LE MENSONGE CHRÉTIEN - (JÉSUS-CHRIST N'A PAS EXISTÉ)

 

TOME VII — LES ÉVANGILES DE SATAN (PREMIÈRE PARTIE)

III. — LE PÈRE DES ÉVANGILES.

 

 

I. — PAPIAS D'HÉLIOPOLIS.

 

Mais voici Papias, évêque d'Hiérapolis de Phrygie sous Antonin. Juif jusqu'aux dents, donc perclus de jehouddolâtrie, Papias était commissionnaire en Asie pour l'article baptême. Nul sinon Cérinthe n'a mieux connu les Paroles du Rabbi, puisqu'il en a fourni les explications qui comprenaient cinq livres. De ces Explications il ne reste rien que le titre, mais de ce belles contenaient il reste l'Apocalypse et le rudiment des trois Évangiles synoptisés, car, nous le savons, Papias narrait la crucifixion du fils du Charpentier sous le nom de Joannès[1], et s'il n'abordait ce martyre qu'au second livre, c'est qu'il avait consacré le premier au Charpentier lui-même. Nous gageons que l'Assomption de Moïse (le nouveau Moïse, Jehoudda Panthora) provient de ce premier livre[2].

Ne vous y trompez point, Papias n'est point un nom d'homme. C'est le diminutif, pappias, de pappas, dont on a fait pape. Le pappas senior de toute l'Asie fut Philippe. Le pappas minor ou pappias, c'est le personnage qui exerce le patriarchat millénariste d'Asie et chez lequel les sept autres évêques de l'Apocalypse de Pathmos viennent prendre le mot d'ordre. Où est l'Ecriture qui fait loi, le Livre qui contient le dogme ? Chez lui, nulle part ailleurs. Il ne s'appelait pas plus Papias en circoncision que Jehoudda ne s'appelait Joseph, Zakhuri, Iaô-Schanos (Joannès) ou Zibdéos ; Salomé, Maria Magdaléenne ; Bar-Jehoudda Iaô-Schanos (Joannès) ou Ieoschoua (Jésus) ; Shehimon, Képhas (la Pierre) ; Jacob junior, Andréas ; Jacob senior, Oblias (Force du peuple) ; Jehoudda junior, Toâmin (Jumeau) ; Ménahem, Nathanaël, Jehoudda Bar-Shehimon, Marcos, et Mathias Bar-Toâmin, Barthélemy. Mais toute l'ancienne génération partie, c'est lui qui fut le petit père[3], le pape de la seule Église orthodoxe qu'il y ait jamais eu. Papias, voilà le père spirituel des charpentiers pêcheurs dont Apulée a trouvé les poissons sur le marché d'Hypate.

Qu'est devenu Philippe au milieu des événements qui ont frappé ses frères ? La tradition veut qu'il se soit retiré à Hiérapolis de Phrygie où on montrait son tombeau dans les premiers siècles. Que vaut cette tradition en ce qui concerne Philippe ? On ne sait, mais il peut y avoir quelque chose là qui concerne sa descendance. C'est un fait avoué par Valentin qu'après la chute de Jérusalem, la Sagesse davidique, entendez la kabbale incarnée dans le christ, s'est réfugiée en un lieu éloigné où elle a vécu sans être foulée par la Bête[4]. Autre fait, constant celui-là et décisif : la ville où l'on retrouve les Paroles du Rabbi sous Hadrien, c'est Hiérapolis. Dans cette ville Papias aurait connu les Quatre filles de Philippe, qualifié à bon droit d'Évangéliste par les Actes des Apôtres. Ces quatre filles sont dites vierges et prophétesses dans ce même écrit où nous avons relevé près de cent cinquante impostures[5]. Prophétesses certes, il n'en faut point douter, et prophétesses de la prophétie joannique. Mais vierges, c'est une autre affaire. Les Actes ne les déclareraient pas vierges si, comme leur grand-mère, elles n'avaient pas été mariées. Les filles de Philippe, les gendres de Philippe et leurs enfants, voilà le trait d'union tant cherché de notre Papias et la génération apostolique.

La lettre de Polycrate dit que Philippe a fondé l'église d'Hiérapolis, et elle en fait un des douze, parce que cela confère des droits apostoliques à cette église. Eusèbe dit avoir trouvé dans Proclus que Philippe est enterré à Hiérapolis ainsi que ses filles. Alors Papias, son successeur sous Hadrien, a ses écrits et vénère son tombeau. Et dans sa jeunesse il a pu connaître ses filles, fort âgées sans doute, car elles ont dû naître avant 789 ; il a pu même épouser quelqu'une de leurs filles, et c'est à cause de cela très certainement qu'on dit dans les Actes qu'elles sont demeurées vierges, et qu'elles l'étaient encore sous Néron. C'est peut-être aussi pour cela que Papias, dans le fragment qu'Eusèbe lui attribue, ne se vante plus de l'illustre origine de son Église. Une chose est certaine : le seul individu qui se vante au milieu du second siècle de posséder le manuscrit authentique des Paroles du Rabbi, c'est Papias.

 

II. — ARISTON DE PELLA.

 

Papias ne donne plus aucun titre de parenté aux sept apôtres de l'Évangile du Royaume. C'était inutile en son temps, on savait qu'ils étaient frères, et disciples de leur père, le Rabbi de ces rabbis, le Charpentier. Entre les Sept et lui Papias ne reconnaît que trois organes de transmission, Mathias, Marcos et un certain Aristion qui se confond étroitement avec Ariston de Pella[6], célèbre par son ineptie[7], à moins que cette ineptie ne soit de la malice, car ces naïfs sont d'une astuce incroyable. Marcos et Ariston sont donnés tous deux comme disciples du Rabbi, et c'est exact à la condition d'entendre par Rabbi le Joannès II, le théoricien de l'Évangile du Royaume. Mais si Ariston est disciple du christ (il l'est, en effet, m ais à deux ou trois générations près), d'où vient qu'on ne le trouve pas au nombre des Évangélistes ? Il n'y e u a déjà pas tant ! Fort embarrassés de cet Ariston, des exégètes anciens ont dit qu'il pourrait bien être le même que Luc, mais comme Lucius est Cyrénéen et Ariston Macédonien, ils n'ont point insisté. Les modernes, non moins embarrassés que les anciens, mais beaucoup plus catholiques, disent qu'il faut lire qu'Ariston était simplement disciple des disciples ; d'autres, non moins catholiques et tout aussi embarrassés, disent qu'il y a interpolation à cet endroit. (L'Église conteste toujours les textes qui la condamnent.)

Plus soucieux de la personnalité de cet Ariston, je vois en lui le presbytre qui tendit dans la poissonnerie à Hypate les premiers filets joanniques. Dans un manuscrit arménien fort antique[8], on trouve le nom de Marc accolé d'assez près à celui d'Ariston pour qu'on y ait ajouté deux mots d'après lesquels on a pu croire que Marc était le pseudonyme du presbytre Ariston, car Ariston y est dit presbytre. Il est clair que si Papias évoque Ariston, après Mathias bar-Toâmin et Marc, c'est qu'Ariston doit être retenu parmi les scribes qui leur ont succédé, et qu'il est le petit vieux (seniculus), dont l'édile d'Hypate foule aux pieds les poissons dans la parabole d'Apulée.

 

III. — L'ÉLIMINATION PROGRESSIVE DE PAPPIAS.

 

J'insiste d'autant plus sur Papias qu'insensiblement l'Église a fini par l'enterrer. C'est aujourd'hui l'homme le moins ressuscitable de son temps. On ne le retient au nombre des Saints qu'à cause de son antiquité. On a manœuvré pour affaiblir son témoignage, au point de le faire passer pour un minus habens. Eusèbe le traite à peu près d'imbécile. C'était, dit-il, un petit esprit. Il n'aimait point les livres, — entendez qu'il ne connaissait point Jésus. Il préférait les Logia de ceux qui avaient vu les apôtres (les Paroles du Rabbi telles que ses frères et ses neveux les avaient transmises). Papias évidemment faisait preuve d'un goût déplorable, mais il aimait ce qu'il fallait aimer quand on tient l'œuvre de Bar-Jehoudda pour une inspiration divine. Il suivait son enseignement, parce qu'il entrevoyait à brève échéance pour lui et pour sa race, — la partie n'était que remise, — les mille ans de la Jérusalem d'or. Eusèbe lui souhaite une intelligence plus vive de l'intérêt ecclésiastique : celle que montre Papias est fâcheuse en effet, il professe l'identité de Joannès et du christ. Aussi a-t-on fait disparaître soigneusement ses Explications des Paroles du Rabbi, car ce Rabbi ne s'appelait pas Jésus de son nom de circoncision, mais Jehoudda-bar-Jehoudda.

Pour qu'un ouvrage d'un poids si extraordinaire — cinq livres d'Explications sur les Paroles que le Rabbi avait laissées — ait été ravi à la pieuse curiosité des élus, il faut qu'il y ait eu là des choses bien gênantes. Car Papias vulgarisait la kabbale davidique, il était le lien officiel, l'unique lien entre l'Évangile du christ et les églises d'Asie. Pourquoi s'être privé de ses Explications ?

On comprend tout de suite pourquoi, après avoir formellement représenté Papias comme l'esclave obtus de la tradition apostolique, Eusèbe ose le donner ensuite comme étant l'inventeur du millénarisme et du Millénium[9]. Qui peut-il tromper ? Tous ceux qui ne savent pas que l'Apocalypse, voire celle de Pathmos, est le manifeste du christ lui-même. On comprend aussi pourquoi, les écrits de Papias jetés au feu ou à l'eau par quelque Eusèbe, l'Église a dit que le Joannès dont il suivait la doctrine n'était pas le christ, mais un de ses disciples, son plus intime ami. Toutefois, conservé par Eusèbe après les retouches nécessaires, le début des explications fait voir clairement que le bienheureux Papias n'a pas connu personnellement celui qu'il avoue pour son maître, et en effet celui-ci était mort, crucifié par Pilatus le 14 nisan 788. Avait-il été l'auditeur de Joannès III, celui qu'on appelle Marcos ? C'est douteux, œtatis causa, car Papias serait mort vers 165 de l'Erreur christienne et c'est le dernier chantre du Millénium en Asie. Il n'a guères pu connaître que de nom Mathias et Marcos, lesquels, à en juger par la date approximative de leur naissance, devaient être, en l'an 100 de ladite Erreur, dans un état voisin du coma final, si toutefois ils ne l'avaient déjà franchi. Il ne les connaît qu'à raison des quelques faits de l'âge apostolique qu'ils ont transmis avec les Paroles du Rabbi, un très petit nombre, dit-il, et sans ordre, venant surtout de Marcos, fils et disciple de fa Pierre. Il est mort lui-même sans avoir connu Jésus de Nazareth et le mot Évangiles dans le sens où nous l'entendons, sans avoir connu non plus le moindre Luc et ce fameux Jochanan que l'Église nous présente aujourd'hui comme étant l'auteur du Quatrième Évangile. Franchement pouvait-on faire état d'un pareil cancre ?

 

Toutefois l'Église lui doit beaucoup plus qu'elle ne reconnaît en avoir reçu. Avant lui, il n'y a que deux évangélistes ; après lui, il y en a quatre ! Dans Papias il y a quelque rudiment de papyrus. Un scribe qui n'est ni Mathias ni Marcos, ni Lucius de Cyrène ni Ariston, ni même l'insynoptisable Cérinthe, a institué le régime allégorique des quatre Évangiles canoniques. Papias est un père nourricier d'évangélistes. Élargissant les horizons merveilleux que Bar-Jehoudda ouvrait aux seuls Juifs sur la Jérusalem d'or et le Jardin aux douze récoltes, il les a étendus aux Grecs d'Asie. C'est lui, nous l'avons montré, qui le premier a fait circuler parmi les Juifs de Macédoine, de Thessalie, d'Etolie, de Béotie et d'Achaïe le mythe du Jardinier, le mythe des Charpentiers, le mythe des piscines probatiques ou poissonneries, le mythe des pécheurs d'hommes ; c'est lui qui le premier a mis au vent les voiles de la barque du Zibdéos, c'est lui qui a masqué de leurs impénétrables surnoms tous les personnages de l'Évangile : Joseph de Nazireth ou le Charpentier, Zakhûri, Zibdéos ; Eloï-Schabed ou Maria Magdaléenne, autrement dite la mère des fils de Zibdéos ; Joannès père, Joannès fils ou le Charpentier Jésus ; la Pierre, Joseph l'Haramathas et tout ce qui s'en suit. C'est lui qui prudemment, par une hypocrisie nécessaire à la négociation du baptême, a le premier allégorisé, parabolisé, chaldaïsé l'histoire de la Prédication de Bar-Jehoudda. Les trois Évangiles qu'on appelle aujourd'hui synoptiques ou synoptisés ne formaient au début qu'un seul et même écrit dont l'Église a fini par faire disparaître l'original, et cet écrit, c'est le second livre des Explications de Papias. Et tant par respect de la vérité historique que par logique commerciale, cet écrit reposait sur l'identité du Joannès remetteur de péchés avec le personnage qu'on appelle aujourd'hui Jésus. Voilà pourquoi Papias est traité d'imbécile par Eusèbe !

Le juif Salomon (c'est celui qu'on appelle Irénée, saint Irénée), a importé les Paroles du Rabbi, avec les Explications de Papias, dans la colonie juive de Lyon où il s'était établi pour les besoins de son chantage à la fin du monde. Cérinthe et Valentin n'ont rien pu sans Papias ; Irénée non plus, l'Église le reconnaît dans les écrits qu'elle a mis sous son nom. Dans la couche la plus ancienne de ces écrits on acompte qu'il parlait jusqu'à sept fois d'un Ancien, d'un Presbytre dont il tenait toute sa science et qui avait été disciple des disciples des apôtres. D'où vient qu'aujourd'hui on ne fait plus à ce Presbytre l'honneur de le nommer ? C'est que ce Presbytre s'appelle Papias, ancêtre de tous les évangélistes, car il racontait beaucoup de choses[10] touchant ceux que Jésus avait ressuscites des morts et qui vécurent, dit-il, jusqu'au temps d'Hadrien[11]. Combien y avait-il de gens dans ce cas ? On ne connaît que Jehoudda et Zadoc ressuscites en 761 sous Auguste, Jacob junior en 787, la fille de Jaïr (la femme de Shehimon) et Eléazar en 788, tous trois sous Tibère. Quant au christ lui-même, il n'était pas encore ressuscité sous Trajan, puisque les descendants de ses frères n'avouaient même pas qu'il eût été crucifié. Qui l'a ressuscité ? Papias. Ressuscitait-il sous le nom de Jésus au second livre des Explications ? Non, sous le nom de Joannès, et sous ce nom— nous l'avons montré par l'Évangile de Cérinthe — il est censé avoir survécu à tous ses frères, visible pour les Juifs, invisible pour les goym, jusqu'au temps d'Hadrien.

 

Avec Ariston et Cérinthe, Papias est le seul individu dont le nom soit resté attaché à la confection des Évangiles, à tel point que, dans le prologue d'un manuscrit du Vatican[12], on revendique pour l'évêque d'Hiérapolis la gloire d'avoir écrit le Quatrième sous la dictée de Jochanan son maître. N'est-il pas curieux de voir qu'auprès de l'Église romaine où Clément succède à Cérinthe dans la confection de ce fameux Quatrième, Papias l'emporte à la fois sur Clément, sur Cérinthe et même sur Prochorus[13] comme auteur d'un Évangile ? Le nom de Papias plane sur toute la fable. Aussi a-t-on fait tout ce qu'on a pu pour établir qu'il avait connu le Quatrième Évangile comme étant de Jochanan. Ce n'est pas qu'on tint à mettre Papias dans une lumière aveuglante, mais le désir de prouver par lui l'existence de ce Jochanan l'a emporté sur tous les motifs qui militaient en faveur de la discrétion. Les emprunts de Cérinthe à Papias étaient tels que, plutôt que d'en reconnaître la source, on a préféré donner le Quatrième Évangile à Papias lui-même. Dans un texte arménien du douzième siècle, publié par Conybeare en 1894, on lit : L'aloès qu'ils (Cléopas et le fossoyeur) apportèrent était, dit-on, un mélange fait moitié d'huile, moitié de miel. Or, il est certain que l'aloès est une espèce d'encens, comme l'enseignent le Géographe (Moïse de Khorène) et Papias. L'aloès de l'embaumement n'étant mentionné que par Cérinthe[14], on peut en conclure sûrement que ce détail provient de Papias, et Papias de son côté n'a pu employer le mot aloès qu'à l'occasion de l'usage que Cérinthe en fait dans son Évangile[15].

Papias, avec ce qu'il pouvait y avoir dans Ariston, il n'y a pas d'autre base narrative à l'Évangile de Cérinthe.

Les Explications de Papias divisées en trois évangiles par l'Église, puis refaites au fur et à mesure des besoins, des latitudes et des clientèles, voilà tout le mystère de cette révélation divine. Oui, tous les Évangiles, même le Quatrième, sont sortis du second livre des Explications de Papias sur les Paroles du Rabbi, et ces Paroles elles-mêmes ne sont autre chose que les Mémoires des apôtres[16] dont parle Tryphon[17], sans jamais nommer les Évangiles. La division des Explications en Évangiles est bien postérieure à Papias. Ni Tryphon ni Valentin n'ont connu les Évangiles sous leur titre et les quatre Évangélistes actuels sous leur nom. Justin[18] ne nomme ni Matthieu, ni Marc, ni Luc, ni Jochanan, et pourtant il connaît l'Apocalypse comme étant du Joannès.

 

Les efforts désespérés qu'on fait pour introduire Luc dans le quatuor évangélique ajoutent encore à la confusion. Voici, par exemple, comment on raisonne[19] pour établir que le Quatrième Évangile a été écrit après Luc. On fixe d'abord entre 70 et 80 de l'E. C. la composition de l'Évangile de Luc, qu'on dit être le dernier de ceux qu'on appelle Synoptiques. On démontre ensuite — il faut voir comme ! — que Jochanan a connu cet Évangile et s'en est servi, on prouve par là que Jochanan a écrit entre 80 et 110. Jochanan n'existe pas, mais supposons qu'il existe. Si Jochanan a connu l'Évangile de Luc, comment se fait-il que, Luc fixant à environ trente ans la mort du christ, Jochanan, seul entre les quatre évangélistes, se permette d'enseigner à toutes les Églises d'Asie que celui-ci avait cinquante ans au moment de sa prédication[20] ?

D'autre part, on croit avoir trouvé des rapports d'expression entre la Première Épître de Clément aux Corinthiens et le Quatrième Évangile, et on en infère que celui-ci est antérieur à l'Épître. Cela est vrai à la condition qu'on n'ajoute pas : l'Épître est de 93 à 95 de l'E. C, donc Jochanan avait écrit son Évangile avant cette date. Quant aux rapports d'expression, à supposer qu'ils soient établis, ils s'expliquent surabondamment par ce fait que l'imposteur qui signe Clément a connu toutes les Écritures canoniques, à commencer Par celles de Papias et l'Évangile de Cérinthe, où il s'attribue le rôle du disciple préféré, le christ, qui repose sur le sein de Jésus dans l'allégorie du Banquet de rémission[21]. Clément est un coquin qui croit pouvoir et flétrir Saül et cacher Papias et voler Cérinthe, ces hommes si peu dignes de l'Église romaine qui commence !

C'est sous Antonin que les Explications de Papias Se répandirent parmi les Juifs de langue grecque, et le représentèrent sous le voile des paraboles et des séméiologies les principaux personnages de l'apostat. Mais l'Évangile proprement dit, l'Évangile du Royaume, c'était toujours l'Apocalypse, qu'on se glissait de main en main, sous le manteau : prophétie contre l'Occident spoliateur, malédiction contre la Bête dévorante dont les tètes renaissaient toujours, contre Rome dont la bouche aux dents de fer broyait la Judée impitoyablement. Les sentiments par lesquels le christianisme a rongé comme une lèpre le colosse de l'Empire, c'est la haine et l'envie. On détestait les Juifs, mais dans leur poche ils avaient l'Apocalypse, ce flacon de fiel qui, décanté, versé dans la coupe hellène, devenait une ambroisie pour escrocs. Maquillé, Gamala peut s'appeler Nazireth. Avec un peu de fard aux joues le baptiseur de Gaulanitide sera le fils du Charpentier, en attendant qu'un jour, en dernier ressort, il soit consubstantiel et coéternel au Père.

Toutefois, depuis sa crucifixion au Jubilé du Zib et les rappels de sa faillite aux jubilés cinquantenaires de 839 sous Domitien et de 889 sous Hadrien, les hommes comme Papias ne se hasardent plus dans des rendez-vous fermes avec le Fils de l'homme, ils ne lui fixent plus ni année, ni jour, ni heure comme dans l'Apocalypse araméenne. Il viendra certainement, puisque le Joannès ressuscité et glorifié le dit d'en haut à Papias, mais quand ? C'est son affaire. Ou plutôt c'est celle du Père, il n'est que l'exécuteur de ses volontés. La promesse n'en est pas moins là, immuable, éternelle ; c'est même pour y veiller de plus près que le Père, un peu distrait à la pâque de 789, a rappelé à lui le fils qu'il avait engendré au Jourdain par le moyen de la colombe. La crucifixion n'est plus qu'un mauvais rêve des disciples. Il est bien vrai que certains, prompts à désespérer, croient pouvoir annoncer une modification dans le programme, mais ce sont des esprits chagrins, démesurément sensibles aux coups de la fortune. On les entend dire, par exemple, que le Jour du Seigneur viendra comme un voleur dans la nuit[22]. Déjà cette hérésie court, parmi les Juifs de Macédoine, que le Royaume ne sera pas ce qu'avait dit Bar-Jehoudda, qu'au lieu de régner mille ans avec eux le christ reviendra pour les réunir à Dieu dans une Assomption générale des morts et des vivants[23], comme s'il n'y avait plus de Jérusalem d'or, plus d'Éden, plus d'arbre aux douze récoltes. Mais ce sont là de malsaines doctrines auxquelles on ne pouvait céder qu'en doutant à la fois du Père, du Fils, et de l'Esprit-Saint. Bar-Jehoudda l'avait dit, et sa parole était celle de Dieu lui-même : Le Royaume est de ce monde, et parle rejeton de David les Juifs paîtront les nations avec une verge de fer. Que ceux d'Asie n'allassent point s'imaginer que Dieu remplacerait ce programme de gloire par un vaste coup de filet dans lequel il les enlèverait au ciel !

 

Avec l'Apocalypse dite de Pathmos le christianisme de Papias déploie son étendard au-dessus de cette troupe démoralisée. Simple adaptation grecque de l'original araméen, l'Apocalypse de Pathmos était comme celle de Gamala, au nom de Joannès, avec cette différence que, crucifié par Pilatus dans l'intervalle, mais ressuscité par Papias, Joannès est substitué carrément au Verbe qu'il avait annoncé. Le Verbe est Fils de Dieu ; lui, l'est devenu ! La version que nous avons n'est plus celle d'Hiérapolis, à l'usage des seuls Juifs ; c'est la version latinisée. L'Église l'a datée de Pathmos après invention de Jochanan, apôtre et évangéliste. Mais l'Envoi de Papias[24] est encore visible, en dépit de ce que l'Église y a mis. Elle y spécule librement sur la mystification évangélique, et il ne parait pas que, dans sa teneur actuelle, cet Envoi puisse être antérieur au quatrième siècle. Quand elle eut décidé d'enlever l'Apocalypse à son véritable auteur, le christ, pour la donner au pseudo-Jochanan exilé dans Pathmos sous Domitien, il fallut y supprimer le nom même de Joannès ressuscité. Ce travail ne put se faire que par une effraction dont il reste des marques. Mais la Révélation qui suit l'Envoi est presqu'entièrement celle du Royaume avec sa constitution millénariste. Comme prophète Bar-Jehoudda était en faillite depuis Tibère. Caligula, Claude, Néron, Galba, Othon, Vitellius, Vespasien, Titus, Domitien, Nerva, Trajan, Hadrien, étaient morts, on débouchait sur Antonin, et naturellement il ne revenait pas, puisqu'il gisait sous l'épais rocher de Machéron. Mais sa prophétie restait, une prophétie comme les Juifs n'en avaient jamais eu, et qui, sous un petit volume, dispensait de toutes les autres. Et dans sa succession il y avait le' baptême, qui aux mains des pêcheurs valait la Jérusalem d'or. C'est le baptême qui a ressuscité Joannès, l'affaire qui a divinisé l'inventeur. Salomé, ses fds, ses petits-fils avaient dit : Il a échappé, il vit ! Le temps avait dit : Il est mort ! L'intérêt a dit : Il reviendra ! C'est cet intérêt qui a fait les églises et l'Église.

 

Par églises il faut entendre les synagogues que les Juifs dispersés avaient ou créées ou peuplées, et dans lesquelles ils avaient apporté, avec la théorie toute christienne de la préexcellence de leur race, la haine des loyalistes qui s'en tenaient aux instructions du sanhédrin de Tibériade. La Loi, les Paroles du Rabbi, son Apocalypse pour sommaire des Prophètes, voilà toutes les Écritures des jehouddolâtres. Le Talmud en formation ne pénètre pas jusqu'à eux. Contrairement aux Juifs arriérés ils n'attendent pas Elie qui devait revenir au jour du Jugement. Elie a été enlevé au ciel, c'est possible ; a fortiori le Joannès qui a dit : La terre aux Juifs ! Elie ne reviendra pas ; il est venu, et c'était Joannès. Joannès a de plus qu'Elie qu'il était christ. On en vit trop bien pour qu'il soit jamais mort ! Les Juifs ne seront donc plus avertis, ils l'ont été. Quand Bar-Jehoudda reviendra, ce sera la nuit, comme un voleur, puisque voleur il y a. En tout cas, ce sera pour régner sur terre, comme il l'a dit. Toutefois on est séparé de lui par un personnage qui n'existe pas dans l'Apocalypse de Gamala, l'Antéchrist, et c'est une chose bien curieuse et bien nouvelle de voir que, depuis la mort de Bar-Jehoudda, c'est l'Empereur qui remplit désormais l'office de Précurseur ! Voici l'Envoi de Pathmos tel qu'il nous est parvenu.

 

IV. — L'ENVOI DE PATHMOS.

CHAPITRE PREMIER.

 

1. Révélation  du christ jésus[25] que Dieu lui a donnée[26] découvrir à ses serviteurs ce qui doit arriver bientôt[27]. Et il l'a fait connaître, en l'envoyant par son ange[28] [Jochanan, son serviteur,

2. Qui a annoncé la parole de Dieu[29], et rendu témoignage du christ en tout ce qu'il a vu[30].]

3. Bienheureux celui qui lit et écoute les paroles de celle prophétie, et garde les choses qui y sont écrites ; car le temps est proche[31].

4. Joannès, .....

L'Envoi de Papias ou pour mieux dire le rappel de l'Évangile du Jourdain était fait au nom de Joannès, qui avait été le nom de kabbale non seulement de Bar-Jehoudda, mais de son père. Ce nom faisait coup double. Après la grande dispersion advenue sous Hadrien, Papias essaya de rallier ses compatriotes, millénaristes comme lui, autour de l'Apocalypse des Joannès. Le christ de 788 avait incarné toutes les espérances, toutes les ambitions, toutes les passions du peuple juif. Son Apocalypse, c'était le drapeau. Qui suivrait ? Qui abandonnerait ? Grosse épreuve, grand problème.

..... Aux sept églises qui sont en Asie : Grâce à vous et paix par Celui qui est, qui était, et qui doit venir, et par les sept Esprits qui sont devant son trône[32],

5. Et par le christ-jésus qui est le témoin fidèle[33], le premier-né des morts[34], et le Prince des rois de la terre[35], lui nous a aimés et nous a lavés de nos péchés dans son sang[36].

6. Et nous a faits le Royaume[37] et les prêtres de Dieu son Père : à lui la gloire et l'empire dans les Æons des Æons[38] ! Amen.

7. Le voici qui vient sur les nuées, et tout œil le verra[39] ; et même ceux qui l'ont percé[40]. Et toutes les tribus de la terre se frapperont la poitrine à cause de lui. Oui. Amen.

Tout ce passage appartient à la version italique. Les Synoptisés ont depuis longtemps paru, ainsi que les Actes des Apôtres et les Lettres de Paul. L'imposture de la résurrection du Joannès et la conversion de celui-ci en Jésus est un fait accompli. On s'inspire même du passage du Quatrième Évangile où Cérinthe a imité Zacharie[41] : En ce jour je chercherai à détruire toutes les nations qui seront venues contre Jérusalem... Ils regarderont vers moi qu'ils auront percé, et se lamenteront comme sur un fils unique. On n'hésite pas à dire que Celui qui viendra renouveler et juger le monde, c'est l'imposteur juif condamné par le Sanhédrin et mis en croix par Pilatus le dernier jour de l'année 788. Nous sommes pour le moins au quatrième siècle.

8. Je suis l'Alpha et l'Oméga, le commencement et la fin, dit le Seigneur Dieu, qui est, qui était et qui doit venir, le Tout-Puissant[42].

9. [Moi, Jochanan, votre frère, qui ai part à la tribulation, au règne et à la patience en le christ-jésus, j'ai été dans l'Ile de Pathmos[43], pour la parole de Dieu et pour le témoignage du jésus]

10. Je fus ravi en esprit le jour du Seigneur[44] et j'entendis derrière moi une voix éclatante comme d'une trompette,

11. Disant : Ce que tu vois[45], écris-le dans un livre et envoie-le aux sept Églises qui sont en Asie : à Ephèse, à Smyrne, à Pergame, à Thyatire, à Sardes, à Philadelphie et à Laodicée[46].

12. Et je me tournai pour voir la voix qui me parlait ; et m'étant tourné, je vis sept chandeliers d'or[47] ;

13. Et au milieu des sept chandeliers à or, quelqu'un qui ressemblait au Fils de l'homme, vêtu d'une longue robe, et e| nt au-dessous des mamelles d'une ceinture d'or.

14. Sa tête et ses cheveux étaient blancs comme de la ln e blanche et comme de la neige, et ses veux comme une flamme de feu[48].

15. Ses pieds étaient semblables à de l'airain fin, quand il dans une fournaise ardente, et sa voix comme la voix des grandes eaux.

16. Il avait sept étoiles dans sa main droite ; de sa bouche riait une épée à deux tranchants, et son visage était lumineux comme le soleil dans sa force[49].

17. Et lorsque je l'eus vu, je tombai à ses pieds comme mort. Mais il mit sa main droite sur moi, disant : Ne craint point, je suis le premier et le dernier,

18. Et celui qui vit ; j'ai été mort, mais voici que je suis vivant dans les Æons des Æons, et j'ai les clefs de la mort et de l'enfer[50].

19. Écris donc les choses que tu as vues[51], celles qui sont[52], et celles qui doivent arriver ensuite[53].

20. Voici le mystère des sept étoiles que tu as vues dans ma main droite, et des sept chandeliers : les sept étoiles sont les sept anges[54] des sept Églises, et les sept chandeliers sont les sept Églises[55].

Les sept chandeliers doivent être multipliés chacun par sept branches de manière à être sabbatiques et à former le chiffre proto-jubilaire 49, précurseur du chiffre 50 qui accomplit et consomme le jubilé. Ne pas oublier qu'en ce chiffre est enclos l'âge de Bar-Jehoudda lors de sa crucifixion, et qu'il est, à cause de son sens cabalistique, une des causes de sa résurrection.

 

V. — ENVOI DE PATHMOS.

CHAPITRE II.

 

1. Écris à l'ange de l'église d'Éphèse : Voici ce que dit celui qui tient les sept étoiles dans sa main droite, qui marche au milieu des sept chandeliers d'or.

2. Je sais tes œuvres, et ton travail et ta patience, et que tu ne peux supporter les méchants ; tu as éprouvé ceux qui se disent apôtres et ne le sont point, et tu les as trouvés lenteurs[56].

3. Tu es patient, et tu as souffert pour mon nom, et tu ne t'es point découragé.

4. Mais j'ai contre toi, que tu es déchu de ta charité première[57].

5. Souviens-toi donc d'où tu es tombé ; fais pénitence, et reprends tes premières œuvres, sinon je viendrai bientôt à toi, et si tu ne fais pénitence, j'ôterai ton chandelier de sa place.

6. Mais tu as cela, que tu hais les actions des Nicolaïtes, que moi aussi je hais[58].

7. Que celui qui a des oreilles entende ce que L'Esprit-Saint dit aux Églises : au vainqueur, je donnerai à manger du fruit de l'Arbre de vie qui est dans le Paradis de mon Dieu[59].

Le vainqueur, le nicôn, est celui qui ne sera pas tombé dans l'interprétation que les Nicolaïtes font de l'Arbre de science, le Figuier édénique que maudit Jésus à Jérusalem[60]. Il parait que si Nicolas était d'Antioche, sa secte s'était rapidement étendue à Éphèse. Nicolas n'est nullement présenté ici comme un goy qui se serait fait circoncire pour avoir le signe du salut, mais comme un Juif qui compromet l'Évangile du Royaume.

8. Et à l'ange de l'église de Smyrne, écris : Voici ce que dit Celui qui est le premier et le dernier, qui a été mort et qui est vivant :

9. Je sais ton affliction et ta pauvreté ; mais tu es riche, et tu es calomnié par ceux qui se disent Juifs et ne le sont pas, mais qui sont de la synagogue de Satan[61].

10. Ne crains rien de ce que tu auras à souffrir. Voici que le Diable[62] va mettre quelques-uns de vous en prison, afin que vous soyez éprouvés ; et vous aurez des tribulations pendant dix jours[63]. Sois fidèle jusqu'à la mort, et je le donnerai la couronne de vie[64].

11. Que celui qui a des oreilles entende ce que l'Esprit-Saint dit aux Églises : Celui qui sera victorieux ne souffrira rien de la seconde mort[65].

12. Et à l'ange de l'église de Pergame écris : Voici ce que dit celui qui porte l'épée à deux tranchants[66] :

13. Je sais où tu habites, où est le trône de Satan[67]. Tu as conservé mon nom, et tu n'as pas renoncé à ma foi, même en ces jours où Antipas, mon témoin fidèle, a souffert la mort parmi vous[68] où Satan habite.

14. Mais j'ai quelque chose contre toi : c'est que tu as près de toi des hommes qui tiennent la doctrine de Balaam, qui apprenait à Balac à jeter des pierres de scandale devant les enfants d'Israël, à manger des viandes consacrées aux idoles et à commettre la fornication[69].

15. Toi aussi, tu as des hommes qui tiennent la doctrine des Nicolaïtes[70].

16. Fais pareillement pénitence, sinon je viendrai bientôt à toi, et je combattrai contre eux avec l'épée de ma bouche[71].

17. Que celui qui a des oreilles entende ce que l'Esprit dit aux Églises : Au vainqueur je donnerai la manne cachée[72] ; je lui donnerai une pierre blanche, et un nom nouveau écrit sur lu pierre, lequel nul ne connaît, que celui qui le reçoit.

Nous ne retrouvons plus le don de la pierre dans l'Apocalypse de Gamala, mais cela ne veut pas dire qu'il n'y fût pas, au contraire. On l'en a enlevé, parce que le nom vierge, le nom qui n'a jamais passé par les lèvres humaines et que le Fils de l'homme inscrivait sur la pierre blanche, c'est l'origine même du fameux surnom que Jésus donne à Shehimon dans les Évangiles : Képhas, la pierre. A l'entrée dans le Royaume, tout élu était non seulement renouvelé de chair, transfiguré par le baptême de feu, mais encore il était renouvelé de nom, transnominé ! C'est ainsi que de Joannès Bar-Jehoudda est devenu Jésus. Avouez qu'on ne pouvait pas laisser dans l'Apocalypse la clef de toutes les transnominations évangéliques, à commencer par celles de Jehoudda en Joseph ou en Zibdéos, et de Salomé en Myriam Magdaléenne.

18. Et à l'ange de l'église de Thyatire, écris : Voici ce que dit le Fils de Dieu, qui a les yeux comme une flamme de feu, et les pieds semblables à de l'airain fin :

19. Je connais tes œuvres, ta foi, ta charité, tes aumônes, ta patience, et tes dernières œuvres plus abondantes que les premières.

20. Mais j'ai quelque chose contre toi ; tu permets que Jézabel, cette femme qui se dit prophétesse, enseigne et séduise mes serviteurs pour qu'ils commettent la fornication et qu'ils mangent des viandes immolées aux idoles[73].

21. Je lui ai donné un temps pour faire pénitence, et elle ne veut pas se repentir de sa prostitution.

22. Voici que je vais la jeter sur un lit de douleur ; et ceux qui commettent l'adultère avec elle seront dans une très grande affliction, s'ils ne font pénitence de leurs œuvres.

23. Je frapperai ses enfants de mort, et toutes les Églises connaîtront que je suis celui qui sonde les reins et les cœurs, et je rendrai à chacun de vous selon ses œuvres. Mais je dis à toi,

24. Et à vous tous qui êtes à Thyatire : Tous ceux qui n'ont point cette doctrine, et qui ne connaissent pas les profondeurs de Satan, comme ils disent, je ne mettrai point d'autre poids sur vous.

25. Toutefois, ce que vous avez, gardez-le, jusqu'à ce que je vienne.

26. Et celui qui aura vaincu, et aura gardé mes œuvres jusqu'à la fin, je lui donnerai puissance sur les nations ;

27. Il les gouvernera avec une verge de fer, et elles seront brisées comme un vase de potier[74],

28. Comme je l'ai obtenu moi-même de mon Père, et je lui donnerai l'Etoile du matin[75].

 29. Que celui qui a des oreilles entende ce que l'Esprit dit aux Églises.

 

VI. — ENVOI DE PATHMOS.

CHAPITRE III.

 

1. Et à l'ange de l'église de Sardes, écris : Voici ce que dit celui qui a les sept Esprits de Dieu et les sept étoiles : Je sais tes œuvres ; tu as la réputation d'être vivant, mais tu es mort.

2. Sois vigilant, et confirme tous les restes qui étaient près de mourir ; car je ne trouve pas les œuvres pleines devant mon Dieu.

3. Souviens-loi donc de ce que tu as reçu et de ce que tu as entendu[76], et garde-le, et fais pénitence, car si tu ne veilles, je viendrai à toi comme un voleur, et tu ne sauras à quelle heure je viendrai[77].

4. Tu as toutefois un petit nombre de noms[78] à Sardes qui n'ont point souillé leurs vêtements ; or ils marcheront avec moi revêtu de blanc, parce qu'ils en sont dignes[79].

5. Celui qui aura vaincu sera ainsi vêtu de blanc ; et je n'effacerai point son nom du Livre de vie ; et je confesserai son nom[80] devant mon Père et devant ses anges.

6. Que celui qui a des oreilles entende ce que l'Esprit dit aux Églises.

7. Et à l'Ange de l'église de Philadelphie écris : Voici ce que dit le Saint et le Véritable, lequel a la clef de David, qui ouvre et personne ne ferme ; qui ferme et personne n'ouvre[81].

8. Je sais tes œuvres. J'ai posé devant toi une porte ouverte, que personne ne peut fermer, parce que tout en ayant peu de force, cependant tu as gardé ma parole, et tu n'as pas renoncé mon nom.

9. Voici que je produirai quelques-uns de la synagogue de Satan, qui se disent Juifs, et ne le sont pas, mais qui mentent. Je ferai qu'ils viennent, qu'ils adorent à tes pieds, et qu'ils sachent que je l'aime.

10. Parce que tu as gardé la parole de ma patience, moi aussi je le garderai de l'heure de la tentation, qui doit venir dans tout l'univers éprouver ceux qui habitent sur la terre[82].

11. Voici que je viens bientôt. Garde ce que tu as, de peur que quelque autre ne reçoive ta couronne.

12. Celui qui aura vaincu, j'en ferai une colonne dans le Temple de mon Dieu[83] et il n'en sortira plus ; et j'écrirai sur lui le nom de mon Dieu[84] et le nom de la cité de mon Dieu, de la nouvelle Jérusalem, qui descend du ciel d'auprès de mon Dieu[85], et mon nouveau nom à moi-même.

13. Que celui qui a des oreilles entende ce que l'Esprit du aux églises.

Ah ! mon Dieu c'est bien clair !

Bar-Jehoudda, qui parle ici du haut des cieux où il est tout au moins l'Étoile du matin, promet à l'évoque de Sardes qu'il écrira sur lui trois noms : celui de Iahvé, celui de la nouvelle Jérusalem vouée à Iahvé, — que celui qui a des oreilles entende, c'est Nazireth ! — enfin son nouveau nom à lui-même. Les contemporains ont connu et condamné le nommé Jehoudda bar-Jehoudda qui fut nazir, Joannès et christ ; l'évoque de Sardes connaîtra désormais, par la vertu de la transnomination sur la pierre blanche, Ieoschoua (Jésus) qui le sauvera, comme son nouveau nom l'indique.

14. Et à l'ange de l'église de Laodicée écris : Voici ce que dit Amen[86], le témoin fidèle et véritable, qui est le principe des créatures de Dieu.

15. Je sais tes œuvres, tu n'as ni froid ni chaud : plut à Dieu que tu fusses froid ou chaud !

16. Mais parce que tu es tiède, et que tu n'es ni froid ni chaud, je suis près de te vomir de ma bouche.

17. Car tu dis : Je suis riche et opulent, et je n'ai besoin de rien : et lu ne sais pas que tu es malheureux, misérable, pauvre, aveugle et nu.

18. Je te conseille d'acheter de moi de l'or éprouvé au feu[87], afin de t'enrichir, et de te vêtir d'habits blancs, de Peur que la honte de ta nudité ne paraisse[88] ; applique aussi du collyre sur les yeux[89], afin que tu voies.

19. Pour moi, je reprends et je châtie ceux que j'aime. Rallume donc ton zèle, et fais pénitence.

20. Me voici à la porte et je frappe ; si quelqu'un entend ma voix et m'ouvre la porte, j'entrerai chez lui et je souperai avec lui et lui avec moi[90].

21. Quiconque sera victorieux, je le ferai asseoir avec moi sur mon trône, comme, ayant été moi-même victorieux[91], je me suis assis avec mon Père sur mon trône[92].

22. Qui a des oreilles entende ce que l'Esprit dit aux Églises.

Tel est cet Envoi qui, défalcation faite des interposions ecclésiastiques, fixe assez nettement l'état de la superstition christienne à la fin du second siècle. Mais, dès le milieu de ce siècle, sous Antonin, elle avait déjà franchi les bornes géographiques indiquées ici, et cette diffusion rapide ne tient point à la vertu propre de l'Apocalypse, elle résulte de la croyance presque universelle des populations à la prochaine Fin du monde par le feu. La panacée, disait le pappas d'Hiérapolis, c'est la Rémission des péchés par le baptême.

 

VII. — LES PAROLES DU RABBI APRÈS PAPIAS.

 

Les Explications de Papias ont fini par disparaître, en partie détruites, en partie fondues dans les Évangiles. Mais les Paroles du Rabbi étaient encore entre les mains des Valentiniens au troisième siècle et entre celles des Manichéens au commencement du cinquième. Les épouvantables persécutions que l'Église dite de Jésus-Christ a dirigées contre ces deux sectes — un million d'hommes sacrifiés ! — tiennent surtout à ce qu'étant en possession de ces monstrueux écrits, elles professaient toutes deux et publiquement l'inexistence en chair de Jésus : la première avec des ménagements pour Bar-Jehoudda, parce qu'elle était juive, la seconde avec le plus complet mépris pour lui, parce qu'elle était perse. La seule différence entre Valentin et Papias (en dehors de la doctrine, s'entend, car Valentin est anti-millénariste), c'est qu'au lieu d'appeler l'Évangile du Royaume Paroles du Rabbi, Valentin l'appelle Livres du jésus.

Tandis que Papias restait dans l'orthodoxie jehouddique avec le Royaume du monde, Valentin, par une conception où il entrait peut-être plus de résignation que d'enthousiasme, plus de circonspection que de sincérité, proposa aux Juifs le Royaume spirituel du Verbe juif : Jésus-sans-Terre. Au monstre évangélique de Papias, monstre qu'il possédait et sur lequel il a travaillé, il opposa l'Évangile qui a pris son nom, l'Évangile valentinien. Sous le titre de Pistis Sophia (Foi-Sagesse) que nous rendrons mieux par la Foi assagie, car c'est cela même, Valentin fit un Contre-évangile où le Joannès ressuscité après trois jours, et assumé exactement comme dans la fable ecclésiastique, revenait sur la terre, non plus tel qu'il avait été, plein d'erreurs et de crimes, mais sous la forme pure et sans tache du Diémurge qu'il avait annoncé. Dans cette logophanie où Jésus n'existe que par lui, Valentin essaie de morigéner, de moraliser, de corriger, de démillénariser les fils de Jehoudda, de les guérir du Verbe qui, par deux fois, sous Vespasien et sous Hadrien, avait perdu les Juifs et la Judée. Au milieu de la Sagesse que Jésus dicte à Valentin s'intercalait le texte de deux Livres du jésus[93]. L'Église les a fait disparaître tous les deux. Supprimer la prose du Juif consubstantiel et coéternel au Père me semble être le plus grand sacrilège qui ait été accompli depuis l'origine du monde ! Il est vrai que Papias avait donné l'exemple en se permettant d'expliquer des choses en qui était nécessairement la lumière divine, et Valentin avait aggravé le cas de Papias en osant sinon les expliquer, — il y avait renoncé ! — du moins les censurer et les flétrir. Mais que ces Livres du Jésus, ces Paroles du Rabbi aient existé en manuscrit autographe, qu'ils aient été connus non seulement des premières églises, mais des goym assez courageux pour supporter la lecture de ces prodigieuses inepties, c'est un fait indiscutable.

Quatre païens les ont eus, à notre connaissance : Pérégrinus du Pont, Lucien de Samosate, Apulée de Madaure et l'auteur de Philopatris, tous les quatre contemporains à une génération près. Vous avez eu le témoignage d'Apulée et vous aurez celui de Pérégrinus. Quant à celui de Lucien sur l'œuvre écrite du Juif consubstantiel et coéternel au Père, il est aussi clair que possible, en dépit des coups de ciseaux que l'Église y a pratiqués. Nous vous l'avons déjà cité partiellement, mais vous prendrez plaisir à l'entendre une seconde fois et dans son entier, car ce qui touche le Sauveur des Juifs peut braver la répétition : Il leur fit bien voir[94] qu'ils n'étaient que des enfants en comparaison de lui. Il était tout à la fois prophète[95], grand-prêtre et chef de leurs églises, jouait à lui seul tous les rôles[96], expliquait leurs livres[97] ; il en composait lui-même. Les christiens[98] le regardèrent comme un dieu[99], en firent leur législateur[100] et lui donnèrent le titre de[101].... En conséquence ils adorent ce[102] .... qui a été crucifié en Palestine pour avoir introduit ce nouveau culte[103] dans le monde[104].

 

Ainsi le grand écrivain de la famille, c'est bien le Rabbi lui-même. Philippe n'occupe que la seconde place dans la hiérarchie des scribes millénaristes. L'enseignement qu'avait transmis Bar-Jehoudda, c'était surtout celui de son père. Philippe, lui, s'est plutôt spécialisé dans les actes et dans les élucubrations de son grand frère. Voyez les Sagesses valentiniennes, il tient entre ses mains un livre dans lequel il écrit toutes les paroles qu'Il disait[105] et tout ce qu'Il faisait. Il voudrait être déchargé de cette besogne pour pouvoir profiter la conversation que Valentin institue entre Jésus et les Jehouddistes : Est-ce à moi seul, dit-il à Jésus, que tu as donné de prendre soin de ce monde, afin que j'écrive toute parole que nous dirons ou ce que nous ferons ?[106] Voilà donc le premier de tous les scribes qui avaient transmis les Paroles du Rabbi et même certains Actes. Immédiatement après lui, viennent Jehoudda Toâmin et le fils de celui-ci, Mathias.

Mais Jésus ne peut recevoir ces trois scribes, c'est-à-dire l'enseignement du christ, qu'à correction, et seulement pour avoir témoigné du Premier mystère du Royaume, — le Baptême, — car au temps où le christ a parlé, le nombre d'années que Dieu s'est fixé à lui-même pour consommer le Cycle n'était pas encore accompli. L'Apocalypse qu'il a léguée est fausse, il s'est trompé, il a trompé tous ses frères et tous ses neveux et petits-neveux et tous ceux qu'il a entraînés dans son erreur. Il en est resté au Père à la ressemblance de colombe[107], venant régner mille ans après lui, ce dont Jésus le reprend très vivement dans le Quatrième Évangile, ainsi que Philippe, Pierre (Shehimon) et Toâmin[108].

Jésus ne les autorise pas à parler sur l'ensemble des mystères. Qu'ils se bornent à témoigner pour le baptême ! En tant que Joannès le christ n'est pas accompli, il s'est arrêté à l'écorce ; mais en lui faisant interpréter ainsi qu'à sa mère et à ses frères, tour à tour, les révélations qu'il fait à Valentin, Jésus les rendra gnostiques parfaits, il les élèvera au-dessus des dieux païens, et ils habiteront avec lui dans le Royaume de son Père, non plus le terrestre et millénaire comme en 789, mais le céleste et éternel. Maria la Magdaléenne explique cela fort congrûment[109]. Nous, tes disciples, nous nous assiérons à ta droite et tu jugeras les dieux ![110]

Au lieu d'appliquer ce Jugement — le Premier Jugement — aux nations de la terre, comme ils devaient le faire en 789, ils exerceront cette magistrature dans le ciel, ce qui est une consolation, mais bien faible. Dans le système de Valentin, le monde ne se dissolvait, accession des âmes à la Lumière ne se réalisait qu'à partir du moment où le nombre des âmes parfaites fixé par Jésus était complet. Ce nombre était l'accomplissent du mystère du Verbe, et c'est Jésus lui-même, le Créateur et le Sauveur, qui était ce mystère. C'est-à-dire que de degré en degré, de zone en zone, de cercle en cercle, les âmes de lui parties, car il était l'Alpha, lui revenaient, car il était l'Oméga, et il dépendait de lui de les accueillir ou de les repousser selon leur mérite.

Seigneur, ouvre-nous, diront les unes, et je répondrai : Je ne sais d'où vous êtes[111]. Et elles diront en vain : Nous avons reçu les mystères par le baptême. Ainsi, en dépit des Assomptions et des apothéoses dont ils étaient l'objet dans le monstre évangélique, le Christ et sa famille n'étaient admis qu'à la condition de renoncer au Royaume temporel. C'est assez dire que Jésus n'est qu'une créature de l'esprit, une logophanie descendue sur la terre pour ramener ce troupeau d'égarés à la bergerie de la Raison.

Au temps de Constantin et de ses fils, trois philosophes platoniciens, dont l'œuvre a été détruite complètement, le préteur anonyme de Bithynie[112], Hiéroclès[113] et Celse, connaissent le procédé de pantomime anglaise par lequel l'Église est arrivée à imposer un criminel juif comme démiurge et créateur du monde !!! Julien, à son tour, par une enquête dont la mort a interrompu les effets, avait fixé fortement et irréfutablement la vérité sur la fourberie purement humaine de l'Évangile. La preuve matérielle de cette inexpiable fourberie, — en dehors de l'histoire, encore entière au quatrième siècle, — c'était les Explications de Papias sur les Paroles du Rabbi.

Les Manichéens les avaient, eux qui ont initié Augustin dans Carthage. Cet Augustin, que l'ambition et la cupidité ont conduit au plus vil des mensonges, a eu entre les mains par les Paroles du Rabbi la preuve matérielle que Joannès et le christ étaient un seul et même individu justement abandonné, condamné, puni par le Père dont il se réclamait ! Il savait que les Livres du christ, comme il dit, n'étaient qu'un fastidieux plagiat de la magie chaldéenne ! Il savait que cette magie avait été assaisonnée d'actes scélérats pour la répression desquels là justice humaine est compétente sous toutes les latitudes ! Plusieurs, dit-il avec une hypocrisie révoltante, sont assez insensés pour soutenir que dans les prétendus livres écrits par le christ, se trouvent contenues les sciences occultes à l'aide desquelles il a accompli les miracles dont la renommée était répandue partout ! Ils montrent par là quels sont leurs goûts et leurs présences, puisqu'ils pensent que la haute sagesse du christ a consisté en je ne sais quelles connaissances illicites que non seulement la discipline christienne, mais la loi civile elle-même condamnent expressément. Que ceux-là qui, dans leur délire, prétendent que le christ a pu emprunter un tel pouvoir aux arts magiques, veuillent bien nous apprendre si c'est aussi par les arts magiques qu'il a pu, avant de naître, remplir du Saint-Esprit tant de prophètes qui ont annoncé à son sujet toutes ces choses que nous avons vues accomplir dans les Évangiles ou qui s'accomplissent aujourd'hui dans le monde ![114]

Voilà ce qu'ose écrire ce malheureux, ce prétendu saint, ou plutôt voilà ce qu'on ose écrire sous son nom ! Eh bien ! il y a mieux comme impudence ! On signera Denys de Corinthe des lettres où cet autre évêque, cet autre saint de la même trempe que celui d'Hippone, lèvera les bras au ciel et poussera des gémissements, parce que, dit-il, les Paroles du Rabbi sont le travail de faussaires qui n'ont pas craint d'altérer les écritures du Seigneur !

 

VIII. — L'INTÉRÊT, GÉNÉRATEUR DE JÉSUS.

 

Il y a des fables utiles aux hommes, dit Denys d'Halicarnasse[115] : les unes sont destinées à représenter les œuvres et les effets de la nature ; d'autres ont été inventées pour consoler les hommes dans leurs malheurs, pour adoucir leurs peines, pour les délivrer des troubles de l'esprit et des craintes, pour leur ôter des opinions nuisibles et déraisonnables, enfin pour quelque autre utilité ou convenance. L'utilité ici, la convenance, c'est la vente du salut, le commerce du baptême, le besoin de ressusciter l'inventeur de cette spéculation. Au milieu de tous ses crimes, Bar-Jehoudda avait réveillé ce grand principe : la divinité des Juifs, partant leur prédestination au gouvernement du monde. Ce principe nié par Dieu lui-même au Guol-golta, tout espoir d'hégémonie temporelle tombé avec Jérusalem, le sol perdu, le foyer national éteint, il restait encore ceci que le salut, propriété des Juifs, devenait marchandise. Le baptiseur enrobé par Jésus, la pilule était avalable. On pouvait le présenter aux goym. Derrière Jésus le charlatan avait l'air d'un moraliste, le roi des voleurs ressemblait à un chemineau socialiste, le prétendant davidique à un charpentier pour meetings. N'a-t-on pas découvert pendant la Révolution qu'il était sans-culotte, et dans les temps modernes qu'il était anarchiste ?

Abusées par les meneurs, volées par les évoques, usées par cette vaine attente, un moment vint fatalement où les ouailles se révoltèrent contre l'Église millénariste et lui sautèrent à la gorge, criant : Voilà cent ans que nous attendons le commencement du spectacle, rends l'argent, coquine ! L'argent ou le Royaume ! Il fallut leur répondre, trouver un prétexte. On en trouva un et plus fort qu'une raison : leur haine contre les Juifs latinisants. On leur dit qu'en livrant le christ aux Romains, ces méchants l'avaient empêché d'établir le Royaume, mais qu'il reviendrait avec lui. Et ce serait toujours le même Royaume de mille ans avec ses richesses et ses splendeurs. Mais puisqu'on ne pouvait pas jouer tout de suite la féerie de l'Eden, on commencerait par le drame du Guol-golta, les spectateurs gardaient leurs places et on ne rendrait pas l'argent ! De là sont nés les Évangiles.

 

Le seul écrit qui ait porté le nom d'Évangile pendant deux siècles et plus, c'est celui qu'on appelle aujourd'hui Apocalypse. Le seul homme qui méritât le nom d'Evangéliste, c'est Bar-Jehoudda. Les Juifs lui devaient l'Évangile éternel[116] de leur Royaume, annulations qu'on appelle aujourd'hui Évangiles n'ont aucune façon paru sous ce titre. Ce n'est pas une bonne nouvelle, c'en est une très mauvaise d'avouer d'un individu destiné à vivre mille ans qu'il est mort crucifié a cinquante. La résurrection dudit sieur fut un pis-aller d'aigrefins aux abois. Elle n'a été fabriquée qu'après la chute de Jérusalem sous Hadrien. On avouait le jugement rendu par le sanhédrin, on avouait la dispersion des christiens au Sôrtaba, on avouait même l'arrestation, mais le crucifiement, non ! Bar-Jehoudda n'avait point été crucifié, comme les Juifs de Jérusalem vendus aux Romains essayaient de le faire croire. C'étaient des imposteurs ! Mahomet, voilà le véridique interprète du système. Écoutez-le, c'est comme si vous entendiez la mère de Bar-Jehoudda, Shehimon, Cléopas et sa femme, le demain de l'enterrement :

A l'infidélité (envers l'Évangile) ils ont joint la calomnie contre Marie (ils l'ont accusée d'avoir fait disparaître le corps de son fils).

Ils ont dit : Nous avons fait mourir Isa[117], le christ, fils de Marie, envoyé de Dieu. Mais ils ne l'ont point mis à mort, ils ne l'ont point crucifié. Ces barbares ont été trompés par le corps d'un fantôme. Ceux qui disputent à ce sujet ne soupçonnent pas la vérité, ils ne savent pas ce qu'il y a au fond, et suivent une opinion toute faite[118]. Ils n'ont pas fait mourir Isa[119].

 

Voilà en effet ce qu'ont prétendu Salomé, Shehimon, Cléopas et sa femme. Point de mort, donc point de résurrection. Le Coran traduit très exactement leur système, système que Cérinthe renverse dans son Évangile : Jésus n'a pas été crucifié par la raison qu'il n'existe pas ; mais son corps selon le monde, l'homme que le Coran appelle Isa, l'a bien été, en dépit de ce qu'a soutenu sa famille[120].

Après cent ans, Bar-Jehoudda ne reparaissant point, il fut très difficile de contester qu'il eût été réellement crucifié, qu'il fût resté cinquante et une heures en croix, présomption grave en faveur de la mort. Alors on avoua qu'il était mort, mais en apparence seulement et pour donner une satisfaction éphémère à l'opinion de ses ennemis. Au bout de trois jours il était ressuscité, comme feu Jonas avec qui il avait déjà, outre le nom, tant de points de ressemblance. C'était une invraisemblable calomnie que sa mère l'eût fait disparaître du Guol-golta et enterré à Machéron avec l'aide de Shehimon et de Cléopas ! Seuls de faibles esprits pouvaient ajouter foi à de telles inventions. Le corps du christ n'était plus en ce monde. Il avait été assumé par l'Esprit et transporté au ciel près de son Père Éloïé au ciel près de son Père Éloîté, et de son autre Père Jehoudda qui était là depuis 760. C'est le dernier prophète, le syndic des prophètes, l'aleph et le thav des prophètes. Aucun avant lui n'avait rien promis de plus orgueilleusement complet. Le Royaume, les autres n'ont fait que le prédire, mais ils n'étaient pas christs davidiques. Sans toutefois l'égaler à un ange[121], — quelle leçon pour ceux qui en ont fait un dieu ! — Jésus ne sait rien de plus grand que lui ! Joannès a tout dit.

 

La situation du Joannès après la chute de Jérusalem est meilleure qu'on ne croit. Dieu avait renvoyé dos à dos les Juifs de Jérusalem et les christiens : d'un côté, le Royaume n'était pas venu, le Temple avait donc eu raison de châtier Bar-Jehoudda ; de l'autre, Jérusalem était tombée, Bar-Jehoudda avait donc obtenu la punition du Temple. Le Prophète a passé, mais sa parole, celle de Dieu lui-même, ne passera point. Jamais on ne fera rien de mieux que l'Apocalypse, rien qui flatte davantage la race juive, rien qui synthétise plus ardemment les promesses de domination universelle si souvent faites à David par Ischaï son père. Le prophète est mort, qu'en sait-on ? Il ne devait pas mourir que Jésus vint. Jésus n'est pas venu, donc Joannès n'est pas mort. Dieu l'a enlevé de dessus la terre, comme autrefois il en a enlevé Elie. Ce n'est donc pas Elie qui reviendra au jour du jugement, c'est le fils de David : Joannès résume ainsi toutes les Écritures d'Israël et de Juda. Dieu, dites-vous, a mis son prophète en faillite ? Pas tant que cela, car enfin il avait annoncé que le Temple tomberait et le Temple est tombé ! Si vous l'aviez soutenu contre la Bête, cela ne serait pas arrivé ! L'Agneau n'est pas venu à l'échéance ? Voilà ce que c'est d'avoir crucifié le christ la veille !

Outrageusement bête et méchant, mais rusé, tel avait été l'homme ! C'est tout ce qu'il faut pour réussir, on cherchait contre Rome une idole qui fût cela !

Quant aux Juifs, que leur restait-il après les jours néfastes d'Hadrien ? Pour tout bien, l'espoir d'une résurrection nationale. Tous les autres peuples ont un mythe de consolation, une porte qui s'ouvre sur un lendemain : en Bacchus, en Adonis, en Atys, en Mithra, en Sérapis, ils ont un dieu qui leur ramène les années et leur promet l'éternité. Bar-Jehoudda sera ce dieu sous les traits de Jésus, vainqueur de la mort romaine sous les traits de Pilate. Et il a sur tous les autres dieux un avantage immense, il aura été dans les affaires ! Qu'on ne soit pas surpris de la bassesse des idées évangéliques. Les évangélistes ne s'intéressent qu'aux Juifs-Pour eux il n'y a de question dans le monde que celle des Juifs. Pas un des problèmes qui depuis toujours agitaient les païens n'est même effleuré dans ce petit livre, vide comme le cœur du christ, et où tout est faux, particulièrement ce qui a l'air d'être vrai.

 

IX. — LA SOURCE UNIQUE DES ÉVANGILES.

 

Les Explications de Papias, voilà le monstre dont sont sortis avec le temps cinquante-deux Évangiles, d'abord appelés Évangiles des Hébreux, Ischaïtes, Naziréens, Ébionites, Égyptiens, puis signés des noms des quatre Évangélistes actuels. Si Mathias et Marcos, qui pouvaient avoir quinze ans lors de la crucifixion de leur oncle, ont vécu vieux, ils ont sans doute participé en quelque chose à la documentation de Papias, c'est tout ce qu'on peut admettre.

Quant à la confection des trois Synoptisés, Matthieu, Marc, Luc[122], il est manifeste qu'on a pris les targums, paraboles, séméiologies, démonologies, angélologies, et autres ingrédients de l'écrit héliopolitain, et qu'on les a distribués en trois cadres dans le but évident de faire perdre le fil de l'histoire non seulement aux goym, mais encore aux initiés de la première heure devenus gênants par cette initiation même. Si j'étais Juif, je serais dispensé de preuves, mais ne l'étant point, je vous les dois. Je vais donc vous les fournir, et puisque je vous suis suspect à raison de mon origine païenne, elles seront telles que vous pourrez les toucher, les tourner entre vos doigts, les manier comme un objet aux formes précises.

Le grand argument des apologistes contre ceux qui nient l'authenticité des Évangiles, c'est qu'il n'est pas possible de supposer des ouvrages de cette nature[123]. Rien de plus facile au contraire, et rien de plus fréquent, puisque l'Église a dû rejeter ou supprimer comme faux quarante-huit Évangiles ! Rien de plus suspect que les quatre canoniques, puisqu'elle a dû les refaire, les arranger, les corriger, les sophistiquer, et qu'au sixième siècle elle y travaillait encore ! Pour soutenir que les quatre canoniques sont les seuls croyables, il faudrait pouvoir prouver que les premiers christiens, notamment les Pères apostoliques, n'en ont pas connu d'autres. Il n'y a précisément que ceux-là qu'ils n'aient pas connus ! Et c'est par interprétation des autres qu'ils se sont divisés en autant de sectes que de villes. Les apologistes ajoutent : on trouve des gens pour faire des fables, on n'en trouve point qui consentent à mourir pour elles. C'est pourquoi tous les évangélistes sont morts dans leur lit, quand leur tour fut venu, comme de bons et paisibles usuriers qu'ils étaient. Où Papias a-t-il été martyrisé ? Où Ariston ? Où Cérinthe ? Où Valentin ? Où Ptolémée[124] ? Pas un martyr parmi les scribes, les martyrs commencent avec les dupes !

Quoi que vous lisiez dans les apologistes christiens, tenez pour vérité absolue qu'avant Augustin, aucun Père, soit apostolique soit ecclésiastique, n'a connu les quatre Évangiles du canon comme étant de Matthieu, de Marc, de Luc et de Jean[125]. Le nom des quatre évangélistes semble être sorti de la trappe infernale qui a livré passage au Symbole des Apôtres et aux Canons de Nicée.

Non seulement il n'y a pas d'Évangiles apocryphes relativement à d'autres qui seraient authentiques, mais encore il n'y en a pas un, tout au moins parmi les synoptisés, dont on puisse dire qu'il soit plus ancien que l'autre.

Duquel des trois peut-on raisonnablement dire qu'il est le premier ou le dernier, le second ou le troisième ? Est-ce Matthieu ou Marc ? Marc ou Luc ? Qui fera la part de l'ancienneté des eaux dans ces trois lacs où l'Église a amené le torrent des paraboles et des séméiologies de Papias ? Quoi de nouveau ou d'antique dans Mathieu, si ce qui nous paraît nouveau en lui vient d'un autre, si ce qui nous paraît ancien dans un autre vient de lui ? Où commence le nouveau et où finit l'ancien. Sans doute il y a des idées qui ont des dates certaines, mais les épisodes, qui les datera ? Dans l'échange qui s'est fait entre les mains de l'Église, comment dire : Ceci qui était dans Marc est aujourd'hui dans Mathieu, et cela qui était dans Matthieu est aujourd'hui dans Luc ?

Pour avoir dit le contraire de ce que dit Matthieu, pour avoir ébranlé Marc et infirmé Luc, est-ce que le Quatrième Évangile a menti ? Pour être en contradiction avec cet Évangile et en désaccord avec Luc et Marc, est-ce que Matthieu est dans l'erreur ? Nullement. Tous ont usé des licences du genre en présentant les choses comme il leur a plu, selon le tour particulier de leur esprit, et plus encore selon l'intérêt du moment. Il n'y avait pour eux d'autre vérité que celle de leur invention. Maîtres du sujet, ils l'étaient de l'usage. En mettant Jésus à l'étalage et en cachant Bar-Jehoudda dans l'arrière-boutique, ils ont fait ce qu'il y avait à faire pour caser leur marchandise.

En général, particulièrement sur le chapitre des miracles, ils ont montré une pauvreté d'imagination qui en fait vraiment les pères de l'ébionisme littéraire. Pourtant Cérinthe, dans son écrit, leur ouvrait la porte toute grande. Qu'ils fabriquent tous les miracles qu'ils voudront, de quoi emplir toutes les bibliothèques de la terre, la voie est libre ! Ceci à la fin d'un écrit que l'Église donne aujourd'hui comme fermant le cycle des Ecritures révélées ! Mais déjà ils étaient à bout de souffle, Papias avait dit presque tout l'essentiel.

 

Au début, nulle prétention chez aucun de servir la vérité, de ne servir qu'elle. Clément reconnaît sans y être forcé qu'il y a du faux dans les Écritures, et, faisant parler Pierre, il dit[126] : S'il y a dans les Écritures saintes des choses vraies et d'autres fausses, Notre Seigneur a dit : Soyez d'honnêtes changeurs, pesez et jugez, distinguez et choisissez dans les saintes Écritures. En un mot : Rejetez de vos balances les pièces fausses, vous reconnaîtrez les vraies au poids et au son. Jamais Pierre, en son vivant Shehimon, n'a tenu ni entendu pareil langage. Toute la monnaie de l'Évangile sonne creux, toutes les pièces sont ou fausses ou fourrées.

 

Pendant trois siècles le mot Évangile n'existe qu'appliqué à la Bonne nouvelle du Royaume des Juifs, nouvelle qui n'est bonne que pour eux. Écrits des disciples, Mémoires des Apôtres, tels sont les termes qui par s'emploient pour désigner ce qu'on entend aujourd'hui par Évangiles. Quand Justin emploie le mot Évangile appliqué à ces écrits[127], il ne les cite jamais par le nom de l'auteur et dans le sens de récit : il affirme que les  Mémoires dont il invoque le témoignage contiennent tout ce qui concerne la vie du christ. Celse qui connaît tous les Évangiles, y compris celui de Cérinthe, ne les cite qu'une seule fois dans le sens de récit ; encore est-il probable que le mot a été glissé là par l'Église dans sa prétendue réfutation. Clément, Barnabé, Ignace, Polycarpe, dans les écrits qu'on leur prêtent ne connaissent aucun canonique, ne citent aucun des quatre Evangélistes par son nom. Polycarpe est si important qu'on le fait parler quelque part de ces quatre mannequins[128], mais on a été forcé de reconnaître que c'était un faux[129].

Au temps, quatrième siècle, où Celse dénonça les aigrefins qui exploitaient le cadavre de Bar-Jehoudda, l'Évangile qu'on met aujourd'hui sous le nom de Marc était non d'un individu, mais de tous les Ischaïtes[130] : Commencement de l'Évangile de nous, du christ jésus, d'après ce qui est écrit dans le prophète Ischaï[131]. Et non Isaïe, comme on le lit aujourd'hui. Ischaï, c'est l'Isa du Coran, c'est ce Jessé dont David est le fils et dont on donne ici le nom au christ, car à la prophétie de son ancêtre l'auteur de l'Évangile du Royaume n'a fait qu'ajouter la partie relative à sa carrière. C'est bien longtemps après Papias que, par un de ces jeux de mots dont fourmillent les Ecritures, les jehouddolâtres romains ont substitué Isaïe à Ischaï[132].

Telle scène qui, dans Cérinthe par exemple, se passe entre Jésus et Toâmin, avait lieu dans d'autres écrits entre Jésus et Pierre. D'après Clément d'Alexandrie, Ignace, dans une Épître aux Smyrnéens[133], rapporte une scène et des paroles de Jésus, qui renversent tout ce que nous savons de l'incrédulité spéciale à Toâmin... Jésus ressuscité vint à ceux qui étaient avec Pierre et dit : Touchez-moi, et voyez que je ne suis point un esprit. Ils le touchèrent, et ils crurent aussitôt, ayant été convaincus par sa propre chair. Voilà ce que Basilide refusait de croire ! Aussi, quel hérétique !

La Seconde lettre de Clément aux Corinthiens[134] renferme un propos de Jésus à Pierre qui ne se trouve plus dans les Synoptisés avec cette étiquette : on n'en a retenu que la substance. Dans Clément, Jésus dit : Vous serez comme des agneaux[135] au milieu des loups[136], Pierre répondant lui dit : Si les loups mettent les agneaux en pièces ? Jésus dit à Pierre : Les agneaux ne doivent pas craindre les loups après leur mort ; ne craignez pas ceux qui ne peuvent que vous tuer et qui, après votre mort, ne peuvent vous faire aucun mal... mais craignez Celui qui, après votre mort, peut envoyer votre âme et votre corps dans le Gué-Hinnom. Comme dans l'histoire, Shehimon joue ici le premier rôle après son frère dont Jésus personnifie le revenant, et celui-ci fait une allusion si directe à l'enlèvement nocturne du corps de Bar-Jehoudda par Shehimon, il rappelle si clairement la dispersion des disciples de l'Agneau au Sôrtaba, leur mise en pièces dans le Temple[137], la crucifixion de plusieurs au Gué-Hinnom par les fils de la louve romaine, qu'il n'a pas été possible de garder cette conversation dans sa teneur et avec cette distribution de personnages. Pierre n'intervient dans aucun des Synoptisés.

 

Non seulement on a transposé les épisodes et les interlocuteurs, ajouté, retranché sans aucun respect pour la parole divine, mais on a supprimé radicalement tout ce qui, comme la fameuse révélation du Rabbi à Salomé sur l'un en deux et le deux en un, engageait la responsabilité de cet imposteur dans les abominations nicolaïtes et molochistes. Cette révélation était encore dans les Évangiles dont se sert le pseudo-Clément, puisqu'il la cite dans sa Seconde aux Corinthiens.

Dans cette même lettre[138], Clément, citant un des écrits en cours au troisième siècle : ... Le Seigneur a dit dans l'Évangile : Si vous ne conservez pas bien un petit dépôt, qui vous en confiera un important ? Je vous dis que celui qui est fidèle dans une petite chose le sera dans une grande. La dernière phrase est aujourd'hui dans Luc[139]. Mais la première n'y est pas. Ce n'est donc pas à Luc que Clément l'emprunte, mais à l'écrit dont on s'est servi pour fabriquer ce synoptisé qui longtemps s'appela Ptolémée.

De son côté l'auteur de l'Épître de Barnabé allègue diverses paroles de Jésus qui ne sont ni dans les Évangiles du canon, ni dans les apocryphes ; et d'où qu'elles viennent, on a la preuve qu'un jehouddolâtre du troisième siècle pouvait soit inventer soit puiser à des sources aujourd'hui perdues. C'est bien longtemps après Eusèbe qu'on a ajouté au texte de Matthieu le fameux : Allez donc et instruisez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. On a relevé dans Eusèbe dix-sept passages où le revenant de Bar-Jehoudda dit : en mon nom. On a changé la formule, parce que le baptême étant le propre de Joannès, Jésus avouait nettement son identité charnelle avec ce scélérat.

Cérinthe avait fait son Évangile sur les Explications de Papias. Mais son nom n'ayant point l'heur de plaire, on mit en avant ceux de Pierre, de Jacques, de Toâmin, voire des autres apôtres quand on en eût dressé la liste définitive. L'imposteur Eusèbe se tire d'affaire en déclarant que ce sont œuvres d'hérétiques. Mais comment les hérétiques osaient-ils proposer ces Évangiles sous des noms aussi vénérés ? L'Église a été obligée de convertir Origène et de falsifier Irénée pour soutenir sa fourberie relative aux quatre Évangélistes canoniques. Aujourd'hui Origène parle des quatre Évangiles comme étant les seuls reçus sans controverse dans l'Église de Dieu qui est sous le ciel[140], il rejette l'Évangile de Pierre et de Jaques comme faux et ou ayant aucune autorité. Telle est, dit Irénée, trois ou quatre cents ans après sa mort, la certitude de nos Évangiles que les hérétiques mêmes leur rendent témoignage et en empruntent l'autorité pour confirmer leur doctrine…. Puisque ceux qui nous contredisent rendent témoignage aux Évangiles en s'en servant, la preuve que nous en tirons contre eux est certaine et incontestable[141]. Ainsi l'usage que les contradicteurs font de cet écrit prouve l'authenticité des canoniques ? Alors pourquoi avoir supprimé l'Évangile que les disciples de Jehoudda Is-Kérioth attribuaient à leur maître, et où ce docteur en Israël, avec une franchise mal récompensée, établit que Bar-Jehoudda descende Caïn ?

L'Évangile paru, — il n'y en a jamais eu qu'un, — pour donner plus de corps à Jésus, surtout pendant les trente ans qui s'écoulent entre sa naissance d'après Matthieu et sa prédication d'après Luc, on composa des fables qui embrassaient la période de l'incubation et de l'enfance (le Livre de la Nativité et celui de l'Enfance), ou qui s'étendaient sur certains détails, comme l'Évangile de Nicodème. Mais nonobstant toutes ces fadaises, à la fin du troisième siècle, pour tous les gens renseignés, les sept Apôtres, même transfigurés par les fables, sont toujours d'horribles Juifs dont l'ignorance et la méchanceté révoltent : ils n'ont rien fait, rien dit que de servilement judaïque. C'est de la Genèse et de la Loi qu'ils tirent le peu d'autorité qu'ils ont parmi les Juifs. Irénée observe que, dans les fables écrites pour les aveugles et les sourds, Jésus, tiraille parles scribes, tient tour à tour et même simultanément deux langages, celui d'en bas, quand il est prophète (Joannès), et celui d'en haut, quand il est dieu (Jésus)[142]. Selon le mot qui n'était pas encore célèbre, mais dont la racine plongeait dans le Logos, il se servait de la parole pour défendre le Royaume des Juifs et au besoin pour le combattre !

Nous avons dit pourquoi on n'avait mis aucune des fables évangéliques sous le nom de Philippe et de Toâmin. C'est parce qu'ayant été l'un secrétaire, l'autre interprète de leur frère aîné, tous les deux se trouvaient avoir merveilleusement connu le christ de Gamala sans avoir jamais entendu parler de Jésus de Nazareth. C'est également pour cette raison qu'ils ont été éliminés de la liste des frères du christ dans les Évangiles actuels, où l'on n'en avoue plus que quatre au lieu de six.

 

Maintenant, pourquoi a-t-on mis le même Évangile sous trois noms ? Voici.

Les Juifs étant dieux relativement aux autres hommes, le témoignage, même faux, de deux ou trois suffit contre celui de tous les goym réunis ; il fait jurisprudence. Il y a prescription contre la vérité quand trois Juifs se sont prononcés pour le mensonge. Vous verrez avec quelle force Jésus défend ce principe dans les Évangiles. L'Église mettra sous le nom de Tertullien tout un traité à la louange de ce dogme[143], sur lequel l'auteur des Lettres de Paul est en plein accord avec le Talmud. Toute affaire se décide par deux ou par trois, dit l'Église dans Paul... Trois hommes érigés en tribunal sur Israël ont la même autorité que le tribunal de Moïse, dit le Talmud[144]. Tout témoignage ainsi conçu a force de jugement, et le jugement force de loi contre les goym. Il est saint, il est de droit divin, car il n'y a point de lien originel entre le juif et le goy, et il n'en peut être créé. Trois Juifs peuvent en délier un quatrième envers d'autres Juifs et l'engager dans des liens contraires. Saül, par la ceinture du frère Jacques, est délié envers son propre individu pour rentrer dans le cercle de mensonge où l'Église s'est elle-même enfermée[145]. Sous le nom de Paul, il ne s'appartient plus. Donc il ne ment pas quand il signe des lettres où il dit être apôtre du christ, puisqu'il a cessé d'être Saül. Dans les Actes des Apôtres, tout le monde ment, les Romains eux-mêmes, parce que trois Juifs l'ont ainsi décidé.

Voilà pourquoi les trois Évangélistes synoptisés se dressent aujourd'hui contre l'insynoptisable Cérinthe coupable d'avoir dit que Jésus n'avait point eu chair.

Qui avait vu le christ ? Tous les Juifs de son temps qui s'étaient fait baptiser par lui. Qui avait vu Jésus ? Personne, puisqu'il n'avait de corps ni dans les Explications de Papias, ni dans l'Évangile de Cérinthe ni dans ceux de Valentin. Il fallait donc que deux ou trois Juifs l'eussent vu avant que Papias, Cérinthe et Valentin eussent écrit. Qui prendre ? Philippe et Toâmin ? Impossible : frères du christ ils avaient été ses secrétaires, ils témoignaient que l'Apocalypse était de lui, et déjà on ne voulait plus qu'il eût eu ces deux frères. On choisit Mathias, qui cessant d'être Bar-Toâmin et par conséquent neveu du christ, aurait été un des douze apôtres nommés par Jésus. On choisit Jehoudda surnommé Malchos dont on fit Marcos et qui, cessant d'être Bar-Shehimon et par conséquent neveu du christ, aurait recueilli le témoignage de Pierre sur Jésus. On choisit enfin Loucas, frère de Simon le Cyrénéen, lequel aurait recueilli de la bouche de ses neveux, Alexandre et Rufus, le témoignage de la passion et de la résurrection de Jésus. Dans ce dispositif ce n'était plus Simon qui avait été crucifié à la place de Bar-Jehoudda, c'est au contraire lui qui avait échappé, qui avait été témoin de la résurrection, avec les apôtres, et même de l'Ascension, avec ses deux fils. Par conséquent, rien que pour Cyrène il y avait eu trois témoins juifs de ces miracles. De quoi convertir toute la Cyrénaïque, toute la Tripolitaine et toute la Proconsulaire ! Et en effet l'Afrique fut gagnée l'une des premières.

Tout l'art est dans l'air de naïveté que respirent les Évangiles. Mais de même que l'air lui-même n'est pas un corps simple, celui qui baigne cette imposture est un air composé. C'est l'histoire de Joannès enrobée dans le mythe solaire qui donne à Jésus ces façons de grandeur où tant d'habiles ont été pris. La fable, en elle-même surannée, et commune à tant de pays, se relève de détails qui sentent la vie. Il n'est pas un critique de l'Évangile qui ne dise, même après avoir fait la part de la crédulité juive : Il y a tout de même quelque chose. Oui, il y a quelque chose, il y a Bar-Jehoudda condamné par le sanhédrin pour ses crimes, livré aux Romains par le Temple et crucifié par Pilatus. Il y a que, par la substitution de Jésus au christ, celui-ci, qui était un affreux scélérat, fait l'effet d'un innocent sacrifié par les Juifs. Voilà ce qu'il y a.

 

Le premier soin de Papias avait été de cacher toute la famille de Jehoudda sous de faux noms. C'est la seule précaution qu'il eût prise contre les Romains. La besogne finie, il s'est frotté judaïquement les paumes. Il se les serait usées de joie, s'il avait pu prévoir qu'il se payait pour dix-huit cents ans la tête du monde civilisé ! Mais son ambition n'eût pu aller jusque-là, que s'il eût connu la profondeur de notre imbécillité. Or il n'avait là-dessus que des notions très imparfaites. Ce n'est pas lui qui est grand, c'est nous !

 

 

 



[1] Nous avons cité le passage de la Chronique d'Hamortholos qui le constate. Cf. L'Évangile de Nessus. Philippe de Side, scribe du cinquième siècle, constate également que Joannès, le Porte-parole de Dieu, fut mis à mort dans le même temps que son frère Jacques. Il s'agit en effet de Jacob junior, lapidé par Saül en 787, et non de Jacob senior, crucifié avec Shehimon en 802.

[2] Sur cette Assomption, cf. Le Charpentier.

[3] Des Enfants de Dieu, les Juifs dans la théorie de Jehoudda et de ses fils.

[4] Cf. L'Évangile de Nessus. Ce lieu, c'est la Phrygie, mère des charpentiers symboliques. Ou on n'en peut d'autant moins douter que dans les pays auxquels s'adresse la 1re Lettre de Pierre il manque précisément la Phrygie.

[5] Cf. Les Marchands de Christ, Le Saint-Esprit et Le Gogotha.

[6] Dont fait foi certain Dialogue entre Jason et Papiscus. Nous en parlerons le moment venu.

[7] Pella de Macédoine et non Pella de Bathanée, comme le disent les exégètes. Ariston est le papias de la Thessalie, et c'est pourquoi le compagnon de Lucius avant son entrée dans Hypate s'appelle Aristomène, mois lunaire d'Ariston. On sait que la Pâque doit se célébrer le 15 nisan, à la pleine lune de l'Agneau.

[8] Manuscrit découvert par Conybeare. (V. Th. Calmes, L'Évangile selon saint Jean, 1904, in-8°, p. 22.)

[9] Histoire ecclésiastique, III, 29.

[10] Ceci d'après un fragment de Philippe de Side publié par de Boor. (Texte und Untersuchungen V, fasc. 2. p. 170, et cité par le père Th. Calmes dans son édition du Quatrième Évangile.)

[11] Hadrien a commencé de régner en 117 de l'E. C.

[12] Du IXe siècle. Cf. le père Calmes, L'Évangile de Jean, 1904, in-8°, p. 61.

[13] A qui on a attribué le Quatrième Evangile. Cf. Les Marchands de Christ et L'Évangile de Nessus.

[14] IX, 39, cf. L'Évangile de Nessus.

[15] Il parait que le Géographe de Khorène ne contient plus rien de semblable.

[16] Des apôtres qui ont écrit, c'est-à-dire Bar-Jehoudda, Philippe et Toâmin.

[17] Cf. Les Marchands de Christ.

[18] A le tenir pour authentique, et il ne l'est pas.

[19] Cf. L'Évangile de Jean, éd. du père Calmes.

[20] Cf. l'Évangile de Nessus.

[21] Cf. l'Évangile de Nessus.

[22] Première aux Thessaloniciens, IV, 2.

[23] Première aux Thessaloniciens, IV, 16.

[24] Place en tête de l'adaptation grecque.

[25] C'est le titre que lui donne l'envoyeur et il est exact : le christ-jésus, c'est Bar-Jehoudda, Christ par sa naissance dans la maison de David, jésus des Juifs par son baptême.

[26] En 781, d'après Luc. Cf. Le Charpentier.

[27] On ne s'engage plus. Il y a déjà eu tant de remises !

[28] L'ange de Bar-Jehoudda, c'est son double céleste. Pendant son passage sur la terre. Bar-Jehoudda n'a été que l'exemplaire charnel de ce double antérieur à lui-même. Depuis qu'il a été assumé régulièrement il a le pouvoir d'envoyer son propre ange en mission auprès du pseudo-Jochanan et de lui dicter cette Révélation qui au demeurant date de plus d'un siècle. D'ailleurs, au ciel où maintenant il commande en maître, les anges se sont empressés de se mettre au service de ce fils d'homme qui s'est substitué au Fils de l'homme et qui chaque année se consubstantialise davantage avec le Père, jusqu'au jour où il le jettera dehors !

[29] Depuis que l'Église a enlevé le Quatrième Évangile à Cérinthe d'abord, puis à Clément, le pseudo-Jochanan est censé avoir écrit cet Évangile. On le présente ici comme Evangéliste.

[30] Il se présente ici comme ayant été des Douze. Non seulement i| est censé avoir écrit le Quatrième Évangile, mais encore il est donne comme ayant vu, connu Jésus, et reposé sur sou sein, à la pâque, le 15 nisan 780, par depuis longtemps on a substitué la pâque au Banquet de rémission.

[31] A chaque période jubilaire, on s'attendait à voir se réaliser l'Apocalypse qui avait échoué en 789, au jubilé du Zib. On admettait que Bar-Jehoudda avait pu se tromper, mais seulement sur l'échéance.

[32] Emprunté à l'Évangile du Royaume. Cf. Le Roi des Juifs.

[33] Il a témoigné fidèlement du Verbe juif, sinon dans ses actes, du moins dans ses paroles, et c'est de ses Paroles mêmes qu'il s'agit.

[34] Expression à double entente et fort difficile à comprendre pour qui n'est pas dans la peau du Juif qui a écrit cela. Bar-Jehoudda était le premier-né des sept fils de Jehoudda et en sa qualité de Nazir, c'est lui qui devait leur ouvrir la vie millénaire, l'entrée de l'Æon-Zib. De plus, par sa résurrection, la première depuis l'entrée des Juifs dans l'Æon-Zib, il est le premier qui soit né d'entre les morts. Il est donc un gage aux mains des disciples, il leur garantit pareille aubaine lorsque viendra le temps du Royaume et de la reédénisation des Juifs. Or ce temps est proche. L'ange de Bar-Jehoudda vient de le leur dire.

[35] Dans l'Apocalypse originale, c'est le Fils de l'homme qui est le Roi des rois, c'est même écrit sur sa cuisse. Ici, Bar-Jehoudda l'expulse des cieux et se substitue à lui.

[36] Dans l'eau d'abord. Aujourd'hui, dans son sang, grâce à l'invention de la pâque où il est censé se sacrifier pour tous les Juifs.

[37] La Basileia dont a parlé Apulée devant Maximus.

[38] Dans les siècles des siècles, dit le Saint-Siège, en cela d'accord avec tous les traducteurs. Mais il ne s'agit pas d'un vulgaire espace de cent ans. Eis tous aiônas ton aiônôn, dit le grec : dans les Cycles des Cycles. L'Æon ou Cycle est de mille ans.

[39] Primitivement dit du Fils de l'homme, non seulement dans l'Évangile du royaume, mais dans les Évangiles eux-mêmes, par le revenant de Bar-Jehoudda. Appliqué maintenant à Bar-Jehoudda en personne. Vous voyez les progrès de la mystification ecclésiastique.

[40] Les Romains. Ce jour-là, gare à eux ! A moins qu'ils ne paient bien !

[41] Zacharie, XII, 9.

[42] Appartient à l'Envoi aux sept églises.

[43] Ruse familière a tout auteur qui vent cacher la véritable origine de son produit. Que de livres imprimés à Paris qui portent l'estampille d'Ispahan et de Golconde, d'Amsterdam et de Londres, de Genève et de Neuchâtel ! Instinctivement le faussaire a choisi le nom de l'île qui se rapproche le plus de celui de Papias par les lettres initiale et finale.

[44] Le jour de sabbat, si le verset appartient à l'Envoi. Le dimanche, s'il appartient à la version italique. C'est le jour de la prétendue résurrection du crucifié.

[45] Le malheureux ne voit que ce qu'il copie textuellement dans les Paroles du Rabbi. Il les a sous les yeux (versets 1 et 2).

[46] Les sept communautés juives qui gardaient le plus étroitement le culte de la Loi et escomptaient le plus avidement la promesse d'un Messie Sauveur. Dans Éphèse, l'Alexandrin Apollos, christ pour Juifs hellènes, avait introduit le baptême millénariste peu d'années après la faillite et la crucifixion de Bar-Jehoudda. (Actes des apôtres, XVIII, 19) Cf. Le Saint-Esprit.

[47] Paraphrasé de l'Évangile du royaume. Cf. Le Roi des Juifs.

[48] Paraphrasé de l'Évangile du royaume. Cf. Le Roi des Juifs.

[49] Toutes images dérobées à l'Évangile du royaume. Cf. Le Roi des Juifs.

[50] Dans les anciennes fables, le Rabbi allait visiter l'enfer pendant les jours et les trois nuits qu'il avait été au Guol-golta, et il portait la bonne nouvelle du Royaume, c'est-à-dire de leur prochaine résurrection, aux Juifs qui étaient morts dans les liens de la Loi. Le Symbole dit de Nicée, concile où il n'a été question de rien de semblable, fait de la descente aux enfers un article de foi.

[51] Lues.

[52] Celles qui sont dans les Paroles du Rabbi.

[53] Celles qui, advenues depuis Tibère, doivent être ajoutées à l'Évangile du royaume sans en modifier le fond. De ce nombre est la succession des Empereurs qui ont remplacé les Bêtes primitives, Auguste et Tibère.

[54] Les sept évêques juifs et jehouddolâtres.

[55] Adaptation des images qui sont dans l'Évangile du royaume, les sept esprits de Dieu, les sept yeux de Dieu, le chandelier à sept branches, etc., les sept planètes en un mot, et nullement les sept églises d'Asie, comme il est dit ici.

[56] Le Temple avant sa chute, et le sanhédrin de Tibériade ensuite, avaient organisé un contre-apostolat, une prédication politique antimilitariste. Mais il s'agit surtout ici d'Apollos, contre-christ à Éphèse sous Claude et traqué par les frères de Bar-Jehoudda. Cf. Le Saint-Esprit.

[57] Charité dans le sens de lien de chair et de chair juive.

[58] Secte fondée par Nicolas, christien d'Antioche, que les Actes des Apôtres (VI, 5) représentent comme un disciple de Pierre (Shehimon, frère du christ). Les actes de cette secte dépassent en effet tout ce que le dérèglement religieux peut imaginer de plus répugnant. Nous n'en avons parlé qu'avec toutes sortes de ménagements dans ce volume.

Pas un mot contre les jehouddolâtres molochistes.

[59] Au chapitre XXII de l'Apocalypse, cf. Le Roi des Juifs. Cet arbre, nous l'avons retrouvé dans l'Évangile de Cérinthe (cf. l'Evangile de Nessus) et le retrouverons souvent dans les trois Synoptisés, Vigne quand il est Arbre de vie, Figuier quand il est Arbre de génération.

[60] Dans Matthieu, XXI, 19.

[61] Les mauvais Juifs, les pharisiens et les saducéens latinisants de la Grande Synagogue de Tibériade, qui supportaient trop patiemment l'occupation romaine et donnaient des conseils d'obéissance aux synagogues étrangères.

[62] La calomnie païenne, représentée par le Sénat local.

[63] Allusion à des épreuves que nous ne connaissons pas historiquement, mais dont il est facile de deviner les causes : le refus d'incliner la Loi juive devant celles des provinces, de jurer par la fortune de l'Empereur, de saluer ses statues et celles des dieux protecteurs des villes.

[64] Je ferai de loi un Stéphanos. Ainsi fera-t-on de Jacob junior dans les Actes des Apôtres. Cf. Le Roi des Juifs.

[65] La seconde mort est la damnation éternelle, dit le Saint-Siège, tandis que la première est la mort du corps. Nullement. La seconde mort est une invention de Bar-Jehoudda dans l'Évangile du royaume, ch. V (Cf. Le Roi des Juifs). Ceux qui étaient morts pour la Loi ressuscitaient lors du retour de Bar-Jehoudda et ceux qui étaient vivant régnaient avec lui pendant mille ans. Ils échappaient ainsi à la première mort et par conséquent à la seconde. Ceux qui mouraient hors la Loi ressuscitaient aussi, mais pour passer en jugement devant le Père qui les condamnait invariablement à la seconde mort.

[66] L'épée qui tranche à l'Orient et à l'Occident. Voilà ce qu'il aurait fallu avoir pour en découdre au Sôrtaba.

[67] Satan c'est Esculape, dieu de la médecine, dont le temple était célèbre. C'est aussi le mauvais Esprit des livres de science conservés dans la bibliothèque, non moins célèbre que le temple d'Esculape et non moins redoutable au dogme du Royaume des Juifs. Galien était de Pergame. Les villes où il y avait des médecins et des gens instruits étaient néfastes pour l'idée juive. Mettre le feu aux bibliothèques publiques est un des passe-temps favoris des croisés juifs. (Cf. Le Saint-Esprit).

[68] Allusion à un martyre juif que l'histoire n'a pas enregistré. Il en est ainsi de presque tous les martyrs authentiques. Les martyrologes n'ont guères accueilli que les faux. Quant à celui-ci on peut être certain. Qu'il s'est manifesté lors que le Royaume de Pergame est passé aux Romains, c'est-à-dire sous Hadrien, en 133 de l'E. C. Depuis ce jour-là Pergame est l'habitation de Satan.

[69] Allusion manifeste à Saül, si bon apôtre aujourd'hui sous le nom de Paul, et qui en son vivant, avait accepté si bravement la thèse de Balaam, à savoir qu'Israël serait politiquement subjugué par l'Italie et que les Juifs en seraient réduits à leurs privilèges spirituels. Comme Simon de Chypre, Saül avait dit sinon qu'un Juif pouvait épouser une Romaine, du moins qu'un Romain pouvait épouser une Juive, un Félix, une Drusille. Pure fornication devant la Loi !

[70] Diable ! mais elle a du succès la doctrine de Nicolas !

[71] Bar-Jehoudda hérite de l'épée buccale du Verbe. Cf. Le Roi des Juifs.

[72] Parmi les promesses ridicules de Bar-Jehoudda à ses dupes il y avait la distribution de la manne mosaïque conservée dans les vases du Garizim et qui devait servir à la nourriture des élus pendant les trois signes après lesquels le Fils de l'homme fournissait le pain du Zib. De là les homélies actuelles du Quatrième Évangile sur la manne mosaïque et la manne spirituelle. Cf. L'Évangile de Nessus.

[73] Une prophétesse balaamique à qui on donne ici le nom de la femme d'Achab, roi d'Israël et ennemi d'Elie.

[74] Lieux communs du style prophétique autour de cette idée fondamentale : la terre aux Juifs !

[75] L'Étoile du matin annonce le Soleil, lumière du Verbe. Le Fils devait venir avec le lever de l'étoile. Joannès, son précurseur, se compare à l'Etoile du matin. (Apocalypse, XXII, 16). Tout cela est d'une logique impeccable.

[76] Les Juifs de Sardes avaient l'enseignement, et pratiquaient le baptême depuis de longues années.

[77] C'est le nouveau mot d'ordre. On l'a également glissé dans l'Apocalypse (XVI, 13). On a été si souvent pris ! (Première aux Thessaloniciens, V, 2 ; Seconde de Pierre, III, 10.)

[78] Devant Dieu un homme n'est qu'un nom.

[79] Costume emprunté au vestiaire de l'Apocalypse.

[80] Mais en le changeant lors de l'inscription sur la pierre blanche.

[81] Au siège de Jérusalem par les Assyriens, Sobna fut destitué de la grande sacrificature et remplacé par Eliacim, fils d'Helcias. C'est à Eliacim que Dieu dit dans Isaïe (XXII, 22) : Je mettrai sur son épaule la clef de la maison de David (le vêtement astrologo-prophétique d'Aaron), il ouvrira sans qu'on puisse fermer, et il fermera sans qu'on puisse ouvrir.

En d'autres termes, Dieu lui donnera sa puissance, car il est lui-même Celui qui ouvre et celui qui ferme, l'Alpha et l'Oméga de tout, et comme dit Job, s'il tient un homme enfermé, nul ne pourra lui ouvrir. (Job, XII, 14.)

[82] Allusion à l'Antéchrist, expédient employé par les scribes évangéliques pour pallier la défection du Verbe au Jubilé de 789 et retarder indéfiniment le retour du christ. Celui-ci n'avait pas prévu d'Antéchrist. L'Antéchrist original, c'est Satan mal enchaîné et imparfaitement emprisonné. Les Zélateurs de la Loi ont encore à compter avec lui, avant que le Roi des Juifs ne revienne.

[83] Le Temple qui descendra des cieux sur l'emplacement de l'autre.

[84] Iahvé ou Eloï. A-E-I-O, nom qui peut être retourné quatre fois dans la direction des quatre points cardinaux, c'est son nom de kabbale.

[85] Emprunté à la conclusion de l'Apocalypse. La Jérusalem céleste n'est pas descendue en 789 comme l'avait annoncé le Joannès, mais elle est en marche.

[86] C'est le nom de kabbale du Fils de l'homme. Nous avons déjà vu Jésus sous le nom d'Hyper-Amento dans Valentin. Cf. Évangile de Nessus.

[87] L'or éprouvé au feu, c'est l'or baptisé par le feu céleste, c'est de la lumière en fusion.

[88] Lorsque Bar-Jehoudda reviendra. L'image du vêtement lumineux est prise de l'Apocalypse originale, XVI, 15. Cf. Le Roi des Juifs.

[89] Ce collyre, c'est la salive du Verbe juif. Nous le retrouverons sous cette forme dans les Synoptisés comme nous l'avons trouvé dans Cérinthe. Cf. l'Évangile de Nessus.

[90] Comme Jésus le dit au christ et à ses frères dans l'Évangile de Cérinthe. Cf. l'Évangile de Nessus.

[91] J'ai vaincu la mort, dit Jésus dans le Quatrième Évangile.

[92] Il dit : Mon trône. Car ce trône est à lui ! au Verbe d'en sortir ! Il y a là une excitation au martyre. Qui mourra de mort violente siègera à la droite de Dieu comme Bar-Jehoudda. Le scribe s'inscrit en faux contre l'Évangile de Cérinthe où Jésus ne peut réussir à assumer le christ. Cf. l'Évangile de Nessus. Il s'agit ici de l'Ascension, de l'auto-Ascension qui est venue étoffer, doubler la vieille Assomption. Cette première forme de la mystification en rendait le succès impossible, puisqu'on y voyait le Joannès enlevé au ciel par Jésus. Le christ davidique assumé par le Verbe qu'il avait annoncé dans l'Apocalypse et qu'il attendait encore dans la Cour de Kaïaphas le 14 nisan 788 au matin.

[93] Cf. Pistis Sophia, éd. Amélineau, p. 129 et 185.

[94] Ceci après la suppression de tous les renseignements que Lucien donnait sur Bar-Jehoudda, son séjour en Egypte, et sa famille, notamment son père, désigné par son nom de circoncision.

[95] De l'An de Dieu, d'où son surnom de Joannès.

[96] Seth, Moïse, Juda, Élie, David, Adam lui-même.

[97] De là le nom de Rabbi.

[98] Ceux qui attendaient le christ. C'est la véritable définition l'état de christien.

[99] Dans Luc ils se demandent si Joannès ne serait pas le christ.

[100] Cf. dans les Marchands de Christ, le passage de Philon où les Alexandrins, parodiant les christiens de Gaulanitide, vont consulter Bar-Abbas sur les affaires publiques.

[101] On a remplacé le mot Roi des Juifs dont se servait certainement Lucien par un mot vague qui répond à une simple idée de préfecture.

[102] On a remplacé le mot imposteur ou mieux scélérat par le mot, grand homme, dont Lucien, même ironiquement, ne se serait pas servi pour désigner un tel ennemi du genre humain.

[103] Le culte de sa personne considérée comme une émanation divine.

[104] Impossible de constater plus clairement l'identité du Joannès et du christ, et les longs efforts de cet imposteur pour arriver à ses fins.

[105] Il, c'est son frère aîné.

[106] Pistis Sophia, p. 37 et suiv.

[107] C'est à cause de cette similitude du Père que le Verbe, dans le prologue de l'Apocalypse prend la forme de la colombe pour engendrer le Joannès-christ (cf. Le Charpentier). Quant à l'intervalle millénaire qui devait séparer le règne de Bar-Jehoudda de la venue du Père, c'est la grande erreur de Jehoudda. Jésus la lui pardonne, parce qu'il pardonne tout aux Juifs, mais il ne l'excuse pas.

[108] Cf. L'Évangile de Nessus.

[109] Pistis Sophia, p. 41.

[110] Valentin est sérieux. Il aime bien le fils de David, mais pas au point de jeter le Fils de Dieu hors du ciel.

[111] Utilisé par le Sermon sur la Montagne introduit au quatrième siècle dans l'Évangile dit de Matthieu (VII, 22, 23). Nombreux sont les passages de l'Évangile dirigés contre le christ et sa bande, nous le montrerons quand nous en viendrons à la fabrication successive de ces écrits.

[112] Judex Bithyniæ. Cité par Lactance, d'ailleurs travaillé par l'Église en cet endroit.

[113] Indiqué, non nommé par Lactance.

[114] Augustin, De Consensu Evangeliorum, LI, 14.

[115] Livre II, ch. VII.

[116] Cf. le Roi des Juifs.

[117] Ischaï, le nom de Bar-Jehoudda auprès des Ischaïtes ou Jesséens.

[118] Hélas ! Et voilà dix-neuf cents ans que cela dure !

[119] Le Coran, IV, (Les femmes), 155, 156.

[120] Cf. L'Évangile de Nessus.

[121] Mathieu, XI, 11.

[122] Afin d'éviter les périphrases et pour ne pas heurter les habitudes, nous conservons aux trois Synoptisés les étiquettes que l'Église a collées dessus. Le lecteur sait que ni Mathias Bar-Toâmin, ni Jehoudda dit Malchos, ni Lucius de Cyrène n'ont composé d'Évangiles.

[123] Rendons ample justice à Fréret, secrétaire perpétuel de l'Académie des Inscriptions et Belles-lettres au dix-huitième siècle. Ses ouvrages sur l'apologétique christienne sont des modèles d'érudition saine et franche. Ce sont eux qui m'ont ouvert les yeux. Il faut les lire pour savoir à quel point la raison est en baisse dans le monde de l'exégèse et du haut enseignement.

[124] Escamoté comme Papias et fondu dans les Synoptisés. Cf. l'Évangile de Nessus.

[125] Fréret, Examen des apologistes de la religion chrétienne.

[126] Homélies clémentines, II, 51.

[127] Première apologie, 33.

[128] C'est Victor de Capoue qui a inventé cela.

[129] Tillemont et autres.

[130] Ischaïtes ou Jesséens, c'est, avec Naziréens et Ebionites, un des noms que portent les premiers christiens.

[131] Cf. Anticelte, II, 4, dans les Œuvres d'Origine.

[132] Ils négocient la chose par l'intermédiaire de Philippe dans les Actes des Apôtres. Cf. Le Saint-Esprit.

[133] Eusèbe cite l'endroit d'Ignace où se trouvaient ces paroles, mais il ne savait pas de quel Évangile elles venaient. Jérôme (De Scriptoribus ecclesiasticis) nous apprend qu'elles étaient dans l'Évangile des Hébreux, lequel selon Eusèbe (Histoire, l. III, ch. XXXIX) était connu de Papias et d'Hégésippe. De Papias surtout, c'est lui qui l'avait fait au second livre de ses Explications !

[134] Clément le Romain, ch. V de la Deuxième aux Corinthiens.

[135] Les agneaux, ce sont les Juifs de la bergerie davidique. Cf. l'Évangile de Nessus.

[136] Les loups, ce sont les Romains, fils de la Louve. La Bête de l'Apocalypse c'est la louve, et non le léopard, comme on traduit maintenant.

[137] Cf. Le Roi des Juifs.

[138] Au chapitre VIII.

[139] Luc, XVI, 10.

[140] Commentarii in Matthœum.

[141] Contra hæreses, III, II, 7.

[142] Advenus hæreses, III, II, 12.

[143] De præscriptione.

[144] Talmud, Rosch-ha-schana, fol. 25, recto.

[145] Cf. Le Gogotha.