu'ils avaient traîné au Gymnase[113]. Le récit de cette mascarade par Philon était donc le seul qui permit de remonter à la source. Il ne fallait pas songer à supprimer Philon, l'Église n'était pas encore assez forte pour cela, ni même pour le retoucher et l'interpoler comme elle l'a fait plus tard[114]. Au second siècle, Cérinthe avait jugé bon de réduire la mascarade du prétoire à la plus simple expression, mais il avait essayé de donner le change sur le bar-Abbas de Jérusalem, en affublant de ce nom prétentieux un prisonnier autre que Bar-Jehoudda et qui se serait trouvé le même jour à la discrétion de Pilatus.

Vous vous rappelez la scène[115] : Pilatus invoque la coutume (juive, non romaine) de délivrer un criminel la veille d'une période jubilaire, et propose de rendre Jésus aux Juifs. A quoi ils répondent, disant : Non, pas celui-ci, mais bar-Abbas ! Et Cérinthe ajoute, ce qui cette fois est véridique : Or bar-Abbas était un voleur. Toutefois il a cru devoir se dispenser de dire que ce bar-Abbas était prisonnier, exactement comme Bar-Jehoudda arrêté pour la sédition que Pilatus était en train de réprimer, exactement comme Bar-Jehoudda, et par surcroît, assassin, exactement comme Bar-Jehoudda. Mais ce qui donnait à croire qu'il était dans ces trois cas, c'est que Pilatus se garde bien de le délivrer. Philon ne disant pas que le bar-Abbas d'Alexandrie fût un surmoulage du bar-Abbas de Jérusalem, ne pouvait-on, puisque celui-ci allait être crucifié sous le nom de Jésus, faire d'abord que Jésus fût turlupiné à sa place et ensuite que bar-Abbas fût mis en liberté ? De cette manière il serait bien acquis que Bar-Jehoudda n'était point bar-Abbas, puisque bar-Abbas, à supposer même qu'il s'appelât en circoncision Bar-Jehoudda, n'avait pas été crucifié, mais au contraire libéré, tandis que, loin d'être libéré, l'homme devenu Jésus dans la mystification évangélique avait été crucifié. Il fallait être un ennemi-né de la vérité pour n'en pas convenir.

Cependant ce qu'avaient vu les Alexandrins à Jérusalem, ce n'est point Jésus vêtu de blanc, c'est un individu vêtu de rouge, qui se disait bar-Abbas. La montagne du Royaume avait accouché de ce rat : Ecce, domine[116], avait dit Pilatus en l'amenant devant la porte. Voilà le Marân ! Voilà celui qui doit paître les nations avec sa verge de fer. Ridiculus mus ! Et la parodie du sacre avait commencé, et c'est aux cris de Ave, domine ! Marân ! Marân ! fidèlement reproduits par les égyptiens dans Alexandrie, qu'elle s'était développée. Appartenant aux légions de Syrie, les soldats savaient tous assez d'araméen pour employer le mot : Marân, et assez d'Apocalypse pour l'entendre en raillerie. Ils donnèrent à bar-Abbas ce titre de Dominus que Tibère lui-même avait refusé d'accepter du Sénat[117]. Celui de roi des Juifs dont ils le saluent aujourd'hui ne rend ni sa pensée, ni la leur. C'est une petite partie du Royaume prise pour le tout.

 

XV. — LA MASCARADE DU PRÉTOIRE.

 

Les synoptiseurs sont donc revenus sur la mascarade originale pour préparer le coup de théâtre qui la termine : la mise en liberté de bar-Abbas. Non contents de supprimer la cause (le fouet) pour laquelle bar-Abbas fut déshabillé, ils brouillent l'ordre des faits au bénéfice de Jésus, disant que la chlamyde écarlate dont il était revêtu lui avait été comme infligée par les Romains da ns une improvisation plaisante. C'était, dit le Saint-Siège, une espèce de manteau de laine, ouvert et retroussé sur l'épaule gauche, où il s'attachait avec une agrafe afin de laisser le bras droit libre. Le nom est d'origine grecque ; il désigne ici le paludamentum, vêtement militaire des soldats romains. Il était de forme ovale, se portait par-dessus la cuirasse et retombait en arrière, à peu près jusqu'à mi-jambe. Les tribus le portaient de couleur blanche ; les généraux et les empereurs, de couleur pourpre. Il en résulte que les soldats lui auraient passé le paludamentum de Pilatus, après quoi ils avaient craché dessus à tour de rôle, ce qui est une singulière façon d'honorer la marque du commandement, surtout en présence de gens soumis au tribut. Des soldats révoltés, les christiens eux-mêmes, n'en auraient pas fait plus.

MARC, XV, 16. Or les soldats le conduisirent dans la cour du [prétoire], et ayant convoqué toute la cohorte[118],

17. Ils le vêtirent de pourpre, et, tressant une couronne [d'épines][119], ils la mirent sur sa tête.

18. Puis ils commencèrent à le saluer, disant : Salut, roi des Juifs !

19. Et ils lui frappaient la tête avec un roseau[120] ; ils crachaient sur lui, et, fléchissant le genou, ils l'adoraient.

20. Et après qu'ils se furent ainsi joués de lui, ils lui. Ôtèrent la pourpre et le couvrirent de ses vêtements ; puis-ils l'emmenèrent pour le crucifier.

MATTHIEU, XXVII, 27. Aussitôt les soldats du gouverneur, menant Jésus dans le prétoire, rassemblèrent autour de lui toute la cohorte ;

28. Et, l'ayant dépouillé, ils l'enveloppèrent d'un manteau.

29. Puis, tressant une couronne d'épines, ils la mirent sur-sa tête, et un roseau dans sa main droite ; et, fléchissant le genou devant lui, ils le raillaient, disant : Salut, roi des Juifs.

30. Et, crachant sur lui, ils prenaient le roseau, et en frappaient sa tête.

31. Après qu'ils se furent ainsi joués de lui, ils lui ôtèrent le manteau, le couvrirent de ses vêtements et l'emmenèrent pour le crucifier.

Dans Luc point de mascarade. Et en effet, les synoptiseurs de Luc en ont transporté l'essentiel chez Kaïaphas afin de montrer que bar-Jehoudda n'avait point été enfermé dans le Hanôth. C'est une chose qu'il faut établir n'importe par quel moyen, car nous voici arrivés au déliement, simulé de bar-Abbas.

 

XVI. — LE DÉLIEMENT DE BAR-ABBAS ET LE LIEMENT DE PILATUS.

 

La distinction que Cérinthe établit entre Jésus et bar-Abbas est dépourvue de sanction, avons-nous dit, parce que Pilatus oublie de mettre bar-Abbas en liberté : oubli fâcheux qui permet aux gens malintentionnés de le retrouver sur la croix, et cela d'autant plus sûrement que dans le même Cérinthe Jésus le restitue à sa mère au pied de la croix, jugeant que toute plaisanterie doit avoir une fin. Regrettant ce dispositif où filtre encore une lueur de vérité, l'Église a décidé que Pilatus ne pouvait être dans la ceinture de Joannès, ou seulement dans la zone de protection, sans être conduit à délier officiellement bar-Abbas. Les Juifs ont eu le pouvoir éphémère de lier bar-Abbas. Mais puisque Jésus hérite du nom et de la croix de bar-Abbas, et que bar-Abbas avait le pouvoir non-seulement de lier, mais de délier éternellement, puisque Jésus lui a dit à lui et à ses frères : Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel[121], c'est bien le moins qu'il use de cette prérogative envers lui-même, surtout quand Il s'agit de se venger sur les goym de tout ce qu'ils l'ont fait souffrir ! Que celui qui a des oreilles pot entendre entende !

Déployant l'irrésistible ceinture autour des Juifs qui ont lié bar-Abbas le 13 nisan 788, Jésus leur souffle l'idée de demander eux-mêmes qu'il soit enfin délié. Dans Cérinthe Pilatus veut le délier le 14, jour de la préparation à la pâque. Mais comme on ne peut détruire Cérinthe, et que depuis lui on a inventé l'Eucharistie, il s'agit maintenant de faire constater par tout le peuple de Jérusalem que bar-Abbas a été délié le lendemain de la pâque, et que par conséquent il ne saurait être en aucune façon l'abominable scélérat dont les Alexandrins ont vu l'exposition la veille !

MATTHIEU, XXVIII, 15. A l'un des jours de la fêle solennelle, le gouverneur avait coutume de délivrer au peuple un prisonnier, celui qu'ils voulaient.

MARC, XV, 6. Or, à un des jours de la fête, il avait coutume de remettre au peuple un des prisonniers, celui qu'ils demandaient.

LUC, XXIII, 17. Car il était obligé de leur remettre un prisonnier pendant la fête.

Vous avez remarqué la gradation. Simple habitude dans Marc et dans Matthieu, le déliement du prisonnier est une obligation dans Luc. Pilatus voudrait le garder pour le punir qu'il ne le pourrait pas. Il est aux ordres des Jérusalémites, lesquels sont eux-mêmes enzonés par l'Esprit Saint.

MATTHIEU, XXVII, 16. Or, il avait alors un prisonnier insigne, nommé bar-Abbas.

Tout ce qu'il y a de plus insigne : fils de David par Salomon et par Nathan, consubstantiel à l'Abbas[122] dont il porte ici le nom, et fils du chef de la secte des Sicaires ou Assassins, comme dit Josèphe.

17. Le peuple étant donc assemblé, Pilatus dit : Lequel voulez-vous que je vous délivre, bar-Abbas, ou Jésus qui est appelé christ ?

18. Car il savait que c'était par envie qu'ils l'avaient livré.

MARC, XV, 7. Il y avait alors un nommé bar-Abbas[123] qui avait été mis en prison avec d'autres séditieux, et qui aval commis un meurtre dans la sédition.

8. Le peuple, étant donc monté devant le prétoire, commença à demander ce qu'il leur accordait toujours.

9. Pilatus, leur répondant, dit : Voulez-vous que je vous délivre le roi des Juifs ?

10. Car il savait que c'était par envie que les princes des prêtres l'avaient livré.

Il savait cela, et tous ces calomniateurs le dégoûtaient profondément. Ah ! la ceinture, la ceinture ! D'autre part, tiraillé en sens contraire, se sentant peu à peu délié de son serment envers Tibère, il éprouvait comme un besoin de délier ce bar-Abbas qui avait volé, assassiné et était compromis dans la rébellion qui venait d'expirer au Temple.

LUC, XXIII, 18. Mais la foule tout entière cria : Otez celui-ci du monde, et délivrez-nous bar-Abbas,

19. (Lequel, à cause d'une sédition qui s'était faite dans la ville et d'un meurtre, avait été mis en prison).

20. Pilatus leur parla de nouveau, désirant renvoyer Jésus.

21. Mais eux redoublaient leurs clameurs, disant : Crucifiez-le, crucifiez-le !

22. Pilatus pour la troisième fois leur dit : Mais quel mal a fait celui-ci ? Je ne trouve aucune cause de mort en lui : je le châtierai donc, et le renverrai.

23. Mais ils insistaient avec de grands cris, demandant qu'on le crucifia ; et leurs cris devenaient de plus en plus forts.

MARC, XV, 11. Mais les pontifes excitèrent le peuple à demander qu'il leur délivrât plutôt bar-Abbas.

12. Pilatus répondant encore, leur dit : Que voulez-vous donc que je fasse du roi des Juifs ?

13. Mais de nouveau ils crièrent : Crucifiez-le !

14. Pilatus cependant leur disait : Mais quel mal a-t-il fait ? Et eux criaient encore plus : Crucifiez-le !

Vous remarquez les efforts faits pour que les titres sous lesquels bar-Jehoudda était connu (christ, roi des Juifs, tous, sauf le nom de bar-Abbas), lui soient successivement retirés pour être absorbés par Jésus qui n'est coupable ni de vol, ni d'assassinat, ni de rébellion, le qui, Cinq minutes avant d'être habillé de rouge par les soldats, portait encore le vêtement blanc dont Antipas l'avait reconnu digne.

Dans Matthieu, dans Matthieu seul, — coup de grâce donné à l'histoire, — on fait donner la femme de Pilatus[124], qui peut-être était veuf ou célibataire. On travaille à intéresser les matrones romaines à ce Jésus qu'on va crucifier sans jugement, sur les réquisitions de Juifs méchants et nés pour le déicide. Comme elle est bonne, la femme de Pilatus ! Comme elle a le sentiment de la justice, comme sans le connaître elle pressent la divinité du juif consubstantiel et coéternel à l'Abbas ! Ah ! quelle différence avec cette perfide Hérodiade qui aiguise dans l'ombre le glaive sous lequel va tomber la tête charmante du Joannès !

MATTHIEU, XXVII, 19. Or, pendant qu'il siégeait sur son tribunal, sa femme lui envoya dire : Qu'il n'y ait rien entre toi et ce juste[125] : car j'ai beaucoup souffert[126] aujourd'hui dans un songe à cause de lui.

20. Mais les princes des prêtres et les anciens persuadèrent au peuple de demander bar-Abbas et de faire périr Jésus.

Jésus vous l'a dit, on obtient tout quand on prie sans se lasser[127]. Dans ces conditions je ne donnerais pas un sicle de la tête de Jésus, j'en engagerais mille sur celle de Bar-Abbas !

MATTHIEU, XXVII, 21. Le gouverneur donc, prenant la parole, leur dit : Lequel des deux voulez-vous que je vous délivre ? Ils répondirent : Bar-Abbas.

22. Pilatus leur demanda : Que ferai-je donc de Jésus, appelé christ ?[128]

23. Ils s'écrièrent tous : Qu'il soit crucifié ! Le gouverneur leur repartit : Quel mal a-t-il fait ? Mais ils criaient encore plus, disant : Qu'il soit crucifié.

24. Pilatus voyant qu'il ne gagnait rien, mais que le tumulte augmentait, prit de l'eau et se lava les mains devant le peuple, disant : Je suis innocent du sang de ce juste : voyez vous-mêmes.

Jugez par cette quantité d'eau lustrale combien je suis innocent ! Cela nous rappelle cette larme en Pierre de deux mètres de haut qu'on voit dans un cimetière belge avec cette dédicace d'une femme à son mari : Voyez un peu comme on le regrette !

25. Et tout le peuple, répondant, dit : Son sang soit sur nous et sur nos enfants !

Dès le moment que le peuple accepte avec cette allégresse son rôle de déicide, Pilatus, dûment déchargé de toute responsabilité, les mains plus propres que les pieds des apôtres, plein d'espoir dans la vie éternelle, peut-être même de l'ambition d'être canonisé un jour, — on lui doit bien cela ! — Pilatus n'a plus qu'une chose à faire, résolue dans son esprit depuis qu'il est au pouvoir de la ceinture : délier bar-Abbas.

MARC, XV, 15. Pilatus donc, voulant complaire au peuple, leur remit bar-Abbas, et leur livra Jésus déchiré de verges, pour être crucifié.

LUC, XXIII, 24. Et Pilatus ordonna que ce qu'ils demandaient fût exécuté.

25. Ainsi il leur délivra celui qui avait été mis en prison pour cause de sédition et de meurtre, et qu'ils demandaient, et il abandonna Jésus à leur volonté.

Voila bar-Abbas délié, mais cela ne veut pas dire qu'il soit libre de rester en prison ou même dans Jérusalem. Bouc, émissaire élu par Jésus pour endosser les péchés que Bar-Jehoudda porte devant l'histoire rébellion, vol et assassinat (il en est d'autres, mais ici on les réduit à trois), il faut qu'il sorte de la ville et qu'il aille sous la vigilante conduite de Matthieu, de Marc et de Luc, se perdre dans le désert sans fin et s'y ensevelir avec toute sa charge. Il n'est délié qu'au regard des goym — ceux du dehors, comme dit la définition de la parabole, en un mot ceux qui ont des pie pour ne point voir et des oreilles pour ne point entendre — ; mais il est lié au regard de tous les compères qui ont l'esprit servi par des yeux avec lesquels on voit et des oreilles avec lesquelles on entend. Pour ceux-là bar-Abbas est toujours dans les liens qui l'enserrent depuis Lydda, c'est lui que les soldats de Tibère vont fouetter, ô crime ! et que les pourceaux gaulois adoreront un jour, ô joie !

Mais que la fustigation tient donc peu de place maintenant ? Ce n'est plus qu'un mot jeté négligemment dans le texte, Luc va jusqu'à le supprimer tout à fait. Qu'il est loin, le tableau que Cérinthe a peint de ce trait précis : Pilatus empoignant de sa propre main Bar-Jehoudda et le faisant fouetter[129] ! C'est un épisode à oublier, car s'il y eut des raisons pour fouetter bar-Abbas qui s'était proclamé roi du monde, il n'y en a aucune pour fouetter Jésus qui ne s'avoue même plus roi des Juifs, — c'est Pilatus qui prend cela sous son casque — et qui ne se dit plus fils de Dieu, si ce n'est dans un entretien fictif avec Kaïaphas. Il est clair toutefois que les soldats ne l'ont fouetté qu'après l'avoir dépouillé de sa pourpre et qu'ils ne lui ont ni mis ni remis de vêtements pour l'emmener. On crucifiait nu. Ainsi fut cru-Cillé bar-Abbas. A peine lui laissa-t-on la belle chemise dont parle Cérinthe comme n'ayant pu être divisée avec le reste ; et si dans les Synoptisés il est mené vêtu au supplice, c'est uniquement par la volonté de l'Eglise.

Au début vous avez pu avoir un moment de stupeur, lorsque, sur la foi de tous les témoignages juifs, grecs et latins, j'ai replacé le bar consubstantiel à l'Abbas dans l'atmosphère de scélératesse où il a vécu et qu'il a tant contribué à épaissir. Vous avez même pu, malgré leur puissante harmonie, résister à ces témoignages parce qu'ils ne sont pas revêtus du sceau de l'infaillibilité. J'ai, moi aussi, connu cette hésitation, et elle est à notre honneur. Nous avons voulu nous éviter tout jugement qui participerait de la fragilité humaine, mais voici qui est du Saint-Siège et qui nous met à l'aise : Barabbas, d'après les détails fournis par les divers évangélistes, avait trempé dans une sédition, et il était voleur et assassin. Inclinons-nous, l'infaillible a parlé.

Il a précisé les qualités de bar-Abbas selon le droit commun, mais il a laissé de côté sa situation au point de vue spécial de la loi hérodienne, dans le cas où Pilatus lui eût fait grâce de la vie. Elle n'est pas bonne du tout. Si la sentence du sanhédrin n'eût pas spécifié que bar-Abbas périrait sur la croix, le peuple n'eût pas crié à Pilatus : Crucifie-le ! Crucifie-le ! Mais eût-il été gracié pour l'assassinat et pour la rébellion, qu'il n'eût pas été rendu à la liberté. Tant s'en faut ! Parmi les crimes qu'il avait commis, il en est un qui seul eût suffi pour emporter son assimilation aux esclaves, c'est celui de vol par percement de murailles. Or on ne peut douter que ce ne fût là le genre de vol pour lequel il avait été condamné, puisque non seulement il avait forcé des maisons, mais des villes[130]. Pour empêcher qu'on ne fit tort aux particuliers ni dans Jérusalem ni dans la campagne, Hérode avait promulgué une loi ordonnant que les perceurs de murailles seraient traités en esclaves et vendus hors du royaume[131]. Josèphe trouve la loi d'Hérode irréligieuse, parce que les Juifs ainsi traités tombaient par la vente sous le coup de lois étrangères qui ne reconnaissaient pas la libération en quelque sorte mécanique de la septième année. Bar-Abbas n'eût donc pas été rendu à l'amour de ses sujets, il eût été vendu à des païens ; et étant donné ses antécédents, nous doutons qu'il eût été affranchi pour sa bonne conduite.

Vous avez pu voir à quel point les synoptiseurs ménageaient Pilatus et par quelle honteuse politique. Mais dès qu'ils le virent suffisamment compromis dans leurs fourberies, les écrivains d'Église se retournèrent brusquement contre lui et l'accablèrent pour décharger d'autant bar-Abbas. Car si on avait réussi à dissimuler complètement la condamnation de bar-Abbas le 5 adar, il restait contre Pilatus le fait de l'avoir crucifié : supplice qui caractérise le crime, comme chez nous la guillotine. Aidons-nous sur ce point des lumières de l'Infaillible : Le supplice de la croix très fréquent chez les Romains, était spécial pour les esclaves. On l'appliquait quelquefois aux hommes libres, mais alors aux plus vils ou aux plus coupables comme les voleurs, les assassins, les faussaires, les séditieux. Dans ces conditions, pourquoi Pilatus avait-il crucifié bar-Abbas après l'avoir reconnu innocent ? C'était une prévarication, une forfaiture dont l'Empire romain tout entier était responsable : C'est lui, dit le juif Hégésippe[132] parlant de Tibère, c'est lui qui fit Pilatus gouverneur des Juifs, homme trompeur et sans foi. Mais de quelle chose, si injuste fût-elle, n'aurait-il pas été capable, cet homme qui, sans raison aucune, fit attacher Jésus-christ à la croix ? Ce Malheureux en est venu à une telle inconscience dans la rage qu'il a fait mourir l'Auteur du salut[133] et de tout bien ! Il parait également qu'il valait mieux accuser Pilatus que bar-Abbas d'avoir causé la perte de la Judée : C'est par lui, continue Hégésippe, que la Judée fut détruite de fond en comble. C'est par lui que les Juifs furent acculés à une fin si misérable que la renommée de leur chute est célèbre dans le monde entier ![134]

 

 

 



[1] Je vous demande pardon de ce néologisme barbare, mais il est le seul qui réponde à ce grossier travail de fraude.

[2] Cf. L'Evangile de Nessus.

[3] Voir la carte ci-contre. Nous donnons les noms actuels afin que le lecteur puisse les retrouver sur toutes les cartes.

[4] Ce fameux baiser que dans la Sagesse de Valentin Joannès, Myriam Magdaléenne et Jacob donnent à Jésus sur la poitrine et qui est le signe de l'adoration la plus intense.

[5] Sur cette idole de Moïse conservée par la tribu de Dan, cf. Le Gogotha.

[6] Dedôkei dè o paradidoùs autôn sussémon.

[7] Rappelons qu'il se compose de deux poissons qui se tournent le dos, quoique d'ailleurs ils trempent dans le même plat.

[8] Le texte grec porte : Rabbi, rabbi.

[9] Il veut dire que c'est le vrai titulaire du signe, le signe incarné.

[10] Oui, mais pour le baiser il est obligé de retourner sa propre position dans le signe. C'est une exception qui ne s’est pas renouvelée.

[11] Mieux que cela, inséparable par le dos.

[12] Il résulte des circonstances que l'affaire s'est passée à Lydda le 13 nisan. Nous avions cru pouvoir lui assigner un lieu et une date antérieurs. Cf. Le Roi des Juifs. Nous nous sommes trompés, nous rectifions.

[13] Le père de Jehoudda s'appelait Jacob. Cf. sa généalogie dans Le Charpentier.

[14] Amalech est rendu par Malchos dans le grec de Corinthe. Cf. L'Evangile de Nessus.

[15] Père d'Hérode. D'où le nom d'Antipas et d'Antipater qu'Hérode donna à deux de ses fils. Saül était petit-fils de Salomé, sœur d'Hérode. Cf. Le Roi des Juifs.

[16] Plus de nom.

[17] Plus de nom.

[18] Ils prévoient que l'Eglise aura besoin de convertir Saül !

[19] Sur cette immixtion inévitable en temps de pâque, cf. L'Évangile de Nessus.

[20] Uniquement par la Lettre aux Colossiens, IV, 14 : Luc, le médecin bien-aimé, vous salue.

[21] On appelle parfois ainsi l'écrit que les synoptiseurs ont signé : Luc.

[22] Anticelse, II, 9, 10. Ne pas confondre la Réplique du rabbin avec les Paroles du Rabbi. La Réplique du Rabbin est un anti-évangile dans lequel très probablement sous le nom de Kaïaphas, un docteur de la synagogue, mettait à néant toutes les calomnies forgées par les jehouddolâtres.

[23] Anticelse, II, 9, 10.

[24] Ceci quand on eut enlevé le nom de Shehimon dans les trois synoptisés et inventé Paul.

[25] Tryphon, l. III, 106, dans les Œuvres de Justin.

[26] Pas le moindre falot, pas la moindre lanterne.

[27] Cf. Le Roi des Juifs.

[28] Pas à une autre, appartenant, par exemple, au troisième siècle, mais cette année-là, ce jour-là, cette heure-là.

[29] Il va dire qu'aucun n'avait prévu que le Messie d'Israël finirait d'une manière si peu respectable. Mais l'Evangéliste vient d'arranger l'affaire avec le revenant lui-même, qui naturellement n'a pas protesté, reconnaissant que, deux siècles auparavant, il a été abandonné de ceux qui le suivaient. Puisque Jésus lui sacrifie la vérité, que le roi des voleurs se laisse faire ! Il sera sauvé de la seule façon dont il puisse l'être, c'est-à-dire par l'intervention du Verbe menteur.

[30] Que Cérinthe appelle le Prince de ce monde. Cf. L'Evangile de Nessus.

[31] Il y a là tout le sanhédrin qui devient ainsi témoin de l'existence de l'innocent Jésus.

[32] Jouée par Is-Kérioth.

[33] De latro, larron. Latrocinia fecit, dit Lactance d'après Hiéroclès, parlant de Bar-Jehoudda. Princeps latronum fuit, dit le Talmud. Cf. Le Roi des Juifs. Quelques minutes de patience, et vous allez l'opinion de l'Infaillible lui-même.

[34] On dit même que l'un des deux larrons, celui qui est dit le bon (c'est Simon de Cyrène), s'appelait Dismas.

[35] On expliquait la précession équinoxiale par une rétrogradation du Soleil.

[36] Elle est dans Cérinthe à qui les synoptisés ont déjà emprunté, mais en la plaçant au pressoir d'huile, l'allégorie des trois veilles préparatoires du chant du coq et qui pour Cérinthe ont lieu dans la cour du Hanôth.

[37] Levez-vous, marchons, leur dit-il.

[38] On pourrait dire le chiffre exact, si l'on savait combien d'années après le millénaire du Zib on a fabriqué ces écritures, puisque le Zib est le sixième millénaire depuis Adam.

[39] On lit dans le grec actuel néaniscos qui veut dire petit jeune homme, mais il y a eu certainement néanicos, entendu dans le sens de grand, fort, puissant. violent même.

[40] Péribéblèmenus sindona epi gumnou. Nous avons traduit sidôn par léger voile blanc dans Le Roi des Juifs, et c'est le sens strict, mais nous pensons que le terme le plus vague est celui qui le rend le mieux.

[41] Intercalé pour égarer le goy. Celui qui s'enfuit n'est jamais nu, c'est sa caractéristique.

[42] Et même un petit jeune homme depuis le remplacement de néanicos par néaniscos.

[43] À la vérité, nous ne sommes pas sûrs que Barbilô soit venu lui-même, c'est une hypothèse que la nature de ce personnage rend vraisemblable. Cf. L'Evangile de Nessus.

[44] Pistis Sophia, éd. Amélineau, p. 81 et 88.

[45] Par le Père à la ressemblance de colombe.

[46] Pistis Sophia, p. 5.

[47] Pistis Sophia, p. 78.

[48] Pistis Sophia, p. 78.

[49] Pistis Sophia, p. 79.

[50] Cf. Les Evangiles de Satan, deuxième partie.

[51] Il entre ainsi dans la catégorie des poissons bons à cuire, comme fait Jésus des cent cinquante-trois poissons de la pâque manquée. Cf. L'Evangile de Nessus.

[52] Cf. L'Evangile de Nessus.

[53] Cf. Le Roi des Juifs.

[54] Prôs Annan.

[55] Sur son fils ou petit-fils, assassiné par les gens de Ménahem, cf. Le Saint-Esprit.

[56] Cf. L'Evangile de Nessus.

[57] Si toutefois les jehouddistes les lui avaient laissés, ce qui possible, mais anormal.

[58] Si Bar-Jehoudda eût été conduit chez Hanan et non au Hanôth, c'est chez Hanan que se réunirait le sanhédrin, car ce même Luc, après avoir antidaté la crucifixion de sept ans (il la place en 781), dit qu'Hanan et Kaïaphas étaient grands-prêtres cette année-là. Cf. Les Évangiles de Satan, deuxième partie.

[59] Cf. L'Evangile de Nessus.

[60] Cf. L'Evangile de Nessus, Le Roi des Juifs, Les Marchands de Christ.

[61] C'est le signe de la troisième veille.

[62] Mettons Gamaléen, et n'en parlons plus.

[63] Entre la troisième et la quatrième veille.

[64] Luc est le seul qui maintienne cet homme, qui est celui dont a parlé Cérinthe comme étant le parent de Saül.

[65] Ceci n'est que dans Luc et a été ajouté, au risque de déshonorer immédiatement Shehimon, pour faire croire que Bar-Jehoudda n'était pas dans le Hanôth, mais dans la cour.

[66] Cf. Les Evangiles de Satan, deuxième partie.

[67] O nazôraias que le Saint-Siège traduit par de Nazareth comme si Nazareth existait avant le huitième siècle.

[68] Cf. Le Roi des Juifs.

[69] Pas du tout, il en était le ministère public. Le président du sanhédrin qui avait condamné Bar-Jehoudda le 5 adar était Gamaliel, son parent, descendant lui aussi de David. Cf. Le Roi des Juifs. Le Saint-Siège lui-même le reconnaît : Gamaliel fut président du sanhédrin sous Tibère. Cf. sa note sur le verset 34 du chapitre V des Actes des Apôtres. Mais comme l'Église l'a converti au christianisme, il parait plus expédient de confier la présidence de Kaïaphas qu'on a pas pu jehouddolâtriser en temps utile.

[70] Exode, XVIII, 17-26.

[71] D'autant plus faux que la tête de Bar-Jehoudda était à prix depuis quarante jours ! Cf. Le Roi des Juifs.

[72] Cf. Le Gogotha.

[73] Luc est le seul qui avance cette imposture, moins invraisemblable toutefois que la réunion nocturne. On avait fait observer que le sanhédrin ne s'assemblait pas la nuit.

[74] Eis to sunédrion eautôn. Le sanhédrin siégeait dans la salle du Hanôth. (Cf. Le Roi des Juifs.) Bar-Jehoudda aurait eu toute la ville à traverser du sud-ouest au nord-est pour revenir ensuite chez Kaïaphas, dans l'hypothèse où la maison de celui-ci eût été sur mont Sion, comme le veut l'Eglise.

[75] Cf. Le Roi des Juifs.

[76] Cf. L'Evangile de Nessus.

[77] Il s'enhardit. Dans Matthieu, il répond simplement à Kaïaphas : Tu l'as dit, comme à un connaisseur.

[78] Cette fois il s'agit de Bar-Jehoudda.

[79] Ici on combine ici le Tu l'as dit de Matthieu avec le Je le suis de Marc.

[80] Lévitique, XXIV, 16.

[81] On est obligé d'inventer des mots spéciaux.

[82] La voilà, la vraie multiplication des pains !

[83] Valentin en parlait certainement dans les Sagesses valentiniennes, mais on a coupé tous les passages dangereux.

[84] Cf. Les Marchands de Christ.

[85] Cf. Le Roi des Juifs.

[86] Vingt-neuf, mon ami, vingt-neuf seulement, du 15 adar au 14 nisan. Dans une écriture inspirée par Dieu il faut être de bon compte.

[87] Pas du tout il avait sa rémission par l'Eucharistie, et en attendant Jésus lui avait lavé les pieds dans le Quatrième Évangile.

[88] Des prêtres christiens auraient pris les trente deniers tout de suite pour les placer à usure, comme le commande Jésus. Cf. Les Évangiles de Satan, première partie.

[89] La pendaison de Judas vaut la décapitation du Joannès.

[90] À la bonne heure donc !

[91] Ce serait la seule fois que le sang de Bar-Jehoudda eût valu quelque chose.

[92] Pour bien faire il aurait fallu quarante pièces, puisque la tête de Bar-Jehoudda fut à prix pendant quarante jours.

[93] Sur toutes ces falsifications prophétiques et leurs motifs, cf. Les Marchands de Christ.

[94] Remarquez bien quelle insistance on déploie pour que Jésus ne soit pas lié avant d'être mené à Pilatus.

[95] Quatrième Evangile, XVIII, 12.

[96] Cf. Le Gogotha.

[97] C'est une idée bizarre de Pilatus, mais il en reviendra.

[98] Ceci n'est que dans Luc. Déjà les membres du sanhédrin sont moins catégoriques en ce qui touche la politique jadis prêchée par le prétendant. Jésus enseigne, mais si c'est le tribut à César qu'il enseigne ?

[99] Cf. Les Évangiles de Satan, deuxième partie.

[100] Cf. Le Gogotha.

[101] A cause des affaires de Pérée et de la journée des pourceaux gaulois. Cf. Les Evangiles de Satan, deuxième partie.

[102] Sur cette expression, cf. Le Gogotha.

[103] Cf. Les Évangiles de Satan, deuxième partie.

[104] Cf. Les Évangiles de Satan, deuxième partie.

[105] Parce qu'il refuse de faire des miracles. C'est du dépit.

[106] Certainement cette invention diabolique est antérieure à celle de la décapitation de Joannès. Le procédé est bien de ceux dont on a fait l'essai sur Saül et ses parents dans les Actes des Apôtres, et c'est pourquoi l'Eglise, seule authoress des Evangiles postérieurs à Cérinthe, a pu soutenir que celui de Luc et les Actes étaient de la même main.

[107] Cf. L'Evangile de Nessus.

[108] Cf. L'Evangile de Nessus.

[109] Plus que suspecte au point de vue topographique, la note du Saint-Siège est très affirmative sur le sens du mot prétoire, tel que les évangélistes ont pu l'entendre : Le prétoire, qui désigna d'abord la tente du général en chef dans le camp, fut aussi plus tard le nom donné à la résidence d'un gouverneur de province, comme était Pilate. C'est là qu'il habitait et qu'il rendait la justice. Les évangélistes ont conservé le nom latin grécisé que les Latins avaient donné au palais du procurateur dans la capitale de la Judée. A la place où s'élevait autrefois le prétoire est aujourd'hui en grande partie, à ce qu'on croit, la cour actuelle de la caserne turque, au nord-ouest du temple. On y voit encore de grosses pierres qu'on dit avoir appartenu au prétoire. L'escalier qui, de la cour supérieure où était le prétoire, conduisait dans la cour inférieure occupée aujourd'hui par une rue, a été transporté à Rome, où il est vénéré près de Saint-Jean de Latran.

[110] Cf. Le Gogotha.

[111] Et même par Luc, cf. Les Evangiles de Satan, deuxième partie.

[112] Cf. Luc, XVIII, 32, 33. Cf. Les Evangiles de Satan, deuxième partie.

[113] Cf. Les Marchands de Christ.

[114] Cf. Les Marchands de Christ.

[115] Cf. L'Evangile de Nessus.

[116] Et non Ecce homo, on peut en être sûr.

[117] Cf. Tacite, Annales. Cf. Le Charpentier.

[118] La cohorte romaine se composait de six cent vingt-cinq hommes. Le mot cohorte désigne surtout la cavalerie.

[119] On lit aujourd'hui acanthinon. La couronne d'épines est venue remplacer la couronne de joncs originale, lorsque l'Eglise eut tout à fait converti la punition de bar-Abbas en passion de Jésus-Christ. La couronne qu'on mit sur la tête de Notre-Seigneur était de jonc entrelacés d'épines de zizyphes, dit le Saint-Siège. La couronne proprement dite est conservée à Notre-Dame de Paris ; Pise possède dans sa jolie église de la Spina une branche de zizyphus. La couronne de joncs, de Paris, cette relique insigne, peut-être la plus remarquable de celles que possèdent les chrétiens, à cause de son intégrité relative, vient sans conteste de saint Louis. Elle se compose d'un annelle de petits joncs réunis en faisceaux. Le diamètre intérieur de l'anneau est de 210 millimètres ; la section a 15 millimètres de diamètre. Les joncs sont reliés par quinze ou seize attaches de joncs semblables. Quelques joncs sont pliés et font voir que la plante est creuse ; leur surface, examinée à la loupe, est sillonnée de petites côtes. Quant aux épines, nul doute que ce ne soit du rhamnus, nom générique de tee plantes qui se rapprochent tout à fait de l'épine de Pise. Ce rhamnus était le zizyphus spina Christi ou jujubier. Dans la couronne de Notre Seigneur, ses branches, brisées ou courbées vers le milieu pour prendre la forme d'un bonnet, étaient fixées par chacune de leurs extrémités, soit en dedans, soit au dehors du cercle de joncs. Il fallut que le cercle fût plus grand que le tour de la tête, afin de pouvoir l'y faire entrer, malgré le rétrécissement causé par l'introduction des branches ; et l'on trouve en effet que la couronne de Notre-Dame, placée seule sur la tête, tomberait sur les épaules. On n'avait même pas besoin de nouveaux liens pour les fixer au cercle de joncs ; et les rameaux passés alternativement dessus et dessous devaient suffire pour les maintenir. C'est cette opération que les évangélistes ont pu appelé le tressage. Les soldats, sans doute, évitèrent de toucher à ces horribles épines, dont chacune, plus tranchante que la griffe du lion, fait jaillir le sang en abondance. La branche de zizyphus de Pise a 80 millimètres de hauteur. L'épine principale a plus de 20 millimètres de longueur. A ce compte l'opération du tressage eût été plus dangereuse pour les Romains que l'épée de bar-Abbas !

[120] Quoi ! du roseau seulement ? Pour frapper sur une tête couronnée d'épines tranchantes comme la griffe d'un lion ? C'est une catapulte qu'il eût fallu.

[121] Cf. L'Evangile de Nessus.

[122] Dans les invocations à Dieu que nous avons citées, cf. Les Évangiles de Satan, première partie, et deuxième partie, Bar-Jehoudda l'appelle toujours Abba. Mieux encore, dans l'araméen de l'Evangile (il en reste quelques mots), son revenant emploie toujours le mot Abba pour invoquer le Père.

[123] Il n'est déjà plus aussi illustre que dans Matthieu. Il est quelconque.

[124] Claudia Procula ou Procla, d'après la tradition, dit le Saint-Siège.

[125] Au Sôrtaba surtout !

[126] Après lecture de l'Apocalypse elle n'était pas rassurée sur son sort.

[127] Cf. Les Évangiles de Satan, première partie.

[128] On y tient ! Sans cela on pourrait encore dire qu'en 788 c'est bar-Abbas qui était appelé christ.

[129] Cf. L'Évangile de Nessus.

[130] Cf. Le Roi des Juifs.

[131] Antiquités judaïques, l. XVI, ch. I, 579.

[132] Hégésippe, l. II, ch. IV.

[133] Hégésippe prend cette expression dans les Actes des Apôtres où Bar-Jehoudda est dit l'auteur de la vie. Cf. Les Marchands de Christ.

[134] Ceci en réplique à Josèphe qui convainc Jehoudda et ses fils d'avoir causé la perte des Juifs. Cf. Le Charpentier.