LE MENSONGE CHRÉTIEN - (JÉSUS-CHRIST N'A PAS EXISTÉ)

 

TOME VI — L'ÉVANGILE DE NESSUS

I. — L'ÉVANGILE DE CÉRINTHE.

 

 

CHAPITRE XIV. — L'ESPRIT NOUVEAU.

 

A part le lavement des pieds où il occupe une place qui n'est que trop en vue, Pierre cède à Toâmin et à Philippe l'honneur des derniers entretiens avec Jésus avant son retour au ciel. André s'efface, il n'avait point écrit. Mathias n'apparaît point, il n'est point de la même génération que ses oncles. Mais le disciple à qui vont tous les discours de Jésus, c'est celui des sept qui était sur son sein pendant le repas, c'est l'auteur de l'Apocalypse et du code millénariste. Or ses deus interprètes, Philippe et Toâmin, qui ont transmis les Paroles du Rabbi, ignorent tout du chemin qu'il faut suivre pour aller avec Jésus dans son Royaume céleste. Nouveau Verbe, nouveau chemin, nouveau Royaume.

Shehimon, dit alors Jésus en un discours qu'on retrouvera quelque jour dans les villes mortes d'Egypte, tu me demandes où je vais, que t'importe ? Je ne t'emmène pas, tu n'es pas en état de me suivre, ni toi ni les tiens, car vous vouliez être Rois du monde, et moi, je suis Jésus-sans-Terre.

Toi aussi, Toâmin, tu voudrais bien savoir où je vais ? Si je te le dis, tu n'en seras guère plus avancé, car tu croyais que mon Père viendrait me rejoindre au bout de mille ans, et c'est, tout au contraire, moi qui suis obligé de retourner à lui, en vous faussant compagnie ; tu n'as donc pas connu la bonne voie.

Toi non plus, Philippe. Tu me demandes de te montrer le Père, et ce avec une insistance assez déplaisante. Comme tous tes frères, tu as cru que je viendrais d'abord, et qu'au bout de mille ans je te le ferais voir. Il n'y a ni intervalle ni différence entre le Père et moi, Is-Kérioth l'avait bien dit. Le Père et moi ne faisons qu'un, nous sommes l'un dans l'autre depuis le commencement, et quand tu m'auras vu, tu nous auras v us tous les deux. D'ailleurs ne me questionnez pas plus longtemps sur moi-même, car si j'allais répondre sur vous par inadvertance, le monde en apprendrait de telles que vous ne sauriez où vous cacher ! Et ce serait fâcheux, car précisément je retourne là-haut pour vous préparer un endroit dans la maison de mon Père, beaucoup plus compliquée que vous ne l'imaginiez , quand vous pensiez la voir descendre sur la terre. Des nombreuses demeures (les sphères) dont elle se compose vous avez bien connu la mienne (le second ciel), et vous l'avez pompeusement décrite dans l'Apocalypse, mais comme je ne l'ai point amenée et ne l'amènerai point, il faut que je trouve où vous y loger près de moi. Lorsque j'aurai trouvé, je reviendrai vous prendre, mais en un temps que je ne liste pas, car je vous ai déjà fourrés dedans une première fois et je ne veux pas recommencer[1]. Qu'est-ce que tu dis, toi, Jehoudda, fils de Jehoudda de Gamala ? Je sais bien ! Tu attendais demain soir, comme ta mère, tes frères et tes sœurs, tes oncles et tes tantes, tes cousins et tes cousines. Et tu t'étonnes quand, au lieu de venir pour renouveler Je monde en faveur des Juifs, je dis que je viendrai seulement pour te prendre et t'emmener, toi et les tiens. Tu fais observer que ces Paroles ne sont plus du tout les Paroles du Rabbi. C'est vrai, mais que veux-tu ? il faudra t'en contenter, comme les camarades. Vous serez logés à la même enseigne dans le ciel, on n'y est pas si mal !

1. Que votre cœur ne se trouble point. Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi.

2. Il y a beaucoup de demeures dans la maison de mon Père ; sinon, je vous l'aurais dit, car je vais vous préparer un lieu.

3. Et quand je m'en sera ! allé, et que je vous aurai préparé un lieu, je reviendrai, et je vous prendrai avec moi, afin que là où je suis, vous soyez aussi.

4. Or où moi je vais, vous le savez, et vous en savez la voie.

Ici Jésus ment comme un homme d'Église, car ses auditeurs ignorent absolument la voie qui va de la terre au ciel. Dans leur école, c'est le ciel qui venait à eux, qui se dérangeait. Il n'était nullement question de ces diverses chambres habitables pour des hommes. Du reste, l'Evangéliste va faire comparaître les trois grands scribes de la secte par ordre d'ancienneté en allant du plus jeune au plus vieux selon l'usage ; Toâmin, Philippe et le Joannès lui-même, celui-ci sous son nom de circoncision.

Toâmin d'abord, dans lequel on enferme son fils Mathias Bar-Toâmin, et c'est pourquoi on ne nomme pas celui-ci, comme fait Valentin dans sa Sagesse.

5. Toâmin lui dit : Seigneur, nous ne savons où vous allez ; et comment pouvons-nous en savoir la voie ?

6. Jésus lui répondit : Moi je suis la voie, la vérité et la vie[2]. Personne ne vient à mon Père que par moi.

7. Si vous m'eussiez connu, vous auriez donc connu mon Père ; mais bientôt vous le connaîtrez, et vous l'avez déjà vu !

Jésus veut dire qu'en le voyant, ils ont vu son Père, mais ce n'est pas du tout l'avis de Toâmin qui, pareil à son aîné, met l'intervalle d'un Millenium, le Millenium du Zib, entre la venue du Fils de l'homme et celle du Père. Toâmin comptait bien qu'au bout de mille ans d'Éden son frère le christ lui présenterait le Père du Verbe. Il veut bien se taire ; d'ailleurs Philippe est son aîné, c'est à lui d'interpeller Jésus.

8. Philippe lui dit : Seigneur, montrez-nous votre Père, et il nous suffit.

9. Jésus lui répondit : Il y a si longtemps que je suis avec vous[3], et vous ne me connaissez pas ? Philippe, qui me voit, voit aussi mon Père ? Comment dis-tu, toi : Montrez-nous votre Père ?

10. Ne croyez-vous point que je suis en mon Père, et que mon l'ère est en moi ? Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même. Mais mon Père, qui demeure en moi, fait lui-même les œuvres[4].

11. Ne croyez-vous point que je suis dans mon Père, et que mon Père est en moi ?

12. Croyez-le au moins à cause de mes couvres. En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi fera aussi lui-même les œuvres que je fais, et il en fera de plus grandes encore, parce que je m'en vais à mon Père.

13. Et quelque chose que vous demandiez à mon Père en mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils.

Ni Toâmin ni Philippe n'ont connu ce Verbe-là. C'est Sérapis qui parle sous le pseudonyme de Jésus. Ils ont attendu le Fils de l'homme sur le Basan, sur le Tabor, sur le Garizim et sur Sion, et maintenant qu'ils sont en terre leurs corps ne connaîtront jamais la voie qui conduit au ciel. Les malheureux ! Malgré toutes leurs prophéties, ils connaîtront la corruption, à moins toutefois que l'Église ne prie pour eux.

14. Si vous me demandez quelque chose en mon nom, je le ferai.

15. Si vous m'aimez, gardez mes commandements.

16. Et moi je prierai mon Père, et il vous donnera un autre Paraclet[5], pour qu'il demeure éternellement avec vous[6],

17. L'Esprit de vérité que le monde ne peut recevoir, parce qu'il ne le voit pas et ne le connaît pas ; mais vous, vous le connaîtrez, parce qu'il demeurera au milieu de vous, et qu'il sera en vous.

18. Je ne vous laisserai point orphelins, je viendrai à vous.

19. Encore un peu de temps, et le monde ne me verra plus. Mais vous, vous me verrez, parce que je vis, et vous vivrez aussi.

20. En ce jour-là, vous connaîtrez que je suis en mon Père, et vous en moi, et moi en vous.

21. Celui qui a mes commandements et les garde, c'est celui-là qui m'aime. Or celui qui m'aime sera aimé de mon Père, et moi je l'aimerai, et je me manifesterai à lui.

Va pour ce Paraclet nouveau ! Mais qu'est-ce donc que le Paraclet ancien, celui dont on parle comme d'une chose à cacher ? L'Apocalypse elle-même.

Maintenant qu'on la enlevée à son auteur, personne ne sait plus ce qu'annonçait le christ, ce qu'il voulait, ce qu'il disait. Mahomet le savait, lui ! Pourquoi proclame-t-il l'Évangile un livre divin ? Parce qu'on y annonce Mahomet. Jésus, fils de Marie, disait à son peuple : Ô enfants d'Israël, je suis l'apôtre de Dieu, envoyé vers vous pour confirmer le Pentateuque qui vous a été donné avant moi, et pour vous annoncer la venue d'un Envoyé après moi, dont le nom sera Ahmed, Mohammed, le Glorifié[7]. Et les Mahométans lettrés disent que là où on lit Paracletos, il faut lire Periclytos, le Glorieux, Mahomet lui-même.

 

INTERVENTION DU CHRIST SOUS SON NOM DE CIRCONCISION.

 

Jésus a beau s'épuiser en promesses privilégiées, ce n'est pas cela du tout, ce n'est pas renseignement, ce n'est pas le dogme, c'est de la monnaie de singe ! Quoi ! la famille de Jehoudda n'aurait eu que le sens du monde, le monde imperméable par nature à l'Esprit de vérité[8] ? Philippe est furieux, mais s'il éclate, c'est le déshonneur pour tous, c'est le voile levé sur son père, sur sa mère, sur tous ses parents. Bar-Jehoudda le sent bien.

Il assiste à la démolition de toute son Apocalypse, il est atterré, c'est sur lui que frappe le Verbe impitoyable. Jésus le laisse reposer sur son sein dans les allégories, mais en attendant il est dans le rocher de Machéron, où il craint d'être oublié, au dernier jour, tant on a bien caché sa sépulture ! Jésus ne parle plus de livrer le monde aux Juifs, il parle d'assumer chacun individuellement et dans un temps indéterminé. Que devient la Jérusalem pavée d'or, le paradis des marchands de diamant ? Bar-Jehoudda n'en entend plus parler. On lui récite du Valentin tout pur ; il éprouve le besoin, en résumant le débat, d'obtenir quelques garanties pour lui et pour les siens.

22. Jehoudda — non pas celui de Kérioth ! — lui dit : Seigneur, d'où vient que vous vous découvrirez à nous et non pas au monde ?

Allons bon ! Voilà maintenant que Cérinthe désigne le prince des apôtres par son nom de circoncision ! Il ne manquait plus que cela ! Toutefois l'Église a laissé le nom, moitié par ignorance moitié parce que, dit-elle, cet apôtre est communément appelé Jehoudda, précisément pour qu'on ne le confonde pas avec l'Iscariote[9]. Non, non, ce n'est pas pour cette raison qu'on l'appelle Jehoudda, c'est parce qu'il s'appelait ainsi, et quand on veut distinguer de lui son frère Jehoudda le Jeune, on appelle celui-ci Toâmin.

La question de Jehoudda senior, de Jehoudda le christ, embarrasse Jésus, qui parle depuis longtemps sur le mode valentinien. Dans sa réponse, il donne un coup d'aile vers l'ancien programme, il fait espérer au Christ que sous le nouveau régime spirituel il y aura quelque privilège temporel pour sa famille et pour lui. Son Père et lui se déplaceront spécialement pour venir à eux. C'est au Père et au Fils de se déranger, ils ne Peuvent demander à des descendants de David de faire les premiers pas !

23. Jésus répondit et lui dit : Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon Père l'aimera, et nous viendrons vers lui, et chez lui-même nous établirons notre demeure[10] ;

24. Celui qui ne m'aime point ne garde pas mes paroles. Or la parole que vous avez entendue n'est pas de moi, mais de mon Père, qui m'a envoyé.

25. Je vous ai dit ces choses, demeurant encore avec vous.

Vous avez bien compris, n'est-ce pas ? Telles sont les choses que je suis censé vous avoir dites en 788 dans le corps de Bar-Jehoudda. Si vous feignez de les avoir entendues, je me tairai, de mon coté, sur vos faits et gestes, et l'Église née de vous pourra détrousser les païens grâce à notre mutuelle duplicité. Cette perspective doit suffire à vos âmes assoiffées d'idéal.

Les hommes justes et raisonnables font à la résurrection de Bar-Jehoudda le reproche de n'avoir d'autres témoins que moi-même et quelques membres de sa famille. C'est vrai, je ne me suis manifesté qu'à eux et non au monde, mais voilà précisément l'avantage d'être Juif et fils de David ; ne détruisez pas l'œuvre des mystificateurs par une sotte pudeur de conscience. D'ailleurs un Esprit nouveau que je vous enverrai vous soutiendra dans cette entreprise. Je ne puis pas vous le donner tout de suite, car cet Esprit est un attribut spécial du Père. Mais comme je retourne auprès de lui après le baisser du rideau, nous nous entendrons pour vous souffler tous les mensonges dont sont capables la Vérité, la Voie et la Vie. Nous avons mille tours dans notre sac. Je reviendrai à vous sous la forme de l'Esprit ; apprenez à me reconnaître quand j'emprunterai le corps de votre frère aîné.

Malgré leurs erreurs, malgré l'Esprit de mensonge qui les animait, malgré les crimes qui eussent perdu des païens, Jésus leur affirme qu'ils vivront avec lui, mais pas tout de suite comme ils se l'imaginaient. C'est que Jésus retourne en un lieu où les Juifs ne peuvent le suivre, ni quant à présent les christiens. Ceux-ci ne revivront qu'au jour du jugement final, dans dix-neuf cycles de mille ans. Mais n'est-ce pas déjà beaucoup d'en être sûr ? Ce jour-là Jésus les présentera au Père.

26. Mais le Paraclet, l'Esprit-Saint que mon Père enverra e n mon nom, vous enseignera toutes choses, et vous rappellera tout ce que je vous ai dit.

27. Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; mais ce n'est pas comme le monde la donne que je vous la donne moi-même. Que votre cœur ne soit pas troublé, et qu'il ne s'effraie point.

28. Vous avez entendu que je vous ai dit moi-même : Je m'en vais, et je reviens à vous. Si vous m'aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je vais à mon Père, parce que mon Père est plus grand que moi.

Ah ! voilà une vilaine parole. Il déraisonne : Il est, dit-il, moins grand que son Père. Comme Verbe, oui, niais comme revenant de Bar-Jehoudda ? Quoi ! entre u 'eu et un Juif il y aurait une différence de degré au désavantage du Juif ? A cette idée le Saint-Siège s'émeut : Jésus-Christ est inférieur à son Père ; mais il lui est égal en tant que Dieu[11]. Très supérieur, au contraire, comme créateur de la recette ! Car que reste-il de Dieu depuis que l'Église l'a chassé du ciel pour mettre à sa place un imposteur juif et sa famille ?

29. Et maintenant je vous le dis avant que cela arrive, afin que, quand ce sera arrivé, vous croyiez.

30. Je ne vous parlerai plus guère ; car le Prince de ce monde vient, et il n'a rien en moi.

31. Mais afin que le monde connaisse que j'aime mon Père, et que comme mon Père m'a commandé, ainsi je fais ; Levez-vous, sortons d'ici.

 

 

 



[1] Jésus demande un supplément de dix-huit Æons, soit dix-huit mille ans.

[2] Comment Notre-Seigneur est-il la voie, la vérité et la vie ? se demande le Saint-Siège. Étant homme et Dieu tout ensemble, Notre-Seigneur est à la fois médiateur et fin. Il possède tout ce qui nous manque, la gloire comme la grâce ; mais son office propre est de nous mettre en possession de tous les biens. Ainsi il est : 1° La voie, puisqu'il nous offre le moyen de parvenir au ciel, soit en nous dirigeant par sa doctrine et ses exemples, soit en nous attirant par sa grâce, soit en nous y introduisant par ses mérites. 2° La Vérité. Vérité absolue comme Verbe, il est devenu pour nous, comme Verbe incarné, la vérité révélée, la lumière de la foi. C'est lui seul qui connaît le Père, qui le fait connaître et qui peut mener à lui. 3° La Vie. Vie essentielle et infinie, comme Dieu, il est notre vie surnaturelle, comme Homme-Dieu ; car il possède en son humanité la plénitude de la vie divine, et son but en venant parmi nous est de nous y associer, par sa grâce d'abord et par la gloire ensuite. Tous les biens sont donc réunis en sa personne et il n'y a rien à chercher hors de lui. Quand on le possède, on échappe à tous les périls, aux précipices, aux ténèbres, à la mort. Qu'on juge quelle grâce c'est de le bien connaître et pourquoi l'Apôtre ne voulait pas d'autre science !

[3] Douze ans au compte de Cérinthe, six mois seulement au compte des Synoptisés.

[4] Le Verbe n'est créateur que parce que le Père est en lui.

[5] Verbe défenseur, avocat. Ce ne sera plus celui de l'Apocalypse, le Verbe-lettre, le Verbe-loi, ce sera le Verbe-Esprit avec lequel on pourra composer.

[6] Cela prouve, dit le Saint-Siège, que l'Esprit-Saint a été promis non seulement aux apôtres, mais encore a leurs successeurs dans la suite des générations. Jésus dit tout le contraire. Sur sa prière Dieu leur donnera un autre Paraclet que le Verbe apocalyptique, celui auquel ils avaient cru. Aucun d'eux n'eut l'Esprit de vérité.

[7] Le Coran, LXI, 6.

[8] C'est l'idée énoncée au prologue dans la définition du Verbe.

[9] Notez qu'on ne s'y prendrait pas autrement si on voulait créer et entretenir la confusion.

[10] Dans traduction du Saint-Siège on lit : Nous viendrons à lui, nous ferons notre demeure en lui.

[11] Note sur le verset 28 de ce chapitre.