LE MENSONGE CHRÉTIEN - (JÉSUS-CHRIST N'A PAS EXISTÉ)

 

TOME III. — LES MARCHANDS DE CHRIST

VII. — ACTES DES APÔTRES.

 

 

I. — DE L'ÉCRIT SACRÉ INTITULÉ ACTES DES APÔTRES.

 

Jésus n'ayant point existé, les apôtres n'ont point existé non plus, du moins tels qu'on se les figure, c'est-à-dire l'âme enflammée par les sublimités du Sermon sur la Montagne. Ce qu'on entend communément par l'Ère apostolique est un pur préjugé : il n'y a jamais eu de temps pendant lequel douze Juifs de Galilée, disciples de Jésus de Nazareth, ont été les meilleurs de tous les hommes. Au contraire, il y a eu un temps pendant lequel, privés de la morale de Valentin, où pointent des traits excellents ensuite reportés dans les Evangiles, des illuminés qui jamais ne furent douze, lâchés à travers la Judée, ont étonné le Temple par toutes les horreurs du fanatisme et Rome par toutes les turpitudes de l'ignorance.

Les Actes des Apôtres sont notre seul guide canonique dans ces ténèbres.

Nous ne sommes pas forcés de les croire, mais nous sommes condamnés à les suivre. C'est, avec la littérature paulinienne, notre seule lumière dans la caverne des temps apostoliques, une toute petite lumière fumeuse, promenée deux siècles après les événements parfois davantage, par une main qui tremble de peur d'éclairer trop. Les faits ne sont pas seulement travestis, dénaturés, présentés sans ordre, ils sont tous antidatés, postdatés, contre-datés. Outre le souci d'éviter les témoignages contraires, il y a l'impossibilité, l'inutilité, le danger même de se colleter avec la chronologie. Et, puis à quoi bon ? Les Actes sont faits pour des gens qui déjà croient à l'Evangile.

Cet écrit qui serait au premier plan de l'histoire si Jésus eût existé, passe au dernier plan de l'imposture ecclésiastique, n'étant qu'un voile de prudence et d'hypocrisie jeté sur le cadavre apostolique en décomposition. La littérature paulinienne est dans le même cas. Actes et Lettres se contrôlent réciproquement et se détruisent presque toujours. Sans se laisser abattre par le dégoût, il faut voir quels grossiers intérêts se cachent derrière ces niaiseries nauséabondes.

 

Les Actes sont d'un juif hellène et jehouddolâtre à la solde de l'Eglise qui se crée à Rome pour exploiter la mystification évangélique. Ce qu'il veut envelopper dans ses filets, ce sont les Romains et les Grecs, il dénonce tous les Juifs qui refusent de se laisser prendre. Ce vendu parle d'eux en homme détaché de ce que leur ont fait Titus, Hadrien et Septime-Sévère. Le vrai Juda, c'est lui !

Il a renoncé à Jérusalem-capitale, tous ses intérêts sont à Rome. Il clôt ses impostures par un éloge implicite de la justice et de la tolérance romaines opposées à la malice et à la tyrannie juives. Tous les Romains qu'il met en scène, proconsuls, tribuns, centurions ou soldats, sont humains, policés, bienveillants. Il excuse Pilatus et même il le lave de la condamnation de Bar-Jehoudda qui en effet ne lui appartient pas. Tous les Juifs qu'il produit sont méchants et perfides. Pas un qui ne soit antipathique, à part les Apôtres, que cependant les Évangiles n'avaient pas placés au dessus de la discussion. Sous leurs pseudonymes Shehimon et Jacob sont déjà des personnages extra-juifs et surnaturels auxquels on ne peut toucher que d'une main sacrilège. L'auteur coupe le lien qui rattache la famille de Bar-Jehoudda aux Sicaires. Il travaille à dérouter l'historien, à le perdre dans un labyrinthe où courent devant lui, dans une lamentable clownerie, quelques déguisés qu'il ne peut attraper, qui lui échappent quand il croit les tenir, tous méconnaissables sous des noms supposés ou sous des masques, tous narguant déjà du haut de l'artifice évangélique le pauvre exégète à bout de souffle.

 

Ce qui distingue les Évangiles des Actes, c'est que dans les premiers la fable se mêle à la vérité pour l'affaiblir, tandis que les seconds sont une œuvre de franche imposture dirigée contre l'histoire et contre ce qu'il en était resté dans les Évangiles, notamment celui de Cérinthe. C'est de la contre-histoire machinée à plaisir. Le but : concilier en Judée même ces deux inconciliables, réconcilier ces deux irréconciliables, Saül et Shehimon, afin de pouvoir réunir Pierre et Paul à Rome sous Néron.

Pour satisfaite à ce plan, il a fallu, outre les faits de pure imagination, déplacer tous les évènements par lesquels Saül et Shehimon appartiennent à Josèphe, de manière à pouvoir disposer à volonté de l'un et de l'autre. Outre Josèphe, contemporain de Ménahem, il fallait démentir Juste de Tibériade, contemporain de Josèphe. Juste assurément, ne parlait pas plus de Jésus et des douze Apôtres que Josèphe, mais il faisait une part aux descendants de Jehoudda dans la genèse de la guerre qui emporta la nationalité juive. On ne peut croire qu'ayant à conter le dernier acte d'une tragédie qui avait commencé avec le Recensement, il ne soit pas remonté à ce prologue.

 

Sur quoi se guider pour discerner le vrai du faux, accepter ou rejeter et surtout dater ? Uniquement sur le faux lui-même. On ne s'appuie bien que sur ce qui résiste. Le faux, voilà la base. Où est la vérité ? D'abord dans l'Apocalypse et dans l'histoire, ensuite dans les Évangiles purgés des deux grandes fraudes que l'Église y a introduites (Nativité de Jésus et Décapitation du Joannès baptiseur), enfin dans le contraire de ce que dit l'Église sous le nom de Pierre et de Paul. Hors de l'Église, tout est salut. Le peu de faits qu'elle évoque est d'une évidente fausseté. Aussi bien son but n'est-il pas d'écrire une histoire, quoiqu'elle en ait les éléments et les moyens, c'est de combattre dans quelques épisodes fabuleux assaisonnés de discours funambulesques les objections de toute sorte que soulevait la question Jésus telle qu'elle se posait dans les Évangiles. Sous apparence de naïveté, les Actes sont un tissu de duplicités grosses et petites. Quoiqu'il dise : En ce temps-là, en ce jour-là quand il est trop gêné, le gagiste — si toutefois l'œuvre n'est pas collective — n'ignore rien ni des faits ni des dates. Nous possédons les mêmes éléments que lui pour rétablir la chronologie à laquelle il manque volontairement : c'est l'histoire juive raccordée avec les années consulaires. La critique est libre à l'égard des Actes, à la condition de ne rien entreprendre contre ces points de repère. Comme dans toutes les fraudes, constituées sur ce modèle, il y a une  fraude-mère. Quand on tient la fraude-mère, on tient tous ses rejetons.

Ce gagiste connaît son histoire à fond. Il travaille, Josèphe en main. Il connaît tous les exploits de la secte jehouddique avec leurs dates, la crucifixion de Bar-Jehoudda en 788, celle de Shehimon et de Jacob en 802, l'émeute de 819 dans laquelle Saül, cerné dans le palais des Hérodes, faillit être assassiné par les gens de Ménahem. Il les connaît si bien qu'il les a tous transposés de sept ans ou de cinq ans, de manière qu'il fût impossible de les identifier avec ceux de l'histoire, et tellement truqués, tellement défigurés, que la critique la plus sagace y perd pied. L'intention de tromper, la volonté de mentir éclate à chaque ligne. Il s'agit d'éprouver la crédulité humaine dans ce qu'elle a de plus lucratif. Aux pièges que tend ce braconnier, on voit que le gibier est d'importance.

 

Outre Josèphe, Juste et les annalistes romains, il connaît les divers Évangiles dont il est question dans le prologue du Troisième et qu'on a plus tard attribués à Mathias, au Joannès-Marcos et à Luc. Mieux que personne il connaît l'Évangile de Cérinthe ou Quatrième Evangile, le seul où Jésus, ressuscité dans son prophète, souffle l'Esprit Saint aux apôtres millénaristes, parmi lesquels est le crucifié lui-même, car le roi-christ et ses frères sont morts sans avoir connu d'autre Esprit Saint que le feu dont le Verbe igné devait les baptiser à la Pâque de 789. Enfin et avant tout il sait que les seules Écritures authentiques de la secte christienne, le seul testament laissé par ses fondateurs, c'est l'Apocalypse du Rabbi, recueillie par Philippe et Jehoudda Toâmin et transmise par Joannès-Marcos, fils de Shehimon en Évangile Pierre, et par Mathias Bar-Toâmin, fils de Toâmin, en Évangile Thomas. C'est même pour en effacer le souvenir qu'il compose son écrit.

Il convient donc de jeter bas la chronologie que l'Église attribue à la fabrication des Quatre Évangiles par elle baptisés Matthieu, Marc, Luc et Jean.

 

II. — PRÉTENTIONS DE L'ÉGLISE QUANT AUX DATES DE FABRICATION DES ÉVANGILES.

 

Je les cite dans leur ordre canonique, car selon le système de l'Église, l'Évangile dit de Matthieu est le premier : j'invoque l'autorité du Saint-Siège lui-même[1], car je me sens faible et comme isolé dans le monde, lorsque je ne m'appuie pas sur le Saint-Siège qui est celui de la vérité elle-même. Et d'ailleurs je m'ennuie loin de lui. Je cite donc :

L'auteur du premier Évangile est l'apôtre saint Mathieu. Il n'y a qu'une voix à cet égard dans la tradition. Les Pères s'accordent également à dire que cet Évangile a paru avant tous les autres, que saint Matthieu l'a écrit en hébreu pour l'usage des chrétiens de Judée, avant de quitter ce pays pour aller prêcher la foi parmi les Gentils, entre l'an 45 (798 de Rome) et l'an 48 (801 de Rome), un peu avant que saint Paul écrivit ses premières Épîtres. Quant à la version grecque du texte hébreu de saint Matthieu, il est certain que, si l'auteur ne l'a pas faite lui-même, comme Josèphe a fait la traduction de sa Guerre des Juifs, elle date du moins du temps des apôtres et a dû être approuvée par eux : car dès le premier siècle, et avant la mort de saint Jean[2], elle était citée et reçue par toute l'Eglise avec l'autorité des textes inspirés ; et s'il en avait été autrement, on aurait peine à s'expliquer la disparition du texte hébreu. L'Évangile de saint Matthieu n'est pas proprement une histoire, une biographie... Les faits n'y tiennent pas une grande place ; ils sont peu circonstanciés. L'ordre chronologique fait défaut, aussi bien que les dates. C'est sans doute cette observation, scrupuleusement exacte, qui permet à l'Église d'assigner la date de 798-801 à la confection de cet écrit.

Les caractères de cet Évangile s'accordent sur tous les points avec le témoignage de la tradition. On ne peut s'empêcher de reconnaître, en lisant, que l'auteur était juif, qu'il avait été témoin des faits, qu'il écrivait pour les Juifs de Palestine, à une époque peu éloignée de la mort du Sauveur, enfin qu'il avait bien le caractère et les dispositions que devait avoir saint Matthieu.

Il a composé son livre de bonne heure, assez peu de temps après l'Ascension du Sauveur. Puisque l'auteur est un apôtre, et qu'il destine son livre aux Juifs de la Palestine, il a dû l'écrire lorsqu'il était au milieu d'eux, avant la dispersion du collège apostolique, de l'an 45 à l'an 48 au plus tard. Si l'on compare cet Évangile avec les deux autres synoptiques, on est conduit à la même conclusion, car il est visiblement le plus ancien. On conçoit saint Marc, disciple de saint Pierre, abrégeant saint Matthieu et retranchant de l'Évangile hébreu ce qui était sans intérêt pour les Romains ; on conçoit saint Luc, disciple de saint Paul, complétant les mémoires des premiers évangélistes, et s'efforçant de mettre dans leurs récits l'ordre et la correction qui y manquent ; mais on ne concevrait pas saint Matthieu, un témoin oculaire, un apôtre, prenant pour guide dans beaucoup d'endroits un simple disciple, paraphrasant saint Marc, traduisant saint Luc dans un langage moins correct, et s'écartant à dessein de l'ordre chronologique. Matthieu le publicain a donc été le premier à écrire l'Évangile, comme Madeleine la pécheresse[3] a été la première à annoncer la résurrection.

Continuons,

L'Évangile dit de Marc est le Second. D'après les Actes, Jean ou Jean-Marc était lié avec saint Pierre avant de se lier avec saint Paul. Saint Pierre l'appelle son fils[4]. Son Évangile, composé peu de temps après celui de saint Matthieu, dut être présenté à l'Église par le prince des apôtres comme objet de foi et livre inspiré. L'auteur était Juif d'origine et contemporain des apôtres. Il était particulièrement attaché à saint Pierre. Il écrivait pour tous les Gentils, quoique spécialement pour les Romains. Les caractères intrinsèques du Second Evangile justifient pleinement la croyance de l'Église sur l'origine et l'auteur de ce livre. Je m'en veux d'abréger et vous m'en voudrez aussi, car vous auriez été heureux de voir Joannès-Marcos à Rome en même temps que Shehimon, son père, y était pape ; mais ici nous nous bornons à établir sur les données du Saint-Siège la date de composition du Second Evangile. Disons 802 ou 803.

 

Pour ce qui est de Luc, tous les auteurs ecclésiastiques, sauf Clément d'Alexandrie, attestent que cet Évangile a paru après celui de saint Marc, et qu'il vient en troisième lieu. L'auteur dit lui-même qu'il n'est pas la premier qui ait essayé d'écrire la Vie du Sauveur. Ailleurs il nous apprend qu'il a publié son Évangile avant d'écrire les Actes des Apôtres. Or le livre des Actes a été terminé, suivant toutes les apparences, en l'an 62 ou 63, époque à laquelle son récit s'arrête brusquement. Il est donc probable que le troisième Évangile a été écrit entre l'an 55 et l'an 60, une huitaine d'années après celui de saint Marc, une quinzaine après celui de saint Matthieu. A cette date, la christianisme était déjà établi dans beaucoup de contrées de l'Empire ; mais la plupart des apôtres étaient encore en vie.

Saint Luc n'avait pas connu Notre-Seigneur, ni observé par lui-même les faits évangéliques ; mais il avait à sa disposition les écrits de saint Matthieu et de sainte Marc, qui pouvaient le guider dans la plupart de ses récits. Quant aux faits qu'il rapporte seul, et aux circonstances qu'il ajoute aux récits de ses devanciers, il a ou pour s'en assurer diverses autorités :

1° Saint Paul, si bien instruit de tout ce qui concernait le Sauveur soit par ses révélations, soit par les rapports des premiers disciples. On sait que saint Luc a longtemps vécu avec l'Apôtre, qu'il l'a suivi dans la plus grande partie de ses missions. Les premiers chrétiens étaient si persuadés de la part que saint Paul avait prise à la composition du troisième Évangile, qu'ils lui en faisaient honneur et que Tertullien l'appelle illuminator Lucæ[5].

2° Plusieurs personnages apostoliques : saint Barnabé, l'un des premiers lévites convertis, qui devint fondateur de l'Eglise d'Antioche, où saint Luc apprit les éléments de la doctrine chrétienne ; saint Philippe, diacre de Césarée, chez lequel saint Luc logea avec saint Paul en se rendant à Jérusalem, et auprès de qui il demeura les deux premières années de la captivité de l'Apôtre ; saint Jacques le Mineur, évêque de Jérusalem ; saint Pierre et les autres apôtres, avec lesquels saint Luc fut en rapport.

3° La sainte Vierge et les parents de saint Jean-Baptiste. C'est à cette dernière source qu'a dû être puisé en particulier le récit des faits qui ont précédé la naissance du Sauveur ; récit dont la couleur tout hébraïque contraste avec le prologue de l'Évangile. Aussi saint Luc atteste-il qu'il a remonté jusqu'aux origines, et fait-il remarquer à deux reprises que la mère de Dieu conservait dans son cœur le souvenir de tout ce qu'elle voyait et entendait.

Le troisième Évangile offre des marques très nombreuses d'authenticité. On sait que saint Luc était médecin, et qu'il avait fait par conséquent quelques études ; qu'il était Gentil d'origine, qu'il fut disciple de saint Paul, qu'il se consacra comme son maître à la conversion des Gentils, enfin qu'après avoir écrit son Évangile il a composé les Actes des Apôtres.

Je m'arrête, mais c'est uniquement pour respecter la règle de Boileau : Qui ne sut se borner ne sut jamais écrire, car si je n'écoutais que moi, je ne cesserais de citer cette prose harmonieuse d'où il résulte invinciblement que le bienheureux Luc, auteur du Troisième Évangile et des Actes, a terminé ses deux ouvrages sous Néron ; le premier en 813 et le second en 815.

 

Pour le Quatrième Évangile la tradition est unanime à l'attribuer à l'apôtre saint Jean[6]. Tous les Pères qui parlent de l'auteur de cet Évangile, désignent saint Jean. Saint Irénée nous apprend qu'il composa ce livre à Éphèse, où il vécut jusqu'au règne de Trajan (98-117). Suivant saint Jérôme, il fut le dernier des écrivains sacrés, et il se mit à l'œuvre au retour de Pathmos, à la prière des pasteurs et des fidèles de l'Asie Mineure. Il avait quatre-vingt dix ans suivant saint Epiphane, et probablement davantage.

Dès le milieu du second siècle, cinquante ans après sa publication, le Quatrième Évangile était partout connu comme l'œuvre de saint Jean.

... Il a écrit vers la fin du premier siècle. Il faisait partie du collège apostolique. Enfin, il ne peut être que l'auteur de l'Apocalypse et de l'Epître catholique dite ad Parthos, le second des fils de Zébédée, le disciple bien aimé, le fils adoptif de Marie, en un mot l'apôtre saint Jean[7].

Un dernier indice, plus convaincant encore, c'est l'amour tendre, délicat, religieux, qui respire dans cet Évangile pour Jésus et pour Marie. Il suffit de lire le récit du miracle de Cana, celui de la résurrection de Lazare ou de la dernière Cène, et surtout l'entrevue suprême du Sauveur et de sa mère au Calvaire, pour reconnaître l'affection pieuse, émue, reconnaissante de l'apôtre bien-aimé et de l'enfant adoptif. C'est bien lui qui a dû nous transmettre ces touchants détails : lui seul devait y attacher cette importance, les recueillir avec cette sollicitude et nous les transmettra avec cette fidélité.

Ainsi l'étude du Quatrième Évangile confirme pleinement le témoignage de la tradition. Il ne faut donc pas s'étonner si nos rationalistes n'osent plus en nier ouvertement l'authenticité, s'ils se réduisent à dire que les disciples de saint Jean ont pu l'écrire quelques années après sa mort, une trentaine d'années au plus. Ewald, plus décidé dans son langage, dit qu'il faut avoir perdu l'esprit pour en contester la propriété à celui dont il porte le nom.

 

Je suis obligé de me ranger parmi ceux qui ont perdu l'esprit, mais c'est une infériorité dont Ewald ne peut triompher sans immodestie, car je me trouve être avec Jésus qui lui aussi a perdu l'esprit depuis que les exégètes le lui ont enlevé. Mieux encore, et c'est le sceau de la souveraine intelligence, il se trouve qu'au fond je suis d'accord avec le Saint-Siège sur l'identité de l'auteur de l'Apocalypse et du plus éminent des fils du Zibdéos. Nous ne différons que sur quelques points sans importance, comme d'avoir démontré à tout homme de bon sens et de bonne foi que le Joannès de l'Apocalypse et le Jésus crucifié par Pilatus sont un seul et même individu. Mais qu'est-ce que ce détail négligeable ? Remettons-nous sous l'autorité du Saint-Siège et disons avec lui que le Quatrième Évangile est d'environ 855 de Rome, par conséquent postérieur de cinquante ans à la rédaction des Actes par Luc. Je demande alors au Saint-Siège comment il se fait que Luc mentionne dans les Actes écrits en 815 un fait qu'ignorent Matthieu et Marc, qu'il ignore lui-même comme auteur du Troisième Évangile, et qui ne se trouve que dans l'écrit de 855 : le don de l'Esprit-Saint aux Apôtres, trois jours après la Pâque de 789 ?

Je lui demande aussi, pendant que je suis en train, comment il se fait que tout l'effort des Actes soit dirigé contre cette vérité recueillie par le seul Cérinthe dans le Quatrième Évangile, à savoir que la carrière du jésus a duré onze ans, au lieu de six mois comme il est dit dans les trois Synoptisés. Et tant que les disciples d'Ewald ne m'auront pas répondu de manière satisfaisante, je continuerai, dussé-je passer auprès d'eux pour avoir à jamais perdu l'esprit, à dire, mariant la logique à la chronologie : L'imposture des Actes, postérieure de beaucoup aux Quatre Évangiles, n'a d'autre but que de fortifier contre le Quatrième l'imposture des trois Synoptisés.

 

III. — LA FRAUDE-MÈRE : LA CRUCIFIXION ANTIDATÉE DE SEPT ANS.

 

Les Actes des Apôtres se présentent comme la suite d'un premier ouvrage sur tout ce que le jésus s'était autrefois mis à faire et à enseigner jusqu'au jour où il fut enlevé (Assomption) au ciel le dimanche 18 nisan 789, c'est-à-dire le jour même de sa disparition du Guol-golta. Nous avons depuis de longues années dépassé le temps où avait cours cette version, que l'aveu de la mort du Joannès avait rendue nécessaire et qui est la seconde de la série. Ce premier ouvrage par lequel on aurait préludé aux Actes semble être celui que les manuscrits les plus anciens donnent à un Lucanus ou Loucas, devenu dans l'Église saint Luc[8].

On ne peut nier certains liens entre cet Évangile et les Actes.

La participation d'Hérode Antipas à la sentence de Pilatus n'appartient qu'à Luc, et Pierre la confirme dans les Actes. La tendance de Pilatus à absoudre Bar-Jehoudda, très nettement indiquée dans Luc, réapparaît dans les Actes et s'augmente du souci de charger les Juifs, ce qui montre qu'on a rompu avec ces déicides.

Mais nous avons montré que le faussaire connaissait également la Quatrième Evangile où Jésus donne le Saint-Esprit aux apôtres... Les Actes ne sont donc pas la suite d'un Évangile plutôt que d'un autre, mais un amendement à tous les écrits antérieurs, et nous avons la certitude qu'ils n'ont pas été composés avant le troisième siècle. Ainsi ne nous laissons pas influencer par les prétendues preuves d'authenticité qu'on a disposées dans les écrits de Clément d'Alexandrie, d'Irénée, de Tertullien et d'Origène. Les hommes d'Église qui ont interpolé ces auteurs ne craignent pas d'attribuer les Actes à Luc ; le seul fait de cette attribution en dénonce assez la fausseté, car Jean Chrysostome qui leur est postérieur à tous, ne sait à qui donner les Actes dont on ne faisait aucun cas en son temps, si bien qu'on a été obligé de lui faire dire ensuite qu'ils pouvaient être indifféremment de Barnabé, de Clément le Romain ou de Luc.

La question est donc vidée. Le faussaire des Actes s'appelle l'Église.

 

En tout cas il ne présente point son écrit comme étant de Dieu. C'est l'ouvrage de sa main, comme est celui qu'il dit avoir rédigé déjà pour le très excellent Théophile. Que celui qui a des oreilles entende ! Dresse les tiennes, très excellent Théophile, elles doivent être longues ! Des mécréants t'ont dit que Jésus de Nazareth était une christophanie, invention de mythologues ; que le prototype de ce Jésus et ses pareils étaient une bande de fanatiques gaulaunites, bathanéens et galiléens qui s'étaient illustrés par leur excès depuis Tibère jusqu'à Vespasien, que les nommés Pierre et Jacques notamment, frères et successeurs de Bar-Jehoudda, après avoir fui Saül jusqu'en Asie s'étaient ressaisis sous Claude et avaient été crucifiés à Jérusalem en 802 par Tibère Alexandre. Approche, très excellent Théophile, approche, mon ami, on va te montrer douze hommes vertueux qui ont ordre de ne pas quitter Jérusalem à partir de la crucifixion, qui ne mettent plus les pieds sur les bords du Jourdain et du lac de Génézareth, si tant est qu'ils soient originaires de cette contrée sauvage et déserte, douze hommes dont les organes sont impropres à lire ou à faire des Écritures, et dont les mains toujours ouvertes pour baptiser et pour bénir sont inhabiles à manier la torche et la sique !

Et d'abord apprends que Bar-Jehoudda n'a point été enterré en Samarie, mais qu'il est ressuscité comme on le dit dans les écrits antérieurs et qu'il a été transporté au ciel sans connaître les sombres mystères de la décomposition ! Ensuite apprends que le ressuscité dont on va t'entretenir n'est pas l'individu qui a été crucifié par Pilatus la veille de la Pâque de 789 ; c'est un personnage tout différent de celui-là et qui a été crucifié le lendemain de la Pâque de 782, sous le consulat des deux Geminus. Le crucifié de 788 s'appelait Bar-Jehoudda, celui de 782 s'appelle Jésus de Nazareth, il ne saurait donc être question du même homme. Le crucifié de 788 était sous le nom de Joannès l'auteur de l'Apocalypse parue en 781, et il l'avait prêchée pendant sept ans, au milieu d'horreurs qui lui avaient valu sa condamnation à mort ; l'innocent, Jésus de Nazareth ne saurait être le même homme que ce Joannès de malheur, puisqu'il a été crucifié à la Pâque qui commence l'année 782. Apprends enfin, mais un peu tard, le but de cette transposition : effacer l'identité du jésus avec le Joannès baptiseur, décharger celui-ci de tous les forfaits qu'il a inspirés ou accomplis pendant son septennat ; de plus — et, ceci n'est pas ordinaire, très excellent Théophile, — faire que sous le nom de Joannès, fils du Zibdeos, il devienne avec Pierre et Jacques, pendant sept ans, le témoin et de l'Assomption sous le nom de Joannès et de son Ascension sous le nom de Jésus !

 

En 789 sa famille avait quitté la Judée avec tant de précipitation qu'elle n'avait pas eu le temps matériel, au cas où l'idée lui en serait venue, de le promouvoir à l'état de ressuscité. Salomé, Maria Cléopas et son mari ayant été progressivement éliminés de la fable primitive comme auteurs de l'enlèvement, il n'y avait plus d'autres témoins de cet événement que Pierre et les onze Apôtres de l'allégorie réduits à dix par l'assassinat d'Is-Kérioth le soir de l'arrestation. Si l'on conservait la date de 788 à la crucifixion, pas de témoignages à invoquer parmi les membres de la famille. Ces gens qui avaient confié à leurs pieds le soin de sauver le reste de leur individu avaient manqué au plus haut point du loisir et de l'autorité nécessaires pour proclamer une résurrection parmi les Juifs. En l'antidatant de sept ans, en installant Pierre et les onze à Jérusalem dès 782, on obtint douze témoins, qui ont sept ans devant eux pour l'organiser.

D'ailleurs on était lié par le caractère chronométrique de la dernière année que l'imposteur avait vécue. Nul ne pouvait nier que le châtiment n'eût été le point final d'une année sabbatique. Les Évangiles le constataient. Mais en dissimulant que cette année eût été en même temps jubilaire on gagnait sept ans sur l'histoire. On se rabattit sur la sabbatique 781 pour qu'elle ne répondit pas à la chronologie de Josèphe, tout en répondant à celle du lancement de l'Apocalypse. Au lieu de prêcher sept ans, Joannès n'aurait prêché que quelques mois pendant lesquels il aurait annoncé Jésus, mais il ne pourrait pas être l'imposteur dont parlait Josèphe comme ayant été crucifié à la fin de 788 après sa défaite au Sôrtaba. Telle est la fraude-mère dont nous avons parlé tout à l'heure. Ce n'est pas seulement pour dépister l'histoire que l'Église a reporté la crucifixion du jésus à 782, c'est pour se procurer un témoin de la résurrection comme il n'y en avait qu'un au monde : le crucifié lui-même sous son premier nom de Joannès !

L'intérêt dramatique des Évangiles avait eu des inconvénients. Vingt questions surgissaient à la fois en dehors du dogme : questions de fait très embarrassantes, celle-ci notamment : Qu'est devenu le traître Is-Kérioth ? Que sont devenus les Douze dont vous nous parlez d'après Matthieu, Marc, et Luc ? Quels exemples ont-ils laissés ? Quel usage ont-ils fait de l'Esprit-Saint et où l'ont-ils porté ? Qu'est devenu notamment Shehimon dit la Pierre, leur chef apparent ? Et pourquoi, au lieu de pouvoir les suivre partout à la trace, ne relève-t-on que celle de Saül qui depuis la lapidation de Jacob junior n'a fait que persécuter les frères de Bar-Jehoudda, jusqu'à ce qu'envoyé en ambassade à Néron il ne quittât définitivement la Judée avec toute la maison des Hérodes ?

 

Le scribe a résolu ces difficultés le plus simplement du monde. Il a fait un bloc de tous les événements que nous avons contés dans le Roi des Juifs : déclaration de messianisme davidique, emprisonnements, assassinat d'Ananias et de Zaphira, lapidation de Jacob junior, négociation avec la Samarie, qui tous avaient précédé la crucifixion. Il a supprimé le sacre et la révolte, la condamnation de Bar-Jehoudda et d'Eléazar, le passage du Jourdain et l'invasion de la Samarie ; et présentant Jésus comme un personnage distinct de celui qui avait été roi des Juifs dans l'acception politique du mot, il s'en débarrasse par un moyen tout céleste, la solennelle Ascension au Mont des Oliviers devant tous les disciples. Il ramène ceux-ci dans Jérusalem le lendemain de l'Ascension, et leur envoie le Saint-Esprit qui intime l'ordre à Shehimon et au Joannès lui-même de se prêter à toutes les exigences de l'Église, c'est-à-dire de revivre, avec toutes les précautions nécessaires, certains événements antérieurs à la crucifixion de Bar-Jehoudda de manière que ces événements parussent postérieurs à la Passion de Jésus, avancée de sept ans. Par ce moyen cette passion d'un innocent devenait complètement indépendante de la punition d'un coupable.

Le Joannès qui dans ce système n'était mort ni décapité ni crucifié survivait à la résurrection dont il devenait un des douze témoins ; il disparaîtrait à la date qu'il plairait à l'Église d'inventer. Il est évident en effet que sous son nom d'Apocalypse il était présent à tous les événements qui ont marqué le septennat du Baptiseur. Sous le nom de Pierre, Shehimon, le principal auteur de son enlèvement au Guol-golta, devient lui aussi un témoin de premier ordre. On en fera un troisième avec Jacob junior lapidé par Saül en 787 : sous le nom de Stéphanos, il déposera publiquement d'une résurrection que les Actes présentent comme advenue le 18 nisan 782. Jacob senior, qui n'a été crucifié qu'en 802 avec Shehimon, ne saurait être récusé comme quatrième témoin que par la mauvaise foi la plus intense. Philippe l'Évangéliste fera un cinquième témoin et des plus sérieux, car il n'est mort que longtemps après son aîné. Jehoudda dit Toâmin, Évangéliste lui aussi, était tout indiqué comme sixième témoin. Enfin, s'il était permis d'invoquer, même sous un nom d'emprunt, le témoignage de Ménahem, nul ne serait mieux qualifié que le septième fils de Salomé, le septième démon de Maria Magdaléenne, pour faire un septième témoin ; mais vous le savez par une longue expérience des Écritures révélées, il est défendu de citer Ménahem[9].

 

Vous remarquez qu'en antidatant de sept ans la mort de Bar-Jehoudda, les sept fils de Salomé sont encore au complot lorsque la toile se lève sur la résurrection d'icelui. Quant à Saül, ce n'est pas pour poursuivre la bande du crucifié qu'il est allé à Damas une seconde fois, c'est pour persécuter celle d'un certain Stephanos, hellène lapidé on ne sait quand ni pourquoi. Tel est le plan dans lequel le scribe a disposé sa matière jusqu'au moment où Saül se met en marche pour Damas. Il ne reste plus qu'à convertir Saül en Paulos sur le chemin. C'est la matière de la seconde partie des Actes qui finit dans Antioche où l'on voit Saül sacré apôtre de la résurrection par Ménahem Ier, parrain du roi des Juifs de 819, après un séjour à Jérusalem pendant lequel, devenu Paulos, il est allé arranger ses affaires avec Shehimon, devenu Pierre.

La troisième partie est un récit chaotique des Voyages de Saülas jusqu'à son arrivée à Rome sous Néron. Cette troisième partie se distingue en ceci que l'auteur du récit se met lui-même en scène, disant : Nous fîmes, nous allâmes, etc., ce qui ne se produit jamais dans les deux autres. Chose notable, c'est à partir du moment où un certain Sulas devient le compagnon de Saül que commencent ces : Nous allâmes, nous fîmes. Puis après diverses reprises de la forme impersonnelle, le Nous l'emporte une dernière fois et celui qui parle s'embarque à Césarée pour suivre Saül à Rome où le récit se termine.

Il n'est pas difficile de voir que cette partie provient d'un écrit antérieur aux Actes et dans lequel on mettait en scène Saül lui-même, narrant sous le nom syriaque de Saülas, les Voyages qu'on lui faisait entreprendre à la gloire de la jehouddolâtrie. L'auteur des Actes qui n'a d'autre donnée que celle-là, copie, ajoute, retranche, arrange, laissant apparaître par mégarde les Nous qui dénoncent l'origine et l'emprunt : nous savons tout ce qu'a fait Saül à Jérusalem et à Rome, quoique Sulas ne l'accompagne ni dans l'une ni l'autre ville. L'imposture paulinienne a donc commencé par ces Voyages qui rentrent dans la collection des Voyages apostoliques fabriqués aux troisième et quatrième siècles pour donner un peu de vraisemblance aux paroles de Jésus dans l'Evangile : Allez prêcher aux nations. Paroles scandaleuses si on les confère avec les théories xénophobes de Bar-Jehoudda.

Ce qui frappe le plus dans ce récit, et plus il est fabuleux plus il est probant à ce point de vue spécial, c'est, qu'aucun des frères survivants de Bar-Jehoudda n'apparaît nulle part comme ayant été vu hors de Jérusalem avec Saül. Quoiqu'on fût résolu à faire que Pierre eût rejoint Saül à Rome sous Néron, on n'avait encore aucun moyen de l'y montrer avant lui, comme aujourd'hui.

En un mot l'Eglise n'avait pas encore envoyé Pierre à Rome sous Claude, les Voyages de Saülas rendaient ce mensonge impossible. Voilà un travail d'Eglise qui d'aucune façon ne peut être antérieur au troisième siècle. Deux siècles au moins se sont écoulés depuis la mort de Shehimon et celle de Saül. Shehimon a eu le temps de devenir Pierre, Saül a où le temps de devenir Paul, l'Eglise s'apprête à les faire mourir à Rome, ensemble et amis, et elle ne possède encore ni dans ce qui a pu être écrit sur Pierre ni dans ce qui a pu l'être sur Saül le moyen de les y montrer avant 819, date à laquelle Shehimon est mort depuis dix sept ans !

 

IV. — ACTES DES APÔTRES, CHAPITRE I.

 

Que le très excellent Théophile à qui les Actes sont dédiés me permette de numéroter les impostures dont il a été dupe en son vivant, à moins qu'il n'en ait été le complice. En tout cas, rien n'est plus propre à flatter la vanité du faussaire. Ce collectionneur avait réuni un tel nombre de faux et si joyeux que souvent il s'arrête pour se tenir les côtes. Nous l'avons surpris plusieurs fois dans cette attitude familière. C'est pourquoi nous n'hésitons pas à qualifier Théophile de très excellent, comme il l'est dans Luc, car la super-excellence de sa crédulité ou de son hypocrisie éclate en cent endroits. Les Actes sont précédés d'une manière de prologue où il est fait mention de l'écrit dans lequel on assistait à l'Assomption du Joannès. Ce prologue, c'est l'état des Ecritures déjà résumé dans l'Avertissement de Luc[10] !

Imposture n° 1. - CONVERSION DE L'ASSOMPTION EN ASCENSION.

Elle est capitale, disons cardinale pour employer une expression qui éveille des idées canoniques. But : Convertir le Joannès-jésus, tel qu'il est dans son Assomption, en Jésus-Christ, tel qu'il est dans les Evangiles ; faire croire que les Douze apôtres que lui donne la fable et parmi lesquels est, Bar-Jehoudda lui-même sous le nom de Joannès, fils de Zibdéos, ont existé, choisis par Jésus, comme il est dit dans la christophanie, que ces témoins de sa vie et de ses miracles ne sont pas la mère, les sœurs et les six frères de Bar-Jehoudda auxquels on a ajouté six autres parents pour atteindre le chiffre zodiacal commandé par l'allégorie solaire dans laquelle on l'a fait entrer ; faire croire enfin que si dans la fable ils s'enfuient on ne sait pourquoi du Mont des Oliviers lors de l'arrestation du Christ Jésus, ce fut en réalité pour rentrer à Jérusalem qu'ils n'ont pas quittés depuis, et où le crucifié leur est apparu pendant quarante jours, comme il était dit dans l'Assomption du Joannés.

1. J'ai parlé dans mon premier livre, ô Théophile[11], de tout ce que Jésus-Christ a fait et enseigné depuis le commencement,

2. Jusqu'au jour où il fut enlevé au ciel[12] après avoir donné, par l'Esprit-Saint, ses commandements aux apôtres qu'il avait choisis[13],

3. Et auxquels, après sa passion, il se montra vivant par beaucoup de preuves, leur apparaissant pendant quarante jours, et leur parlant du Royaume de Dieu[14].

4. Ensuite, mangeant avec eux[15] ; il leur commanda de ne pas s'éloigner de Jérusalem[16], mais d'attendre la promesse du Père que vous avez, dit-il, ouïe de ma bouche[17] ;

5.  Car Joannès a baptisé dans l'eau, mais vous, vous serez baptisés dans l'Esprit-Saint, sous peu de jours[18].

Sans reconnaître la dispersion de la bande christienne en Samarie trois jours avant le supplice du roi des Juifs, les premiers Évangiles avouaient que le Saint-Esprit avait commandé aux disciples de ne plus s'aventurer en Judée et de se retrouver en Transjordanie pour une meilleure occasion. Or a laissé dans Luc un passage qui met les Actes en opposition complète avec ce premier dispositif, car dans ce passage l'absence de Pierre hors de Jérusalem et même hors de Palestine pendant un laps de temps considérable est formellement constatée. Voici ce passage : les apôtres font leur repas allégorique avec Jésus ; une contestation s'élève parmi eux pour savoir qui devait être le plus grand de Bar-Jehoudda, de Shehimon, de Jacob ou de Ménahem. Mais le Seigneur leur dit : Les rois maîtrisent les nations, et ceux qui usent d'autorité sur elles sont appelés leurs bienfaiteurs. Mais qu'il n'en soit point ainsi pour vous ! Que le plus grand soit comme le moindre ! et celui qui gouverne comme celui qui sert !Car quel est le plus grand, celui qui est assis à table ou celui qui sert ? N'est-ce point celui qui est à table ? Moi je suis au milieu de vous comme votre serviteur[19]. Mais vous êtes ceux qui avez persévéré avec moi[20] en mes épreuves (jusqu'à la chute de Jérusalem). Aussi vous disposé-je une royauté comme mon Père me l'a disposée, afin que vous mangiez et buviez à ma table en mon royaume, et que vous soyez assis sur des trônes, jugeant les douze tribus d'Israël. — Le scribe oublie qu'Is-Kérioth est censé présent parmi eux, partant un des douze juges promis à Israël —. Le Seigneur s'adressant ensuite à Pierre : Shehimon, Shehimon, voici que Satan vous désire pour vous cribler comme le blé, mais j'ai prié pour toi afin que ta foi ne défaille pas. — Ici se trouvait un passage plus ou moins long où le Seigneur prophétisait après coup les épreuves de toute la famille sur la terre d'Asie et de Syrie jusqu'au retour offensif de Shehimon et de Jacob en 802 —. Et toi, quand un jour tu seras revenu, confirme tes frères — dans la foi millénariste et dans la Loi par le martyre.

Ainsi le proto-Luc et tous les Évangiles dont on s'est servi pour fabriquer les Actes des Apôtres constataient unanimement l'absence du goël-ha-dam après le supplice de son aîné, et son retour marqué par la même fin cruciale. L'obligation de ne pas sortir de Jérusalem est donc un mensonge qui va jusqu'au scandale.

A un moment donné, que nous savons être la procurature de Tibère Alexandre, Shehimon avait reparu en Bathanée avec Jacob, comme le veulent les Synoptisés et comme le montra le Quatrième Évangile[21] où nous voyons, dans une allégorie topographique, les sept fils de Jehoudda réunis autour du lac de Génézareth, se livrant à de merveilleuses pêches baptismales sous l'œil attendri de Jésus et recevant de sa main les Poissons dont le père de ces sept hommes avait fait le signe de la grâce juive.

Le faussaire des Actes s'est donc trouvé en face de ces textes et de tous ceux qui s'y rattachent. Que faire ? Oh ! mon Dieu ; c'est bien simple. Prêter à Jésus dans Luc lui-même ce propos qui vise non plus seulement Pierre, mais ses onze compagnons de table : Je m'en vais vous envoyer la promesse de mon Père (sous la forme du Saint Esprit), mais vous, restez donc dans la ville jusqu'à ce que d'en haut vous soyez revêtus de force (par cet Esprit). Et ensuite introduire cette phrase à l'état de consigne dans les Actes. Les apôtres n'ont garde d'y manquer ; s'ils se retrouvaient en Bathanée, ils manqueraient le Saint-Esprit, car c'est à Jérusalem et non ailleurs que le Saint-Esprit doit leur être envoyé !

C'est ce que leur fait observer l'auteur des Actes. La dispersion des disciples au Sôrtaba, la fuite du roi des Juifs, son arrestation à Lydda, sa crucifixion la veille de la Pâque, ce sont là de vieilles histoires dont les Évangiles eux-mêmes ne tiennent aucun compte. Que sera-ce quand le Saint-Esprit aura promené ses langues de feu sur tout ce passé ? Il 1e purifiera, c'est le propre de la flamme céleste. Et même il rectifiera ce qui a été dit dans les écrits antérieurs, car Jésus, lorsqu'il y est entré, n'était pas encore bien au courant des besoins de l'Église. On apprend tous les jours.

 

D'où vient cette effroyable contradiction ? De l'inéluctable nécessité de mentir.

En effet où asseoir la première Église ? En Gaulanitide ? En Bathanée ? Il n'y fallait pas songer. Il eût fallu l'asseoir à Gamala, chez le père et la mère des Sept, ou à Bathanea, chez Jaïr et chez Éléazar. C'était se colleter avec l'histoire, Josèphe dans les grandes lignes et Juste de Tibériade dans le détail, car, si ni l'un ni l'autre ne parlaient du Seigneur Jésus et pour cause, tous deux, Juste surtout à raison de son origine galiléenne, parlaient testimonialement de Jehoudda et de sa secte.

Mais puisqu'on faisait des transfigurations humaines, pourquoi n'en pas faire de géographiques ? Puisqu'on baptise les gens, ne pont-on débaptiser les pays ?

Ce détachement subit du Jourdain, cette rupture avec Kapharnahum, Bethsaïda, Tyr, Sidon, Engan-Aïn, Damas, la Décapole, Gérasa, Gamala, Gadara, Bathanen est ce qui frappe le plus. Quel motif ont donc ces hommes pour manquer au solennel rendez-vous que Dieu leur a donné en Bathanée, pour ne revoir jamais ni les lieux de leur naissance, ni leurs maisons, ni leurs parents, ni les disciples qu'ils ont formés. Oui, d'où vient cela ?

Afin de nous donner des hommes nouveaux, une secte où il n'y a plus rien de gaulonite, on les a transplantés dans un nouveau pays. On a biffé la Bathanée d'où les disciples étaient partis pour faire la conquête de Jérusalem, car avouer le point de départ de la révolte c'était avouer le sacre, et avouer le sacre, c'était avouer la condamnation. On ne pouvait plus prononcer le mot Bathanée. Mais on pouvait en prononcer un autre qui par sa ressemblance avec celui-là créerait une agréable confusion dans l'esprit du très excellent Théophile. C'est pourquoi on a placé le lieu du rendez-vous non plus au-delà du Jourdain sur la montagne de Bathanea, mais à Béthanie-lez-Jérusalem sur la montagne des Oliviers.

Toutefois ni dans Luc ni dans les Actes les apôtres n'obéissent littéralement à l'ordre de rester dans la Ville sainte ; ils n'y entrent même pas, ils se bornent à ne pas s'en éloigner trop, car, dans Matthieu, le Seigneur les emmenant sur une montagne de la Galilée transjordanique où il les quittait pour aller au ciel, Luc la nomme, c'est Bathanea, — il convenait qu'ils pussent au besoin avoir fait ce voyage ou qu'on pût prendre cette montagne pour celle de Béthanie.

Il leur faut un peu de temps à eux pour faciliter cette interprétation, et c'est pourquoi ils ne partent du Mont des Oliviers pour entrer dans Jérusalem qu'au bout de quarante jours. Si quelqu'un oppose l'ancien dispositif à l'Église, elle répondra que le mot Bathanée a été la cause d'une confusion chez les scribes, que par ne pas sortir de Jérusalem on doit entendre ne pas s'en éloigner et par Bathanea, Béthanie, de même que par frères il faut entendre cousins, par mère vierge, et par précipité pendu[22]. Ce sont des façons de parler propres à des récits dans lesquels il n'y a rien de vulgaire, sans quoi ils seraient dictés non par l'Esprit-Saint, mais par celui du monde, et vous savez assez que le monde est sous l'empire de Satan.

C'est après avoir échappé aux ruses de Satan qu'on a accentué le texte de Luc dans le sens ratifié par l'Esprit-Saint, à savoir qu'en fait, non contents de ne pas s'éloigner de Jérusalem, Pierre et les autres apôtres statutaires n'en étaient pas sortis du tout, tant l'évidence de la résurrection s'imposait à tous les habitants de bonne foi. Et puis la constitution du Juif consubstantiel au Père lui conférant le don d'ubiquité, n'avait-il pas pu se montrer à ceux qui étaient à Bathanea du Jourdain en même temps qu'à ceux qui étaient à Béthanie de Jérusalem ? Voyons, très excellent Théophile ?

 

L'Église n'a pas réfléchi qu'en ramenant les onze apôtres à Jérusalem le dimanche 18 nisan elle les exposait à un reproche plus grave encore que celui d'avoir fui dans un mouvement de panique. Tapis au plus profond de leur convent, où ils délibèrent gravement sur la conduite à tenir, ils manifestent la plus solennelle indifférence pour l'homme qui est en croix, à quelques mètres de là, depuis le mercredi 14. Pas un, alors que selon Luc il en était temps encore, ne s'est dérangé pour témoigner en sa faveur devant Pilatus, pas un n'a fait ce que font Joseph d'Haramathas et Nicodème, pas un ne lui a rendu les derniers devoirs et n'a pris soin de sa dépouille ; et malgré les habitudes matinales de la secte, sur ces onze personnages, un seul, Pierre est allé au Guol-golta pour en tirer le roi-christ[23]. Les dix autres, à l'abri des coups, se curent les ongles avec un piquant de lentisque en pensant au danger que court un apôtre quand il y a des soldats romains dans la forteresse Antonia.

Mais, étant purement morales, ces considérations sont complètement indifférentes à l'Église. A tous ceux qui disent : Nous le connaissons le Juif consubstantiel au Père, nous connaissons ses compagnons, ce sont les fils de celui dont parle Josèphe comme ayant introduit une nouvelle secte en Judée lors du Recensement de Quirinius, nous savons quels criminels c'étaient et quels fourbes vous êtes, on répondra : Pas du tout. Aucun rapport avec la secte de Jehoudda. Les disciples étaient d'origine galiléenne sans doute, mais ce ne sont pas les mêmes que ceux qui sont remontés vivement jusqu'à Damas après la correction que leur administra Pilatus. Le Seigneur avait fait défense aux nôtres de sortir de Jérusalem, ils ne pouvaient donc pas être en Bathanée après la Pâque de 789. Y retournent-ils dans les Actes ? Jamais. S'ils eussent été de Transjordanie, ils y seraient retournés de temps en temps. Vous parlez de Jehoudda ? Ils n'étaient même pas de sa famille ! Où prenez-vous Maria Magdaléenne et ses sept fils ? Nous voyons bien une certaine Maria Magdaléenne, mais était-elle mère ? C'est vous qui le dites, nous n'en savons rien, nous qui savons tout. Au contraire, nous voyons en elle une malheureuse fille de mœurs équivoques, tourmentée de sept démons qu'exorcisa le Juif consubstantiel au Père, Le fils aîné de Jehoudda est, dites-vous, l'homme qui fut crucifié par Pilatus ? Nous ne connaissons que Joannès qui chez nous n'a ni père ni mère de ce nom. Shehimon et Jacob étaient ses frères qui, poursuivis par Saül à Antioche et jusque dans Éphèse, furent ensuite crucifiés à Jérusalem par Tibère Alexandre ? Nous n'avons, nous, qu'un certain Képhas que nous, appelons Pierre, qui n'a ni père nommé Jehoudda ni mère nommée Maria, ni frère nommé Jacques et qui a quitté la vie à Rome. Ce ne peut-être le frère de Jacques qui pour nous est mort la tête coupée[24]. C'est vous qui êtes des imposteurs et des méchants.

 

Voilà pourquoi, après avoir simplement reçu l'ordre de ne pas s'éloigner de Jérusalem, les apôtres ont reçu celui de ne pas sortir. La faculté de s'éloigner, c'était encore trop, puisqu'on ne fixait pas la distante. Car si les Actes sont consacrés tout entiers au mensonge, il y a çà et là des lueurs de vérité qu'il a fallu étouffer. Les sept fils de Jehoudda étaient plus que compromettants. Comment avouer de tels ancêtres ? On a le mieux qu'on a pu effacé leurs effigies, on a retourné leurs portraits contre la muraille ; enfin, à bout de ressources, on a trouvé le grand moyen : l'alibi de Jérusalem. Mais on a eu beau faire : les fils de Jehoudda et les héros des Actes sont les mêmes hommes, et ce sont bien eux qui, leur aîné crucifié, ont ramené au combat les Zélateurs de la Loi sous Claude et sous Néron.

En vain on leur avait lavé les pieds dans le Quatrième Évangile, ce n'était pas assez et Pierre le dit bien ! Toujours la tache originelle revenait sur tout le corps par la petite chronique zélote où souventefois percent des éclairs de sique, l'épisode d'Ananias, par exemple, qu'on a sottement maintenu. Pour tout homme sensible à la vraisemblance, le souvenir d'un doux Jésus est absent des Actes, et, tous ces héros sont conduits non par la consigne pacifique de l'Évangile, mais par des passions religieuses et des appétits politiques sur lesquels nul Maître divin ou même humain n'avait soufflé le bon Esprit.

 

Ainsi, les Actes sont viciés dans leur essence et dans leur origine. Dès le début on se sent accablé de faux, et quand on poursuit, harassé d'impostures. Si on essaie de confronter ces fables ridicules avec l'histoire juive et l'histoire romaine, on est honteux pour la primitive Église des moyens qu'elle a employés pour se mettre en crédit. Si en veut les soumettre aux règles de la critique, on en sort hébété : mieux vaudrait tout croire.

L'Eglise soutient que l'auteur des Actes est Luc, parce qu'elle a fait dans les Actes et chez Luc, la substitution du rendez-vous dans Jérusalem au rendez-vous en Bathanée, et pour une seconde raison encore. Luc étant présenté comme un compagnon de Saül dans le littérature paulinienne, et Saül étant représenté dans les Actes comme ayant eu des relations avec Pierre et Jacques, elle tire de ce rapprochement organisé par elle la preuve que les deux premiers Évangiles, Marc et Matthieu, sont contemporains de Pierre et de Jacques, que Luc est arrivé troisième dans cette course testimoniale, et qu'il a pu constater, sinon de visu du moins de auditu, l'étonnante harmonie des rapports de Saül avec les apôtres de Jérusalem.

Imposture n° 2. - LES TÉMOINS DE L'ASCENSION.

Pendant les quarante jours qu'il a passés à Jérusalem, — tel le Jonas chaldéen à Ninive — le Joannès juif, en sa qualité de fils de Dieu, s'est converti lui-même en Jésus tel qu'il l'a vu dans son Apocalypse. Il a cessé d'être un fils d'homme pour devenir le Fils de l'homme. C'est le dernier état de l'apothéose de ce Juif et l'Église l'y confirme par toutes les impostures qui vont suivre.

6. Ceux donc qui se trouvaient là assemblés l'interrogeaient en disant : Seigneur, est-ce en ce temps que vous rétablirez le Royaume d'Israël ?

7. Et il leur répondit : Ce n'est pas à vous de connaître les temps et les moments que le Père a réservés en sa puissance[25] ;

8. Mais vous recevrez la vertu de l'Esprit-Saint, qui viendra sur vous, et vous serez témoins pour moi, à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre.

9. Et quand il eût dit ces choses, eux le voyant, il s'enleva et une nuée le déroba à leurs yeux.

Voilà qui est une Ascension et non une Assomption ; le Joannès a été enlevé (Assomption), Jésus s'élève de lui-même (Ascension). Il regagne le ciel, la fable terminée : l'imposture ecclésiastique et la bêtise humaine feront le reste. Les témoins constitués par les Actes iront partout, excepté en Gaulanitide, pays natal de Jehoudda, et en Bathanée où Bar-Jehoudda fut roi-christ. Qu'on les voie uniquement dans la Judée qui leur était interdite[26], et dans la Samarie qu'ils s'étaient interdite à eux-mêmes[27] depuis la déconfiture de leur frère aîné au Sôrtaba ! Le Joannès est à Machéron depuis le 18 nisan 789 lorsque Jésus remonte au ciel. Mais serait-il le Sauveur des Juifs s'il répétait ce que Maria lui a dit, lorsqu'il s'est présenté au Guol-golta pour assumer son fils ? Il a juré le secret[28]. Par une charité d'autant mieux ordonnée qu'elle commence par un juif, il ne condamne point le crucifié : il étend sur lui un voile d'oubli assez semblable à celui que les fils de Noé disposèrent autour de leur père aviné.

 

L'Assomption avait eu un réel avantage : elle avait fait disparaître à jamais le corps du Joannès. Sans elle il y aurait eu quelque part, sous la terre, une preuve ostéologique de son existence, et il ne fallait pas qu'il y en eût, étant donné qu'on avait donné son corps à Jésus. Mais alors comment de son côté Jésus était-il retourné au ciel ? Par son pouvoir ascensionnel.

Dans Luc l'Ascension a lieu le jour même de la résurrection. Il en est ainsi dans la Lettre de Barnabé ; dans Marc et Mathieu, quelques jours après, sans détermination d'intervalle ; dans le Quatrième Évangile, où elle est supposée, elle a lieu huit jours après ; dans l'épilogue ajouté à cet Évangile, le Joannés est encore sur terre en 802 et Saül l'y voit dans la Lettre aux Galates.

Ainsi les évangélistes se divisaient selon qu'ils étaient d'humeur patiente ou pressée. Les témoins qu'ils produisaient n'avaient pas vu cela le même jour ou le même mois, ni la même année. Marc, Luc, Mathieu, Cérinthe sont morts sans savoir que Jésus était remonté au ciel le quarantième jour. C'est que l'Église de Rome n'avait pas encore statué sur l'échéance. Si l'on veut bien se rappeler que l'Ascension de Jésus a d'abord été l'Assomption du Joannès et que cette Assomption n'est elle-même entrée dans les Écritures juives qu'au deuxième siècle, on voit clairement que la primitive Ascension ne pouvait se passer un autre jour que l'Assomption, laquelle ne pouvait se passer que le jour de l'enlèvement, soit le dimanche 18 nisan. Ici l'Église la fixe au 28 mai. Cela ne me choque pas le moins du monde. Nous avons déjà vu Jésus naître une seconde fois dans Betléhem à vingt et un ans de la première, nous admettrons bien qu'il se soit enlevé deux fois, la seconde à quarante jours de la première. Au point de vue astrologique l'Ascension de Jésus est beaucoup plus facile le 28 mai que le 18 avril, il a beaucoup moins de chemin à faire pour monter vers son Père comme il le dit à Maria dans l'Assomption du Joannès.     

Mais ce n'est pas seulement pour cette raison que les Actes ont adopté le quarantième jour au lieu du premier. C'est d'abord pour empêcher qu'en grattant légèrement on ne retrouvât l'Assomption du Joannès sous l'Ascension de Jésus. Mais c'est surtout parce que, placée le 18 nisan 789, l'Ascension se serait trouvée exactement  dans le même cas que l'Assomption ; elle n'aurait eu, elle aussi, que deux témoins : Shehimon et   Cléopas. En l'avançant de sept ans, en la reculant de quarante jours, et on lui constituant dans l'intervalle douze témoins qui voyaient le ressuscité s'enlever au ciel sur le Mont des Oliviers, on obtenait un ensemble de témoignages d'autant plus voisin de la perfection que ces douze témoins avaient le caractère sacré, ayant été choisis, par le ressuscité lui-même pendant sa manifestation ! L'invention des douze servait enfin à quelque chose !

 

A la longue, le témoignage de Shehimon et de Cléopas avait paru un peu grêle. Un faux témoignage à deux, surtout entre deux parents du de cujus, est si facile ! Mais dix autres hommes, entre qui on a coupé tout lien de famille, c'est déjà quelque chose de plus confortable.

Les Douze apôtres en chair, n'ont été faits que pour cela. De même leurs Actes, monument d'imposture dont le but n'est pas très difficile à saisir. La résurrection de Bar-Jehoudda n'avait eu que deux témoins. L'Ascension n'en avait pas eu du tout. En effaçant de l'histoire les sept fils de Maria, on les remplaçant dans la fable par les douze apôtres de Jésus et en installant ceux-ci à Jérusalem dans le temps de la Résurrection et de l'Ascension, on obtenait qu'ils eussent été témoins indépendants et oculaires de ces deux miracles qui par eux devenaient des actes.

Œuvre d'Église où tout est faux. Une grande vérité pourtant y circule. Au premier plan sont trois hommes : Pierre, Jacques et Joannès attestant la résurrection d'un quatrième personnage, Jésus de Nazareth, qui aurait été crucifié en 782 par Antipas et Pilatus. Aucune trace d'un Joannès Baptiseur à qui Antipas aurait coupé la tête auparavant. Cette imposture n'est pas encore dans les Synoptisés.

Une seule institution, le baptême de Joannès ; un seul jésus, une seule victime, Joannès ; un seul Joannès, Bar-Jehoudda. Une seule Maria qui est bien la mère du crucifié, mais qui naturellement n'est plus donnée comme étant la Magdaléenne.

Après avoir métamorphosé le nazir Bar-Jehoudda en Joannès et Joannès en Jésus de Nazareth, le problème est celui-ci :

Métamorphoser Shehimon en un personnage nouveau, sous le nom de Pierre ;

Couper le lien ombilical qui l'attache à Maria ;

Couper ensuite ceux qui l'attachent au crucifié de Pilatus ;

Couper enfin ceux qui l'attachent aux cinq autres fils de Maria, à tel point qu'il n'est même plus le frère de ce Jacob avec lequel il gouverna la secte après la mort de leur aîné ;

Voilà en quoi consistait le travail.

L'Église poursuivait un autre but, presque aussi important : transformer Saül en témoin auriculaire de la Résurrection et de l'Ascension ; et par cela même le subordonner à Shehimon et à Jacob, qui sous le nom de Pierre et de Jacques, cessant d'être deux des frères du ressuscité, étaient maintenant deux des Douze et tout à fait désintéressés dans la question.

Le but politique a été de lever l'interdit que les disciples de Jehoudda et de ses fils avaient lancé contre tout ce qui n'était pas juif, et de faire la paix avec Rome.

Les Actes ne sont donc qu'une compilation de fourberies portant non seulement sur les faits mais sur les sentiments et les idées, un trompe-foi dont l'Église est l'auteur et la bénéficiaire.

 

V. — LES QUARANTE JOURS.

 

Hénoch, Élie, Élisée passaient pour avoir été enlevés au ciel, Hénoch, par le bras de Dieu, — vous savez s'il est long ! — Élie sur un char de feu, Élisée dans un tourbillon, Jehoudda et Zadoc par ascension puis par assomption, Shehimon par assomption, Joannès le dernier par assomption convertie en ascension. Reste Jésus qui étant descendu dans les Écritures s'en échappe de lui-même, sans intervention de tiers, sans appareil ni accessoires, après quarante jours de villégiature sur le mont des Oliviers.

Ces quarante jours, c'est, en somme, chez le grand-prêtre qu'il les eût vécus s'il avait eu chair. Relié au Temple par un pont jeté au-dessus du Kidron, le Mont des Oliviers était le lucus ou bois sacré de Jérusalem. On y voyait danse la pâle feuillée, au milieu de Juifs prosternés, les blancs tombeaux des prophètes et des héros, les sépulcres blanchis de l'Évangile. Sous des cèdres superbes les prêtres avaient installé quatre boutiques où ils vendaient des amulettes et des objets de piété, de ces mirolifiques dont les voyageurs du Moyen âge ont écrit. Les cèdres eux-mêmes étaient de rapport, et tout bruissants du roucoulement des colombes qu'on y venait acheter pour les purifications. Le revenu de ce bazar était à la famille saducéenne de Hanan et il n'était pas mince aux grands jours de fête. Hanan lui-même avait là une maison contiguë au bazar et sans doute un jardin de plaisance, car il n'y avait point de jardin dans la ville, et presque tous étaient au penchant de la colline. C'était une maison importante que celle de Hanan et de son gendre Kaïaphas. Entre le Temple et la montagne, c'étaient des allées et venues continuelles. Jésus n'a pas besoin de s'aller montrer à ceux de Jérusalem, ils viennent à lui en venant à la montagne. En moins de vingt minutes on allait de la porte de la ville au sommet le plus lointain ; en moins de vingt minutes on en descendait pour aller à Béthanie, sur le versant qui regarde le Jourdain et la mer Morte. Béthanie était le premier village qu'on trouvât sur la route de Jérusalem à Jéricho, la plus fréquentée, la plus populaire de toutes les routes de Judée. C'est là, entre le bazar de Hanan et les fermes de Béthanie, que, pendant quarante fois vingt-quatre heures, Jésus christophanise au milieu des disciples, partageant avec eux ses Poissons et son miel. Et tout Béthanie peut le voir. Tous les incrédules de la ville et tous ceux des villages enfouis dans les palmiers, et tous les prêtres, grands et petits, Hanan, Kaïaphas, et tous les docteurs, pharisiens, saducéens, esséniens, tous peuvent l'entendre.

Pendant plus de six semaines, toute la débâcle de la Pâque passe sur Béthanie sans qu'aucun Juif se doute de la présence de Jésus dans la contrée. Ainsi passent les nombreux prêtres qui demeuraient à Jéricho, poussant leurs bêtes sans rien voir qu'elles et le chemin. Hanan, Kaïaphas et leur famille vont à leur maison, perçoivent les revenus de leur bazar sans que personne leur signale la présence du Fils de l'homme.

C'est que nous sommes en 782. Supposons, au contraire, que Jésus ait existé et qu'il soit ressuscité en 789. Tout Jérusalem le sait, puisqu'à cette occasion des saints juifs morts dans le siècle précédent, — on cite Charioth, essénien de Jéricho, — sont sortis du tombeau et entrés dans la ville. On ne sait ce qu'ils deviennent après leur résurrection et pourtant ils doivent devenir quelque chose, car il est peu probable qu'ils soient retournés d'eux-mêmes au tombeau. Ils ont jasé.

Toute la Judée a appris par les pèlerins d'Ammaüs que Jésus est ressuscité, que depuis le 18 nisan il habite le Mont des Oliviers où chacun peut le voir et le toucher. Joseph l'Haramathas et Nicodème, tout Jérusalem, tout Jéricho, Zachée à sa tête, tout Ammaüs, tout Sichem, toute la Galilée, y compris les neuf mille hommes sauvés de la faim à deux reprises par dix pains et deux petits poissons[29], tous, amis et ennemis, sceptiques et enthousiastes, se hâtent émus vers le Mont des Oliviers. Hérode Antipas, qui tant voulait voir un miracle, Hérodiade et sa fille Salomé, si curieuses, enfourchent leurs montures. Habitants de Gadara, regrettez-vous vos deux mille porcs ? Et toi-même, crucifié de 788, toi que j'ai gardé pour la fin, n'es-tu pas au comble de tes vœux, puisque avant même d'annoncer Jésus pendant sept ans tu peux rompre le pain avec lui pendant quarante jours ? Mais, ô déplorable aveuglément des Juifs ! ils n'en disent rien, à personne, et même ils mettent sur leur langue un bœuf qui les empêche de parler de l'Agneau.

Vous vous rappelez que l'obscurité est absolument incompatible avec le Jésus millénaire et que, lui présent, les jours reviennent à leur constitution primitive, soit vingt-quatre heures de lumière ininterrompue[30]. Les Juifs ont caché qu'il n'y avait pas eu de nuit pendant quarante jours consécutifs, et c'est là un des effets les plus curieux de cette manie que le patriarche Photius a constatée chez eux de ne pas parler de Jésus et de ce qui est advenu en Judée sous son règne — éphémère, il est vrai, mais marqué par tant de prodiges !

Les Juifs ont eu quarante jours pour réfléchir sur leur ignominie déicide, quarante jours pour se convertir à Jésus. Certains scribes, comme pour aggraver la responsabilité de la nation, leur ont donné dix-huit mois[31]. Si vraiment ils ont eu dix-huit mois, ils dont autant de fois plus coupables qu'il y a de jours entre quarante et cinq cent quarante-sept. Dissimuler au monde cinq cent quarante-sept jours d'une lumière paradisiaque, c'est là un trait d'une noirceur qui paraîtrait incroyable, si on ne savait par Photius combien les Juifs se sont montrés avares de renseignements sur la personne et les miracles de Jésus. Aussi ne voudrais-je pas être à leur place. Jonas, issant de la baleine, ne donne que quarante jours aux Ninivites pour se repentir, Jésus en donne cinq cent quarante-sept aux Juifs, et ceux-ci les consument dans des occupations futiles sans avoir égard au Fils de l'homme !

 

Peut-on dire qu'ils n'aient pas connu les Quarante jours ? C'est comme si l'on disait que Louis XVIII n'a pas connu les Cent jours ! Que répondront-ils ? Oui, peuple au col roide, que répondras-tu ?

Jusqu'à la résurrection ils ont parfaitement le droit de douter que Jésus soit le Messie : ils en ont même le devoir. Sa mère en doute, ses frères et ses sœurs en doutent, l'Évangile est formel. Croire sans preuves et même sans signes, c'est encourager indistinctement tous les imposteurs et les fous qui, se levant du sein de la nation, se prétendaient envoyés de Dieu et la dupaient en ce nom. Même à partir de la résurrection, en eussent-ils été vraiment témoins. C'est à bon droit qu'ils eussent hésité. Mais l'Ascension eût pu les impressionner davantage. Ah ! si c'était de ces choses banales envers lesquelles l'histoire n'est point tenue, on comprendrait la réserve des Juifs. Mais c'est un phénomène qu'on peut qualifier de précieux sans être accusé d'en vouloir diminuer le mérite. Un ancien « charpentier, » galiléen qui monte au ciel, à la façon d'Élie moins le tourbillon, ce n'est point un épisode qu'on puisse dissimuler à la génération contemporaine ou même aux personnes éloignées du champ de l'opération. Les Juifs n'avaient aucun intérêt à cacher une exception dont la gloire rejaillissait sur toute la race. A la considérer sans prévention, c'était un commencement de preuve de leur céleste origine, petit sans doute, mais plutôt rare. Les Juifs de Kaïaphas étaient mille fois plus crédules que ceux d'à présent. Comment se fait-il qu'ils n'aient pas été un peu ébranlés ? Si quelque juif notoire s'enlevait à Montmartre, je ne dis pas au Sacré-Cœur, lieu partial, mais au Moulin de la Galette, où ils se sentiraient plus en famille, qui d'entre eux refuserait de l'adorer ? Les premiers fonds de cette cultuelle eussent été fournis par Judas lui-même qui avant de se pendre avait jeté dans le Temple les trente deniers qu'il avait indûment perçus pour prix de la livraison.

Jésus étant ressuscité, l'escroquerie et l'abus de confiance apparaissaient chez Judas avec un relief saisissant. Il y avait même lieu à dommages-intérêts pour privation de jouissance du capital, car avec les trente deniers le Temple, sous Tibère, se proposait d'acheter le champ d'un potier pour y enterrer les étrangers, et n'est-ce point par la faute de Judas que le marché ne fut conclu que sous Claude ?

 

En tout cas, il y a un homme qui n'eût pas manqué d'adorer Jésus sur l'heure, c'est Pontius Pilatus. Pilatus eût aimé, admiré ce Jésus qui est le contre-pied du Christ zélote, de ce Roi des rois que tout fils d'Israël couvait dans son cœur.

Jamais il n'eût condamné Jésus. Il aurait fait ce que font tous les procurateurs et tous les gouverneurs romains que nous connaissons depuis Gallien jusqu'au proconsul de Syrie dont Lucien cite l'humaine conduite à l'égard de Pérégrinus, qui pourtant s'était commis avec les baptistes sous Hadrien ; il eût relâché l'homme que les Juifs lui amenèrent. Jésus n'a renversé aucune idole, il n'a blasphémé nommément aucun des dieux de Rome, il a conseillé de payer le tribut, la seule chose qui importât au lieutenant de Tibère. Quel allié plus actif ? Quel sujet plus loyal ? Un homme qui, traqué par des disciples qui le veulent faire roi, se dérobe à ce patriotique honneur, fuit jusqu'à la tentation et arrache l'épée des mains de Pierre ! Il est mille fois moins suspect que ses jugés parmi lesquels il y a de ces pharisiens qu'en vit jadis mêlés aux revendications populaires. Dans ce débat entre Rome et la Judée, Jésus a les mêmes ennemis que Pilatus.

Jamais Pilatus, qui avait à Césarée la garde des intérêts de l'Empire, n'eût souffert que les Juifs, unis à ses soldats, exécutassent un homme qui avait nourri une première fois cinq mille personnages, une seconde fois quatre mille avec cinq pains et deux petits poissons. Il faut considérer, en effet, que le ravitaillement des armées à longue distance des greniers de Rome a toujours été l'un des problèmes les plus difficiles à résoudre de l'administration impériale, plus difficile encore que le transport des troupes. Une légion au temps de Pilatus comprenait environ six mille hommes. Le proconsul de Syrie n'en avait que trois sous ses ordres, en y comprenant celles qui gardaient la Palestine et l'Égypte. Or si avec dix pains et quatre petits poissons Jésus avait pu nourrir jusqu'au rassasiement neuf mille Juifs affamés, il pouvait, avec une vingtaine de pains et huit petits poissons, assurer la subsistance quotidienne, des trois légions que Tibère entretenait dans ces contrées d'outre-mer. Ce système s'imposait par une simplicité, une rapidité, un bon marché avec lesquels aucun fournisseur de Césarée, d'Antioche et d'Alexandrie n'eût pu entrer en concurrence. Le procurateur de Judée qui aurait commis la sottise de crucifier un tel homme, pour une cause si mal définie, uniquement par condescendance envers Kaïaphas, eût été bien vite relégué sur le rocher de Sériphe, avec privation du feu et de l'eau, pour forfaiture et trahison.

Les annales romaines, sous Claude notamment, relatent les horreurs de plusieurs disettes dont le préfet du prétoire n'eût pus manqué de faire remonter la faute à l'incapacité de Pilatus qui aurait acquis dans l'histoire de la famine une notoriété dont Ugolin n'aurait jamais pu le déposséder.

La Judée elle-même sera travaillée vers le même temps par une famine atroce à laquelle l'estimable Shehimon et le vénérable Jacob mettront la main comme à un assassinat urgent. En une telle conjecture, quelles n'eussent point été les représailles exercées contre un sanhédrin qui aurait envoyé à la mort sous Tibère le seul homme investi du pouvoir de rassasier neuf mille affamés, sans compter les femmes et les enfants, avec dix pains et quatre petits poissons ?

 

Averti comme tout le monde de la résurrection d'un pareil homme et ayant quarante jours devant lui pour réparer ses torts, Pilatus serait inexcusable de n'avoir pas tenté l'impossible pour retenir cet homme au service de l'intendance. Il a laissé la renommée d'un administrateur insatiable jusqu'à l'exaction. Il n'est donc pas supposable qu'il ait perdu bénévolement une occasion unique de rendre le joug de Rome plus léger aux Juifs, et de provoquer leur reconnaissance au lieu d'allumer leur courroux.

Par Jésus toute incompatibilité d'humeur entre l'élément aryen et l'élément sémite prenait fin. Il rendait superflu le percement de l'isthme de Corinthe auquel tant de Juifs furent employés sans profit par Néron. Sans doute Jésus ne se serait pas fait Romain, mais Pilatus se serait fait Juif.

D'ailleurs il n'est pas certain que Pilatus fût espagnol. Je me suis souvent demandé s'il n'était pas gallo-romain et si à raison de la première ascension dont il avait été témoin et du voisinage de Jéricho, ville célèbre par ses roses, il n'aurait pas été surnommé par ses contemporains Pilate de Rosier. En ce cas il serait l'ancêtre de ce Pilâtre de Rozier qui — bon sang ne peut mentir — organisa la première ascension en ballon qui ait eu lieu chez nous. La presque identité du nom, le même amour du même spectacle, tout me porte à croire qu'il s'agit bien là d'une même famille. L'r qui différencie à dix-huit cents ans d'intervalle les titulaires de ce nom rare est plutôt un indice de descendance directe. Il y a des généalogies beaucoup moins sûres — celle de Bar-Jehoudda, par exemple, — et il a suffi de changer un iota en êta pour transformer les méchants christiens en bons chrestiens.

La femme de Pilatus — car elle existe et on a écrit sa vie — vint certainement au Mont des Oliviers. Très friande de spectacles, comme toutes les Romaines, elle ne manqua pas cette représentation à bénéfice. Quel plaisir au retour de pouvoir conter cette sensation d'art nouveau à des amies sevrées d'exotisme. Pauvre Flora, quoi ! toujours la même atellane, toujours la même course, toujours le même combat de bêtes et d'hommes, toujours Plaute, toujours Térence !

Quant à Pilatus, homme grave évidemment et méthodique, quel bonheur eût été pour lui de pouvoir raconter la chose à Plinius senior pour documenter son Histoire naturelle et rabattre un peu le caquet de ce Thrasylle qui par ses songes en l'air accaparait toute la bienveillance des dames romaines, sans avoir une seule Ascension dans son répertoire.

Le centurion préposé à la crucifixion n'a pas manqué de venir lui aussi, qui, plus clairvoyant à lui seul que tous les apôtres réunis, avait dit, secoué jusqu'au fond de l'être par les prodiges advenus pendant la Passion : Il était véritablement le Fils de Dieu ![32] L'Ascension donnait à ce sentiment, alors unique, une confirmation si éclatante que l'officier en fut flatté à un point inexprimable. Son flair de centurion ne l'avait pas trompé. Jésus ! mais c'était son enfant !

 

D'où vient donc qu'en dépit de cette favorable ambiance, car les raisons d'ordre physique qu'on pourrait invoquer sont bien peu de chose, d'où vient, dis-je, que l'Ascension ne semble pas s'être pleinement réalisée ? C'est que l'intérêt public, qui n'est hélas ! que la somme des égoïsmes, s'y opposait.

Jamais les Juifs de Kaïaphas et les Romains de Pilatus n'eussent laissé repartir un homme qui ressuscitait les autres hommes. De tels phénomènes auraient converti tous les Juifs et forcé l'admiration de tous les païens. Ne pas se soumettre, c'eût été conspirer contre l'évidence, et on ne saurait trop s'étonner qu'après avoir opéré de pareils miracles, Jésus eût été subitement incapable d'y faire croire. Cette insigne faiblesse succédant à une telle puissance est inadmissible chez un dieu : on aurait cru à tout païen qui eût ressuscité un autre païen devant témoins. Eusèbe réfute l'histoire d'Apollonius de Tyane qui ressuscita une jeune fille à Rome, par ce motif qu'un tel fait n'aurait pu échapper à l'Empereur et à ses sujets. Mais d'abord est-ce qu'Apollonius est juif ?

Kaïaphas se fût opposé de toutes ses forces à l'Ascension d'un homme à qui il devait la résurrection de sa fille, car Jésus avait ressuscité la fille de Kaïaphas. Kaïaphas, aimant sa fille, aimait celui qu'il l'avait ressuscitée[33]. Il savait, pour en avoir mis la preuve dans son livre de raison, que Jésus était incontestablement Dieu le fils, plus fort que Dieu le père, car jusque-la, de mémoire de grand-prêtre, Dieu le père n'avait ressuscité personne. Jamais on n'eût trouvé un seul saducéen, un seul pharisien pour le livrer à Pilatus. Jamais un centurion n'aurait consenti à le mener au supplice. C'est à qui se serait fait Juif immédiatement, il ne serait pas resté un païen dans les légions qui gardaient la Syrie et la Palestine : c'eût été une circoncision en masse parmi les tribuns, les préteurs, les aquilifères et les soldats. Les ciseaux de la Ville Sainte n'eussent point suffi, et c'est Pilatus lui-même qui aurait ouvert la marche. L'Ascension eût été impossible, et malgré toute la puissance centrifuge de Jésus, tout un peuple et toute une armée se seraient pendus à sa barbe pour retenir sur terre, tout de suite, pendant mille ans, un être doué de facultés aussi précieuses. En vain eût-il dit : Mais puisque je reviendrai ! Cent mille bouches auraient répondu : Ce n'est pas sûr. Nous te tenons, pas d'Ascension ! Les moins exigeants disent que tu dois rester mille ans, tu vas rester mille ans. De cette  façon personne ne doutera plus que tu ne sois le Messie !

 

A pareille distance des événements nous pouvons considérer la situation avec sang-froid. Sauf Jésus qui désirait rentrer au ciel, personne n'avait d'intérêt à l'Ascension.

Cette Ascension, qui l'a dissimulée aux contemporains de Tibère ? Sont-ce les Juifs ? Les Romains ? Non, ce sont les disciples eux-mêmes. Ils n'en voulaient point. Il fut très difficile de la leur faire accepter. C'est comme si on essayait de faire comprendre à un commerçant que son caissier a bien fait de filer avec la caisse. Il fallut traiter avec eux, comme on avait traité la Résurrection, par contrat séparé. Jusqu'au temps des Antonins la preuve de la divinité de Jésus, ce n'était pas l'Ascension, c'était la Descente.

Simple prophète, le Joannès avait pu se tromper.

Comme il n'était pas mort en 789, il lui restait toute une génération, tout le siècle, l'éternité même, pour s'exécuter. Mais Jésus montant au ciel, au lieu de se montrer venant sur les nuées, comme il l'avait annoncé, c'était la trahison pure envers les Douze apôtres à qui il avait promis qu'assis sur douze trônes ils jugeraient les douze tribus d'Israël ! Et c'est la raison, l'unique d'ailleurs, pour laquelle l'Ascension n'a point eu lieu. L'Ascension au bout de quarante jours, c'est le contraire de ce qui avait été entendu. Quarante jours de règne, c'est tout à fait insuffisant. Le Joannès avait annoncé un règne d'au moins mille ans, et Jésus lâchait pied au bout de quarante jours ! Le Joannès n'était donc pas bon prophète ? Les signes du Messie, c'est ceci ou cela, un miracle, si l'on veut, à défaut d'autre chose. Mais la preuve du Messie, c'était la durée du Royaume, c'étaient les Mille ans promis.

Répétons-le donc avec l'infâme Cérinthe, auteur premier du Quatrième Évangile :

De même que personne n'est monté au ciel, comme le dit fort crûment Jésus, personne ne s'est promené tout nu pendant quarante jours sur le Mont des Oliviers. Car l'homme eût été nu, aucun doute sur ce point. Avant de l'attacher à la croix les soldats s'étaient partagé ses vêtements, et pour sortir du tombeau il avait rejeté ses linceuls. Réduits par les ordonnances de Jésus à un seul vêtement, les disciples n'auraient pu lui en prêter qu'en se dépouillant du leur. Or, ce costume ne se portait plus depuis le Paradis terrestre ; s'il était édénique, il n'était point pascal. Heureux qui veille et garde ses vêtements, afin qu'il ne marche pas nu et qu'on ne voie pas sa honte, dit l'Apocalypse de Pathmos d'après le Joannès. Parlerait-elle de cette sorte si, pendant quarante jours ou pendant dix-huit mois, son auteur avait vécu à l'état adamique dans la banlieue de Jérusalem ?

Imposture n° 3. - TRANSFIGURATION DE SHEHIMON ET DE JACOB SENIOR.

But : convertir Shehimon ou Pierre et Jacob senior ou Jacques par le procédé employé pour leur frère aîné, de manière que, transfigurés, eux aussi, ils puissent être témoins de sa conversion définitive en Jésus.

10.  Et comme ils le regardaient allant au ciel, voilà que deux hommes se présentèrent devant eux, avec des vêtements blancs,

11. Et leur dirent : Hommes de Galilée, pourquoi vous tenez-vous là, regardant au ciel ? Ce jésus, qui du milieu de vous a été enlevé au ciel, viendra de la même manière que vous l'avez vu allant au ciel[34].

Par suite de la conversion de leur frère en Fils de l'homme, Shehimon et Jacob qui ont les vêtements blancs de leur propre Assomption, —  Shehimon n'est plus nu comme avant d'être assumé, il a le costume de ciel promis aux Zélateurs de la Loi par l'Apocalypse, — ces deux fils du Zibdéos, crucifiés comme leur aîné, et les plus illustres après lui, déclarent que c'est lui qui viendra juger les vivants et les morts. Quoique placée en 782, cette scène ne peut être antérieure à l'année 802, date à laquelle Shehimon et Jacob ont reçu leur robe blanche. Étant donné les sentiments que professait Bar-Jehoudda lorsqu'il est mort et que nous connaissons par son Apocalypse, nous avons, nous tous, gens d'Occident, le plus grand intérêt à ce que cet horrible Juif ne revienne jamais, surtout avec des fonctions de judicature, et nous sommes sûrs qu'il ne reviendra pas, ses ossements ayant été la nourriture d'animaux que nous ne verrons plus, même en cas de résurrection générale.

Imposture n° 4. - LA CONSTITUANTE APOSTOLIQUE.

12. Alors ils retournèrent à Jérusalem, de la montagne qu'on appelle des Oliviers, et qui est près de Jérusalem, à la distance d'une journée de sabbat.

13. Et lorsqu'ils furent entrés, ils montèrent dans une chambre haute, où demeuraient. Pierre et Joannés, Jacques et André, Philippe et Thomas, Barthélemi et Matthieu, Jacques, fils d'Alphée, et Simon le Zélote et Juda, frère de Jacques :

14. Tous ceux-ci persévéraient unanimement dans la prière, avec les femmes, et avec Marie, mère du jésus, et avec ses frères.

L'imposture s'organise contre l'histoire, et, aussi contre le Quatrième Évangile où on retrouve les sept fils de Salomé sur le lac de Génézareth après la mort du Joannès. Elle s'organise même contre l'Évangile primitif ; ils sont pour le moins en Galilée où Jésus leur a donné rendez-vous. Mais depuis la confection de la Cène, on a inventé des épisodes où ils sont censés être restés quarante jours sur le Mont des Oliviers pendant lesquels Jésus leur a révélé son Royaume spirituel en remplacement du Royaume millénaire qu'il leur avait d'abord révélé par son Précurseur. Quant à la chambre où demeurent les douze apôtres et toute la famille jehouddique au moment où le scribe ecclésiastique fabrique son faux elle est de très haute condition, beaucoup plus haute même que ne croit le Saint-Siège, pourtant habitué aux estrades élevées. Le Nouveau Testament selon la Sacrée Congrégation de l'Index traduit hyperôon par cénacle, de manière à insinuer, que, la Cène ayant eu lieu en fait, — on a vu qu'elle était matériellement, chronologiquement et religieusement impossible, — les apôtres s'étaient retrouvés dans l'endroit où elle aurait été célébrée. Et cet endroit, ce serait une pièce située à l'étage supérieur d'une maison de Jérusalem, sous la terrasse. Devant cette hypothèse une rougeur d'indignation colore mes joues pâlies par les veilles,

 

Comment le Saint-Siège a-t-il pu ravaler ces douze Juifs au point de les croire capables d'habiter sous la terrasse d'une maison construite en moellons et moellonards ? D'occuper sous le ciel un emplacement auquel les orangs-outangs, les gorilles, les pithécanthropes, — descendons plus bas dans l'échelle des êtres, les latins, les gaulois, — pourraient atteindre avec un peu de patience ou d'audace ? Comment a-t-il pensé qu'une gymnastique si contraire à l'ordre des choses pût être conforme aux vues du Créateur ? Non, non, Bar-Jehoudda et les siens occupent l'Hyperôon, la Chambre qui est au dessus (hyper) de toutes les maisons de Judée, voire de l'étage supérieur (ôon) ou maison de David. C'est dans l'Hyperôon que Jésus et les Douze célèbrent chaque année leur passage sous l'Agneau, mais les Juifs seuls, et depuis l'Église les judéolâtres, peuvent fouler le tapis posé sous les pieds de Dieu, car ce tapis, c'est celui dont on voyait une réduction dans le Temple, c'est le voile[35] que le tapissier céleste a tendu au-dessus de la terre et fixé avec les clous d'or qu'il allume chaque soir.

Le voile du Temple était un magnifique ouvrage qui, placé devant l'arche du témoignage, représentait en broderie le tapis tendu devant la demeure du Père, ce troisième ciel où Bar-Jehoudda en 781 avait été ravi sur les ailes de la colombe de l'arche. C'est ce voile qui dans l'allégorie se déchire lorsqu'il rond l'âme[36]. Il ne s'est jamais déchiré que de cette façon, car il était encore en place lorsque Ménahem fut roi-christ en 819 et que Jérusalem tomba en 823 ; et, transporté à Rome avec les dépouilles juives, tous les gens curieux ont pu le voir dans le Temple de la Paix. C'est donc dans la Chambre au dessus du tapis céleste que sont les douze Juifs identifiés par le mystificateur ecclésiastique avec les Douze Apôtres de l'Apocalypse, et, non dans une pièce au-dessous d'une vile terrasse crevassée par le soleil et ravinée par les pluies.

 

Le tapis, dira-t-on, est de notre invention ; il n'est point marqué dans les Actes. Je le reconnais ; mais il est dans les Évangiles de Marc et de Luc.

Je n'aime pas à m'écarter de la traduction du Saint-Siège qui seule nous apporte la plénitude des satisfactions spirituelles. Mais sur ce point la Sacrée Congrégation de l'Index qui, vous avez dû le remarquer, est souvent celle du Pouce, fait sauter du grec de Marc et de Luc[37] un participe passé auquel les anciens scribes attachaient un sens tout particulier, c'est le participe εστρωμένον, étendu d'un tapis. J'entends, j'exige que dans un texte dicté par Dieu l'Église ne me prive pas d'un seul participe, car les paroles de Dieu sont plutôt rares depuis le Nouveau Testament, et si quelqu'un se permet d'en omettre un mot, une syllabe, un accent, je le considère comme mon ennemi personnel, je trouve même qu'il se retranche volontairement de la communion des fidèles. Lors donc que le Saint-Siège traduit estrômenon par meublé, il cède à des considérations que peut expliquer sa propre étymologie, mais il ne rend pas la pensée décorative de Dieu.

Quand Dieu parle de tapis, il ne parle pas de sièges, bien qu'à la vérité il sous-entende ces douze accessoires, déjà notés dans l'Apocalypse[38] et souventefois dans les Évangiles d'après cette auguste révélation. L'inventaire du mobilier céleste dressé par Joannès en 781 porte en outre vingt-quatre trônes disposés autour de celui du Père, mais je n'en tiens pas compte ici, nous ne sommes pas dans la chambre du Père, nous sommes dans celle du Fils sous les pieds de qui est le tapis en question. L'Église est d'autant moins fondée à supprimer ce tapis, qu'il est peut-être l'article le plus fameux de l'inventaire : c'est celui qui doit, se replier comme un livre qu'on roule pour laisser passer le Fils de l'homme, ses Douze Apôtres et toute la milice céleste lors de l'avènement du Royaume des Juifs, que Dieu veuille presser ! C'est même pour cela que les Évangélistes montrent ce tapis toujours étendu hélas ! dans l'Hyperôon des Douze... C'est le tapis qui ne s'est pas replié le 15 nisan 789. Tirons donc de la parole divine la force nécessaire pour infliger un blâme énergique au Saint-Siège. Que l'Eglise ait copieusement interpolé les Strômata de Clément d'Alexandrie, passe encore ! c'est dans l'intérêt de Clément d'Alexandrie qui avant cela n'était qu'un hérétique. Mais qu'un Siège, même Saint, se permette de supprimer totalement le Stromaton d'un Hyperôon ennobli par la présence du Juif consubstantiel au Père et des onze autres Juifs qui sont avec lui, c'est contre quoi je m'insurge avec l'appui moral de ces douze Juifs !

 

Il est bien vrai que le Jésus antimillénariste de Cérinthe, — hérétique pour avoir proféré ce blasphème dans le Quatrième Évangile, — a fait entendre à Philippe[39], à Jehoudda Toâmin[40], interprètes de Bar-Jehoudda et à Bar-Jehoudda lui-même[41] qu'il avait plus d'une chambre dans la maison de son Père et qu'il y pourrait introduire d'autres hommes qu'eux. Il y a beaucoup de chambres dans la maison de mon Père ; s'il en était autrement, je vous l'aurais dit, car je vais vous préparer un lieu. Et quand je m'en serai allé et que je vous aurai préparé un lieu, je reviendrai et je vous prendrai avec moi (Assomptions de Bar-Jehoudda et de ses frères) afin que là où je serai vous soyez aussi[42]. Mais il n'y a qu'un hérétique pour avoir osé tenir un pareil langage, et ce serait manquer à la judéolâtrie que d'introduire des goym dans la chambre où l'auteur de l'Apocalypse siège au milieu des siens. C'est pour combattre l'abominable Cérinthe que l'auteur des Actes a fermé le cycle des assomptions autour des douze Juifs qui composent la liste apostolique et qui entraînent dans leur apothéose tous les membres de la famille de Jehoudda avec lesquels d'ailleurs ils se confondent. Car s'il y a douze apôtres dans les Évangiles, Jehoudda n'en a jamais engendré plus de sept. Quarante jours après la Pâque de 782 la Chambre haute située au-dessus de la maison de David ne contenait encore que Jehoudda et Sadoc. Et n'étant point encore martyrs à cette date, ni Jacob junior, ni Éléazar, ni surtout Bar-Jehoudda qui ne fut guère assumé avant le règne de Trajan, ne pouvaient être dans l'Hyperôon.

 

J'ai en effet le regret de vous dire que la liste des camériers du Fils de l'homme est entièrement fausse, que nous nous placions en 782 ou en 789. C'est une liste fabriquée d'après celle des Évangiles et dans laquelle on ne retrouve, au fond, que huit individus : 1° le crucifié lui-même, qui déjà figure dans la Cène et au Mont des Oliviers sous son pseudonyme de Joannès, fils du Zibdeos ; 2° Shehimon, sous ces deux noms de Pierre et de Simon le Zélote[43] ; 3° Jacob senior, crucifié ; 4° Jacob junior (André) ; 5° Philippe ; 6° Jehoudda Toâmin, sous ses deux noms de Thomas et Jude ; 7° Mathias, sous ses deux noms de Mathieu et Barthélemi (Bar-Toâmin) ; 8° Jacques, fils d'Alphée. Sur ces huit individus, et si l'on considère que la scène se passe en mai 789, l'un, André, est mort lapidé depuis 787, un autre, Bar-Jehoudda, crucifié depuis le 14 nisan 788 ; ils ne peuvent donc être dans une chambre terrestre. Si l'on considère que la scène se passe en mai 782, ils ne peuvent être dans la Chambre céleste, non plus que Shehimon, Jacob senior, Philippe, Jehoudda Toâmin et Ménahem, puisqu'ils sont encore vivants. De quelque manière que nous fassions notre compte, nous ne trouvons toujours que huit camériers de Jésus. Mais considérant que Mathias, autrement dit Bar-Toâmin, n'appartient pas à cette génération, les voici réduits à sept. C'est juste le nombre des fils de Jehoudda. Si nous considérons qu'on n'avoue jamais, même dans les Évangiles valentiniens, Ménahem supplicié en 819 et remplacé ici par Jacques, fils d'Alphée (Jacob, fils de Zadoc, oncle de Bar-Jehoudda), nous en concluons qu'avant de forger la liste des Douze, il y a eu des Evangiles dans lesquels Jésus ne restait au Mont des Oliviers que pour les Sept démons qu'il avait extrait du ventre de Salomé et au nombre desquels était le ressuscité lui-même.

C'est le dispositif des deux Sagesses valentiniennes, où il n'est nullement question des noms qu'on a joints dans cette liste pour arriver à douze. Et nous voyons avec plaisir que la mère du jésus, déjà réunie à son mari dans la Chambre haute, y retrouve également ses sept fils et aussi les femmes de ceux qui en avaient, et aussi ses deux filles, et aussi un de ses petits-fils, Mathias, et aussi un de ses neveux, Jacob, fils d'Alphée. Nous ne pouvons donc nous accorder avec le Saint, Siège lorsqu'il avance cette proposition que nous avons déjà réfutée : Nulle part, Maria n'est dite mère de Jésus, et quant aux frères de celui-ci, ce sont tout au plus des cousins !

Dans la Constituante, le but que poursuit le scribe, c'est de réunir à Jérusalem, au lendemain de la Passion telle qu'elle résulte de la fable, c'est-à-dire précédée de la Cène et suivie de la résurrection, une église dirigée par Pierre et onze collègues, témoins avec lui de cette grande chose : la conversion du Joannès en Jésus retournant au ciel, le tout dans les quarante jours qui ont suivi sa crucifixion. Pas de témoins de la résurrection, si on place le supplice en 782 ; sept témoins, si on la place en 782, et parmi ces témoins le ressuscité lui même !

Point d'autre fondement à la Constituante que celui-là. Car la situation historique est que le 11 nisan 788 le roi des Juifs, abandonnant ses troupes et abandonné par elles, a été battu au Sôrtaba ; qu'il a été pris à Lydda le soir du 13, crucifié dans l'après-midi du 14, enlevé du Guol-golta dans la nuit du 18 et enterré dans la même nuit à Machéron avec le plus grand secret, et que toutes sa famille est en fuite hors de Palestine. Ce n'est pas une raison suffisante, même après quarante jours de repos donné aux jambes, pour qu'elle fasse une entrée solennelle dans la bonne ville de Jérusalem en 782.

Loin d'habiter Jérusalem et de raconter à tout venant que leur frère était monté au ciel devant eux, les Shehimon, les Jacob, les Toâmin, les Philippe et les Ménahem affirmaient aux gens de Galatie, Ephèse et autres lieux qu'il n'avait pas été crucifié et qu'il reviendrait.

S'ils eussent eu à faire la preuve de la résurrection ils étaient irrémédiablement perdus. Il leur aurait fallut montrer leur frère vivant !

En dehors des agapes qui sont jehouddiques et du baptême qui est joannique, il ne se voit point dans les Actes une seule habitude, une seule cérémonie qui soit le souvenir ou le legs de l'homme qu'aurait été Jésus. On célèbre la Pâque le 15 Nisan, on en peut être sûr, et nullement le jour de l'enterrement de Bar-Jehoudda à Machéron : on ne tient aucun compte du lavement des pieds ou de la Cène. L'auteur a complètement oublié qu'au début il avait raccordé les Actes avec l'Évangile où Jésus institue l'Eucharistie. Nulle allusion au tribut refusé, au Sacre, à la condamnation d'Éléazar et de Bar-Jehoudda. Les scribes ne se rappellent pas qu'avant eux sont venus d'autres imposteurs qui ont glissé Jésus entre les baptistes et la postérité. Instinctivement, c'est toujours au seul Joannès qu'ils songent, car les personnages qu'ils réunissent à Jérusalem après sa crucifixion, ce sont, disent-ils, ceux qui l'ont accompagné depuis ses baptêmes jusqu'au moment où il a été enlevé de la vue des disciples.

Malgré toutes les protestations qu'il avait faites de son vivant et dont l'Apocalypse rend bon témoignage, c'est lui qui, après sa mort, passe pour être le Christ auprès des disciples. Quelle situation étrange si Jésus eût vécut. Les disciples du premier siècle refusent jusqu'à la fin de croire en lui, et ceux du second sont unanimes à tenir le Joannès pour le Christ !

Biologiquement et physiquement, la résurrection et l'Ascension sont impossibles, cela n'a pas besoin d'être démontré. Tertullien, dit-on, n'y croyait qu'à cause de cela, non, seulement parce qu'impossible, mais absurde. Nous n'avons pas à discuter, il avoue. Ce que nous démontrons par les arguments tirés de l'histoire et du bon sens, c'est que Jésus de Nazareth n'étant mort d'aucune façon faute d'avoir existé, ni Shehimon ni aucun de ses frères ni personne en leur temps n'ont prêché que Bar-Jehoudda fût le Christ céleste annoncé par sa propre Apocalypse.

 

A-t-on réfléchi à la posture de ces onze coquins rentrant en corps dans Jérusalem, quarante jours après avoir trahi leur Maître, comme il est dit dans l'Évangile ? Joannès a un emplâtre sur l'œil ; de temps en temps Mathieu se frotte le coude ; Lebbée d'un doigt agile étend du baume de Jabné au-dessus du ligament sous-rotulien. Qu'est-ce qu'on aperçoit au cou de Mathias ? une ecchymose large comme un talent. Philippe boîte un peu du pied droit ; maudit tronc d'olivier, va ! Une égratignure qui s'est envenimée court sur le nez de Barthélemy. Shehimon le Kannaïte a toujours le poignet gauche entouré d'un linge ; dame ! c'est qu'on allait vite ! Jacques commence à mieux entendre de l'oreille droite, mais la gauche est encore rouge. On pense que d'ici à la fête des Huttes le fils d'Alphée sera complètement rétabli, mais ce sont ces diablesses de jambes qui ne vont pas ! Des douleurs, toujours des douleurs ! Quant à Pierre, à peine a-t-il baptisé pendant seulement une demi-heure qu'il s'arrête tout à coup, porte la main à ses jambes et fait : Aïe ! car c'est là que ça le tient. Tels sont ces grognards de Gethsémané, cette vieille garde des Oliviers, ce bataillon carré du Pressoir d'huile.

Et ce sont ces maroufles, encore tout pâles de cette frayeur aux lanternes, qui vont imposer à toute une ville la fable ardue de l'Ascension, alors qu'ils ont sur la conscience l'effroyable trahison de la veille ! C'est sur ces éclopés, dont chaque éraflure est un aveu, que l'Esprit-Saint va égarer ses langues de feu !

Quelle figure faire devant les disciples restés dans la ville, devant Joseph d'Arimathie et devant Nicodème, qui ont descendu le Nazir de la croix et l'ont pieusement enseveli ? Comment affronter les regards de ces zélotes qui se réunissent dans la chambre haute et qui, s'ils ne sont point des douze, ont sur les douze l'avantage d'un cœur tranquille et d'une attitude innocente ? Comment admettre qu'avec un tel précédent Pierre et ses compagnons aient dicté des ordres à la secte, se soient prétendus parés de toutes les grâces de l'Esprit-Saint, attribué la direction des finances, la gestion de la Communauté, la distribution des vivres ?

Jamais les christiens de Jérusalem n'eussent accepté pour chefs des hommes qui, non contents d'avoir abandonné leur maître dans une galopade effrénée, continuent à fouler aux pieds tout rudiment de sens moral. Pierre tout le premier est dans une posture exécrable, car à la honte d'avoir fui il ajoute le ridicule d'avoir promis de mourir avec le Maître dans la bataille ou dans le supplice. Quand dix hommes et leur chef sont dans une situation pareille, ils se cachent. Aux trente deniers près, ils se valent.

Pierre entre autres ne peut échapper. Il est sous l'œil de la police, ayant, au Mont des Oliviers, tiré l'épée contre le Temple et coupé l'oreille droite de Malchus, le serviteur du grand-prêtre. Malchus court après son oreille depuis plus de quarante jours. Mais Jésus la lui avait recollée ? Raison de plus ; rentré en possession de ses deux oreilles, et ayant conservé ses deux yeux, il ne manque rien à Malchus pour se rappeler le geste désobligeant de Pierre. Il est difficile d'admettre que ce qui était entré par une oreille est sorti par l'autre où il y avait un de ces points cuisants qui rafraîchissent la mémoire. Donc Malchus, le serviteur du grand-prêtre, se souvient. De son côté, Hanan, ancien grand-prêtre et beau-père de Kaïaphas, connaît les disciples, et l'un d'eux est assez bien avec ses domestiques pour faire ouvrir la porte à Pierre. Les serviteurs et les sergents de Kaïaphas se sont pendant toute une nuit chauffés avec Pierre autour du même brasier, dans la cour d'Hanan. Dans cette même cour, Pierre qui continue à se chauffer pendant qu'Hanan soufflette son frère et le fait lier pour l'envoyer à Pilatus, Pierre qui par trois fois a nié le connaître, Pierre qui a assisté sans broncher à toutes ces scènes, Pierre qui se tait alors que d'un seul mot il peut sauver un innocent crucifié sur les calomnies de deux faux témoins, Pierre qui... Mais, malheureux, que va dire la concierge ? As-tu pensé à la concierge ? As-tu réfléchi que cette brave femme est armée d'un balai ?

Quel cynisme ! Après cette fuite échevelée dans la nuit, sans étoiles, ces hommes manquant au rendez-vous de Galilée comme ils manquent à leur devoir, et étalant leur tare dans Jérusalem ! Il n'en est pas tel qui ne mérite pis qu'Is-Kérioth. A la même honte ils ajoutent celle de se moquer impitoyablement de leur doux maître qui se morfond en Galilée, tandis qu'eux, pontifiant, baptisant, catéchisant, évangélisant, assassinant même, jouent aux francs-juges dans la Ville Sainte et se font servir à table par des diacres à la souple échine ! Et, quel sanhédrin ! Quels princes des prêtres ! Ces gens qui viennent de condamner Bar-Jehoudda pour crimes publics, et, qui laissent Shehimon organiser, étaler dans Jérusalem, dresser contre le Temple une église fondée sur un cadavre enlevé nuitamment à la fosse commune !

Jamais pareil accord dans l'imbécillité ni dans l'infamie ne se serait vu : ces drôles qui la veille encore, le long des routes, se disputaient pour des questions de préséance, le même crime, le même parjure les met à ce point en harmonie de sentiments et de vie qu'ils font pleuvoir l'eau du baptême dans toute la ville et en éclaboussent le Temple comme s'ils étaient les maîtres du pavé ! Ces truands qui eussent dû se cacher au plus profond des égouts de Jérusalem, ce sont eux qui commandent font la loi dans la secte, distribuent, au nom de Dieu les châtiments et les récompenses ! Dieu des Juifs ! que fais-tu de ta foudre ? Quiconque a trahi son maître dans de telles conditions est à jamais déchu du droit de prêcher la morale aux hommes, et s'il en est un seul qui pense autrement ; qu'il se lève, je tirerai de lui une vengeance terrible je le nommerai !

 

Les Actes ne veulent plus entendre parler de l'enlèvement du corps, du pacte de famille conclu le soir de l'enterrement ni même du rendez-vous en Galilée que portent les premiers Évangiles. Personne n'objecte aux apôtres l'opinion unanime des habitants de Jérusalem sur la manière dont le corps du crucifié a disparu du Guol-golta, bien qu'il soit constaté par Mathieu que cette opinion n'a pas encore varié au temps de la composition des Évangiles. Le joueur d'échecs que nous avons vu dans la Lettre aux Galates continue à jouer tout seul, avec certitude de faire la vérité mat. C'est pourquoi il ne lui parait ni monstrueux ni inconcevable que Pierre et ses compagnons se soient permis de parader dans Jérusalem et aux environs pendant les quarante jours qui ont suivi le supplice de leur frère, que le quarantième jour ils aient fait une entrée à sensation dans la ville sainte et que ce jour-là ils s'y soient érigés en Constituante. Après l'enterrement, ils étaient allés ensevelir leur honte au plus profond de l'Asie. Tant que Pilatus fut procurateur de Judée et Kaïaphas grand-prêtre, c'est-à-dire jusqu'à la Pâque de 790 qui fut fort calme, nul d'entre eux n'osa pénétrer dans Jérusalem. La preuve que Shehimon et Jacob n'y revinrent point, sinon pour y être crucifiés à leur tour, est dans la mesure qu'on a prise d'avancer de sept ans le fait de leur présence en Judée à l'époque de Pilatus.

Recherchés pour leur participation à la révolte, ils ne sont point restés autour de Jérusalem, sur le Mont des Oliviers, à portée de la rude main du procurateur.

Outre l'assassinat d'Ananias, de Zaphira, d'Is-Kérioth, Shehimon a sur la conscience un coup de sique fort compromettant pour sa tranquillité, c'est celui par lequel il a privé Saül de l'oreille droite, et Saül est là qui revient de Damas avec une humeur massacrante. Il faut attendre au moins qu'il y ait prescription pour les meurtres et cicatrisation pour la blessure, que Pilatus soit parti, Antipas exilé en Espagne avec Hérodiade, et surtout, oh ! surtout, que Kaïaphas ait changé sa concierge[44].

La Constituante apostolique, réunie à Jérusalem quarante jours après la mort de Bar-Jehoudda, est donc un mensonge ecclésiastique de la même espèce que la Résurrection, l'Assomption, l'Ascension et l'Arrivée de l'Esprit-Saint. Il semble que certains théologiens s'en soient douté. Il n'y a qu'un seul moyen de détruire ou d'affaiblir ce témoignage, s'écrie l'un deux[45], c'est d'y opposer des témoins qui aient vu le contraire ! Nous n'en avons qu'un, mais il est important, il s'appelle Jésus.

Imposture n° 5. - L'ASSASSINAT D'IS-KÉRIOTH PRÉDIT PAR DAVID.

But : démontrer par un discours de Pierre que Shehimon n'a point assassiné Jehoudda Is-Kérioth, qu'il a pu rester dans Jérusalem le lendemain du crime sans être inquiété de ce chef et qu'Is-Kérioth lui-même faisait partie des douze Apôtres autrement qu'en allégorie. Le premier note du scribe après le retour de Jésus au ciel, — il oublie totalement de dire qu'il en était descendu pour reprendre dans l'Évangile le rôle créé par le crucifié

Pilatus, — c'est de reconstituer les Douze, tels qu'il les trouve dans la fable, à l'exception d'Is-Kérioth qui ne peut être un témoin de la résurrection de Bar-Jehoudda, ayant été assassiné avant le dimanche, C'est naturellement Pierre qui préside la Constituante, en vertu de la parole de Jésus dans Luc : Quand tu seras  revenu, confirme tes frères, mais retournée par nécessité ecclésiastique, car loin de faire allusion à un retour impossible dans Jérusalem, le scribe ancien visait le retour réel de Shehimon en Transjordanie à un moment donné de sa carrière.

Le Saint-Esprit ne pouvait pas descendre sur les onze apôtres avant qu'on eût expliqué au très excellent Théophile à quelles prophéties Jehoudda Is-Kérioth avait obéi en tombant à la Poterie, les entrailles ouvertes. Car il ne fallait pas croire qu'Is-Kérioth eût été  assassiné par vengeance, et Bar-Jehoudda crucifié pour crimes publics. De même que Bar-Jehoudda avait été crucifié pour satisfaire à certains passages que les évangélistes avaient découverts dans Isaïe et dans les Psaumes, de même Is-Kérioth avait expié pour satisfaire à d'autres passages découverts dans les Psaumes et dans Jérémie. Pour l'un comme pour l'autre, c'était écrit !

Au moment où furent composés les Actes, l'accord ne s'était pas encore fait dans l'Eglise sur la façon dont il convenait qu'Is-Kérioth fût mort. Pendu, dit Matthieu. Précipité et crevé par le milieu, disent les Actes. De sa belle mort, après une vie longue, grasse et tranquille dans Jérusalem, dit Tryphon pour couper court à tout soupçon d'assassinat[46]. Dans le premier cas, suicidé ; dans le second, suicidé par Shehimon qui seul possède le secret de cette exécution. Pour établir l'accord entre Pierre et Matthieu, la traduction latine des Actes mettra suspensus là où l'original grec dit πρηνής γενόμενος, c'est-à-dire précipité. C'est la même chose, excepté que c'est tout le contraire, comme dit le caporal instructeur.

Les exégètes de Louvain vont nous le démontrer[47].

Nous ne nions point, disent-ils, que πρηνής γενόμενος signifie précipité, cela est évident, mais nous le traduisons en latin par suspensus, et vous ne pouvez nier que suspensus veuille dire pendu. Vous objectez que toutes ses entrailles se répandirent, ce qui indique assez une mort par perforation. Nous répondons que cela se concilie parfaitement avec la pendaison, il suffit que la corde dont il s'était servi ou la branche d'arbre à laquelle il l'avait attachée se soit rompue ; la violence de sa chute lui a ouvert le ventre !

Donc la corde à laquelle Mathieu l'a pendu avait passé. Elle était si peu solide ! Accusé dans la fable d'être passé au Temple et d'avoir trahi Bar-Jehoudda moyennant trente deniers, mais n'ayant ni trahi ni reçu, Is-Kérioth n'avait pas eu le moindre remords ; il ne s'était pas pendu après avoir jeté vingt-neuf francs dans le Temple, et les prêtres ne les avaient pas ramassés pour acheter la Poterie sous Claude et y installer le cimetière des étrangers. Il avait été éventré le soir du 13 nisan à la Poterie et il y avait été enterré. C'était, dit Mathieu, afin d'accomplir ce qu'avait écrit Jérémie.

 

En effet, c'est bien ce qu'avait annoncé Jérémie après avoir brisé au Topheth le vase de terre qu'il avait pris à la Poterie... Il avait dit qu'un jour luirait où le Topheth deviendrait un cimetière, le Guol-golta ; et le Temple sous Claude avait étendu l'événement à la Poterie elle-même, de telle sorte qu'en assassinant Is-Kérioth à cet endroit Shehimon avait exécuté la prophétie de Jérémie. Le Saint-Esprit commandait que, de son côté, Is-Kérioth ne fut tombé là que pour être agréable à Jérémie, et c'est ce qu'avait dit l'Evangéliste. Mais comme c'était beaucoup trop clair, un Esprit plus Saint encore que le premier a substitué à l'autorité de Jérémie un passage adultéré de Zacharie qui n'a plus aucun rapport avec l'intention primitive ; et, pour en épaissir encore l'obscurité, on y a laissé le nom de Jérémie, de telle sorte que les exégètes — nous savons par expérience combien ils sont forts dans les Ecritures — font aujourd'hui la leçon à l'Évangéliste ; ils lui reprochent d'avoir confondu ce prophète avec Zacharie.

 

Vidons ce point pendant que nous y sommes. Vous savez-ce que dit Jérémie, nous avons rapporté les deux passages dans lesquels il prédit la conversion du Topheth et par extension de la Poterie en cimetière[48]. Ce sont ceux que visaient les premiers scribes. Voici maintenant la phrase que les seconds laissent sous son nom après avoir avoué que la Poterie, appelée Hakel-dama, c'est-à-dire champ du sang (à cause de la vengeance exercée sur Is-Kérioth), est devenue le cimetière des étrangers. Alors fut accomplie la parole du prophète Jérémie : Ils (les prêtres) ont reçu les trente pièces d'argent (qu'Is-Kérioth est censé avoir rendues), prix de celui qui a été apprécié selon l'appréciation des enfants d'Israël (le prix auquel ils sont censés avoir taxé la vie de Bar-Jehoudda) et ils les ont données pour le Champ du potier, ainsi que me l'a prescrit le Seigneur[49].

Ouvrons maintenant Zacharie auquel on emprunte, et fixons d'abord la situation de ce prophète lorsqu'il écrit. On lui a promis des honoraires pour ses oracles et il dit : Si vous jugez qu'il soit juste de me payer, rendez-moi la récompense qui m'est due sinon ne le faites pas. Ils pesèrent alors trente pièces d'argent qu'ils me donnèrent pour ma récompense. Et le Seigneur me dit : Allez jeter à l'ouvrier en argile (celui qui garde les vases où l'on serre l'argent du Temple) cet argent, cette belle somme qu'ils ont vu que je valais (pour la parole qu'il a inspirée au prophète) lorsqu'ils m'ont mis à prix. Et, j'allai à la maison du Seigneur les porter à l'ouvrier en argile[50]. Ainsi, on a promis trente pièces d'argent à Zacharie pour sa prophétie, on les lui paie, mais dans son désintéressement il les donne au trésor du Temple. Quel rapport de situation entre Is-Kérioth et Zacharie ? Aucun. Quel rapport de texte entre Zacharie et l'évangéliste ? Un seul, le chiffre trente employé dans l'allégorie relative à Is-Kérioth et dont il s'agit de faire le prix que le Temple avait attaché à la Capture de Bar-Jehoudda. C'est l'unique moyen qu'on ait trouvé de salir Is-Kérioth ; les trente jours du dernier mois de l'année jubilaire 788 sont une somme qu'il a reçue. Pour donner le change on supprime Jérémie et on fait mentir Zacharie. D'une façon très maladroite  d'ailleurs, car si la tête du crucifié de Pilatus a été mise à prix par le Temple, c'est qu'il a été condamné à mort par le sanhédrin ; s'il a été condamné à mort par le sanhédrin, c'est qu'il avait commis des crimes dont il n'est plus question dans les Evangiles ; s'il a été arrêté par Is-Kérioth, c'est qu'Is-Kérioth était non un disciple qui trahit son maître mais un innocent qui arrête un coupable. Et c'est pour qu'Is-Kérioth soit le coupable et Bar-Jehoudda l'innocent qu'on a forgé l'histoire des trente deniers. C'est pour une autre raison encore : si c'est à Lydda — et c'est à Lydda —  qu'Is-Kérioth a arrêté Bar-Jehoudda, que devient l'arrestation de Jésus au Mont des Oliviers ?

 

En attendant, il reste un aveu qui domine tout, éclaire tout, tranche tout : la Poterie a été nommée Hakeldama parce qu'Is-Kérioth y a été victime du goël-ha-dam de Bar-Jehoudda. Qui est ce goël-ha-dam, ce vengeur du sang par ordre de deutérogéniture ? Shehimon. L'assassinat d'Is-Kérioth par Shehimon était connu, et ce fut certainement une des causes de sa crucifixion, avec ceux d'Ananias et de Zaphira. Pierre reconnaît que le malheureux ne s'était nullement pendu, mais c'est tout. Il dit pas par qui l'éventrement se fit, c'est une discrétion qu'il doit à Shehimon. Les habitants de Jérusalem ont trouvé le corps hors des murs, le ventre crevé par le milieu. C'est, voyez-vous, qu'Is-Kérioth n'a pu survivre à son déshonneur. Après avoir acquis un champ avec le salaire du crime, il s'est précipité, préférant ce suicide à l'assassinat. On n'a pas retrouvé le corps, de Bar-Jehoudda au Guol-golta, mais on a trouvé celui d'Is-Kérioth à la Poterie. Rien d'anormal dans les deux cas. Ils étaient écrits, celui du Joannès-jésus dans Jonas, celui d'Is-Kérioth dans les Psaumes. Il fallait, dit Pierre, qu'elle fut accomplie la parole de l'Ecriture prédite par la bouche de David au sujet de Judas. Sans annoncer précisément qu'Is-Kérioth serait assassiné par Shehimon, David prévoyait qu'il fallait que quelqu'un prît le ministère du douzième apôtre vacant par la précipitation du titulaire. Is-Kérioth n'était point homme à s'opposer à la réalisation d'une prophétie royale, il était en règle, il était mort.

Et mort non plus pour faire plaisir à Jérémie et à Zacharie dont le crédit était épuisé, mais à David dont n'avait osé arrêter le fils à Lydda. Car remarquez-le bien, l'Eglise qui tient ici la plume trouve que Jérémie et Zacharie ne répondent plus à la nécessité ; Pierre n'invoque ni l'un ni l'autre, mais un troisième Prophète, son aïeul David, afin de ne pas sortir de la famille. Et il l'invoque parce que le passage cité éveille l'idée d'un ministère transmissible exercé par Is-Kérioth, dans un apostolat réel et duodécimal. Rien de pareil dans Jérémie ou dans Zacharie : les premiers scribes avaient fait un mauvais choix.

Dès le moment qu'on renverse la version où Is-Kérioth se pend immédiatement après avoir jeté son salaire dans le Temple, dès le moment qu'au lieu de se pendre il conserve l'argent pour acheter la Poterie, dès le moment qu'il s'y précipite ensuite les entrailles ouvertes, tout change. En vain objectera-t-on que dans le première version (Matthieu) il n'a plus l'argent pour acheter le champ et qu'il se pend avant de l'avoir acheté, tandis que dans la seconde (Actes) il conserve l'argent et ne se précipite qu'après avoir acheté le champ.

En vain dira-t-on, en opposant Mathieu à Pierre, qu'à aucun moment la Poterie ne fut la propriété d'Is-Kérioth, et que si elle fut appelée Hakel-dama ou Champ du sang, c'est non pas pour avoir été achetée avec le prix du sang de Bar-Jehoudda, mais pour avoir été arrosée de celui d'Is-Kérioth ; la question n'est plus là. On a fait Is-Kérioth caissier dans le Quatrième Évangile : voleur ou non, il faut que quelqu'un prenne son administration. Dans l'Église de Dieu il faut une caisse et un caissier, le reste est vain.

15. En ces jours-là, Pierre se levant au milieu des frères (or le nombre des hommes réunis étaient d'environ cent vingt)[51], dit :

16. Mes frères[52], il faut que s'accomplisse ce qu'a écrit et prédit l'Esprit-Saint par la bouche de David, touchant Judas, qui a été le guide de ceux qui ont pris Jésus :

17. Qui était compté parmi nous, et avait reçu sa part au même ministère.

18. Et il a acquis un champ du salaire de l'iniquité, et s'étant précipité, il a crevé par le milieu, et toutes ses entrailles se sont répandues,

19. Et cela a été connu de tous les habitants de Jérusalem, en sorte que ce champ a été appelé en leur langue, Hakel-dama, c'est-à-dire champ du sang.

20. Car il est écrit au livre des Psaumes : Que leur demeure devienne déserte, et qu'il n'y ait personne qui l'habite, et que son épiscopat, un autre le reçoive.

 

Le discours de Pierre est précieux en ce qu'on y saisit, en même temps que dans Mathieu, la date de la composition des fables judaïques : l'auteur des Actes écrit, comme Mathieu, à un si long intervalle du fait, qu'il peut y mêler tous les habitants de Jérusalem et les appeler, en témoignage, sans risquer de démenti. Mathieu, qui assiste à la séance et entend ces explications, ne bronche pas, mais il se coupera d'une façon plus évidente encore, en disant que les habitants de Jérusalem continuent jusqu'à aujourd'hui à fournir du mot Hakel-dama la même étymologie que Pierre. Lorsqu'en 823 la population fut dispersée par Titus, il n'y avait pas dans la ville un seul Juif qui ne sût comment Is-Kérioth était mort. Car il n'était pas mort sans laisser dans sa tribu des disciples et des vengeurs.

Imposture n° 6. - CONVERSION DE MATHIAS EN TÉMOIN.

Is-Kérioth n'ayant pu être témoin de la résurrection (Mathieu le tue le soir même de l'arrestation), il faut absolument que quelqu'un le soit à sa place et que celui-là n'ait pas été assassiné quatre jours avant le dimanche. Cela prouve que, les Douze existassent-ils, Mathieu n'en faisait nullement partie depuis Kapharnahum, comme on le dit dans l'Evangile mis sous son nom. S'il en eût fait partie, il eût été des Sept et les Actes ne seraient pas obligés de le présenter aux suffrages des Onze, quarante-deux jours après l'enlèvement de Bar-Jehoudda du Guol-golta. Mais rien de tout cela n'arrête le faussaire. Il faut que Mathias, fils de Jehoudda Toâmin, et sous le nom de qui on a placé un Évangile, ait été témoin de la résurrection de son oncle. Il le devient par le jeu d'Écritures que voici. Dresse les oreilles, très excellent Théophile !

Pierre se lève au milieu des frères, et dans un discours visiblement inspiré du Saint-Esprit, après avoir dit la mort d'Is-Kérioth, il expose la nécessité de le remplacer par un personnage qui soit Mathias et non un autre.

Pierre qui par Shehimon a des renseignements précis sur l'assassinat d'Is-Kérioth, et par l'Église sur la tactique à suivre pour s'en décharger, Pierre impose à ses Onze compagnons d'allégorie l'obligation d'élire un douzième apôtre qui ait pu, étant en vie le dimanche 18 nisan, être témoin de la résurrection de son frère. Il faut, dit-il, que quelqu'un soit avec nous témoin de la résurrection du Seigneur. Salomé, Shehimon, Cléopas et sa femme sont cassés aux gages. Plus d'enlèvement comme dans le Quatrième Evangile.

21. Il faut donc que de ceux qui se sont unis à nous pendant tout le temps où le Seigneur Jésus est entré et sorti avec nous[53],

22. A commencer du baptême du Joannès[54] jusqu'au jour où il a été enlevé d'au milieu de nous, il y en ait un qui devienne témoin avec nous de sa résurrection[55],

23. Et ils en présentèrent deux, Joseph, qui s'appelait Bar-Schabath et qui a été surnommé le Juste, et Mathias.

24. Et, priant, ils dirent : Vous, Seigneur, qui connaissez les cœurs de tous, montrez lequel vous avez choisi de ces deux.

25. Afin de prendre place dans ce ministère et cet apostolat, dans lequel Judas a prévariqué pour s'en aller en son lieu.

26. Et ils leur distribuèrent les sorts, et le sort tomba sur Mathias, et il fut associé aux onze apôtres.

Tout ici, même le hasard, obéit au Saint-Esprit. Ne pouvant désigner Ménahem, — c'est trop déjà qu'il figure dans l'Evangile sous le nom de Josès[56], frère du jésus, — le sort ne peut guère mieux tomber que sur Mathias, puisque du même coup on enlève Mathias au millénarisme pour enrichir la jehouddolâtrie et à la génération en vigueur après la chute de Jérusalem pour le rattacher à la génération contemporaine de Tibère.

 

Ménahem le Juste — le Kannaïte, le Zélateur de la Loi[57] — n'avait aucune chance, puisqu'il était — d'où le surnom de Bar-Schabath qu'on lui donne ici — le septième démon de Maria Magdaléenne, qu'on l'avait exclu de toutes les listes apostoliques dressées par les scribes au second siècle, de la Constituante elle-même, et qu'on ne lui attribuait pas le moindre Évangile synoptisable. Il avait un autre inconvénient grave, c'était d'avoir collaboré au mouvement de 788 dans Tyr et dans Sidon[58].

Dès le moment qu'on en est réduit à se rapprocher du système d'Is-Kérioth[59] et à faire intervenir un autre facteur apostolique que la vocation, Ménahem est battu d'avance. Il est battu, non seulement pour avoir été le complice de Bar-Jehoudda au même titre que ses autres frères, mais encore et surtout parce qu'ayant été roi-christ en 819 et plus heureux que son aîné, — car il a régné dans le Temple pendant plus d'un mois, — il ne peut décemment figurer sur une liste arrêtée en 782 et qui a pour but de consacrer la promotion de son frère aîné à l'état de Christ définitif. Si on le désigne par son nom de Ménahem, qui appartient à l'histoire, tout le monde se demandera comment il se fait qu'il ait pris en 819 un titre monopolisé depuis vingt-huit ans par le Juif consubstantiel au Père. Mais comme tous les fils de Jehoudda, excepté lui, sont portés sur la liste apostolique et qu'il n'est pas juste de l'en exclure à jamais, puisqu'il a défendu la Loi plus longtemps et même avec plus de succès qu'eux ; comme, d'autre part, il n'est pas impossible de le désigner sous un nom déchiffrable aux goym qu'il s'agit d'exploiter, on lui rend indirectement sous le nom de Bar-Schabath l'hommage et le rang qui, lui sont dus dans la maison de David. Le très excellent Théophile s'arrangera comme il l'entendra, il a avalé Ménahem sous les espèces de Josès dans les Évangiles, il l'avalera bien ici sous celles de Bar-Schabath ! Tout à l'heure, sous ce même nom de Bar-Schabath qui convient indistinctement à chacun des sept fils de Jehoudda, on lui fera avaler Jehoudda Toâmin[60]. Car il faut tout dire, le très excellent Théophile possède un gosier capable d'avaler la baleine qui avala Jonas : faculté précieuse et que l'Église a mesurée dans sa machine à jauger la bêtise humaine.

Bar-Schabath n'ayant et ne pouvant avoir d'autre Signification que celle de Fils du Sabbat, septième fils, Eusèbe ou ceux qui ont renchéri sur cet imposteur n'ont rien trouvé de mieux que de faire de Schabath, grécisé par les scribes, un individu nommé Sabas, de sorte que dans cette exégèse Ménahem devint fils de ce Sabas. Il entre dans les Actes par la porte que la christophanie selon Luc ouvre aux soixante-douze disciples qui vont deux à deux devant Jésus. Il était de ces soixante-douze, disent les Eusébiens. Nous avons démontré que ces soixante-douze étaient l'image humaine des trente-six Décans qui partagent chacun des Douze Apôtres en trois décades mensuelles. Mais correspondissent-ils à quoi que ce soit de réel, Bar-Jehoudda ne les attache à sa personne qu'au moment d'envahir la Samarie. Bar-Sabas s'il eût été de ceux-là n'aurait donc été qu'un témoin de la dernière semaine. Il ne s'agit pas d'un témoin si tardif et si falot, mais si averti, au contraire, et si familier qu'étant de la maison il n'a rien perdu des faits et gestes de Bar-Jehoudda, depuis ses baptêmes jusqu'à son Assomption. C’est mieux qu'un témoin, avons-nous dit, c'est le dernier des Sept et le plus illustre dans l'histoire juive.

Pour le reste, Is-Kérioth qui ne fut point apôtre, mais au contraire ennemi personnel des Sept, n'a pu être remplacé par Mathias qui ne fut point apôtre non plus.

 

Cependant il faut bien reconnaître que le remplaçant du douzième apôtre ne pouvait être que Mathias, puisqu'on a mis sous son nom un Evangile où Is-Kérioth se suicide par la corde le soir même de l'arrestation de Bar-Jehoudda : le faussaire des Actes ne pouvait faire un choix plus honorable pour la réputation de Shehimon.

Malheureusement ce Mathias ne peut être identique à Mathieu, puisque Mathieu ne sait plus comment Is-Kérioth est mort. Si Mathias était celui qui a écrit l'Evangile mis sous son nom, son témoignage irait droit à l'encontre des Actes : selon lui, Is-Kérioth n'a point acheté de champ, il s'est pendu immédiatement après avoir jeté l'argent dans le Temple. D'autre part, n'étant peut-être pas né en 782, date que les Actes assignent ici à la Constituante, Mathias, fils de Toâmin, ne peut avoir été témoin d'une résurrection qui à tout prendre, n'est advenue que le 18 nisan 789. Seul celui que Jésus ordonne apôtre dans le Premier Évangile pourrait avoir assisté à ce phénomène, à la condition de dater celui-ci de 789. Mais en ce cas point n'est besoin de l'élire apôtre quarante jours après. Il eût été dans les cadres apostoliques de 788 et par conséquent témoin de droit. On a pu le rattacher aux Douze[61], on y avait bien rattaché Is-Kérioth ! Mais on ne pouvait l'agréger aux témoins de la résurrection que par décision ecclésiastique. Ceux-là réclameront qui savent par les Paroles du Rabbi que le fils de Jehoudda Toâmin n'a point laissé d'Evangile ? On leur répondra que, sur la proposition de Pierre, il a été élu avec le double mandat d'avoir vécu en 788, voire en 782, et d'avoir écrit un Evangile. Jésus de Nazareth avait donc eu une existence réelle, publique puisque Mathias au moins en avait été le témoin et l'historiographe.

 

L'Eglise essaie de se tirer de là en soutenant qu'il y a eu deux Mathias, et que celui des Actes est distinct du Mathieu qu'elle a fait publicain dans le Premier Evangile. Elle a même trouvé une carrière à Mathias qui va en Ethiopie où naturellement il ceint la couronne du martyre, ce qui explique sa présence au ciel.

En attendant, le tour est joué pendant que l'attention du très excellent Théophile s'achoppe à Is-Kérioth qui ne fut ni apôtre ni traître et à Mathias Bar-Toâmin qui n'est pas de la même génération, l'Eglise escamote Ménahem qui fut complice de Bar-Jehoudda et roi-christ après lui. Passez, muscade ! Dieu le veut !

 

VI. — ACTES DES APÔTRES, CHAPITRE II.

 

Imposture n° 7. - LA DESCENTE DU SAINT-ESPRIT.

Les trois synoptisés, Mathieu, Marc, Luc, dans leur précipitation, s'étaient débarrassés de Jésus avant qu'il donnât le Saint-Esprit aux apôtres. Il ne le leur donnait que dans l'Evangile, alors hérétique, de Cérinthe. But de l'imposture qui suit : envoyer l'Esprit aux millénaristes par un symbole, puisqu'ils ne l'avaient pas eu en fait, le Christ n'étant point venu apporter son Saint-Esprit de feu. Confirmer par ce moyen le baptême d'eau qui n'avait aucune valeur sacramentelle, étant l'invention d'un malheureux qui, de l'aveu général, avait été justement puni de ses ambitions et de ses crimes. Le Saint-Esprit arrive le cinquantième jour après la Pâque, par conséquent à la fête juive dite la Pentecôte, et dans l'esprit du mystificateur nous sommes toujours en 782. Les apôtres sont réunis dans une maison qui n'est point nommée, mais que nous savons être celle de David. On les a fait descendre de la Chambre haute où nous les avons vus tout à l'heure, pour leur faire jouer les airs millénaristes sur le mode mineur, par ce que l'Esprit leur révèle dans cette mémorable séance, c'est que le Royaume des Juifs ne se réalisera point par les moyens qu'indique l'Apocalypse de 781. Grâce à l'Eglise, il en est d'autres : Bar-Jehoudda sera roi quand même !

1. Quand les jours de la Pentecôte furent accomplis, ils étaient tous ensemble dans le même lieu ;

2. Et il se fit soudain un bruit du ciel, comme celui d'un vent impétueux qui arrive ; et il remplit toute la maison où ils demeuraient.

3. Alors leur apparurent comme des langues de feu qui se partagèrent, et le feu se reposa sur chacun d'eux :

4. Et ils furent tous remplis de l'Esprit-Saint, et ils commencèrent à parler diverses langues, selon que l'Esprit-Saint leur donnait de parler.

Le Saint-Esprit ne pouvait leur venir comme au Joannès sous la forme de la colombe de l'Arche, la colombe fût tombée toute rôtie. Mais comme ils devaient être baptisés dans un Esprit igné, les langues sont de feu.

Au milieu de ce remue-ménage les apôtres ne se rappellent plus que Jésus leur a donné l'Esprit-Saint bien avant le cinquantième jour.

Dans le Quatrième Évangile, dès le dimanche soir, après on ne sait quel emploi de sa journée, Jésus apparaît aux disciples en un lieu qui importe peu. Il ne leur envoie pas l'Esprit-Saint le cinquantième jour comme dans les Actes, il le leur remet en personne, soufflant sur eux, pour leur confirmer le pouvoir qu'ils s'étaient attribués d'absoudre ou de maintenir les péchés selon leur bon plaisir. Recevez l'Esprit-Saint, dit-il. A qui vous remettrez les péchés ils seront remis, et à qui vous les retiendrez, ils seront retenus[62]. C'est avec un véritable chagrin que nous les voyons préférer un vague envoi, sous la forme de langues ignées, au don que Jésus leur a fait dans son souffle cinquante jours auparavant. Il semble aussi que Jésus en fasse moins de cas sous cette première forme que sous la seconde, mais tout dieu qu'il est il lui faut répondre à certaines critiques. Le Fils de l'homme n'a pu donner l'Esprit Saint aux apôtres pendant son épiphanie, l'Esprit appartient au Père ; Jésus n'a pu le lui demander pour le leur transmettre qu'après être retourné au ciel, et comme on place l'Ascension le quarantième jour, il n'a guère pu l'envoyer que quelques jours après. Le cinquantième, par exemple, serait un bon choix, car il correspond à la Pentecôte ; on adopta le cinquantième. La date importait peu. Ce qu'on voulait, c'était donner un démenti à Cérinthe, l'auteur de cet affreux Quatrième Evangile où Jésus, malgré tout son pouvoir de rémission, ne peut arriver à laver convenablement les pieds des apôtres, et dit à Nicodème : Personne n'est monté au ciel, sinon Celui qui est descendu du ciel, le Fils de l'homme qui est au ciel.

 

Ensuite, on convertit Josèphe en témoin de l'événement. A côté des interpolations majeures, l'Église a mis çà et là dans cet historien de petites touches aimables pour aviver le ton de la grande imposture.

Josèphe aurait dit au sixième livre de la Guerre des Juifs que, peu avant le siège de Jérusalem en 820, on avait entendu des voix annonçant la chute prochaine du Temple et criant : Retirons-nous d'ici. Eusèbe et après lui Jérôme n'hésitent pas à s'emparer de ce passage pour soutenir qu'on avait entendu ces voix à la Pentecôte, l'année même de la Passion, soit plus de trente ans avant le temps que l'historien juif assignait à ce prodige[63]. Ils prétendirent que cela se lisait dans la Guerre des Juifs, et en effet cela s'y lisait depuis qu'ils l'y avaient mis. Et si on leur avait demandé à voir le passage, ils l'eussent certainement montré, en la brillante compagnie des autres interpolations jésu-christiennes. Et voici ce qu'on aurait lu : En ce temps, le jour de la Pentecôte (venue du Saint-Esprit sous la forme de langues de feu dans les Actes), les prêtres ressentirent d'abord un tremblement de terre (qui est dans les Actes), accompagné de certains bruits (qui sont également dans les Actes). Ensuite ils entendirent dans le sanctuaire une voix qui criait tout à coup : Quittons ces lieux.

Jérôme fit insérer ces falsifications dans tous les exemplaires de Josèphe qui lui tombèrent sous la main. Hédibia lui ayant posé quelques questions sur l'historicité de certains traits évangéliques, Jérôme répond : Le voile du Temple se déchira en deux parties, afin que fût accompli ce que rapporte Josèphe : Les autorités s'écrièrent : Quittons ces sièges ![64] Et ce consciencieux faussaire répète dans son Commentaire sur Mathieu : Le voile du Temple se déchira en deux, et tous les sacrements de la Loi qui auparavant étaient protégés contre la curiosité publique passèrent aux mains des païens. Josèphe rapporte également que les autorités s'écrièrent tout d'une voix : Quittons ces sièges ! Et sur la foi de Jérôme, deux de ses disciples femmes, Paule et Eustochion, affirment à Marcelle qu'elle trouvera ce passage dans Josèphe.

Imposture n° 8. - LE MONOPOLE JUIF MIS DANS LE COMMERCE.

But : expliquer par un miracle la diffusion de l'Apocalypse, de cette idée que le salut appartient aux Juifs et qu'ils consentent — enfin ! — à le mettre dans le commerce, après une résistance honorable. Les apôtres parlent tout à coup quinze langues pour développa cette proposition.

5. Or habitaient dans Jérusalem des Juifs, hommes religieux de toute nation qui est sous le ciel.

6. Ce bruit donc s'étant répandu, la multitude s'assembla et demeura confondue en son esprit, parce que chacun entendait les disciples parler en sa langue.

7. Et tous s'étonnaient et admiraient, disant : Est-ce que tous ceux-ci qui parlent ne sont pas Galiléens ?

8. Et comment, nous, avons-nous entendu chacun notre langue dans laquelle nous sommes nés ?

9. Parthes, Mèdes, Elamites et ceux qui habitent la Mésopotamie, la Judée, la Cappadoce, le Pont et l'Asie,

10. La Phrygie, la Pamphylie, l'Egypte et les contrées de la Libye voisine de Cyrène, et ceux venus de Rome,

11. Juifs et prosélytes, Crétois et Arabes : nous les avons entendus parler en nos langues les grandes œuvres de Dieu.

12. Et tous s'étonnaient et admiraient, se disant l'un à l'autre : Qu'est-ce que ce peut-être ?

13. Mais d'autres, raillant, disaient : ils sont pleins de vin doux, ces gens-là.

Ce serait un miracle, en effet, que Shehimon qui, cinquante jours auparavant, dans la cour de Kaïaphas, ne savait encore que l'araméen, eût appris quinze langues en si peu de temps ! Mais ce qui n'a pas été possible en cinquante jours, l'est devenu en trois cents ans par la traduction de l'Apocalypse dans tous les idiomes cités ici. Tous les ennemis de Rome se sont ralliés autour de cette sinistre prophétie ; et, sous le nom de Pierre, nous allons voir Shehimon compter les deux éruptions du Vésuve et les autres malheurs publics au nombre des phénomènes que le Joannès avait annoncés. Bon prince, comme on l'est dans la famille de David, il consent à étendre le salut aux goym, moyennant toutefois qu'ils adorent son frère et qu'ils paient raisonnablement. Il tient des propos si conciliants qu'on ne peut les expliquer que par une ivresse tendre. Il est entendu que les Juifs ne règneront pas de la façon dont ils le devaient dans l'Apocalypse ; il y aura d'autres nations et qui seront promues à la dignité de peuples, si elles deviennent judéolâtres en la personne auguste de Bar-Jehoudda. Moyennant quoi le Christ Jésus les laissera vivre, il les exemptera même de la Circoncision. Il ne les détruira point par tiers, ne réservant que les seuls Juifs et la seule Judée. Il épargnera l'Occident lui-même, du moins dans sa capitale. Il ne sait pus encore très bien ce qu'il fera de la Gaule où des Archélaüs ont trouvé asile, et de l'Espagne où des Hérodiades, des Antipas et des Saül, sont venus mourir en paix ; cela dépendra beaucoup de leur attitude économique. Bar-Jehoudda verra ce qu'il peut faire pour le pays de Brennus, de Vercingétorix et de Camulogène, le Sôrtaba pour Alésia, Sion pour Lutèce.

C'est une concession si étrange dans la bouche de feu Shehimon, frère du Joannès-nazir et naziréen même, que les auditeurs ne peuvent l'attribuer qu'à une absorption excessive de vin non fermenté[65] !

Imposture n° 9. - POUR EFFACER LE NAZIRÉAT DE SHEHIMON APRÈS 789.

But : Montrer par Pierre que l'Occident est sous la dépendance du peuple élu et des prophéties dont l'Apocalypse est la synthèse ; que les dieux ne le protègeront pas au jour du Jugement, et qu'au contraire une invocation à Bar-Jehoudda, appuyée de quelques pièces d'une monnaie sonnante, trébuchante et ayant cours — fût-elle à l'effigie de la Bête, ah ! on est coulant ! — disposera favorablement ce Juif respectable assis à la droite de son Père.

14. Alors Pierre, se présentant avec les onze, éleva sa voix, et leur dit : « Hommes de Judée, et vous tous qui habitez Jérusalem, que ceci soit connu de vous, et que vos oreilles recueillent mes paroles.

15. Ceux-ci ne sont pas ivres, comme vous le pensez, [puisqu'il n'est que la troisième heure du jour.]

16. Mais c'est ce qui a été dit par le prophète Joël :

17. Et il arrivera que dans les derniers jours (dit le Seigneur), je répandrai de mon Esprit sur toute chair, et vos fils et vos filles prophétiseront, et vos jeunes hommes auront des visions, et vos vieillards feront des songes.

18. Et même sur mes serviteurs et mes servantes, en ces jours-là, je répandrai de mon Esprit, et ils prophétiseront ;

19. Et je ferai des prodiges en haut dans le ciel, et des signes en bas sur la terre, du sang et du feu et une vapeur de fumée[66].

20. Le soleil sera changé en ténèbres, et la lune en sang avant que vienne le grand jour et manifeste du Seigneur[67].

21. Et quiconque aura invoqué le nom du Seigneur sera sauvé.

Pierre est si bien réveillé ce jour-là qu'il prononce ce discours, misérable réclame en faveur du baptême, à trois heures du matin[68] ; Shehimon était beaucoup moins frais, beaucoup moins dispos dans la cour de Kaïaphas, lorsque le coq du 14 nisan 788 lui annonça le jour qui se levait sur Bar-Jehoudda prisonnier. Il avait beaucoup moins envie de dormir que dans l'allégorie du Mont des Oliviers. Aussi, ayant peine à croire qu'il était éveillé de si bonne heure, l'Église dit-elle que cela s'est passé à neuf heures du matin. A cette heure-là, on ne pouvait guère l'accuser d'être ivre, car, dit-elle, aux jours de fête les Juifs ne mangeaient que vers midi. Est-ce à dire qu'il eût pu l'être, s'il se fût agi d'un autre jour ? Nullement, et les Actes ont le plus grand tort de le donner à croire dans une phrase qui a été certainement ajoutée[69] pour éviter qu'on ne rattachât le naziréat de Shehimon[70] à celui du Joannès-jésus. Devenu goël-ha-dam à la mort du grand Nazir, Shehimon avait fait vœu de ne pas boire de boisson fermentée qu'il ne l'eût vengé. C'est pourquoi, étonnés de son langage, les interlocuteurs de Pierre le soupçonnent d'avoir bu du vin, mais du doux, sans ferment, comme aurait pu le faire à la grande rigueur un naziréen ergotant sur le texte de la Loi. L'expression employée par les Actes[71] ne saurait avoir un autre sens, car de toute manière il n'y avait pas de raisin à la Pentecôte, on n'avait pas encore inventé les forceries. Comme on ne pouvait laisser ce trait de lumière qui éclairait la conversion du Joannès nazir en Jésus de Nazareth par les mystificateurs évangéliques, on a fait une question d'heure de ce qui était une question de régime.

Imposture n° 10. - BAR-JEHOUDDA JUGE DES NATIONS.

La plus forte de la collection : faire croire que c'est Bar-Jehoudda qui est le Christ et que c'est ce Juif qui reviendra juger les autres hommes. Insinuer en même temps qu'en son vivant Shehimon a baptisé non pas au nom du Verbe Jésus, mais au nom de Bar-Jehoudda ressuscité et qu'il a trouvé des croyants pour cette abominable doctrine. A noter qu'on n'a pu lui prêter un pareil rôle qu'en antidatant la crucifixion de sept ans.

22. Hommes d'Israël, écoutez ces paroles : Jésus de Nazareth[72], homme que Dieu a autorisé parmi vous par les miracles, les prodiges et les merveilles que Dieu a faits par lui au milieu de vous, comme vous le savez vous-mêmes[73] ;

23. Cet homme qui, suivant le conseil arrêté et la prescience de Dieu, a été livré[74], vous l'ayez fait mourir, le tourmentant par les mains des méchants.

24. Dieu l'a ressuscité[75], le délivrant des douleurs de l'enfer ; car il était impossible qu'il y fût retenu,

25. David, en effet, dit de lui[76] : Je voyais toujours le Seigneur en ma présence, parce qu'il est à ma droite, afin que je ne sois pas ébranlé :

26. C'est pourquoi mon cœur s'est réjoui ; et ma langue a tressailli ; et même ma chair reposera dans l'espérance ;

27. Car vous ne laisserez point mon âme dans l'enfer, et ne souffrirez point que votre Saint voie la corruption.

28. Vous m'avez fait connaître les voies de la vie, et vous me remplirez de joie par votre face.

29. Hommes, mes frères, qu'il me soit permis de vous dire hardiment du patriarche David, qu'il est mort, qu'il a été enseveli ; et son sépulcre est jusqu'à ce jour au milieu de nous.

30. Comme donc il était prophète et qu'il savait que Dieu lui avait juré par serment qu'un fils de son sang s'assoirait sur son trône ;

31. Par prévision, il a dit, touchant la résurrection du christ, qu'il n'a point été laissé dans l'enfer, et que sa chair n'a point vu la corruption.

32. Ce jésus, Dieu l'a ressuscité ; nous en sommes tous témoins[77].

33. Elevé donc par la droite de Dieu, et ayant reçu de son Père la promesse de l'Esprit-Saint, il a répandu cet Esprit que vous voyez et entendez vous-mêmes.

34. Car David n'est point monté au ciel, mais il a dit lui-même : Seigneur a dit à mon Seigneur : Asseyez-vous à ma droite,

35. Jusqu'à ce que je fasse de vos ennemis l'escabeau de vos pieds.

36. Qu'elle sache donc très certainement, toute la maison d'Israël, que Dieu a fait Seigneur et Christ ce jésus que vous avez crucifié[78].

37. Ces choses entendues, ils furent touchés de componction en leur cœur, et ils diront à Pierre et aux autres apôtres : Hommes, mes frères, que ferons-nous ?

38. Et Pierre leur répondit : Faites pénitence, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus, en rémission de vos pêchés, et vous recevrez le don de l'Esprit-Saint[79].

39. Car la promesse vous regarde, vous, vos enfants, et tous ceux qui sont éloignés, autant que le Seigneur en appellera.

40. Et par beaucoup d'autres discours encore il rendait témoignage, et il les exhortait, disant : Sauvez-vous de cette génération perverse.

41. Ceux donc qui reçurent sa parole furent baptisés ; et il y eut d'adjoint, en ce jour-là, environ trois mille âmes.

L'Eglise a fort bien vu que ce baptême n'est plus celui du Joannès millénariste, le baptême d'attente, mais celui qui tirant sa vertu de Jésus-Christ, remet les péchés pur lui-même[80].

C'est bien ce qu'a voulu l'auteur des Actes, et c'est pourquoi Joannès, quoique présent, cesse de baptiser. Il y a renoncé, puisque sous le nom de Jésus dans l'Evangile il a passé ses pouvoirs à Pierre en 781.

 

Quel étonnant voyage a fait cette idée de la race élue, immortelle malgré la mort ! La promesse est d'abord faite à David, elle échoue. On la transporte à son fils, elle échoue ; et puis il faut être roi ou de race royale pour y avoir droit. Après la fable de Jésus, tout Juif est roi ou fils de roi, tout Juif participe de l'incorruptibilité réalisée en l'un deux. Privilège royal d'abord, le salut est tombé dans le domaine public que faut-il pour avoir sa part ? Etre Juif ou payer.

Pierre veut bien confesser que David a engagé inconsidérément Dieu : David est mort, sa tombe qui était dans Jérusalem a été ouverte et on pu constater qu'il n'était pas monté au ciel,

Si David n'avait été que roi ! Par bonheur il est en même temps prophète. Dieu lui a promis sous serment qu'il lui naîtra un fils qui sera le Christ, Roi de la terre. En combinant la bonne opinion qu'il a de Dieu comme roi avec la promesse qui lui fut, faite jadis comme prophète, on arrive à cette conclusion que la chair à laquelle l'incorruptibilité a été promise est non pas celle de David lui-même, malgré ses illusions à ce sujet, mais celle de son fils. Comme prophète, le père prend dans son fils la revanche de sa défaite comme roi, car Iahvé sous une forme ou sous une autre tient toujours les promesses qu'il fait à ses oints. David, dans la connaissance qu'il a de l'avenir, a parlé de la résurrection de Bar-Jehoudda en disant que celui-ci a été tiré de l'enfer et que sa chair n'a pas connu la corruption. Voyez le tour qu'il y a dans cette substitution du passé au futur : il est tout l'Evangile, il est tout Jésus, il est toute la religion. Cherchez, furetez, creusez, vous ne trouverez pas autre chose : ou l'invention de la fable pour prouver la résurrection, ou la disparition du corps au Guol-golta par enlèvement, il n'y a pas de milieu.

 

On n'a pas trouvé cela du premier coup. Rien sans peine. En dépit des Evangélistes, c'est bien de son incorruptibilité à lui, et non de celle de son fils, que David avait parlé dans les Psaumes. Le doute n'était même pas permis. Pour faire passer cette faculté du père au fils, il fallait l'intervention d'un esprit nouveau : le Saint-Esprit lui-même. Le Saint-Esprit, c'est cette translation même, ce pouvoir d'appliquer au fils de David l'incorruptibilité dont s'était flatté le père. Après la résurrection dont tous les apôtres avaient été témoins dans les Evangiles, après avoir été élevé à la droite de Dieu, avoir reçu de lui confirmation de la promesse faite à son père, Bar-Jehoudda avait envoyé le Saint-Esprit sur la terre, c'est-à-dire communiqué au monde la seule bonne nouvelle qui restât dans la faillite de la bonne nouvelle du Royaume. Dieu ratifie et signe la preuve qu'il ne s'agit pas de l'incorruptibilité de David, c'est que David n'est point monté au ciel ; et la preuve qu'il s'agit de celle de Bar-Jehoudda, lequel est son fils, c'est qu'il est assis à la droite de Dieu. Qu'avait dit, en effet, loi Psalmiste : Le Seigneur (Iahvé) a dit à mon Seigneur (David) : Assieds-toi à ma droite, jusqu'à ce que je mette tes ennemis pour escabeau à tes pieds. Désormais ce Seigneur assis à la droite du Seigneur, ce ne peut être que Bar-Jehoudda, puisque, d'une part, tous les apôtres de l'Evangile l'ont vu monter au ciel, et que, d'autre part, ou sait que  David     est pas. Ainsi, dit Pierre, toute la maison d'Israël doit reconnaître pour certain que Dieu a fait ce jésus Seigneur et Christ. Et en effet, il ne lui manque rien, puisque dans l'Evangile il possède une généalogie en règle. Par conséquent, invoquer ce Juif jour du Jugement, c'est invoquer le Seigneur de David, garant de l'incorruptibilité du corps : on se recommandant à lui, on est sauvé. Lorsque les rabbins entendaient de telles choses ils tombaient en syncope.

Non tous, car le Christ davidique était le Christ national, le Christ que chaque Juif portait dans son cœur, à cause de sa partialité au jour du Jugement. En vain chercheriez-vous en lui la moindre trace du Logos, de cette sorte de double par lequel Iahvé a créé la terre et qui par conséquent existait avant elle. C'est ce double, préexistant à la naissance d'Adam, qui précisément n'était pas venu le 15 nisan 789 animer de son feu les espèces humaines de Bar-Jehoudda. On s'en passera, puisqu'il est si indifférent au sort des Juifs !

 

Les jehouddolâtres eurent moins de peine qu'on ne croirait à les convertir. Ils venaient à eux, les mains pleines d'Ecritures, et il y avait un fait constaté par d'autres Écritures, le fait résurrectionnel, prouvé par douze témoins, et — considérez le fond — tout à l'avantage des Juifs. Sans doute ceux de Jérusalem y jouaient un vilain rôle, mais on ne vit pas cela tout de suite. Les prophètes étaient encore plus durs pour la race que les Évangélistes. Et puis il y avait une affaire qui valait la peine d'être étudiée ; par le Juif-dieu les Juifs devenaient marchands de salut, courtiers en immortalité : et rien à donner, tout à prendre. On pouvait bien pardonner quelques rudesses aux Evangélistes, ils avaient fait les frais de premier établissement. D'ailleurs les Juifs ne sont encore que des déicides de convention. Bar-Jehoudda ne pouvant pas ne pas ressusciter, ils ne sont donc coupables que d'en avoir douté. Puisque d'une part ils ont exécuté les ordres de Dieu et qu'au surplus leur victime était fatalement vouée à la résurrection, son supplice n'a qu'une valeur de démonstration. Ils auraient donc bien tort de faire obstacle à la diffusion de l'Evangile ; au contraire, ils y ont l'intérêt le plus évident, puisque, étant dispensateurs du salut par la foi, ils en retiennent tous les bénéfices, ils sont vendeurs d'une marchandise qui prend et dont ils ont le monopole aux termes mêmes du contrat passé avec Dieu : il faudrait être aveugle, sourd et stupide pour refuser de la placer. Aussi ne comprend-on pas leurs résistances, et à la vérité il y en eut peu. L'histoire ne porte aucune trace d'une lutte fratricide entre orthodoxes et jehouddolâtres. Les Juifs virent très bien ce qu'était la pêche d'hommes où les Evangélistes les conviaient.

 

FIN DU TROISIÈME TOME

 

 

 



[1] Introduction à l'Évangile selon saint Mathieu dans la seule traduction approuvée par le Saint-Siège.

[2] Le plus que centenaire Joannès, l'auteur prétendu du Quatrième Évangile qui est, en réalité, de Cérinthe.

[3] On arrange bien la Vierge Marie, grand'mère de Mathias !

[4] Première Lettre de Pierre, V, 13.

[5] C'est en effet dans Luc que Jésus remet à Saül l'Amalécite l'oreille que Shehimon lui a coupée avant la pâque de 789. Mais nous ne pensons pas que cette restitution puisse remonter en deçà du troisième siècle.

[6] Apôtre fictif tiré de la côte du Joannès-jésus par l'Église, comme Paul a été tiré de la côte de Saül.

[7] Ce qu'il y a de curieux, c'est qu'au milieu de ces erreurs comiques, la vérité que nous avons établie dans nos deux précédents volumes apparaît indiscutable : l'identité de l'auteur de l'Apocalypse, de l'aîné des fils de Zibdéos, de l'apôtre bien-aimé à qui Jésus avait dicté ses Révélations en 781, du condamné que Jésus restitue à sa vraie mère au pied de la croix, et du prophète sous le nom de qui Cérinthe a mis son Evangile selon Joannès, la réserve de la paternité de l'Épître ad Parthos, qui peut être du troisième siècle, du rang donné au Joannès dans la postérité du Zibdéos (Bar-Jehoudda était le premier et non le second des fils de Jehoudda, en Évangile le Zibdéos), du caractère attribué à sa filiation, (c'est lui et non Jésus qui est le fils réel de Salomé, en Évangile Maria ; Jésus, avons-nous dit, n'est fils de Marie que dans la fable futile pour le monde, c'est-à-dire pour les dupes des Juifs), tout le reste est exact. Le Saint-Siège en doute-t-il ?

[8] Nous pensons qu'on a mis cet Évangile sous le nom de Lucius, frère ou fils du Simon du Cyrène, pour lui donner un air d'authenticité.

[9] On lui préférera Mathias qui pourtant n'est qu'un neveu, le fils de Jehoudda Toâmin.

[10] Cf. le présent volume, Le forceps de l'Église, § II.

[11] Théophile est le nom de la personne imaginaire à qui l'Eglise adresse l'Évangile dit de Luc (I, 3), par elle refait, et différent des autres en ce qu'il contient la Nativité de Jésus au Recensement de 760, point de départ de toute l'imposture jesu-christienne. Cela permet d'attribuer les Actes à Luc qui semble bien, étant donné l'usage qu'on fait de lui, avoir appartenu sous un autre nom à la génération apostolique et qui, bien entendu, n'a pas laissé le moindre Évangile.

[12] Il fut enlevé par Jésus. Il s'agit ici de l'ancienne Assomption du jésus, Assomption en plusieurs tableaux qui commence au Sôrtaba dans Luc et se termine au Guol-golta dans le Quatrième Evangile.

[13] Les Douze apôtres de l'allégorie. On ne donne pas leur nombre, mais il s'agit bien d'eux et de l'Esprit Saint qu'il leur donne dans le Quatrième Evangile (XX, 22, 23) : Il souffla sur eux et leur dit : Recevez l'Esprit Saint ; ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis, et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus.

[14] Les quarante jours de Jonas devant Ninive. Les quarante jours proviennent d'un Evangile qui a disparu ou plutôt ils ont disparu de l'Evangile, ils complétaient trop visiblement la similitude de Jonas à propos de laquelle Jésus, dans les Synoptisés, dit que la génération de Joannès devra se contenter de ce signe-là et qu'il ne lui en donnera point d'autre : Joannès sortant du tombeau après trois jours pleins. C'est pendant ces quarante jours qu'il contait aux millénaristes les paraboles sur le Royaume de Dieu qui sont aujourd'hui dispersées dans l'Evangile. Mais avant tout il leur disait ce qu'il avait vu dans les enfers durant les trois jours et les trois nuits qu'à l'instar de Jonas dans son poisson. Il avait passés au sein de l'abîme.

[15] Provient du Repas christophanique d'Ammaüs et de l'allégorie des Poissons dans l'épilogue du Quatrième Evangile, avec cette différence qu'il n'y mange pas, tandis qu'ici il mange comme un être de chair. Le menu contient les Poissons ; l'Agneau les mange pendant les trente jours de nisan.

[16] Mot d'ordre ecclésiastique qui date du troisième siècle au moins et qui est en contradiction absolue avec le rendez-vous que Jésus leur donne dans les premiers Evangiles, où il leur commande d'aller l'attendre en Galilée, et c'est là, en effet, qu'ils l'attendirent sous l'orme. Mais foin de l'histoire et de ce Jésus-là ! Si l'on admet un seul instant qu'ils sont revenus en Transjordanie à un moment donné, tout est perdu. Qu'importe qu'on donne un démenti à Jésus lui-même ? Et puis quand il dit cela dans l'Évangile, on n'en est encore qu'au début. Après quarante jours plus trois siècles de réflexion il est bien permis de changer d'avis. Quarante nuits, dont trois passées aux enfers, il n'y a rien de tel pour porter conseil.

[17] Joannès en effet a été la bouche de Jésus. Il prêcha la promesse du Père telle que le Fils la lui a révélée dans l'Apocalypse, et ses frères ont vécu comme lui, dans l'attente du baptême de feu. Il a baptisé d'eau en vue de ce Baptême qui n'est pas venu et qui a été remplacé dans l'histoire par l'incendie du Temple à la chute de Jérusalem. (823.)

[18] Voilà le grand expédient ecclésiastique. Bar-Jehoudda et ses frères n'ont pas connu le véritable Esprit Saint qui est resté au ciel, loin de descendre pour consumer l'Occident et l'Orient, comme ces misérables l'avaient espéré. Jésus va le leur envoyer sous la forme de langues de feu, expression fort mitigée et toute allégorique du baptême par le feu après lequel Bar-Jehoudda devait régner mille ans sur la terre enjuivée.

[19] C'est exact. Jésus lui sert et surtout il leur sert. C'est son rôle dans la fable, bien qu'il soit leur Seigneur.

[20] Il prend fait et cause pour eux comme s'il avait souffert en eux.

[21] Chapitre XXI.

[22] A propos d'Is-Kérioth.

[23] En effet Cléopas n'est pas sur la liste des douze. On n'y a pas porté non plus Éléazar à cause de la maladresse que Cérinthe avait commise en le ressuscitant avant Bar-Jehoudda.

[24] En effet, de même que l'Église a coupé la tête à Joannès pour qu'on ne puisse le retrouver sur la croix, de même elle a coupé celle de Jacques pour qu'on ne puisse retrouver en lui Jacob crucifié avec Shehimon en 802.

[25] Remise sine die de la descente du Christ, de celle des Douze Apôtres, des Trente-six Décans, des Douze tribus célestes et de l'Agneau millénaire. En même temps condamnation et très rude des Apocalypses de Jehoudda et de ses fils. Ce n'était pas à eux d'assigner la date de 789 au Renouvellement de la terre. Le Verbe ne leur a jamais rien révélé de pareil en dépit de leurs affirmations, il est lui-même aux ordres du Père, qui ne lui a pas encore fait connaître sa volonté. Vu d'en haut et vu d'en bas, le Joannès est un imposteur. Mais n'en dites rien, vous couleriez toute la religion naissante.

[26] Quatrième Evangile, VII, 1.

[27] Matthieu, X, 5.

[28] Cf. le présent volume, Le Guol-golta, § V.

[29] Dans la Multiplication des pains.

[30] Cf. Le Roi des Juifs.

[31] Des Gnostiques, cités par Irénée, et parlant d'après certains Evangiles où Jésus passait dix-huit mois sur la terre. D'autres l'y faisaient passer douze ans pour l'instruction des disciples.

[32] Matthieu, XXVII, et Marc.

Il est vrai que dans Luc il le reconnaît seulement pour un homme juste, mais on a soutenu que cet adjectif devait en théologie s'entendre du Juste par excellence, c'est-à-dire du Christ qui jugera. Adoptons cette version, car ici nous mettons tout au mieux.

[33] Irénée est formel sur ce point. Dans les écrits dont il se servait Jésus avait ressuscité la fille du grand-prêtre qui était morte. (Livre V.) Il est impossible qu'Irénée ait pris Jaïr pour un grand-prêtre.

[34] Les deux opérations sont encore parfaitement distinctes, la première conforme à la version née sous Trajan ou sous Hadrien, la seconde qui naît ici par la volonté de l'auteur des Actes. On se conduit indignement avec Cléopas, témoin de la résurrection dans l'Assomption et remplacé par Jacques dans l'Ascension, car il n'est pas douteux que le second homme blanc ne soit Jacques, par droit de martyre.

[35] Exode, XXVI, 31. Vous ferez un voile de couleur d'hyacinthe, de pourpre, d'écarlate teinte deux fois, et de fin lin retors, où vous tracerez un ouvrage de broderie avec une agréable variété. Cf. le présent volume, Machéron, § VI.

[36] Matthieu, XXVII, 51, Marc, XV, 38, Luc, XXIII, 45.

[37] Marc, XIV, 15. Luc, XXII, 12.

[38] Apocalypse, XX, 4.

[39] Quatrième Évangile, XIV, 8.

[40] Quatrième Évangile, XIV, 5.

[41] Quatrième Évangile, XIV, 22.

[42] Quatrième Évangile, XIV, 2, 3.

[43] Les scribes grecs ont traduit Kannaïte qui veut dire Zélote par de Cana. En sorte que Shehimon est parfois dit de Cana, quoiqu'il fût simplement Kannaïte.

[44] La situation n'était pas meilleure après la retraite de Kaïaphas qui fut remplacé successivement par deux de ses beaux-frères, Jonathan d'abord, puis Théophile. Nous nous sommes trompé, plus haut, en mettant Théophile après Kaïaphas.

[45] La certitude des preuves du Christianisme, par Bergier, docteur en théologie. (Paris, 1771, in-12°.)

[46] Cf. Le Roi des Juifs.

[47] Hermann Janssens, Herméneutique sacrée, Paris, 1833, in-12°, t. III, p. 126.

[48] Cf. le présent volume, Le Guol-golta, § I.

[49] Matthieu, XXVII, 9, 10.

[50] Zacharie, XI, 12, 13.

[51] Chiffre obtenu sur les indications évangéliques par l'addition des Douze apôtres, des soixante-douze disciples indiqués dans l'allégorie de Luc, de la famille de Bar-Jehoudda, et des femmes qui sont autour de la croix dans Marc.

[52] Commencement de la série des faux discours attribués à Shehimon, à Gamaliel, président du sanhédrin, à Jacob junior (Stéphanos), à Saül (Paul), à Jacob senior, etc.

[53] Le procédé de fabrication des Évangiles est très clairement révélé ici. Jésus et les Douze ne sont entrés dans la christophanie que par la fantaisie des scribes. Jésus vient d'en sortir par le même moyen, l'Ascension. Il est certain que la Nativité de Jésus au Recensement et la Décapitation de Joannès n'existaient dans aucun des trois Synoptisés lorsqu'on a fabriqué les Actes. Le jésus avait sa tête lorsque Jésus l'a assumé.

[54] Il peut être question, selon l'état des Ecritures à ce moment, soit du baptême du Joannès par la colombe, soit du baptême de Jésus par le Joannès, seconde étape de l'imposture évangélique, soit simplement du septennat baptismal inauguré en 781 par le lancement de l'Apocalypse.

[55] Nouvelle trace, la troisième, de l'Assomption du Joannès.

[56] Forme grécisée de Joseph. (Mathieu, XIII, 55.)

[57] Nous avons déjà vu bien souvent le Juste employé en ce sens, appliqué notamment au père des Sept apôtres, à leur mère aussi. (Cf. les Nativités selon Matthieu et selon Luc dans le Charpentier). Nathanaël, qui est le pseudonyme de Ménahem dans le Quatrième Évangile, est dit de Kana, parce qu'il est Kannaïte. Simon de Kana (Pierre), de même.

[58] Cf. Le Roi des Juifs.

[59] Cf. Le Roi des Juifs.

[60] Actes, XV, 22.

[61] En biffant Lévi, porté sur la plus ancienne liste.

[62] Quatrième Evangile, XVII, 21.

[63] Eusèbe, en deux endroits (Chronique, dans la traduction latine que Jérôme en a faite et Démonstration évangélique, VIIIe livre). Georges le Syncelle fait mieux : il cite le texte grec de la Chronique d'Eusèbe.

[64] Notez que dans les Évangiles le voile se déchire cinquante jours avant la Pentecôte ; ce n'est donc pas pour accomplir ce que Josèphe aurait rapporté comme s'étant passé à cette fête.

[65] Le faussaire est un homme gai qui s'amuse énormément.

[66] Eclipses et prodiges dans Tacite, dans Josèphe, armées s'entrechoquant au ciel, etc.

[67] Apocalypse, VI, 12, Cf. le Roi des Juifs. Allusion aux deux éruptions du Vésuve, la première sous Néron, la seconde sous Titus, la destruction de Pompéi, d'Herculanum et de Stabies, aux tremblements de terre d'Asie, à l'engloutissement de petites îles dans la Méditerranée, etc.

[68] Le faussaire ne compte pas à la juive.

[69] Au verset 15, nous l'avons mise entre crochets.

[70] Cf. Le Charpentier, et dans la Nativité selon Luc (I, 15), ce verset: Il sera grand devant le Seigneur, il ne boira point de vin, ni rien de ce qui peut enivrer par ferments. C'est pour cette raison qu'il ne veut pas boire la boisson vinaigrée qu'on lui tend sur la croix.

[71] Gleucos, jus de raisin écrasé.

[72] Les trois Synoptisés montent déjà la garde autour de la mystification évangélique.

[73] Nous l'avons puni comme un imposteur qui n'a rien fait de ce qu'il avait promis. Pendant tout le temps qu'il a vécu il n'a rien fait de remarquable. (Le rabbin de Celse, l'Empereur Julien, le Talmud, Cf. le Roi des Juifs). Tous les miracles de la christophanie sont déjà en place.

[74] Condamné depuis cinquante jours lors de son arrestation et arrêté en pleine fuite, après avoir abandonné sa troupe.

[75] Par le moyen du Verbe Jésus. Même formule au verset 10 du Ch. IV et 30 du ch. V d'après la version primitive de l'Assomption recueillie par Cérinthe dans le Quatrième Évangile.

[76] Les scribes ont profité du conseil de Jésus à Shehimon et Cléopas : Lisez les Psaumes, puisque l'Apocalypse a raté.

[77] Et quels ! Le ressuscité lui-même, qui va entrer en lice dans un instant !

[78] On repousse l'honnête interprétation que Jésus donne à ce propos dans l'Evangile et que nous avons reproduite dans le Roi des Juifs. Jésus, en tant que Verbe de Dieu, est un hérétique.

[79] L'Esprit-Saint, c'est précisément la récompense de ce mensonge. Voulez-vous avoir l'Esprit-Saint ? Mentez à Dieu, mentez aux hommes. Qu'avant tout Dieu soit dupe !

[80] Interprétation du Saint-Siège.