LE MENSONGE CHRÉTIEN - (JÉSUS-CHRIST N'A PAS EXISTÉ)

 

TOME VI — L'ÉVANGILE DE NESSUS

I. — L'ÉVANGILE DE CÉRINTHE.

 

 

CHAPITRE II. — LES NOCES DE KANA.

 

Cérinthe nous a présenté les sept fils de Joseph de Nazireth, les sept démons qu'en sa qualité de Verbe créateur Jésus a tirés du sein de Maria Magdaléenne, il lui faut maintenant mener Jésus chez sa mère selon le monde. Il ne saurait être question de son père. Vous connaissez la doctrine de ce kanaïte : N'appelez personne ici-bas votre père, car vous n'en avez qu'un et il est là-haut. Et puis, au moment où l'action s'engage, son père selon le monde est mort depuis une quinzaine d'années, rapportant à Celui qui le lui a donné le nom de circoncision qui ne saurait trouver place dans la fable[1]. C'est chez sa veuve que Jésus pénètre ; elle a l'avantage de n'avoir pas d'autre nom légal que celui de son mari, et comme celui-ci l'a rendu avec l'âme, elle est anonyme par viduité.

La maison où se passe la scène est à Kana. Elle ne peut être ailleurs. Les membres de la famille jehouddolâtre mêlés à l'histoire de la Judée avaient mérité le nom de Kannaïtes et ensuite celui de Sicaires ou Assassins[2]. Le père de Samuel s'appelait El-Kana[3] et Samuel a sacré David roi d'Israël. Kana veut dire zèle, et c'est pourquoi tous, notamment Shehimon et Ménahem-Nathana-El, ayant laissé une renommée exceptionnelle parmi les Kannaïtes, sont dits de Kana comme leur père est dit de Nazireth, avec cette différence que Kana existe. A l'histoire du kanaïsme tracée par les annalistes Cérinthe oppose un petit jeu de mots ; si quelqu'un demande en quoi consistait le zèle spécial de Bar-Jehoudda qui fut jadis le roi des Kannaïtes, on répondra qu'il consiste à avoir habité sous le nom de Jésus le bourg de Kana en Galilée. Eu choisissant Kana pour le lieu de la scène, Cérinthe donne le change sur la véritable étymologie du mot kana, — si compromettante ! disons plus, inavouable.

1. Trois jours après[4], il se fit des noces à Kana en Galilée ; et la mère de Jésus y était.

2. Et Jésus aussi fui convié aux noces avec ses disciples.

3. Or, le vin manquant, la mère de Jésus lui dit : Ils n'ont pas de vin.

4. Et Jésus lui dit : Femme, qu'y a-t-il de commun entre moi et vous ? Mon heure n'est pas encore venue.

5. Sa mère dit à ceux qui servaient : Tout ce qu'il vous dira, faites-le.

6. Or il y avait là six urnes de pierre préparées pour la purification des Juifs, contenant chacune deux [ou trois] métrètes.

7. Jésus leur dit : Emplissez les urnes d'eau. Et ils les emplirent jusqu'au haut.

8. Alors Jésus leur dit : Puisez maintenant, et portez-en à l'Architriclin (maître d'hôtel). Et ils lui en portèrent.

9. Sitôt que le Maître d'hôtel eut goûté l'eau changée en vin (et il ne savait d'où ce vin venait, mais les serviteurs qui avaient puisé l'eau le savaient), le Maître d'hôtel donc appela l'époux.

10. Et il lui dit : Tout homme sert d'abord le bon vin, et après qu'on a beaucoup bu, celui qui vaut moins ; mais toi, tu as gardé le bon vin jusqu'à cette heure.

11. C'est là le commencement des signes que fit Jésus à Kana de Galilée ; et c'est ainsi qu'il manifesta sa gloire, et que ses disciples crurent en lui.

Personne, l'Église moins que toute autre, n'a jamais rien compris à ces Noces symboliques, et chacun y a vu le récit d'un mariage réel auquel un individu nommé Jésus aurait apporté le concours de facultés miraculeuses. Ce prétendu miracle est un attrape-nigaud millénariste dans le genre de ceux que Samson nous a fournis. C'est une opération de change analogue à celle dont les philistins sont victimes avec leurs trente morts au mois, les cent cinquante torches des trois cents chacals, la mâchoire d'âne et le reste[5].

 

 

CHIFFREMENT OU MIRACLE SÉMÉIOLOGIQUE DE KANA.

 

Grosse difficulté qui revient à chaque instant et dont Jésus ne peut sortir que par des échappatoires : étant d'esprit, n'ayant d'autre corps que celui de Bar-Jehoudda, Jésus ne peut donner ni signes célestes ni signes terrestres. Comment suppléer à cette absence totale de sèmeia pendant son passage sur la terre ? Par l'expédient des miracles. Les miracles sont des signes paraboliques, des similitudes, des imitations de signes, des signes écrits, des signes sur le papier. L'Ombre du Verbe accomplit des ombres d'actes, comme dans Scarron !

Il ne s'agit pas de prodiges exécutés par un être vivant, mais de problèmes résolus par le scribe même qui les a posés. Je vais vous expliquer le miracle de Kana d'après l'Apocalypse, dont il provient ainsi que tous ceux qui vont suivre.

Jésus qui a passé quatre jours avec ses frères selon le monde n'arrive à Kana que le septième. Mais il partir du quatrième, il peut tout, convertir l'eau en vin, multiplier les pains, ressusciter Eléazar et le christ, quand il le faudra. C'est le privilège de sa constitution solaire dans la Genèse. Le soleil, lumière et chaleur du Verbe, n'a paru sur la terre que le quatrième jour.

Les Noces de Kana, ce sont, mais manquées, les Noces de l'Agneau qu'avait annoncées Bar-Jehoudda sur les indications de son père[6] : Réjouissons-nous, dit-il, tressaillons d'allégresse, parce qu'elles sont venues les Noces de l'Agneau, et que son Épouse y est préparée. Et Jehoudda, à qui il a été donné de revêtir le vêtement de lin blanc des assumés, lui avait dit de son côté : Ecris : Bienheureux sont ceux qui ont été appelés au souper des Noces de l'Agneau, ajoutant : Ces paroles de Dieu sont véritables. Aussitôt, continue son fils, je tombai à ses pieds pour l'adorer ; mais il me dit : Garde-toi de le faire ; je suis serviteur (de la Loi), comme toi et comme tes frères (ses six autres fils). Ces Noces ne s'étant point faites à la date annoncée, c'est-à-dire le 15 nisan 789, Cérinthe, évoquant le souvenir de la Grande pâque manquée, les place tout au commencement de l'action et aussi de l'année civile. C'est une des nombreuses preuves que, même allégoriquement, Jésus ne célébrait pas de pâque dans les premiers Évangiles. A supposer qu'existassent les Synoptisés, Cérinthe n'a pas voulu introduire la Cène dans ses allégories, et c'est une honnêteté dont il faut lui tenir compte ; il n'a pas voulu tendre ce piège à la crédulité publique. Les Noces de Kana ne se trouvent que dans Cérinthe, et c'est pourquoi il n'y a pas de Cène, ce serait un double emploi. Ces Noces n'ayant point été célébrées au commencement du Cycle des Poissons, comme elles l'eussent été si la prophétie de Jehoudda se fût réalisée, Jésus les célèbre au commencement d'une année civile ordinaire, la douzième avant celle où fut crucifié Bar-Jehoudda.

Vous vous rappelez que la venue de l'Époux céleste devait être marquée par la célébration de ses Noces avec la Judée, sa fiancée depuis toujours. Le repas de noces, ce devait être cette pâque de 789 dont Bar-Jehoudda fut, contre son attente, l'agneau crucifié.

N'ayant point composé de Cène pascale à la fin de son Évangile comme ont fait ensuite les Synoptisés, Cérinthe a placé le repas des Noces tout au début de ses allégories ; et comme lieu de réunion il a choisi Kana, un de ces jeux de mots familiers à l'école mythographique. Kana est verbalement la capitale du fanatisme religieux dont Jehoudda et ses fils ont donné les exemples les plus remarquables. Les Noces de Kana, ce sont les Noces promises à son fils aîné par Jehoudda et manquées à la pâque de 789.

 

Quand Jésus arrive dans la maison où on l'attendait, celle David, nulle autre, nous sommes à la fête des Tabernacles. Tout homme sensé qui jettera les yeux sur l'institution des fêtes mosaïques sera obligé de convenir qu'elles répondent à l'ordre et à la marche de l'année selon le dogme millénariste. C'est là leur sens secret ; aucune n'a de cause épisodique dans l'histoire des Juifs, ce sont des fûtes mathématiques, reposant toutes sur cette idée que Dieu a créé le monde en six jours de mille années chacun ; que cette genèse a commencé sous l'Agneau pour finir sous la Vierge ; que, parvenu au septième signe, la Balance, Dieu, satisfait de son œuvre, s'est reposé pendant mille ans dans l'Eden où il avait mis Adam l'androgyne ; et que celui-ci a commis avec sa moitié, détachée de lui non pour la fornication mais pour la fraternité, le péché qui a inauguré le règne de Satan, c'est-à-dire la mort et les ténèbres dont les mois de l'automne et de l'hiver sont l'ombre portée sur la terre. C'est pourquoi le premier jour du septième mois était un sabbat commémoratif de l'œuvre de Dieu terminée sous la Vierge, un sabbat de reconnaissance. Le dixième jour était dit des Expiations parce qu'on y demandait pardon à Dieu de la faute d'Adam commise sous l'inspiration d'un malencontreux Décan[7] et qu'on le priait de redevenir favorable. Tout homme qui ne sera point affligé en ce jour-là périra du milieu de son peuple. Ce jour de repentance avait la valeur d'un sabbat, mais de deuil, à l'encontre des autres ; défense de travailler sous peine de mort.

Ce n'était là que les préliminaires de la fête dite des Huttes ou Tabernacles, laquelle faisait pendant à la fête de pâque, durait sept jours comme celle-ci, et représentait l'équinoxe d'automne pendant lequel Dieu, pour punir Adam, avait permis que Satan le séparât de l'Arbre aux douze récoltes, l'Arbre de vie, et que la terre entrât dans les signes de ténèbres et d'infécondité dont les Poissons marquent le terme. Vous célébrerez chaque année cette fête solennelle pendant sept jours, lorsque vous aurez recueilli les fruits de votre terre (ceux que la Vierge dépose dans la Balance). Au premier jour vous prendrez les branches de l'arbre fruitier le plus beau (le palmier, par exemple, ou le figuier), les rameaux de l'arbre le plus touffu et les saules qui croissent le long des torrents et vous demeurerez sous l'ombre des branches d'arbre pendant sept jours[8]. Telle est la fête originale, et quand, immédiatement, près cette image du Paradis perdu, vous lisez ce qui suit : Tout homme qui est de la race d'Israël demeurera sous les tentes, afin que vos descendants apprennent que j'ai fait demeurer sous des tentes les enfants d'Israël lorsque je les ai tirés d'Égypte[9], vous sentez tous qu'il y a là une adultération manifeste de la pensée primitive, et que la toile des tentes a été substituée à l'arbre dont Adam et Eve avaient par leur faute perdu ses fruits mensuels.

C'est pour cette cause secrète qu'il y avait deux commencements dans la même année, l'un, de source divine, la Pâque, l'autre, d'institution civile, les Tabernacles dans lesquels on enfermait l'espoir de revenir un jour au premier commencement. La pâque avait été le commencement des six jours de mille ans ; les Tabernacles en marquaient la fin, mais on y sous-entend l'espoir d'un retour au commencement.

La fête des Tabernacles a été diversement interprétée par les rabbins et je n'en veux point disputer avec eux. En histoire naturelle, cette fête pourrait s'appeler la fête religieuse de l'eau Édénique, et du vin à provenir de la Vigne du Seigneur, la Vigne aux douze récoltes. L'image de cette eau paradisiaque, c'était la fontaine de Siloé où, chaque année, au retour de l'automne, les prêtres allaient puiser dans des vases sacrés l'eau qu'ils répandaient ensuite, avec le vin, sur le parvis du Temple pour demander à Dieu le retour de ces deux liquides de vie. Comme cette fête se composait d'une période d'affliction à laquelle succédait une période d'allégresse débordante, l'homme qui lisait le livre saint à l'endroit de deuil, s'appelait l'époux de la fin, tandis que celui qui le lisait à l'endroit joyeux s'appelait l'époux du commencement.

Le septième jour, les vieillards, oubliant leur âge et perdant toute gravité, dansaient comme des enfants, sautaient, bondissaient, sicut arietes et sicut ngni ovium. On revoyait l'Eden perdu et en son honneur on agitait des rameaux verdoyants ; on revoyait le premier ciel, et, pour le saluer, on allumait des myriades de lampes qui faisaient de Jérusalem comme un grand miroir étoile.

Le huitième jour était dit le grand jour, parce que cette Révélation divine était passée à l'état de promesse sous serment[10].

La fête des Tabernacles, c'est en somme la Révélation séméiologique de la prédestination des Juifs à posséder la Terre. C'est la date que Mathieu et Luc ont choisie pour l'Annonciation à Maria dans le signe de la Vierge. Gabriel l'avertit que les temps sont proches où naîtra d'elle celui qui accomplira la Révélation sous-entendue dans les sept jours des Tabernacles. Cette Annonciation provient de la Ieouschana qu'on a traduite par l'Apocalypse dans l'adaptation grecque dite de Pathmos. Les Noces de Kana auxquelles nous allons assister sont une similitude de la Ieouschana du Joannès. Les six jours de la Genèse épuisés dans le prologue, Cérinthe place Jésus devant sa propre Révélation aux Juifs. Qu'il donne sur le papier une idée de ce lui aurait été fait aux Tabernacles de 789 si la Grande pâque fût venue î II est dans la maison où a été composée l'Apocalypse sur les données qu'il a lui-même fournies, il est au pied du mur, en un mot.

Mais tous les accessoires du sèmeion qu'on attend de lui sont à leur place. A Kana, tout vient de l'Apocalypse, même la table. Cette table est double, c'est-à-dire écrite des deux côtés, dits les deux tables du témoignage et mieux du testament. Jésus, c'est le Maître de la table, l'Époux côté ciel ; Bar-Jehoudda, c'est l'époux côté Judée, et sa mère était morte attendant toujours l'Époux côté ciel, ce fameux Fils de l'homme qui aurait dû paraître sur les nuées le 15 nisan 789, s'il avait eu conscience de la Ieouschana.

Et pourtant Jehoudda avait bien préparé la table ! Il v ait assuré le service avec kana, avec zèle.

Aussi est-il dit l'Architriclin, celui qui a commandé les douze lits sur lesquels les douze Æons devaient se coucher pour prendre le repas pascal et célébrer les Noces de l'Agneau. Son fils, le Joannès de Celui qui doit venir, avait invité les Juifs à se purifier, autrement dit à se laver dans son baptême, et il leur avait remis leurs péchés, étant l'époux provisoire de la Judée, en attendant la pâque de feu qui le transformerait en époux millénaire.

Aux jours de votre délivrance et de votre salut, dit Isaïe en parlant des jours du christ, vous puiserez dans une grande joie les eaux des fontaines du Sauveur (le Silo). Or le Joannès avait baptisé de l'eau de la délivrance à la fontaine de Siloë. Tout est donc en règle. Il ne faut même pas s'étonner que Jehoudda soit présent, puisque Jésus le ressuscitait à sa venue. Salomé joue le rôle de la Vierge comme dans l'Apocalypse, Jehoudda celui du Zachû, le Verseau, comme dans les passages de l'Évangile où il est appelé le Zachûri ou le Zibdéos, d'où sortent les Poissons que zodiacalement il baptise.

Ce sont des noces auxquelles le vin manque, le vin de la Vigne du Seigneur. Le père, la mère et le marié sont assis devant six cruches que voici rangées près de la table où sont rais, quoi qu'on ne le dise pas, les douze couverts apostoliques. Ces six cruches sont préparées pour la purification des Juifs, mais comme elles sont vides, on se demande comment et avec quel liquide ils se purifieront. Les exégètes du Saint-Siège estiment que par la purification des Juifs, il faut entendre l'acte de propreté qu'ils accomplissaient en se lavant les mains avant et après le repas, et auquel les pharisiens accordaient une importance que Jésus leur reproche bien à tort dans les Évangiles synoptisés. Si les six urnes avaient été placées là pour cet objet, elles eussent été pleines d'eau.

 

Qui est l'Époux véritable dans ces noces symboliques ? Jésus lui-même, mais démillénarisé, et se bouchant les oreilles quand il entend d'en haut les tonnerres de l'Apocalypse.

Le marié, déjà décrit dans Isaïe, a la patte d'oie et des rides profondes, mais l'espoir efface tout sur sa face ravagée : Ô Jérusalem ! On ne te donnera plus le nom de Délaissée et à ton sol celui de Désert, mais on te nommera Mon plaisir est en elle, et ta terre la Mariée, car en toi Iahvé mettra son agrément, et ta terre aura un mari. Tout comme le jeune homme épouse la vierge, ainsi tes fils t'épousent. De la joie qu'un mari ressent de sa jeune femme ton Élohim se réjouira de toi[11]. Jésus entre, jette un regard sur cette maison sans vin, sur ces six cruches vides. Salomé le reconnaît tout de suite, puisqu'on lui a donné les traits de son fils. Une mère ne se trompe pas ! Elle s'approche : Ils n'ont pas de vin, dit-elle. Jésus le sait bien, puisqu'il n'est pas venu, lui, le Maître de la Vigne. Il répond un peu durement à Salomé, mais il importe, la pauvre femme n'entend plus ! Et puis sous le nom de Maria la Magdaléenne, elle n'est sa mère que selon le monde, c'est-à-dire juste assez pour tromper les goym. Femme, dit-il, qu'y a-t-il de commun entre toi et moi ? Mon heure n'est pas encore venue. En effet au mois de tischri 777 son heure n'est pas encore venue, il a encore onze ans et demi devant lui pour verser aux Juifs le vin de sa Vigne, le vin du bonheur pour eux, le vin de la colère contre les goym. Il n'y a de commun entre lui et sa mère que ce qu'il a plu au Joannès d'insinuer dans son Apocalypse, et aux Évangiles d'exploiter dans leur fable, à savoir quelle était la vierge dans laquelle Jésus avait conçu le christ maître du monde.

Étant l'Agneau de la Grande Pâque, Jésus n'a de commun avec Salomé que le rapport allégorique établi par l'Apocalypse entre la Vierge et le Nazir de 739. Il n'a pas plus de rapports avec elle que Samson n'en a eu avec la philistine qu'il épouse dans l'énigme millénariste dont nous avons donné la clef. Il n'en est pas moins son Époux, et nous avons déjà vu Samson, un simple Nazir, épouser la Vierge pour mériter les grâces de Dieu. L'heure de Jésus n'étant pas venue de verser le vin des Noces, il s'ensuit que celle du Nazir n'est pas venue non plus d'en boire et qu'il doit s'en abstenir ainsi que de toute boisson fermentée, conformément à son vœu. A moins toutefois que Jésus ne suspende la Loi de naziréat par un miracle.

En dehors de cette considération, Jésus a une autre raison tirée de l'astronomie pour tenir ce langage à Salomé. Il vient de sortir de la Vierge lorsqu'il entre chez la mère qu'on lui donne ; il n'a plus de lien avec elle, car il est dans la Balance au moment où le miracle commence. Toutefois la Vierge ne peut pas ne pas être aux Noces puisque, sur la sphère, la pointe du fléau de la Balance est dirigée contre elle. Et une épée aussi traversera ton âme, dit Luc ! En revanche elle n'assistera pas à la Multiplication des pains, parce qu'alors nous touchons à la Pâque et qu'en ce mois Jésus est sous les Poissons, à cinq signes de distance.

Elle n'a été que trop punie de son fol orgueil ! Aussi ne proteste-t-elle point. Quoique rudoyée, elle ne se fâche point, elle s'humilie davantage. Mais qu'on laisse faire celui qu'on lui donne pour fils, et son abaissent de tout à l'heure se changera en gloire. Ah ! ce Fils ! il peut tout ! Il n'a qu'à paraître pour que les six cruches de Kana s'emplissent de vin pour la valeur de douze cruches. Bacchus, Cérès, les dieux de la vendange et les déesses de la moisson, Jésus est à lui seul tout cela : lumière et chaleur, temps et saisons. Qui le sait mieux que la Vierge de septembre ? C'est elle qui préside à la récolte. Se tournant vers les serviteurs de l'Agneau, elle leur dit : Faites tout ce qu'il vous commandera ; et à ce moment elle sait ce qu'il commandera. Il donnera ordre au Verseau de faire largement sa besogne, de bien arroser les Poissons, partant de ne point geler les vignes en mars. Le reste le regarde. Emplissez eau les six cruches, dit-il aux serviteurs. Et quand elles sont remplies : Puisez maintenant et portez-en Architriclin. Au lieu de ce qu'y a mis le Verseau, il trouvera de mon vin. Miracle ! oui, et annuel.

Clerice, éclaire-icy ! Page, à la humerie ! comme dit notre bon maître Rabelais.

Si quelqu'un avait vérifié le contenu des six cruches, il y aurait trouvé juste de quoi remplir les verres des douze Apôtres. Trente litres de vin par tête et un litre par jour !

Il est dit aujourd'hui que les six cruches avaient deux [ou trois] métrètes chacune, et le métrète, mesure d'Athènes, valait environ trente litres.

Or nous sommes sur que dans Cérinthe la cruche contenait pas plus de deux métrètes[12], soit soixante, et comme il y a six cruches :

60 * 6 = 360

nous obtenons trois cent soixante litres, c'est-à-dire que les six cruches en valent douze pour la capacité. C'est à la fois un change et une multiplication.

Le change consiste en ce que Jésus convertit les six mauvais signes en bons signes, et cela par provision, dès l'équinoxe d'automne qui précisément ouvre la série des mauvais signes et des Cycles à racheter de Satan.

Cérinthe n'a pas eu en vue la mesure de capacité nommée par les Grecs métrète et qui contenait environ trente-neuf litres, mais tout vase contenant deux amphores, ce qui était le cas du métrète. C'est à une multiplication du métrète que nous assistons, comme plus loin à une multiplication du pain ; ici le multiplicateur est deux. Au fond, c'est un tour de gobelets millénaires. De ces six métrètes d'eau Jésus a tiré douze amphores de vin qui sont ici :

1. La Balance. Tabernacles (Equinoxe d'automne).

2. Le Scorpion.

3. Le Sagittaire.

4. Le Capricorne.

5. Le Verseau.

6. Les Poissons.

7. L'Agneau. Pâque (Equinoxe de printemps).

8. Le Taureau.

9. Les Gémeaux.

10. Les Ânes.

11. Le Lion.

12. La Vierge.

L'allégorie est à double et triple sens, comme toujours. Les six cruches ne représentent pas que les six mois qui séparent l'équinoxe d'automne de celui du printemps[13], elles sont avant tout les six mauvais signes que le baptême du Joannès a le pouvoir de convertir en bons signes, de telle sorte que, les six autres signes étant favorables par eux-mêmes, toute l'année, toute la vie d'un homme baptisé, présente et future, ne soit qu'une éternelle bénédiction.

Nul doute que Bar-Jehoudda ne soit en même temps l'époux de la fin et celui du commencement. Les Juifs qui ont abandonné la Loi n'ont plus de vin à boire, mais ceux qui l'ont défendue, comme Jehoudda et sa famille, ceux-ci seront récompensés ; ils verront la terre du Millénium, ils s'assiéront à la table du Seigneur et boiront le bon vin de sa Vigne. Ici l'allégorie est pleinement millénariste. Comme dit souvent Jésus, à la barbe des païens : Que celui qui a des oreilles entende !

Les serviteurs de l'Agneau, tous disciples de Jehoudda, espèrent bien que l'eau du baptême se changera pour eux en vin de la Vigne du Seigneur ; ils ont bien compris l'apologue. Ce sont eux qui ont mis l'eau dans les cruches, ils savent où ils l'ont puisée, elle vient de l'Aïn du Jourdain, de l'Aïn de Kapharnahum, de l'Aïn de Siloé, de l'Aïn de Salem, de l'Haggan-Aïn ; c'est l'eau du baptême administré par le Joannès, de 781 à 788, l'eau du salut éternel. Et celui qui l'a indiquée, c'est, dans l'ordre des signes comme dans la réalité, l'Architriclin présent aux Noces, c'est le Zibdéos, le Verseau, grand Faiseur de Poissons. Mort depuis le Recensement de Quirinius, il n'a point connu les grands jours du septennat baptismal. Mais sitôt qu'on l'a mis sur la voie, il s'y reconnaît tout de suite, c'est lui qui l'a tracée ouverte ; il appelle l'époux de la fin, celui qui est son fils selon la chair. Tout homme, dit-il, sert d'abord le bon vin, et après qu'on a beaucoup bu, celui qui vaut moins ; mais toi, tu as gardé le bon vin jusqu'à cette heure ! Propos fort énigmatique pour un goy, mais très clair pour un Juif au courant de la Loi de naziréat. Le christ est mort sans avoir bu de vin, même médiocre ; mais aujourd'hui le voilà qui, délivré de son vœu par Jésus, sort le bon vin, celui qu'il devait boire à la pâque de 789, sons un signe où il n'y a encore que le vin de l'année 777. Ce miracle est une fiche de consolation pour les Marchands de christ. L'inventeur du baptême est mort en faillite, vive le baptême au nom de Jésus ! Vive la mystification juive ! De l'eau vendue pour du vin, c'est le nectar, on ne trouvera jamais mieux !

 

Telle est l'explication du sèmeion de Kana et je défie qui que ce soit, — en dehors des exégètes, bien entendu, — d'en donner une autre qui n'offense pas à la fois et l'arithmétique et le sens commun. Mais savamment perfectionnée, cette machine à tromper a fini par tourner l'entendement des hommes les plus fortement organisés au point de vue de la résistance intellectuelle. On ne voit goutte dans tous ces récits, dit Proudhon[14]. Certes cette eau et ce vin sont tous les deux fort troubles, si on les prend comme matière de récits, mais il ne s'agit point de récits, ce sont des énigmes chiffrées. Proudhon s'y est perdu, combien d'autres ! Et c'est pitié de voir cette magnifique intelligence capituler par lassitude devant tant de niaiserie, dit-il, une niaiserie qu'on peut appeler joannique ! A chaque verset de cet Évangile se trahit ce gros mysticisme qui prétend à la profondeur et au mystère, et qui ne sait s'exprimer qu'en phrases triviales et tout à fait jocrisses. Mais, génial Proudhon, les jocrisses, c'est vous, c'est nous, ce sont les gogoym qui bayent au batelage et à la parade judaïques. Il n'y a point là de mysticisme, mais de la mystification ; on n'y fouille point les profondeurs, sinon celles des poches. Cela n'a ni rime ni raison, dites-vous à chaque instant ! C'est absurde ! C'est ridicule ! Bavardage, finasserie, amphigouri, platitude, nous ne trouvons que cela jusqu'à la fin ![15] Tenez, Proudhon, vous n'entendez rien aux affaires !

Vous n'êtes pas content, pourquoi ? Parce que vous repoussez l'exégèse du Saint-Siège. Mes lecteurs ne sont pas contents non plus, pourquoi ? Parce que je ne l'ai pas encore fait intervenir, mais je la réservais pour la bonne bouche. Sachez donc tous qu'aujourd'hui la Cana évangélique s'appelle Kafr-Kenna, sur le chemin de Nazareth à Tibériade. Les chrétiens y ont une église bâtie des débris d'une autre plus magnifique, changée plus tard en mosquée et détruite aujourd'hui. On y montre deux des hydries dans lesquelles l'eau fut changée en vin. Elles sont en calcaire compact du pays et travaillées assez grossièrement. Elles n'ont absolument aucune sculpture. Voici leurs dimensions : la grande urne, de forme plus arrondie, a 1 mètre 20 centimètres sur 80 ; la seconde, plus allongée, a 90 centimètres sur 75. Chacune des hydries contenait, dit l'évangéliste, deux ou trois métrètes ; or cette mesure vaut près de 39 litres. La capacité des urnes de l'Évangile variait donc de 78 à 117 litres. Or la plus grande des urnes actuelles peut contenir 100 litres, et la plus petite 60. Il y a donc complète coïncidence. Elles ont été vues à la fin du sixième siècle par Antonin le Martyr. On montre encore à Kenna les ruines de la maison de l'un des douze apôtres, Simon, que plusieurs croient être l'époux des noces de Cana.

Oui, on montre tout cela dans Cana, et c'est bien peu en comparaison de ce qu'on y pourrait montrer, car réduire à deux vases les six vases indispensables à la confection du miracle, c'est faire échec au miracle lui-même ! Ces deux vases n'ont été mis là que pour nous changer en cruches comme Antonin le Martyr. On les a fabriqués à la mesure actuellement indiquée par le texte, et pour leur donner un air de contemporanéité avec le prophète juif on les a faits sans figures, toute figure étant interdite par la Loi. Quant à Simon, il n'est dit de Kana dans l'Évangile que parce qu'il était Kannaïte. Ce n'est pas lui qui était l'époux des Noces à célébrer le 15 nisan 789 ; l'époux, c'est le frère de ce Shehimon que trois cent soixante-cinq millions d'hommes civilisés adorent comme pape sous le nom de Pierre, car ils ont beau s'en défendre, ils l'adorent ! C'est logique d'ailleurs ! Quand on prend du juif on n'en saurait trop prendre.

La main de Shehimon n'était pas libre, à moins toutefois que ce ne fût pour assassiner quelque pauvre Ananias ; il était marié. Le fiancé, c'est Bar-Jehoudda, vierge par naziréat, et non un obscur habitant de Kana dont on ne voit pas la fiancée, car vous l'avez remarqué sans doute, on ne voit pas la fiancée. La fiancée, comme vous l'a dit l'auteur de l'Apocalypse, c'est la Judée elle-même. Nous ne ferons pas à l'Architriclin des noces l'injure de croire que, dans un égarement non moins posthume que bachique, il prend son fils cadet pour son fils aîné. Il n'est pas tellement influencé par le vin substitué à l'eau ! Nous n'affligerons pas non plus les catholiques en soutenant que le miracle de Kana est un tour d'adresse exécuté avec la complicité des domestiques. Quoique cela résulte explicitement du texte et que de grands hommes l'aient dit. Mais nous nous appliquons à n'avoir point de génie.

 

Croyez-vous que le Saint-Siège soit embarrassé par ce mot décoché à la mère de Bar-Jehoudda : Femme, qu'y a-t-il de commun entre toi et moi ? mot qui dans la bouche d'un fils frappe toute la scène d'inauthenticité et eût valu immédiatement des verges à qui eût osé le prononcer ? Nullement. Apprenez d'abord que le mot femme ne renfermait jamais chez les Hébreux une idée de mépris comme en français. Jésus attaché à la croix s'en sert, lorsqu'il recommande, de la manière la plus tendre, sa mère à son disciple bien-aimé. Les Romains et les Grecs donnaient le titre de femme à des princesses et à des reines, en leur adressant la parole.

Laissons les Grecs et les Romains qui ne sauraient nous servir d'exemple dans leurs rapports avec les princesses païennes, et restons en Judée où la Loi punissait sévèrement ceux qui manquaient de respect à leur mère. Si Bar-Jehoudda se fût permis de parler sur ce ton à la sienne, — et dans une noce où il eût bu du vin ! — il eût fait l'épreuve de tous tes fouets disponibles dans le pays, ce qui eût préparé sa peau royale à recevoir ceux du sanhédrin et de Pilatus. Et lorsque, parvenu au pied de la croix dans la mystification cérinthienne, Jésus se retire du corps qu'on va crucifier, pour le rendre à sa vraie mère, il a pour but, comme ici, de mettre les initiés en garde contre les dangers de cette mystification même.

Quant au fameux : Qu'y a-t-il entre toi et moi ? en d'autres termes : Est-ce que je suis ton fils ? vous brûlez de connaître le sentiment de l'exégèse catholique. Le voici : Plusieurs traduisent, sur le latin : Que nous importe à l'un et à l'autre ? Mais la plupart entendent ces mots autrement : Qu'avons-nous à faire ou à concerter ensemble ? Laissez-moi la liberté que demande mon ministère. Ce second sens paraît mieux en harmonie avec l'acception de ces mots dans la Bible et avec l'esprit du Quatrième Évangile. Puisque saint Jean[16] écrit pour prouver que Jésus-Christ est le Fils de Dieu, il doit plutôt relever en lui un sentiment qui implique la conscience de sa divinité, qu'un autre où l'on verrait seulement un indice de sa nature humaine. Un miracle, semble-t-il dire à sa mère, est une œuvre toute divine ; la chair et le sans n"v doivent avoir aucune part. C'est comme homme que je suis votre fils ; c'est comme Dieu que je dois agir en ce moment. En parlant ainsi, Notre-Seigneur ne fait que répéter ce qu'il a déjà dit, en sortant du temple : que la volonté de son Père était la seule règle qu'il eût à suivre dans l'exercice de son ministère[17]. Du reste, il n'y a dans ces paroles aucun reproche ni aucun blâme pour Marie, qui partage les sentiments de son Fils et qui entre dans sa pensée ; mais pour ceux qui l'entendaient, pour les apôtres surtout, il y a une instruction importante ; c'est que le Sauveur n'est pas avec sa mère dans les mêmes rapports qu'un enfant ordinaire ; c'est que, dans l'exercice de leur ministère, les ministres de Dieu ne doivent avoir aucun égard aux inspirations de la chair et du sang.

Vous voyez où l'on veut en venir. Il est prouvé d'avance par la parole de Jésus qu'un prêtre jehouddolâtre n'est point vis-à-vis de sa mère dans la position d'un fils ordinaire. Il est son juge et son sauveur. Entendez-vous, femmes ?

Non, jamais Cérinthe n'eut pareille pensée en formant sa similitude ! Personne ici n'insulte grossièrement sa mère, et il n'y a pas dans tout cela l'ombre d'un fait réel où seraient intervenus Maria la Magdaléenne, bonne Juive d'un endroit inconnu nommé Nazareth, et son fils aîné nommé Jésus. Comment les experts en Dieu n'ont-ils pas vu cela ? Comment leur cœur de fils, refoulant les sentiments d'insolence et d'ingratitude qu'ils tirent de la théologie pour les prêter à Jésus, ne les a-t-il pas mis sur la voie de la vérité ? Un homme qui se prétend fils de Dieu disant à sa mère selon la chair : Femme, qu'y a-t-il entre toi et moi ? quelle honte ! Et comment les docteurs et licenciés n'ont-ils pas vu qu'en prenant ce proposa la lettre ils diffamaient le Juif dont ils ont fait un dieu, qu'ils le rendaient odieux à tout homme bien né ? Quand même Pilatus ne l'aurait crucifié que pour avoir dit cela, il aurait bien fait !

Mais Jésus n'a eu qu'un tort, c'est, après avoir substitué le vin à l'eau, d'en mesurer l'usage avec tant de parcimonie ; un litre par jour pour l'humanité tout entière, c'est vraiment trop peu. Si frère Jean des Entommeures avait compris la devinette de Kana, jamais il ne serait entré dans les ordres !

 

CHAPITHE II BIS[18]. — JÉSUS À LA PISCINE PROBATIQUE DE JÉRUSALEM.

 

On ne doit pas hésiter une minute à placer le miracle de la Piscine probatique immédiatement après celui de Kana. C'est s'écarter de la version ecclésiastique dans laquelle il occupe le chapitre V, mais c'est sa rapprocher de la version primitive. Aucun doute que cette séméiologie ne se plaçât ici, elle est datée de 777. La pâque que l'Église a joint au chapitre u étant datée, elle aussi, et de 785 comme nous le verrons tout à l'heure, il s'ensuit que dans l'original de Cérinthe elle venait, avec beaucoup d'autres choses sans doute, bien après le miracle de la Piscine probatique. Mais comme le miracle delà Piscine avait l'inconvénient d'être emprunté à l'histoire et de donner douze ans à la carrière politique de Bar-Jehoudda que les Synoptisés réduisent à six mois, l'Église ne pouvait souffrir une telle chronologie, surtout après avoir privé Cérinthe de la paternité de son Évangile pour l'attribuer à certain apôtre nommé Jochanan, et néanmoins fils du Zibdéos, comme Joannès le baptiseur ; elle l'a donc transporté plus loin, au chapitre V. Nous lui rendons sa place.

1. Après cela était la fête des Juifs et Jésus s'en alla à Jérusalem.

2. Or il y a à Jérusalem une piscine probatique, appelée en hébreu Bethsaïda et ayant cinq Portiques

3. Sous lesquels gisait une grande multitude de malades, d'aveugles, de boiteux, de paralytiques, attendant le mouvement des eaux.

4. Car un ange du Seigneur descendait en un certain temps dans la piscine, et l'eau s'agitait[19]. Et celui qui le premier descendait dans la piscine après le mouvement de l'eau, était guéri de quelque maladie qu'il fût affligé.

5. Or il y avait là un homme qui était malade depuis trente-huit ans.

Ce qui ne l'empêchait pas d'y venir tous les jours depuis sa naissance, sa condition séméiologique lui permettant de comprendre les mois de nourrice dans le total. Un enfant en bonne santé n'aurait jamais pu en faire autant, fût-il constitué comme Gargantua ! Ce chiffre de trente-huit est précieux par la date qu'il nous indique, date tirée de l'âge de Bar-Jehoudda en 777. N'ayant pu le biffer à temps, l'Église y va obvié (par un faux naturellement), dans les Actes des Apôtres, écrit inspiré de Dieu pour l'édification du très excellent Théophile. Tous ceux qui avaient en main l'original de Cérinthe savaient que l'âge de Bar-Jehoudda était dans celui du paralytique, et que ces trente-huit ans étaient comptés du jour de sa naissance. Ils savaient que dans le plan de Cérinthe cette séméiologie succédait immédiatement à celle de Kana. D'un premier coup de pouce l'Église l'a rejetée après la pâque de 785 où il est dit que Bar-Jehoudda avait alors quarante-six ans ; après quoi elle a mis dans les Actes que le paralytique en question, un boiteux, avait plus de quarante ans lors de sa guérison. Lu chronologie fait crouler cette fraude sur laquelle nous ne revenons que pour justifier notre classement du sèmeion de la Piscine probatique.

6. Lorsque Jésus le vit couché et qu'il sut qu'il était malade depuis longtemps, il lui dit : Veux-tu être guéri ?

7. Le malade lui répondit : Seigneur, je n'ai personne qui, lorsque l'eau est agitée, me jette dans la piscine ; car, tandis que je viens, un autre descend avant moi.

8. Jésus lui dit : Lève-toi, prends ton grabat et marche.

9. Et aussitôt cet homme fut guéri, et il prit son grabat, et il marchait. Or c'était un jour de sabbat.

Notez que Jésus ne fait rien de ce qu'attendait le malade. Celui-ci espérait que quelqu'un le jetterait dans la piscine où il serait guéri. Or il recouvre la santé sans immersion dans l'eau miraculeuse. C'est donc que Jésus dispose d'un pouvoir supérieur à celui de l'eau.

Quant à la violation du sabbat par Jésus, c'est la négation même de la Loi juive et de l'Apocalypse. A l'instar de la Genèse, toute l'Apocalypse est fondée sur le sabbat. Qui eût violé le sabbat devant les sept fils de Jehoudda fût immédiatement tombé sous leurs siques, et cette fois ils eussent été approuvés de leurs ennemis les plus irréconciliables. Le sabbat était une institution du Verbe créateur. C'était imiter le Verbe au septième jour que de célébrer le sabbat par un repos confinant à l'immobilité. S'agiter au sabbat, c'était déranger le Père dans le repos qu'il s'était accordé, son œuvre terminée. Porter un fardeau, c'était un effort impie et ridicule, un jeu de pygmée, à la fois indécent et puéril. L'Éternel avait dit dans Jérémie : Prenez garde à vos âmes et ne portez aucun fardeau le jour du sabbat ; et ne faites aucune œuvre ; mais sanctifiez le jour du Sabbat, comme je l'ai commandé à vos pères. Cependant ils n'ont point écouté ; ils n'ont pas incliné l'oreille ; mais ils ont roidi leur cou, pour ne point écouter et ne point recevoir l'instruction. Mais, si vous m'écoutez attentivement, dit l'Eternel, pour ne faire passer aucun fardeau par les portes de cette Ville le jour du Sabbat et pour sanctifier le jour du sabbat en ne faisant aucun travail ce jour-là, alors les rois et les princes, assis sur le trône de David, entreront par les portes de cette Ville[20]. Mais si vous ne m'écoutez pas pour sanctifier le jour du sabbat et pour ne porter aucun fardeau et n'en point faire passer par les portes de Jérusalem le jour du sabbat, je mettrai le feu à ses portes ; il consumera les palais de Jérusalem et ne sera point éteint[21].

Le christ avait cru que le Verbe ne pouvait rapporter la loi qu'il avait faite. Jésus lui démontre le contraire. Le Verbe n'est pas lié. Celui qui a fait la loi judaïque peut la modifier ou la défaire. Jérusalem est tombée dans un sabbat. C'est son intérêt que Jésus rapporte sa condamnation et relève en même temps le christ de sa faillite. Comme il le dit ailleurs et dans le même esprit, Jésus est maître du sabbat sous toutes ses formes, sabbat hebdomadaire, sabbat d'années, sabbat de jubilés. Le sabbat n'est qu'un expédient pour mesurer le temps. Derrière le temps il y a le mouvement, et dans le mouvement il y a Dieu. Son activité ne s'arrête pas sous te prétexte que les Juifs la décomposent en heures, en jours, en semaines, eu années, en siècles, en cycles. Jérusalem a été condamnée par le temps sous les espèces sabbatiques. Qu'importe ! si l'appel est porté devant le juge qui ne se repose jamais ? Or, le Père est si bon qu'il ne juge pas, il aime ; le Fils, voilà le juge des vivants et des morts. En cela Joannès ne s'est pas trompé. Pourquoi les Juifs déclineraient-ils le juge ? Ils connaissent son jugement, tout entier en leur faveur, c'est un fils de David qui l'a rédigé !

10. Les Juifs donc disaient à celui qui avait été guéri : C'est un jour de sabbat ; il ne t'est pas permis d'emporter ton grabat.

11. Il leur répondit : Celui qui m'a guéri m'a dit lui-même : Prends ton grabat et marche.

12. Alors ils lui demandèrent : Qui est cet homme qui t'a dit : Prends ton grabat et marche ?

13. Mais celui qui avait été guéri ne savait qui il était, car Jésus s'était retiré de la foule assemblée en ce lieu.

14. Jésus ensuite le trouva dans le Temple, et il lui dit : Voilà que tu es guéri ; ne pèche plus, de peur qu'il ne t'arrive quelque chose de pis[22].

15. Cet homme s'en alla, et annonça aux Juifs que c'était Jésus qui l'avait guéri.

16. C'est pourquoi les Juifs persécutaient Jésus, parce qu'il faisait ces choses un jour de sabbat.

Déchiffrons le miracle au point de vue séméiologique où Cérinthe s'est placé.

Il n'y a point de piscine à Jérusalem dans le sens où l'entend ici. Piscine veut dire lieu des Poissons, et l'eau où ils s'ébattent est fournie par l'Architriclin des noces de Kana, notre vieil ami Jehoudda dans son rôle habituel de Verseau. Elle est appelée Bethsaïda, lieu de pêche, parce qu'elle répond aux eaux de Siloé où le fils de David venait pêcher ses brebis transformées en poissons par le baptême. Lui-même est à la fois le pêcheur et le berger. C'est pourquoi la piscine est dite probatique[23].

Les cinq Portiques de la piscine sont les cinq Cycles que entièrement écoulés au moment où Jésus opère :

1. La Balance.

2. Le Scorpion.

3. Le Sagittaire.

4. Le Capricorne.

5. Le Verseau.

Ils conduisent à un sixième Portique que Cérinthe identifiait avec celui du roi Salomon, placé à l'Orient du Temple ; et les Actes des Apôtres ont respecté cette indication qu'on a, par contre, enlevée de l'Évangile. Ce Portique est le Cycle du Zib dans lequel te berger davidique devait faire entrer son troupeau le 15 nisan 789. Il est un des six vases de Kana, le sixième.

La séméiologie répond exactement à la fête des Phurim (Sorts) qui marquait l'entrée du Seigneur dans le Zib, un mois jour pour jour avant la Pâque. On sait, nous l'avons suffisamment démontré[24], qu'aux Phurim les Juifs célébraient le renversement des sorts à leur profit et s'appliquaient le bénéfice ultime du signe des Poissons qui leur devenait favorable à l'exclusion des Chaldéens. C'est pourquoi les Phurim sont dits Fête des Juifs.

 

A côté de son office potentiel Jésus fait métier d'avocat.

Il travaille à donner le change sur les motifs pour lesquels le berger davidique a été condamné par I e sanhédrin, il prépare les goym à l'idée que le christ a été victime non de son kanaïsme pour la Loi, mais a tt contraire de ses opinions émancipatrices. Jésus n'est pas le Verbe dans toute l'étendue du mot ; comme Créateur, il ne peut rien, tout est fait ; mais il peut beaucoup en qualité de Jésus (Sauveur) et il le fera bien voir. A la vérité, il ne sauve que la face, mais cela suffit dans le monde.

Les Juifs s'indignent-ils de ce qu'il viole le sabbat, il a réponse toute prête.

17. Mais Jésus leur répondit : Mon Père agit sans cesse, et moi j'agis aussi.

18. Sur quoi les Juifs cherchaient encore plus à le faire mourir ; parce que non seulement il violait le sabbat, mais qu'il disait que Dieu était son Père, se faisant ainsi égal à Dieu. Jésus répondant, leur dit :

19. En vérité, en vérité je vous le dis, le Fils ne peut rien faire de lui-même, si ce n'est ce qu'il voit que le Père fait ; car tout ce que le Père fait, le Fils le fait pareillement.

20. Car le Père aime le Fils, et lui montre tout ce qu'il fait ; et il lui montrera des œuvres encore plus grandes que celles-ci, de sorte que vous en serez vous-mêmes dans l'adoration.

21. Car, comme le Père réveille les morts et les rend à la vie, ainsi le Fils vivifie ceux qu'il veut.

22. Le Père ne juge personne, mais il a remis tout jugement à son Fils,

23. Afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père ; qui n'honore point le Fils n'honore point le Père qui l'a envoyé,

24. En vérité, en vérité je vous le dis, celui qui écoute la Parole et croit à celui qui m'a envoyé a la vie éternelle et ne vient pas en jugement ; mais il a passé de la mort à la vie.

25. En vérité, en vérité je vous le dis, vient une heure, [et elle est déjà venue][25] où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l'auront entendue vivront.

26. Car comme le Père a la vie en lui-même, ainsi il a donné au Fils d'avoir la vie en lui-même ;

27. Et il lui a donné le pouvoir de juger, parce qu'il est Fils de l'homme[26].

28. Ne vous en étonnez pas, parce que vient l'heure où tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront la voix du Fils de Dieu.

29. Et en sortiront, ceux qui auront fait le bien, pour ressusciter à la vie ; mais ceux qui auront fait le mal, pour ressusciter à leur condamnation.

30. Je ne puis rien faire de moi-même. Selon que j'entends, je juge ; et mon jugement est juste, parce que je ne cherche point ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé.

A part quelques incidentes, ce discours est pleinement millénariste. Le Verbe est juge des vivants et des morts dans un Premier jugement, il ressuscite les morts dans une Première résurrection qui commençait le 15 nisan 789, l'Apocalypse n'avait pas dit autre chose.

Vous avez entendu Jésus, c'est à lui que le Père a remis le jugement. Vous l'entendrez de nouveau, il vous dira qu'il n'a pas besoin du témoignage des hommes pour juger. Cela se comprend, il est le Véridique ; la Vérité, c'est son essence même, elle ne peut qu'être altérée par les témoignages humains, sujets à l'erreur quand par hasard ils ne sont pas mensongers. Il vous dira dans une minute : Je n'accepte point une gloire venant des hommes[27]. Cette théorie va droit contre le témoignage de Joannès que, mobilisés par l'Église, les gens du Temple sont allés prendre au Jourdain, et pendant une pâque ![28] Mais si l'Église renonce à ce témoignage, c'en est fait d'elle. Il n'y a qu'un moyen de sortir de là, c'est que Jésus se mette à mentir. Joannès vient de faire un taux témoignage sur lui, à son tour de faire un faux témoignage sur Joannès. Que le Sauveur fasse son office !

31. Si je rends témoignage de moi-même, mon témoignage n'est pas vrai.

32. C'est un autre qui rend témoignage de moi, et je sais que le témoignage qu'il rend de moi est véritable.

33. Vous, vous avez envoyé vers Joannès et il a rendu témoignage à la vérité.

34. Pour moi, ce n'est pas d'un homme que je reçois témoignage ; mais je dis ceci afin que vous soyez sauvés.

35. Il était la lampe ardente et luisante, et un moment, vous avez voulu vous réjouir à sa lumière.

36. Mais moi, j'ai un témoignage plus grand que celui de armes. Car les œuvres que mon Père m'a données à accomplir, ces œuvres que je fais moi-même, rendent témoignage de moi, que le Père m'a envoyé.

Du même coup il authentique tous les miracles ! Mais il oublie totalement, et ceci est grave, qu'en 777 Joannès, dont il parle au passé comme d'un homme crucifié depuis longtemps, assiste à la fête des Sorts et n'a encore commencé ni de prêcher son Apocalypse, ni de baptiser, car nous savons par Luc qu'il n'a commencé qu'en la quinzième année de Tibère, soit 781. Or, en ce discours Joannès est cité comme un homme mort, et pourtant nous ne sommes encore qu'en 777 ! Comment l'Église fera-t-elle un jour pour lui couper la tête en 788 ? Je voudrais tant que les exégètes répondissent, soit les laïques, soit ceux du Saint-Siège !

37. Et mon père qui m'a envoyé a rendu lui-même témoignage de moi ; vous n'avez jamais entendu sa voix ni vu sa figure[29] ;

38. Et vous n'avez pas sa parole demeurant en vous, parce que vous ne croyez pas à celui qu'il a envoyé.

39. Scrutez les Écritures[30] puisque vous pensez avoir en elles la vie éternelle, car ce sont elles qui rendent témoignage de moi ;

40. Mais vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie.

41. Je n'accepte point une gloire venant des hommes,

42. Mais j'ai reconnu que vous n'avez pas l'amour de Dieu en vous.

43. Je suis venu moi-même au nom de mon Père, et vous ne me recevez point ; si un autre vient en son nom, vous le recevrez.

44. Comment pouvez-vous croire, vous qui recevez la gloire l'un de l'autre, et ne cherchez point la gloire qui vient de Dieu seul ?

45. Ne pensez pas que ce soit moi qui doive vous accuser devant le Père ; celui qui vous accuse, c'est Moïse, en qui vous espérez[31].

46 Car si vous croyiez à Moïse, vous croiriez sans doute à moi aussi, parce que c'est de moi qu'il a écrit.

47. Mais si vous ne croyez point à ses écrits, comment croirez-vous à mes paroles ?

Ces lamentations sont justifiées, La Judée reçoit quantité de cultes, celui de Jupiter Capitolin notamment, qui ne sont point reçus du Père. Certains Juifs, descendant plus bas encore, insinuent dans la religion le culte d'individus qui tirent leur gloire l'un de l'autre, c'est-à-dire des Écritures qu'ils se sont faites, l'Apocalypse davidique, par exemple. On conçoit le chagrin de Jésus, on s'étonne même qu'il en parle avec tant d'indulgence, et que malgré sa compétence il soit si peu juge. C'est qu'il lui faudrait en même temps se faire juge du christ et de toute sa famille. Cela, il ne le veut sous aucun prétexte.

 

CHAPITRE PREMIER TER[32]. — L'EMPLACEMENT DE KAPHARNAHUM.

 

Il n'y a plus d'inconvénient à suivre l'ordre établi par l'Église dans la succession des chapitres, quoique nous ayons la certitude qu'ils étaient plus nombreux et plus nourris de miracles, toujours les mêmes d'ailleurs, car Cérinthe se répétait, le pauvre homme ! Suivons donc Jésus à Kapharnahum d'abord, où habitait la veuve de Jehoudda avec ses fils, observation faite qu'il nous manque huit ans de miracles. En effet nous venons d'assister aux Phurim de 777 et d'un bond nous voilà portés aux environs de la Pâque de 785. Dans l'intervalle, Bar-Jehoudda a lancé son Apocalypse, nous le savons par Luc qui donne la date du lancement, 781. Son dernier sabbat d'années[33] est commencé.

12. Après cela il descendit à Kapharnahum avec sa mère, ses frères[34] et ses disciples ; mais ils y demeurèrent peu de temps.

13. Car la pâque des Juifs était proche et Jésus monta à Jérusalem.

Cérinthe distingue fort bien entre ses frères et les disciples. Il n'appelle pas ses frères des cousins, et tout à l'heure il a bien dit que Jésus était le fils de Joseph selon le monde. Il n'est pas homme non plus à croire que Kapharnahum soit sur la rive gauche du lac de Génézareth et il va nous le dire bientôt avec tous les habitants.

Tous les interprètes placent Kapharnahum sur la rive gauche, et M. Zadoc Kahn lui-même, sous l'influence de l'Église, finit par incliner vers eux. Il suffit de jeter les yeux sur le passage d'Isaïe[35] par lequel on essaie de justifier cette erreur topographique pour voir que ce passage la renverse irréfragablement au bénéfice de la rive droite. Car il y est question des invasions assyriennes qui ont Babylone pour point de départ forcé, et voici ce qu'en dit Isaïe : Toutefois, l'accablement ne persistera pas là où est maintenant la détresse ; naguère, la honte atteignit la terre de Zabulon et la terre de Nephtali, mais finalement, l'honneur sera rendu au pays qui s'étend vers la mer[36] ou au delà du Jourdain, au district des gentils[37].

Rien de plus clair au point de vue topographique, quoique l'idée soit obscure. L'au delà du Jourdain relativement au point de départ de l'invasion, c'est la rive occidentale ; la mer, c'est la Méditerranée ; le district des Gentils, c'est la terre de Chanaan jadis occupée par les sept nations qu'Israël a remplacées, c'est le Ghelil hagogim ou Galilée transjordanique[38] jusqu'à la tribu de Zabulon dont la prophétie de Jacob dit : Zabulon habitera sur le rivage de la mer et près du port des navires, et il s'étendra jusqu'à Sidon[39]. Mais les Évangélistes ayant donné le nom de mer au lac de Génézareth sur lequel ils lancent la barque de Jésus, le s exégètes sont unanimes à penser que l'au delà du Jourdain dont parle Isaïe désigne sa rive orientale. M. Zadoc Kahn lui-même n'a pas craint d'interpréter par lac de Tibériade le mot mer employé par Isaïe pour désigner l'étendue d'eau salée qui baigne la Phénicie à l'occident.

 

LE CHANGE SUR LA PÂQUE DE 789.

 

Après avoir remis Kapharnahum à sa vraie place, sr la rive droite, montons avec Jésus à certaine pâque dont les agneaux ne sont pas aussi réels qu'ils le paraissent.

14. Et il trouva dans le temple lus vendeurs de bœufs, de brebis et de colombes, et les changeurs assis à leurs tables.

15. Et ayant fait comme un fouet avec des cordes il les chassa tous du Temple avec les brebis et les bœufs, répandit l'argent des changeurs, et renversa leurs tables.

16. Et à ceux qui vendaient des colombes, il dit : Emportez cela d'ici, et ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic.

17. Or ses disciples se ressouvinrent qu'il était écrit : Le zèle[40] de votre maison me dévore.

Il est certain que la dispersion des animaux et des changeurs n'était ni placée à cet endroit dans le texte original ni datée de 785. Elle venait, comme dans les Synoptisés, la veille de la pâque finale, c'est-à-dire le jour où le christ fut mis en croix. C'est sa place naturelle, puisque Jésus y accomplit par signes la besogne matérielle que le christ devait accomplir le jour de la préparation à la Grande pâque, en chassant à jamais du Temple ceux qui acceptaient la monnaie à l'image de la Bête et les sacrifices offerts par les étrangers[41]. Mais comme Cérinthe a le grand tort d'établir à cinq reprises que Bar-Jehoudda était en croix lorsque les Juifs ont fait la pâque que Jésus célèbre aujourd'hui dans les Synoptisés, on n'a pas cru devoir laisser cette allégorie où elle était, car il en résulte une sixième fois que Bar-Jehoudda n'a pas mangé l'agneau, comme fait Jésus dans Mathieu et autres. Il faut observer ici qu'à lui seul Jésus rend la pâque impossible et triomphe des vingt mille lévites qui avaient la garde du Temple. Mais les Juifs auxquels il a affaire ont accepté qu'il supprime le Sabbat, comment veut-on qu'ils lui tiennent rigueur de supprimer la date de la crucifixion de l'homme dont il est le Sauveur en titre ? Le Rabbi est mort à cinquante ans, dit toute la tradition d'Asie. Il n'avait pas encore cinquante ans en 787, dira dans un instant Cérinthe. Que faire pour cacher l'âge ? Avancer la date de la pâque manquée. Vous voyez, dit l'Église, le Rabbi n'avait que quarante-six ans lors de cette pâque-là, son acte a été approuvé par tous les hommes qui tenaient à ce que le Temple ne fût point une balle, c'est un zèle pieux qui l'animait et nullement impérieuse ambition de rétablir en lui la monarchie davidique. Et en effet son kanaïsme est de bien médiocre qualité en comparaison de celui qui avait dévoré le christ, son père, sa mère, son oncle, ses frères, sa famille et toute celle de Jaïr.

Il caresse du bout du fouet quelques-uns de ces changeurs et de des marchands dont les importunités excédaient les païens eux-mêmes.

C'est une peine bien légère, si l'on tient compte de lue le roi-christ leur réservait !

 

Le vrai changeur ici, c'est l'Église, elle vient de faire une de ses opérations habituelles en substituant par anticipation un petit trouble fictif au grand trouble dont parle Josèphe. Soyons d'habiles changeurs ! avait dit en ses Homélies le digne pape Clément, successeur de Pierre à Rome ! Donnons aux goym tous les changes dont nous sommes capables ! Que toutes nos pièces soient fausses ou fourrées ! Oui, c'est vrai, il y a eu du bruit la veille d'une pâque dans les derniers jours de Bar-Jehoudda, un bruit où son nom demeure attaché, mais ce n'est pas cette veille de pâque où Pilatus a massacré des Galiléens dans le Temple et crucifié leur chef avec quelques-uns de ses complices, c'est celle de 785 qui fut de peu de conséquence. Personne ne lui en sut mauvais gré, comme vous voyez. Et puis il y a trop longtemps que le Temple est détruit pour s'intéresser à la chose !

Toutefois les millénaristes juifs sont plus difficiles à tromper. Ils savent que la Régénération par le feu devait commencer avec l'Agneau de 789 ; que le monde païen devait être détruit par tiers sous les trois signes correspondant aux trois premiers jours de la Genèse (jours de mille ans, on se le rappelle) ; que les Juifs sauvés par l'eau du baptême devaient célébrer leu r triomphe sur les nations après ces trois signes — Agneau, Taureau, Gémeaux, — c'est-à-dire sous les Ânes, et que le Temple terrestre devait faire place au Temple d'or et de pierreries qui descendait des cieux. Rien de tout cela n'est arrivé, bien entendu. Comment le revenant va-t-il se tirer d'affaire quand les Juifs lui demanderont des explications sur celte Apocalypse De la façon la plus simple du monde ; il n'est nullement embarrassé, il sait que l'échéance de la prophétie a été remplacée par la déchéance du prophète, et qu'en fait d'Agneau ou d'Ânes, le christ en est resté au dernier jour des Poissons dans lequel il a été crucifié ; il sait que depuis les trois jours qu'il a passés au Guol-Golta deux jours sur la croix, un jour dans le caveau provisoire, on a comparé son cas à celui du Jonas ninivite et son enlèvement nocturne hors du tombeau à une Assomption par l'Esprit de vie dont le Verbe est le dispensateur. Il est donc armé pour la discussion.

18. Les Juifs donc, prenant la parole, lui dirent : Par quel signe nous montres-tu que tu peux faire ces choses ?

19. Jésus répondit et leur dit : Détruisez, ce Temple, et je le relèverai en trois jours.

20. Mais les Juifs repartirent : Ce Temple bâti représente quarante-six ans ; et toi, tu le relèveras en trois jours ?

21. Mais Jésus parlait du temple de son corps.

22. Lors donc qu'il fut ressuscité d'entre les morts, ses disciples se ressouvinrent qu'il avait dit cela, et ils crurent à l'Écriture et à la parole qu'avait dite Jésus.

Avouez qu'il est difficile de pousser plus loin l'art de fumisterie, et que les Juifs, ces prétendus déicides, sont de merveilleux compères. Car non seulement ils tiennent Jésus quitte du signe sous lequel leur triomphe devait accomplir, mais encore ils avalisent par anticipation la similitude de Jonas que les mystificateurs appliquent au christ ; ils apostillent le travail d'écritures auquel se sont livrés les Évangélistes, tant les synoptisés que l'insynoptisable Cérinthe ; ils s'associent par leur silence à la basse fourberie dont les goym seront les seules victimes. Tout ce qu'on leur demande, c'est de se contenter des réponses de Jésus qui consistent à ne pas répondre, ou de faire semblant de ne pas comprendre. Ainsi font-ils. Si un seul d'entre eux demandait à voir les Ânes, tout croulerait en un instant. Au fond Jésus n'est pas tranquille, il a une frayeur atroce qu'on ne crie à l'imposture !

Car on est revenu sur ce passage pour le rendre conforme à la prophétie que les Synoptisés prêtent au crucifié et dans laquelle il annonce qu'il ressuscitera après trois jours. Cérinthe est tout à fait contraire à ce dispositif ; de son temps, il le dira en propres termes, les disciples (Naziréens, Ébionites, Jesséens) ne connaissaient pas encore les passages dont on s'est servi pour démontrer que Bar-Jehoudda devait ressusciter des morts. On ne les avait pas encore découverts dans les Écritures, et on n'a pu les y découvrir qu'en les cherchant avec le ferme dessein de les utiliser pour la mystification des goym. Nous avons déjà fourni par la chronologie la preuve que tout le plan de Cérinthe avait été bouleversé. Nous allons en avoir une autre aux versets suivants. Le faussaire l'a nous dire qu'à cette pâque beaucoup de Juifs crurent à Jésus en voyant les sèmeia qu'il faisait. Comme à cette pâque il n'en fournit aucun, il ne peut être question que de celui de la Piscine probatique. Donc celui-là au moins se plaçait avant cette pâque dans l'original de Cérinthe.

23. Or, lorsque Jésus était à Jérusalem pendant la fête de Pâque, beaucoup crurent en son nom, voyant les signes et qu'il faisait.

24. Mais Jésus ne se fiait point à eux, parce qu'il les connaissait tous

25. Et qu'il n'avait pas besoin que personne lui rendit d'aucun homme, car il savait par lui-même qu'il y avait dans l'homme.

Jésus sait ce qu'il y a dans l'homme qui est venu à pâque de 785 pour se présenter au peuple, et il n'a pas besoin du mauvais témoignage que les Juifs en rendent, soit oralement, soit dans Josèphe, soit dans Juste de Tibériade, soit dans le Talmud. Ces Juifs sont des sots, ils ne se doutent pas qu'en parlant ils ont travaillé contre eux-mêmes. Jésus qui sait tout ne parle pas. L'éloquence du Verbe, c'est le silence complet sur ce que fut l'homme en qui Cérinthe le fait revenir, il est donc entendu qu'on en parlera le moins possible.

 

 

 



[1] Quand un homme mourait, on disait qu'un nom périssait. Dans l'Apocalypse sept mille noms tombent à Jérusalem avec Jehoudda pendant le Recensement de 761. (Cf. Le Roi des Juifs.)

[2] Cf. Le Saint-Esprit et le Gogotha.

[3] I Rois, I, 1.

[4] Trois jours après celui (le quatrième, celui des Ânes) où Jésus a intimé à Ménahem l'ordre de se taire.

[5] Sur ces mythes chiffrés voyez Le Gogotha.

[6] Apocalypse, XIX (Koph), 7-40.

[7] Il y a trente-six décans à l'année.

[8] Lévitique, XXIII, 24-42.

[9] Lévitique, 42, 43.

[10] D'où le nom d'Eloï-Schabed (serment de Dieu) donné à la mère du christ dans Luc, I, 5.

[11] Isaïe, XLII.

[12] On a mis ou trois pour égarer les recherches.

[13] Jadis le Seigneur avait eu sa vigne dans le Temple. Et chaque année, Bacchus, dans celui d'Andros, aux nones de janvier, — Janus ayant ouvert les portes de la nouvelle année — changeait par la main de ses prêtres l'eau en vin dans trois cruches : symbole du solstice qu'il consentait encore une fois à ramener dans l'île.

[14] Les Évangiles annotés par P.-J. Proudhon, Bruxelles, 1863, in-12°, p. 323, 324, 325.

[15] Les Évangiles annotés par P.-J. Proudhon, p. 323, 324, 325.

[16] L'Église n'a pas craint d'enlever cet Évangile à Cérinthe pour le donner à ce prétendu Jean, lequel n'est autre que le crucifié lui-même. Tant que cet écrit a été de Cérinthe, il a été le comble de la malice satanique. Maintenant qu'il est de Jean, il est le comble de la révélation divine.

[17] Pris à l'allégorie de Luc (II, 49), une des preuves les plus convaincantes de l'inexistence en chair de Jésus.

[18] Ch. V dans la version falsifiée par l'Église après qu'elle eut enlevé cet Évangile à Cérinthe.

[19] Pour l'explication, cf. le Roi des Juifs.

[20] Jérusalem, la Ville Sainte.

[21] Jérémie, XVII, 21.

[22] On voit par là que le Juif en question n'était nullement paralytique, mais il n'avait pas eu assez de foi dans la famille de David, ce que le scribe assimile à une maladie. Jésus l'enlève à son lit de douleur. Que le guéri charge ce fardeau et marche !

[23] De probaton, troupeau. (Cf. Le Roi des Juifs.)

[24] Cf. Le Charpentier.

[25] A coup sûr non. C'est une addition.

[26] C'est-à-dire en forme de fils de l'homme dans l'Apocalypse, et commis à ce qui regarde l'homme.

[27] Au verset 44.

[28] C'est-à-dire pendant des jours où il leur est interdit de sortir de Jérusalem.

[29] Dans l'Apocalypse Joannès n'entend de voix que celle du Fils, mais il déclare avoir vu la figure du Père, cf. Le Roi des Juifs.

[30] Ici le Saint-Siège doit être entendu : Il faut, dit-il, s'aveugler volontairement, pour trouver ici un ordre donné à tous de lire les Écritures. C'est évidemment un reproche fait aux pharisiens, de ce que, lisant les Écritures et pensant y trouver la vie éternelle, ils ne voulaient pas reconnaître Jésus-Christ, lui à qui toutes les Écritures rendaient témoignage, et par qui seul ils pouvaient avoir celle véritable vie.

[31] Nous l'avons dit bien souvent, l'Apocalypse, c'est l'application exécutoire des deux tables de Moché-ar-Zib, le Mage aux Poissons.

[32] Suite du chapitre II dans la version de l'Église.

[33] Période comprenant sept ans.

[34] En dehors de la résurrection d'Éléazar, Cérinthe ne lui donne jamais de sœurs, comme font les Synoptisés.

[35] Isaïe, ch. IX, 23.

[36] Le lac de Tibériade (Génézareth), dit M. Zadoc Kahn.

[37] Ghelil hagoyim, la Galilée. — Espoir d'une réparation future. Ce paragraphe est obscur, dit M. Zadoc Kahn. Il est assez clair dans cette traduction, mais que penser de celle du docteur Klein : Car il n'y a point eu d'obscurité épaisse pour celle qui a été affligée, au temps que le premier se déchargea légèrement vers le pays de Zabulon et vers le pays de Nepthali, et que le dernier s'appesantit sur le chemin de la mer, au delà du Jourdain, dans la Galilée des Gentils ? N'ouvre-t-elle pas un vaste champ à la méditation ?

[38] Relativement à la marche du soleil.

[39] Genèse, XLIX, 13. C'est en vertu de cette prophétie que Bar-Jehoudda revendiquait Tyr et Sidon comme étant son héritage. Cf. le Roi des Juifs.

[40] Le kana.

[41] Cf. le Roi des Juifs.