LE MENSONGE CHRÉTIEN - (JÉSUS-CHRIST N'A PAS EXISTÉ)

 

TOME IV — LE SAINT-ESPRIT

VI. — PIERRE AU GUOL-GOLTA.

 

 

I. — SHEHIMON ET JACOB À ANTIOCHE.

 

Ayant manqué leur coup dans Éphèse, Shehimon et Jacob[1], avec leur suite, parurent dans Antioche, annonçant une grosse famille pour l'année suivante et avec d'autant plus d'assurance qu'ils se proposaient d'y contribuer sabbatiquement. Les Actes se sont bien gardés de porter le fait à la connaissance du très excellent Théophile. Nous n'avons sur ce séjour que la Lettre aux Galates, savamment tripatouillée en des âges prudents, mais formelle.

Le milieu était plus favorable qu'à Éphèse. On était plus près de Lucius, de Siméon dit Niger et de Ménahem. Lucius était de cette pâte cyrénéenne dans laquelle Dieu modela, sous Vespasien, les messianistes de Jonathas, et sous Trajan ceux d'Andréas[2]. Ce n'est pas en vain que les Cyrénéens avaient une synagogue à Jérusalem du temps de Bar-Jehoudda, ni par hasard que Simon, s'est trouvé juste à point le 14 nisan 788 pour charger la croix du roi des Juifs, Quant à Siméon dit Niger, son surnom broie trop de noir pour qu'on songe à le tirer de son obscurité ; mais si l'Éthiopie lui donna naissance, on peut voir en lui un très proche parent de cet eunuque Juif que Philippe rencontre, lisant prématurément Isaïe sur la route de Gaza, le lendemain des exécutions qui ont contrarié le Renouvellement du monde par le feu.

Le soir, autour de la lampe, on évoquait devant Alexandre et Rufus l'ombre de leur père, le pauvre Simon de Cyrène, qui avait consenti à jouer sur la croix le rôle périlleux du Nazir. Shehimon n'allait se coucher qu'après avoir jonglé pendant des heures avec la couronne de David ; Niger faisait des poids pour s'exercer au sicariat ; Lucius fomentait ses esprits guerriers ; Barnabé, grand docteur de la Loi, se promettait le siège de Gamaliel au futur sanhédrin, quand on aurait assassiné Saül et Tibère Alexandre.

 

L'Ange de la famine, le seul qui fût descendu depuis le dernier Jubilé, choisit une année sabbatique pour se manifester le plus cruellement[3]. L'année 760, pendant laquelle Jehoudda prêcha, était sabbatique. L'année 788, à la fin de laquelle Bar-Jehoudda fut mis en croix, était sabbatique. L'année 802 l'était également. Or que disait la Loi ? Qu'on ne travaillerait pas, qu'on ne sèmerait pas et qu'on ne récolterait pas. On ne mangerait pas, si on n'avait dans ses greniers des provisions de l'année précédente. La famine de Jérusalem fut longue et calamiteuse. On sait la charité que montrèrent en ce malheur Izate, roi d'Adiabène, et sa mère Hélène, qui par conviction secrète avaient embrassé la religion juive[4]. Ils firent venir du blé d'Égypte et des figues 'sèches de Chypre pour soulager la misère publique. Les princes hérodiens aidèrent Alexandre de toutes leurs forces. Pendant ses missions d'Asie, de Macédoine et d'Achaïe, Saül avait fait des collectes heureuses, souvent molesté par le parti zélote qui possédait des ramifications profondes au dehors et qui tenait pour les fils de Jehoudda, puisque les fils de Jehoudda tenaient contre la Bête. A Antioche Saül faillit être tué[5]. Dans ces circonstances, où toute la vie d'une nation était en jeu, Alexandre exigea sans doute la suspension pension de la Loi sabbatique et demanda aux Juifs de semer, né fût-ce que pour venir en aide à leurs frères malheureux : cas de force majeure que Dieu pouvait n'avoir pas prévu. Shehimon et Jacob protestèrent avec d'autant plus de véhémence qu'avant la famine le pro. Curateur avait envoyé du - blé de Judée aux ports de Tyr, de Sidon et de Césarée où la Bête romaine venait l'embarquer pour l'engloutir ; une famine avait vidé les greniers d'Ostie, le blé de Galilée les avait remplis. La paille pour les Juifs, le grain pour les païens, voilà comment Alexandre entendait l'administration ! Avoir lutté contre Quirinius, contre Pilatus, contre Fadus, pour arriver à supporter qu'un Juif en toge enlevât les moissons du peuple de Iahvé ! Agrippa avait pu en distraire quelques gerbes pour Claude pendant la famine dont Rome avait souffert, mais cela s'était passé après une année sabbatique. Puisqu'Alexandre affamait ses coreligionnaires de la veille, et que ceux-ci le toléraient, les habitants de Jérusalem, de leur côté, ne mangeraient pas ! Ils ne le méritaient pas depuis qu'ils avaient tué Jehoudda dans le Temple et livré le christ à Pilatus pour ce qui est des Kannaïtes, Zélateurs de la Loi, à eux de se pourvoir, comme pendant l'année du Recensement et celle du Roi des Juifs, en pillant les greniers publics et en interceptant les convois dirigés sur les ports de Phénicie qui tiraient leur nourriture de la Galilée !

La famine ne va jamais sans l'émeute ; ces deux cousines se succèdent, l'une fille de l'imprévoyance, l'autre de la colère. Ce qui est vrai de Rome est vrai de Jérusalem, vrai de partout. Le ventre a des yeux qui voient tard, mais clair. La question du blé domine l'antiquité. Un bon prince, un bon roi, c'est beaucoup de blé. Claude voulait être un bon prince, un bort empereur. Alexandre avait affamé la Galilée et la Transjordanie au nom de Claude, on répondrait en affamant les Juifs du Temple au nom de la Loi !

 

En vain eût-on représenté à Shehimon et à Jacob qu'il était dû quelque respect au neveu de Philon, le chantre du Logos dont le Quatrième Évangile devait tirer plus tard un parti si brillant. Shehimon eût gardé l'insensibilité de la pierre et Jacob n'eût pas compris, même à coups de maillet. Entre Alexandre et eux il y avait le souvenir d'Éphèse et la Loi. Ils entrèrent en campagne avec leurs troupes ordinaires, les esclaves dont la Loi sabbatique' relâchait les liens et que leurs maîtres ne cherchaient pas à retenir près du garde-manger. Les Évangiles ont grossi démesurément l'importance de Bar-Jehoudda, mais c'est uniquement parce qu'il est l’auteur de l'Apocalypse, conclusion de l'Ancien Testament et apothéose de la race juive. Dans le fait, Shehimon et Jacob ont été autant que lui. Theudas n'a pas été moins, et Apollos, dans son action anti-davidiste, parait les avoir surpassés tous, hormis Ménahem qui est arrivé à ses fins.

 

II. — RETOUR DE SHEHIMON ET DE JACOB EN JUDÉE : LEUR CRUCIFIXION.

 

Comment Gallion et Saül ont-ils été mêlés à ces événements et à la punition de leurs auteurs, c'est ce que nul aujourd'hui ne peut dire. Sur le fait en soi la Lettre aux Galates ne laisse pas le moindre doute. La seule question qui, se posé, c'est de savoir si Saül, après sa mission d'Éphèse, est allé prendre Gallion à Corinthe[6] ou s'ils se sont rejoints dans 'Antioche : On pourrait croire qu'il n'y avait rien à faire contre ce document, d'où il résulte invinciblement que Saül et Gallion sont allés ensemble à Jérusalem, partis d'Antioche l'année où on a crucifié Shehimon et Jacob, c'est-à-dire 802 ; ce serait mal connaître la puissance du Saint-Esprit appliquée à l'histoire. Dans les Actes il a fait descendre à ce voyage la même échelle chronologique qu'à la crucifixion de Bar-Jehoudda : sept degrés d'une année[7]. Saül n'est plus accompagné de Gallien comme dans la Lettre aux Galates. Le Saint-Esprit a donc défait dans les Actes ce qu'il avait fait dans la Lettre, et, c'est pour l'intérêt de l'Église mieux entendu.   

Toutefois ce que les Actes disent d'Agrippa Ier comme étant advenu en 797, à savoir qu'il était fort irrité contre Tyr et Sidon, doit être entendu de Tibère Alexandre en 802. Ce ne sont d'ailleurs pas les Tyriens et les Sidoniens proprement dits qui provoquèrent cette irritation, ce sont les Juifs de ces deux villes qui, déjà visités en 788 par le roi-christ[8], s'étaient émus de nouveau pour à cause de la Loi violée. Que le marché contre lequel Shehimon et Jacob se levèrent fût ancien déjà, qu'il ait été passé sous Agrippa et que le chambellan Blastus y fût pour quelque chose, c'est possible, et même on peut croire que Blastus l'a payé de sa vie s'il est passé à portée de la sique des deux frères. C'est bien l'exécution de ce traité qui, combiné avec l'observation de la Loi sabbatique, a aggravé la famine et provoqué la révolte dans laquelle ils ont péri ; ils accusaient Alexandre devant le peuple de s'être vendu aux Tyriens et aux Sidoniens, en respectant les conventions passées avec Festus. Et c'est bien parce que les habitants de Tyr et de Sidon tiraient leur subsistance des terres du roi que les Juifs loyalistes n'eurent pas de peine à arranger leurs affaires avec Alexandre : ils étaient les premiers intéressés dans la punition de ceux qui arrêtaient les convois. Ce sont eux qui probablement les livrèrent. Les mouvements suscités par les Theudas, les Shehimon et les Jacob étaient connus des historiens romains qu'abrège Tacite[9]. Car Tacite, simple abréviateur malgré tout son génie, dit que, même après Caligula, les Juifs avaient donné des signes de rébellion qui subsistaient, encore sous la procurature de Félix, c'est-à-dire après celle de Tibère Alexandre. Quoique la mort de Caligula eût arrêté l'exécution de certains ordres [que le texte ne relate plus][10], la crainte restait de voir un autre empereur les renouveler.

 

Dans une opération dont il ne reste plus aucune trace, et sans qu'on puisse savoir si ce fut autour de Jérusalem, en Galilée, au-delà du Jourdain ou sur les routes de Tyr et de Sidon, Tibère Alexandre s'empara de Shehimon et de Jacob, les fit mener à Jérusalem, enfermer dans la tour Antonia[11] et crucifier en punition de leurs méfaits, au même lieu que leur frère aîné, c'est-à-dire au Guol-golta du Gué-ben-Hinnom. À côté de tous les mensonges que l'Église a glissés dans Josèphe, elle y a laissé cette vérité : Shehimon et Jacob, fils de Jehoudda, le Jehoudda du Recensement, sont morts crucifiés 'tous les deux par Tibère Alexandre, procurateur de Claude en Judée. Et quand bien même Josèphe ne nous apprendrait pas de quel supplice ils ont péri, nous le saurions à n'en point douter par l'Évangile. Quant au motif, on l'a supprimé de 'partout. Pourquoi Tibère Alexandre les a-t-il crucifiés ? On ne sait. Qu'ont-ils fait ? Rien... Quoi ! c'est sans cause qu'on crucifia l'un et l'autre ? Oui, sans cause. Pourtant, il y en avait une et Josèphe la disait ; c'est Môme pour cela qu'elle n'y est plus. Josèphe, ami intime de Tibère Alexandre, Josèphe, ennemi capital de la secte fondée par Jehoudda et continuée par ses fils ; Josèphe qui eut à la combattre en la personne de Ménahem, leur dernier frère, Josèphe donnait la raison. Ou plutôt, il la redonnait, car il l'avait déjà indiquée à l'endroit où il parle du fondateur du christianisme et, de son associé. La rage de ces séditieux passa jusqu'à cet excès de fureur qu'une grande famine qui survint ne put les empêcher de forcer les villes ni de répandre le sang de ceux de leur propre nation[12]. La voilà, la cause, ô mon âme ! comme dit Hamlet. Il n'y en a pas d'autre. C'est pourquoi elle n'est pas dans les Actes des Apôtres et pourquoi elle n'est plus dans Josèphe. Toutefois on sait par les Actes que les Juifs de Jérusalem applaudirent à l'exécution, ce qui est une opinion de ventres vides et d'estomacs contrariés.

Selon toutes les apparences Shehimon et Jacob furent pris comme l'avait été Bar-Jehoudda. Ce n'est pas en vain qu'on tente d'assassiner et qu'on assassine toutes les fois qu'on peut les membres du sanhédrin et les officiers du Temple. Pour, n'être pas fils de David, les gens comme Jehoudda Is-Kérioth et Ananias ont de la famille ; et dans une religion où la vengeance se transmet jusqu'à mille générations, on tient une comptabilité régulière des meurtres par lesquels Shehimon et ses frères répondent depuis le Recensement au massacre de leur père et de leur oncle dans le Temple, à la lapidation de leur frère Jacob junior et, à la crucifixion de leur frère le christ, sans oublier la déplorable fin d'Éléazar et toutes celles que nous ignorons. Un homme semble avoir pressé avec quelque ardeur l'exécution de Shehimon et, de Jacob après leur capture, cet homme, c'est le grand-prêtre Ananias qu'il ne faut pas confondre, comme le fait l'Église, avec un autre Ananias, également grand-prêtre en 819, et qui fut assassiné dans les égouts par Ménahem. L'Ananias qui requit contre Shehimon et Jacob était, parait-il, fils de Nébédaios[13], ce qui nous laisse assez froids ; mais nous ne pouvons nous ranger à l'avis du Saint-Siège, lorsqu'il fait de cet Ananias l'individu qui périt par ordre de Ménahem[14]. Ce serait méconnaître le sentiment dans lequel était tenue la comptabilité de la gheoullah dans la famille du Juif consubstantiel au Père. On mettait son honneur à ne pas être en retard sur son voisin d'un seul assassinat, et quand on eut assez tué sur les chemins ou dans les rues, on cacha sa sique sous sa robe et on tua dans le Temple. Quand on fit la balance de l'exercice 802, on mit en report Ananias, fils de Nébédaios. Tout nous dit qu'il avait payé sa dette bien avant 819.

 

III. — LE SANHÉDRIN DE 802 ET LE DISCOUPS DE GAMALIEL.

 

Le sanhédrin était présidé par Gamaliel, parent des accusés, car il descendait, lui aussi, de David. Selon les Actes, auto voix, la sienne, se serait élevée mollement pour eux dans l'assemblée. Il faut considérer qu'à leur point de vue, celui de la Loi, ils étaient sans péché. Si le pharisien Gamaliel a effleuré ce point délicat, s'il a demandé quelque atténuation à leur châtiment, — par exemple, une sépulture plus honorable que le Guol-golta, — c'est tout ce qu'il a pu faire. Car Gamaliel a présidé le sanhédrin sous Tibère, sous Caligula et sous Claude[15], et par conséquent, à moins qu'il n'ait été absent, ces jours-là, il avait déjà signé les condamnations de Jacob junior, d'Éléazar et de Bar-Jehoudda. Le discours qu'on lui prête dans les Actes est d'une fausseté manifeste, il n'est même pas placé au bon endroit[16]. Mais les scribes ecclésiastiques travaillent à une telle distance des lieux et des événements qu'ils sont certains de n'être démentis par personne, sinon par l'histoire, ce qui les laisse tout à fait indifférents.

Car Gamaliel a également condamné Theudas. Or, vous avez vu que la révolte de Theudas a eu lieu sous Fadus, en 798 ou 799, et que celle du père du christ était de 761. On est donc revenu sur le premier texte des Actes, qui reconnaissait certainement l'antériorité de Jehoudda. Theudas s'est levé avant ce temps-ci, dit le pseudo-Gamaliel quand on lui amène les crucifiés de Tibère Alexandre. Et en effet il savait que Theudas s'était levé trois ou quatre ans avant ce temps-ci, c'est-à-dire avant le temps qui amène Shehimon et Jacob devant le sanhédrin en présence d'Alexandre. Il ne pouvait se tromper : la tête de Theudas, trophée de Fadus, avait été envoyée à Jérusalem, où chacun avait pu la voir, car cette aventure, dit Josèphe, fut ce qui arriva de plus remarquable sous le gouvernement de Fadus. Avant ce temps-ci veut donc dire avant l'événement à propos duquel je vous fais, moi, Gamaliel, le beau discours que vous entendez. La déconfiture de Theudas est si récente que Gamaliel donne le nombre des disciples tués avec lui, quatre cents, chiffre qui n'est pas dans Josèphe, mais qui peut-être en vient, car cette précision étonne sous la plume du scribe des Actes. Gamaliel ne connaît que deux christiens depuis le commencement du siècle, Jehoudda, qu'on fait Galiléen[17], et Theudas. Le sanhédrin de 802 n'en connaît pas davantage. Pas un mot de Bar-Jehoudda, le roi-christ que ce même sanhédrin, présidé par ce même Gamaliel, a condamné en 788 et que Pilatus a mis en croix le 14 nisan. Pas un mot d'Éléazar bar-Jaïr condamné en même temps que lui. Pas un mot de Jacob junior condamné on 787 et lapidé par Saül. Il y a là un phénomène d'amnésie d'autant plus extraordinaire que le sanhédrin a devant lui deux des fils de Jehoudda pour les envoyer au même supplice que leur frère aîné. Pas un mot par conséquent d'un nommé Jésus, qui aurait étourdi la Judée par ses maximes et ses miracles, ni d'un nommé Joannès, baptiseur qui aurait, été son Précurseur au Jourdain. On n'a connu ni l'un ni l'autre, puisqu'on ne se rappelle pas avoir connu Bar-Jehoudda.

Aussi Gamaliel déclare-t-il, avec ce détachement des choses d'ici-bas qui caractérise les gens morts depuis deux ou trois siècles : Ne vous occupez plus de cos hommes et, laissez-les, car si cette entreprise ou cette œuvre est des hommes, elle se dissipera ; que si elle est de Dieu (et elle l'est, puisque l'Église s'en occupe), vous ne pourrez la détruire, et peut-être (c'est même certain) que vous vous trouveriez combattre contre Dieu même ![18] Tout cela est fort bien, mais il se trouve que par un malheureux hasard ce beau parleur a présidé les quatre séances du sanhédrin dans lesquelles ses quatre cousins, Jacob junior, Bar-Jehoudda, Shehimon et Jacob, ont été condamnés solennellement à mort. Et ce rapprochement en dit assez sur ses véritables sentiments et sur ceux de Saül, son élève. Mais comme sous le nom de Paul on a transformé Saül en apôtre du christ ressuscité par les évangélistes, on ne pouvait faire moins que de montrer chez son martre les mêmes sentiments de sympathie et presque d'adhésion, Toutes ces impostures, et, vraiment elles ne sont pas ragoûtantes ; s'enlacent et se pénètrent, étouffant toute notion de justice et de vérité chez les ouailles, stupéfiant leur esprit, les réduisant par la fatigue à accepter les ténèbres plutôt, que de chercher à en sortir.

 

IV. — AU GUOL-GOLTA.

 

En résumé, c'est bien à Jérusalem, et au Guol-golta, que Shehimon, en Évangile la Pierre, a été crucifié avec Jacob, devant le cimetière d'où quatorze ans auparavant il avait enlevé nuitamment le corps de son frère le Nazir. Nous sommes donc certain ,tic, dans l'esprit de Cérinthe, autour du Quatrième Évangile, ce n'est ni à Rome, sur le Janicule ou sur le Vatican[19], ni hors de Judée que s'est dressée la croix de Shehimon, fils de Joannès Ier[20]. Nous en avons la preuve dans la christophanie qui se passe sur les bords du lac de Génézareth et où sou frère, sons les espèces de Jésus, lui fait cette prédiction posthume : On t'attachera et on te mènera où tu ne voudras pas. Martyr contre sa volonté, tel est Shehimon, en cela semblable au roi-christ qui comptait, encore plus sur ses jambes que sur son bras, Il fallut les attacher l'un et l'autre. Depuis le Sôrtaba jusqu'à la fin, avec escale dans la Cour de Kaïaphas et à Éphèse, Shehimon a décliné toutes les occasions qui se sont offertes à lui de dire : C'est moi, me voilà ! La fuite est son grand moyen. Ah ! quand il était jeune et qu'il retroussait sa robe jusqu'à la ceinture pour aller plus vite, il n'était pas facile à prendre ! Mais il a vieilli, il n'a plus ses jarrets du Sôrtaba, on lui a mis la main dessus, le voilà pris et crucifié[21].

Soutiendra-t-on que Shehimon a été conduit à Rome prisonnier et que c'est ce qu'il faut entendre par les mots : On te mènera où tu ne voudras pas ? Josèphe enlève toute créance à cette thèse. C'est Alexandre qui fit crucifier les deux frères. Crucifié à Rome, Shehimon ne l'eût point été par Alexandre, mais par Claude. Est-ce qu'Alexandre envoie Jacob à Rome ? Pourquoi y aurait-il envoyé Shehimon ? Est-ce que le sanhédrin, présidé par Gamaliel, siégeait à Rome ? Est-ce que Jonathan, fils de Hanan, et Alexandre, qui assistent, tous deux à la séance, sont à Rome ? Est-ce que la forteresse Antonin où Shehimon et Jacob sont enfarinés est à Rome ? Loin du seconder les fraudes ecclésiastiques ourdies aux quatrième et cinquième siècles, la prédiction de Jésus, qui comme toute lionne prédiction évangélique enregistre un fait accompli[22], vient fortifier invinciblement l'histoire représentée par Josèphe. Car, comment Shehimon aurait-il accompagné le jésus au Guol-golta, si sa croix avait surgi hors de la terre juive ?

Dira-t-on que Josèphe ne doit pas être cru, n'ayant point le Saint-Esprit ? L'argument est très fort, je le reconnais. Mais l'auteur du Quatrième Évangile a le Saint-Esprit, personne même ne l'a davantage, puisque l'Église a enlevé cet écrit à Cérinthe pour le donner à certain disciple chéri qu'elle appelle Joannès. Vous avez entendu ce témoin, il a vu Shehimon dans une barque, sur le lac de Génézareth, à la veille de sa crucifixion. Nierez-vous que Mathieu et Marc aient le Saint. Esprit ? Non certes, car vous feriez tort à vos connaissances. Eh bien ! que dit Marc ? Marc dit avoir vu, sur le chemin qui va du Jourdain à Jérusalem, deux des fils du Zibdeos, dont Jacob, sous son nom de Jacques, en route pour leur Crucifixion au même endroit que Bar-Jehoudda, sous son nom d'Apocalypse. Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire, leur demande le Joannès sous les traits de Jésus ? — Nous le pouvons. Et Jésus : Il est vrai que vous boirez la coupe que je vais boire[23]. Vous ne voulez point croire Marc, parce que, n'étant point des Douze, Marc n'a pu recevoir le Saint-Esprit au degré convenable ? En effet, Marc est suspect de mensonge, surtout en cet endroit d'où il fait disparaître Pierre qui est parmi les interlocuteurs anonymes dans Mathieu. Mais Mathieu ? Contestez-vous Mathieu qui est des Douze, et qui a reçu le Saint-Esprit au point de remplacer Is-Kérioth dans un emploi que celui-ci n'a jamais tenu ? Non. Eh bien ! qu'a vu Mathieu ? Avec ses yeux pleins de la flamme céleste, Mathieu a vu la même chose que Marc : les grands fils de Zibdeos — que voici, dit leur mère, — montant à Jérusalem pour y boire le même calice que leur aîné[24]. Si vous faites à Mathieu l'affront de douter de sa parole, pousserez-vous l'ignominie jusqu'à douter de celle de Jésus qui a donné son corps et son sang pour vous racheter de la mort et du péché ? Non, Eh bien ! que dit Jésus au moment même où il fait ce sacrifice ? Jésus dit à Shehimon : Quand un jour tu seras revenu, confirme tes frères. Donc Shehimon est revenu (de mauvaise grâce, si vous voulez, mis enfin il est revenu), et il a confirmé ses frères, tout au moins leur allié. Contesterez-vous ces paroles sous le prétexte qu'elles ne sont que dans Luc, lequel nu fut point apôtre titulaire ? Vous le pouvez, puisque Lue ne bénéficie pas de l'infaillibilité dont le pape seul est investi. Mais alors nierez-vous que le jésus ait été crucifié au Guol-golta ? Non. C'est donc bien là que Shehimon a confirmé ses frères dans la Loi et dans la foi du grand Panthora, leur père.

 

V. — ASSOMPTION DE PIERRE HORS DE SHEHIMON ET DE JUDÉE.

 

Considérez comment s'ourdit une fourberie d'Église. Pour commencer, les Actes ont placé la famine avant la mort d'Agrippa, alors que dans Josèphe elle est postérieure de cinq bonnes années. On obtient par ce moyen que le supplice de Shehimon et de Jacob n'ait pas eu lieu sous Tibère Alexandre, et qu'il puisse y avoir eu autre chose qu'une double crucifixion. On supprime ensuite tout lieu de parenté entre Shehimon et son frère. Jacob est encore frère du Joannès[25], mais il ne l'est plus de Shehimon qui, de son côté, est devenu Pierre, en sorte que ce Pierre cesse d'avoir été frère dut Joannès, lequel, de son côté, s'appelle dorénavant Jésus et devient différent de ce qu'il a été sous son pseudonyme d'Apocalypse.

Le tapis ainsi préparé, on apporte les gobelets. Agrippa se saisit de Jacques, frère du Joannès, et le fait périr par l'épée. Conséquence : il ne peut être question de Jacob, frère de Shehimon et fils de Jehoudda, dont parla Josèphe, puisque dans Josèphe Jacob meurt crucifié par Tibère Alexandre. Ce Jacques devient donc un apôtre subalterne qui, pour cette fois seulement, avait crié plus fort que les autres. Agrippa s'empare aussi de Pierre qui sous ce nom n'est plus frère de Jacques. C'est le jour des Azymes, autrement dit le jour de la Préparation à la pâque.

Pierre devait subir le même sort que Jacques, c'est-à-dire être décapité, mais Agrippa se rappelle que Pierre meurt crucifié dans les Évangiles et il surseoit à sa décollation, parce qu'il vont l'exécuter publiquement après la pâque. Voici pourquoi, étranger à l'affaire et par surcroît mort depuis trois cents ans, Agrippa prend cette détermination.

Nonobstant, la tradition religieuse qui interdisait aux Juifs de mettre à mort quelqu'un en ce grand jour, le crucifié de Paulus, frère alité des deux crucifiés d'Alexandre, avait été supplicié le jour même de la Préparation à la pAque. Le sanhédrin, toutefois, avait eu des scrupules, et, quoiqu'il l'eût condamné depuis longtemps, qu'il eût promis une récompense à qui l'arrêterait, et que Kaïaphas le tint prisonnier dans lut cour de sa maison, on n'avait pas voulu l'exécuter à cause de Pilatus à qui il appartenait et, de l'usage où l'on était, non seulement de ne pas exécuter ce jour-là, mais d'accorder l'amnistie jubilaire à quelqu'un. Pilatus, on le sait, avait passé outre, la loi Julia primant l'habitude juive ; le christ avait donc été crucifié avant la pâque, tous les anciens Évangiles le disaient, ne pouvant prévoir à quel point irait la mystification des goym.

Mais depuis la fabrication de l'épisode dans lequel on voit Bar-Jehoudda célébrer la pâque sous les espèces de Jésus, alors qu'il était en croix depuis la veille, il fallait qu'on vit, par l'exemple de Pierre, qu'il n'avait pas pu être mis en croix avant la pâque, et que par conséquent il avait, célébré la Cène et offert son propre corps en sacrifice conformément aux prophéties qu'on lui prête dans l'Évangile. Le sursis spontanément accordé à Pierre par Agrippa donne à cette nouvelle imposture un air de vérité qui lui manque totalement dans l'Évangile.

 

Le supplice de Shehimon est remplacé par l'évasion de Pierre. Mais Pierre ne s'évade pas seulement de la prison, il s'évade de son corps terrestre, lequel est une prison.

Cette évasion, c'est son Assomption, à lui. On l'enlève à l'attente de tout le peuple juif et à celle de toute sa famille, car tout le monde sait, où, quand, pourquoi, par qui, avec qui, après qui, il a été crucifié. Lorsqu'il revient nuitamment frapper à lit porte de la maison de David, personne ne veut croire que ce soit lui. C'est son ange, dit-on. En effet, c'est, son double angélique, et comme un revenant des cieux. Aussi Agrippa, l'ayant recherché, ne le trouva point.

Agrippa, tu n'as pas bien cherché ! Cela tient sans doute à ce que tu étais mort depuis cinq ans. Si ta police avait eu plus de flair, elle aurait retrouvé Shehimon trônant à Rome sous le nom de Pierre dans sa chaire papale. L'Église l'a bien retrouvé, quand il s'est agi pour elle d'enlever Shehimon aux Juifs de Judée, conformément à la doctrine des doubles dans l'Apocalypse.

Ce sont, les doubles de Jehoudda et de Zadoc qui en 761 vont au ciel après trois jours, tandis que leurs corps attendent la résurrection au 16 nisan 789[26], Qu'est-ce que Jésus dans les Évangiles ? Le revenant du Joannès. Qu'est-ce ici que Pierre ? Le revenant, de Shehimon. Il s'évade de son corps crucifié à Jérusalem pour aller se faire crucifier à Rome, comme l'Esprit-Saint l'ordonne. Son double est retourna au ciel, son origine, mais son corps appartient à l'Église qui en use au fur et à mesure de ses besoins. L'Assomption du Joannès, c'est une Assomption à droite et dont le but est le Père[27]. Celle de Pierre, c'est une Assomption à gauche dont Rome est le point d'arrêt et dont le bétail païen sera, s'il plaît à Dieu, la dupe éternelle. Bar-Jehoudda dans la fable est enlevé aux Juifs par les scribes pour aller s'asseoir à la droite de Dieu. Ici Pierre est enlevé aux Juifs pour aller se faire crucifier au point cardinal opposé. C'est pourquoi il est crucifié la tête à l'envers dans la légende ecclésiastique. La croix pascale, au lieu de se former à l'Orient, se forme à l'Occident, contre la règle.

Car la véritable raison pour laquelle on a placé sous Agrippa la décapitation de Jacques et l'évasion de Pierre, la voici. Ruse de bas mercantis : en doutiez-vous ?

Si les Actes avaient attribué la crucifixion de ces deux frères du christ à Tibère Alexandre, qui gouvernait pour Rome, jamais an n'aurait pu envoyer Pierre chez Cornélius et l'installer pape ou Italie sous Claude. On charge Agrippe, qui est un Hérode, qui peut tout supporter, comme Hérodiade et Antipas, et qui agit uniquement pour faire plaisir aux Juifs. Avouer que Pierre et Jacques ont été martyrisés par Tibère Alexandre, pour faire plaisir aux Romains, ce serait dénoncer leur identité avec Shehimon et Jacob et leur fraternité avec Bar-Jehoudda, châtié par Pilatus ; ce serait les rattacher tous à Jehoudda, châtié par Quirinius pour refus du tribut au Recensement. Voilà pourquoi la famine éclate sous Agrippa au lieu d'éclater sous Alexandre, et pourquoi Pierre s'évade de Shehimon sous Agrippa au lieu de mourir au Guol-golta sous Alexandre. Il ne faut pas que les fils de Jehoudda aient lutté contre Rome : depuis leur mort l'un d'eux est en passe de devenir dieu, l'autre en passe de devenir pape !

Quant à l'évasion de Pierre, qui osera la nier[28] ? Elle coûte la vie aux seize sentinelles qui l'ont favorisée ; et tel est le châtiment d'Agrippa qu'il consent à mourir de la même mort qu'Hérode le Grand, c'est-à-dire mangé aux vers, tant est enracinée dans cette famille l'habitude de supplicier les innocents !

 

L'auteur des Actes ne pont ignorer le lieu où est mort Shehimon ; mais dans Josèphe le crucifié de Tibère Alexandre s'appelle Shehimon, tandis que dans les Actes ce n'est même plus l'antique Képhas, c'est un personnage qui est à peine juif si toutefois il l'est, qui n pour les Gentils, notamment pour les Romains, des sentiments fort éloignés de la Indue, qui n'a point d'injure spéciale à venger et qui s'appelle Pierre. Le scribe sait, avec le Quatrième Évangile que Shehimon a été arrêté fuyant, comme son aîné, qu'il a été mené en un lieu où il ne voulait pas aller, et qu'il a été crucifié ; et il sait avec Josèphe que Shehimon a été crucifié par Tibère Alexandre ainsi que Jacob. Si, instruit de tout cela, il dit que Pierre, en fuite après la fausse décollation de Jacques, est allé ailleurs, c'est qu'il le réserve pour un nouvel avatar ecclésiastique dans lequel on pourra le conduire, par des voies impénétrables comme celles de la Providence, jusqu'à Rome où il retrouvera le frère Paul amené dans l'Urbs par le même procédé. Nous avons des Voyages de Pierre qui font un pendant héroïque aux Voyages de Paul. Et, après avoir stupéfié la capitale du monde civilisé par des miracles d'essence divine, le Prince des apôtres et, l'Apôtre des nations périssent martyrs du plus effroyable malentendu que l'histoire du baptême ait enregistré !

Que devient la Vérité dans ce merveilleux dispositif ? Elle est battue d'avance à plate couture, en la personne pou respectable de Josèphe ; Josèphe, après lu chute de Jérusalem, s'est retiré à Rome, où il a écrit des livres. Livres dangereux, lecture malsaine. Si Shehimon pend authentiquement au bois de Tibère Alexandra en 802, c'en est fait du martyre de Pierre à Rome en 815 ou en 817 ad libitum. Au contraire, s'il s'échappe dès 797 de la prison de Jérusalem et qu'on le retrouve à Rome, sous Claude, il sera vivant et hors de Judée à la date où Josèphe le crucifie à Jérusalem, et, de cette manière, il n'y aura pas d'identification possible entre les deux Shehimon, Mon que tous doux soient morts crudités. Quand les goym soutiendront qu'il s'agit du même Shehimon, on dira : Comment cela se peut-il ? Le nôtre s'est évadé avant la mort d'Agrippa et après celle de Jacques ; il n'a donc pas été crucifié avec celui-ci par Tibère Alexandre. A la vérité, le frère de notre Shehimon s'appelait bien Jacques, comme celui qui u été crucifie par Alexandre, mais votre Jacques a eu la tête tranchée par Agrippa. Vous voyez bien qu'il n'y a identité ni entre les deux Shehimon, ni entre, les deux Jacob. Vous feriez donc beaucoup mieux d'organiser deux collectes à notre bénéfice que de jeter ces pierres de scandale sous les pas du très excellent Théophile, Mais vous n'aimez pas Dieu de tout votre esprit et de tout votre cœur. Si vous l'aimiez comme nous l'aimons dans l'Église, vous sauriez que si nous supprimons toute identité entre ces hommes, ce n'est pas seulement à cause du Juif consubstantiel au Père, c'est encore à cause de Ménahem, son dernier frère, exécuté en 819, non plus comme les trois premiers par des procurateurs romains, mais par les, habitants de Jérusalem associés à ses propres partisans fatigués de son abominable tyrannie !

 

VI. — LE PONTIFICAT POSTHUME DE JACQUES À JÉRUSALEM.

 

Jacob a beau être mort de deux façons, l'une par décollation dans les Actes, l'autre par crucifixion dans Josèphe, il est à la disposition de l'Église pour le même objet que Pierre. Mais comme on n'a pas besoin de lui à Rome, on le garde pour Jérusalem où il exercera tant qu'il le faudra ; c'est-à-dire jusque sous Albinus, procurateur de Judée en 815. Après quoi il sera lapidé par les Juifs. On retrouve en effet, dans les papiers, de la famille, la lapidation de Jacob junior par Saül en 787, on là lui enlève pour la transporter à son aisé. Sous la pression du Saint-Esprit, la mort par crucifixion saisit le mort par lapidation, et, bénéficiant à lui seul de cette double survie, il accomplit des miracles qui ne sont point inférieurs à ceux de Pierre, et cela bien après 802.

Comme dit, Paul, je jure devant Dieu que je ne mens point ! D'ailleurs, il vous le dit également, on ne se moque pas de Dieu ! Voici entre autres une chose qui s'est passée à Jérusalem, sous le pontificat posthume de Jacques, et à laquelle j'ajoute une foi entière, comme si elle était dans les Actes. Saviez-vous que Claude eût épousé Protonicè, alors qu'il était associé à Tibère dans le temps que celui-ci guerroyait contre les Espagnols ? Non, eh bien, le Saint-Esprit vous l'apprend, et aussi que Claude avait eu d'elle deux fils et une fille. A la vue des miracles que Pierre faisait dans Rome, elle se convertit à Bar-Jehoudda, et dès ce moment elle eut un désir impérieux, voire impérial, de visiter les lieux sanctifiés par la présence du Juif consubstantiel au Père, c'est-à-dire ceux de sa crucifixion, de sa résurrection et de son ascension. Accompagnée de ses deux fils et de sa fille encore vierge, rien ne put l'empêcher de partir aussitôt pour Jérusalem, où Jacques, chef de l'Église, la reçut avec une pompe inusitée même chez Tibère Alexandre. Insensible à ces marques d'honneur, elle voulut que Jacques lui montrât le Guol-Golta, le bois de la croix et le Saint-Sépulcre. Jacques lui répondit que tout cela était au pouvoir des Juifs qui naturellement — oh ! ces déicides ! —, défendaient aux fidèles de s'en approcher. Mais ayant mandé le fils de Nanan, celui de Kaïaphas et un autre chef et leur ayant intimé l'ordre de remettre les lieux saints à l'Église, l'impératrice sortit pour aller les visiter.

Or, dans le sépulcre même, elle trouva trois croix, car à colle du jésus on avait joint celle des deux larrons. Au moment d'entrer, sa fille tomba morte. S'étant mise à genoux, la mère en pleurs supplia Dieu de ne point permettre que les Juifs prissent prétexte de cet accident pour blasphémer son nom et celui du Sauveur. Mais fion fils, jeune homme plein de jugement, remarqua que c'était une occasion de reconnaître par un miracle laquelle des trois croix était celle de Bar-Jehoudda. L'application de la première croix sur le corps de la morte ne produisit aucun résultat ; aucun non plus l'application de la seconde ; mais, à peine touchée de la troisième, la jeune fille revint à la vie. Avec un désintéressement tout ecclésiastique, l'impératrice ordonna qu'on remit à Jacques cette croix que l'égoïsme lui eût commandé d'emporter à Rome ; et on même temps elle donna ordre à Jacques, qui n'y manqua pas, d'élever au Guol-Golta et au Saint-Sépulcre une église magnifique où l'on célébrât la jehouddolâtrie. Puis elle rentra au palais, précédée de sa fille qui, malgré la pudeur dont s'inspirait Messaline eu ses bons jours, avait levé son voile afin qu'on pût en quelque sorte lire le miracle sur son visage radieux. Cet événement consterna les Juifs de Jérusalem. Mais le bruit en parvint jusqu'aux apôtres déjà répandus dans le monde, et quand Protonicè revint à Rome, les peuples en foule se pressaient sur le passage de la miraculée. Et' c'est à cause de la résurrection de sa fille que Claude expulsa d'Italie ces éternels ennemis de la vérité qu'on appelle les Juifs. Tandis que s'accomplissait cet acte de la justice impériale, Jacques envoyait le récit du miracle aux apôtres qui, en signe de reconnaissance, lui adressèrent le récit de ceux qu'ils opéraient de leur côté. Et tous ces récits furent lus dans les églises[29], ce qui montre et qu'ils étaient déjà connus sous Claude, et qu'il y avait en tous lieux des centres jehouddolâtres.

 

Dans en dispositif Jacques est à lui seul toute l'Église de Jérusalem à partir de 803. En dépit de sa crucifixion en 802, il remplit le rôle de patriarche de Jérusalem jusqu'aux environs de 810 avec une noblesse et une dignité qui ne seront jamais surpassées, car elles s'augmentent ici de la majesté de la mort de son côté ; et quoiqu'il fit depuis le même temps que Jacob le plus bel ornement de quelque guol-golta subhiérosolymite, : Pierre occupe à Rome, avec l'éclat que l'on sait, la chaire apostolique à laquelle il a donné l'auréole d'un martyre consommé la tête à l'envers. Lorsqu'on eut pourvu par la Passio. Petri à la glorification latine de Pierre, il fallut expédier Jacques dans l'autre monde par un moyen martyrologique équivalent.

On avait arrangé l'histoire de Shehimon pour le faire vivre jusqu'en 815 sous le nom de Pierre, évêque de Rome. Il fallait arranger celle de Jacob on le faisant vivre jusqu'à la même daté nu moins, sous le nom de Jacques, évêque de Jérusalem. On fit constater par Hégésippe dans Hiéronymus[30], et par Clément d'Alexandrie dans Eusèbe qu'il y avait eu deux Jacques : le Majeur et le Mineur, ce qui est exact ; mais on s'écarta de la vérité en ajoutant que le Majeur était celui qui, frère du Joannès, avait eu la tête coupée dans les Actes sous Agrippa Ier, tandis que le Mineur, celui qui était frère du Seigneur, avait conduit l'église de Jérusalem avec un brio étincelant jusqu'à 815 environ, date à laquelle il avait été lapidé par les Juifs. Et on inséra le récit du martyre dans Josèphe, en prenant bien soin de faire dire à l'historien que Jacques le Mineur était incontestablement le frère du christ et que les Juifs s'étaient fort mal comportés dans cette circonstance, comme dans toutes les autres d'ailleurs. Clément de Rome, dans ses Constitutions apostoliques[31], n'hésita pas à déclarer qu'ayant été ordonné au milieu des apôtres par Jésus lui-même, entre sa résurrection et son ascension, Jacques le Mineur était le premier évêque de la première Église du monde.

Dans le système de Clément Jacques le Majeur avait assisté à l'ordination de Jacques le Mineur par. Jésus, il lui avait même imposé les mains : où trouver une preuve plus manifeste qu'il y avait bien eu deux Jacques après la mort du christ ? Le système, malgré sa beauté, offrait cet inconvénient que les actes des deux Jacques se mêlaient dans une proportion inquiétante jusqu'à la mort du Majeur et que le Mineur paraissait avoir été tué du même coup. Il en offrait un autre bien plus grave que Clément n'avait pas vu tout de suite : le siège épiscopal de Rome ne venait qu'après celui de Jérusalem ! Hiéronymus heureusement veillait : il déclara que les apôtres n'avaient ordonné Jacques le Mineur qu'à l'occasion du troisième Concile de Jérusalem Till plaçait en 809[32]. Or Pierre avait été évêque de Rome dès 797, soit douze ans auparavant. Concluez !

 

Tout cela est parfait, et il ne faut pas croire que nous soyons insensibles à ces marques d'une conscience inaltérable. Mais ce n'est pas Jacques le Mineur à qui le Rabbi se montre ressuscité dans les Lettres aux Corinthiens, ce n'est pus Jacques le Mineur que l'auteur de la Lettre aux Galates, d'une part, et les Actes, de l'autre, font assister à un Concile dont il rédige les canons, c'est Jacques le Majeur ; et à la date où la littérature paulinienne a été fabriquée on ne connaît encore qu'un seul Jacques comme ayant survécu à son frère le Mineur lapidé par Saül en 787, et à son frère le Nazir, crucifié par Pilatus en 788. On voit par là que la lapidation de Jacques le Mineur sous le nom de Stéphanos n'était pas encore dans les Actes au troisième siècle, ou que s'il y avait des Actes, Jacques le Mineur y était lapidé soit sous son nom de circoncision, soit sous son surnom évangélique d'Andréas. On a régularisé sa situation en faisant de lui devant le momie un simple diacre lapidé sous le nom de Stéphanos, mais ou lui a conservé le bénéfice de sa naissance jehouddique en lu ressuscitant dans l'Église sous le nom de Jacques le Mineur, évêque de Jérusalem. Il ne perd rien, il n'y a qu'un mensonge de plus parmi les goym. Quant à Jacques le Majeur, qui devant le monde est décollé par Agrippa comme frère du Joannès, alors qu'il a été crucifié par Alexandre, qu'est-ce que cela peut lui faire ? C'est devant le monde. Est-ce que son frère le christ n'est pas décollé lui-même sous le nom de Joannès par Hérodiade et crucifié sous celui de Jésus par Pilatus ? C'est devant le monde. Rien de plus rationnel, car comment mettre la tête de l'un sur les épaules de l'autre si cette tête n'est pas rendue mobile par une décollation ecclésiastique ? Jacques le Majeur saura très bien, voyant toutes ces transcapitations du haut du ciel, que c'est au fond lui qui est évêque de Jérusalem sous le nom de Jacques le Mineur, et il approuvera, puisque tout cela, c'est pour dominer par la ruse les goym qu'on n'a pu vaincre par la force. Si des frères ne peuvent pas changer de tête entre eux, il n'y a plus de famille I

On pourra donc, sans porter aucun préjudice ecclésiastique à Jacques, le lapider dans Josèphe pendant la procurature d'Albinus, et il n'en sera que plus bienheureux, macarios (bienheureux), d'où peut-être le surnom de Macaire qu'on a donné chez nous à Robert.

 

VII. — DES FAUX DELATIFS À JACQUES DANS JOSÈPHE ET AUTRES.

 

Les gens d'Eglise ont fait avec Josèphe ce qu'ils ont fait avec tous ceux qui n'étaient pas de la secte jehouddolâtrique : ils ont supprimé ce qui était gênant et ajouté ce qui était favorable, mus par ce mépris de la vérité qui les caractérise en tout. Josèphe, en vingt endroits, montre que la chute de Jérusalem et la dispersion des Juifs en 823 ont été amenées par l'effort insensé des Jehouddistes pour rétablir la monarchie davidique. Dans le passage relatif à Jacques, on lui fait soutenir tout le contraire. Il y déclare que la chute de Jérusalem et, la destruction du Temple sont la réplique de Dieu au supplice de Jacques, frère du Seigneur[33]. Voici d'ailleurs ce prodigieux morceau, digne pendant de ceux qui ont trait à Jésus et à Jean-Baptiste :

Hanan le jeune[34] était grand-prêtre, homme plein d'audace et de férocité ; il était de la secte des Saducéens, qui se distinguent des autres Juifs par la rigueur et la cruauté de leurs jugements. Profitant de l'intervalle qui s'écoula entre la mort de Festus et l'arrivée d'Albinus qui était en route, il convoqua le tribunal et lui déféra Jacques, frère de celui qu'on nommait le christ, avec quelques autres de la secte et les fit livrer à la lapidation pour crime contre la Loi. Mais tous les citoyens de mœurs douces et attachés à l'observation de la Loi s'en indignèrent, et ils envoyèrent secrètement au roi[35] des délégués pour obtenir qu'Hanan s'abstint désormais de sentences et d'exécutions si précipitées. D'autres allèrent au devant d'Alexandre qui venait d'Égypte, et lui représentèrent qu'Hanan n'aurait pas dû convoquer le sanhédrin sans son consentement, si bien qu'au bout de trois mois Agrippa le remplaça par Jésus, fils de Damnœus.

Alexandre n'était plus rien en Judée depuis 803. Félix et Cumanus l'avaient remplacé, puis Festus et Albinus. Son nom, dans cette interpolation, n'en est pas moins significatif. Il était mêlé de si près à la mort de Jacob senior, qu'on n'a pas pu interpoler sans lui. On feint simplement qu'il ait été absent lors de la sentence et que le sanhédrin ait condamné sans son consentement. Cependant, on n'a pas osé lui prêter envers sa victime les sentiments favorables qu'expriment, avec un mépris remarquable de la vérité historique ; les bons et pieux citoyens de Jérusalem. Retenons aussi qu'Hanan le Jeune a participé non comme grand-prêtre, mais comme juge, et non sous Albinus, mais sous Alexandre, à la sentence rendue contre Shehimon et JaCob. Observons enfin que l'interpolateur, avant d'appeler Jacques frère de celui qu'on nommait le christ, venait de s'apercevoir que ce Jacques était désigné dans les Actes comme étant frère du Joannès, ce qui conduit pour la centième fois à l'identité du Joannès et du christ.

 

Pour écrire son faux, l'interpolateur s'est servi de Josèphe à l'endroit où l'historien parle de la secte des saducéens, qui sont les plus sévères de tous les Juifs et les plus rigoureux dans leurs jugements. En tout cas l'interpolation est d'un temps où l'on ne prétendait pas encore que christ eût créé le monde et où l'on ne niait pas qu'il ne fût, comme dit la Lettre aux Romains, l'aîné de plusieurs frères. Jacques est adelphos, frère, et non cousin, comme le veut aujourd'hui le Saint-Siège à qui l'Esprit donne des forces inouïes pour soutenir les impostures les plus grossières non pas seulement contre les faits reconnus par tous les Évangiles, mais contre la définition des mots dans le dictionnaire. Si Bar-Jehoudda eût été fils unique et n'avait eu que des cousins, l’auteur des Actes et l'interpolateur de Josèphe n'appelleraient pas Jacob, l'un frère du Joannès, et l'autre frère de celui qu'on nommait christ.

L'interpolation de Josèphe montre aussi que celui qu'on nommait christ n'a pas connu de Jésus. Enfin, combinée avec les divers passages de l'Évangile dans lesquels Jésus déclare que Joannès est celui qui a passé pour être le christ après sa mort, elle montre que ce christ ne s'appelait pas Joannès, devant la circoncision, mais Jehoudda comme son père.

C'est dans la Guerre des Juifs et non dans les Antiquités que l'interpolateur aurait dû glisser le passage sur la lapidation de Jacques. En effet, vous pouvez lire dans l'Anticelse : C'est pour avoir laissé exécuter Jacques, frère du christ, que Dieu a puni les Juifs par la chute de leur ville. Mais comme c'est dans les Antiquités que l'Église a placé les deux passages sur Jean-Baptiste et sur Jésus-Christ, elle a fait outrer le troisième dans le même cadre. Albinus est, avec Gessius Florus, son successeur, le procurateur le plus durement traité dans Josèphe : on lirait son éloge, s'il eût fait quelque chose contre l'un des cinq frères survivants de Bar-Jehoudda. Josèphe a été particulièrement remanié dans la Guerre des Juifs, où il devait s'étendre plus longuement surie procurature de Fadus et d'Alexandre que dans les Antiquités ; c'est aujourd'hui tout le contraire. On n'y trouve aucune trace de l'exécution de Theudas sous Fadus, et de celle de Shehimon et de Jacob sous Tibère Alexandre, non plus que de la mission de celui-ci à Éphèse avec Saül et Démétrius. On y Lit même cette phrase étrange ii propos d'une procurature qui a été marquée par l'abrogation de la Loi sabbatique et par le retour de Shehimon et de Jacob dans le pays natal : Tibère Alexandre remplaça Fadus ; l'un et l'autre gouvernèrent les Juifs en grande paix, sans rien changer de leurs coutumes[36].

 

Il n'est peut-être pas impossible de savoir quand a été introduit dans Josèphe la passage relatif à Jacob. Il l'a été pendant la forgerie des ouvrages de Clément, le romain. Il n'était pas convenable que Pierre et Paul eussent été martyrisés ensemble à Rome et que Jacques, l'évêque des évêques de Judée, survivant à sa propre crucifixion, fût mort tranquillement dans son lit. Les fausses lettres que Clément lui adresse[37] ne pouvaient lui avoir été écrites qu'après 815, date supposée du pseudo-martyre de Pierre à Rome : or, l'interpolateur de Josèphe fait périr Jacob sous les pierres de nanan, en 815, On lapide Jacques en un temps où il peut encore recevoir des lettres de Pierre, déjà pourvu de son évêché de Rome par le Saint-Esprit.

Car dans ses prétendues lettres de 815, le prétendu Pierre, à la veille de céder son prétendu siège de Rome au prétendu Clément, le prétendu Pierre, dis-je, déclare qu'à cette date de 815, Jacques occupe glorieusement le siège épiscopal de Jérusalem. Les auteurs de la littérature clémentine, qui peuvent être du cinquième siècle, ces faussaires intrépides préparent l'interpolation de Josèphe.

L'Histoire ecclésiastique selon les Jansénistes raconte le martyre de. Jacques, qu'elle ne dit pas être le Majeur, frère du christ, mais le Mineur. Vous allez voir comment d'une lapidation on en fait deux, et pourquoi l'Église prête à Jacob senior, crucifié par Alexandre, le martyre de Jacob junior, lui aussi frère (lu christ, lapidé par Saül. Elle prend la date dans l'interpolation de Josèphe, de manière à en faire bénéficier Jacques le Majeur, après sa crucifixion. Après quoi elle lui attribue toutes les circonstances du martyre de Jacques le Mineur d'après Hégésippe, un imposteur juif d'on ne sait quel siècle[38].

Hanan entend profiter de l'intervalle qui s'écoule entre la mort de Festus et l'arrivée d'Albinus pour empêcher les progrès de l'Évangile, et à cet effet il traduit Jacques devant le Conseil. Jacques est amené. Ils firent d'abord semblant de vouloir le consulter au sujet de Jésus-Christ : ... Le peuple, lui dirent-ils, vous prend pour le Messie — comment ! il prend Jacques le Mineur pour le Messie ? Le jésus n'est donc pas monté au ciel quarante jours après sa Passion, devant Jacques, les Douze et plus de cinq cents frères ?[39] — ; c'est à vous de le délivrer de cette erreur, puisque tout le monde est prêt à croire tout ce que vous direz. (Autant en dit l'interpolateur de Josèphe relativement à Jean-Baptiste). Hégésippe, auteur du troisième siècle, ne rapporte pas ce que Jacques répliqua, et c'est dommage, mais il dit qu'on le fit monter sur la terrasse du Temple afin qu'il fût entendu de tout le monde. Après qu'il y fut monté, les Scribes et les Pharisiens commencèrent à lui crier : Ô Juste, que nous devons tous croire, puisque le peuple s'égare en suivant Jésus crucifié, — Hégésippe vient de dire absolument le contraire, c'est Jacques qu'on prend pour le Messie malgré l'Ascension publique de Jésus au Mont des Oliviers —, dites-nous ce qu'il faut croire. Saint Jacques répondit à haute voix : Jésus, le Fils de l'Homme, dont vous parlez[40], est maintenant assis à la droite de la Majesté souveraine comme Fils de Dieu (Jacques a, comme on voit, des renseignements précis), et doit venir sur les nuées du Ciel. — Il est moins affirmatif sur la date que son frère aîné —. Mais les Scribes et les Pharisiens dirent entre eux : Nous avons mal fait d'attirer ce témoignage à Jésus (et pour le rendre plus éclatant de faire monter Jacques sur la terrasse du Temple), il faut précipiter cet homme. Et étant montés, ils le précipitèrent du haut de la terrasse, en disant : Il faut le lapider. Saint Jacques ne mourut pas aussitôt ; mais se mettant à genoux, il pria Dieu pour ceux qui le faisaient mourir (plagiant ainsi son propre martyre dans les Actes)[41]. Comme ils lui jetaient des pierres, un des prêtres de la famille des Récabites[42] s'écria : Que faites-vous ? le Juste prie pour vous. Mais il se trouva là un foulon qui prit son maillet à fouler les draps, et lui en donna sur la tête. Ce fut ainsi que ce saint Apôtre acheva son martyre, l'an 62 de Jésus-Christ, après avoir gouverné l'Église de Jérusalem vingt-neuf ans[43]. Il fut enterré au même lieu, près du Temple, et l'on y dressa une colonne[44].

 

VIII. — LE CLAN DE LA BÊTE.

 

Cependant l'orage qui devait emporter la nationalité juive ne cessait de gronder. C'était comme un roulement sourd depuis le grand Jehoudda, avec des éclairs ça et là. Des sept fils du tonnerre, il restait à entendre Ménahem.

Les Galiléens avaient accoutumé de passer par la Samarie pour aller aux fêtes solennelles de Jérusalem ; mais depuis qu'avec les Bar-Jehoudda, les Shehimon et les Jacob ils se présentaient souvent signe et torche on main, les Samaritains se tenaient sur leurs gardes. En traversant la plaine de Megiddo, près d'Engan-Aïn où était le tombeau de Jacob junior, ils furent assaillis par les gens de Samarie et quelques-uns furent tués.

Ils en appelèrent d'abord à Cumanus, lieutenant de Félix en Galilée ; mais Félix ayant pris fait et, cause pour les Samaritains, ils remirent leur cause à Éléazar, fils de Dineus, et à Alexandre, brigands fameux qui depuis plusieurs années faisaient profession de ravager et de brûler les villages de Samarie. Le Temple fit lâcher prise aux hommes raisonnables, mais ceux qui avaient intérêt au pillage suivirent Éléazar qui tenait la montagne avec des forces qu'il est difficile d'appeler respectables.

Il serait puéril de n'attribuer qu'aux supplices de Bar-Jehoudda, de Theudas, de Shehimon et de Jacob les guerres épouvantables qui dans la même temps s'allumèrent entre les gens de Samarie et ceux de Galilée. Durant plusieurs années, ce ne fut entre eux que pilleries, brigandages et, incendies, et, quoique terrible, la punition qu'on firent les Romains coûta moins de sang juif que les Samaritains et les Galiléens n'en avaient versé. On ne voyait sur les routes et sur les places que des mourants et des morts. Tacite, souvent plus dur pour les Romains que Josèphe, nous montre Félix et Cumanus entretenant ces excès, spéculant sur ces haines, et se partageant les dépouilles : rôle parfaitement ignoble et dégradant, usure de voleurs policés sur des brigands sans art. Plus sensibles aux profits de cet état qu'au maintien de l'ordre, ils laissaient le pays livré à l'anarchie, aux embuscades, aux combats eu règle entre les doux petits peuples séparés par une inimitié séculaire et qui, depuis l'aventure du roi-christ, ne voisinaient plus que pour se battre.

Ils s'intéressaient d'autant moins à leur querelle que tous les Juifs, sans distillation, leur étaient ou odieux ou suspects. Mal leur on prit toutefois, les soldats envoyés pour séparer les Samaritains et les Galiléens furent taillés en pièces et, sans Quadratus, gouverneur de Syrie, qui accourut à leur secours, on ne sait si la guerre de siège n'aurait pas succédé aux opérations en campagne. Les Juifs qui avaient massacré les soldats payèrent cet attentat de leur tête ; mais de Félix et de Cumanus, qui ou étaient la (muse première par leur indolence, il n'y eut que Cumanus de puni. Quant à Félix, Claude en renforça indirectement le pouvoir par un sénatus-consulte qui donnait la même force aux jugements des procurateurs qu'aux siens propres. Tacite bondit aristocratiquement : Des affranchis, de simples régisseurs de domaines égalés par Claude et à lui-même et aux lois ! Mais Josèphe, qui voit les choses plus au fond et de plus près, dit que, sur la venue de Quadratus, et quels que fussent les torts réciproques des Samaritains et des Galiléens, les observateurs convinrent une fois de plus que Jérusalem était à la merci de Rome, et que la nation finirait dans une vaste opération de police. Les habitants de Jérusalem en convenaient eux-mêmes, comme au temps de Kaïaphas et de Pilatus : Les Romains viendront et ils détruiront le lieu saint et la nation[45].

 

Cumanus ayant ou le dessous dans son conflit avec Félix, celui-ci resta seul, à l'ombre du pouvoir de son frère Pallas, affranchi de Claude, et vice-empereur, disaient les bonnes langues de Rome.

Certes, ç'avait été un odieux adultère que Tibère Alexandre se chargeât, lui Juif circoncis, de faire respecter la loi romaine dans le pays de la loi mosaïque, et l'on pouvait prévoir qu'il irait un jour jusqu'à abandonner sa religion et à combattre ses compatriotes sous les enseignes de Titus ! Ce fut pis encore lorsqu'on vit Drusilla, princesse juive, sœur de Bérénice et d'Agrippa II quitter en même temps son mari[46] et le culte de ses pères pour épouser Félix. Scandale énorme et nouveau : une Juive rançonnant le pays avec un affranchi de la Bête ! Cela voulait du sang, aux termes de la Loi zélote.

C'est Simon de Chypre, alias le Magicien, qui négocia le mariage[47]. Simon n'était point Samaritain de Gitta, il était chypriote de Kitto. Rien n'empêche qu'il se soit trouvé on Samarie lors des événements de 788, et que dès cette époque il ait fait contre les fils de Jehoudda le jeu du procurateur romain. C'est le faux prophète dont parle l'Apocalypse comme attaché à la personne des rois et des grands qu'il étourdit par sa mugie. C'est lui que les Actes des Apôtres nous montrent, émerveillant Sergius Pantins à Chypre. Négociateur habile, insinuant, fertile en paroles dorées, c'est lui qui, en la douzième année de Claude, se charge de divorcer Drusilla d'avec le roi d'Émèse pour donner la belle à Félix. Il travaille ici pour le paganisme : le roi d'Émèse s'était fait juif pour épouser Drusilla, Drusilla se fait païenne pour épouser Félix[48].

Ce Simon est un véritable traître envers Moïse ; il détourne les femmes de leur Loi, il recrute des Juives pour les jeter dans le lit des païens. Pour un salaire il tombe dans l'erreur de Balaam.

Le métier d'entremetteur n'est jamais noble, mais Simon avait fait pis. Il était le prophète, le magicien, l'astrologue de la procurature. C'est, à lui que les Beni-Jehoudda attribuaient, tous leurs malheurs sous Fadas et sous Tibère Alexandre. Dans toutes les mesures que Rome prenait contre eux, ils voyaient la main et le conseil de Simon. Simon, fin connaisseur en Apocalypses, auteur lui-même d'une Grande révélation fort balaamique, avait pu dire certaines choses, en deviner certaines autres. Ce n'est pas qu'un mouchard, c'est un rival et des plus dangereux, surtout si réellement il faisait descendre le feu du ciel en terre ! Bar-Jehoudda n'en avait pu faire autant en Samarie, quoique fils du tonnerre. Les évangélistes le constatent avec regret, car il mit été vraiment bon et opportun que la foudre tombée sur les Samaritains en 788 et anéantit les soldats de Pilatus.

 

En même temps, Saül, qui avait joué un rôle assez effacé sotte Agrippa Ier, devenait un personnage sous Agrippa II par le crédit de Bérénice qu'il avait revue et suivie à Tarse, car, après avoir été femme de son oncle Hérode, roi de Chalcis, et avant de devenir la concubine d'Agrippa II, son frère, Bérénice avait été mariée à Palémon, roi du Cilicie. Ce second séjour au pays des grosses toiles — d'où cilices — est certain, et pour l'expliquer par une cause qui fût vraisemblable sans avoir le défaut d'être vraie, les farceurs qui ont fabriqué les Lettres de Paul et les Actes des Apôtres n'ont rien trouvé de mieux que de représenter Paul travaillant au métier, opposant la main-d'œuvre juive à tous les tisserands de Corinthe et d'Éphèse, et se bornant pour unique distraction à faire des collectes au nom de Bar-Jehoudda ressuscité. Cette étrange métamorphose n'ayant point été notifiée aux hommes du premier siècle, les descendants et alliés de Jehoudda priaient Dieu de faire passer Saül, ne fut-ce que pendant une minute, à la portée de leurs signes. Saül, Agrippa, Bérénice, Drusilla, femme de Félix, Mariamne, femme de Démétrius, Démétrius lui-même, Simon le Magicien et Tibère Alexandre, c'était le clan de la Bête.

Les relations de Saül avec Simon sont avouées par les Actes des Apôtres. On se borne à en déplacer le décor et à en dénaturer le sens : au lieu de se nouer chez Agrippa, chez Félix ou chez Bérénice, elles se nouent à Chypre dans la demeure de Sergius Paullus, gouverneur de l'île. Et rien n'empêche qu'elles aient commencé là. Seulement, au lieu d'être mauvaises, comme dans les Actes, elles furent excellentes ; au lieu de tourner à la confusion de Simon, elles contribuèrent à son avancement. Il semble bien qu'elles se soient continuées jusqu'à Rome, car les plus vieux écrits d'Église nous montrent Shehimon dit la Pierre poursuivant Saül jusque là sous les traits de Simon le Magicien, pour tirer vengeance de l'un et de l'autre.

 

IX. — LES SICAIRES DANS LE TEMPLE - ASSASSINAT DU GRAND-PRÊTRE JONATHAS[49].

 

Félix gouvernait la Judée, la Samarie et la Galilée depuis doux ans, lorsque Néron monta sur le trône. Claude avait donné à Agrippa les états usurpés en 788 par le roi-christ ; Néron y ajouta quatre villes avec leurs territoires : Abila et Juliade en Pérée, Tarichée et Tibériade en Galilée. Mais il fallut que Félix intervint rudement pour rendre un peu de tranquillité à ces pays ; il prit Éléazar, fils de Dineus, que Cumanus avait laissé échapper, mais il ne le mit pas à mort, il l'envoya prisonnier à Rome.

Ensuite il se tourna vers la sinistre bande des Kannaïtes ou Zélateurs de la Loi, qui inauguraient une nouvelle manière : le sicariat en plein Temple. Disciples de Jehoudda, qui l'était de Phinées, ils faisaient profession d'assassiner les gens de la' plus haute condition, particulièrement ceux du Temple, on plein jour et ait milieu des fêtes les plus solennelles, pour venger le roi-christ du mépris où les sacrificateurs hérodiens et lés magistrats latinisants tenaient les Révélations du Verbe à la famille de David. Comme Jehoudda sous Auguste, comme. Bar-Jehoudda nous Tibère, comme Shehimon et Jacob sous Claude, le zèle de la maison de Dieu les dévorait, et par esprit divinatoire ils suivaient le conseil de Jésus dans l'Évangile : Amenez ceux qui m'ont empêché de régner et tuez-les en ma présence[50], c'est-à-dire dans le Temple qui est le lieu de la plante de ses pieds. Ils s'étaient, armés en conséquence, dissimulant la signe sous lents vêtements selon le précepte que leur avait légué Jehoudda et que Jésus renouvelle encore dans l'Évangile : Que celui qui a un manteau le vende pour acheter une épée[51].

On vit reparaître les associations (églises) de magiciens et de voleurs qui exhortaient le peuple à secouer le joug des Romains, menaçaient tous ceux qui continueraient à souffrir cette honteuse servitude, et se répandaient dans tous les bourgs, tuant les riches, pillant leurs maisons, incendiant les villages en vrais Boanerguès, semant partout la terreur et la mort. Sûrs de trouver aux fêtes les prêtres et les membres du sanhédrin, les Sicaires frappent dans le sanctuaire même. Ainsi périt le grand-prêtre Jonathas. Mêlés à ses serviteurs pour arriver plus près de lui, ils l'égorgèrent pieusement. Dévorés du même zèle que le roi-christ, dès qu'il s'agit de conquérir le Royaume de Dieu ils sont au premier rang des fidèles. Seuls ils connaissent la voie qui conduit à l'Eden de l'Apocalypse, la voie du Seigneur : Depuis les temps du Joannès jusqu'à présent, dit Jésus, le Royaume de Dieu est aux violents, et ils s'en emparent[52]. Qu'est-ce donc que le meurtre d'Ananias et de Saphira, en plein jour, dans une maison écartée ? Qu'est-ce donc que l'essorillement de Saül ? Qu'est-ce donc que le meurtre de Jehoudda Is-Kérioth à la Poterie ? Du sicariat pur. On en pense dans les Actes ce que Josèphe en dit dans la Guerre des Juifs : Chacun était dans la peur on apprenant ces choses, disent les Actes... Personne n'osait rien dire aux apôtres parce que le peuple était avec eux... On ne voyait approcher personne glue l'on ne tremblât, dit Josèphe.

 

On a touché au texte de Josèphe pour essayer d'établir, une distinction entre les Sicaires et les magiciens millénaristes : Ceux-ci n'étaient point comme les premiers des meurtriers qui répandaient le sang humain ; mais c'étaient des impies et des perturbateurs qui trompant le peuple sous un faux prétexte de religion (la Régénération par le baptême), le menaient dans des solitudes (comme le Joannès baptiseur, si fort loué ailleurs par Josèphe interpolé), avec promesse que Dieu leur y montrerait, par des signes manifestes, qu'il les voulait affranchir de la servitude — ces signes et, cette doctrine, c'est l'Apocalypse elle-même, déjà exploitée par Theudas sous Fadus et par les doux goël-ha-dam de Bar-Jehoudda sous Alexandre —. Mais leur identité est d'autant moins niable que leurs chefs finissent toujours de la même façon, car, considérant ces assemblées comme un commencement de révolte, Félix envoya contre eux de la cavalerie et de l'infanterie qui en tuèrent un grand nombre. L'homme qui les inspirait, c'était Ménahem.

Qu'avait donc fait le grand-prêtre Jonathas pour titra assassiné par eux ? Si on en croit le Josèphe amendé par l'Église, il aurait repris Félix de sa mauvaise conduite ; Or, la conduite de Félix était excellente, au moins on ce qui touche ces bandits, il 'n'y avait pas de jour qu'il n'en fit punir quelques-uns. Mais, continue Josèphe, Jonathas reprenait Félix parce que, tenant de lui la grande sacrificature, il craignait qu'on ne le rendit responsable de cette mauvaise conduite. — N'est-ce point au contraire parce que Jonathas[53] se conduisait comme un simple Kaïaphas qu'il craignait d'être accusé de pactiser avec Félix contre les christiens ? — Alors Félix, au lieu de se débarrasser de Jonathas en le déposant purement et simplement, le fait assassiner par ces Sicaires que d'autre part il pourchasse avec acharnement. Étrange. Voyons, d'abord, qu'est-ce que Jonathas et de qui est-il fils ? N'est-il pas fils de Hanan ? N'est-ce pas lui qui une fois déjà fut élevé par Vitellius à la grande-prêtrise en remplacement de son beau-frère Kaïaphas ? N'a-t-il pas siégé au sanhédrin qui, sous la procurature précédente, celle de Tibère Alexandre, a jugé et condamné Shehimon et Jacob ? ne siégeait-il pas déjà dans celui où le roi-christ fut condamné à mort ?

C'est par le meurtre de Jonathas que les sicaires débutent dans le Temple, et ils poursuivent leurs exécutions avec un caractère effrayant de régularité jusqu'à extinction complète de la famille de Hanau, dont le dernier membre est tué par Ménahem en 810. Que pèse, en présence de cet ensemble harmonieux, l'accusation portée contre Félix d'avoir puni Jonathas parce que celui-ci lui reprochait sa mauvaise conduite ? Et qui n'y retrouve le tour de plume des scribes ecclésiastiques dans les Évangiles de Mathieu et de Marc, où l'on voit Antipas couper la tête au Joannès parce que celui-ci lai reproche sa mauvaise conduite dans le même style que Jonathas à Félix ?

 

Il a paru bon de mettre l'assassinat de Jonathas sur le compte de Félix, mais le Saint-Esprit a négligé de faire le raccord dans la Guerre des Juifs de Josèphe, étudiant de plus près les causes qui ont amené la chute de Jérusalem, dit sans le moindre ambage que les magiciens et les voleurs étaient joints ensemble[54], que les Sicaires n'en étaient que l'aboutissement et que pour leur début dans le Temple, ils assassinèrent Jonathas[55].

Voici le passage où, après avoir parlé des bandits qui opéraient surtout dans les campagnes, Josèphe définit le genre de crimes particuliers aux Kannaïtes qui exerçaient le sicariat : Après que la Judée eut été délivrée de ces bandits par Félix, il s'en éleva d'autres dans Jérusalem qui exerçaient d'une nouvelle manière cette profession si haine et si criminelle. On les nommait Sicaires, et ce n'était Pas de nuit, mais en plein jour, et particulièrement dans les fêtes les plus solennelles qu'ils faisaient sentir les effets de leur fureur. Ils poignardaient au milieu de la presse ceux qu'ils avaient résolu de tuer et mêlaient ensuite leurs cris ceux que poussait le peuple contre les coupables du crime ; ce qui leur réussit à ce point qu'ils restèrent fort longtemps sans qu'on les soupçonna. Le premier qu'ils assassinèrent de la sorte fut le grand-prêtre Jonathas, et il ne se passait point de jour qu'ils n'en tuassent plusieurs de la même manière. Ainsi, tout Jérusalem se trouva rempli d'une telle frayeur que l'on ne s'y croyait pas en moindre péril qu'au milieu de la guerre la plus sanglante. Chacun attendait la mort à toute heure ; on ne voyait approcher personne qu'on ne trembla, on n'osait même pas se fier à ses amis, et quoiqu'on fa continuellement sur ses gardes, toutes ces défiances et ces soupçons n'étaient pas capables de garantir ceux à qui ces scélérats avaient fait dessein d'ôter la vie, tant ils étaient artificieux et adroits dans un métier si détestable !

 

X. — APOLLOS AU MONT DES OLIVIERS.

 

Simon de Chypre se fortifia de toute la passion de Félix pour Drusilla et de toute la reconnaissance de celle-ci, qui par ce mariage éclipsait Bérénice. Saül aussi, parent des doux femmes, gagna dans l'esprit de Félix et d'Agrippa tout ce qu'il perdait d'autre part. Les Sicaires attribuèrent à ces doux renégats la très active répression qui dès lors commença de toutes les prédications apocalyptiques dont Jérusalem était désolée. Si Félix avait pu s'y tromper, Simon aurait été là pour lui dessiller les yeux ; mais ces recrutements pendant les grandes fêtes, ces assemblées dans les déserts où les apôtres promettaient de montrer les mêmes signes que Bar-Jehoudda et Theudas, c'était la révolte méditée, ruminée, le drapeau de l'Apocalypse déployé. Félix les avait châtiés de leur folie. Mais, comment atteindre cette anguille d'Apollon qui se faufilait dans les synagogues d'Asie, de Macédoine et d'Actinie et répandait sa Bonne nouvelle avec une persuasion empruntée à l'antique Serpent de la Genèse ? Apollon avait quitté la ville d'Éphèse au moment des troubles. Où était-il allé ? Dans le quartier juif de Corinthe ou de Kenchrées ? Dans Alexandrie ? Dieu le sait, mais comme il ne le dira pas, nous n'en sommes pas plus avancés. Cependant, si retors qu'il fût, Apollon ne l'était pas assez pour dissimuler aux synagogues hérodiennes les levées d'argent et, au besoin, d'hommes qu'il faisait on vue de la prochaine pâque sabbatique.

 

Poursuivant Apollon, Saül est-il allé deux fois à Corinthe ? Les Lettres de Paul aux Corinthiens l'y ramènent après un premier séjour. Mais les Actes glissent en une phrase sur ce second voyage en Grèce et ne le ramènent pas nommément à Corinthe. Pourquoi cela, alors que c'est à ce second voyage que Saül trouva les Juifs de Corinthe sous l'influence non plus du christ et de Shehimon, mais d'Apollos ? Il n'est pas possible que l’auteur des Actes n'ait pas connu ce second séjour. Mais après le silence que gardent les Actes sur ce point, rien de plus logique que celui qu'ils gardent sur la collecte d'Apollon. Ils ont converti Apollos en jehouddolâtre à Éphèse, ils ne peuvent pas le montrer colligeant ailleurs pour mon propre compte.

Le troisième séjour de Saül à Corinthe est celui qu'il fit pour aller trouver Néron en Achaïe ; mais étant postérieur à la défaite d'Apollon sur le Mont des Oliviers, en 809, et au règne de Ménahem dans le Temple en 810, il renverse tout le plan que l’auteur des Actes s'est proposé, et dans lequel il montra Paul comparaissant, en 812 humble et soumis, devant Jacob, mort depuis 802, et devant tous les Presbytres de l'Eglise de Jérusalem réunis autour du défunt.

 

Sur la tentative d'Apollos pour emporter Jérusalem nous n'avons plus que le témoignage de Josèphe, et si je voue disais que ce témoignage n'a pas été tronqué, vous pourriez croire que le Saint-Esprit limite son action aux Écritures canoniques, ce qui serait douter de son étendue.

On ne punissait pas les prophètes quand ils ne passaient point aux actes ou qu'ils n'exposaient pas leurs dupes à payer pour eux. Peu importait à Félix qu'ils menassent leurs bandes dans les déserts de Transjordanie ou de Judée pour leur montrer des signes et des prodiges comme au temps de Pilatus, de Fadus et de Tibère Alexandre. S'il on a fait prendre et pendre plusieurs, c'est à cause de la propagande par le fait qualifié crime. Car on même temps et dans les mêmes circonstances, dit Josèphe à propos des enchanteurs et des Sicaires locaux, un homme d'Égypte vint à Jérusalem qui se vantait d'être prophète. Il persuada à un grand nombre de gens de le suivre sur la Montagne des Oliviers, qui n'est éloignée de la ville que de cinq stades, et les assura qu'aussitôt qu'il aurait proféré certaines paroles ils verraient tomber les murs de Jérusalem sans qu'il fût, besoin de portos pour y entrer. Aussitôt que Félix en eut avis, il fit une sortie à la tête de nombreux cavaliers et fantassins, et chargea la bande que menait l'Égyptien. Quatre cents furent tués, et deux cents faits prisonniers. Quant au séducteur égyptien il se sauva[56]. Cet Égyptien, a ceci de commun avec l'imposteur du Sôrtaba qu'il a perdu son nom à la bataille. On l'a enlevé, car après la manifestation de Theudas sous Fadus, il était déplaisant pour la mémoire du Juif consubstantiel au Père qu'un christ anti-jehouddiste se fût mis sérieusement, en tâte de se faire roi soufi Félix et fût allé plus près du but que l'illustre auteur de l'Apocalypse sous Pilatus. C'était d'autant plus fâcheux qu'on avait converti ce christ en jehouddolâtre par le moyen et à la date que vous savez. On a donc fait disparaître son nom, mais nous le retrouvons dans la confusion que Lysias, gouverneur de Jérusalem[57], fait volontairement entre Paulos et Apollos c'est Apollos lui-même.

Car le châtiment que Félix avait fait des bandits et des magiciens n'avait point étonné ceux qui restaient ; ils continuaient d'exciter le peuple à se révolter contre les Romains, disant qu'il n'y avait plus moyen de souffrir un joug si insupportable ; et ils pillaient et mettaient le feu dans les villages de ceux qui ne Voulaient pas les suivre. C'est la définition même des Kannaïtes, tels que Jehoudda les avait institués. L'identité des christiens davidistes et des Sicaires résultant formellement de ces textes et plus formellement encore de ceux qui ont trait à Ménahem et à Éléazar, frère de celui que Jésus ressuscite dans le Quatrième Évangile, les Actes ont fait de leur mieux pour la dissimuler, ainsi que pour cacher le nom de l'Egyptien dont le tribun Lysias raconte la déconfiture à l'Apôtre des nations.

Comme Josèphe dans la Guerre des Juifs revenait avec plus de détail sur Apollos et les effets de son Apocalypse au Mont des Oliviers, il a fallu y faire la même opération que dans les Antiquités, c'est-à-dire enlever son nom. En même temps on a séparé sa cause du celle des Sicaires, et peut-être Josèphe lui-même faisait-il la distinction, car de toute évidence Apollos n'était pour rien dans les assassinats qui souillaient le Temple et dans les incendies qui désolaient les villages. Quant à la définition de l'imposture sur laquelle spéculait Apollos, on croirait lire le signalement de celle que le Joannès avait rapportée d'Égypte : Un prophète égyptien, imposteur émérite, enchanta le peuple nu point d'assembler trente mille hommes autour de lui, — vingt-six mille de plus que les Actes ne lui en donnent et vingt-neuf mille de plus que n'en avait réuni en onze ans Bar-Jehoudda ! — Il les entraîna du désert jusqu'au Mont des Oliviers, — le désert de Judée évidemment, celui qui commence à Gaza, car jamais Apollos n'aurait pu assembler trente mille hommes ni même quatre mille au désert de Transjordanie, passer le Jourdain, traverser la Galilée et la Samarie et aller camper librement sur le Mont des Oliviers —, et à la tête de ses partisans il se disposait il chasser les Romains et à sa rendre maître de Jérusalem pour y établir le siège de sa prétendue domination. — Eh ! mais voilà un christ qui ne combat pas précisément pour relever la tente de David ! Observons en outre qu'ici il n'est plus l'auteur d'aucune Apocalypse d'après laquelle les murs de Jérusalem doivent tomber tout seuls sur certaines Paroles prononcées par lui —. Mais Félix devança son adversaire (comme Pilatus sur le mont Garizim) ; il alla à sa rencontre avec les troupes romaines et un assez grand nombre d'autres Juifs (autres que ceux dont était Apollos). La bataille s'engagea ; un certain nombre fut tué (plus de chiffre et point de prisonniers) et l'Égyptien parvint à s'échapper avec quelques partisans[58].

 

Voilà donc un passage qui a été arrangé, mais l'Égyptien anonyme a si bien l'air d'un christ, dans le genre de l'imposteur châtié par Pilatus, qu'un exégète s'est levé[59] pour l'identifier hardiment avec celui qu'on appelle Jésus dans l'Évangile. Et si neufs ne savions que Bar-Jehoudda, crucifié le 14 nisan 788, se dissout mélancoliquement dans le roc de Machéron, nous pourrions, sans trop nous compromettre aux yeux des gens sensés, reproduire ici l'argumentation de cet exégète. Il n'a rien soupçonné de la vérité, il erre profondément, jusqu'à croire que le prétendu Jésus est venu à Rome sous Claude. Mais en dépit de tout ce qui vicie son travail, il a le mérite d'avoir senti le mensonge conventionnel sur lequel tout repose. Il n'a pas trouvé, mais par la façon même dont il s'est orienté, il montre un dédain respectable des pontifes de l'herméneutique et un désir touchant d'échapper à leurs prétentions.

Vous connaissez les deux versions de Josèphe sur le cas d'Apollos. Le côté Joannés du prophète n'apparaît que dans la première ; le Côté Roi des Juifs n'apparaît que dans la seconde. Il faut les marier pour avoir l'impression exacte de ce que fut Apollos, un Christ à qui il n'a manqué que (rétro du sang de David pour avoir les mêmes droits à la couronne universelle que Bar-Jehoudda. Si Apollos n'est pas devenu consubstantiel au Père, c'est qu'il ne descend de David ni par l'adultère de Bethsabée, ni autrement. Mais pour le baptême, il n'a pas été inférieur au Juif qui, dans les temps préhistoriques, a créé le monde, car il s'est fait suivre beaucoup plus près de Jérusalem, et pour la fuite il lui est incontestablement supérieur ; après la bataille ses jambes l'ont porté beaucoup plus loin que Lydda !

Tel le Joannès-jésus en son Apocalypse, ce baptiseur sans mandat s'ingérait de prophétiser la chute des murailles de Jérusalem par le moyen de certaines paroles qu'il lui suffirait de prononcer ait moment décisif, colles que le Rabbi n'avait pu prononcer en 789. Il n'y aurait plus besoin de portes pour y entrer[60]. C'est assez dire que l'année où Apollos manifesta était sabbatique, et que les Douze Apôtres, les Trente-six Décans et peut-être les Cent quarante-quatre mille Anges étaient de la t'ôte. C'est assez dire également qu'il avait le plus irréductible mépris pour celui gai avait fixé le Renouvellement du monde au 15 nisan 789, échéance passée depuis vingt ana sans aucun des signes annoncés, et que s'il avait réuni trente mille partisans, nous avons là trente mille christiens qui ne se considéraient pas comme ayant été créés par son prédécesseur pondant sa consubstantialité avec le Père. Enfin, à ces trente mille réfractaires, le très excellent Théophile souffrira que nous ajoutions la bande d'un nouvel imposteur, le quatrième au moins depuis Bar-Jehoudda, qui, faisant profession de magie, avait emmené quantité de gens avec lui dans le désert et promettait de les délivrer de tous leurs maux, et peut-être l'eût-il fait, si Festus, successeur de Félix, n'avait cru devoir l'arrêter devant les Chérubins qui gardent rentrée de l'Eden.

Après cela, s'écria Josèphe, qui s'étonnera que Dieu ait regardé Jérusalem d'un œil de colère, et que sa sainte maison ayant perdu la pureté qui la rendait si vénérable, il ait envoyé les Romains pour punir par le fer et par les flammes cette misérable ville et emmener ses habitants esclaves avec leurs femmes et leurs enfants pour nous faire rentrer en nous-mêmes par un châtiment si terrible ? Hé ! qui pourrait s'en étonner ?

Voilà un Juif de race royale et sacerdotale, le plus instruit de tous non seulement sur les choses du dehors, mais sur celles, du dedans, un homme qui a connu Saul et Tibère Alexandre, et qui de plus médita d'écrire un livre sur la nature de Dieu. Se doute-t-il que ce Dieu a eu un fils en Galilée, né d'une Vierge, Auteur de la vie, Créateur du monde, consubstantiel au Père et Sauveur de l'humanité ? Croit-il que ses compatriotes aient été déicides, une fois dans leur vie, le 14 nisan 788 ? A-t-il même l'idée, au lieu d'invoquer Dieu, de s'adresser à la Vierge, mère de Dieu, ou à son fils ? Point, Alors pourquoi s'étonner que le Père négligé, méprisé dans son fils, ait abandonné son peuple au for des Romains ?

 

XI. — SAÜL STRATÈGE DU TEMPLE - ASSASSINAT D'HANAN LE JEUNE.

 

D'autres symptômes de décadence éclataient dans la nation. Le roi Agrippa II n'aimait pas assez Dieu[61]. Il nomma Césarée de Philippes, déjà si mal nommée, Néroniade, et mit des statues dans Béryte[62]. Il fit pis encore. Ayant hérité d'Hérode, roi de Chalcis, le droit de nommer le grand-prêtre, au commencement de la procurature d'Albinus il choisit Hanau, un des cinq fils de l'Hanau de Recensement, un des cinq beaux-frères de Kaïaphas par conséquent, qui tous furent grands-prêtres comme leur père, fait sans exemple, remarque Josèphe, dans l'histoire du pontificat juif[63]. En même temps, Saül, comme au temps de Kaïaphas, était redevenu stratège du Temple avec son frère Kostobar, et lieutenant de l'ethnarque à Jérusalem, gouverneur juif en somme[64]. Quatre mois après, Hanan n'était plus grand-prêtre, il était remplacé par Jésus, fils de Damnaios !

On lit aujourd'hui dans Josèphe que c'est pour avoir condamné Jacob senior, frère du christ, dans l'intervalle qui sépara la mort de Festus de l'arrivée d'Albinus ; mais comme il n'en est rien et que nous sommes en face d'une interpolation ecclésiastique, nous pensons que si la place d'Hanan était vacante au bout de quatre mois, c'est parce que la algue avait atteint le titulaire dans un de ses organes vitaux. C'est là une mauvaise pensée, mais pourquoi ne pas le dire ? nous l'avons. Nous croyons que c'est pour avoir contribué à la condamnation de Shehimon et de Jacob, sous Tibère Alexandre, qu'Hanan, fils du Hanan qui avait requis contre Jehoudda en 761, et contre Bar-Jehoudda en 788, n'était plus grand-prêtre quatre mois après son entrée en 'fonction. Il n'était pas démissionnaire, il était defuncfus.

C'est, en effet, sous Hanan que l'Église a placé la lapidation de Jacques dans l'interpolation relative à cet apôtre. Le pontificat d'Hamm a donc été marqué par des troubles qui ont abouti à sa mort. On le remplaça par Jésus, fils de Damnaios, qui se cramponna, quand on donna son siège à Jésus, fils de Gamaliel, bon hérodien, quoique du sang de David. Maître de Saül et probablement de son frère Kostobar, Gamaliel le père avait présidé le sanhédrin dans toutes les affaires qui avaient amené les fils de Jehoudda sous la main du bourreau. Les partisans de Bar-Gamaliel et ceux de Bar-Damnaios en vinrent aux coups, il y eut dans la rue des batailles rangées entre loure perdions et ceux d'un troisième prétendant, Ananias, soutenu par un parti nombreux. Saül et Kostobar appuyèrent naturellement bar-Gamaliel, dernier nommé, mais, sous prétexte de rétablir l'ordre, ils frappèrent sur les uns et sur les autres avec une impartialité à laquelle Josèphe rend un hommage éclatant. Comme au temps de Kaïaphas, Saül avait sous ses ordres des soldats d'humeur peu débonnaire et que Josèphe traite fort durement. Le nom seul de Saül ayant le privilège d'exaspérer les descendants de Jehoudda et de Jaïr, cette brutale intervention, qui semble avoir duré pendant toute la procurature d'Albinus, fut cause d'une recrudescence de troubles et d'attentats. C'est principalement alors que commença la ruine de notre nation, dit à ce propos Josèphe, les choses allant toujours de mal en pis[65]. La nomination de Mathias comme grand-prêtre sous Gessius Florus, successeur d'Albinus, fut un nouveau défi aux christiens. Mathias était fils du grand-prêtre Théophile, par conséquent petit-fils de l'Hanan du Recensement. Décidément, on ne sortait pas de la famille !

 

 

 



[1] Celui-ci sous le nom d'Agabus (Incobus) dans les Actes des Apôtres, XI, 28. Déplacé quant à la date, on a vu pourquoi.

[2] Nous dirons ce que furent ces deux mouvements, suite naturelle de ceux que nous étudions aujourd'hui.

[3] Pour ce qui est du Jubilé, nous en avons donné la date, 789, avec une certitude mathématique. Mais nous ne garantissons la date des années sabbatiques qu'a un an près. Il se peut bien, en effet, qu'il faille les compter à partir de l'année deutéro-jubilaire (cinquantième) et non à partir de la proto-Jubilaire (quarante-neuvième). Nous ne pouvons également garantir la chronologie des procurateurs qu'à un an près, Josèphe ne fournissant que des approximations.

[4] Orose, qui ment avec une ingénuité charmante, dit que la reine Hélène avait embrassé la foi du christ, et que c'est afin de pourvoir aux besoins des christiens qu'elle fit venir des blés d'Egypte !

[5] Le scribe antimillénariste à qui est due la seconde Épître de Paul à Timothée, se fait l'écho de certaines souffrances que Paul aurait endurées à Antioche. Or, dans les Actes des Apôtres, les disciples de Jehoudda lui sont prodigieusement hospitaliers, notamment Ménahem, Roi des Juifs en 819, Lucius de Cyrène et Siméon dit Niger, qui lui imposent les mains et le prennent pour émissaire dans les régions d'Asie. Une autre fois, ils l'envoient porter à Jérusalem, avec Barnabé, des secours contre la famine. La persécution dont la IIe à Timothée porte la trace ne se concilie donc pas avec les aimables souvenirs consignés dans les Actes qu'évidemment l'auteur connaît bien. Il n'y a là ni persécution ni souffrances dont Paul ait été, comme on le dit ici, délivré par le Seigneur. D'autre part, dans la Lettre aux Galates il n'y a qu'un simple dissentiment entre Pierre et Paul sur la question des repas partagés avec les Gentils. Il y a donc une autre source que nous ne connaissons plus, à laquelle a puisé, tout en la voilant, l'auteur de la Seconde à Timothée. Saül a été maltraité dans Antioche.

[6] Auquel cas les troubles de Corinthe pourraient être en partie postérieurs à ceux d'Ephèse. En tout cas il est bien vrai que Saül a fait trois voyages en Achaïe, deux sous Claude et le troisième sous Néron en 819.

[7] Ou cinq, selon la date qu'on adoptera pour le voyage de Paul et de Barnabé.

[8] Cf. le Roi des Juifs.

[9] Pline, Cluvius et autres.

[10] Il a été certainement touché à cet endroit, et les traducteurs sont obligés d'y suppléer par une incise.

[11] Les Actes des Apôtres ont, comme on l'a vu, corrompu toute l'histoire dans l'intérêt de l'Eglise, mais ils reconnaissent que les deux frères étaient enfermés dans la tour Antonia, prison romaine.

[12] Antiquités judaïques, XVIII, I, 759.

[13] Le Nouveau Testament, seule édition approuvée par la Sainte Congrégation de l'Index. (Actes des Apôtres, ch. XXIII, note du verset 2, p. 397).

[14] Le Nouveau Testament, seule édition approuvée par la Sainte Congrégation de l'Index. (Actes des Apôtres, ch. XXIII, note du verset 2, p. 397).

[15] Ceci est reconnu même par l'exégèse papaline. (Note sur le verset 31 du ch. V des Actes, édition approuvée par le Saint-Siège).

[16] En effet, il a été placé nu second emprisonnement des apôtres (Actes, V, 18 et suivants), emprisonnement qui remonte à Tibère et dont a fait partie le christ lui-même, Vilains étant procurateur et Kaïaphas grand-prêtre.

Dans ce discours il est question de la révolte de Theudas et de celle de Jehoudda, celle-ci présentée aujourd'hui par les Actes (V, 37) comme étant postérieure à celle de Theudas. Nous avons démontré toutes ces fraudes.

[17] Jehoudda était Gaulonite, de Gamala, mais après la chute de Jérusalem est 893 on comprit dans la Galilée tous les districts transjordaniques de Pérée, de Gaulanitide et de Bathanée. Mais ce n'est pas pour cette raison que l'auteur des Actes le fait Galiléen, c'est parce qu'ailleurs Josèphe le dit Gaulonite et de Gamala.

[18] Actes des Apôtres, V, 38, 39, Ce qui a permis à l'Église d'insinuer que Gamaliel s'était converti à Jésus-Christ comme son élève final. Gamaliel mourut ou tout au moins cessa de présider le sanhédrin vers 805, dix-huit ans avant la chute de Jérusalem.

[19] C'est une vérité tellement éclatante que des ecclésiastiques du plus grand mérite comme les pères Hardouin et Berruyer, n'ont pas craint de saper le fondement de la papauté en proclamant que jamais Pierre n'est allé à Rome, (Hardouin, In Mathæum, XXIII, 31), qu'il n'y a point établi son siège, et que l'Eglise romaine et le Siège apostolique n'ont été établis qu'après la destruction de la République juive, l'abolition du sacerdoce d'Aaron, et l'entier ensevelissement de la synagogue et de la Loi de Moïse. (Berruyer, Réflexions sur le foi, t. VIII, 2e partie, pp. 110 et 111.)

[20] Quatrième Evangile, XXI. Par trois fois il y est dit fols du premier Joannès, et Joannès est un des surnoms du père du baptiseur.

[21] Il devait avoir soixante-quatre ou cinq ans, étant né, je pense, un ou deux ans après Bar-Jehoudda, né lui-même en 739.

[22] Le massacre des partisans de Bar-Jehoudda dans le Temple par Pilatus est un des exemples les plus saisissants de cette méthode. C'est une façon de dire : C'était écrit.

[23] Marc, X, 35

[24] Matthieu, XX, 20 et suiv.

[25] Grave imprudence, qu'on répara plus tard dans l'interpolation de Josèphe relative à Jacob.

Le mensonge ecclésiastique avait donc été percé à jour.

[26] Cf. le Roi des Juifs.

[27] Nous parlons du second état. La première assomption, l'enlèvement nocturne de son corps au Guol-golta, avait été horizontale au nord et le but était Machéron.

[28] L'Eglise du Jérusalem conserva précieusement la double chaîne de Pierre. En 436 de l'Erreur christienne, l'Impératrice Eudoxie, femme de Théodose le Jeune, étant venue à Jérusalem, l'évêque Juvénal les lui donna. Elle en garda une partie qui fut conservée dans une basilique construite à cet effet, et envoya l'autre à sa fille Eudoxie, femme de Valentinien. De son côté, l'Eglise de Rome conservait déjà la chaîne que Pierre avait portée comme pape sous Néron et que sainte Balbine, fille de saint Quirinus, tribun militaire et gardien de la prison Mamertine, avait pieusement recueillie. Saint Léon en ayant reçu le don d'Eudoxie et rapproché les deux chaînes, un miracle fit qu'elles se joignirent pour n'en former désormais qu'une seule. En mémoire de ce prodige et en l'honneur de Pierre, le pape et l'impératrice édifièrent de concert la basilique de Saint-Pierre-aux-Liens, où on montre la chaîne obtenue par cette miraculeuse jonction. On y a joint quatre anneaux de celle de Paul, mais pour celle-là on s'est contenté de faire venir un serrurier, il n'y avait plus besoin de miracle : l'église était construite !

[29] Je ne veux perdre ni votre temps ni le mien à relever ces inepties que je prends dans les Origines de l'Eglise d'Édesse et la Légende d'Abgar, par M. L. J. Tixeront (Paris, 1888, in-8°), qui les rapporte sous toutes les réserves du sens commun. Le but des faux relatifs à la découverte de la vraie croix, aussi nombreux que contradictoires et anachroniques, c'est de justifier le commerce des bois de croix qui, vieux comme l'Assyrie, prit vers la fin du quatrième siècle la forme jehouddolâtrique. Les églises d'Orient et d'Occident ont forgé la légende qui leur a paru la plus propre à leur commerce. Certaines églises ayant mis la découverte de la vraie croix sur le dus d'Hélène, mère de Constantin. an commencement du quatrième siècle, d'autres églises pour leur couper cet effet, source inépuisable de bénéfices, ont placé l'invention de la vraie croix sous Claude, gagnant ainsi trois- siècles sur la concurrence. Cela permettait de dire : Telle église spécule sur un bois inventé sous Constantin, il est moderne et inopérant. Vrai et efficace est celui-ci que nous possédons avec toutes les garanties d'authenticité, il est ancien, il a été trouvé sous Claude par sa femme. La résurrection de la fille d'un empereur est la première victoire (Proto-niké) de la croix, comme l'indique le nom de l'heureuse mère. Ouailles, à la caisse !

[30] Plus tard saint Jérôme.

[31] Constitutions apostoliques, livre VIII, ch. XXXV.

[32] Epistola 85. Ad Evagrium. L'imposteur veut parler ici du pseudo-concile dans lequel les Actes font comparaître Paul devant Jacques sur la fin de la procurature de Félix. Nous y arrivons.

[33] Ce passage a disparu des manuscrits qui nous restent, mais il était dans les copies que l'Eglise faisait circuler au cinquième siècle. Il est dans l'Anticelse, et on peut juger par là de la compétence des exégètes qui font vivre Celse sous Marc-Aurèle et attribuent à Origène, mort vers 215 de l'Erreur christienne.

[34] Il est dit le jeune par opposition à son père, l'Hanan du Recensement et le beau-père de Kaïaphas.

[35] Il n'y avait pins de roi depuis Agrippa Ier. La Judée, la Samarie et la Galilée étaient gouvernées par le procurateur romain, et Agrippa II en était réduit à la portion congrue de Philippe, tétrarque de Bathanée sous Tibère. Néanmoins on l'appelait roi dans le sens ethnarchique.

[36] Livre II, ch. XIX.

[37] Je ne parlerai pas pour le moment de celles qu'il lui fait adresser par Pierre. J'ai lu aussi celles-là, ce sont des chefs-d'œuvre.

[38] On fait Hégésippe contemporain de Théophile d'Antioche, et l'on dit qu'il avait entrepris l'Histoire de l'ancienne Eglise depuis la Passion jusqu'à son temps : cinq livres dont les Actes des Apôtres pourraient bien dire extraits. Il n'en reste rien sinon ce qu'Eusèbe en a conservé : Eusèbe est le filtre, il n'a laissa passer que ce qui pouvait désaltérer des princes comme Théodose. Loin d'être, comme le croient ses dupes, un écrivain naïf et crédule, ne se nourrissant que de légendes, Hégésippe est un de ces locuteurs que nulle absurdité ne décourage. D'après Eusèbe, ce serait le plus ancien historien de l'Eglise. Il serait allé à Rome en 177 de l'Erreur christienne et y serait mort en 181. Selon d'autres il aurait habité Rome pendant vingt ans, ce qui prolonge son existence jusqu'en 197. Si Eusèbe a connu son ouvrage, d'où vient qu'il n'a pu en tirer sur la période apostolique aucun renseignement qui ne soit en opposition absolue avec l'histoire et qu'on ne trouve dans les Actes ou dans les Lettres de Paul ?

[39] Actes des Apôtres, I, 9 et 10. Ire de Paul aux Corinthiens, XV, 7.

[40] Le gagiste fait endosser son imposture par les Scribes et les Pharisiens, sans réfléchir que pas un seul instant le fils d'homme crucifié en 788 n'a dit être le Fils de l'homme, mais, bien au contraire, qu'on verrait prochainement celui-ci apparaître sur les nuées avec ses Apôtres, ses Décans et ses Anges.

[41] On voit par là qu'au temps d'Hégésippe c'est bien Jacob junior qui a été lapidé par Saül en 787 sous le pseudonyme ecclésiastique de Stéphanos, la Couronne. Voir tout le chap. VII des Actes.

[42] La famille dont étaient les sept Récabites, aussi connus pour leur zèle que les sept fils de Jehoudda.

[43] Malheureux, fais donc attention, tu dates la crucifixion de 786, quatre ans après la date inventée par l'Église !

[44] Cette histoire ne peut être d'Hégésippe, car s'il est du troisième siècle, Hégésippe n'a pu connaître l'interpolation de Josèphe d'après laquelle on date de 815 le supplice de Jacques, ni à supputation de Denys le Petit au sixième siècle, d'après laquelle on date la naissance de Bar-Jehoudda de 754 et sa mort de 780 à l'âge de trente-deux ans.

[45] Quatrième Évangile, cf. le Roi des Juifs, t. II du Mensonge chrétien.

[46] Azize, roi d'Émèse.

[47] Josèphe, Antiquités judaïques, livre XX, ch. V.

[48] Elle ne craignit pas d'abandonner pour ce sujet sa religion. Josèphe, Antiquités judaïques, livre XX., ch. V.

[49] Ou Jonathan, un des cinq fils de Hanan.

[50] Luc, XIX, 27.

[51] Luc, XXII, 36.

[52] Matthieu, XI, 12.

[53] Ce grand-prêtre, que sa nomination par Félix et son assassinat recommande à l'attention publique, ne figure pas dans la liste dressée par M. E. Stapfer. (La Palestine au temps de Jésus-Christ).

[54] Guerre des Juifs, livre II, ch. XXIII, 181.

[55] Guerre des Juifs, livre II, ch. XXIII, 178, 179.

[56] Antiquités, livre XX, ch. VI, 840.

[57] Actes des Apôtres, XXI, 38. A dire vrai, le nom de ce gouverneur est une invention des Actes, mais peu importe son nom ; ce qui nous intéresse, c'est que sous Félix, au lendemain de l'affaire du Mont des Oliviers, il prenne Paulos pour Apollos.

[58] Guerre des Juifs, livre II, ch. XXIII, 180.

[59] Gustave Lejeal, Jésus l'Alexandrin. Le Symbole de la croix, Etudes historiques. (Paris, 1901, in-8°, pp. 57 et suiv.).

[60] Apocalypse. Relisez tout le chapitre XXI, dans le Charpentier.

[61] On lui donnait le titre de roi, comme on l'avait donné jadis à Archélaüs qui ne le méritait pas davantage, puisqu'à côté de l'un et de l'autre il y avait un procurateur romain ; mais si on l'entend dans le sens d'ethnarque, roi de la race et de la loi juives, le titre s'explique bien et se justifie presque.

[62] Josèphe, Antiquités judaïques, livre XX, ch. VIII, 858, 859, 860.

[63] Eléazar, nommé par Valérius Graius, Jonathan et Théophile nommés par Vitellius, Mathias, nommé par Agrippa Ier, Jonathan, de nouveau par Félix, et cet Hanan nommé par Agrippa II.

[64] Sur Kostobar, cf. le Roi des Juifs, au ch. Entrée en scène de Saül.

[65] Antiquités judaïques, livre XX, ch. VIII, 860.