LE MENSONGE CHRÉTIEN - (JÉSUS-CHRIST N'A PAS EXISTÉ)

 

TOME VI — L'ÉVANGILE DE NESSUS

I. — L'ÉVANGILE DE CÉRINTHE.

 

 

CHAPITRE VI. — SÉMÉIOLOGIE CONNUE SOUS LE NOM DE MULTIPLICATION DES PAINS.

 

Grâce à notre connaissance de l'écrit apocalyptique auquel Cérinthe emprunte ses allégories, nous savons qu'il y a des lacunes entre le second sèmeion de Kana et le chapitre qui suit. Ce chapitre succédait à une ou plusieurs scènes qui se passaient sur la rive orientale du lac de Génézareth appelé ici Tibériade. Après quoi Jésus opérait la Multiplication des pains sur la rive opposée. Ces scènes intercalaires avaient l'inconvénient grave d'engager l'abominable goy sur la voie de la Gaulanitide et de la Bathanée, c'est-à-dire sur les chemins qui mènent à Gamala. On les a supprimées.

1. Après cela Jésus s'en alla de l'autre côté de la mer de Galilée, c'est-à-dire de Tibériade ;

2. Et une grande multitude le suivait, parce qu'ils voyaient les signes qu'il faisait sur ceux qui étaient malades.

3. Jésus monta donc sur la Montagne, et là il était assis avec ses disciples.

Cette montagne, c'est le Tabor, comme nous le montrerons tout à l'heure. Jésus est donc revenu sur la rive occidentale.

4. Cependant approchait la Pâque, jour de la fête des Juifs.

5. Jésus donc, avant levé les yeux et vu qu'une très grande multitude était venue à lui, dit à Philippe : Où achèterons-nous des pains, pour que ceux-ci mangent ?

6. Or il disait cela pour l'éprouver ; car pour lui il savait ce qu'il devait faire.

7. Philippe lui répondit : Deux cents deniers de pain ne leur suffiraient pas pour que chacun deux en eût même un petit morceau.

8. Un de ses disciples, André, frère de Simon-Pierre, lui dit :

9. Il y a ici un petit enfant qui a cinq pains d'orge et deux poissons ; mais qu'est-ce que cela pour tant de monde ?

10. Jésus dit donc : Faites asseoir ces hommes. Or il y avait beaucoup d'herbe en ce lieu. Ces hommes s'assirent donc au nombre d'environ cinq mille.

11. Alors Jésus prit les pains, et quand il eut rendu grâces, il les distribua à ceux qui étaient assis ; et de même des poissons, autant qu'ils en voulaient.

12. Lorsqu'ils furent rassasiés, il dit à ses disciples : Amassez les morceaux qui sont restés, pour qu'ils ne se perdent pas.

13. Ils les amassèrent donc, et remplirent douze paniers de morceaux des cinq pains d'orge qui restèrent à ceux qui avaient mangé.

14. Or ces hommes, ayant vu le sèmeion que Jésus avait fait, disaient : Celui-ci est vraiment le prophète qui doit venir dans le monde.

Vous n'avez pas compris ? C'est votre faute. Pourquoi avez-vous du génie ? Pour comprendre, il suffit de n'avoir pas de génie. Toutefois le sèmeion dit Multiplication des pains est une allégorie fort difficile à saisir même pour des esprits subtils. Considéré dans ses chiffres, c'est le plus gros miracle de Jésus, celui qui même le plus par les proportions et par les circonstances, le seul aussi dans lequel on ne puisse flairer ni imposture, ni magie, ni tour d'adresse. Il donne vraiment l'impression de la surhumaine puissance.

Il y a deux sortes de Multiplications de pains dans les Évangiles. Les uns font la leur avec cinq pains, les autres avec sept.

C'est une même séméiologie, avec des chiffres variés. Dans le premier cas, celui de Cérinthe, cinq mille personnes sont nourries jusqu'au rassasiement avec cinq pains et deux petits poissons. Dans l'autre, quatre mille, sans compter les femmes et les enfants, avec sept pains. Voilà des miracles comme jamais l'intendance militaire n'en opéra tant en campagne qu'en paix.

Ces chiffres de cinq mille et de quatre mille ne sont pas jetés là au hasard. Pourquoi cinq mille ? Pourquoi quatre mille ? Croyez-vous que cinq mille personnes un jour, et quatre mille un autre, aient, pressées parla faim, suivi quelqu'un sur une haute montagne dans l'espoir d'être rassasiées avec cinq ou sept pains et deux poissons ? J'ai trop foi dans votre intelligence pour m'imaginer cela. Mais, direz-vous, voilà des siècles qu'on interprète ainsi ces miracles. Des milliers de théologiens s'y sont escrimés (je sens que vous allez me parler de Bossuet). Laissez, laissez, et, comme disait feu Bar-Jehoudda, que celui qui a des oreilles entende !

Les quatre mille personnes qui suivent Jésus sont à jeun depuis trois jours : Il y trois jours qu'ils ne me quittent point, dit Jésus, ils n'ont rien à manger et je ne veux pas les renvoyer qu'ils n'aient mangé, de peur que les forces ne leur manquent en chemin[1].

Tout est combiné pour que le ravitaillement de cette foule soit impossible en fait. Elle tourne le dos aux greniers d'abondance qui sont en Galilée, elle fuit le blé, les olives, le vin et le bétail pour suivre Jésus elle ne sait où. Dans Cérinthe les cinq mille s'embarquent sur le lac de Génésareth, à qui l'Evangéliste, tourmenté par un esprit païen, donne le nom de Tibériade qui lui eût valu un fort coup de sique dans l'abdomen s'il se fût avisé de l'employer devant les christiens de l'Apocalypse. Voilà cinq mille personnes lancées sur le lac ; la barque, séméiologique elle aussi, n'eût évidemment pas suffi pour le transport. Mathieu et Marc ont vu l'invraisemblance ; les foules, — si Jésus multiplie le pain, les scribes peuvent bien multiplier la foule, — suivent à pied par les bords du lac.

De même dans Luc, à ce qu'il semble.

 

L'endroit où Jésus les mène est désert, la montagne est haute, les ventres sont vides, les dents longues, l'heure est avancée. Aller dans les bourgades et par les champs chercher sa nourriture, il n'y faut pas songer. Jésus est ému de compassion, voyant qu'ils sont comme les brebis sans berger et sans herbe.

Il ne faut qu'un peu de bon sens pour voir qu'étant impossible en tant que phénomène alimentaire, on doit chercher l'explication du miracle hors de la condition humaine. Car dans les Synoptisés les deux Multiplications comprennent neuf mille hommes, sans compter les femmes et les enfants. Combien voulez-vous que nous comptions de ces derniers ? Il y avait peu de célibataires parmi les Juifs et tous sont prolifiques. Mettons onze mille, pour ne pas exagérer l'effectif. Voilà vingt mille bouches, et affamées. Donnons-leur à chacune une livre de pain, afin de rester au plus bas. Pour transporter au haut d'une montagne peu accessible une aussi lourde provision, il eût fallu plus que la foi ; cela demandait plusieurs voitures traînées par des ânes ou des mulets, ou, ce qui rendait le mystère impossible, par les disciples eux-mêmes qui se fussent trouvés dans la contée et n'eussent pu être dupes de Jésus, puisqu'ils auraient été ses compères. Quant aux poissons, ils étaient sans doute de la même taille que celui de Jonas, puisque, Jésus les ayant rompus, chacune des vingt mille personnes présentes en a un morceau. De plus il a fallu les faire cuire quelque part, car il n'est point admissible que Jésus les distribue crus. Ce sont là des préparatifs considérables, pour lesquels Bar-Jehoudda et ses frères auraient été obligés d'emprunter du matériel à Hérode Antipas, et à Pontius Pilatus quelques-uns de ses traginarii. Il ne s'agit donc ni d'événements naturels, ni d'un prodige truqué de complicité avec les apôtres. Les vingt mille affamés auraient vu les pains, les poissons, les chariots, les mulets elles ânes, C'est donc bien d'une chose surnaturelle qu'il s'agit, et, comme en matière de nourriture il n'y a rien de métaphysique, il ne reste plus de possible que la similitude, le faux semblant.

Et puis il n'y a pas Multiplication de pains. Ne nous représentons pas Jésus multipliant des pains par un moyen qui rappelle trop les expériences de physique amusante dont Robert Houdin berça notre douzième année. C'est un enfantillage substitué par l'Église à la mystérieuse leçon que la séméiologie déguise à peine.

 

LE PETIT ENFANT AUX SIGNES.

 

Laissant de côté la version des Synoptisés, suivons Cérinthe. Pour mener à bien le miracle il faut à Jésus un compère millénariste. Nul ne convient mieux que Philippe, jadis secrétaire du christ et confident de tous ses rêves. En nommant Philippe, Cérinthe a désigné la source à laquelle il emprunte : les Paroles du Rabbi. Devant les cinq mille affamés, Philippe ne cherche pas à dissimuler son embarras. Cet embarras Jésus le souligne encore en disant : Où achèterons-nous des pains pour que tous ceux-ci mangent ? Mais c'est pour rire, il sait parfaitement ce qu'il a à faire. Vous vous rappelez sa mère selon le monde, aux Noces de Kana : Laissez-le faire, dit-elle. Philippe assistait au repas, il a entendu ; mais ce n'est pas à lui de dire que tous ces sèmeia proviennent de l'Apocalypse de son frère.

Appuyant le jeu de Jésus en bon valet de comédie : Deux cents deniers de pain, dit-il, ne leur suffiraient pas pour que chacun en ait un. Pourquoi cela, Philippe ? Il est très possible, au contraire, qu'avec deux cents deniers[2] on puisse acheter assez de pain pour nourrir cinq mille personnes, cela dépend du prix du pain. Ce n'est donc pas de deux cents deniers-monnaie qu'il s'agit ; mais de deux cents dixniers (décans, dizaines) d'un pain unique en son genre.

200 * 10 = 2.000.

Il est clair qu'avec deux mille pains on pourrait rassasier cinq mille hommes. Cela dépend de la grosseur des pains. Mais, s'il n'est pas question de deniers, il n'est pas davantage question de pain au sens terrestre. Ce pain n'a jamais été du pain que dans l'imagination grossière des charlatans ecclésiastiques. Jésus lui-même dira aux apôtres dans les Synoptisés : N'avez-vous pas compris qu'il ne s'agissait pas de pain ? Ce que recherchent avidement les cinq mille, c'est un pain d'autre sorte, un pain qui ne se fractionne pas, le pain Un et éternel pour chacun d'eux. Où trouver sur terre, sinon la représentation, du moins l'annonciation d'un tel pain ?

 

Quelqu'un, en un temps qu'on ne dit pas, a précédé les cinq mille sur la Montagne. André qui le connaît l'indique à Jésus avec qui il est en relations depuis 787[3], puisqu'il est le premier des Sept qui porte la robe blanche et la couronne du martyr. C'est un petit enfant[4] qui tient dans ses mains cinq pains d'orge et deux petits poissons. Évidemment c'est peu pour tant de monde, et André le fait remarquer non sans mélancolie. Mais on pourrait fouiller longtemps le petit enfant sans trouver sur lui l'agneau pascal qui eut calmé le furieux appétit des cinq mille.

A l'époque où la scène est censée se passer, les Juifs sont toujours dans le Cycle du Verseau, les sept fils de Jehoudda attendent toujours la Grande Pâque qui doit ouvrir le Cycle des Poissons. C'est pourquoi le chiffre des affamés n'est pas rond, ils sont à peu près cinq mille. Les disciples de l'Agneau n'ont pas encore atteint le nombre-terme qui leur est assigné par l'Apocalypse[5]. Ni Jacob junior ni Eléazar ni le christ ne l'atteindront, et quand il viendra, avec l'Agneau de 789, on s'apercevra qu'il était erroné. Ce terme, c'est précisément la plénitude des cinq Millénia ou Cycles qui se sont écoulés depuis le second monde ou monde en cours[6], c'est l'entrée dans le Millenium du Zib. Par quoi nous voyons que Cérinthe nous a donné le change sur la nature des cinq mille affamés comme sur la nature du pain.

Vous devinez donc ce que sont les cinq Pains d'orge. Ce sont les cinq Pains de temps, les cinq paquets de mille ans représentés par les cinq mille :

Premier pain : La Balance.

Second pain : Le Scorpion.

Troisième pain : Le Sagittaire.

Quatrième pain : Le Capricorne.

Cinquième pain : Le Zachû[7].

Cela ne nous dit pas qui est le petit enfant dont la main, outre les cinq pains, tient les deux poissons ; mais comme sur le Zodiaque le Zib est fils du Zachû, peut-être en est-il de même ici.

Pourquoi les théologiens négligent-ils ce petit enfant ?  N'ont-ils pas vu que sans lui Jésus ne peut rien ? Cela saute aux yeux pourtant. Nous ne sommes pas dupes des simagrées de Philippe et d'André. Ils savent bien que dans le Thème du monde c'est leur père, le Zibdéos, qui a mis les Poissons entre les mains de son fils aîné, lequel devait les manger comme l'Agneau les mange sur la sphère. Le petit enfant, c'est celui que nous avons déjà vu dans l'Apocalypse et qui, parvenu au 15 nisan 789, devait consommer les Poissons pendant mille ans ; c'est Bar-Jehoudda lui-même, c'est le pêcheur d'hommes avec les attributs du baptême, c'est le christ mis en croix par Pilatus le 14 nisan 788. Il n'est petit enfant que relativement à l'âge de Jésus qui va vers sa douze millième année. C'est un de ces jeunes enfants qui approchent de la cinquantaine. Mais qu'est-ce que cela en présence de pains qui ont chacun mille ans ? Non seulement il est bien jeune, mais encore il est bien petit en face de Jésus dont le dernier des anges a soixante-douze mètres de haut ![8]

Cérinthe l'a pris tel qu'il est dans l'Apocalypse, quand il sort du sein de la Vierge et que l'Aigle-Phénix l'emporte en Egypte[9]. C'est pourquoi les écrivains qui n'ont pas été dupes de la mystification évangélique — citons Agapius — ont dit que Bar-Jehoudda y apparaissait tantôt sous la forme d'un enfant, tantôt, ce qui est le cas de Jésus, sous celle d'un vieillard dont la tête touchait le ciel[10].

Mais malgré sa jeunesse et sa petitesse il n'en est pas moins celui en qui le Père a mis son bon plaisir, il n'en est pas moins l'oint, le christ, le médiateur entre les Juifs et Iahvé. C'est lui que l'Église égale à Dieu. On ne conçoit donc pas le dédain des exégètes pour le petit enfant, sans lequel le miracle est irréalisable, car s'il n'était pas né, s'il s'en allait remportant ses cinq pains et ses deux poissons, savez-vous bien que Jésus serait obligé d'abandonner la partie et que les cinq mille disciples mourraient de faim sur la Montagne.

Rien de mieux établi que cette identité de l'enfant et du christ. Il n'y a qu'un enfant en état de présenter les cinq Cycles en cours et le signe comestible dont il entend faire sa nourriture millénaire, c'est l'enfant de l'Apocalypse, celui que les Mages viennent adorer dans Mathieu, et en qui son père dans Luc salue le Libérateur d'Israël.

Quand Dieu[11] est-il venu sur la terre pour sauver les hommes ? dit le faux Origène dans son Dialogue contre les MarcionitesSous le règne de Tibère et le gouvernement de Pilatus, répond le Marcionite. — Tu vois donc bien qu'il est venu six mille ans après la création d'Adam ![12] Ouvrez la Lettre de Barnabé, exhortation au martyre de Cyprien, les Instituions divines de Lactance, la Cité de Dieu d'Augustin, vous y trouverez ce chiffre que Julius Africanus consignait également dans sa Chronique à la suite de celle que Phlégon avait écrite sous Hadrien. Il ne s'écoule en effet que six signes dans l'Apocalypse entre la conception de Bar-Jehoudda dans la Vierge et la venue hypothétique de l'Agneau.

Mais sa situation vis à vis de Jésus n'est pas sans offrir quelque embarras en cette année 787. Il a grandi : dans un an et un mois Jésus doit moissonner la terre et dissiper le dernier des cinq pains d'orge. Il tient son van à la main, disait le christ, et il nettoiera entièrement son aire ; il amassera son froment dans le grenier, mais il brûlera la paille dans un feu inextinguible[13]. Le christ et ses frères comptaient être le froment, mais Iahvé a changé d'idée, il a résolu de ne point envoyer son Verbe faire la moisson annoncée dans l'Apocalypse[14]. Le christ a été crucifié avant la pâque de 789, le Cycle du Zib a commencé sans que le Royaume des Juifs soit venu, le Temps ne s'est pas arrêté[15], les disciples et les descendants de Jehoudda continuent à manger de l'orge. Comment se tirer de là ? Faites asseoir les hommes sur l'herbe, dit Jésus. Et voici que les cinq mille se rangent devant lui en groupes de cent et de cinquante[16]. Et, ce faisant, ils observent le même ordre que les troupeaux consacrés au Soleil dans l'île de Sicile et dont Circé dit, parlant à Ulysse : Il y a sept troupeaux de bœufs, sept de moutons, chacun composé de cinquante bêtes qui ne meurent point ; si vous y touchez, vous périrez et le Soleil ne voudra plus éclairer que les morts[17]. Chaque troupeau de cinquante multiplié par sept, ce sont les trois cent cinquante jours de l'année héliaque en Sicile. Les disciples rangés par cinquante et cent représentent autant de siècles et de demi-siècles, c'est-à-dire de jubilés cinquantenaires et de jubilés centenaires. Ils ne sont pas moins immortels que les bœufs et les moutons de Circé, puisqu'ils sont circoncis. Qu'aucun Ulysse n'y touche, s'appelât-il Septime-Sévère, car ils sont de la bonne bergerie, la bergerie juive où il n'y a point de bêtes païennes !

Une fois les groupes assis sur la terre, Jésus prend les cinq pains et les deux poissons aux mains du petit enfant, il met devant lui les cinq pains qui sont la figure des Cinq cycles qu'il a éclairés depuis le Second monde. Prenant en outre — et surtout — les deux Poissons qui quelques jours plus tard se changeront en Agneau pascal, il rend grâces, regarde le ciel, et les distribue aux cinq mille avec les Cinq Pains. Et voici qu'ils en eurent tous autant qu'ils en voulurent, jusqu'au rassasiement complet.

 

L'ART D'ACCOMMODER LE PASSIF D'UNE FAILLITE.

 

Ramassez les restes des cinq Pains d'orge, dit Jésus, afin que rien ne soit perdu. Ces restes, c'est bien peu de chose, puisqu'en 739, date de la naissance de Bar-Jehoudda, il n'y avait plus que cinquante ans à faire pour en voir la fin.

Mais ce sont de précieux restes, si l'on considère que la famille du christ et le christ lui-même en font partie depuis le Jehoudda du Recensement jusqu'à Ménahem. Ce sont les restes du Cycle du Verseau. Fidèlement ramassés, ils vont rejoindre dans douze corbeilles l'Agneau, le Taureau, les Gémeaux, les Ânes, le Lion et la Vierge qui sont les six signes du Premier monde ; et le Second monde continue avec ses six mauvais signes. Jésus n'a donc rien fait de ce que le petit enfant attendait de lui, et même il a fait tout le contraire. Pour accommoder les restes du Verseau il y mêle les Poissons, ce qu'il n'a pu faire avant la pâque de 789. Car le Cycle du Zib n'a commencé qu'avec cette année là. En attendant l'Agneau du Royaume, les enfants de Dieu — les Juifs — vivent de ce qui reste des Poissons.

Ainsi le Renouvellement des Pains d'orge est une spéculation sur la faillite de l'Apocalypse. Jésus demeure le Seigneur devant qui on met chaque année les douze corbeilles ou pains de proposition qui représentent les douze étapes annuelles de son éternelle course et les Douze Cycles par où se consomme la destinée des Juifs[18]. Il est le pain sans levain de la Pâque.

Le pain rompu, le klasma des agapes, cette eucharistie, car c'est tout un, s'entendait de la chair même du Messie attendu. Au moment où on rompait le pain, on prononçait la prière : Vienne ton Royaume, vienne ta royauté ! et cette prière on la retrouve à la fin de l'oraison dominicale dans Mathieu. A toi la royauté et la puissance et la gloire à jamais ! De même, disait-on, que ce pain rompu (le pain de lumière) a été répandu au loin sur les montagnes et rassemblé est devenu Un, de même fais que ton Église (ton peuple) soit rassemblée des extrémités de la terre dans ton Royaume[19].

 

Si Jésus n'a point paru en 789, il peut venir et H viendra. Hadrien a pu supprimer l'agneau mangé à Jérusalem ; reste l'agneau mangé en famille, le pain azyme mangé en commun.

Il faut attendre que le Cycle du Zib soit passé. Le Royaume est remis à mille ans, si d'ici-là le Rabbi disparu ne revient pas. En attendant le grenier où ils seront froment, les Juifs se contenteront d'être orge.

Et quand on lit les Évangiles comme ils doivent être lus, je veux dire déchiffrés, il est clair comme Jésus eu plein midi que dans les premières églises pas un évangéliste ne s'est trouvé pour insinuer qu'un tel faiseur de miracles fût né en Judée sous Auguste. Pas un non plus, pour affirmer l'existence des douze apôtres-hommes, qui dénoncent à l'observateur le moins aigu leur origine zodiacale et sont là en représentation des Douze patriarches sidéraux, alias les Douze Cycles dont se compose le thème du monde.

Cette séméiologie est, avec des matériaux différents, instruite comme celle des Noces de Kana. Les Cinq mille affamés sont les Cinq maris de la Samaritaine, le paralytique de Siloé résume en lui les cinq pains d'orge sous les Cinq Portiques de la Piscine probatique.

Cérinthe spécule alternativement sur le chiffre douze et sur le chiffre onze : douze pour les mois de l'année, onze seulement pour les Cycles. Si les signes du Zodiaque sont toujours employés au nombre de douze, quand ils représentent l'année, ils ne sont plus qu'onze, quand ils représentent les douze Cycles. Le Renouvellement du monde par l'avènement du christ ne s'étant pas produit au douzième, on laisse toujours ce dernier en dehors des calculs : c'est le Millenium manqué.

Il y a eu maldonne en 789, le coup est à recommencer, douze pains de proposition sont entiers après comme devant ; les douze corbeilles en sont pleines, ainsi que des Poissons qu'a laissés l'enfant de David (les morceaux en sont bons, pense Cérinthe), mais ces Poissons sont en cours de consommation, et — voici le miracle — ils suffisent. Les cinq mille disciples sont rassasiés les avec deux petits poissons. Le miracle est donc dans la puissance extraordinaire des deux Poissons une fois qu'ils sont entre les mains de Jésus.

Grâce au baptême représenté par ce sèmeion, Jésus assure aux Juifs leur provision de vie dans le Royaume futur. Sur la date de cet avènement on n'est plus aussi affirmatif qu'autrefois, et Jésus avoue, par la plume des scribes, que cette date est à la merci du Père. On n'ose plus dire aux disciples, comme du temps de Bar-Jehoudda : C'est pour demain, vous ne mourrez pas que vous n'ayez vu le Verbe descendant du ciel sur vous ! On ne sait plus. Tout ce qu'on sait, c'est qu'il faut avoir avec soi le signe des Poissons sous la forme du baptême pour être sauvé quand viendra le Grand jour. Car les Poissons, c'est le salut astrologiquement figuré. Les Poissons, c'est l'antichambre de l'Agneau.

Par un enchaînement logique de l'allégorie, après que le Verseau a donné l'aliment aux Poissons baptismaux, les Poissons donnent la vie aux initiés. Perpétuel renouvellement par Iahvé de la traite que les Juifs ont tirée sur la bêtise humaine.

Les cinq signes écoulés escomptent les six signes de la vie à venir, éternelle celle-là. Le Verseau escompte les Poissons, les Poissons escomptent l'Agneau, le baptême escompte le salut. Jésus a prorogé les jours et le 8 années, notifié le délai qu'il accorde à la terre en attendant l'immortalité que l'Église confère par le baptême. Et qu'advient-il à cette foule affamée de vie comme les convives de Kana sont altérés de vin ? Elle est rassasiée, et jamais plus elle n'aura faim, car, par la vertu des Poissons, la voilà sortie des cinq Cycles où l'on n'a eu à manger que du pain d'orge, et elle verra l'Année éternelle où l'on aura le Pain de froment sans le levain terrestre, le pain Un, le pain des Anges. C'est sans doute en ce sens que les cinq mille disciples s'écrient d'une voix unanime : Celui-ci (non Jésus, mais l'inventeur du baptême), est véritablement le prophète qui doit venir au monde !

De toutes les Prorogations du monde dites Multiplications des pains, la formule de Cérinthe est incontestablement la plus ancienne. Il n'y a ni femmes ni enfants parmi les cinq mille. Tous sont du sexe masculin comme il convient à des sectaires formés par l'Apocalypse. Nous verrons par quels moyens l'Église a paré le coup dans les Synoptisés. Si ceux-ci nous avaient donné le chiffre des femmes adjointes aux cinq mille dans leur thème, nous saurions exactement à quelle distance de 789 ils ont composé les Prorogations qu'ils ont substituées à celle de Cérinthe. Car à partir de cette année-là les femmes rentraient dans les hommes, et il n'y avait plus de génération[20].

La formule de Cérinthe n'est pas seulement la plus ancienne, elle est la plus claire et la plus franche, si on ose employer de telles épithètes pour un pareil rébus. Dans cette Prorogation Jésus semble disposé à mettre en doute l'Apocalypse qui instituait un troisième monde sur les ruines du second détruit par tiers partir du 15 nisan 789. Il prépare ouvertement le lecteur à cette vérité que le christ n'a pu célébrer la Grande pâque annoncée et qu'il a été crucifié sous les Poissons. Il n'a jamais entendu parler des douze apôtres hommes que les Synoptisés substituent aux douze Æons de Cérinthe. Sur les sept fils de Jehoudda il n'a affaire ici qu'à l'aîné, parce que celui-ci est le seul qui tienne en main de par son Apocalypse les six éléments du sèmeion, à Philippe, parce que Philippe a le premier transmis les Paroles du Rabbi, et à André, parce qu'André est le premier qui ait ceint la couronne du martyre.

Dans les Évangiles qu'elle a synoptisés l'Église a supprimé totalement le détenteur de pains et de poissons qui était si petit garçon à coté de Jésus. Là Jésus trouve les pains et les poissons entre les mains des disciples, et dans Luc il les confie aux douze apôtres pour les distribuer. Il fallut également introduire dans Mathieu et Marc une interprétation qui abolit le sens péjoratif du thème à cinq mille personnes et à cinq pains, thème que les synoptiseurs connaissaient et qu'ils visent expressément dans leur travail.

Ah ! si les négociants en baptêmes n'avaient pas été obligés de remplacer les signes célestes par des similitudes, il n'y aurait pas un seul miracle dans les Évangiles ! Jésus, devant les disciples de Jehoudda, ne fait que des parodies de miracles. Si vous ne voyez des signes et des prodiges, dit-il à l'officier de Kana, vous ne croyez point. — Que voulez-vous ? eût pu répondre l'officier, vos précurseurs ne nous annoncent que cela depuis deux siècles ! Donc nulle réalité physique en Jésus, point de miracles, point de tours de gobelets, mais des symboles partout et partout des allégories. Les deux miracles de Kana, le paralytique de la piscine guéri, la Samaritaine du puits de Jacob, la vue restituée aux aveugles, la parole aux muets, l'ouïe aux sourds, autant de figures et, comme on disait en ce temps, de similitudes. Pour guérir les christiens de leur maladie des signes, Jésus n'emploie d'autre traitement que la Parole. La salive qu'il dépense et dont il frotte les yeux des aveugles est celle du Verbe lui-même, et non un onguent.

 

LA MARCHE SUR LA MER... DE TIBÉRIADE.

 

Après la Prorogation du monde, Jésus quitte la Montagne et repasse modestement la mer de Tibériade.

La Montagne sur laquelle Jésus fera un jour son Sermon, — cette Contre-Apocalypse, et tout entière dirigée contre le Juif consubstantiel au Père, — c'est dans Cérinthe une figure du Sion transporté sur le Tabor pour les besoins de la fable. C'est sur le Sinaï que le Verbe de Dieu dans sa gloire révéla jadis à Moïse le contenu des bibles testamentaires, c'est-à-dire la prédestination juive : Considérez bien tout et faites sur le modèle qui vous a été montré sur la Montagne[21]. Sur cette Montagne, transportée à Sion par le Joannès pour l'exécution du testament, Jésus devait venir en 789, et vous savez assez qu'il n'en avait rien fait. Mais en similitude ne pouvait-il venir au moins sur le Tabor ? C'est ce qu'il fait dans Cérinthe où il est encore millénariste. Le Tabor, la mer de Tibériade, voilà les lieux choisis pour les logophanies de Jésus. La Montagne, c'est là qu'il descend dans sa gloire du matin ; la Mer, c'est là qu'il se mire dans sa gloire du jour ; et c'est encore la Montagne et la Mer qui le soir voient les derniers rayons du Pain de lumière, dont sont sorties les douze heures de la journée.

Devant le sèmeion de la Prorogation les cinq mille rassasiés ont voulu proclamer Jésus roi.

Mais comme celui dont il emprunte ici les formes a eu la faiblesse de ceindre la couronne en son vivant, Jésus s'enfuit pour éviter que, hors de Judée, les goym pleins de bestialité ne le confondent avec ce roi si peu décoratif.

15. Et Jésus, ayant connu qu'ils devaient venir pour l'enlever et le faire roi, s'enfuit de nouveau sur la Montagne tout seul.

Tout seul ? Nullement. Il est toujours suivi des cinq mille, nous en avons la preuve au verset qui vient. Mais en dépit de cette respectable escorte il n'en demeure pas moins seul à partir de six heures du soir, comme le veut l'antique division de la journée juive.

La première heure de la nuit étant venue, les cinq mille disciples cèdent la place aux puissances de Satan et montent dans leur barque pour s'aller poster sur la rive orientale où Jésus les retrouvera le lendemain à l'aube. La solitude ne l'effraie pas et d'ailleurs elle n'est qu'apparente, car il a l'indéfectible compagnie des douze Æons et des vingt-quatre Vieillards qui sont pleins de souvenirs et d'anecdotes[22]. Les cinq mille ne peuvent pas le suivre là où il va, et lui-même subit la condition de la forme qu'il a revêtue, il est soumis à Satan pendant les heures de nuit, il est esclave de celui qu'il appellera tout à l'heure le Prince du monde. Ainsi sont les douze apôtres-hommes, à supposer que Cérinthe les sous-entende, ce que la suite donne à croire.

16. Dès que le soir fut venu, ses disciples descendirent à la mer.

17. Et quand ils furent montés dans la barque, ils vinrent de l'autre côté de la mer, vers Capharnaüm. Or les ténèbres s'étaient déjà faites, et Jésus n'était pas venu à eux.

18. Cependant, au souffle d'un grand vent, la mer s'enflait.

19. Après donc qu'ils eurent ramé environ vingt-cinq ou trente stades[23], ils virent Jésus marchant sur la mer, et s'approchant de la barque, et ils eurent peur.

20. Mais il leur dit : C'est moi, ne craignez point.

21. C'est pourquoi ils voulurent le prendre dans !a barque, et aussitôt la barque se trouva à la terre où ils allaient.

Allant de l'occident, où a eu lieu la Prorogation du monde, à l'orient où se trouve Capharnaüm, ils l'avaient laissé seul parce qu'ils ne pouvaient pas faire autrement. L'abandonnant, ils avaient reculé dans la nuit, comme ils feront au Mont des Oliviers dans l'allégorie de la Fuite des Apôtres. C'est dans leur fonction, leur journée finie, la journée de douze heures, — la C.G.T. n'en veut plus que huit. L'obscurité s'est répandue sur la terre, et toute la nuit s'est passée, pendant laquelle les douze disciples de jour attendent le signal convenu, étoile du matin, celle de Bar-Jehoudda, pour marcher de nouveau à la suite de leur maître. Ils sont sur les eaux, près du bord, il est vrai, mais incapables d'aborder si Jésus ne les tire de là en venant à eux de l'Orient et en mettant le pied dans leur barque. Pourquoi ont-ils eu peur à ce moment ? Parce que leur barque n'est aménagée que pour douze et qu'une personne de la stature de Jésus l'eût fait chavirer immédiatement. Mais Jésus, pour marcher sur les eaux, n'a pas besoin de monter dans une barque construite de main d'homme. Il a son Arche à lui.

Le premier mouvement de Jésus après avoir prorogé le monde, ce devait être de marcher sur la mer. Une vieille habitude ! Tandis que Pythagore et ses disciples, instruits par les Egyptiens, enseignaient depuis des siècles, dix-sept cents ans avant les Copernic et les Galilée, que la Terre avait deux mouvements, l'un sur son axe, l'autre autour du Soleil, et qu'elle n'était nullement placée au centre de la sphère céleste[24], le Joannès avait, dans l'Apocalypse dont on a tiré les deux Lettres de Pierre, soutenu qu'elle était comme un radeau tenu en équilibre par la puissance du Verbe.

 

Ces Juifs qui parlent de Dieu comme s'ils l'avaient fait, qui sont allés au cieux d'où ils ont vu le monde, ont, après une longue inspection, découvert qu'à part les vagues soulevées, l'eau ne bougeait non plus que la terre. Jésus, Parole créatrice, Esprit de Dieu porté sur les eaux[25], et qui arpente quotidiennement l'Océan, peut donc se promener sur la mer de Galilée avec aisance.

Mais pour cela il a fallu renverser toute l'Apocalypse : la mer devrait avoir disparu depuis 789 ! C'est pour ne pas démentir publiquement Bar-Jehoudda qu'il fait l'expérience sur un lac préalablement baptisé mer par l'Évangéliste en violation des droits de l'eau douce. Les Synoptisés disposent l'allégorie de façon un peu différente, et mettent en avant Shehimon dit la Pierre qui est mort dans la même erreur que son frère le christ, c'est assavoir que le Fils de l'homme supprimerait la mer. Le lendemain de la Prorogation Jésus marche sur les eaux pour aller rejoindre les disciples qui se sont embarqués les premiers. A la vue de ce fantôme, car il n'y a qu'un Esprit capable d'un pareil exploit, — et quel Esprit, celui de la Genèse ! — ils sont pris de frayeur.

Rassurez-vous, leur dit-il, c'est Moi ; n'ayez point de peur. — Alors Pierre : Maître, si c'est toi, ordonne que j'aille à ta rencontre sur les eaux. — Viens, dit Jésus. Et, descendant de la barque, Pierre marche sur les eaux et va vers lui. Maïs à la violence du vent il est effrayé, et comme il commence à s'enfoncer, ri crie : Maître, sauve-moi ! Jésus, étendant la main, le saisit et lui dit : Homme de petite foi, pourquoi as-tu douté ? Et quand ils sont montés dans la barque, le vent s'apaise. Alors les disciples restés à bord se prosternent devant lui en disant : Vraiment, tu es le Fils de Dieu.

En effet, le doute n'est pas permis, et l'évangéliste vient de rendre à l'Apocalypse un hommage dont Pierre sent toute la délicatesse. Allons ! il est bien vrai que tout ce qui est de la terre (Pierre lui-même), se tient sur la mer grâce au Verbe. Mais le Verbe peut supprimer la mer, et c'est pourquoi dans Cérinthe Shehimon va plus loin encore que dans les Synoptisés, il n'hésite pas à se jeter à l'eau, tant était grande sa foi dans la parole de son père, le Joannès Ier !

J'avais d'abord pensé que, spéculant sur une confusion facile entre la mer de Galilée et le lac Asphaltite, les Évangélistes avaient voulu émerveiller les bonnes d'enfants de la Sabine et les soldats de la troisième légion en leur présentant comme miracles certains phénomènes dont les naturalistes et les géographes, même anciens, donnent ouvertement la raison[26]. Mais je suis revenu de cette opinion comme de beaucoup d'autres.

22. Le jour suivant, le peuple, qui se tenait de l'autre côté de la mer[27], observa qu'il n'y avait eu là qu'une seule barque, que Jésus n'était point entré avec ses disciples dans cette barque, mais que ses disciples seuls étaient partis ;

23. Cependant, d'autres barques[28] vinrent de Tibériade, près du lieu où ils avaient mangé le pain, le Seigneur ayant rendu grâces.

24. Quand le peuple eut vu que Jésus n'était point là, ni ses disciples, il monta lui aussi dans les barques, et vint à Capharnaüm, cherchant Jésus.

Cette allégorie nous permet de fixer un point de topographie important, car elle place indiscutablement Kapharnahum sur la rive orientale du lac, à l'opposite de Tibériade et au-dessous de Bethsaïda Juliade. Sans aucun argument valable, et uniquement parce qu'il plaît à leur imagination que Jésus soit homme et de la Galilée proprement dite, tous les exégètes modernes placent Kapharnahum sur la rive occidentale, au-dessus de Magdala dont ils font la ville natale de Maria la Magdaléenne. Ils décrivent le bourg, un gros bourg qui dans cette combinaison se trouve sur la route d'Egypte en Syrie, ils y placent un bureau de publicains, et un centurion qui commande la garnison romaine, parce qu'ils trouvent le bureau de publicains dans Mathieu[29] et le Centurion dans Luc[30], lequel bureau, à supposer qu'il ait existé, ce qui est douteux, se trouvait sur la rive opposée. Comme il y avait une synagogue à Kapharnahum, on en montre les ruines à Tell Hum sur la rive occidentale. Rien n'empêcherait, si on le voulait bien, d'y montrer le bureau de publicains et le tombeau du centurion. Je signale cette lacune aux archéologues en mal de fouilles.

25. Et l'ayant trouvé de l'autre côté de la mer[31], ils lui dirent : Maître, comment êtes-vous venu ici ?

26. Jésus leur répondit, et dit : En vérité, en vérité je vous le dis, vous me cherchez, non parce que vous avez vu le s signes, mais parce que vous avez mangé des pains et avez été rassasiés.

La reconnaissance du ventre qu'ils se sont brossé la veille, c'est un comble ! Remarquez qu'en leur distribuant les restes des cinq pains, Jésus ne leur a rien donné qu'ils n'eussent déjà en eux-mêmes, il leur a donné le change comme toujours. En effet les cinq mille ans auxquels les pains correspondent étaient dévorés depuis longtemps lorsque Jésus descend dans cette Écriture, il s'est abominablement moqué d'eux en leur en distribuant les restes. Il y a des restes de Poissons, — huit cents et quelques, si l'on admet que Cérinthe compose sous Marc-Aurèle, — mais depuis le 15 nisan 789 il n'y a pas un seul reste du Verseau qui pourtant est le dernier des cinq pains.

 

L'ARCHE D'ALLIANCE.

 

Les disciples se gardent bien de relever ce qu'il y a de ludificatoire dans cette plaisanterie. Ils se tiennent pour satisfaits. En revanche ils font les étonnés sur un autre point.

Pour retourner de l'occident sur la rive orientale du lac ils sont montés dans une barque, tandis que Jésus s'est trouvé tout transporté le lendemain matin sans que personne l'ait vu emprunter ce moyen terre à terre. Et pourtant il est dit qu'ils l'ont pris dans cette barque unique et qu'il l'a affermie sur les eaux.

 

Il n'est pas surprenant que les gens de Kapharnahum s'assemblent pour lui demander quelques explications, quoi qu'ils soient initiés à ce sèmeion depuis qu'ils sont dans le monde avec des yeux pour voir. Jésus répond à côté comme toujours, car où serait la mystification des goym si Cérinthe répondait par les Paroles du Rabbi ? Répondons pour lui, puisque nous avons l'inappréciable honneur de les connaître. La barque de Jésus et la tempête qui s'élève sur la mer de Tibériade, dans les Évangiles, proviennent de l'Apocalypse. Alors le Temple de Dieu s'ouvrit dans le ciel, et l'on vit l'Arche de son alliance dans son Temple, et il se fit des éclairs, des voix, un tremblement de terre et une grosse grêle[32]. Tel est à la lettre le sèmeion que Joannés avait promis aux Juifs pour leur entrée dans le Cycle du Zib.

Or, il fallait bien en convenir, à l'échéance on n'avait rien vu de tout cela ; et en fait d'Arche, on n'avait vu que les barques qui continuaient à fendre, sous l'effort des bras, les eaux tranquilles du lac de Tibériade. Mais l'Esprit pouvait décider que Jésus, ayant pris les traits du christ dans la fable, emprunterait pour passer le lac une arche spécialement taillée pour lui par Jehoudda dans le bois léger des similitudes. Comme nous l'avons dit déjà, cette barque séméiologique est la seule que le Charpentier ait jamais fabriquée, et c'est celle que monte Jésus le lendemain de la Prorogation. La barque de Jésus est une invention des Évangélistes en souvenir de l'Apocalypse, et quand ils en attribuent la construction à Jehoudda, c'est un hommage délicat qu'ils rendent au fondateur de la secte christienne.

Jésus qui, sous les traits de Bar-Jehoudda, traverse tout l'Évangile ne peut monter dans une autre barque que celle de son père selon le monde. Et comme le Fils de l'homme transfigure non seulement Bar-Jehoudda, mais la barque elle-même, nous nous permettons de signaler aux exégètes, voire aux herméneutes, un fait qui semble leur avoir échappé jusqu'ici ; cette barque sans seconde se présente aux disciples de l'Agneau dans la même situation que l'Arche d'alliance ; elle est sens dessus-dessous, la coque tournée vers le ciel et les bords adhérents à l'eau. Illustres exégètes, et vous, très précieux herméneutes, c'est là une chose que voua ne pouvez nier sans faire tort a l'effet optique de la voûte céleste inclinant vers l'horizon ; ce que nous comparons aujourd'hui à une cloche, les Juifs, imitateurs des Égyptiens, le comparaient à une Arche où le Soleil, passager unique, escorté toutefois des douze rameurs de la journée, s'embarquait le matin à l'Orient pour débarquer le soir à l'Occident.

L'Arche est dite le marchepied de Dieu[33]. C'est pourquoi David danse de joie devant elle lorsqu'il la enfin recouvrée. Il recouvre en même temps les prophéties inscrites sur les deux tables qu'elle abrite, prophéties captives de la terre jusqu'à ce que Dieu leur donne la volée en lâchant sa colombe.

Il est à craindre qu'emportés par le soin de vos affaires, vous ne vous rappeliez pas très bien dans quelles circonstances Dieu a établi cette Arche. Ce fut quand le patriarche Noé, descendu de la sienne après le déluge, éprouva le besoin d'avoir un signe d'alliance et de protection. L'arche de Noé, comme toutes celles que nous construisons, avait la coque dans Tenu et les bords tournés vers le ciel. Dieu, étant donné l'assiette de son Temple, n'a pas pu donner à Noé de sèmeion meilleur que l'Arche Céleste qui, la coque en haut e les bords en bas appuyés sur les eaux, vient s'adapter à ceux de l'Arche terrestre et la tient en équilibre parfait. C'est mal connaître Dieu et mal entendre la Genèse que de traduire arche en ciel[34] par arc-en-ciel. L'arc-en-ciel est une petite pièce d'artifice que Dieu ne tire pas assez souvent et qui dure trop peu pour constituer un signe d'alliance éternelle. L'arche en ciel au contraire a toutes les qualités d'un traité que la tempête la plus violente, les tremblements de terre les plus désastreux n'ont jamais pu déchirer, que les nuées les plus épaisses et l'obscurité la plus profonde n'ont jamais pu effacer. C'est donc l'arche du ciel et non un arc-en-ciel que Dieu a établi pour signe.

Que les exégètes et aussi les herméneutes ne veuillent rien entendre quand c'est moi qui parle, je le comprends et ne m'en formalise point ! Mais quand c'est le Juif consubstantiel au Père, mon indignation ne connaît pas de bornes.

En effet, ce Juif ne cesse de répéter aux autres Juifs qu'il traduit toujours littéralement et juxtalinéairement la Parole écrite du Père, et cette Parole est telle : Voici le signe de l'alliance que j'établis pour jamais entre moi et vous, et tous les animaux vivants qui sont avec vous. Je mettrai mon Arche dans les nuées, afin qu'elle soit le signe de l'alliance que j'ai faite avec la Terre. Et lorsque j'aurai couvert le ciel de nuages mon Arche paraîtra dans les nuées... Mon Arche sera donc dans les nuées, et en la voyant je me souviendrai de l'alliance... que j'ai faite avec vous. Lors donc que Le Maistre de Sacy et combien d'autres ! traduisent arche pour arc, j'éprouve comme un serrement de cœur à la pensée que Dieu aurait limité sa protection à la durée d'un arc-en-ciel, et ce n'est point le respecter que de lui supposer une aussi mesquine intention.

S'ils ne veulent point l'écouter, qu'ils écoutent au moins le Juif qui lui est consubstantiel ! Car il n'est pas douteux que dans son Apocalypse celui-ci n'ait eu en vue l'Arche céleste et non un arc-en-ciel. Si Dieu — non, laissons Dieu qui est une autorité surannée ! — si le Juif qui lui est consubstantiel avait voulu parler d'un arc-en-ciel, est-ce que l'Arche révélée à Moïse renfermerait la double table du testament[35] que complètent la table contenant les Douze pains constamment proposés à la bénédiction de Dieu, et le Chandelier planétaire dont les sept branches évoquent les sept jours de la Genèse[36] ?

 

INCOHÉRENCES, FOURBEB1ES ET DIVAGATIONS.

 

Poursuivant la démonstration commencée, Jésus met les christiens juifs en garde contre la vieille théorie du Royaume terrestre, de la Première résurrection, du Premier jugement, de la nourriture millénaire que l'Eden leur offrait sans rien faire, de la ville tout en or et pierreries qui descendait du ciel à l'appel de leur prophète. Voilà ce qu'ils attendent encore de lui, n'étant point dupes des miracles chiffrés par lesquels Cérinthe remplace les réalités annoncées par le Joannès. Jésus dit alors :

27. Travaillez, non pas en vue de la nourriture qui péril, mais de celle qui demeure pour la vie éternelle, et que le Fils de l'homme vous donnera ; car Dieu le Père l'a scellée de son sceau[37].

28. Ils lui demandèrent : Que ferons-nous pour travailler aux œuvres de Dieu ?

29. Jésus répondit et leur dit : L'œuvre de Dieu, c'est que vous croyiez en celui qu'il a envoyé.

30. Ils lui repartirent : Quel signe donc faites-vous pour que nous voyions et que nous croyions en vous ?

31. Nos pères ont mangé la manne dans le désert, comme il est écrit : Il leur a donné du pain du ciel à mander.

Ô comble de l'ingratitude et de l'amnésie ! Voilà neuf mille hommes, sans compter les femmes et les enfants, qui, hier encore, affamés depuis trois jours, mettaient une telle foi en Jésus qu'à la fatigue d'un jeûne extraordinaire ils ajoutent l'ascension d'une montagne abrupte pour avoir à manger de lui ; neuf mille hommes, sans compter les femmes et les enfants, que Jésus a comblés jusqu'au rassasiement avec cinq pains et deux petits poissons ; neuf mille hommes, sans compter les femmes et les enfants, qui ont dans Kana des parents et des amis pour qui Jésus a naguère changé six cruches d'eau en six cruches de vin ! Et ils demandent un signe réel ? Et ils demandent à voir un acte ? Ils ont encore des miettes de pain et des arêtes de poisson entre les dents, et ils ne croient pas ! Qu'est-ce qu'il leur faut donc ?

Ce qu'il leur faudrait à côté de ces similitudes, de ces parodies où le cerveau de l'Evangéliste s'exténue, ce serait un fait quelconque dans lequel Jésus aurait donné signe de vie. De ces signes-là Jésus n'en donne que sur le papier.

Moïse en avait fourni de visibles, de comestibles même ; la manne au désert, par exemple. Mais lui, il en est réduit aux fumées alimentaires de l'homélie !

32. Jésus leur dit donc : En vérité, en vérité je vous le dis, Moïse ne vous a point donné le pain du ciel, mais c'est mon Père qui vous donne le vrai pain du ciel.

33. Car le pain de Dieu est celui qui descend du ciel et donne la vie au monde[38].

34. Ils lui dirent donc : Seigneur, donnez-nous toujours ce pain.

35. Et Jésus leur dit : C'est moi qui suis le pain de vie ; qui vient à moi n'aura pas faim, et qui croit en moi n'aura jamais soif.

36. Mais je vous l'ai dit[39], vous m'avez vu et vous ne croyez point.

37. Tout ce que me donne mon Père viendra à moi, et celui qui vient à moi, je ne le rejetterai pas dehors ;

38. Parce que je suis descendu du ciel, non pour faire rua volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé.

39. Or c'est la volonté de mon Père qui m'a envoyé, qu e de tout ce qu'il m'a donné, rien ne se perde, mais que je le ressuscite au dernier jour.

40. C'est la volonté de mon Père qui m'a envoyé, que quiconque voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle, et moi je le ressusciterai au dernier jour.

41. Cependant les Juifs murmuraient contre lui, parce qu'il avait dit : Moi je suis le pain vivant qui suis descendu du ciel.

42. Et ils disaient : N'est-ce pas là Jésus, le fils de Joseph, dont nous connaissons le père et la mère ? Comment donc dit-il : Je suis descendu du ciel ?

43. Mais Jésus répondit et leur dit : Ne murmurez point entre vous.

44. Nul ne peut venir à moi, si le Père qui m'a envoyé ne l'attire ; et mai je te ressusciterai au dernier jour.

Je suis le Pain descendu du ciel, c'est la vérité même. La manne de lumière est dans l'Arche[40] et il descend de l'Arche.

La logophanie sur laquelle roule toute cette scène ne a aurait en imposer aux Juifs, tous connaissent et le nom réel de l'individu dans lequel opère Jésus et le nom réel de Joseph de Nazireth et le nom réel de Maria Magdaléenne. L'objection qu'ils font sert l'allégorie, mais ils ne sont point dupes. Joannès le leur a dit tout l'heure l'Aïn de Salomon : Celui qui est de la terre e st de la terre, celui qui vient du ciel est du ciel. Le Premier, c'est Bar-Jehoudda ; le second, c'est Jésus, et il est loin d'approuver l'homme dans lequel il est.

Par trois fois il se prononce formellement contre l'Apocalypse de la Première résurrection et du Premier Jugement, il n'y aura résurrection qu'au dernier jour, c'est-à-dire à la consommation totale de l'Œuvre de Dieu. Point de première résurrection à la suite d'un Premier jugement, comme avait dit le christ. Ce n'est pas le Jésus de Cérinthe qui parle ici, c'est un autre, et anti-millénariste. Le Jésus de Cérinthe, c'est celui qui tout à l'heure va dire à Thamar, sœur du christ et femme d'Eléazar-bar-Jaïr : Ce n'est pas au dernier jour que je te ressusciterai ton mari, c'est aux Ânes de 789, conformément à la doctrine de ton frère ; il sera de la Première résurrection et exonéré du Second jugement. Et pour t'en donner la preuve de ton vivant même, où est-il que je te le ressuscite après trois jours ? Et il le ressuscitera par provision dès les Poissons de 788.

45. Il est écrit dans les prophètes : Ils seront tous enseignés de Dieu. Quiconque a entendu la voix du Père et a appris, vient à moi.

46. Non que personne ait vu le Père, si ce n'est celui qui est de Dieu[41] ; car celui-là a vu le Père.

47. En vérité, en vérité je vous le dis : Qui croit en moi a la vie éternelle.

48. C'est moi qui suis le pain de la vie.

49. Vos pères ont mangé la manne dans le désert, et sont morts.

50. Voici le pain qui descend du ciel, afin que si quelqu'un en mange, il ne meure point.

51. Je suis le pain vivant, moi qui suis descendu du ciel.

Entendu, c'est le soleil qui est le pain de vie, et non la manne ; elle n'en était même pas la mie, tous ceux qui en ont mangé sont morts. Il le dira tout à l'heure à Thamar et dans les mêmes termes : Celui qui croit en moi a la vie éternelle. Par conséquent, l'Eden fût-il revenu, comme on avait dit, qu'il se serait corrompu de nouveau et que le Temps eu aurait eu encore une fois raison. Le christ est mort comme sou père et sa mère, ses frères et ses sœurs. Ceci ne fait point l'affaire de l'Église depuis que, par la pâque introduite dans les Synoptisés, le corps et le sang du crucifié sont devenus le pain résurrecteur. Fort heureusement Valentin qui parle ici[42] a subi le sort commun, il est mort ; il n'a pas légué son corps aux Juifs, mais son texte est tombé dans le domaine ecclésiastique. On peut donc l'entrelarder de quelques fortes pensées sur les propriétés de la mystification eucharistique. Oyez.

52. Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement ; et le pain que je donnerai, c'est ma chair pour la vie du monde.

53. Les Juifs donc disputaient entre eux, disant : Comment celui-ci peut-il nous donner sa chair à manger ?

54. Et Jésus leur dit : En vérité, en vérité je vous le dis : Si vous ne mangez la chair du fils de l'homme, et ne buvez son sang, vous n'aurez point la vie en vous.

55. Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi je le ressusciterai au dernier jour,

56. Car ma chair est vraiment nourriture, et mon sang est vraiment breuvage.

57. Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi en lui.

58. Comme mon Père qui est vivant m'a envoyé, et que moi je vis par mon Père, ainsi celui qui me mange vivra aussi par moi.

59. Voici le pain qui est descendu du ciel. Ce n'est pas comme vos pères, qui ont mangé la manne et sont morts. Celui qui mangera ce pain vivra éternellement.

60. Il dit ces choses, enseignant dans la synagogue, à Capharnaüm.

Ce sont de perpétuelles répétitions, on divague à perte de vue et dans un tel désarroi qu'on introduit toutes ces inepties dans un Évangile où le christ est en croix avant la pâque, et où par conséquent Jésus n'institue pas d'Eucharistie !

61. Mais beaucoup de ses disciples, l'ayant entendu, dirent : Ces paroles sont dures, et qui peut les écouter ?

62. Or Jésus sachant en lui-même que ses disciples en murmuraient[43], leur dit : Cela vous scandalise ?

63. Et si vous voyiez le Fils de l'homme montant où il était auparavant ?[44]

64. C'est l'esprit qui vivifie ; la chair ne sert de rien ; or les paroles que je vous ai dites, sont esprit et vie.

65. Mais il en est parmi vous quelques-uns qui ne croient point. Car Jésus savait, dès le commencement, qui étaient ceux qui ne croyaient pas[45], et lequel devait le livrer[46].

66. Et il disait : C'est pourquoi je vous ai dit que nul ne peut venir à moi, s'il ne lui est donné par mon Père.

67. Dès lors, beaucoup de ses disciples se retirèrent et ils n'allaient plus avec lui.

C'est incontestablement ce qu'ils auraient fait si le christ avait affiché un pareil programme. Non seulement il ignorait qui devait l'arrêter, mais il leur avait annoncé la victoire pour ainsi dire sans combat. S'il en eût été autrement, il n'aurait même pas pu compter sur sa mère et ses frères, car où est le Royaume des Juifs dans tout cela ?

Jésus se tourne donc vers les Douze qui simulent sa compagnie terrestre ; ils sont toujours avec lui, quoique Cérinthe ne nous les ait pas présentés nominalement. Le crucifié est au premier rang, Jehoudda Is-Kérioth est présent aussi, tenant à la main les courroies qu'il avait à Lydda pour le conduire à Jérusalem.

68. Jésus donc dit aux douze : Et vous, voulez-vous aussi vous en aller ?

69. Mais Simon-Pierre lui répondit : Seigneur, à qui irions-nous ? Vous avez des paroles de vie éternelle.

70. Pour nous, nous avons cru, et nous avons connu que vous êtes [le christ], le Fils de Dieu[47].

71. Jésus leur répondit : N'est-ce pas moi qui vous ai choisis tous les douze ?[48] Cependant l'un de vous est un démon.

72. Il parlait de Judas Iscariote, fils de Simon ; car c'était lui qui devait le livrer, quoiqu'il fût un des douze[49].

Is-Kérioth était un démon, mais le christ en était un autre, il était le premier et le pire des sept démons que Jésus avait extraits des davidiques entrailles de Salomé. Quant à Is-Kérioth, s'il devait arrêter Bar-Jehoudda, ce n'est pas quoiqu'il fût un des douze, c'est parce qu'il est un des douze, il est engagé pour cela. C'est l'Æon contre-christ.

On ne peut douter que cette scène ne soit ajoutée. Le Joannès va nous dire lui-même, cent cinquante ans au moins après sa mort, qu'il ignorait qui le livrerait.

 

 

 



[1] Mathieu, XIV, 13. Marc, VI, 33.

[2] Cela fait environ cent cinquante francs. Observons à ce sujet que la question d'argent n'embarrasse jamais le revenant du christ et ses frères selon le monde. Ils étaient d'une famille où l'argent affluait.

[3] Date où, lapidé par le prince Saül, il a revêtu la robe décrite dans l'Apocalypse.

[4] Paidarion, dit le texte grec.

[5] Cf. Le Roi des Juifs.

[6] Ne pas oublier que Jehoudda, le Joannès Ier de l'Évangile, avait appris à ses fils que le monde en cours avait été précédé d'un monde édénique.

[7] Nom chaldéen du Verseau. Autrement dit Zibdéos.

[8] Au témoignage de l'Apocalypse. Cf. Le Roi en Juifs.

[9] Cf. Le Charpentier.

[10] On trouvera ces témoignages dans le chapitre que nous consacrons aux Paroles du Rabbi et qui ne fait pas partie de ce volume.

[11] Quelle honte !

[12] L'auteur de cet écrit fait entrer dans ses calculs le Mille d'Adam que Cérinthe tient en dehors des siens.

[13] Mathieu, III, 12.

[14] Cf. Le Rois des Juifs.

[15] Cf. Le Roi des Juifs.

[16] Marc, VI, 30, et Luc, IX, 14.

[17] Odyssée, livre XII.

[18] Sur le sens millénariste des douze pains de proposition toujours présents sur l'autel dans le Temple, cf. Le Charpentier.

[19] Ceci dans le Didaché (l'Enseignement) qui, au deuxième siècle, ignore complètement l'eucharistie actuelle et le prétendu sacrifice volontaire du christ sur la croix.

[20] Sur cette théorie de Jehoudda voir Le Charpentier.

[21] Exode.

[22] Les vingt-quatre heures de lumière ininterrompue. Cf. Le Roi des Juifs.

[23] Les trente jours qui vont des Poissons à l'Agneau (15 adar-15 nisan).

[24] Plutarque, Vie des hommes illustres, et Rambosson, Les Astres, ch. I, § 1.

[25] C'est sa définition dans la Genèse.

[26] Tout le monde sait que dans certaines parties du rivage de la mer Morte l'eau est à ce point chargée de bitume qu'elle repousse les corps malgré eux. La propriété de cette eau a été décrite par tous les voyageurs, et aujourd'hui encore on ne manque pas d'en faire l'expérience.

[27] Le coté Tabor d'où les cinq mille sont partis pour rentrer à Kapharnahum.

[28] On a ajouté le mot barque lorsqu'on eut décidé que Kapharnahum serait du même côté, au nord, que Tibériade. Ce mot rend incompréhensible topographiquement cette allégorie déjà si obscure. Car il n'y a aucun moyen d'aller en barque de Tibériade près du Tabor, qui domine le Haram Mégiddo, la plaine où, selon l'Apocalypse, le Fils de l'homme devait prononcer le premier Justement des vivants et des morts en 789.

[29] Mathieu, IX, 9.

[30] Luc, VII, 2.

[31] Le côté Capharnaüm où les cinq mille sont rentrés.

[32] Apocalypse, XI, 19.

[33] Paralipomènes, XXVIII, 2 ; Psaumes, XCVIII, 5, CXXXI, 7 ; Lamentations, II, 1.

[34] Genèse, IX, 12-17.

[35] Qu'il ne faut pas confondre, nous l'avons dit déjà, avec les livres de la Loi. Les deux tables sont le témoignage des destinées d'Israël. (Apocalypse).

[36] Exode, XXV, 10-40.

[37] Voir les sept sceaux dans l'Apocalypse, mais ici il s'agit de la croix. Cf. Le Roi des Juifs.

[38] La chaleur et la lumière en qui est la vie du monde. Cf. la définition du Verbe.

[39] C'est en effet la répétition de ce qui a été dit à la Samaritaine.

[40] Exode, XVI, 36. Ainsi que les deux tables du testament, Deutéronome, X, 2, et Rois III, VIII, 6.

[41] C'est-à-dire le Verbe, son Fils de toute éternité.

[42] Le propos, nettement anti-millénariste, ne saurait être de Cérinthe.

[43] En sa qualité de Verbe Jésus sait tout d'avance, surtout quand les hommes l'en instruisent. On lui apprend ici que les disciples de Jehoudda, Naziréens, Ébionites, Jesséens, ne veulent pas céder à l'imposture eucharistique et restent sur leurs positions millénaristes.

[44] Nous avons expliqué déjà, que rien n'eût désobligé davantage des gens qui, pour commencer, espéraient vivre mille ans avec le christ.

[45] Jehoudda Is-Kérioth était de ceux-là, par conséquent il n'était pas disciple de Jehoudda et ne croyait pas que le fils du Rabbi fut le christ. Il n'était pas le seul.

[46] Paradôsôn auton, le remettre aux mains de ceux qui l'ont ensuite livré aux Romains. C'est tromper les hommes que de traduire paradidômi par trahir.

[47] Le christ est une interpolation qu'explique la fourberie ecclésiastique dont Jésus est victime en tant que Verbe.

[48] Dans les Synoptisés, oui. Dans cet Évangile, non. Cérinthe vient de dire ; Is-Kérioth est un de ceux qui, depuis le commencement, ne croyait pas.

[49] Addition certaine. Cérinthe vient de dire qu'il n'était même pas disciple de Jehoudda.