LE MENSONGE CHRÉTIEN - (JÉSUS-CHRIST N'A PAS EXISTÉ)

 

TOME VI — L'ÉVANGILE DE NESSUS

I. — L'ÉVANGILE DE CÉRINTHE.

 

 

CHAPITRE XIX. — BAR-ABRAS FOUETTÉ, PUIS EXPOSÉ PUBLIQUEMENT.

 

Le récit du supplice de Bar-Jehoudda, qui tient lieu de Passion à Jésus, est, avec celui de Luc, le plus ancien et le seul digne d'un peu de foi. Je crois qu'il faisait partie des écrits laissés par les scribes de la bande christienne dont étaient Jehoudda dit le Joannès-Marcos, fils de Shehimon, Mathias Bar-Toâmin dont on a fait à la fois Mathieu et Barthélemy, et les gendres de Philippe qui, d'après une tradition d'ailleurs incontrôlable, n'aurait laissé que des filles.

Il y a des traces d'histoire dans ce récit, car rentre dans le prétoire, Pilatus retrouve le roi des voleurs, et changeant immédiatement d'attitude, il se conduit avec lui comme il s'est conduit avec Bar-Abbas en 788. Il est impossible de cacher cela, c'est dans Philon. Mais on peut ruser, on peut faire croire aux goym qu'il ne portait pas la pourpre royale et qu'il en a été vêtu par les Romains en manière de raillerie. Ce sera toujours un ridicule de moins.

1. Alors donc Pilate prit Jésus et le fit flageller.

2. Et les soldais, ayant tressé une couronne d'épines, la dirent sur sa tête, et le couvrirent d'un vêtement de pourpre.

3. Et ils venaient à lui et disaient : Salut, roi des Juifs ; et ils lui donnaient des soufflets.

Nous apprenons ensuite que Pilatus l'a exposé publiquement avant de le conduire au supplice. C'est un détail qui n'est nulle part ailleurs.

4. Pilate sortit donc de nouveau, et leur dit : Voici que je vous ramène dehors, afin que vous sachiez que je ne trouve en lui aucune cause[1].

5. [Ainsi Jésus sortit, portant la couronne d'épines et le vêtement de pourpre.] Et Pilate leur dit : Voilà l'homme.

6. Quand les pontifes et leurs suppôts[2] l'eurent vu, ils liaient, disant : Crucifiez-le, crucifiez-le ! Pilate leur dit : u Prenez-le vous-mêmes, et le crucifiez, car moi je ne trouve pas en lui de cause[3].

7. Les Juifs lui répondirent : Nous, nous avons une loi, et, selon cette loi, il doit mourir, parce qu'il s'est fait Fils de Dieu.

8. Lors donc que Pilate eut entendu cette parole, il craignait davantage.

Au fond les Juifs ne mentent pas. Le principe, c'est que Bar-Jehoudda s'était dit Bar-Abbas dans la proportion d'un douzième perpétuellement renouvelable. Mais c'est pour les conséquences politiques de ce principe qu'il avait été condamné par le Sanhédrin. Ce n'est pas pour ses baptêmes, c'est pour ses crimes, trahison et le reste. Cette cause, on n'en parle pas, Pilatus n'ayant point eu à en connaître. Mais on sait par Luc que Bar-Abbas s'était fait roi, qu'il avait ordonné de refuser le tribut et envahi la Samarie. Voilà la cause dont Pilatus eut à connaître, mais comme il n'en parle pas, pourquoi Cérinthe en parlerait-il ? En accusant Jésus des crimes commis par le crucifié il n'aurait pas l'Esprit qu'il faut avoir, l'Esprit paraclétique, et il insulterait son Créateur.

Aussi Pilatus rentre-t-il au prétoire avec Jésus, résolus, Pilatus à ne pas dire pourquoi il a crucifié le roi-christ, Jésus à ne dire ni pourquoi Bar-Abbas avait été condamné par le Sanhédrin, ni d'où il était ni qui il était. Les Juifs le savent. A eux de parler, s'il leur convient de trahir le prophète qui leur a promis le monde !

9. Et, rentrant dans le prétoire, il dit à Jésus : D'où est-tu ? Mais Jésus ne lui fit point de réponse.

10. Pilate lui dit donc : Tu ne me parles pas ?[4] Ignores-lu que j'ai le pouvoir de le crucifier, et le pouvoir de te délivrer ?

11. Jésus répondit : Tu n'aurais sur moi aucun pouvoir, s'il ne t'avait été donné d'en haut. C'est pourquoi celui qui m'a livré à toi a un plus grand péché.

Jésus le dit bien nettement. Si Bar-Abbas n'avait pas été livré par le Temple, il aurait échappé comme il l'avait fait tant de fois. Le pouvoir qui a inspiré Is-Kérioth et que celui-ci a transmis par Saül à Pilatus, c'est le Serpent-Chronos, c'est la circonstance, le hasard, non le destin ! Le Verbe de Dieu n'y est pour rien, il vengera son prophète. Gare à l'Apocalypse ! Pilatus a eu peur quand les Juifs lui en ont parlé hors du prétoire. C'est pourquoi, s'il juge Bar-Abbas coupable quand il l'expose publiquement, Pilatus trouve Jésus innocent quand il est seul avec lui dans le prétoire.

12. Et, dès ce moment, Pilate cherchait à le délivrer. Mais les Juifs criaient, disant : Si vous le délivrez, vous n'êtes pas ami de César ; car quiconque se fait roi, se déclare contre César.

13. Or Pilate ayant entendu ces paroles, fit amener Jésus dehors, et il s'assît sur son tribunal, au lieu qui est appelé Lithostrotos[5], et en hébreu Gabbatha.

Les Juifs se sont familiarisés avec le prétoire et les enseignes de Tibère. Tout à l'heure ils ne voulaient point entrer de peur de se souiller et pour pouvoir manger la pâque le soir ; les voici maintenant qui font office de ministère public et requièrent l'application de la loi Julia, au point que sans eux Pilatus va être obligé de relaxer Jésus. Car il faiblit, cela est évident.

14. C'était la préparation de la pâque, vers la sixième heure, et Pilate dit aux Juifs : Voilà votre roi.

15. Mais eux criaient : Ôtez-le, ôtez-le du monde, crucifiez-le ! Pilate leur demanda : Crucifierai-je votre roi ? Les Pontifes répondirent : Nous n'avons de roi que César.

Au milieu de ces roueries judaïques, constatons que pour la cinquième fois Cérinthe nous donne la date de l'arrestation et de la crucifixion de Bar-Jehoudda ; 14 nisan, veille de la pâque ; le vendredi, dit le Saint-Siège... la pâque tombait le samedi. Disons, nous, avec la Vérité telle que l'entend le Verbe gaulois : le mercredi... la pâque tombait le jeudi[6].

Non seulement les Juifs ici ont fini par entrer dans le prétoire et par contempler les enseignes de Tibère, image de la Bête, sans aucune crainte de se souiller, mais encore ce sont les pontifes qui emmènent Bar-Jehoudda au lieu du supplice et le mettent en croix avec les autres, sans le moindre souci de la Loi derrière laquelle ils se retranchaient tout à l'heure afin de pouvoir manger la pâque.

 

LA MISE EN CROIX.

 

16. Alors il le leur livra pour être crucifié. Ils prirent donc Jésus et l'emmenèrent.

17. Ainsi, portant sa croix, il alla au lieu qui est appelé des Crânes, et en hébreu Guol-golta,

18. Où ils le crucifièrent, et avec lui deux autres, l'un d'un côté, l'autre de l'autre, et Jésus au milieu.

Les voilà donc, eux qui se purifient depuis plusieurs jours, hors d'état de manger la pâque. Ils accumulent toutes les souillures, ils manipulent des instruments de mort, ils font des morts de leurs propres mains, ils sont dans le cimetière des suppliciés. Mais l'Evangéliste qui est revenu sur le texte de Cérinthe, pour y introduire les Juifs bourreaux, va se couper d'une façon bien curieuse à propos de l'inscription que Pilatus avait fait mettre sur la croix de Bar-Jehoudda.

19. Pilate fit une inscription et la mit sur la croix. Or il était écrit : Jésus de Nazareth[7], le roi des Juifs.

20. Beaucoup de Juifs lurent cette inscription, parce que le lieu où Jésus avait été crucifié se trouvait près de la ville, et qu'elle était écrite en hébreu, en grec et en latin.

Ainsi, ce n'est pas parce qu'ils étaient au Guol-golta que les Juifs ont lu l'inscription, c'est parce que le lieu de la ville où ils étaient se rapprochait assez de la croix pour qu'ils pussent lire au besoin ce qu'il y avait dessus.

Espérant qu'on se contentera de cette explication, le scribe continue :

21. Les pontifes des Juifs dirent donc à Pilate : N'écrivez point : Le roi des Juifs ; mais : Parce qu'il a dit : Je suis le roi des Juifs.

22. Pilate répondit : Ce que j'ai écrit, je l'ai écrit !

De cette manière, c'est Pilatus qui a l'air d'avoir pris ce titre sous son casque pour le donner au crucifié.

23. Cependant les soldats, après l'avoir crucifié, prirent ses vêtements [et ils en firent quatre parts, une part pour chaque soldat], et sa tunique. Or la tunique était sans couture, d'un seul tissu d'en haut jusqu'en bas.

24. Ils se dirent donc l'un à l'autre : Ne la divisons point, mais tirons au sort à qui elle sera. Afin que s'accomplit l'Ecriture disant : Ils se sont partagé mes vêtements, et sur ma robe ils ont jeté le sort. Les soldats firent donc cela.

 

DÉMISSION DE JÉSUS COMME CRUCIFIABLE ET RESTITUTION DU CRUCIFIÉ À SA VRAIE MÈRE.

 

Jésus peut maintenant faire semblant d'être crucifié. Les Romains n'auront de lui que les vêtements de Bar-Jehoudda, ceux qui ne touchent pas à sou corps astral et qui peuvent disparaître sans inconvénient. Allez, barbares ! lacérez ces vêtements ! Et à l'appel de Cérinthe, ils les déchirent en quatre parties égales qu'ils se distribuent. Or ces vêtements tétrarchiques ne sont divisibles en quatre parties égales qu'à la condition d'être ceux du Verbe solaire, temporellement, donc temporairement, étendu sur la croix de l'équinoxe. Quant à sa chemise, comment la pourraient-ils diviser ? Elle est une et sans couture comme la nappe azurée des cieux. On ne le pourrait qu'en la réduisant en miettes : Ne la déchirons pas, se disent les romains à qui l'Évangéliste vient d'inculquer le sens allégorique, mais jetons-y le sort pour savoir à qui elle sera[8]. La vérité, c'est qu'ils n'y arrivent pas, car cette chemise, c'est l'indivisible vêtement lumineux du monde promis aux Juifs[9], et Jésus se propose de leur rendre un jour l'incorruptible, l'immarcessible corps de leur roi-prophète.

Pour cela il faut qu'il ne soit crucifié qu'en effigie.

Apercevant donc près de la croix sa mère selon le monde, la seconde Maria Magdaléenne[10], il s'approche d'elle et lui tient publiquement ce langage :

Jusqu'à présent je me suis acquitté de mon rôle avec tout l'art dont je suis capable. Je suis allé jusqu'à donner ma démission de juge pour passer à la barre et me faire votre avocat dans des conditions que j'ose qualifier de paraclétiques, bien que le mot soit grec, et que, par conséquent, vous n'y compreniez rien... J'ai menti tant qu'il a fallu ; j'ai, contrairement à la définition de mon essence, obscurci les débats jusqu'à ce qu'ils devinssent à peu près incompréhensibles. J'ai pris fait et cause pour la partie jusqu'à me confondre avec elle dans les moments délicats, et à dire nous quand son honneur était en jeu. Je me suis présenté devant Pilatus comme si nous étions innocents de toute faute ; et grâce aux ruses que j'ai employées, il semble que nous ayons été victimes d'une déplorable erreur judiciaire, car ni Pilatus au nom de sa loi, ni les Juifs au nom de la leur n'ont pu articuler contre nous le plus petit grief. J'ai consenti à recevoir sur mes lombes métaphysiques tous les coups de fouet qui jadis ont rayé celles de ton fils aîné. J'ai permis, moi Verbe, père des noms, qu'un Bar-Abbas de mon invention fût jeté dans l'affaire pour porter comme bouc émissaire l'étiquette de voleur qui illustre la mémoire de ton fils dans les annales. Tout cela, je l'ai fait parce que les Juifs sont mon peuple, que Bar-Jehoudda fut mon Joannès, et que la moindre des revanches que vous puissiez prendre sur les goym, c'est de les plonger dans une superstition où ils perdront plus de sang qu'ils c'en ont fait couler parmi vous. Je l'ai fait, moi, auteur de toute vérité, parce qu'ayant pris les apparences d'un Juif, j'ai pour père votre propre père Satan, auteur de tout mensonge, ainsi que je vous l'ai déclaré pendant ma logophanie. Le Logos est donc parfaitement logique en ma double hypostase, et c'est pourquoi je n'ai pas répondu à Pilatus quand il m'a demandé : Qu'est-ce que la vérité ? J'aurais été obligé de lui dire : C'est le contraire de tout ce que nous faisons. Mais si je lui avais répondu cela, ses descendants et ses compatriotes ne seraient pas dans l'état où nous les voulons, avec des yeux pour ne pas voir et des oreilles pour ne point entendre, c'est-à-dire privés des organes nécessaires à la défense. Maintenant en voilà assez ! Je n'entends point être crucifié pour tout de bon, n'ayant rien fait de ce qui conduisit ton fils au Guol-golta (la croix, c'est peut-être la seule chose qu'il n'eût pas volée !). L'avocat plaide, mais s'il perd son Procès, c'est son client qui paie les frais et subit la peine. Mes honoraires, c'est l'incurable mystification des goym, je m'en contente. Si je me soustrais à la croix, ce n'est nullement parce qu'il me répugne de mourir (ma fonction en ce monde étant de ressusciter, comme vous le savez assez), c'est pour te mieux servir, ma mère selon le monde. Tu attends de moi que dans quatre jours je ressuscite et assume l'homme que voici ? Comment pourrais-je anser sa croix[11] si je m'y laissais attachera sa place ? C'est là que le Logos cesserait d'être logique !

25. Cependant étaient debout près de la croix de Jésus, sa mère, et [la sœur de sa mère] Marie, femme de Cléopas, [et Marie-Madeleine][12].

26. Lors donc que Jésus eut vu sa mère[13], et, près d'elle, le disciple qu'il aimait, il dit à sa mère[14] : Femme, voilà votre fils.

27. Ensuite il dit au disciple : Voilà ta mère. Et depuis cette heure-là, le disciple la prit avec lui.

Voua avez bien compris l'opération de change ? Elle est très simple en comparaison de celles que fait Samson. Jésus s'est approché de sa mère selon le monde, — son épouse en somme, puisqu'il lui a fait sept fils, — et la traitant du haut en bas, — l'appeler femme ! — il lui a rendu son fils selon la chair, lequel est le prince des sept et celui-là même qui tout à l'heure reposait sur le sein de Jésus pendant le Banquet de rémission. Le Verbe rompt avec sa chair d'emprunt, et il est bien dur pour elle ! Que le mot Femme ! serait cruel s'il n'était pas là dans le sens qu'il a dans la Genèse ! Comment a-t-on pu croire que c'était un mot historique, le mot d'un fils à sa mère selon la chair ? Ce mot fend l'âme ! Est-ce que, non contents d'avoir empêche nos yeux de voir et nos oreilles d'entendre, les Évangélistes auraient empêché nos cœurs de battre ? Pour percer à fond toute l'imposture, il suffit d'être homme. Quand j'entends dire que l'intelligence des Ecritures est une affaire d'exégèse, j'ai honte de l'espèce humaine, elle descend ici au-dessous de la bête. Toute l'explication de la fable est dans ce mot. Il va au cœur, à lui seul il réveille la raison, il ouvre les yeux que l'Église a fermés, les oreilles qu'elle a bouchées. Quand on l'a compris, on peut poser la plume ; on a trouvé ce qu'on cherchait, la vérité à peine voilée !

La version orale de la famille, c'avait été, comme on l'a vu, que le Joannès avait échappé aux supplices de 788 et que les Romains lui avaient par erreur substitué Simon de Cyrène, un de ses complices. Toutefois, dans Alexandrie notamment, personne n'en avait été dupe. Personne non plus ne fut dupe de la fable écrite. S'il avait paru impossible que Joannès eût été crucifié, a fortiori Jésus sous les espèces de celui-ci, c'est-à-dire presque en personne. Assurément l'allégorie avait des droits bien étendus, mais faire mourir pour de bon le Fils de Dieu, après cela vraiment il n'y avait plus qu'à crucifier le Père !

La substitution d'un crucifié historique à Jésus dans la mystification évangélique était un fait admis de tous les christiens honnêtes. Comment Jésus serait-il mort, lui dont les goym n'avaient pu atteindre le prophète que dans Simon de Cyrène ? On avait fait croire à certains adieux millénaristes que Pilatus, représenté dans la fable comme avant presque refusé de le mettre à mort ce jour-là, avait remplacé le roi des Juifs par Simon, tant pour apaiser la sédition que pour contenter le Temple. C'est par là qu'on expliquait les Nombreuses réapparitions du Joannès au milieu des disciples, réapparitions dont Cléopas et Shehimon dirent avoir été les premiers témoins sur la route d Ammaüs.

Ayant donné à Jésus le corps du Joannès, — par là avoue que celui-ci a bien été crucifié, — Cérinthe élimine Simon de Cyrène qui devient inutile, voire embarrassant. Ici, non seulement Jésus se retire et c'est son Joannès qu'on attache à la croix, mais encore il prévient les gens contre le piège que l'Église tend à leur bonne foi dans les écrits quelle a plus tard synoptisés.

Décidément ce Cérinthe est un infime, mais le pape Clément le guette !

 

L'HERMÈS JUIF.

 

Vous avez pu voir à quel point Cérinthe était frotté d'hermétisme. Le Joannès avant été crucifié le mercredi (Mercuri dies, le jour de Mercure alias Hermès), il était tout naturel que, sur cette croix, déjà hermétique par le jour où elle avait été dressée, Jésus se substituât devant les hommes son interprète-né, le Joannès, l'Hermès juif, — un grec eut dit le Logos, cousin du Logos, — le Mercure habile et rusé, patron de tous les subterfuges et au fond le véritable auteur de l'Évangile, quand l'Évangile s'appelait l'Apocalypse. Ce n'est pas seulement le fils selon la chair que Jésus rend à sa mère, c'est le héraut du Royaume des Juifs selon la Révélation jadis faite à Myriam la Magdaléenne, sœur de Moïse et veuve du nouveau Moïse[15].

Les Juifs, qui n'ont pas d'idées propres en astrologie, les Évangélistes notamment qui la mettent à portée des enfants, s'inspirent ici des données égyptiennes. La tradition d'Egypte voulait que, dans le thème du monde fait par Dieu lui-même, Mercure fut né au milieu de la Vierge. C'était l'opinion d'Hermès Trismégiste, c'était celle des Chaldéens, c'était également celle de l'auteur de l'Apocalypse où Cérinthe l'a cueillie. Non seulement Cérinthe, mais tous les autres Évangélistes. Le vrai fils de la Vierge, c'est Joannès et non Jésus, c'est Mercure, messager du Verbe solaire. Dans l'Apocalypse la Vierge, double céleste de la mère de Bar-Jehoudda, est revêtue de soleil (en un mot elle est dans une gloire), mais le fils de la femme qui accouche, anonymement dans l'Apocalypse et sous le nom de Maria dans les Évangiles, c'est le Joannès baptiseur et ce ne peut être que lui.

Le disciple préféré du Verbe lumière, celui qu'il entraîne avec lui dans toutes ses courses, c'est Mercure, Mercure dieu du Commerce, chez qui ira habiter la Fortune, si les christiens savent s'inspirer de l'intelligence et de l'astuce dont il est le dispensateur. Le disciple préféré de Jésus, c'est Joannès, qui fut son Mercure ici-bas, son Hermès, son interprète et le rêvélateur de ses mystères. Le disciple préféré, c'est celui qui est en ce moment même sur la croix et dont Jésus ne s'est allégoriquement séparé que pour le conduire au ciel tout à l'heure. La Vierge, qui est aussi la Fortune, sera très bien chez ce cousin du Fils de l'homme... d'affaires. Notez que cet épisode se trouve dans le seul Cérinthe, qu'il n'y en a nulle trace ailleurs, que le Quatrième Évangile est d'esprit tout kabbaliste, plein de similitudes chiffrées. Jésus déjà n'y est plus le Verbe étroitement juif. Il consent à éclairer des régions où il y a des christiens qui ne sont point circoncis. Devenue Logos international, l'ancienne Parole millénariste se doit à son nouveau nom. Quoi d'étonnant à ce qu'elle choisisse, pour confier la Fortune juive à quelqu'un, ce Joannès si fécond en ruses et en sophismes ?

Avec ses ailes aux talons, Mercure s'introduit partout, il entre par les portes, par les fenêtres surtout, comme le Soleil son maître ; en rhétorique, il est l'expression de la lumière ; en astrologie, c'est lui qui régit les organes de la révélation et du langage. Prophète et bonisseur. Vous rappelez-vous Paul parmi les Lycaoniens ? Tandis que Barnabas électrise les habitants de Lystre par des miracles, tandis qu'on crie : C'est Jupiter ! Paul les étourdit par sa faconde. On l'appel Hermès. On crie : C'est Mercure ! et on veut l'adorer[16]. Le langage fait des miracles, lui aussi ! Voilà pourquoi Jésus, qui dans Cérinthe est le Verbe judaïque, salue en Bar-Jehoudda son dernier interprète et le rend à sa véritable mère, Salomé, en même temps que pour les initiés il rend la fable à son véritable sens.

L'Église dit de ce fils ainsi qualifié par Jésus au pied de la croix, que c'est un certain apôtre Joannès, fort célèbre à Éphèse où personne ne l'a vu ni connu. Mais cette invention nous oblige à supposer l'existence de cet apôtre ultra-chéri comme d'un personnage indépendant de Joannès baptiseur et qui se serait appelé en circoncision Jochanan, lequel serait fils du Zibdéos comme le fut Joannès le baptiseur. Or nous savons que le Zibdéos ne fit pas d'autre Joannès que le baptiseur, et le Coran nous dit que ce Joannès fut seul à mériter ce nom que nul avant lui n'avait porté[17]. Mais supposons l'existence de Jochanan pour faire comme l'Église, et rentrons avec lui dans le dogme.

Comment admettre un seul instant que Maria, qui a sa maison à Kapharnahum, — je laisse de côté ses biens de Nazareth, — qui a encore cinq fils dont aucun ne lui adresse jamais le quart des insolences dont Jésus l abreuve, et deux filles dont aucune n'a jamais nié avoir tout de commun avec elle, comment admettre, dis-je, que sur un propos incompréhensible de celui qu'hier encore elle considérait comme fou[18], la pauvre mère abandonne tout à coup sa maison, ses cinq fils, ses deux filles, sa sœur, — car l'Église lui donne une sœur, — toute sa famille en un mot, tout ce qui est sa vie et sa consolation, pour accepter comme fils un inconnu qui, de son côté, l'accepte pour mère sans l'avoir jamais vue ?

Qui comprendra que, venue à Jérusalem uniquement pour la Pâque, c'est-à-dire bien résolue à rentrer chez elle après la fête, au milieu de ses fils, de ses filles, de ses gendres, de ses brus, tous chargés d'enfants, — autrement nous ne serions pas dans une famille juive, — qui comprendra qu'à partir de ce jour, de cette heure, elle se retire chez ce fils d'aventure qui, de son côté, la prend chez lui, alors qu'il a une autre mère, comme si cela répondait de part et d'autre à on ne sait quelle invention secrète ?

Car enfin, si Maria Magdaléenne quitte sa famille pour habiter avec Jochanan, il faut également que Jochanan quitte la sienne pour se mettre avec Maria Magdaléenne ! Cet arrangement, fait de deux abandons, est aussi contraire que possible à la nature et à la loi.

Il y a donc autre chose au fond de l'allégorie, et nous y sommes préparés par la situation qu'occupe le Joannès au Banquet de rémission où nous l'avons vu penché sur le sein de Jésus, sein tellement lumineux que les Juifs venus pour en arrêter le porteur sont tombés à la renverse !

Si les Evangélistes avec leurs similitudes astrologiques ont pu dire que Bar-Jehoudda était né dans la Vierge, aucun d'eux n'a eu la sottise de dire que Jésus fut né de la Vierge, c'est-à-dire d'une simple constellation. Jésus n'accepte la Vierge pour mère que selon le monde, le second monde[19], le monde dont était l'enfant. Maria n'a que sept fils, mais elle n'est de rien à Jésus, tous les Évangélistes le proclament. Jésus ne cesse de dire à Maria qu'il n'a rien de commun avec elle ; comme la distinction n'est pas encore assez marquée, une minute avant de se retirer de Joannès il lui enfonce en plein cœur cette flèche qui serait impardonnable s'il y avait ombre de carquois : Femme (femme encore, femme toujours, mère jamais !) voici ton fils, dit-il ; et à Joannès Mercure : Voilà ta mère. Aussitôt Jésus rentré chez son Père, Mercure reprend la Vierge dans sa maison. Il le lui devait ; à l'origine du second monde elle l'avait logé dans son sein[20] !

De son coté, l'évangéliste ne pouvait avouer plus clairement son artifice : Voici terminée la fable où, sous les traits de Joannès, Jésus vient de jouer le plus hermétiquement qu'il a pu le rôle du Fils de l'homme. Vous allez maintenant le voir remonter au ciel. Plaudite et intelligite. Intelligite surtout ! Que celui qui a des oreilles entende ! Car c'est une justice à rendre aux premiers scribes, ils préviennent !

Mercure n'a pas cessé d'être la planète la plus rapprochée du Soleil, le disciple le plus chéri du Verbe. Quand Joannès Mercure brille-t-il au firmament ? Juste aux heures où on le voit sur le sein ou près du corps de Jésus dans l'Évangile ; le soir, après le coucher du Soleil, ou le matin avant son lever. C'est pourquoi Jésus lui confie la Vierge immédiatement avant de s'éteindre le 14 nisan, et pourquoi, dans le repas crépusculaire qu'il donne aux disciples, il le laisse reposer, seul entre tous la tête appuyée sur sa poitrine. Et si l'on voulait pousser de l'astrologie à l'astronomie, on pourrait dire que, dans ces deux cas, le Juif consubstantiel au Père est en conjonction inférieure avec le Soleil, par conséquent à sa plus petite distance de la Terre, et dans la meilleure situation pour influencer favorablement les destinées de l'Église. Dans ces thèmes remplis d'allusions, les christiens dispersés après la chute de Jérusalem voyaient défiler, sous les vêtements astrologiques, les principaux apodes du Royaume des Juifs, ils les reconnaissaient, et littéralement ils les adoraient. S'étonner que le Verbe vengeur se substitue Mercure, dieu du commerce baptismal, dans l'esprit des disciples juifs répandus par tous les pays de dispersion, c'est faire preuve d'une naïveté dont les Occidentaux n'ont déjà fourni que trop exemples à l'Église. Et je Lis dans mon vieil ami néon de Smyrne qu'entre tous les sens du mot Logos en est un qui répond au calcul des banquiers[21]. C'est, je pense, celui-là qu'a entendu l'Église.

 

L'IMPOSSIBLE CALICE.

 

A partir du moment où Jésus s'est retiré du christ davidique, tout ce qui se passe sur la croix et dans le cimetière des suppliciés concerne uniquement le corps qu'il avait pris et qu'il viendra reprendre le quatrième jour. On conserve le nom de Jésus au crucifié, et il le mérite pour avoir octroyé à ses disciples la rémission de leurs péchés par le baptême, pour leur avoir indique ainsi la voie du bonheur millénaire et du salut éternel. Physiquement il est mort, mais spirituellement il revit dans ce moyen de régénération qui s'appela le baptême. Il est donc le Jésus comme devant, le sauveur, mais avec la petite lettre.

28. Après cela, Jésus sachant que tout était consommé, afin d'accomplir l'Ecriture, dit : J'ai soif.

29. Or il y avait là un vase plein de vinaigre. C'est pourquoi les soldats entourant d'hysope une éponge pleine de vinaigre, la présentèrent à sa bouche.

30. Lors donc que Jésus eut pris te vinaigre, il dit : Tout est consommé. Et, la tête inclinée, il rendit l'esprit.

Le vase de vinaigre est là pour représenter le calice dont parle Jésus comme lui ayant été donné par I e Père. Si le christ avait pris le vinaigre, il aurait manqué à son naziréat, il aurait cessé d'être le Juste, il serait mort en état de péché. C'est dire qu'il ne l'a pas près. On a introduit cette violation de serment uniquement pour lui enlever la qualité de Nazir qui appartient en propre au Joannès dans certains écrits, l'Évangile de Luc notamment, et qui permet d'identifier la personne du christ avec celle du baptiseur[22]. Jésus ne serait point venu le reprendre après trois jours s'il avait bu le vinaigre.

Toutefois je serais au-dessous de ma mission si je ne vous donnais l'interprétation de Bossuet (Jacques-Bénigne) sur l'article du vinaigre. Jésus avait tout prévu, dit Bossuet, et sachant les prophéties, il les accomplissait toutes avec connaissance[23]. C'est ce qu'il fit jusqu'à la mort ; et c'est pourquoi, jusque sur la croix, voyant que tout s'accomplissait, et qu'il ne lui restait plus rien à accomplir durant sa vie que cette prophétie de David : Ils m'ont donné du fiel à boire, et, dans ma soif, ils m'ont abreuvé avec du vinaigre, il dit : j'ai soif. On lui présenta le breuvage qui lui avait été prédestiné ; il en goûta autant qu'il fallait pour accomplir la prophétie ; après il dit : Tout est accompli ; il n'y a plus qu'à rendre l'âme ; à l'instant il baissa la tête, et se mit volontairement en la posture d'un homme mourant, et il expira. Jésus donc savait ce qu'il voulait, qui était l'accomplissement des prophéties ; mais une vertu cachée exécutait tout le reste. Il se trouva précisément un vaisseau où il y avait du vinaigre [mêlé de fiel] ; il se trouva une éponge dans laquelle on lui pouvait présenter à la croix le vinaigre où on la trempa ; on l'attacha au bout d'une lance et on la lui mit sur la bouche. La haine implacable de ses ennemis, que le démon animait, mais que Dieu gouvernait secrètement, fit tout le préparatif nécessaire à l'accomplissement de la prophétie.

Seigneur, pardonne à Bossuet, car il ne sait ce qu'il dit !

 

LA MORT (16 NISAN, JOUR DE LA PRÉPARATION AU SABBAT).

 

31. Les Juifs donc (parce que c'était la préparation), afin que les corps ne demeurassent pas en croix le jour du sabbat (car ce jour de sabbat était très solennel), prièrent Pilate qu'on leur rompit les jambes et qu'on les enlevât.

La préparation dont on parle ici n'est point celle de la pâque, comme le Saint Siège feint de le croire en renvoyant au verset 14 où il est en effet question de celle-ci. C'est la préparation du sabbat. On a fait du chemin depuis le verset 14, nous ne sommes plus le mercredi 14, veille de la pâque, noua sommes le vendredi 16, veille du sabbat. L'évangéliste, tout en constatant que ce sabbat est particulièrement solennel, ne nous dit pas à quelle cause est emprunté ce caractère. La solennité est dans ce fait que le sabbat est le premier du Cycle ouvert le 15 nisan, le fameux Cycle du Zib. Le Saint-Siège a donc bien tort de dire que le sabbat est très solennel à cause de la fête de pâque qui tomba cette année-là en ce même jour. La pâque est passée depuis trois jours, comme il appert du verset 14, qui nous a montré les Juifs refusant d'entrer dans la cour de Pilatus, le matin de l'arrestation, pour pouvoir manger la pâque le soir.

A cinq reprises bien comptées, Cérinthe nous a dit que Bar-Jehoudda n'avait pu manger la pâque, étant prisonnier depuis la veille au soir et attaché à la croix dans l'après-midi. Le Banquet de rémission, c'est précisément la constatation de la Grande pâque manquée. Une sixième fois dans l'Epilogue de son Évangile, Cérinthe répétera ce que l'histoire enregistrait et ce qui a conduit l'Église à forger l'Eucharistie, à savoir que Bar-Jehoudda était en croix lorsque les hérodiens ont célébré la pâque du Cycle du Zib. Je vous ai montré, sans sortir des Ecritures canoniques, que les deux Cènes célébrées par le pseudo-Paul, l'une à Troas[24], l'autre en mer[25] avaient lieu dans l'esprit du faussaire le 14 nisan, veille de la pâque. Lorsque nous étudierons le mythe du Joannès ninivite (Jonas) sans lequel il n'y aurait pas d'Évangile, nous verrons que Jonas tombe, occidit, dans le Poisson le 14 nisan pour en sortir le 18, et que la pseudo-résurrection du Joannès juif au Guol-golta n'est qu'un surmoulage de ce thème solaire. Si en dépit de toutes ces preuves tirées de l'arithmétique, — ce qui n'est rien, — et du canon des Ecritures, — ce qui est tout, — l'Église persiste à soutenir que Bar-Jehoudda a mangé l'agneau et institué l'Eucharistie, comme il est dit dans les Synoptisés, notamment Mathieu, je demande qu'elle nous dise comment il se fait que, le vendredi soir, les Juifs du temple demandent qu'on enlève le mort de la croix, afin qu'ils puissent manger l'agneau et célébrer la pâque qui selon le Saint-Siège tombait le samedi cette année-là ? Parce qu'enfin si la pâque tombait le samedi, non-seulement Bar-Jehoudda était prisonnier le jour de la préparation à la pâque, comme le dit Cérinthe, mais encore il était mort et même enterré lorsque les Juifs ont mangé l'agneau !

On ne peut pas non plus approuver M. Rohault de Fleury, magistrat intègre assurément, mais débile exégète, lorsqu'il dit :

Le brisement des os était le complément ou la fin du supplice. Chez les Romains, le brisement des os était en usage, peut-être comme un adoucissement à la peine, puisqu'il accélérait la mort. Mais pour Notre-Seigneur, les Juifs étaient devenus plus cruels que les Romains, et ce ne fut pas chez eux un motif d'humanité qui les fit agir, ce fut la crainte que les corps ne restassent exposés pendant la Pâque. Cette crainte ne troubla point les Juifs ; Bar-Jehoudda est resté exposé non seulement pendant tout le jour de la pâque, 15 nisan, mais pendant tout le lendemain 16 jusqu'à l'approche du sabbat ou 17.

32. Les soldats vinrent donc, et ils rompirent les jambes du premier, puis du second qui avait été crucifié avec lui.

33. Mais lorsqu'ils vinrent à Jésus, et qu'ils le virent déjà mort, ils ne rompirent point les jambes ;

34. Seulement un des soldats ouvrit son côté avec une lance[26] et aussitôt il en sortit du sang et de l'eau.

[35. Et celui qui l'a vu en a rendu témoignage, et son témoignage est vrai. Et il sait qu'il dit vrai, afin que vous croyiez aussi.]

36. Car ces choses ont été faites[27] afin que s'accomplit l'Ecriture : Vous n'en briserez aucun os.

37. Et dans un autre endroit, l'Ecriture dit encore : Ils porteront leurs regards sur celui qu'ils ont transpercé.

Ce travail d'Ecriture est curieux.

Bar-Jehoudda étant pris pour l'agneau de la Grande Pâque, ce qu'on n'aurait jamais pu s'il l'eût mangé, on lui applique les dispositions de la Loi quant à la manducation de l'animal consacré. On devait le mettre en croix pour le rôtir, mais sans en briser aucun os. L'étendre dans ta position des quatre points cardinaux, c'était lui reconnaître sa valeur solaire, mais le briser, c'eût été démolir la première maison du soleil, rompre le signe, et exposer le monde à une fin prématurée. L'agneau se mangera dans une même maison ; vous ne transporterez dehors rien de sa chair et vous n'en briserez aucun os[28]. Pour ce qui est du coup de lance on en a trouvé l'explication dans Zacharie, un des prophètes auxquels les Evangélistes ont le plus emprunté, étant le seul qui eût placé le baptême de rémission parmi les privilèges de la maison de David. Or l'homme que les Juifs avaient livré aux Romains était précisément Ce lui qui s'était prévalu de ce privilège et qui réunissait tous les droits attachés à son sang. On a donc fait à Bar-Jehoudda l'application du passage de Zacharie où e Seigneur, après avoir annoncé qu'il réduira en poudre toutes les nations qui viendront contre Jérusalem, ajoute : Et je répandrai sur la maison de David et sur les habitants de Jérusalem un esprit de grâce et de prières ; ils jetteront les yeux sur moi, qu'ils auront percé de plaies ; ils pleureront avec larmes et avec soupirs celui qu'ils auront blessé, comme on pleure un fils unique, et ils seront pénétrés de douleur comme on l'est à la mort d'un fils aîné[29]. Ce fils aîné qu'ils avaient livré à la mort, c'était celui de Jehoudda et de Salomé, le fils de David par son père et par sa mère. Ils ont tué celui en qui était la promesse. Le Royaume n'est point venu, c'est leur faute ; Jérusalem a été mise en poudre, c'est leur châtiment.

A travers ces textes, on a jeté un témoin oculaire. Quel est ce témoin d'autant plus précieux qu'il est unique ? Celui qui a vu ces choses, c'est, dit le Saint-Siège, saint Jean l'Evangéliste lui-même. Lui-même. Non, non, le seul qui les ait vues le premier, c'est le successeur de Pierre à Rome, c'est le pape Clément, lequel, comme vous savez, avait assisté non seulement au banquet de rémission, mais à la pâque ! Nous ne souffrirons pas que l'Église sacrifie le successeur de Pierre à un évangéliste, fut-il authentique. La papauté d'abord ! Un évangéliste est faillible, un pape ne l'est pas.

 

LES FRAIS D'EMBAUMEMENT.

 

38. Après cela, Joseph d'Arimathie[30] (qui était disciple de Jésus, mais en secret, par crainte des Juifs) demanda à Pilate de prendre le corps de Jésus. Et Pilate le permit. Il vint donc, et enleva le corps de Jésus.

39. Vint aussi Nicodème, [qui était d'abord venu trouver Jésus pendant la nuit ;] il apportait une composition de myrrhe et d'aloès d'environ cent livres.

40. Ils prirent donc le corps de Jésus, et l'enveloppèrent dans des linges avec des parfums, comme les Juifs ont coutume d'ensevelir.

Quelle débauche de parfums pour le Juif consubstantiel au Père ! Et comme Is-Kérioth, qui tenait la bourse apostolique et était un voleur, devait être heureux d'être mort pour ne pas voir cette nouvelle dilapidation du bien des pauvres ! Car si une seule livre du parfum employé au sacre valait trois cents deniers, cent livres du parfum acheté par Nicodème pour l'embaumement en valaient cent fois autant, soit ;

300 * 100 = 30.000

Trente mille deniers, c'est peu pour celui qui avait promis une Jérusalem toute d'or et de pierreries, mais c'est un rude coup de pince-monseigneur dans la caisse des pauvres ! Vingt-sept mille francs de myrrhe et d'aloès pour un homme qui dans les Synoptisés annonce a tous qu'il ressuscitera après trois jours, c'est jeter 1 argent par les sépulcres ! Près de neuf mille francs par jour pour assurer dans la terre la conservation d'un corps qui va monter au ciel à l'heure dite, vraiment Nicodème a une telle façon de gérer la caisse des pauvres qu'on aime encore mieux lavoir aux mains d'Is-Kérioth ! Mais il s'agissait de faire les choses royalement. La myrrhe et l'aloès, dit le Saint-Siège dans une note empruntée à M. Rohault de Fleury, la myrrhe et l'aloès, dont les sucs sont très amers, ont la propriété de préserver les corps de la putréfaction. Quatre ou cinq livres eussent suffi à la rigueur. Cette grande quantité d'aromates fait voir qu'il n'était pas seulement enduit, mais plongé dans les parfums pour accélérer l'opération, eu évitant de toucher au corps. Vous direz ce que vous voudrez, c'est gâcher la marchandise ! C'est même augmenter à plaisir les difficultés inséparables d'une ascension, car enfin un homme oint à ce point par un autre homme pèse cinquante kilos de plus. Trente mille deniers de parfums ! Nous connaissons assez ce Juif pour savoir qu'il a dû les vendre le double à son Père !

Dirons-nous ensuite le prix des linges qui ont servi à l'embaumement ? Le Saint-Siège nous v convie. Les observations les plus scrupuleuses s'accordent à faire reconnaître jusqu'à deux cents et trois cents mètres superficiels de linges en lin sur une seule momie égyptienne. Un grand nombre de linges ont dû être employés à l'ensevelissement du Sauveur. La respectueuse prodigalité indiquée dans l'emploi des aromates prouve qu'on n'a pas dû épargner davantage les linges et les bandelettes, d'ailleurs nécessaires pour les maintenir. Sans doute, et Bar-Jehoudda, hier encore vêtu de la pourpre davidique, n'était point homme à se contenter d'un lin vulgaire. C'est du fin lin qu'il fallait à l'auteur de l'Apocalypse[31]. A combien le mètre ? Je l'ignore, mais ce que je sais, c'est que le Saint-Siège se trompe dans son métré. En voici la preuve. Bar-Jehoudda représentait cinq mille ans à compter du second monde. Nous en sommes Lien sûrs, puisque nous l'avons vu tenir dans sa' main sur le Tabor les Cinq pains qui répondent aux Cycles écoulés lors de sa naissance. Il vaut donc cinq mille ans de trots cent soixante jours. D'autre part, nous verrons bientôt qu'un jour est évalué à une coudée, laquelle se compose d'environ un demi-mètre. C'est dire qu'il y a trois cent soixante coudées à l'année.

Il faut donc multiplier cinq mille par trois cent soixante pour avoir en coudées l'équivalent du corps de Bar-Jehoudda :

360 * 5.000 = 1.800.000

Nous obtenons ainsi un million huit cent mille coudées. C'est donc au moins neuf cent mille métrés de lin qu'il a fallu pour les bandelettes. J'en laisse le prix à votre estimation. Si bas qu'il soit, il représente une dépense encore plus élevée que celle de l'aloès et de la myrrhe.

Décidément j'aimerais mieux avoir été pauvre sous Is-Kérioth dans la tribu de Dan que sous Bar-Jehoudda dans le royaume des Juifs !

41. Or il y avait, au lieu où il fut crucifié, un jardin[32], et dans le jardin, un sépulcre neuf, où personne encore n'avait été mis.

42. Là donc, à cause de la préparation des Juifs[33] et parce que le sépulcre était proche, ils déposèrent Jésus.

Jésus-Verbe est maître du sabbat comme il l'a bien prouvé, mais Jésus-homme en est esclave jusque dans la mort. Ils n'auraient pas enlevé le corps ce jour-là pour tout l'or de la capitale promise aux Juifs ! Défense de porter aucun fardeau.

 

 

 



[1] Aucune de celles pour lesquelles il l'a crucifié.

[2] Archers dans la traduction du Saint-Siège.

[3] Pas la moindre, en effet.

[4] Bar-Jehoudda n'avait parlé qu'aux Juifs. Il avait même défendu de parler aux goym.

[5] Pavé de pierres disposées en mosaïque.

[6] Cf. Le Roi de Juifs et Les Marchands de Christ.

[7] Cet Évangile est le seul où l'on ait introduit le mot Nazaréen ou de Nazareth dans le libellé de l'inscription, comme si Pilatus avait connu l'existence d'un bourg de ce nom pendant sa procurature. Par une circonstance singulière, dit M. Rohault de Fleury, magistrat intègre mais peu propre au jugement des choses ecclésiastiques, c'est presque l'unique mot que nous ait conservé la relique (de l'Église Sainte-Croix de Jérusalem à Rome) comme pour confirmer le texte de Saint Jean, le seul qui n'ait pas quitté Notre-Seigneur pendant sa passion. Il a vu, et rapporte littéralement ce dont les autres ont donné l'esprit. Eh bien ! et le pape Clément, successeur de Pierre à Rome, qu'est-ce que nous en faisons !

[8] L'imposteur fait faire sa besogne par les soldats. Personne ne les a entendus dire ces choses, mais ils ont pensé qu'ils devaient se les dire pour permettre à l'Évangéliste de les leur emprunter.

[9] Sur ce vêtement lumineux, cf. l'Apocalypse dans Le Roi des Juifs. Pour rien au monde je ne voudrais vous priver de la note que l'édition du Saint-Siège accorde à cette tunique. La tunique était le principal vêtement de dessous ; elle se rapproche fort par son usage de la chemise et par sa forme de la blouse moderne. [La tradition rapporte que Charlemagne reçut la sainte Tunique en présent de l'impératrice de Constantinople Irène et qu'il la déposa à Argenteuil. Elle a été divisée au moment de la Révolution]. Le tissu est en poil de chameau assez lâche et ressemble à du canevas fin dont les fils fraient très tors. Elle est tissée depuis le haut dans toute son étendue, sans couture, et faite à l'aiguille sur le plus simple des métiers, tel qu'une tablette recevant sur ses deux faces la chaîne et la trame. C'était un vêtement descendant jusqu'au-dessous des genoux, près des pieds, avec deux manches qui ne pouvaient couvrir les bras qu'à moitié. Elle avait 1 m. 15 de hauteur et 1 m. 13 de largeur. La sainte robe de Notre-Seigneur est conservée à Trêves.

La seule chose qu'il y ait de remarquable dans la fabrication de la chemise, c'est qu'on y a employé le poil de chameau dont les Synoptisés ont vêtu le Joannès en souvenir de l'endroit où il était né. Gamala veut dire en hébreu chameau. Cf. Le Roi des Juifs.

[10] La première, on le sait, était sœur de Moïse.

[11] La prendre par l'anse pour tirer au ciel celui qui la porte. Sur cette expression, cf. la figure de la croix ansée, cf. Le Gogotha.

[12] La surcharge dont cette phrase a été l'objet est manifeste. Cf. Les Marchands de Christ.

[13] La mère que la fable lui donne.

[14] La mère du disciple christ.

[15] On disait de Jehoudda qu'il était le nouveau Moïse.

[16] Cf. Le Saint-Esprit.

[17] Sauf son père, avons-nous dit.

[18] Tel est le dogme.

[19] Le monde en cours, celui qui dans la théorie de l'Apocalypse a succédé au monde édénique.

[20] Point de doute sur tous ces dogmes de la Genèse astrologique. Je vous renvoie aux preuves dans le remarquable ouvrage de M. Bouché-Leclercq, l'Astrologie grecque, Paris, 1899, in-8°. Voyez aussi les fragments du livre intitulé La Vierge du monde dans l'Hermès Trismégiste de M. Menard (Paris, 1861, in-12°, pp. 177 et suiv.)

[21] Théon de Smyrne, Exposition des connaissances mathématiques utiles pour la lecture de Platon, trad. Dupuis, Paris, 1892, in-8°, p. 117.

[22] C'est pour la même raison qu'on a inventé Nazireth.

[23] Vous avez vu au contraire dans les Sagesses valentiniennes, qu'il ne s'agit point ici de prophéties, mais au contraire d'une repentance placée dans la bouche de la mère de celui qui s'était annoncé comme prince du monde.

[24] Cf. Le Gogotha.

[25] Cf. Le Gogotha.

[26] Je vous dois la note du Saint-Siège : D'après une tradition consignée dans le martyrologue romain, au 15 mars, ce soldat s'appelait Longin et se convertit plus tard au christianisme.

[27] Oui, fabriquées.

[28] Exode, XII, 46 ; Nombres, IX, 12.

[29] Zacharie, XII, 9 et 10.

[30] L'Haramathas ou fossoyeur. Cf. Les Marchands de Christ.

[31] Cf. Le Roi des Juifs.

[32] Celui d'Hinnom, Gué-Hinnom. Cf. Les Marchands de Christ.

[33] Au sabbat, comme il est dit plus haut.