LE MENSONGE CHRÉTIEN - (JÉSUS-CHRIST N'A PAS EXISTÉ)

 

TOME III. — LES MARCHANDS DE CHRIST

VI. — LE FAUX SAÜL.

 

 

I. — L'IMPOSTURE PAULINIENNE.

 

Vous avez vu par quelles pratiques dolosives l'Église a supprimé le témoignage que Josèphe portait au nom de toute la nation juive contre le traître de Pérée et le franc-fileur de Samarie. Vous avez vu en même temps par quelles grossières interpolations elle a corrompu cet historien pour le transformer on un garant de l'existence de Jésus. J'ai tenu à faire passer sous vos yeux quelques-uns des faux extra-canoniques de l'Église avant d'entrer dans l'examen détaillé de ceux qui servent de fondement au canon apostolique. Il en est un qui les prime tous, c'est la conversion posthume du prince Saül en apôtre jehouddolâtre sous le nom de Paul dans la Lettre aux Galates. Cette lettre est comme un guichet par lequel a passé toute l'imposture paulinienne.

La première et de beaucoup de toutes les lettres attribuées à Saül, c'est celle-là. Elle est antérieure à la confection des Actes et elle n'est pas de la même main que les autres. A côté de mensonges très utiles et qui portent la marque de l'Esprit Saint, elle contient de telles maladresses qu'il a fallu plusieurs chapitres des Actes pour les réparer. Dans cette lettre écrite à Rome et qui n'a jamais été envoyée, — c'est pourquoi on l'a trouvée entre les mains de l'Église, — l'auteur se fait passer pour Saül converti à Bar-Jehoudda par l'évidence de sa résurrection. C'est une charge à fond contre le millénarisme qui a perdu la Judée et fait Jérusalem esclave des Romains. Car la chute définitive de Jérusalem est un fait accompli depuis longtemps, et Titus Annæus, procurateur de Judée sous Hadrien, a passé la charrue sur remplacement du Temple. Le nom de David n'est pas plus prononcé que celui d'Hérode. L'auteur est un juif hellène devenu jehouddolâtre par spéculation, c'est un marchand de Christ.

Il apporte une preuve nouvelle que la famille du Joannès a d'abord soutenu la thèse de sa non-crucifixion au Guol-golta ; quatorze ans après cette mystérieuse disparition le pseudo-Saül assiste dans Jérusalem à un conciliabule dont le Joannès fait partie ! Enfin il relève un fait historique de la plus haute importance et que nous ne saurions pas sans lui : sous Claude, Titus Annæus (Gallion, frère de Sénèque) étant proconsul d'Achaïe, Shehimon et Jacob sont venus à Antioche où Saül les a persécutés avant que Tibère Alexandre, procurateur de Judée, les crucifiât à Jérusalem. Ainsi que nous le verrons, ils descendaient d'Ephèse où leurs partisans payèrent pour eux, selon la méthode de la famille ; ils se heurtèrent à Saül qui y était venu quêter dans les synagogues pour les affamés de Judée. Comme à Ephèse ils évitèrent par la fuite les inconvénients qu'aurait pu avoir pour eux une présentation en règle, mais, si court qu'il ait été, le choc a eu lieu ; la Lettre aux Galates est obligée d'en tenir compte dans l'établissement de son faux. Les Actes le supprimeront complètement : il y a donc eu dans la primitive imposture paulinienne des éléments de vrai que les auteurs des Lettres subséquentes et ceux des Actes ont éliminés de leur travail pour des raisons de politique extérieure.

 

Déjà, au troisième siècle, l'antijuif Marcion, les Manichéens et tous ceux qui avaient percé le secret de la mystification évangélique, tenaient la Lettre aux Galates pour une preuve que Jésus n'était point venu en chair. En dépit des fraudes de l'Église, il ne restait au fond du creuset que les tristes espèces de Bar-Jehoudda. Pour miner par la base le crédit naissant des faussaires, Marcion plaçait cette lettre en tête de la liste des pièces qu'ils commençaient à répandre en abusant du nom de Saül. Les fausses lettres étaient tellement communes et celles qu'on attribuait à Saül tellement peu croyables que l'Église de Rome marqua les siennes d'un signe qui leur était propre, afin de les distinguer d'avec celles que les autres Églises pouvaient mettre sous le même nom, inspirées par l'exemple de la Lettre aux Galates et des Voyages de Saülas. Méfiez-vous des lettres qu'on vous adresse sous ce nom, écrit l'auteur de la Lettre aux Thessaloniciens, veillez à ce qu'elles portent la signature que voici... Celle-ci est de ma main, dit l'auteur de la Lettre aux Galates... De ma main, dit celui de la Lettre aux Romains. Dans aucune on ne rencontre de particularité qui ne soit déjà dans les Evangiles. Sans la fable judaïque les gagistes ne pourraient, rien faire.

Apôtre par sa propre inspiration qu'il confond avec celle du Saint-Esprit, et non par l'institution humaine, comme sont les évêques millénaristes dans les sept villes qu'énonce l'Apocalypse de Pathmos, l'auteur oppose l'imposture de Jésus ressuscité, c'est-à-dire le rachat par le sacrifice du juif-dieu, à l'Évangile révélé, c'est-à-dire le salut par la circoncision et le baptême. A l'entendre, Saül a fait campagne en Galatie en faveur de cette thèse subtile et peu plaisante, mais ses ouailles sont revenues à l'idéal du Royaume temporel dont les horizons sont plus vastes et les dessous plus avenants. Sa page historique est exécrable, mais il a dépouillé le vieil homme dans le tombeau. Shehimon et Jacob sont morts aussi — il n'ajoute pas que Saül a contribué à leur crucifixion, c'est un détail oiseux —, ils ne protesteront pas lorsque Saül dira qu'il a passé quinze jours avec eux après sa deuxième mission à Damas, c'est-à-dire au lendemain du supplice de leur frère aîné, qu'il a obtenu sa grâce, et que Shehimon avait aux trois quarts renié le judaïsme lorsqu'il a été martyrisé. Inutile de fouiller les antiquités judaïques, notamment celles de Flavius Josèphe, on n'y trouvera point ce Saül. C'est une transfiguration posthume comme celle de Bar-Jehoudda lui-même.

 

Une fois grimé, l'imposteur joue son rôle avec aplomb, mais il laisse ça et là passer le bout d'une oreille qui ne saurait être celle de Saül. Si on l'écoutait, il se serait écoulé depuis l'expédition de Damas quatorze ans pendant lesquelles Saül n'a pas mis les pieds à Jérusalem. Par conséquent, l'auteur place la lettre en 802. Cette date a entraîné toute la série de faux que les Actes consacrait à la conversion de Saül en jehouddolâtre. Comment, en effet, combler ce vide de quatorze années ? Car Saül n'est pas resté quatorze ans sans aller à Jérusalem, les Actes eux-mêmes sont obliges de le reconnaître[1]. D'autre part, il n'a point passé ces quatorze ans uniquement en Syrie, en Cilicie et en Galatie, puisque les Actes sont obligés de nous le montrer en divers autres pays, Chypre, Asie, Macédoine et Achaïe. Mais l'auteur de la lettre juge inutile d'attirer l'attention sur les allées et venues antidavidistes de Saül, il aime mieux le silence complet : méthode bien préférable en effet. C'est celle du Saint-Siège lorsqu'il n'y a pas de conciliation possible entre deux affirmations. Au temps des Actes on avait l'esprit plus large, car si l'auteur de la lettre dit que Saül a vu une première fois Pierre et Jacques à Jérusalem en 790 et une seconde fois, augmentés de Joannès, en 802, il ne dit pas qu'il n'y soit pas venu dans l'intervalle pour des raisons personnelles et profanes.

Non seulement la lettre est de Rome, mais l'auteur compte le temps à la romaine. Il sait que le Rabbi a été crucifié le dernier jour de l'année 788, qu'il est né dans la première année d'un jubilé et mort la veille du jour où allait commencer la Grande Année de l'Apocalypse : il y avait plénitude du temps, en termes évangéliques les temps étaient accomplis, lorsqu'il s'est manifesté ; le Millenium de grâce ou Millenium des Poissons coïncidait avec la pâque de 789. L'auteur du faux entendait donc les Nativités de Mathieu et de Luc (c'est-à-dire selon Mathias et Lucius de Cyrène) comme nous les avons entendues nous-mêmes et comme tout homme de bonne foi doit les entendre : Bar-Jehoudda était né dans la première de la double année 739-740, et il était mort, dans la seconde de la double année 788-789, en un mot à l'âge de cinquante ans, comme le porte toute l'ancienne tradition. Nous insistons beaucoup sur ce point, car il date le faux et le place bien avant celui des Actes, où nous allons voir la crucifixion avancée de sept ans et placée en 782 dans l'intérêt de l'imposture ecclésiastique de la résurrection.

 

Simple profiteur, impudent gagiste, rusé compère, l'auteur paraît répugner à la violence, au sang versé. En lui nulle trace de zélotisme ou de sicariat. C'est un charlatan au milieu de fanatiques, Il s'adresse à des hommes qui suivent le dogme des Joannès, des Shehimon et des Jacob, il leur écrit, mais il n'irait pas lui-même au milieu de ces dangereux christiens qui entendaient la fraternité comme Caïn et la communauté des biens comme Cartouche. Plumer les ouailles pour le bien de leur âme, essayer de les amender par l'espoir du paradis et par la crainte de l'enfer, très bien ! Mais les assassiner en plein jour dans des maisons isolées et les enterrer à demi-vivants dans des fosses apostoliques, mettre le feu chez ceux qui résistent, extorquer les biens, ceci n'est plus de mode et il y a des loin. Le baptême et la croix, non plus la croix solaire, mais celle du juif déifié, voilà ce qu'il faut conserver comme signes, c'est tout. Plus de circoncision, les païens y répugnent et les Empereurs la punissent. La grâce n'est plus dans le sacrifice initial du prépuce et dans le baptême joannique, elle est dans le baptême joannique combiné avec le sacrifice de Jésus. Entendez que la Cène a été introduite dans la christophanie. — Mystification de scribes ! disent les gens renseignés. — Je dis, moi, réalité sensible et fait historique. Le baptême ne sauve pas, il purifie ; ce qui sauve, c'est le corps de Jésus ingurgité.

Moins borné que celui des apôtres Zélotes, ce prosélytisme consiste à augmenter le patrimoine juif de toutes les dépouilles temporelles des gentils. Gentiliser les Juifs et en même temps judaïser les païens, tel est le problème à résoudre. Afin qu'Iahvé soit reçu par les païens, on n'hésite pas à baisser devant eux le pont-levis de la circoncision. Plus de douane de ce genre entre le Dieu des Juifs et les autres dieux : Jupiter et Apollon seront naturalisés juifs sans cet affreux coup de ciseau qui les diminuera sans les convertir. On les convertira sans les diminuer.

 

II. — LETTRE AUX GALATES, CHAPITRE I.

 

1. Paul apôtre, non par des hommes, ni par un homme, main par Jésus-Christ et Dieu le Père, qui l'a ressuscité d'entre les morts,

2. Et tous les frères qui sont avec moi, aux Églises de Galatie.

3. Grâce à vous et paix par Dieu notre Père, et par Notre-Seigneur Jésus-Christ,

4. Qui s'est donné lui-même pour nos péchés, afin de nous arracher à ce siècle mauvais, selon la volonté de notre Dieu et Père,

5. A qui est la gloire dans les siècles des siècles. Amen.

Saül n'a point de titres. Qu'on ne lui en cherche pas dans les Évangiles ! On ne le trouvera pas sur la liste des douze apôtres choisis par Jésus. Mais Jésus s'est donné lui-même pour ses péchés, cela suffit à déterminer sa vocation rétroactive. L'artisan de cette imposture connaît sur le bout du doigt les Évangiles synoptisés et encore mieux ceux qui ne le sont pas, celui de Cérinthe, par exemple. Il sait parfaitement que, loin de s'être donné lui-même pour les péchés de Saül, Bar-Jehoudda fut en son vivant condamné pour les siens propres et qu'il a été crucifié avant la Cène dont l'Église fait état auprès des dupes. Mais si, passant outre à cette mystification, les christiens de Galatie persistent dans la doctrine millénariste, ils feront obstacle et aux progrès de la recette et à la conversion occidentale de leur prophète en dieu. S'entêteront-ils ? Ils feront beaucoup mieux, on ne répondant pas à la lettre qu'on leur adresse, — et en effet ils ne répondront pas — de laisser croire aux tiers que Saül a prêché parmi eux la résurrection du Bar-Jehoudda entre les années 789 et 802.

6. Je m'étonne que Vous ayez passé si vite de celui qui vous a appelés à la grâce du Christ, à un autre Évangile :

7. Quoiqu'il n'y en ait point d'autre ; seulement, quelques personnes sèment le trouble parmi vous, et veulent renverser l'Évangile du christ ;

8. Mais si nous-mêmes ou un ange du ciel vous évangélisait autrement que nous vous avons évangélisés, qu'il soit anathème !

9. Comme nous l'avons déjà dit, ainsi je le répète : Si quelqu'un vous annonce un autre Évangile que celui que vous avez reçu, qu'il soit anathème !

10. Car est-ce des hommes ou de Dieu que je désire maintenant l'approbation ? Cherchai-je à plaire aux hommes ? Si je plaisais encore aux hommes, je ne serais point serviteur du christ.

Assurément si Saül se montrait dans la lettre tel qu'il fut dans la vie, il serait le serviteur du grand-prêtre, comme le disent en propres termes Luc et le Quatrième Évangile. Mais maintenant qu'on lui a remis son oreille dans Luc, n'a-t-il pas pu avoir chez les Galates une attitude qui n'est point selon l'homme connu de ses contemporains ?

11. Car je vous déclare, mes frères, que l'Évangile que je vous ai prêché n'est point selon l'homme.

12. En effet, ce n'est point d'un homme que je l'ai reçu ni appris, mais c'est par la révélation de Jésus-Christ.

13. Car vous avez ouï dire que j'ai vécu autrefois dans le judaïsme ; qu'à outrance j'ai persécuté l'Église de Dieu et l'ai ravagée,

14. Et que je me signalais dans le judaïsme au-dessus d'un grand nombre de mes contemporains, au sein de ma nation, me montrant zélateur outre mesure des traditions de mes pères.

Ses pères, si on consulte les Juifs, ce sont les rois iduméens et la sœur d'Hérode, mais doit-on consulter les Juifs ? Ils sont bien suspects depuis qu'ils sont déicides.

Et d'ailleurs devant la grâce agissante qu'importent l'histoire et les généalogies ? Croit-on, par exemple, que, si le Saint-Esprit était dans les entrailles de sa mère lors de sa conception, Saül est revenu de Damas en 789 avec les sentiments de persécution qu'il y avait apportés ? C'est bien mal connaître Dieu.

15. Mais lorsqu'il plut à Celui qui m'a choisi dès le sein de ma mère et m'a appelé par sa grâce

16. De me révéler son Fils, pour que je l'annonçasse parmi les nations ; aussitôt, sans acquiescer à la chair et au sang,

17. Et sans venir à Jérusalem près de ceux qui étaient apôtres avant moi, je m'en allai en Arabie, et je retournai encore à Damas[2].

Mon Dieu, si on consulte l'histoire — il y était donc question de l'expédition de Saül à Damas et de son piteux résultat ? — on n'y trouvera pas la trace de l'irrésistible appel des cieux, car tout entiers aux contingences des affaires humaines, les Josèphe, les Juste de Tibériade et les écrivains arabes ont pu ne pas tenir compte de la révolution qui s'est accomplie en lui. Mais parce que cette révolution interne est restée inconnue d'Antipas, d'Hérodiade, d'Agrippa Ier, d'Agrippa II, de Bérénice et de Drusille, la chair et le sang visés ici, ce n'est pas une raison pour qu'elle n'ait pas eu lieu. Et si on faisait jurer à Saül qu'elle a eu lieu en dehors de sa famille et des apôtres Jehouddiques, sauf Pierre et Jacques qui eux-mêmes n'en ont rien dit à personne ? On n'en est pas à un faux serment près ! Est-ce que Pierre hésite à en faire un pour sauver sa peau dans la cour du grand-prêtre ? Et puis, celui qui en fait un, ici, ce n'est pas l'auteur de la lettre, c'est Saül, puisqu'il la signe de ce nom !

18. Ensuite, après trois ans, je vins à Jérusalem pour voir Pierre, et je demeurai avec lui quinze jours.

19. Mais je ne vis aucun apôtre, si ce n'est Jacques, le frère du Seigneur[3].

20. Je vous écris ceci, voici ! devant Dieu, je ne mens pas !

 

Faisons l'anatomie du mensonge dont cette phrase est l'organe. Organe créé par le besoin comme toujours. Quel est ici le besoin ? Cacher que dans l'intervalle de ses deux missions Saül est revenu en Galilée auprès d'Antipas et d'Hérodiade, qu'il a dirigé les opérations dirigées contre Eléazar, qu'on défendant le Sôrtaba coutre Bar-Jehoudda il a contribué à sa défaite et à sa capture, et qu'il a renouvelé en 789 contre les christiens réfugiés à Damas la persécution inaugurée en 787 par la lapidation de Jacob junior. La première mission de Saül étant de 787, la campagne qui aboutit à la crucifixion de Bar-Jehoudda ayant fini avec l'année 788, l'auteur s'arrange de manière à éloigner Saül de sa chair et de son sang pendant trois années comptées à partir de sa première mission et à ne le ramener à Jérusalem qu'en 790, date à laquelle Pilatus quitte la Judée. Par ce moyen Saül demeure étranger à tout ce qui s'est fait contre le roi des Juifs et les siens, et comme ici il n'a point perdu d'oreille à Engan-aïn[4], comme, il n'a pas lapidé Jacob junior, rien de précis ne reste à sa charge dans ce passé ténébreux. En quoi consistent les excès dont il s'est accusé ? On se le demande. Qu'est-ce qui l'empêche maintenant de passer quinze jours chez Shehimon et Jacob senior à Jérusalem un an après le supplice de leur frère aîné ? Rien du tout.

Dira-t-on que Shehimon et Jacob n'y étaient pas ? C'est ne pas connaître l'Évangile de Luc où il est dit aux Douze par Jésus : Je vais vous envoyer la promesse de mon Père. Vous demeurez dans la ville jusqu'à ce que vous soyez revêtus de la force d'en haut[5]. Par conséquent, nier que Shehimon et Jacob fussent dans la ville en 790, c'est nier la parole de Jésus ; nier que Saül ait demeuré avec eux, c'est nier que la grâce ait opéré en lui et que Jésus lui ait remis son oreille. Dira-t-on que, l'ordre de rester dans la ville ayant été donné aux Douze, il n'est pas possible que Saül ait pu passer quinze jours chez Pierre et Jacques sans voir leurs dix collègues ? On répondra n'est rien d'impossible à Dieu. Autant le nier complètement que de lui contester cela.

Saül n'a vu ni Philippe, ni Jehoudda Toâmin, ni Mathias Bar-Toâmin qui ont transmis les Paroles du Rabbi aux églises d'Asie, voilà pourquoi il y est si mal traité et pourquoi il a si mauvaise renommée dans les églises naziréennes qui sont en Transjordanie. Il n'a pas vu Shehimon et Jacob senior, les deux grands frères du Rabbi, crucifiés par Tibère Alexandre avec son concours en 802, mais il a vu Pierre et Jacques, sous le nom de qui on a mis les deux fables millénaristes qui ont cours parmi les juifs de la Galatie : l'Évangile de Pierre et l'Évangile de Jacques. Et ils ont pardonné, puisqu'ils ne l'ont pas tué !

21. Ensuite je vins dans les pays de Syrie et de Cilicie.

22. Or j'étais inconnu de visage aux Églises de christ qui sont dans la Judée[6].

22. Seulement elles avaient ouï dire : Celui qui autrefois nous persécutait annonce maintenant la foi qu'il s'efforçait alors de détruire.

21. Et elles glorifiaient Dieu à mon sujet.

Vous voyez le double jeu : le faussaire dit aux églises millénaristes de Judée : Saül a prêché la résurrection chez les Damascemiens, les Syriens, les Ciliciens et les Galates, c'est pourquoi Shehimon et Jacob lui ont pardonné ; aux églises millénaristes de Galatie : Celles de Judée ont appris qu'il l'avait précitée parmi vous et elles ont fait comme Pierre et Jacques, elles ont pardonné sans rien dire.

Aux unes et aux autres l'étonnement et la reconnaissance ont enlevé l'usage de la parole pendant quatorze ans, car cette nouvelle est restée inconnue de tous les contemporains jusqu'en l'an 802. Mais à cette date, il s'est produit un grand fait que personne n'a su dans le moment, mais qu'on peut bien dire aujourd'hui aux millénaristes de Galatie. Pour eux comme pour les trois grandes autorités de la secte, Joannès, Shehimon et Jacob, le salut est le monopole de la circoncision, n'est-ce pas ? Eh ! bien, c'est une erreur de croire que ces trois hommes inspirés de Dieu aient disparu de la scène du monde sans avoir consenti à étendre ce monopole dont d'ailleurs on ne discute pas le bien fondé, car si le salut n'appartenait pas aux Juifs comment pourrait-il venir d'eux ?

Shehimon et Jacob ayant été crucifiés en 802, quatorze ans après leur frère, si l'auteur de ce faux ne montre pas qu'avant de mourir les trois grands fils de Jehoudda ont cédé leurs droits à Saül moyennant redevance, personne ne voudra croire qu'ils l'aient toléré prêchant pendant quatorze ans hors de Judée le salut sans la circoncision ? Eh ! bien, c'est pour négocier cette affaire et non pour autre chose que Saül est allé à Jérusalem en 802 avec Titus Annæus, proconsul d'Achaïe ! Comme le Joannès, Shehimon et Jacob senior sont morts depuis deux siècles, il est certain d'avance que Saül réussira dans cette négociation épineuse, car on ne conteste pas qu'il se soit trouvé à Jérusalem en 802, date de la crucifixion de Shehimon et de Jacob : Jacob, Shehimon et le Joannès ont reconnu la grâce que l'Église de Rome a opérée dans Saül. Notez que, s'il y avait ombre de vraisemblance dans cette quadruple apostasie et que Saül fût réellement venu à Jérusalem dans ce but, il n'aurait trouvé ni Shehimon ni Jacob senior, encore moins le Joannès qui depuis quatorze ans gisait dans le roc de Machéron. Mais vous avez vu que par le moyen de Simon de Cyrène le Joannès a échappé à la croix, et dans les Actes vous le verrez se survivant jusqu'à une date indéterminée que l'auteur de la Lettre aux Galates prolonge jusqu'à 802 pour les besoins de sa cause. Vous verrez dans ces mêmes Actes que feu Saül, converti en Paul, le proclame encore vivant en 815[7]. Il vous souvient que dans le système de sa famille le Joannés n'est guère mort pour le monde que sous Trajan, à l'âge de cent ans passés, et vous en avez en la confirmation par l'Assomption de Joannès théologien à Éphèse. Les jehouddolâtres de Galatie pourront s'étonner que Saül ait trouvé grâce devant Joannès, mais il n'y a rien d'extraordinaire à ce qu'il l'ait vu à Jérusalem quatorze ans après la crucifixion de Simon le Cyrénéen : la survie de Joannès pendant cinquante ans et plus, c'est la base même de leur croyance.

Il ne saurait être question d'un autre Joannès que celui-là dans l'esprit du faussaire, car les trois grands fils de Jehoudda sont cités dans leur ordre, en allant du plus jeune au plus vieux conformément à l'habitude ; il ne peut être question, par exemple, du Joannès dit Marcos[8], fils de Shehimon, qui vivait peut-être encore en 802, mais était loin d'être une des colonnes d'une secte où brillaient encore ses oncles Philippe, Jehoudda Toâmin et Ménahem. Encore une fois nous avons à lutter contre la force d'un préjugé si puissant qu'il en est devenu pour ainsi dire congénital : Joannès décapité dans les Évangiles quelques mois avant la Passion. Il s'agit, au contraire, du roi-christ original, tel que sa famille le présentait encore cinquante ans après la pâque de 789, c'est-à-dire ayant échappé à la croix et se montrât de temps en temps aux siens. C'est ce Joannès-là que voit Saül dans la Lettre aux Galates, n'ayant encore que soixante-cinq ans ; c'est celui à qui on fait signer l'Apocalypse de Pathmos à l'âge de cent ans, et l'Eglise ne sachant comment s'en débarrasser sera forcée un jour de lui couper le cou dans Marc et dans Mathieu : opération qui n'est pas encore faite lors de la composition de la Lettre aux Galates. La légende du Joannès survivant à ses deux frères crucifiés en 802 jusqu'à ce qu'il plaise à Jésus de le venir assumer est encore entière dans l'Épilogue du Quatrième Évangile[9].

 

L'auteur dispose ses pions sur son échiquier comme il l'entend. Il ne prétend pas que Saül ait vu Joannès lors de sa première entrevue avec Pierre et Jacques. Cela tient à la date qu'il adopte pour cette entrevue et qui est l'année même de la Crucifixion. Mais il s'adresse à des gens chez qui le Joannès a été représenté comme n'ayant point été crucifié en 788, qui ont cru cela pendant cinquante ou soixante ans et qui le croient peut-être encore, cette version lui sert à garantir l'authenticité de l'entrevue de 802 : Joannès était là ! D'autre part, comme il s'agit avant tout de faire des dupes parmi les Romains, Saül vient leur attester que Joannès est bien un personnage différent de Jésus, qui, lui, est allé au ciel après résurrection ; il en est bien sûr, puisqu'il l'a vu quatorze ans après ! Ne l'oublions pas, crucifié sous le nom de Jésus, Bar-Jehoudda sous le nom de Joannès ne l'a point été, et il est à la disposition de l'Église pendant cinquante ans. Le moment viendra où, ne sachant qu'en faire pendant ces cinquante ans, elle l'enverra avec Pierre à Rome où il échappera à l'huile bouillante, pour aller ensuite écrire l'Apocalypse à Pathmos.

Forcés à la fois et de respecter la Lettre aux Galates comme point de départ de la transfiguration de Saül et de la combattre parce qu'elle démontre que la non-crucifixion du Joannès a été la première version de sa famille et de ses disciples, les Actes ont substitué Joannès Marcos à son oncle dans les pseudo-relations de Saül avec les apôtres. Par contre, ils ont supprimé Joannès et Titus Annæus du concile de Jérusalem[10] dont la Lettre aux Galates a fourni l'idée.

Comme il était bien invraisemblable que Saül se fût présenté de lui-même au Joannès et que les deux frères de celui-ci l'eussent appuyé dans cette démarche, on ne pouvait guère lui supposer de truchement autre que Barnabas, chypriote, millénariste ardent, peut-être allié aux Jehoudda, en tout cas leur partisan décidé. Saül, pendant qu'il habitait Paphos et Corinthe, avait opéré contre Barnabas et ceux de sa famille : on supposait qu'après une explication courtoise Barnabas lui avait pardonné en même temps qu'à Titus Annæus, dont le nom était mêlé à la répression des troubles christiens en Achaïe sous Claude et à la crucifixion du Shehimon et de Jacob qui en avait été la suite. La présence de Galion à Jérusalem avec Saül en 802 était donc une chose indéniable ; on n'a pu que l'arranger. On a eu bien tort de ne pas la dissimuler totalement, car nous ne la connaissons que par cet aveu, toutes les histoires qui la relataient ayant été détruites par le temps et par l'Église.

 

Quoiqu'il soit singulier et même anormal de s'appuyer sur deux faux, nous pensons que la Lettre aux Galates et les Actes sont les seuls documents qui nous aient transmis le prénom authentique du proconsul d'Achaïe. Quel que soit son degré de parenté — car on se perd dans cette famille encore plus que dans celle d'Hérode — avec Lucius Annæus Seneca (Sénèque le philosophe), le proconsul d'Achaïe ne s'appelait pas du nom sous lequel il est connu dans l'histoire : Junius Gallio, nous disons Gallion, est un nom d'adoption ; celui de Novatus qu'on lui donne quelquefois est un adjectif qui constate cette novation. Junius Gallo est un novatus ; aux termes de la loi il a pris le nom de son père adoptif : mais de naissance c'est un Annæus, et, Titus était son prénom. Dans la Lettre aux Galates et dans les Actes, par un accord tacite entre les deux écrits, on lui laisse le nom de Titus pour qu'on ne puisse le confondre avec le proconsul qui, sous le nom de Galion, eut à réprimer les troubles christiens de Corinthe. Mais c'est bien le même homme, il n'y a pas de doute.

Cette certitude nous ouvre une hypothèse qui a le mérite de la vraisemblance. L'Annæus Rufus qui fut procurateur de Judée dans les dernières années d'Auguste n'était-il pas l'oncle de Sénèque et de Gallion et ne s'appelait-il pas Titus Annæus comme ce dernier ? La grand'mère de Saül venait de mourir, laissant à Julie une partie de ses biens, lorsque Annæus Rufus fut envoyé par Auguste pour gouverner la Judée et la Samarie. Les biens de Salomé, notamment Jamnia, Phazaël et Archelaïdes, rentrant dans le domaine impérial, relevèrent de l'administration des procurateurs. Est-ce pour cette cause que les parents de Saül nouèrent avec la famille Annæus des relations que Saül rendit plus étroites encore par sa liaison avec Titus Annæus ? Toujours est-il qu'après la Lettre aux Galates les Actes reconnaissent eux-mêmes cette liaison, et on peut se demander si elle n'est point la suite naturelle des relations établies entre les deux familles par la liquidation de la succession de Salomé. Annæus Rufus était à Césarée lorsque Auguste mourut, et Tibère envoya Valerius Gratus pour le remplacer. Encore une fois nous n'avons pas besoin de l'hypothèse de relations plus anciennes pour justifier les rapports amicaux de Saül avec Galion ; nous constatons simplement, sans faire violence à aucun texte, à aucune date, par le jeu naturel des rapprochements, qu'un Annæus surnommé Rufus a été en relations avec la famille de Saül en 767, époque à laquelle il a quitté Césarée ; qu'un Annæus, surnommé Seneca est le père de Lucius Annæus Seneca, le philosophe, et de Titus Annæus ; que la famille Annæus habite Pompéi en 772, date à laquelle le Sénat procède contre la propagande christienne parmi les Juifs d'Italie ; que le père de Sénèque et de Titus Annæus est assez instruit de ce qui touche la secte fondée par Jehoudda, père du roi-christ de 788, pour mettre ses fils alors très jeunes en garde contre certaines pratiques interdites par le Sénat, comme suspectes de christianisme ; qu'environ vingt-cinq ans plus tard, Titus Annæus, proconsul d'Achaïe sous Claude, reçoit chez lui, à Corinthe, le prince Saül et le loge pendant dix-huit mois ; qu'en 802, date de la crucifixion de Shehimon et de Jacob, frère du christ, Saül et Titus sont à Jérusalem partis ensemble d'un point qu'on ne dit pas, mais qui est certainement Corinthe, et qu'enfin l'Église pendant plusieurs siècles a fait état d'une correspondance fabriquée par elle entre Saül et Sénèque le philosophe et qui aurait été échangée à Rome pendant le séjour, historique d'ailleurs, qu'y a fait Saül sous Néron.

Nous constatons encore, qu'Annæus, père du proconsul d'Achaïe, est un Espagnol de Cordoue ; que Pontius Pilatus arrivait de la province de Tarragone en 780 ; que ses relations avec Saül et toute la famille hérodienne sont excellentes, enfin qu'Antipas, Hérodiade et Saül, ennemis capitaux de Bar-Jehoudda et de ses frères, sont allés tous les trois finir leurs jours en Espagne. Nous constatons aussi qu'un siècle après, amie Hadrien, c'est un Titus Annæus Rufus qui achève la ruine de Jérusalem en faisant passer la charrue sur l'emplacement du Temple ; que ce Titus Annæus est donné par quelques-uns comme étant la Bête de l'adaptation grecque de l'Apocalypse ; que le nom de Saül est comme enfermé dans ce cycle de compromissions avec l'étranger, et que nul ne mérite mieux le nom de romain et de renégat dont les Naziréens accablent sa mémoire. Enfin, si nous considérons qu'on a forgé toute une correspondance, d'une platitude révoltante comme vous pouvez croire, entre Saül et Sénèque, et qu'après avoir fait de l'un un apôtre jehouddolâtre on n'a pas craint de faire de l'autre un des soixante-douze disciples de Jésus (sic), nous trouvons dans la persistance même de ces impostures la prouve de relations suivies entre le prince hérodien et Titus Annæus, proconsul d'Achaïe sous le nom novatif de Junius Gallio.

C'est d'ailleurs une chose remarquable que, malgré la conversion du prince en tisserand par les Actes, l'auteur des Lettres de Paulos spécule, à plusieurs reprises et ici même sur les origines royales et les hautes relations de Saül pour donner à croire qu'il aurait prêché la jehouddolâtrie dans la société romaine, et jusqu'à la cour de Néron. Nous verrons bientôt si c'est pour colporter le mensonge ecclésiastique ou pour combattre l'abominable superstition christienne qu'il a été envoyé à Néron par Cestius Gallus, proconsul de Syrie.

Sans doute les Actes ne demanderaient pas mieux que d'inscrire, comme fait la lettre, le frère de Sénèque parmi les fonctionnaires romains convertis à la jehouddolâtrie sous réserve de la circoncision, mais il y a l'inconvénient de mêler le proconsul d'Achaïe à la crucifixion de Shehimon et de Jacob : la compensation n'est pas égale.

 

Avant d'aller plus loin, vidons l'imposture spéciale à Barnabas. On a retiré du canon des Ecritures le morceau intitulé Lettre de Barnabé que l'ancienne Eglise y a reçu pendant plusieurs siècles. Si on l'en avait retiré comme faux, il n'y aurait rien à dire ; c'est au contraire, à cause de la vérité qu'elle contient sur la triste réputation de tous les apôtres juifs, de quelque pays qu'ils fussent, Galilée, Chypre, Syrie, Cyrénaïque Asie, Galatie, Macédoine ou Achats. Ils ont surpassé tout péché ! Barnabas n'a pas pu avoir une telle opinion de lui-même, et c'est précisément pour le retirer de ce milieu qu'on a mis cette lettre sous son nom. Mais de tous les apôtres en état de présenter le prince Saül et le frère de Sénèque au Joannès et à ses deux frères on n'a trouvé que Barnabas ; et c'est la preuve du grand rôle qu'il a joué dans la propagande davidiste hors de Judée. Les Actes ont été obligés de tenir compte de cette première indication dans leurs impostures subséquentes, avec cette différence qu'ils n'ont pas attendu quatorze ans pour mettre Saül en rapport avec Barnabas. Dans les Actes, c'est Barnabas qui introduit auprès des apôtres Saül repentant et converti à la jehouddolâtrie dès son retour de Damas[11] ; les christiens d'Antioche envoient Barnabas chercher Saül à Tarse quelques années après, et ces deux compères font plusieurs tournées ensemble, voire un voyage à Jérusalem d'où les Actes ont éliminé Titus Annæus qu'on a trop vu dans la Lettre aux Galates.

Il est clair que celui qui a rédigé la lettre de Barnabé ne connaît ou ne veut connaître ni la Lettre aux Galates où Barnabas est représenté comme un séide de Saül, ni les Actes des apôtres, où il est représenté comme un séide de Shehimon. S'il connaît ces textes on peut juger du cas qu'il en fait par l'opinion qu'il a et de Shehimon et de Barnabas, quoiqu'il se place lui-même au point de vue millénariste.

 

III. — AUX GALATES, CHAPITRE II.

 

1. Quatorze ans après, je montai de nouveau à Jérusalem avec Barnabé, ayant pris Titus aussi avec moi.

2. Or, j'y montai d'après une révélation[12] ; et j'exposai aux fidèles l'Évangile que je prêche parmi les Gentils, et en particulier à ceux qui paraissent être quelque chose[13], de peur que je ne courusse, ou n'eusse couru en vain[14].

3. Mais Titus qui m'accompagnait, étant Gentil, ne fut pas forcé de se faire circoncire[15].

4. Et la considération de quelques faux frères qui s'étaient furtivement introduits pour observer la liberté que nous avons dans le Christ Jésus et nous réduire en servitude,

5. Ne nous fit pas consentir, même un seul instant, à nous soumettre à eux, afin que la vérité de l'Évangile demeurât parmi nous[16].

6. Mais quant à ceux qui paraissaient être quelque chose — quels ils furent autrefois, peu m'importe[17], Dieu ne fait point acception, de la personne de l'homme[18] —, ceux, dis-je, qui paraissaient être quelque chose, ne me communiquèrent rien[19].

7. Au contraire, ayant vu que l'Évangile de l'incirconcision m'avait été confié, comme à Pierre celui de la circoncision,

8. Car Celui qui a opéré en Pierre pour l'apostolat de la circoncision[20], a opéré en moi aussi[21] parmi les Gentils ;

9. Et ayant connu la grâce qui m'a été donnée, Jacques et Képhas, et Joannès, qui paraissaient être les colonnes, nous donnèrent la main, à moi et à Barnabé, en signe de communion[22] ; afin que nous prêchassions, nous, aux Gentils et eux aux circoncis.

10. Seulement, nous devions nous ressouvenir des pauvres : ce que j'ai eu aussi grand soin de faire.

Voilà le marché, par lequel le faussaire explique la licence que les trois Anciens de la Circoncision ont concédée à Saül converti par le Saint-Esprit. Devenu apôtre par ce procédé, Saül, fera des collectes parmi les païens et il remettra l'argent aux trois chefs qui consentiront à le recevoir, car les pauvres, ce sont eux d'abord, comme on le verra par l'exemple de Barnabas dans les Actes. Toutefois cette imposture sert à quelque chose, car le marché a date certaine : il est de 802. A cette époque Jacques, Pierre et Joannès en sont encore à l'Évangile de la Circoncision, le leur : Pierre n'est pas encore allé chez Cornélius à Césarée, il n'a pas eu de compte à rendre lorsqu'il est revenu à Jérusalem près de Jacques et de Joannès. En un mot, les Actes n'existent pas encore, on ne connaît ni le séjour de Pierre chez Cornélius ni le Concile de Jérusalem où les Anciens approuvent Pierre d'avoir donné le Saint-Esprit et le baptême aux païens de Césarée sans les faire passer par la circoncision et sans leur demander d'argent.

Le but fiscal, le seul qui intéresse le faussaire, est celui-ci : selon l'auteur de l'Apocalypse ou Évangile de la Circoncision et ses deux grands frères, le salut exigeait trois choses : le sacrifice préputial, le baptême et la conversion de la totalité des biens en argent déposé aux pieds des fils de David. Ainsi avait fait Barnabas, par exemple, et c'est pourquoi il avait été agréé. Ananias, au contraire, pour avoir manqué à la troisième de ces conditions avait été assassiné[23]. Mais s'il les faut indissolublement toutes les trois pour être sauvé, comment feront les païens pour acheter le salut ? Ceux-là même que la peur de l'enfer pourrait amener à la seconde condition et à la troisième ne seront pas sauvés puisqu'ils n'ont pas satisfait à la première. Saül a résolu la question en 802 avec l'assentiment des trois grands Marchands de Christ : il est permis de tourner la Loi juive en achetant le salut, et dans sa bonté l'Église qui le vend n'exige plus la totalité des biens : la moitié seulement suffit, (l'épisode de Zachée, le péager de Jéricho[24], n'a été fait que pour cela), le quart, moins encore, pourvu que le principe du commerce soit admis.

 

Mais voici une fourberie d'autre sorte : Saül avait poursuivi Shehimon et Jacob dans Antioche, le fait était consigné dans l'histoire, et naturellement il les avait poursuivis avant leur crucifixion qui est de 802. Comment faire que ces hommes se soient rencontrés là sans se jeter les uns sur les autres ? En plaçant cette rencontre après le marché qui vient d'être dit, et en réduisant leurs vieilles haines dynastiques à une dispute occasionnée par son exécution. Pierre y aurait manqué, il aurait mangé avec les païens ; ce qu'il s'était interdit par le contrat. Saül l'en aurait repris, parce qu'en effet il était répréhensible ; mais sur les représentations de certains envoyés de Jacques — le faussaire ne veut pas avouer que Jacob lui-même a prêché dans Antioche — il serait rentré dans les termes du marché, entraînant avec lui les autres Juifs et Barnabas, de telle façon qu'après cette affaire Saül serait demeuré seul maître du terrain.

La théorie de la vénalité eucharistique est très nettement posée ici. Les Juifs sont exempts du tribut de par la Loi c'est entendu ; puisqu'ils sont rois, ce sont eux qui le lèvent. Mais sur qui percevront-ils s'ils éliminent les païens ? Sur eux-mêmes ? C'est le contraire de leur vocation. Regimber contre le commerce avec les païens, c'est d'un tardigrade et, pour tout dire en un mot, d'un imbécile. Le Temple transporté à Rome par la mystification du pain et du vin, et son revenu centuplé, — centuplum accipies ! — voilà l'Évangile nouveau. Qui parle de donner ? Personne. Mais vendre une chose qui n'existe point et qui, existât-elle, ne vous appartient point, où trouver un plus beau commerce ? Se peut-il que les jehouddolâtres de Galatie fassent opposition à ceux de Rome sur un principe aussi avantageux à tous ?

11. Or Képhas étant venu à Antioche, je lui résistai en face, parce qu'il était répréhensible.

12. Car avant que quelques-uns, envoyés par Jacques, fussent arrivés, il mangeait avec les Gentils ; mais quand ils furent venus, il se retirait et se séparait, craignant ceux qui étaient circoncis.

13. Et à sa dissimulation acquiescèrent les autres Juifs ; de sorte que Barnabé lui-même fût entraîné dans cette dissimulation.

14. Mais quand je vis qu'ils ne marchaient pas droit selon la vérité de l'Évangile, je dis à Képhas devant tous : Si toi, étant Juif, tu vis à la manière des Gentils et non en Juif, comment forces-tu les Gentils à judaïser ?

15. Nous[25], de naissance nous sommes Juifs[26] et non pécheurs d'entre les Gentils ;

16. Sachant que l'homme n'est point justifié par les œuvres de la Loi, mais par la foi en Jésus-Christ, nous croyons nous-mêmes au Christ Jésus pour être justifiés par la foi du Christ, et non par les œuvres de la Loi, attendu que par les œuvres de la Loi ne sera justifiée nulle chair[27].

17. Que si, cherchant à être justifiés dans le Christ, nous sommes nous-mêmes trouvés pécheurs, le Christ n'est-il pas ministre du péché ? Nullement.

18. Car si ce que j'ai détruit je le rétablis, je me constitue moi-même prévaricateur.

19. En, effet, moi-même par la Loi je suis mort à la Loi, afin de vivre pour Dieu avec le Christ : j'ai été cloué à la croix.

20. Mais je vis, non plus moi, mais le Christ vit en moi. Car si je vis maintenant dans la chair, j'y vis en la foi du Fils de Dieu, qui m'a aimé, et s'est lui-même livré pour moi.

21. Je ne regrette point la grâce de Dieu ; car si c'est par la Loi qu'est la justice, c'est donc en vain que le Christ est mort[28].

Quel galimatias ! quelles aberrations ! quelles platitudes ! Toutefois on a insinué aux Romains — on se moque pas mal des Galates ! — que Shehimon avait cédé sur la question de la chair élue en fréquentant les goym d'Antioche, et sur la question des viandes, en mangeant de ce qui avait été mis devant lui. Jacob n'a point cédé, disent peut-être les Galates qui suivent son Évangile, mais Shehimon a cédé ! Ne fût-ce qu'un jour, une heure, il a cédé ! Il a, de ses propres mains, déchiré la Thora.Apostasie, diront les Galates ! — Non, dira l'Église, sublime faiblesse. — Vil mensonge, diront les Galates ! — Vérité révélée, dira l'Église, je jure devant Dieu que je ne mens point !

 

La fraude est tellement éclatante que les vieux jehouddolâtres en ont pâli. De deux choses l'une, ont-ils dit, ou le Képhas de la Lettre n'est pas Shehimon ou la scène d'Antioche est fictive. Hiéronymus est forcé de le reconnaître, c'est bien Shehimon, surnommé Pierre par les évangélistes, que la Lettre a en vue. C'est pour se débarrasser des objections qu'elle soulève que certains l'ont contesté ; mais le Saint-Siège l'avoue lui-même, l'identité n'est pas niable.

Képhas est bien le même nom que Pierre : il a en syriaque la même signification que Petros en grec. Saint Pierre le portait en Judée, et c'est le premier que le SauVeur lui ait donné. Saint Paul le lui donne indubitablement ailleurs. Il est évident que le personnage dont il s'agit est un personnage éminent, égal, sinon supérieur à saint Paul, par conséquent apôtre comme lui. Son exemple fait fléchir Barnabé et menace d'entraîner toute l'Église d'Antioche, Saint Paul fait un acte de courage en lui adressant une représentation. D'ailleurs, quel moyen de le distinguer du Képhas nommé plus haut, entre saint Jacques et saint Jean, comme étant, aussi bien qu'eux, une colonne de l'Église ?

Reste le second point, à savoir que la scène est fictive. Cela, le Saint-Siège ne peut pas l'avouer, quoique cette évidence se soit imposée successivement à Origène, à Jean Chrysostome et à Hiéronymus. Il est bien vrai, dit-il, que les mots grecs, rendus dans la Vulgate par en face, pris isolément, pourraient se traduire par en apparence. Il est vrai aussi qu'il est parlé de dissimulation ou de défaut de franchise. Cela ne suffit pas néanmoins pour justifier l'hypothèse d'une scène, concertée entre les deux Apôtres, ou d'une discussion feinte pour l'instruction de leurs disciples. Ni cette interprétation ni cette hypothèse ne sont naturelles. On n'y a recouru que dans une intention apologétique, afin de couper court aux objections et de mettre en même temps à couvert la conduite de saint Pierre et saint Paul. Mais on a pris le change, et on a substitué un tort véritable, un défaut de droiture dans l'un et l'autre Apôtre, à une pure inadvertance ou à une erreur de procédé de la part de saint Pierre ; car le mot de saint Paul, que Pierre était répréhensible, n'entraîne pas d'autre conséquence et n'a pas plus de portée. Il signifie seulement que la conduite suivie par saint Pierre donnait lieu à des interprétations fâcheuses ; que ses égards pour les préjugés de ses compatriotes étaient, contre son gré, de nature à confirmer les Juifs dans leurs prétentions, ainsi qu'à inquiéter et à rebuter les Gentils. Rien n'indique qu'il eût en cela blessé sa conscience le moins du monde. Dieu voulut qu'en cette occasion il fût averti de ce qu'il avait à faire, non par une vision comme à Joppé, mais par un collègue et un subordonné, afin que son humilité pût servir à l'édification de tous[29].

Qu'est-ce à dire ? Est-ce que Pierre n'aurait pas été infaillible ? Mes cheveux se hérissent devant cette hypothèse, et il me semble que je serais légitimement taxé d'hérésie si je la soutenais en public. Aussi préférai-je, plutôt que de condamner Pierre, répéter que la Lettre est fausse d'un bout à l'autre, et que jamais Shehimon, martyr de la Loi comme son père, n'a donné pareille comédie aux Juifs d'Antioche. Jacob pas davantage, et on a bien pris soin, dès qu'on l'a pu, d'enlever son nom de la Lettre, car il y était nommé comme ayant le premier donné ordre à Pierre de rompre avec les païens. Le faussaire donnait au moins cette satisfaction aux jehouddolâtres de la Circoncision, Ebionites, Naziréens et Jesséens, tous millénaristes, de se figurer que si l'un de leurs maîtres avait cédé, il n'avait pas entraîné l'autre. C'est à tort, dit l'Anticelse[30], que le rabbin juif (dont Celse invoque l'autorité dans son livre : Vérité sur les christiens) reproche à ses compatriotes d'avoir, sur les révélations de cet imposteur ridicule (Bar-Jehoudda), abandonné la Loi de la nation pour un autre Nom et une autre vie. Pourquoi ne dit-il rien de ceux qui croient à Jésus sans avoir cédé sur la Loi ? Les Ébionites sont de ceux-là, ainsi nomme-t-on ceux des Juifs qui ont cru au jésus (en tant que prophète seulement), et ils tirent leur nom de la pauvreté de leurs interprétations. Pierre paraît avoir longtemps vécu dans la stricte observance des rites mosaïques, comme un homme qui n'a point encore appris de Jésus à monter de la Loi selon la lettre à la loi selon l'esprit. Tel on le voit dans les Actes des Apôtres, avant sa visite à Cornélius, tel dans la Lettre aux Galates où Paulos le montre cessant de manger avec les païens sur l'ordre de Jacques.

Si donc Shehimon rencontra Saül dans Antioche, il y eut non pas banquet, mais bataille. La rencontre amiable n'est point dans les Actes, et elle y serait certainement si elle avait eu lieu, car dans le fond elle est à l'avantage de l'Église, puisque Shehimon y fait au paganisme une concession qu'il a fallu lui demander de faire chez le centurion Cornélius. Si elle avait eu lieu, et qu'elle se fût dénouée comme aujourd'hui par une rupture pacifique, c'eût été la plus grande preuve de tolérance que Shehimon eût fournie : elle serait dans les Actes, qui cherchent des preuves de ce genre et qui, n'en trouvant pas, le font manger à Césarée de la Mer chez Cornélius, lequel peut-être avait aidé de ses mains à la crucifixion de son frère. S'il y a eu rencontre amiable, accompagnée de repas partagés avec les païens, pourquoi, dans les fables pontificales de Clément, Pierre poursuit-il Saül jusqu'à Rome pour tirer vengeance de ses persécutions ?

La dispute de Pierre et de Saül dans Antioche à propos d'agapes judéo-païennes est une fausse dispute, comme le repas de Pierre chez Cornélius est un faux repas. Le repas de Pierre chez Cornélius prouve que la dispute avec Saül est fausse et réciproquement, puisque la dispute n'est que dans la Lettre, et que le repas de Pierre dans les Actes est antérieur à la dispute. Le but et la marelle de ces deux scènes sont les mêmes. Par la dispute les premiers faussaires ont voulu montrer que Shehimon avait cédé hors de Judée sur la question des relations pagano-juives, par le repas, que Pierre avait résolu la question avant la dispute. Mais dans les deux cas on voit apparaître Jacob qui proteste tardivement contre le fait acquis. C'est l'aveu que personne, ni en Judée ni ailleurs, n'a pu voir Shehimon manquer aux ordonnances paternelles. Dans la scène de Césarée, Pierre commet la même infraction qu'à Antioche et loin de Jérusalem. Mais nous sommes bien plus avancés : dans la Lettre il se cache de ses frères pour capituler ; dans les Actes il traite au grand jour et impose la capitulation. Le faux des Actes est rectificatif du premier.

 

Pour l'Eglise les morceaux ne sont sacrés que dans la proportion où ils servent. Elle n'en tient aucun compte quand ils gênent. Dès le moment qu'ils ne sont pas comme ils doivent être, ils cessent tout-à-coup d'être sacrés, ils ne sont même pas profanes, ils sont comme s'ils n'étaient pas. Ainsi, alors que dans la Lettre aux Galates elle dit que Saül a vu Pierre à Jérusalem et à Antioche en 802, l'histoire ecclésiastique tout entière installe Pierre comme pape à Rome dès 704 ; et sur toutes les listes pontificales qu'il vous plaira de consulter il y exerce pendant vingt-trois ans et trois mois consécutifs. C'est donc à Rome que Saül aurait dû aller pour en finir avec Pierre, et même dans ce cas il n'en resterait pas moins qu'en 802 Pierre tenait encore la Circoncision pour l'unique moyen de salut.

Le terrain déblayé par ce fait que Shehimon aurait déjà à demi apostasié dans Antioche entre les mains de Saül, l'auteur prend les Galates à partie. Pourquoi reviennent-ils à l'Evangile selon le Joannès et ses frères, l'Evangile de la Circoncision ? Les affaires de l'Eglise vont pourtant très bien ! Il ne faut pas que les millénaristes les gâtent en persévérant dans la Loi. Ils se font punir cruellement pour des espérances chimériques, et ensuite ils ne participent pas aux biens de ce monde tels que la jehouddolâtrie sans Millenium peut les donner. La moitié, le quart des biens, c'est moins qu'ils ne veulent évidemment, mais c'est mieux que ce qu'ils ont. Puisqu'ils n'ont pu vivre mille ans avec le Juif qui a été crucifié, puisqu'il ne revient pas ni le Fils de l'homme avec lui, il faut vivre de son corps ressuscité, il faut se faire marchand de Christ selon la formule économique de Rome. On vend la mort, qui au moins ne devrait rien coûter, mais c'est là le charme !

 

IV. — AUX GALATES, CHAPITRE III.

 

1. Galates insensés, qui vous a fascinés, pour ne pas obéir à la vérité, vous aux yeux de qui Jésus-Christ a été représenté d'avance comme crucifié parmi vous ?[31]

2. Je veux seulement savoir de vous ceci : Est-ce par les œuvres de la Loi que vous avez reçu l'Esprit, ou par l'audition de la foi ?

3. Êtes-vous si insensés, qu'ayant commencé par l'esprit, vous finissez maintenant par la chair ?

4. Est-ce en vain que vous avez tant souffert ? Si cependant, c'est en vain.

5. Celui donc qui vous communique l'Esprit et qui opère parmi vous des miracles, le fait-il par les œuvres de la Loi ou par l'audition de la foi ?

6. Ainsi qu'il est écrit : Abraham crut à Dieu, et ce lui fut imputé à justice.

7. Reconnaissez donc que ceux qui s'appuient sur la foi, ceux-là sont les enfants d'Abraham,

8. L'Ecriture prévoyant que c'est par la foi que Dieu justifierait les nations, l'annonça d'avance à Abraham : Toutes les nations seront bénies en toi.

9. Ceux donc qui s'appuient sur la foi seront bénis avec le fidèle Abraham.

10. Et tous ceux qui s'appuient sur les œuvres de la Loi sont sous la malédiction. Car il est écrit : Maudit quiconque ne persévérera point dans tout ce qui est écrit dans le livre de la Loi pour l'accomplir.

11. Cependant, que nul n'est justifié devant Dieu par la Loi, cela est manifeste, puisque le juste vit de la foi.

12. Or la Loi ne s'appuie pas sur la foi, puisque au contraire : Celui qui observera ces préceptes, vivra par eux.

13. Le Christ nous a rachetés de la malédiction de la Loi, devenue malédiction pour nous, selon qu'il est écrit : Maudit quiconque est pendu au bois !

14. Afin que la bénédiction donnée à Abraham fût communiquée aux Gentils par le Christ Jésus, pour que nous reçussions par la foi la promesse de l'Esprit.

Toute cette homélie est une gageure contre le bon sens comme contre la bonne foi. Comment peut-on être sous le coup de la malédiction à la fois en persévérant et en ne persévérant pas dans la Loi ? Au milieu de ces contradictions perpétuelles on voit apparaître une théorie tirée de la Loi même : le bouc émissaire chargé de tous les péchés d'Israël est remplacé par le crucifié chargé de tous les péchés du monde. Galates, on vous offre les moyens de vous décharger sur lui ! Avec le baptême et la Cène, la conscience ne pèse plus rien ; on vous enlève jusqu'à l'instinct de la responsabilité.

Tout ce qu'on vous demande pour permettre à l'Eglise l'exécution de ces tours de passe-passe, c'est de vous figurer qu'au lieu d'avoir été puni par Dieu pour ses crimes, Bar-Jehoudda était innocent et que sa croix n'est point en elle-même la preuve qu'il a été traité en maudit. Mais le sophiste qui tend tous ces traquenards sur la table de quelque banquier dans l'Argilète est doublé d'un agent d'affaires beaucoup plus ferré sur le contentieux que sur la Loi juive. La promesse faite aux Juifs par Dieu a la forme et la valeur d'un legs testamentaire. Or ce testament a reçu son exécution, le legs a été délivré, il n'y a plus à y revenir ou bien il le faudrait arguer de faux, c'est-à-dire attaquer Dieu et se retirer le legs à soi-même. Se trouvera-t-il parmi les Galates des gens pour se disputer au moment de l'entrée en jouissance ? C'est ce que font les sots. Écoutez, c'est maître Pathelin tenant bureau de captation.

15. Mes frères (je parle à la manière des hommes), quand le testament d'un homme est ratifié, personne ne le rejette, ou n'y ajoute.

16. Or les promesses ont été faites à Abraham et à celui qui naîtrait de lui. Il ne dit pas : A ceux qui naîtront, comme parlant de plusieurs, mais comme d'un seul : Et à celui qui naîtra de toi, c'est-à-dire au christ[32].

17. Voici donc ce que je dis : Dieu ayant ratifié une alliance, la Loi qui a été faite quatre cent trente ans après, ne la rend pas nulle au point de détruire la promesse.

18. Car si c'est par la Loi qu'il y a héritage, dès lors ce n'est pas on vertu de la promesse. Cependant, c'est par la promesse que Dieu l'a donné à Abraham.

19. Pourquoi donc la Loi ? Elle a été établie à cause des transgressions, jusqu'à ce que vint le rejeton pour lequel Dieu avait fait la promesse[33] ; et remise par des anges dans la main d'un médiateur.

20. Or le médiateur n'est pas pour un seul, et Dieu est un seul.

21. La Loi est donc contraire aux promesses de Dieu ? Nullement. Car si une Loi eût été donnée qui pût vivifier, la justice viendrait vraiment de la Loi.

22. Mais l'Ecriture a tout renfermé sous le péché, afin que la promesse fût accomplie par la foi en Jésus-Christ, en faveur des croyants ;

23. Et avant que la foi vint, nous étions sous la garde de la Loi, réservés pour cette foi qui devait être révélée.

24. Ainsi la Loi a été notre pédagogue dans le Christ pour que nous fussions justifiés par la foi.

25. Mais la foi étant venue, nous ne sommes plus sous le pédagogue.

26. Car vous êtes tous enfants de Dieu par la foi qui est dans le Christ Jésus,

27. Car vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez été revêtus du Christ ;

28. Il n'y a plus ni Juif, ni Grec ; plus d'esclave, ni de libre ; plus d'homme, ni de femme[34], Car vous n'êtes tous qu'une seule chose dans le Christ Jésus.

29. Et, si vous êtes tous au Christ, vous êtes donc la postérité d'Abraham, héritiers selon la promesse.

Ainsi, dans les Écritures juives et dans la Loi romaine sur l'héritage, à la condition de les bien manier et en temps opportun, au chevet d'un mourant, par exemple, ou quand l'héritier n'est qu'un enfant, il y a de quoi faire une fortune dont les Galates, soit grecs soit juifs, n'ont aucune idée ; sans quoi ils renonceraient immédiatement au vain sacrifice de prépuces qui, malgré toutes les générosités de la nature, ne sauraient être à la dimension des portes du ciel. On demande, où et par qui la lettre a été composée ? Demandez plutôt où est la caisse ! Cherchez Rome et les Romains dans l'énumération des dupes qu'on se promet de faire, vous ne les trouverez pas.

 

V. — AUX GALATES, CHAPITRE IV.

 

1. Je dis de plus : tant que l'héritier est enfant, il ne diffère point d'un serviteur, quoiqu'il soit maître de tout.

2. Mais il est sous des tuteurs et des curateurs jusqu'au temps marqué par son père.

3. Ainsi, nous aussi, quand nous étions enfants, nous étions asservis aux premiers éléments du monde.

Le faussaire a l'Apocalypse sous les yeux, et c'est bien le retour aux premiers éléments du monde que Jehoudda avait annoncé pour le 15 nisan 789. Mais les compères de Galatie savent quel fâcheux accident a retardé cette échéance. Il vaut mieux invoquer l'autorité de l'Apocalypse en ce qui touche l'enfant né en 739 que d'évoquer le souvenir du Guol-golta et de Machéron, n'est-ce pas ?

4. Mais lorsqu'est venue la plénitude du temps[35], Dieu a envoyé son Fils, formé d'une femme[36], soumis à la Loi,

5. Pour racheter ceux qui étaient sous la Loi, pour que nous reçussions l'adoption des enfants.

6. Et parce que vous êtes enfants, Dieu a envoyé dans vos cœurs l'Esprit de son Fils criant : Abba, Père ![37]

7. Ainsi nul n'est plus serviteur, mais fils. Que s'il est fils, il est aussi héritier par Dieu.

8. Autrefois, à la vérité, ignorant Dieu, vous étiez asservis à ceux qui par leur nature ne sont pas dieux[38].

9. Mais maintenant que vous connaissez Dieu, ou plutôt que vous êtes connus de Dieu, comment retournez-vous à ces faibles et pauvres éléments, auxquels vous voulez de nouveau vous asservir ?

10. Vous observez certains jours, certains mois, certains temps, et certaines années.

Oui, après s'être laissé dire dans les Évangiles mêmes qu'ils étaient sauvés de la mort et du péché par le sacrifice de leur prophète, ils n'ont pas voulu le croire ; ils ont su que Jésus était un mythe issu du cercueil de Bar-Jehoudda par la similitude de Jonas, que la Cène n'avait point été célébrée et que, malgré tous les détours de la fable, ils ne seraient point sauvés par celui qui n'avait pu se sauver lui-même, et, qui n'était même pas en état de grâce devant la loi commune, ayant été crucifié légitimement. Et pour ne pas s'associer à un mensonge, quoique ce mensonge profitât à leur race, ils sont restés dans l'élément millénariste, comme les Naziréens, les Ebionites et les Jesséens de Bathanée, fidèles au sabbat, aux jeûnes, aux sept jours de l'Agneau pascal, à ceux des Tabernacles, aux années sabbatiques et aux années jubilaires. C'est pour eux qu'on a fait l'adaptation de l'Apocalypse dite de Pathmos.

Les œuvres de la Loi, voilà où est le salut pour les Galates. Ainsi disent les Paroles du Rabbi, et ils ne veulent pas s'en écarter. S'il est vrai que l'auteur de la Lettre ait fait la tournée qu'il dit pour les attirer à la jehouddolâtrie selon Rome, force lui est de reconnaître qu'il a échoué. Ils ont continué à souffrir pour la Loi, car le faussaire fait allusion à des persécutions : que ces malheureux auraient subies. Vain sacrifice, dit-il. Où les a conduits cette Loi sous laquelle leurs docteurs les ramènent ? Le Sinaï où elle fut donnée est aux Romains. Aux Romains, Sion où elle est son Temple. Car sous le masque anachronique de Saül l'auteur ne fait point mystère du véritable temps où il écrit les christiens ont perdu leur patrie, Titus Annæus Rufus a passé la charrue sur le Temple par ordre d'Hadrien : la Jérusalem d'à présent est esclave avec ses enfants[39]. Celle d'en haut, qu'ils attendent depuis 789 viendra-t-elle jamais ?

11. Je crains pour vous d'avoir en vain travaillé parmi vous.

12. Soyez comme moi, parce que moi j'ai été comme vous, je vous en conjure, mes frères : vous ne m'avez offensé en rien.

13. Au contraire, vous savez que je vous ai autrefois annoncé l'Évangile dans la faiblesse de la chair[40] : or, cette épreuve à laquelle vous avez été mis à cause de ma chair,

14. Vous ne l'avez ni méprisée ni repoussée, mais vous m'avez reçu comme un ange de Dieu, comme le Christ Jésus.

15. Où donc est votre bonheur ? Car je vous rends ce témoignage que, s'il eût été possible, vous vous seriez arraché les yeux et vous me les auriez donnés.

16. Je suis donc devenu votre ennemi en vous disant la vérité ?

17. Ils vous montrent un attachement qui n'est pas bon, car ils veulent vous éloigner de nous, afin que vous vous attachiez à eux.

18. Au reste, attachez-vous au bien pour le bien, en tout temps et non pas seulement lorsque je suis présent parmi vous.

19. Mes petits enfants, pour qui je sens de nouveau les douleurs de l'enfantement, jusqu'à ce que le Christ soit formé en vous,

20. Je voudrais être maintenant près de vous, et changer mon langage, car je suis embarrassé votre égard.

21. Dites-moi, vous qui voulez être sous la Loi, n'avez-vous pas lu la Loi ?

22. Car il est écrit : Abraham eut deux fils, l'un de la servante[41], et l'autre de la femme libre[42].

23. Mais celui de la servante naquit selon la chair, et celui de la famine libre, en vertu de la promesse.

24. Ce qui a été dit par allégorie. Car ce sont les deux alliances : l'une sur le mont Sina, engendrant pour la servitude, est Agar ;

25. Car Sina est une montagne d'Arabie, qui a du rapport avec le Jérusalem d'à présent, laquelle est esclave avec ses enfants

26. Tandis que la Jérusalem d'en haut est libre ; c'est elle qui est notre mère.

27. Car il est écrit : Réjouis-toi, stérile, qui n'enfantes point ; pousse des cris de jubilation et d'allégresse, toi qui ne deviens pas mère ; parce que les fils de la délaissée seront plus nombreux que les fils de celle qui a un mari.

28. Nous donc, mes frères, nous sommes, comme Isaac, les enfants de la promesse.

29. Mais comme alors celui qui était né selon la chair persécutait celui qui l'était selon l'esprit, de même encore aujourd'hui.

30. Mais que dit l'Ecriture ? Chasse la servante et son fils ; car le fils de la servante ne sera pas héritier avec le fils de la femme libre.

31. Ainsi, mes frères, nous ne sommes pas les fils de la servante, mais de la femme libre ; et c'est par cette liberté que le Christ nous a rendus libres.

Tous ces sophismes sont parfaitement absurdes. A quel point ils sont déplacés dans la bouche de Saül, on peut en juger par ce fait qu'ayant du sang arabe dans les veines, Saül était fils d'Ismaël, qu'il traite ici d'esclave. D'autre part, étant fils d'Amalech, qui l'était d'Esaü, il rendait aux fils de Jacob, évicteurs d'Esaü, l'épithète d'usurpateurs dont ils usaient envers les Hérodes.

 

VI. — AUX GALATES, CHAPITRE V.

 

1. Demeurez donc fermes, et ne vous courbez point de nouveau sous le joug de la servitude.

2. Voici que moi, Paul, je vous dis que si vous vous faites circoncire, le christ ne vous servira de rien.

3. Je déclare de plus à tout homme qui se fait circoncire qu'il est tenu d'accomplir toute la Loi.

4. Vous n'avez plus de part au Christ, vous qui êtes justifiés par la Loi : vous êtes déchus de la grâce.

5. Pour nous, c'est par l'Esprit, en vertu de la foi, que nous espérons recevoir la justice.

6. Car, dans le Christ Jésus, ni la circoncision, ni l'incirconcision ne servent de rien ; mais la foi qui agit par la charité.

Après avoir menti et erré si copieusement, le faussaire menace. C'est la gradation ordinaire, Les christiens selon la Loi sont déchus de la grâce : déchu le jésus lui-même ! Enfin il finit par des lieux communs de morale perdus au milieu d'obscures extravagances. Comment ose-t-il charger à ce point les disciples de Jehoudda et de ses fils qui pour anéantir en un instant tout son échafaudage n'ont qu'à produire les Paroles du Rabbi ? Outre les sophistications dont le texte primitif a été l'objet, l'esprit même a subi des atteintes profondes,

7. Vous couriez si bien : qui vous a arrêtés, pour que vous n'obéissiez pas à la vérité ?

8. Ce qu'on vous a persuadé ne vient pas de celui qui vous appelle.

9. Un peu de ferment corrompt toute la pâte.

10. J'ai en vous cette confiance dans le Seigneur, que vous n'aurez point d'autres sentiments ; mais celui qui vous trouble en portera la peine, quel qu'il soit.

11. Pour moi, mes frères, si je prêche encore la circoncision, pourquoi suis-je encore persécuté ? Le scandale de la croix est donc anéanti ?

12. Plût à Dieu que ceux qui vous troublent fussent même mutilés ![43]

Qu'ils se coupent tout à fait pendant qu'ils y sont ! Ainsi l'ont compris Augustin, Hiéronymus, Jean Chrysostome, Théodoret. D'autres ont entendu : Qu'ils soient retranchés de l'Église ! Qu'ils soient exterminés du monde ! Au surplus l'auteur de ces divagations ignore ou feint d'ignorer la vraie doctrine de Bar-Jehoudda sur les bienfaits de l'eunuchisme. Tout cela part d'une tête qui n'est pas solide. Le faussaire n'est pas très rassuré sur l'issue de l'aventure à laquelle il s'attache. La mystification rémunératrice du Juif consubstantiel au Père lui semble un moyen de salut préférable au martyre pour la Loi, et le scandale de la croix est le même : Aussi exhorte-t-il les jehouddolâtres d'Asie à ne pas attirer le contrecoup de la persécution sur ceux de Rome par des sacrifices volontaires et de mauvais goût.

13. Car vous, mes frères, vous avez été appelés à la liberté ; seulement ne faites pas de cette liberté une occasion pour la chair, mais soyez par la charité les serviteurs les uns des autres.

14. Car toute la Loi est renfermée dans une seule parole : Tu aimeras ton prochain comme toi-même[44].

15. Que si vous vous mordez et vous dévorez les uns les autres, prenez garde que vous ne vous consumiez les uns les autres.

16. Or je dis : Marchez selon l'esprit, et vous n'accomplirez pas les désirs de la chair.

17. Car la chair convoite contre l'esprit, et l'esprit contre la chair : en effet, ils sont opposés l'un à l'autre, de sorte que vous ne faites pas tout ce que vous voulez.

18. Que si vous êtes conduits par l'esprit, vous n'êtes pas sous la Loi.

19. Or on connaît aisément les œuvres de la chair, qui sont : la fornication, l'impureté, l'impudicité, la luxure,

20. Le culte des idoles, les empoisonnements, les inimitiés, les contestations, les jalousies, les colères, les rixes, les dissensions, les sectes,

21. Les envies, les homicides, les ivrogneries, les débauches de table, et autres choses semblables. Je vous le dis, comme je l'ai déjà dit, ceux qui font de telles choses n'obtiendront point le royaume de Dieu.

22. Au contraire, les fruits de l'esprit sont : la charité, la joie, la paix, la patience, la douceur, la bonté, la longanimité,

23. La mansuétude, la foi, la modestie, la continence, la chasteté. Contre de pareilles choses il n'y a point de loi.

24. Or ceux qui sont au Christ ont crucifié leur chair avec ses vices et ses convoitises.

25. Si nous vivons par l'esprit, marchons aussi selon l'esprit.

26. Ne devenons pas avides d'une vaine gloire, nous provoquant les uns les autres.

La stérile folie de Bar-Jehoudda gagne du terrain. Déjà il y a des sectes et beaucoup, Les divisions qu'il est venu apporter sur la terre on dehors de celles qui agitent naturellement les hommes, les voilà qui germent parmi les nations ! Lui-même et sa Révélation en sont cause. Le bon apôtre qui écrit voit poindre le temps où les hommes se jetteront les uns sur les autres pour l'horrible juif qu'il trousse en dieu. Mais point d'appréhensions indignes de la jehouddolâtrie ! Il y a des collecteurs en route et qui vont revenir, ce n'est pas le moment de faire amende honorable à la vérité.

 

VII. — AUX GALATES, CHAPITRE VI.

 

1. Mes frères, si un homme est tombé par surprise dans quelque faute, vous qui êtes spirituels, instruisez-le en esprit de douceur, regardant à toi-même, de pour que toi aussi tu ne sois tenté.

2. Portez les fardeaux les uns des autres, et c'est ainsi que vous accomplirez la loi du Christ.

3. Car si quelqu'un s'estime être quelque chose, comme il n'est rien, il s'abuse lui-même.

4. Or que chacun éprouve ses propres œuvres, et alors il trouvera su gloire en lui-même et non dans un autre.

5. Car chacun portera son fardeau.

6. Que celui que l'on catéchise par la parole communique tous ses biens à celui qui le catéchise.

7. Ne vous y trompez pas : on ne se rit point de Dieu[45].

8. Car ce que l'homme aura semé, il le recueillera. Ainsi, celui qui sème dates sa chair recueillera de la chair la corruption ; et celui qui sème dans l'esprit recueillera de l'esprit la vie éternelle,

9. Or, faisant le bien, ne nous lassons point ; car en ne nous lassant pas, nous recueillerons la moisson en son temps.

10. C'est pourquoi, tandis que nous avons le temps, faisons du bien à tous, et principalement à ceux qui sont de la famille de la foi[46].

11. Voyez quelle lettre je vous ai écrite de ma propre main.

12. Tous ceux qui veulent plaire selon la chair vous obligent à vous faire circoncire, et cela uniquement afin de ne pas souffrir persécution pour la croix du Christ.

13. Car eux, qui se font circoncire, ne gardent pas la Loi ; mais veulent que vous soyez circoncis, pour se glorifier en votre chair.

14. Pour moi, à Dieu ne plaise que je me glorifie, si ce n'est dans la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui le monde m'est crucifié, et moi au monde.

15. Car en Jésus-Christ la circoncision n'est rien, ni l'incirconcision, mais la créature nouvelle.

16. Quant à tous ceux qui suivront cette règle, paix sur eux et miséricorde sur l'Israël de Dieu !

17. Au reste, que personne ne me fasse de la peine ; car je porte sur mon corps les stigmates du Seigneur Jésus[47].

18. Que la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ soit avec votre esprit, mes frères. Amen.

Ainsi finit la Lettre aux Galates qui est, avec les Voyages de Saülas, le pivot autour duquel toute l'imposture paulinienne tourna dans les Actes des Apôtres. On ne peut douter que le faussaire soit juif, il fait sur les mots Hadjar et Agar un jeu qui ne pourrait pas même venir à l'idée d'un Grec. Il dit en effet qu'Agar, esclave d'Abraham et mère d'Ismaël, équivaut à Sina, montagne d'Arabie où fut donnée la Loi, ce qui n'a de sens qu'à la condition de traduire préalablement Sina par Hadjar ou Rocher[48]. Nous avons déjà noté l'extrême abondance des calembours chez les évangélistes, et cet état d'esprit est naturel daim ce travail de collusion perpétuelle. On s'étonnera moins qu'un juif charge ce point d'autres juifs, lorsqu'on réfléchira que ceux de Galatie ont été par leur christianisme passé une cause de persécutions contre la jehouddolâtrie, et par leur opiniâtreté présente celle de confusions dont un juif de Rome peut avoir à souffrir : Raca ! nous ne vous connaissons plus ! Vous dites du mal de Saül parce que, comme nous aujourd'hui, il était avec Rome. C'était pour votre bien ; nous de même ! Vous voulez mourir pour Bar-Jehoudda, nous voulons en vivre. Et en effet, le grec de l'auteur, c'est le grec nécessaire aux usages du commerce, S'il l'étend parfois à d'autres matières, c'est au prix de nombreuses impropriétés de termes, au milieu de tournures embarrassées. Son langage est comme son idée ; un feu de tourbe. Une seule flamme y brille clairement, celle des monnaies d'or et d'argent qui trébuchent sur le comptoir de Calliste and C°. Le prince Saül a vécut ; désormais Paul, une sébile à la main, voyagera pour la maison.

 

La Lettre aux Galates a de tout temps excité citez les exégètes un enthousiasme qui ne s'applique pas aux autres morceaux de la collection. Et, en effet, si on la suppose d'un ouvrier tisserand qui, après s'être déchaîné contre le bon Jésus-Christ, fait amende honorable à ce qu'il y a d'humain dans sa doctrine écrite, si l'on se figure ce tisserand luttant, lui Juif, pour l'admission des païens au salut et tenant tête publiquement aux hommes les plus ennemis de cette tolérance, on peut se laisser aller à ce mouvement de sympathie que déterminent des dehors libéraux et courageux. Encore n'y a-t-il dans ces apparences qu'une concession bien faible consentie à la civilisation par le monopole juif, et c'est ce monopole qu'il faudrait d'abord justifier devant Dieu pour expliquer l'hyperbolique admiration des exégètes.

Mais quand nous savons que tout dans cette lettre est mensonge, hypocrisie, parjure, abus de confiance et tromperie non pas seulement sur la qualité de la marchandise vendue, mais sur la marchandise elle-même, quand nous voyons qualifier de divins des procédés punis dans tous les pays où il y a un code, loin d'accorder notre adoration au Juif qui a forgé la Lettre aux Galates, nous la réservons tout entière à l'auteur des articles qui visent le genre de délit dont il s'est rendu coupable. Car si le faux et l'usage de faux sont autorisés par Dieu en matière religieuse, s'il est permis de les attribuer à Dieu lui-même, s'il est vrai ensuite, comme le dit Pierre dans d'autres faux dont l'Église fait un usage quotidien, qu'il vaille mieux obéir à Dieu qu'aux hommes, de quel droit la loi civile condamne-t-elle ceux qui fabriquent et émettent de fausses valeurs ?

 

 

 



[1] Actes, XI, 30 et XII, 25.

[2] Sur la seconde mission de Saül à Damnas, voir le présent volume. L'auteur de la lettre compte le temps à partir de la première mission, soit 787.

[3] Le frère, c'est-à-dire le cousin, dit le Saint-Siège conformément à son système, lequel consiste pour sauver dans la mesure d'un neuvième la virginité de Marie à nier que Bar-Jehoudda ait eu six frères et deux sœurs.

[4] Cf. Le Roi des Juifs, et le présent volume, Machéron, § II, in fine.

[5] Luc, XXIV, 49.

[6] Celles qui, comme les Églises de Galatie, adorent l'auteur de l'Apocalypse, tout en attendant le Royaume temporel du Christ.

[7] Actes, XXV, 19.

[8] Je pense qu'il s'appelait Jehoudda comme son grand-père et ses deux oncles, Bar-Jehoudda et Jehoudda Toâmin. C'est pour cette cause qu'il suit les deux premiers dans leur surnom de Joannès. Personne dans la famille ne s'appelant Jochanan, on n'aurait pu lui donner ce nom qu'au mépris de tous les usages.

[9] Quatrième Évangile, XXI, 22.

[10] Actes, XV, 6.

[11] Actes, IV, 36.

[12] Nullement, mais pour un motif essentiellement politique, le châtiment de Shehimon et de Jacob.

[13] Les païens haut placés avec lesquels par son origine royale et par ses missions antiapostoliques Saül s'est trouvé en contact : à savoir, après Pilatus, Sergius Paulus, gouverneur de Chypre Gallion, proconsul d'Achaïe, Tyrannus, gouverneur d'Ephèse, Félix et Festus, procurateurs de Judée, Cestius Gallus, proconsul de Syrie, Néron lui-même.

[14] Il y a déjà des Voyages de Saül. C'est par là qu'on a commencé.

[15] Comme fit Nicolas d'Antioche pour être reconnu prosélyte, et comme Titus y aurait été forcé, s'il eût voulu être admis au salut tel que l'entendaient Bar-Jehoudda et ses frères. L'auteur insinue que, déjà de leur temps, on pouvait échapper à la circoncision quand on était accompagné de Saül et d'un proconsul.

[16] Malgré l'espionnage organisé contre eux par quelques faux frères, ces paladins de la liberté n'ont pas voulu se plier aux ordonnances édictées par la secte de Jehoudda. Dans la thèse de l'auteur, la Cène affranchit désormais de la circoncision.

[17] Cet autrefois date de si longtemps ! Ceux qui sont morts sont morts, ne troublons point leur cendre.

[18] C'est la nouvelle doctrine, si peu semblable à celle du roi des Juifs ! Les Actes (X, 34) la mettront textuellement dans la bouche de Pierre chez Cornélius.

[19] Ils ne le baptisèrent ni ne lui imposèrent les mains, Saül ne leur doit rien, n'a rien reçu d'eux.

[20] Shehimon est mort dans l'Évangile de la Circoncision, c'est-à-dire dans la secte fondée par son père.

[21] Le Verbe de Dieu qui a révélé l'Évangile de la Circoncision a fait la même grâce à l'auteur de la Lettre pour celui de l'incirconcision. A Apocalypse, Apocalypse et demie.

[22] Ils ne leur imposèrent pas les mains. Un simple shake hand ! Toutefois le faussaire n'ose pas dire, qu'ils aient communié, même de cette façon, avec le proconsul d'Achaïe. C'est trop gros.

[23] Cf. Le Roi des Juifs.

[24] Luc, XIX, 8.

[25] Tel et moi.

[26] Qu'est-ce à dire ? Saül, fils d'Amalec, qui l'est d'Esaü, par conséquent sans droit à la promesse, comparé à Shehimon, fils d'Israël et fils de David ! Le faussaire se moque du monde.

[27] Où sommes-nous, grands dieux ? Et Jésus qui ne cesse de répéter par la bouche de Bar-Jehoudda : Le ciel et la terre passeront, mais la Loi ne passera point !

[28] Ah ! il eût fait beau voir que quelqu'un dit à Shehimon en 802 : Le Joannès est mort ! Et surtout un homme qui vient de traiter avec lui dans Jérusalem même ! Et cela devant Barnabas qui avait répandu dans Antioche la nouvelle que Simon de Cyrène avait été crucifié à la place du roi-christ ! C'eût été un spectacle curieux qu'un petit-neveu d'Hérode soutint à la face d'un des fils de Jehoudda Panthora (Toute-la-loi, v. le Charpentier) qu'on n'était pas justifié par les œuvres de la Loi !

[29] En effet, dit l'édition du Saint-Siège dans sa note sur le verset 11, Saint Paul avait reproché à saint Pierre de s'être retiré de la table des Gentils, dans la crainte de scandaliser les Juifs convertis ; ce qui pouvait faire croire aux Gentils qu'ils étaient obligés de se conformer à la manière de vivre des Juifs, et par là même gêner la liberté chrétienne. Mais ce reproche n'attaque nullement la suprématie du prince des apôtres ; car, dans de pareils cas, un inférieur peut et quelquefois doit avertir avec respect son supérieur ; et, comme le remarque saint Augustin, saint Pierre le souffrit avec une douceur, une humilité, une patience digne de celui à qui le Sauveur avait dit : Tu es Pierre, et sur toi je bâtirai mon Église.

[30] Observation : l'Anticelse n'avoue plus que ce dernier incident ait eu lieu à Antioche : de plus, c'est Jacob lui-même qui vient à Pierre, et le détourne des païens avec Barnabas. — On a donc enlevé le nom de Jacob qui était présent dans la Lettre aux Galates.

[31] De cette phrase fort obscure et différemment traduite ne peut sortir qu'un sens : selon l'auteur c'est parmi les Galates qu'a été colportée la première fable relative au roi-christ ressuscité. C'est en effet au milieu des Juifs d'Asie que s'est développée l'incontrôlable version du Joannès tiré d'affaire par le moyen de Simon de Cyrène. L'auteur semble avouer que ce fut en Galatie même. Celui de la première Lettre de Pierre (I, I) nomme le Pont avant la Galatie ensuite la Cappadoce, l'Asie (province d'Ephèse) et la Bithynie.

[32] Bar-Jehoudda dans sa généalogie par son père, (Mathieu, I, 1) est dit fils de David et fils d'Abraham. De même dans sa généalogie par sa mère (Luc, III, 34).

[33] Le rejeton de David, Apocalypse, V, 5, XXII, 10. Cf. Le Roi des Juifs.

[34] On se rappelle que, dans la théorie de Jehoudda, la femme ne pouvait être sauvée que par le réaccouplement à l'homme. (Cf. Le Charpentier) L'auteur de la Lettre la délivre de cette sujétion.

[35] L'année jubilaire 739, la dernière avant le Renouvellement du monde. Cf. Le Charpentier.

[36] Le malheureux ! Dans le système de Bar-Jehoudda et de sa mère, la femme elle-même ne peut être sauvée qu'à la condition de rentrer dans l'homme ! Cf. Le Charpentier.

[37] Sur la croix : Mon père, pourquoi m'avez-vous abandonné ? Ou peut-être : Abba, père, toutes choses vous sont possibles. Marc, XIV, 36.

[38] L'auteur veut parler des apôtres de la maison de David, notamment de Joannès, Shehimon et Jacob à qui les christiens obéissaient comme à des dieux, les adorant, baisant leurs vêtements, se jetant à leurs pieds, comme il est dit dans l'Apocalypse, dans les Évangiles, dans les Actes même où l'on volt un officier romain, le centurion Cornélius, adorer Pierre selon la mode juive. Comment les Galates, qui sont de ceux-là, adoreront-ils l'évêque de Rome, cet intrus ? Domestiqués à Rome, les trois grands fils du Zibdeos sont en Asie des concurrents redoutables.

[39] IV, 25, de la Lettre.

[40] L'auteur veut faire croire non aux Galates, il ne s'adresse à eux que pour la forme, mais aux Romains, qu'en son temps Saül, en dépit de sa chair hérodienne et de son oreille coupée, a réellement prêché en Galatie le salut par la Cène.

[41] Ismaël, fils d'Agar, et père de la race arabe.

[42] Isaac, fils de Sara.

[43] Je suis la traduction du Saint-Siège.

[44] Lévitique, XIV, 18. Par prochain le Lévitique entend le Juif. Pour Jésus selon Bar-Jehoudda, le prochain finit où le païen commence. Il a fallu des peines énormes pour lui faire admettre le Samaritain, même bon.

[45] Mais si ! Et publiquement !

[46] Ceci n'est rien, on verra le régime d'excommunication institué dans les Lettres de Joannès contre tout étranger à la jehouddolâtrie.

[47] Encore cette oreille ! Mais, mon ami, on ne te l'a donc pas encore remise ?

[48] IV, 24, 25.