LE MENSONGE CHRÉTIEN - (JÉSUS-CHRIST N'A PAS EXISTÉ)

 

TOME VI — L'ÉVANGILE DE NESSUS

I. — L'ÉVANGILE DE CÉRINTHE.

 

 

CHAPITRE XX. — TRANSFIGURATION DE L'ENLÈVEMENT : LA MÈRE SELON LE SANG.

 

Voilà enfin la vraie mère, la mère selon le sang, c'est-à-dire Salomé, veuve de Jehoudda, désignée par Cérinthe sous le nom de la sœur de Moïse, la grande Myriam Magdaléenne au nom innombrable et plein de Cycles ![1]

La pauvre femme a sa part de responsabilité dans la triste fin de son fils aîné ! Il est la victime de l'ambition maternelle ; c'est elle qui l'a sacré, qui lui a dit : Va ! pour obéir à son homme de lumière[2].

1. Or le premier jour de la semaine, au malin, quand les ténèbres duraient encore, Marie-Madeleine vint au sépulcre, et vit la pierre ôtée du tombeau.

2. Elle courut donc et vint à Simon Pierre et à l'autre disciple que Jésus aimait[3], et leur dit : Ils ont enlevé le Rabbi du sépulcre, et nous ne savons où ils l'ont mis[4].

3. Pierre donc sortit[5] avec l'autre disciple, et ils vinrent au sépulcre.

4. Ils couraient tous deux ensemble ; mais l'autre disciple courut plus vite que Pierre, et il arriva le premier au sépulcre.

5. Or, s'étant penché, il vit les linges posés à terre, cependant il n'entra pas[6].

6. Pierre, qui le suivait, vint aussi, et entra dans le sépulcre, et vit les linges posés à terre.

7. Et le suaire qui couvrait sa tête, non point avec les linges, mais plié en un lieu à part.

8. Alors donc, entra aussi l'autre disciple qui était venu le premier au sépulcre ; et il vit, et il crut.

9. Car ils ne savaient pas encore l'Ecriture[7] : Qu'il fallait qu'il ressuscitât d'entre les morts.

10. Les disciples donc s'en retournèrent chez eux.

Ne sachant pas qu'il dut être crucifié, on ne pouvait pas savoir qu'il dût ressusciter, le Logos lui-même ne trouverait rien à répondre à ce raisonnement. Pour faire le travail d'Écritures qu'on remarque surtout dans les Synoptisés (Cérinthe s'en abstient), il a fallu qu'un long temps se passât pendant lequel le Joannès survivait seul aux exécutions de Pilatus. Jésus n'a pas pu annoncer dans les Synoptisés qu'il ressusciterait, avant qu'on ne se décidât à avouer la mort du christ, à comparer son cas à celui du Jonas ninivite, et à lui appliquer la promesse faite à David dans les Psaumes. Ce travail n a été possible qu'après renonciation complète à la première version, celle de la survie du Joannès, répandue dans les milieux christiens par la famille. Il n'a put commencer avant Trajan[8].

11. Mais Marie se tenait dehors près du sépulcre, pleurant. Or, tout en pleurant, elle se pencha, et regarda dans le sépulcre ;

12. Elle vit deux anges vêtus de blanc, assis, l'un à la tête, l'autre aux pieds, là où avait été mis le corps de Jésus.

13. Ils lui demandèrent : Femme, pourquoi pleurez-vous ? Elle leur répondit : Parce qu'ils ont enlevé mon Seigneur, et je ne sais où ils l'ont mis.

Dans cette transfiguration de l'enlèvement les deux anges sont les doubles de Shehimon et de Cléopas. Ils ont leur costume d'assomption, Shehimon depuis 802, Cléopas depuis une année qu'on ne connaît pas. C'est pourquoi ils appellent, l'un sa mère, l'autre sa belle-mère, du nom de Femme, Salomé étant censée constater l'enlèvement le 18 nisan, quatrième jour après la pâque de 789. Elle leur répond par le verset 2, avec un tout petit progrès, mais très curieux. La première fois on lui a fait dire : Nous ne savons, elle est de l'affaire. La seconde fois on lui fait dire : Je ne sais, comme si elle n'en avait pas été.

Jésus est dans la coulisse depuis douze ans. Mais il ne peut pas assumer le Joannès avant que sa famille avoue qu'il a été crucifié ; il attend. Aussitôt qu'elle a pris ce parti, il rentre en scène. Par un effet rétroactif du Temps, dont Jésus est le maître, nous voici reportés au lendemain du jour où l'Haramathas a enlevé le corps de la croix pour le déposer dans le caveau provisoire.

Jésus est venu se placer derrière Maria pour la tirer d'affaire, pour sauver la face davidique, en sa qualité de Sauveur. Shehimon et Cléopas assumés en leur temps, il ne reste plus que quatre personnes dans le caveau, le cadavre, l'Haramathas qui l'a enlevé de la croix le vendredi et déposé là, Maria, et Jésus-Esprit qui, la crucifixion passée, vient reprendre possession de son corps selon le monde. En Verbe fidèle à sa promesse, il ne veut pas abandonner à la corruption le corps royal qu'il a animé pendant douze ans. Il lui doit cela, c'est dans les Psaumes.

14. Lorsqu'elle eut dit cela, elle se retourna en arrière, et vit Jésus debout ; et elle ne savait pas que ce fut Jésus.

15. Jésus lui demanda : Femme, pourquoi pleurez-vous ? Elle, pensant que c'était le jardinier, lui répondit : Seigneur, si c'est toi qui l'as enlevé, dis-moi où tu l'as mis, et je l'emporterai.

C'est en effet ce qui s'est passé le 18 nisan 789 après k sabbat. L'Haramathas qui avait la garde du Jardin d'Hinnom a dit à la mère où il avait mis le corps de son fils, et elle l'a transporté à Machéron avec l'aide de Cléopas et de Shehimon qui n'étaient pas encore anges à ce moment-là. Maria a menti en disant que son fils aîné avait échappé aux crucifixions de Pilatus, mais devant le cadavre elle va bien être obligée d'avouer, à moins qu'elle ne s'entende avec Jésus pour garder le silence sur ce qu'elle a fait du corps qu'il a pris dans la fable.

Car elle l'a mis dans un embarras inextricable. Jésus est venu là pour ressusciter Bar-Jehoudda comme il a ressuscité Éléazar, pour lui payer son salaire, en somme[9]. Or le corps n'est plus au Guol-golta, et Maria ne peut dire où il est sans avouer en même temps qu'il goûte la corruption, contrairement aux Psaumes de son père David. De son côté, Jésus ne peut pas opérer l'assomption d'un corps que Maria ne veut pas représenter.

16. Jésus lui dit : Maria. Elle, se retournant, lui dit : Rabboni (ce qui veut dire maître).

Jésus est le Verbe, il est la lumière, il sait tout d'avance, et il est le Véridique. S'il révèle la vérité, s'il commande à Maria de la dire, tout est perdu. Elle l'implore d'un regard, elle s'élance vers lui pour le toucher, comme s'il avait un corps, et que ce corps fût celui qu'il s'agit d'enlever. Mais ;

17. Jésus lui dit : Ne me touchez pas ; car je ne suis pas encore monté vers mon Père ; mais allez à mes frères ; et dites-leur : Je monte vers mon Père el votre Père, vers mon Dieu et voire Dieu.

Pour faire celte réponse, Jésus est rentré dans son corps selon le monde, et l'un portant l'autre, il se prépare à monter au ciel, sans avoir averti le public qu'il en est descendu au commencement de la fable. Ainsi disparaîtra, littéralement escamoté par son double céleste, le corps crucifié de Bar-Jehoudda. Cherchez-le au Guol-golta, vous ne le trouverez pas ! Demandez où il est, vous ne saurez pas ! Jésus se prête de bonne grâce a cette macabre comédie. Puisqu'on ne peut opérer l'assomption au Guol-golta où le corps n'est plus, puisqu'on ne peut l'opérer à Machéron où la mère ne veut Pas qu'il soit, Jésus remettra l'assomption au jour où on 'e préviendra. En attendant, crucifié ou non, le roi-prophète ne goûte aucune corruption, tout au moins pour les partisans de la dynastie davidique et du Royaume des Juifs ; c'est tout ce qu'il faut.

Hyménée et Philète ont parfaitement vu que la résurrection du Joannès dans les Synoptisés était due, comme celle d'Éléazar, à Jésus-Verbe agissant dans sa Puissance recréatrice.

Jésus n'a pas été obligé d'y préparer le public par une prédiction, comme il a fallu le faire quand on la présenta comme une auto-résurrection. C'est pourquoi Hyménée et Philète, indignés de cette imposture, jointe a la fourberie eucharistique, ont dit que la résurrection de Bar-Jehoudda n'était pas la première[10] ; ils voulaient parler de l'Évangile de Cérinthe, dans lequel cette résurrection est, à tout prendre, précédée de celle d'Éléazar. Aussi l'Église s'est-elle bien gardée de reporter la résurrection d'Éléazar dans les Synoptisés ; e cette manière, Bar-Jehoudda apparaît sous les espèces de Jésus comme s'étant ressuscité lui-même, après avoir ressuscité le fils de la Veuve (Jacob junior) et la fille de Jaïr, une de ses belles-sœurs[11].

 

À DÉFAUT DU VERDE SOLAIRE, LE VERBE LUNAIRE.

 

La mystification ici se double certainement d'astrologie. Cérinthe y a formellement introduit le mouvement de Mercure autour du Soleil. Par deux fois, nu Banquet de rémission et le soir de la mise en croix, vous avez vu le Joannès en conjonction avec Jésus. Il n'y a jamais que deux femmes au tombeau de l'Hermès juif, Maria Magdaléenne et Maria Cléopas. En dehors de Mercure, représenté par le crucifié lui-même, il n'y a que deux planètes en état de passer à l'équinoxe entre le Soleil, dont le rôle est joué par Jésus, et la Terre représentée par le Guol-golta (dans Mathieu elle s'associe au deuil public par deux tremblements) : c'est la Lune et Vénus. Il n'est pas douteux qu'élargissant l'allégorie commencée au Banquet de rémission, Cérinthe n'ait représenté la Lune sous les traits de Maria Magdaléenne d Vénus sous ceux de Maria Cléopas, surnommée la Belle dans Valentin.

En ce qui concerne la mère du Joannès, il n'a eu qu'à s'inspirer de l'Apocalypse où la Lune est sous les pieds de la Vierge vêtue par le Soleil. Celle dont le Verbe-lumière est toute la vie, c'est Maria Magdaléenne., Or, à aucun moment de l'année elle n'est plus près de son Seigneur qu'il la pleine lune de la pesach, à l'entrée du Soleil dans l'Agneau. Que sous l'influence de la date, la crucifixion de Joannès soit peu à peu devenue la passion d'un Osiris, d'un Adonis ou d'un Mithra juif, c'est l'évidence même. La Lune est dans le passage, puisque c'est elle qui l'annonce officiellement, le soir du quatorzième jour[12] du premier mois.

En arrivant la première au tombeau de Jésus, elle prélude à sa résurrection, et, dès l'aube, avant qu'il ne surgisse, elle se hâte vers lui dans son halo de fourrures. Astrologiquement, elle ne fait que ce qu'elle doit. Elle ne nous rend pas compte de ses actes, mais nous les connaissons par ses invariables habitudes. Nous savons que le soir de la Pâque elle s'est levée à minuit, saluée par les acclamations de tons les Juifs réunis au Temple ; que le lendemain du jour où leur roi de par l'Apocalypse a été mis en croix, elle s'est levée un peu plus tard ; un peu plus tard, le second jour ; plus tard encore le troisième, et ainsi de suite, pendant quatorze jours. Et ces habitudes de noctambulisme décroissant, elle les a conservées ; habitudes de cercle le premier jour, de demi-cercle seulement le septième, — elle se range déjà, — et dont elle ne se corrige que pour recommencer. Elle arrive au tombeau juste à l'heure qu'il convient, soit environ trois heures ; et si au lieu de venir le quatrième jour, elle y venait le septième, eh bien ! elle n'arriverait pas avant cinq heures et demie du matin, ce qui ne lui permettrait pas de s'y rencontrer pour faire sa partie avec Vénus et Mercure.

Ne me touche pas, dit Jésus à Maria, car je ne suis pas encore monté vers mon Père ! Que répondrait Maria, si elle n'était pas la pleine Lune ? Ceci : Seigneur, je viens pour vous enlever, et vous me défendez de vous toucher, avant que vous ne soyez monté vers votre Père ! Comment pourrai-je vous toucher quand vous serez monté vers votre Père ? Mais en sa qualité de Lune du 18 nisan à peine déformée par trois jours de mouvement, c'est avec la certitude absolue d'être exaucée que Maria nourrit l'espoir de toucher prochainement son Seigneur.

Pas de cachotteries avec nous, voyons, Cérinthe ! Jésus sort chaque année du tombeau à la même heure, à la même minute ; lui non plus n'a pas changé ses habitudes. Il se lève à la droite du Guol-golta un peu avant l'heure charmante où la Lune vient baigner le sinistre rocher de sa lumière d'argent, l'heure où du haut des cieux l'or du Soleil vient baptiser mollement la Ville Sainte.

Mais ce n'est point ce baptême périodique que le Joannès attendait pour lui-même et pour Jérusalem. C'est le baptême de la lumière d'avant ces deux astres, le baptême plein feu, celui qui l'aurait fait semblable au Fils de l'homme, et la Ville Sainte pareille à la demeure de Dieu[13]. Pauvre diable ! il a été encore bien heureux que la Lune ordinaire guidât les pas de sa mère dans la nuit et permit à la pauvre femme d'emporter son corps à Machéron ! Ah ! il a fallu en rabattre !

Le Soleil et la Lune sont donc restés dans l'état où on les voit aujourd'hui. L'Epoux céleste n'est pas venu les remplacer comme il l'avait promis au Joannès.

Jésus et Maria seront de nouveau en conjonction sur le méridien, vers le quatorzième jour ; il faudra que Maria passe au rang des vieilles lunes ; elle ne sera nouvelle et conjunctible, si j'ose m'exprimer ainsi, qu'à ce moment-là. Qu'elle ne nourrisse donc pas l'espoir de toucher son Maître avant que celui-ci ne se soit encore enlevé davantage vers le Père ! C'est une fantaisie comme seule une Lune peut en avoir quand sa tête commence à se fêler, car au moment où elle parle, elle est en opposition — moindre, il est vrai, l'affaire s'arrangera — avec celui dont elle tire par réflexion toute sa lumière. L'Évangéliste semble croire au contact possible, c'est trop, c'est trop ! On se salue simplement et l'on se parle à travers l'espace.

Maria, dans son zèle maternel, devance le jour marqué par Dieu pour rappeler à lui, chaque année, son Fils retour de la terre. Ce jour, est le quatre-vingt-dixième après la Pâque ; il est marqué par les Ânes.

N'ayant pas voulu descendre avec l'Agneau de 789, Jésus continue comme devant à monter vers son Père chez qui il n'arrivera que sous les Ânes, au solstice. Mais il y demeurera peu. Après avoir décrit son orbe et donné des nouvelles de la Terre et des régions inférieures ou infernales, — c'est la même idée et presque le même mot — l'éternel voyageur repart et, comme dit Corneille, aspire à descendre vers l'Occident. Maria ne touchera l'Époux qu'au dernier jour. La grande veuve du fondateur du christianisme, la mère de celui qui a fait l'Apocalypse n'est pas moins atteinte que son fils dans ses illusions millénaristes.

La grande différence entre l'Évangile de Cérinthe et les Synoptisés, c'est que dans Cérinthe le Joannès est escamoté par Jésus qui est le Fils de l'homme de l'Apocalypse[14], tandis que dans les Synoptisés il se ressuscite lui-même.

Dans Cérinthe Bar-Jehoudda, mis en croix le mercredi, passe la nuit et le jour de Pâque sur le bois ainsi que le lendemain vendredi, et il est escamoté après trois jours et demi où l'on fait entrer le temps qu'il passe dans le caveau provisoire. En un mot il disparait dans le délai imparti pour les résurrections, mais sans que Jésus puisse parvenir à le ressusciter. Ce délai, Cérinthe le lui applique en vertu de l'Apocalypse, tandis que les Synoptisés donnent le change aux goym en indiquant la similitude de Jonas comme étant la source à laquelle ils ont puisé.

Dans cette apothéose jehouddique, calquée sur le patron des fables païennes qui convertissent les hommes en astres après leur mort, Joannès est envoyé dans le Soleil, lumière du Verbe, et il en joue le rôle. Maria Magdaléenne est envoyée dans la Lune où elle est, comme elle avait été sur terre, l'inséparable reflet du Verbe. On savait, depuis Thaïes et Pythagore, que la Lune n'est point un corps lumineux par lui-même ; on la croyait de la même substance que la Terre, et on ajoutait que le Soleil l'avait sauvée des ténèbres en la nourrissant de sa lumière. C'en fut assez pour pouvoir dire en toute assurance que Jésus avait tiré de son corps les sept puissances lumineuses dont il est question dans l'Évangile. Dans les mythologies Valentiniennes, Maria occupe la seconde place au ciel, et son fils aine succède dans la première à son père Jehoudda. On savait aussi que le soleil semblait pétrir la lune de ses mains, l'augmenter et la diminuer, la casser et l'arrondir alternativement, comme on peut faire d'une mie de pain. D'où Maria fut dite Magdaléenne (du mot grec qui veut dire boule malléable) avec d'autant plus d'esprit. D'où encore notre bon maître Rabelais a fait Magdaleon, avec le même sens que dessus.

Les apothéoses jebouddiques n'empêchaient pas du tout d'attendre le Verbe, au contraire. Joannès était une garantie. Ses petits-neveux vivaient de ce ressuscité, mais la niasse des disciples refusait de croire que le Père s'en tînt à cette manifestation épisodique d'une puissance sans limites. La fable n'avait aucun crédit sur ceux-là, et ils lui barrèrent honnêtement la route.

Nous avons cherché Jésus-homme dans l'histoire et nous ne l'avons pas trouvé, nous l'avons cherché dans les Apocalypses d'après la chute du Temple, jet nous 8e l'avons pas trouvé. En 136 de l'Erreur christienne, quand Jérusalem tombe sous les coups d'Hadrien, Jésus n'est encore né qu'allégoriquement. Il mourra de même dans le feuilleton que l'Église a synoptisé sous le nom de Mathieu, de Marc et de Luc, alors qu'il est en réalité de Ponce du Terrail et Caïphe de Montépin.

 

L'ESPRIT DE BAR-JEHOUDDA.

 

Maintenant que tout est arrangé et que Jésus remet à plus tard l'assomption du crucifié, le corps de celui-ci devient disponible. Jésus y rentre pour quelques jours, décidé à ne remonter vers son Père qu'après avoir achevé sa tournée de résurrections. En attendant, n'ayant rien de mieux à faire, il va jouer le rôle du prophète qui survit, sinon publiquement (il a peur des Juifs hérodiens !), du moins clandestinement et pour les membres de sa famille.

18. Marie-Madeleine vint annoncer aux disciples : J'ai vu le Seigneur, et il m'a dit ces choses.

19. Ce jour-là, premier de la semaine, lorsque le soir fut venu, et que les portes du lieu où les disciples se trouvaient assemblés, étaient fermées, de peur des Juifs, Jésus vint et se tint au milieu d'eux, et leur dit : Paix à vous !

Rien de plus naturel. Que de fois n'avons-nous pas vu Jésus pénétrer dans le Temple par les fenêtres d'Orient, avant l'ouverture des portes au public et aux prêtres eux-mêmes ! Le Saint-Siège rend hommage à la simplicité du phénomène. La même puissance, dit-il, qui faisait passer le corps entier de Jésus-Christ dans toute sa dimension à travers les portes fermées, rend le même corps réellement présent dans le sacrement de l'Eucharistie, quoique ces deux choses surpassent notre intelligence.

Mais non, elles ne surpassent en aucune façon notre intellect, sinon peut-être en ce qui touche la présence réelle dans l'Eucharistie ! Encore y arrive-t-on très bien, en remplaçant présence par absence. Cette absence n'est pas monnayable — comme la présence, par exemple, — mais elle a l'avantage sur celle-ci d'être réelle.

20. Et, lorsqu'il eut dit cela, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples se réjouirent donc à la vue du Seigneur.

21. Et il leur dit de nouveau : Paix à vous ! Comme mon Père m'a envoyé, ainsi moi je vous envoie.

22. Lorsqu'il eut dit ces mots, il souffla sur eux et leur dit : Recevez l'Esprit-Saint ;

23. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ; et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus.

Ah ! voilà qui a vraiment le caractère sacré, voilà qui est d'un dieu !

Jésus, dit le Saint-Siège, emploie le souffle de sa touche comme un signe extérieur pour marquer qu'il leur communiquait son esprit.

Quant à la faculté de remettre les péchés ou de les maintenir, il faut nécessairement, ou rejeter l'authenticité de ces paroles ou reconnaître l'origine divine de la confession sacramentelle. Mon dieu, oui ! il le faut absolument, il faut rejeter ces paroles, car elles sont d'un hérétique nommé Cérinthe que l'Église par la voix d'Irénée compare à Satan. Et l'Église s'y connaît t

Notre long commerce avec cet être abominable nous empêche de souscrire à la divinité de la confession sacramentelle. L'Esprit que Jésus souffle aux disciples, c'est celui du Joannès. Car, qui remettait les péchés en baptisant ? Le Joannès. Qui fait ? Le Joannès. Qui défait ? Le Joannès. Qui était fils de David ? Le Joannès. Qui était le prophète ? Le Joannès. Qui était le christ ? Le Joannès. En circoncision, comment s'appelait le Joannès ? Jehoudda bar-Jehoudda. Et qui a été condamné pour trahison et crimes publics ? Bar-Jehoudda. Depuis quand les criminels et les traîtres juifs ont-ils le privilège de remettre ou de retenir les péchés des goym parmi lesquels je suis obligé de me ranger avec tous les Gaulois ? Voilà ce qui serait intéressant de savoir. Ah ! qu'une encyclique De virtute sceleris vel de dignitate mendacii éclairerait les consciences !

La primitive Église ignorait-elle que cet Esprit fût celui d'un individu justement puni par Dieu ? Nullement. A-t-elle pensé que cet Esprit fût saint ? Pas davantage. Elle a fait à Jésus l'injure de disqualifier totalement son souffle dans les Actes des Apôtres où l'Esprit-Saint n'arrive que cinquante jours après la pâque, sous la forme de langues de feu que leur contact avec l'atmosphère terrestre a corrompues dans des proportions très sensibles. Elle a donc pensé que I e souffle personnel et direct de Jésus à la date au 18 nisan 789 n'offrait pas les garanties de pureté qui méritassent le visa du laboratoire pontifical. Remplacer ce souffle par des langues contaminées, c'est faire bien peu de cas de l'appareil respiratoire du juif consubstantiel au Père !

 

LE SABBAT DE DEUIL ET JEHOUDDA TOÂMIN.

 

Vous avez vu dans les Marchands de Christ qu'après avoir précipitamment enfoui Bar-Jehoudda dans le roc de Machéron, sa mère et son frère Shehimon avaient gagné Damas pour se retirer ensuite en Asie. Logiques avec la version de la survie, et d'ailleurs emportés dans leur fuite, ils n'avaient pas eu à célébrer la semaine de deuil. Il ne peut en être ainsi dans la seconde version, celle de la résurrection ; la famille reste pour pleurer le mort pendant sept jours, comme le veut la Loi, à Jésus de faire l'office du crucifié qui reparait au milieu des siens.

L'Évangéliste fait revenir celui des frères de Bar-Jehoudda qui, après Philippe, — il en a fini avec Philippe, — avait transmis les Paroles du Rabbi. Il fait revenir Jehoudda junior, alias Toâmin, jumeau de nom du crucifié.

L'apparition à Toâmin ne saurait en aucune façon être de Cérinthe.

Parmi les scènes qui ont exercé le plus d'action sur la crédulité des jehouddolâtres, la plus célèbre est à coup sûr celle de Toâmin, invité à mettre la main dans les plaies de son aîné. Des fils de Salomé, celui qui, avec Philippe, s'était le plus avancé dans la thèse du Royaume des Juifs, c'est incontestablement Toâmin. Les évangélistes sont obligés de demander à Jésus une séance spéciale pour convaincre Toâmin, dont le crédit était grand, qu'il faut s'en tenir au pis-aller contenu dans les Psaumes de David.

Toâmin, qui est mort depuis deux siècles, se rend à évidence quand on lui fait toucher du doigt le corps de son frère ressuscité. Devant des preuves si palpables, il renonce à son passé, à sa doctrine, à son idéal messianique, pour reconnaître que le christ millénaire devait se contenter, lui aussi, de la non-corruption animale promise à leur père David.

Jésus qui, tout à l'heure, s'oppose h ce que la Magdaléenne le touche, demande instamment à Toâmin, non seulement de le toucher, mais de le pénétrer ii l'aide des doigts. Devenu de meilleure composition, il accorde à l'Église ce qu'il a refusé à la mère du crucifié. Il n'avait pas de corps au second siècle ; il en a un au troisième, celui que le pape Clément, successeur de Pierre, lui a donné en s'attribuant le rôle de témoin, non seulement oculaire, mais pectoral, pendant la célébration de l'Eucharistie.

24. Or Toâmin, appelé Didyme[15], un des douze[16], n'était pas avec eux quand vint Jésus.

25. Les autres disciples lui dirent donc : Nous avons vu le Rabbi. Mais lui leur répondit : Si je ne vois dans ses mains le trou des clous, et si je n'enfonce mon doigt la place des clous, et que je ne mette ma main dans son côté, je ne croirai point.

26. Et huit jours après, ses disciples étaient encore enfermés, et Toâmin avec eux. Jésus vint, les portes fermées, il se tint au milieu d'eux, et leur dit : Paix à vous !

27. Puis il dit à Toâmin : Mets ton doigt là, vois mes mains ; approche ta main et mets-la dans mon côté, et ne sois plus incrédule, mais croyant.

28. Toâmin répondit et lui dit : Mon Seigneur et mon Dieu !

29. Jésus lui dit : Parce que tu m'as vu, Toâmin, tu as cru. Heureux ceux qui n'ont point vu el qui ont cru ![17]

30. Jésus a fait encore en présence de ses disciples beaucoup d'autres signes qui ne sont pas écrits dans ce livre.

31. Mais ceux-ci ont été écrits afin que vous croyiez que Jésus est [le christ], le Fils de Dieu, et afin que, croyant, vous ayez la vie en son nom.

Que ce scribe ait connu ou non les Évangiles dans lesquels le Joannès est assumé le jour même où on le ressuscite[18], c'est-à-dire le dimanche, il n'en veut pas, et pourtant ce dispositif est pleinement millénariste. Il est de Bar-Jehoudda lui-même ; c'est le quatrième jour que son père et son oncle sont assumés dans l'Apocalypse par l'Esprit qui est en eux ; on lui doit le même traitement. Dans la scène avec Toâmin, huit jours après sa résurrection Bar-Jehoudda n'est pas encore assumé ! Il est toujours sur la terre, et ses frères sont réunis pour célébrer son deuil. Lucius mortui septem dies. On respecte la Loi, telle que la famille l'eût pratiquée si, au lieu de dire que Bar-Jehoudda était vivant, elle eût dit qu'il était mort. Ces sept jours, ajoutés aux trois jours que le mort a passés tant sur la Croix que dans le tombeau provisoire, rentrent aussi dans le système millénaire et constituent un des trente-six Décans[19]. C'est de ce compte décanaire que partent les Actes pour fixer l'Ascension de Jésus au Mont des Oliviers quarante jours après ; ils ont ainsi atteint le cinquantième jour, alias la fête de la Pentecôte, jour auquel le Saint-Esprit descend sur les faux apôtres que l'Église a embauchés pour témoigner de la résurrection. Tout en condamnant le millénarisme, l'Église, condamnant ainsi le christ lui-même, a adopté le dispositif de quelque hérétique qui, non content d'être millénariste comme son maître, professait en outre et publiquement l'inexistence charnelle de Jésus.

C'est à partir du cinquième siècle qu'on commence à célébrer l'Ascension le quarantième jour, sur la foi des Actes, avec trente-sept jours de retard sur l'Ascension primitive qu'on peut qualifier d'orthodoxe, c'est-à-dire celle qui a lieu après trois jours et trois nuits. Augustin appelait l'Ascension seconde manière Fête du quarantième jour[20], Jean Chrysostome la plaçait un samedi[21], et les Constitutions apostoliques, attribuées à l'ineffable Clément, ordonnent les premières de la célébrer le jeudi[22]. Mais vous venez de voir dans Cérinthe que Jésus s'était déclaré hors d'état d'assumer Bar-Jehoudda le 18 nisan, n'ayant pas trouve le corps de celui-ci au Guol-golta, et sa mère n'ayant pas voulu dire où Shehimon et Cléopas l'avaient transporté. En outre, vous allez voir que, quatorze ans après sa crucifixion, le prophète de la Première résurrection était toujours à Machéron où il goûtait la corruption la plus normale, taudis que Jésus était toujours dans sa famille selon le monde, quœrens quem assumeret.

 

 

 



[1] Cf. Le Gogotha.

[2] Son mari, dans les Sagesses valentiniennes.

[3] Ajouté lorsqu'on ôta cet Évangile à la fois à Cérinthe et à Clément pour le donner au pseudo-Jochanan. Il s'agit non du disciple qui est sur le sein de Jésus, — celui-là, c'est celui qu'on a enlevé, — mais du fils de celui qui est entré avec Shehimon dans la cour de Kaïaphas pendant la nuit du 14 et que nous avons revu le vendredi soir sous le nom de Nicodème.

[4] Comme elle s'adresse ici à ceux qui sur son ordre l'ont enlevé le 18 nisan 789, il est évident qu'ils ne diront pas où ils l'ont transporté.

[5] La Magdaléenne est censée être sortie du Gué-Hinnom, et entrée dans Jérusalem dont elle a ramené Pierre et son compagnon.

[6] Il se peut très bien qu'il y ait là un trait de vérité. Cléopas n'avait pas besoin d'entrer le premier dans le caveau, il s'est effacé devant Shehimon qui n'avait pas revu son frère depuis la nuit du 14 dans la Cour de Kaïaphas.

[7] Psaumes, XV, 13 : Seigneur... vous ne laisserez point mon âme (anima, sans de la vie) dans l'enfer (tombeau, séjour des morts), et ne permettrez pas que votre saint voie la corruption.

[8] Cf. Les Marchands de Christ.

[9] Cf. Le Roi des Juifs.

[10] IIe Lettre de Paul à Timothée, 13. Cf. Le Gogotha.

[11] La femme de Shehimon.

[12] 13 nisan, la journée commençant à six heures de l'après-midi.

[13] Cf. l'Apocalypse dans le Roi des Juifs. Le soleil et la lune devaient disparaître, comme fondus en une seule lumière.

[14] Le Jésus de la fable, c'est l'Esprit de la prophétie (du Jourdain), dit l'Apocalypse de Pathmos.

[15] Didumos, jumeau, c'est la traduction grecque de Toâmin.

[16] J'étais un des douze, dit Clément le romain, dans le faux qu'il a fait pour donner un corps à Jésus.

[17] Comme Clément, par exemple qui n'a rien vu, mais qui exploite les goym en leur racontant qu'il a vu et touché.

[18] Luc, XXIX, 51.

[19] Dont Luc a fait, en les dédoublant, les soixante-douze disciples que sa fable prête à Jésus, en dehors des douze.

[20] Sermon 267.

[21] Homélie IIIe, sur les Actes.

[22] Livre V, ch. XIX.