LE MENSONGE CHRÉTIEN - (JÉSUS-CHRIST N'A PAS EXISTÉ)

 

TOME II. — LE ROI DES JUIFS

III. — LE PRÉTENDANT.

 

 

I. — CHRONOLOGIE ÉVANGÉLIQUE.

 

Pour n'être qu'une suite de paraboles reliées par un semblant d'action, l'Évangile[1] n'en est pas moins une notation en raccourci de la prédication de Bar-Jehoudda, pendant ses onze dernières années. Bar-Jehoudda laisse le désert aux sauterelles, rentre dans les tétrarchies hérodiennes, et là, émerveillant les villages par ses prodiges, échappant aux embûches que les hérodiens et les saducéens lui dressent sur son passage, il porte sa doctrine jusque dans le Temple où il se couvre à la fois de scandale et de gloire. Cela dure soit onze ans, soit six mois, selon qu'on s'adresse au Quatrième Évangile ou aux trois Synoptisés.

Dans l'Evangile, le Joannès ne met pas une seule fois les pieds au Temple. Il est censé habiter le désert et baptiser au Jourdain. Il ne monte à Jérusalem pour aucune fête, il ne va même pas à la Pâque, tandis que le jésus et ses compagnons n'en manquent pas une, profondément attachés qu'ils sont à la Loi rituelle. Sur ces apparences, on trouve beaucoup moins de judaïsme aigu dans le Joannès que dans le jésus. On peut même être tenté — je le fus — de croire que le Joannès et ses partisans ont brisé avec le Temple et remplacé les sacrifices par le pain rompu et partagé. Mais quand on sait que, comme homme, Jésus est synonyme de Joannès et que Joannès n'est que le pseudonyme apocalyptique de Bar-Jehoudda, on sait du même coup que c'est Bar-Jehoudda qui monte à Jérusalem pour toutes les fêtes d'institution mosaïque et autres : les Phurim[2], la Pâque, les Tabernacles et la Dédicace. Et Josèphe nous dit que, dans son malheur, la Judée eut la consolation de voir la loi des sacrifices observée sans défection jusqu'à la chute. Il vaut mieux pour vous, disait Bar-Jehoudda, que vous entriez dans la vie n'ayant qu'une main, que d'en avoir deux et d'aller en enfer, où le ver qui les ronge ne meurt point, et où le feu ne s'éteint jamais. Car tous doivent être salés par le feu, comme toute victime doit être salée avec le sel. Le sel (des sacrifices) est bon ; mais si le sel devient fade, avec quoi l'assaisonnerez-vous (elle, la victime) ?

 

Alors que dans les Synoptisés le jésus ne débute qu'au Jourdain et six mois avant les azymes de 789 où il fut crucifié, dans le Quatrième Évangile il débute onze ans auparavant, à Jérusalem, en Judée et en Samarie. Cet Évangile entre de plain-pied dans la carrière du jésus, en supprimant tout ce qui touche à ses origines, à sa famille, à sa naissance, à sa descendance davidique : le nœud se serre à Jérusalem, lors de la fête des Sorts de 777 et de la pâque de 785 où le préteur du Christ renverse les étalages des boutiquiers Ie s tables des changeurs.

Entre la pâque de 785 et celle de sa crucifixion, il y en a bien une aux approches de laquelle se place l'allégorie de la Multiplication des pains dans le Quatrième Évangile ; mais à cette pâque-là, 788, Bar-Jehoudda ne monta pas à Jérusalem où déjà les Juifs de Judée cherchaient à le tuer.

Pourquoi, après avoir volontairement omis les Sorts de 777, les Synoptisés suppriment-ils tout ce qui s'est passé depuis 785 jusqu'aux azymes de 789 ? Parce qu'ils ne peuvent pas avouer que le Joannès-jésus fut jeté dans la prison du Temple par le sanhédrin avant de l'être par Pilatus dans la tour Antonia, prison romaine ; et fouetté par les sergents juifs avant de l'être, si toutefois il le fut, par les soldats de Pilatus. Ils ne veulent pas avouer qu'il y eut contre lui deux commencements de lapidation avant sa mise en croix, et que Jacob junior, son frère, et Eléazar, son beau-frère, furent martyrs avant lui.

Les Synoptisés sont d'accord pour supprimer les Négociations avec la Samarie, qui sont de 785, ainsi que la fête des tabernacles et celle de la Dédicace qui sont de 787, tandis que, de son côté, le Quatrième Évangile supprime la Journée des Porcs[3] et le voyage à Sidon avec retour au lac de Génézareth par la Décapole, qui sont de 788 ; il y a un trou d'une année — la proto-jubilaire — dans cet Évangile où l'on ne retrouve Bar-Jehoudda qu'à son Sacre, en février 788. Ce trou, on peut le combler par les divers événements rapportés dans les Synoptisés, depuis la Journée des Porcs (été de 788) jusqu'à la crucifixion qui suivit le Sacre d'assez près. Il est impossible d'admettre qu'après cette Journée Bar-Jehoudda se soit risqué dans Jérusalem. Il ne pouvait plus s'y produire depuis la Dédicace de 787 où il avait failli être lapidé pour tout de bon. Et déjà, aux Tabernacles précédents, il avait été arrêté et fouetté : cet épisode n'est plus que dans le Quatrième Evangile où il se réduit à l'arrestation ; pour trouver la fustigation, il faut ouvrir les Actes des Apôtres.

 

Mais on ne peut les ouvrir avec fruit qu'à la condition de savoir que tous les événements dont il y est question ont été d'abord dénaturés, puis placés après la crucifixion du Jésus, alors qu'ils lui sont antérieurs, et que le jésus lui-même y figure encore sous son nom apocalyptique de Joannès. En un mot, si l'on examine attentivement le système adopté pour toutes ces impostures, on voit qu'elles ont pour but d'effacer l'identité du Joannès de l'Apocalypse et du Joannès-jésus et celle de ces deux masques avec le personnage dont les histoires juives parlaient sous son vrai nom de Bar-Jehoudda comme ayant fini sur la croix après avoir agité le pays pendant onze ans.

 

II. — DÉCLARATION DE CANDIDATURE (777).

 

C'est en 777 qu'il monta faire sa déclaration de candidature aux habitants de Jérusalem. Quoiqu'ils connussent l'astrologie réduite aux douze signes et aux sept planètes, ils étaient peu capables de saisir les finesses de ces morceaux précieux qui s'appellent Apocalypses. Ils étaient plus sensibles à des cris assaisonnés de gestes. Bar-Jehoudda poussa son premier cri, esquissa son premier geste à la fête des Juifs[4] qui répond, je crois, aux Phurim et dont nous avons élucidé le sens occulte dans le Charpentier ; c'est-à-dire le renversement des Sorts chaldéens et la conversion des Poissons en signe favorable aux Juifs. Sur ce qui s'est passé là nous n'avons plus que l'allégorie de la Piscine probatique de Bethsaïda, littéralement la piscine indiquée par les prophètes comme le lieu de pêche pré établi pour le troupeau davidique de Jérusalem. Il  s'agit d'une Piscine précédée de Cinq Portiques où nous voyons gisant une grande multitude de malades, d'aveugles, de boiteux, de paralytiques, attendant le mouvement des eaux, car a certains moments un ange du Seigneur descendait dans la piscine, et l'eau s'agitait. Et celui qui le premier descendait dans la piscine après le mouvement de l'eau était guéri, de quelque maladie qu'il fût affligé[5]. Oh ! la merveilleuse Piscine ! Et comme elle aurait été célèbre si elle avait eu d'aussi merveilleuses propriétés ! Que ses Cinq Portiques auraient été fréquentés ! Comment se fait-il qu'il n'en soit question nulle part ?

 

Or il y avait là un homme qui était malade depuis trente-huit ans. Lorsque le jésus le vit couché et qu'il sut qu'il était malade depuis longtemps, il lui dit : Veux-tu être guéri ? Le malade lui répondit : Maître, je n'ai personne qui, lorsque l'eau est agitée, me jette dans la piscine : car, tandis que je viens, un autre descend avant moi. Le jésus lui dit : Lève-toi, prends ton grabat et marche. Et aussitôt cet homme fut guéri, et il prit son grabat, et il marchait[6].

... Le jésus ensuite le trouva dans le Temple et lui dit : Voilà que tu es guéri ; ne pèche plus, de peur qu'il ne t'arrive quelque chose de pis[7]. Ainsi, ce miraculé n'est point un malade, c'est un pécheur ; et s'il continue à pécher, en s'attachant aux gens du Temple notamment, il lui arrivera pis que la maladie, ce sera -dans un délai prochain la première mort. Car, comme le Père a la vie en lui-même, ainsi il a donné au Fils d'avoir la vie en lui-même, et il lui a donné le pouvoir de juger parce qu'il est le Fils de l'homme. Ne vous en étonnez pas, parce que vient l'heure où tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront la voix du Fils de Dieu. Et en sortiront pour ressusciter à la vie ceux qui auront fait le bien (Jehoudda et consorts), mais ceux qui auront fait le mal (Hanan et ses pareils) pour ressusciter à leur condamnation. Voilà qui est clair : les malades, aveugles, boiteux et paralytiques réunis autour de la Piscine probatique sont malades de tout autre chose que de cécité, de claudication et de paralysie. Le miraculé notamment était malade depuis trente-huit ans, parce qu'il ne savait pas que depuis trente-huit ans il lui était né dans la maison de David un jésus baptiseur d'eau et préparateur au Baptême de feu. Rien que cela nous indique devant quelle Piscine nous sommes. Mais d'abord prenons l'avis de la Sacrée Congrégation de l'Index sans laquelle nous ne saurions faire un pas qui ne soit une chute. On croit, dit-elle par l'organe de ses exégètes ordinaires, qu'elle était appelée probatique, parce qu'on y lavait les animaux (probata) que l'on devait offrir en sacrifice dans le Temple de Salomon. Elle est située au nord-ouest de la Porte d'entrée de l'église actuelle de Sainte-Anne, non loin de la porte Saint-Étienne, dans la partie nord-est de Jérusalem. Cette piscine porte aujourd'hui le nom de Birket Israil. Elle était probablement alimentée par es eaux amenées au temple au moyen d'un aqueduc es environs de Betléhem. Malgré notre respect bien connu pour tout ce qui vient de la Sacrée Congrégation de l'Index, nous ne pouvons accepter cette explication. En effet le mouvement d'eau qui fait l'admiration des Juifs et la vertu curative de la Piscine est l'œuvre d'un ange, ce qui lui donne une origine mystérieuse dont l'adduction par canaux est visiblement dépourvue. Or le réservoir où l'on cherche la Piscine probatique était alimenté par conduits, donc sans intérêt au point de vue où se plaçait Bar-Jehoudda ; son eau n'était point envoyée de Dieu.

 

La seule source de Jérusalem qui soit dans les conditions requises, c'est la fontaine de Siloë, et comme elle existe encore avec le caractère d'intermittence qu'elle avait au temps de Bar-Jehoudda, il est facile de l'identifier avec la Piscine probatique. L'erreur est d'autant moins possible qu'il n'y a pas, qu'il n'y a jamais eu d'autre source naturelle à Jérusalem ou près de la ville. Toutes les personnes qui y sont allées le Bœdeker à la main vous diront que le même ange du Seigneur descend encore dans la fontaine de Siloë et qu'il en remue les eaux deux fois par jour en été, une fois seulement en automne et jusqu'à cinq fois en hiver, après des pluies abondantes, comme il arrive notamment sous le signe des Poissons. Il y a dans la montagne un bassin relié par un siphon rocheux à la fontaine où le contenu du bassin caché se déverse d'un coup, chassé par la pression atmosphérique. Il est bien vrai comme le dit la Sacrée Congrégation de l'Index que probaton fait au pluriel probata, mais il ne désigne point les animaux qu'on immolait dans le temple sous le fils de David et de Bethsabée ; il désigne le troupeau de la bergerie que le békôr[8] de Jehoudda et de Salomé devait conduire aux riantes prairies dont il vous a donné la description sous son nom de Joannès. Je ne suis envoyé que pour les brebis perdues d'Israël, disait-il — et non pour ces ignobles goym que je paîtrai avec ma verge de fer sur un sol où il n'y aura point d'herbe — : c'est moi qui suis jésus, berger de ce troupeau. La christophanie le répète-t-elle assez ? Quant aux Cinq Portiques, vous saurez qu'il n'en existe nulle part de semblables, attendu qu'ils sont composés de mille colonnes (années) chacun ; mais toute leur valeur est qu'ils précèdent le Sixième Portique, celui des Poisons, seuil millénaire du Royaume de Dieu.

Vous avez immédiatement reconnu dans les Cinq Portiques les Cinq Cycles de mille ans, Balance, Scorpion, Sagittaire, Capricorne et Verseau, par lesquels es Juifs ont dû passer pour aborder au Royaume du Christ, et dans les cinq agitations quotidiennes de l'eau les cinq avertissements de Dieu. Ces Cinq Portiques ont été aussi mauvais pour les Juifs de Jérusalem que les Cinq époux de la Samaritaine dont il sera question tout à l'heure et les Cinq pains d'orge que nous verrons dans la Multiplication des pains. C'est, sous trois formes, la même image du Thème du Monde et de l'Horoscope des Juifs ; ce sont les Cinq Cycles de Satan auxquels Iahvé va opposer enfin le Cycle de grâce, le Sixième Portique ou Cycle du Zib. Le salut est dans l'eau, a dit autrefois le Zibdeos, et c'est à qui doit lutter pour être jeté le premier dans la Piscine de la bergerie dont le fils de David a la garde de par Dieu.

Vous remarquerez que Bar-Jehoudda ne baptise point la fontaine de Siloë ; il se borne à y réunir son troupeau de fidèles : c'est la vieille fontaine royale qui donnait de l'eau à la partie basse de Jérusalem dite la Ville de David[9]. Mais pendant son septennat il viendra baptiser dans la piscine de Siloé située un peu plus bas et qui était comprise dans l'ancienne enceinte au temps des rois ; elle est alimentée par la source probatique. Des fouilles récentes ont mis à jour des bains qui semblent dater d'Hérode et dont l'origine remonte peut-être à David ou à Salomon, puisque Bar-Jehoudda les revendique pour y pêcher ses poissons de Jérusalem. A la fontaine Bar-Jehoudda lève un partisan ; à la piscine Jésus rend la vue à un aveugle-né. Dans le premier cas, c'est l'homme qui a agi ; dans le second, c'est le Verbe qui parle. Et il parle dans le sens où le jésus de 777 a agi ; il renvoie les Juifs aux Écritures qui leur promettent un Messie fils de David. Va, dit le Seigneur à l'aveugle, lave-toi dans la piscine de Siloé, ce qu'on interprète par Messiah (envoyé). Il s'en alla donc, se lava et revint, voyant clair[10].

Tout cela, en effet, est clair comme de l'eau de Siloë. A l'âge de trente-huit ans, Bar-Jehoudda est monté à Jérusalem où demeurait sa sœur, la femme de Cléopas, il a réuni les ouailles de la bergerie davidique et leur a annoncé qu'on entendrait bientôt parler de lui.

 

III. — L'ÉCLIPSE.

 

Tandis que les Juifs raisonnables et les politiques saducéens perdaient chaque jour davantage le sentiment de la Grande Année, les disciples, tourmentés par leur génie sinistre, fatiguaient Dieu de leurs prières pour qu'il envoyât Jésus à la date indiquée.

A chaque Pâque ils avaient attendu des signes, et parfois ils en avaient obtenu. En Asie notamment. Le Christ Jésus venait lentement, mais il venait. Grand trouble, angoisse inexprimable quand le jésus et ses frères jetaient ce cri dans les fêtes : Maran atha, le Seigneur vient, — Maran etha, que le Seigneur  vienne ![11]

Quelle importance ont les signes exceptionnels survenant au milieu d'une prédication pareille ! Le plus symptomatique de tous, c'est l'éclipse, le soleil ou la lune se voilant la face, s'obscurcissant comme pour acquiescer aux prophéties. Pour Joël, un des vieux prophètes favoris de la secte, c'est un indice de la fin des temps. Le jésus eut toutes les chances : il avait obtenu de Dieu un tremblement de terre en 771 ; vers 785, il lui arracha une éclipse de soleil. Homme approuvé de Dieu, dit son beau-frère Cléopas dans Luc !

Le jour venait enfin où le Joannès des Juifs se trouvait, par le décret d'Iahvé dans la même situation que le Joannès des Egyptiens, à la peau de poisson près. Ô bienheureux temps où les éclipses conduisaient au trône ! Dans les âges fabuleux, le Joannès égyptien, envoyé d'Hermès et sachant que le soleil allait être éclipse, avait tenu ce discours au peuple : Je viens vers vous comme messager de la colère divine, car la divinité est irritée de ce que vous ne vous êtes pas rangés sous l'autorité d'un prince. Si vous ne changez pas de conduite et si vous n'établissez pas un roi au-dessus de vous, le grand Luminaire du jour s'obscurcira pour vous[12]. Les Egyptiens l'avaient chargé de chaînes, résolus, si sa prédiction ne s accomplissait pas, à le mettre à mort et, si elle se réalisait, à le faire roi. La lune étant venue se placer devant le soleil dans le temps annoncé, on avait délivré le Joannès au milieu des acclamations, on l'avait supplié d'apaiser le dieu. Le Joannès s'était laissé fléchir, et serrant les lèvres comme un possédé, murmurant quelques mots cabalistiques, il avait consenti à ce que le soleil reprit sa lumière. Le jour même il était roi. Le Joannès du Jourdain ne pouvait pas l'être avant 789, mais son éclipse était d'aussi bon poids que celle du Nil. Dans sa famille on pensa qu'elle était de lui.

 

Il semble qu'une partie, d'ailleurs très faible, des mincies qu'il avait annoncés se soit produite dans les dernières années de la procurature de Pilatus. Ce ne fut Pas, bien entendu, l'accomplissement de l'Apocalypse, mais Jésus fit d'en haut un petit signe à son prophète.

Cette éclipse qu'il avait sans doute prédite — son programme était si vaste ! — vint au secours de sa réputation menacée. Au bout d'un siècle ou deux il fut très facile aux évangélistes de dire qu'elle avait coïncidé avec l'année de sa mort et marqué la part que le ciel avait prise à ce malheur. Quant à coïncider avec l'instant précis de la crucifixion, c'est une autre affaire : je e sais ce que l'avenir nous réserve, mais on n'a pas acore vu d'éclipse de soleil pendant la pleine lune !

Phlégon, l'affranchi d'Hadrien, qui a fait la chronique des prodiges advenus jusqu'au temps d'Antonin, mentionnait une éclipse totale sous Tibère. Or comme, malgré toute son érudition, il ne parlait point de Jésus et qu'au contraire il citait l'Apocalypse[13], Phlégon a disparu de toutes les bibliothèques à partir de Théodose. Mais Julius Africanus, — dans Eusèbe — dit avoir vu l'éclipse dans Phlégon. Cela se peut bien, puisqu'il écrit quatre-vingt-dix ans après lui. Ce qui se voit beaucoup mieux que l'éclipse, c'est l'effort de l'Eglise pour l'adapter aux diverses dates qu'elle a successivement collées sur la croix de Bar-Jehoudda.

On mit d'abord dans l'Anticelse que ce phénomène était contemporain de la Passion, sans en apporter d'ailleurs la moindre preuve. On s'enhardit dans Eusèbe qui, à propos d'une lettre où on fait résoudre par Africanus la difficulté des généalogies du jésus, produit le passage où il est question de l'éclipse de soleil comme étant advenue en l'an IV de la deux cent deuxième Olympiade, et la plus grande éclipse qu'il y eût jamais eu. Il faisait nuit, dit-il, à la sixième heure (midi — encore faudrait-il savoir pourquoi Phlégon compte à la juive ?) et on vit les étoiles : un grand tremblement de terre dans la Bithynie renversa presque toute la ville de Nicée. Philoponus, qui cite également ce passage, d'après Eusèbe sans doute, dit en deux endroits que l'éclipse arriva la IIe année de la 202e Olympiade, et en deux autres endroits que ce fut la Ve, à l'encontre d'Eusèbe qui adopte la IVe. Observons que Philoponus donne cinq ans à l'Olympiade qui n'en eut jamais que quatre.

L'astronomie appelée au secours de la chronologie a, par Kepler, Hogdson, Halley et autres, décidé qu'il y avait bien eu une éclipse à Jérusalem et au Caire à l'heure d'environ midi et quelques minutes, mais que ce n'avait été ni dans la IIe, ni dans la IVe (ni dans la Ve année !) de la 202e Olympiade, mais bien dans la Ire. Tracas fort inutile, puisque, même en admettant deux éclipses à quatre années d'intervalle, Phlégon n'établissait aucune relation de cause à effet entre le phénomène dont il parlait et la crucifixion de Bar-Jehoudda dont cependant il connaissait l'Apocalypse. Mais j'ai honte vraiment d'alléguer l'autorité de chroniqueurs du second siècle comme Phlégon, et de savants modernes comme Halley, Hogdson et Kepler, lorsque nous possédons la relation ecclésiastique de l'éclipse advenue pendant que le jésus était en croix. La foi étant au-dessus de l'histoire et de la science, nous ne devons créance qu'à Denys l'Aréopagite. Le 14 nisan 789, a trois heures de l'après-midi, au moment précis où l'éclipse a lieu dans l'Évangile, Denys l'Aréopagite qui voyageait en automobile avec son ami le sophiste Apollophane, arrivait à Héliopolis de Phrygie, la ville du Soleil, et là ils étaient tous deux spectateurs d'un oracle tel que Denys, depuis canonisé pour sa véracité, croyait devoir envoyer à ses collègues d'Athènes une carte postale dont le texte nous est parvenu[14]. Denys et Apollophane virent distinctement la pleine lune qui, sans aucun souci de son état gravide et témoignant autant de respect pour l'Évangile que de mépris pour les lois astronomiques, venait se placer sous le soleil à midi, restait là jusqu'à trois heures, et retournait ensuite vers l'Orient, au point d'opposition où elle ne peut se trouver que quatorze jours après. En foi de quoi Denys l'Aréopagite signait ce que dessus avec le sophiste Apollophane.

 

IV. — LA PÂQUE DE 785[15].

 

Les pharisiens, quoi que disent les Évangélistes, n'en voulaient point à la vie de Bar-Jehoudda. On a beau le représenter comme évitant de circuler en Judée, car les Juifs cherchaient à le tuer[16], si les Hiérosolymites avaient eu un pareil dessein avant 788, ils n'avaient qu'à étendre la main pendant les fêtes. Il est vrai qu'il n'était jamais plus fort qu'aux fêtes.

Quand tout le poisson frétillait à Jérusalem, Bar-Jehoudda et ses frères, laissant leurs filets symboliques sécher sur les bords du Jourdain et du lac de Génézareth, montaient pêcher dans la Ville Sainte. Ce jour-là, Bethsaïda ou Kapharnahum ne pouvait plus être capitale. La Grande Église était à Jérusalem. Après les sacrifices et les offrandes, les vœux de naziréat accomplis, on se réunissait en des Agapes dont les fidèles faisaient tous les frais. On courait les synagogues des Affranchis où se réunissaient les Juifs de Rome et quelques prosélytes, celles des Hellénistes, des Cyrénéens, des Alexandrins, des Ciliciens et des Asiatiques et là on débitait de furieuses apocalypses.

Le rendez-vous était sous le Portique de Salomon qui terminait l'enceinte du Temple vers l'Orient d'où Jésus devait venir. On y parlait de la Consolation d'Israël, de ce que la Loi- défendait aux Croyants et surtout de-ce qu'elle permettait contre les infidèles. On était Juif physiquement et métaphysiquement, avec délices. La bourgeoisie pharisienne, bardée d'inscriptions et de phylactères, redoutait ces rebouteurs dont le pouvoir Maléfique était le seul qu'on ne contestât point. Aucun il osait leur chercher querelle, car s'ils chassaient les esprits impurs, ne les déchaînaient-ils point aussi ? Quelques Hiérosolymites, hommes, femmes, enfants, tournaient autour d'eux, aboyant à la santé. Les habitants des villages voisins venaient, et quand par hasard on en soulageait un, ils remportaient une foi qui tenait du miracle. On en vint à disposer les malades dans les rues, sur des grabats, de manière que l'opérateur, rien qu'en passant devant eux, les effleurât de son ombre et les touchât de sa grâce[17].

 

Pendant les pâques surtout on se sentait fort de la cohue, fier de la Loi qui ces jours-là tirait du coude à  coude une cohésion irrésistible. Kaïaphas était bien grand-prêtre à midi de par Pilatus, mais le serait-il encore au coucher du soleil ?

Ce qui caractérise la folie christienne, c'est une impitoyable logique dans son objet. Jérusalem étant le seul endroit du monde où les Juifs pussent être sauvés[18], Bar-Jehoudda leur commandait de quitter la nation où ils étaient répandus, de revenir au centre de la croix et d'apporter leur argent à ceux qui défendaient le Christ. Croisade, en un mot, et tribut : être là pour la Grande Pâque. Le mouvement partait bien de Jérusalem, mais pour y revenir toujours. Sur les deux voisins de Bar-Jehoudda crucifié, l'un était de Cyrène ; il avait cru, il était venu.

La pâque que veut Bar-Jehoudda, c'est l'Internationale juive. Petit à petit les prêtres avaient monopolisé le sacrifice, retiré le droit de tuer aux chefs de famille et à leurs fils aînés. L'ordre y gagnait certainement, mais le fanatisme y perdait. Moïse avait ordonné qu'à la pâque tout le peuple lût prêtre en ce qui touche l'agneau, et que chacun en fit le sacrifice soi-même, sans le concours des lévites comme pour les autres victimes. Des aristocrates comme Philon le reconnaissent[19]. D'autre part, la Loi interdit formellement de tuer hors de la maison de Dieu et là où est son nom[20] ; il s'ensuit que selon Bar-Jehoudda le Temple, ce jour-là, était au peuple. L'unité des fils d'Israël dans l'ancienne pâque rétablie, et point d'étrangers dans la Cour du Temple ! La Pâque est dite ainsi dans la langue hébraïque de ce que les particuliers assemblés sacrifient sans les prêtres, selon la Loi qui leur permet de vaquer eux-mêmes au sacrifice chaque année dans l'unique jour à ce destiné[21].

 

C'avait été tout le programme religieux des Zélotes qui s'étaient emparés du Temple à la mort d'Hérode, pour y célébrer ce que Josèphe, pharisien méticuleux et grand-prêtre manqué, appelle dédaigneusement leurs sacrifices. Ce fut tout le programme de Bar-Jehoudda, il n'en eut jamais d'autre, il ne vit jamais plus loin que le bout du nez de l'agneau mené à l'autel et égorgé des mains de chacun Juif. Le zèle de ta maison me dévore, dit-il[22]. Il émettait certainement la prétention d'entrer dans le Temple avec des chaussures et des bâtons. Les Evangiles sont pleins de recommandations là-dessus et les christiens de Ménahem les ont suivies en 819. Pour le reste on s'entendait avec le Temple, on ne lui refusait rien, ni les décimes, ni les prémices, ni les honneurs. On n'en voulait pas aux lévites. Jehoudda et ses fils étaient de la tribu de Lévi, ils tinrent jusqu'au b out pour ses privilèges.

Je ne doute pas que le jésus n'ait fait à la pâque de 785 l'esclandre que l'on dit, en bousculant les étalagistes. Personne toutefois ne renversa les boutiques stables placées à gauche et à droite de la porte orientale du Temple, sous le Portique de Salomon, la seule partie qui restât de l'ancien édifice. On y vendait le vin, l'huile, le sel, la farine et les autres choses nécessaires aux sacrifices.

 

Comme pêcheur d'hommes, Shehimon valait presque Bar-Jehoudda. Lui non plus n'était pas un apôtre pour vieilles demoiselles et qui a l'air de sortir de chez l'ondulateur. Il tenait comme personne l'article de pêche, chassait les démons, quand ils s'y prêtaient, guérissait les paralytiques, quand ils étaient curables, rendait la vue aux gens, quand ils n'étaient pas aveugles, et les ressuscitait quand ils n'étaient pas morts. Il tirait ces facultés du même fond magnétique et charlatanesque Juif, profondément, irrémédiablement Juif, il voulait que son art ne profitât qu'à ceux de sa race et le refusait à tout être humain qui ne se recommandait pas d'une des douze tribus anciennes. Comme son grand frère, il n'était envoyé que pour les brebis perdues d'Israël.

On attribue indifféremment le même miracle à Shehimon et au Joannès-jésus. Ils sont ensemble lorsqu'ils font marcher le boiteux assis près de la Belle porte du Temple, mais alors que, dans l'Evangile — car ce miracle est une épave d'Evangile — c'est le jésus lui-même qui opère, dans les Actes des Apôtres c'est Shehimon qui de sa poigne solide met le boiteux debout au nom du Christ Jésus[23]. Disons-le tout de suite : ce boiteux était des plus ingambes, il ne boitait que du cerveau[24]. Il se tient devant la porte hérodienne du nouveau Temple, la porte qui, malgré toute sa magnificence, était la fausse porte. Qu'il mendie, Shehimon ne lui donnera rien. Mais qu'il consente à guérir de l'infirmité qui le met sur un si mauvais pied ; qu il reconnaisse son erreur en entrant dans le Temple Par la porte orientale au bras des deux frères, et il jouira prochainement de tous les bienfaits du Royaume. Ce n'est pas à la porte du Sud qu'on se tient, mon ami, quand on attend le Christ d'Israël, c'est à celle de l'Orient, là où était jadis le portique de Salomon. Vas-y et embrasse tes libérateurs ! Tu sais maintenant tout ce qu'il faut savoir !

 

Le peuple les suit jusqu'au Portique de Salomon, le boiteux les tenant par la main. Dans l'ombre du soir, ils parlent du Royaume futur avec une telle animation que les prêtres, le stratège du Temple et les saducéens surviennent, les arrêtent et les jettent en prison tous trois. Le lendemain, les magistrats anciens, les scribes, Hanan, Kaïaphas, Jochanan[25] les font comparaître devant eux. Shehimon, dit-on, confesse la foi au nom de tous : ce n'est pas lui, mais le Christ Jésus qui a guéri le boiteux, cause du tumulte de la veille.

Comme le fait de tenir un boiteux par la main n'est point un délit, et que dans les Actes nous venons de voir des milliers de malades guéris ou baptisés en une seule journée[26], il faut bien admettre que si on conduit les deux frères en prison et devant le sanhédrin, c'est pour avoir annoncé au boiteux un Royaume où les Kaïaphas, les Hanan et les Jochanan devaient occuper peu de place. Et, en effet, ce qu'ils commençaient à prêcher au peuple, c'est l'accomplissement imminent de l'Apocalypse paternelle conjuguée avec la leur et, pour le début, la destruction du Temple hérodien.

Les Actes qui, vous le savez, ont la prétention de succéder à l'Évangile, font dire à Shehimon devant le sanhédrin qu'il a vu le Jésus ressuscité, vivant malgré le crime des Juifs ! C'est qu'au moment où le scribe compose, Shehimon s'appelle depuis longtemps Pierre et que ce nom oblige. Mais Shehimon n'a jamais rien déclaré de pareil à aucun sanhédrin, par la bonne raison que le futur ressuscité comparait avec lui comme auteur principal du trouble de la veille. Il y a une délibération à laquelle ni le claudicant ni eux n'assistent. C'est dire qu'on résolut de les relâcher sans jugement. Cette arrestation est le premier avertissement du Temple aux fils de Jehoudda. Simple mise au poste suivie d'une admonestation. Ne recommencer pas. La prochaine fois, ce sera le fouet !

 

On a remarqué que les Actes donnaient à Hanan le titre de grand-prêtre qui appartenait à son gendre Kaïaphas. Et on en a tiré la preuve que cet écrit a été composé fort longtemps après les événements, par des gens qui n'en avaient pas été témoins et sur les dires d'autres gens qui, eux-mêmes, n'y avaient point, assisté.

Sans doute, et rien n'est mieux établi. Mais ce n'est pas le mot grand-prêtre qui doit frapper l'observateur, puisque Hanan l'avait été ; c'est le mot Alexandre que nous rencontrons ici.

Sous Tibère, on ne connaît d'autre Alexandre que l'alabarque des Juifs d'Alexandrie, frère de Philon, et qui n'eut jamais la moindre occasion de siéger au sanhédrin pour y juger les fils de Jehoudda. En revanche on connaît beaucoup Tibère Alexandre, fils de l'alabarque et procurateur de Claude en Judée entre 799 et 802. On le connaît d'autant mieux qu'en cette année 802 Shehimon dit Pierre par les Actes et Jacob senior dit Jacques frère du Joannès par ces mêmes Actes, ont comparu tous deux devant Tibère Alexandre qui les fit crucifier exactement comme Pilatus va faire crucifier leur frère aîné. Le nom Alexandre appartient donc bien à l'histoire des fils de Jehoudda, mais il n'y entre que seize ans après le premier emprisonnement du Joannès-jésus et de Shehimon ; le scribe des Actes l'a fait passer du troisième et dernier emprisonnement de Pierre dans le premier[27]. La crucifixion de Shehimon et de Jacob, fils de Jehoudda, par Tibère Alexandre étant tout au long dans les Antiquités de Josèphe, l'Église ne pouvait laisser le nom d'Alexandre mêlé à l'emprisonnement de Pierre et de Jacques sans reconnaître en même temps que ce Pierre et ce Jacques, frère du Joannès, étaient le Shehimon et le Jacob de Josèphe, et que ce Joannès était frère de Shehimon non moins que de Jacob. C'eût été dénoncer toute la fourberie évangélique.

Aussi ne s'est-on pas borné à transposer de seize ans le nom d'Alexandre ; on a fait mourir Jacques par le glaive sous Agrippa Ier, roi de Judée, cinq ans avant sa crucifixion, et on a fait évader Pierre qui, dans les Actes, ne meurt d'aucune façon, car on le met de côté pour l'envoyer rejoindre Paul à Rome où l'Église les tuera tous les deux sous Néron[28]. Mais laissons cette collection d'impostures et revenons devant la vitrine où sont rangés en bel ordre les mensonges appartenant au règne de Tibère.

 

V. — LE PRÉTENDANT A AIN DE SALEM, PRÉS BETLÉHEM.

 

Après son exploit contre les étalagistes et les changeurs, Bar-Jehoudda s'en alla baptiser à Ain de Salem, dans la tribu de Juda. Ce sont proprement les sources qui alimentent les Vasques de Salomon et Salem (Jérusalem), à une petite heure de Betléhem, et que les Arabes appellent encore aujourd'hui Ain Salih.

Il y fit un séjour assez prolongé : Le jésus vint avec ses disciples dans la terre de Juda, et il y demeurait avec eux et il baptisait. Or Joannès aussi baptisait à Ennon, près de Salim, parce qu'il y avait là beaucoup d'eau, et on y venait et on y était baptisé. Car Joannès n'avait pas encore été mis en prison. Mais je m'aperçois que je n'ai pas encore consulté la Sacrée Congrégation de l'Index sur la topographie d'Ain de Salem que les anciens copistes ont écrit Ennon et Salim, ce qui n'en modifie pas l'emplacement. Réparons cette omission : Ænon, dit saint Jérôme après Eusèbe, est un endroit qu'on montre encore aujourd'hui à huit milles de Scythopolis, au sud, près de Salim et du Jourdain. Salim, que l'évangéliste mentionne pour fixer la situation d'Ennon est malheureusement inconnu. On a trouvé un Salim à l'est et non loin de Naplouse (Samarie), et il y a là deux sources très abondantes. On a découvert un ouadi Selam ou Seleim, au nord-est de Jérusalem, à environ deux lieues, près de l'ouadi Farah, où les sources abondent.

Ici encore nous avons le regret de rompre avec le Saint-Siège. Ainon étant de la tribu de Juda ne peut être à huit milles de Scythopolis et personne n'en a jamais entendu parler comme étant voisin de l'ouadi Selam. Au contraire, Ben-Sotada, prétendant à la succession de David et descendant de Salomon, fils de l'adultère Bethsabée, Ben-Sotada[29] a le devoir étroit de parcourir la tribu de Juda pour y poser sa candidature en offrant le baptême comme prime d'engagement. Il est à l'Ain de Salem par la même raison qu'à l'Ain de Siloë. Et c'est une centième preuve qu'en dépit des ruses du scribe, le Joannès et le jésus de l'Évangile ne font qu'un avec le Ben-Sotada du Talmud. Toutefois, et puisque nous tenons Bar-Jehoudda sur le théâtre de ses baptêmes aux environs de Betléhem, il n'est pas mauvais de montrer, par la suite de la citation, combien est indécente à force de sottise l'imposture qui met en présence, à la même date, autour de la même source et des mêmes disciples, les deux personnages que l'Église a tirés du même individu. Or, il s'éleva une question entre les disciples du Joannès et les Juifs, touchant la purification. Notez que s'il y avait, eu deux baptiseurs en rivalité, Joannès et Jésus, la querelle serait entre les partisans de l'un et ceux de l'autre. Mais elle est entre les Juifs orthodoxes et les disciples survivants de Tunique baptiseur qui ait paru en Judée sous Tibère. Et ce que contestent à bon droit ces Juifs (du second siècle au moins), c'est la validité du baptême d'eau qu'a laissé le Joannès : il se peut que le baptême d'eau soit une forme de purification comme une autre, mais il ne confère pas la rémission des péchés, comme le disait cet imposteur, et comme les Marchands de Christ le soutiennent à leur tour. Voilà la thèse des Juifs et elle est d'autant plus fondée que, le Baptiseur de feu n'étant pas venu, Bar-Jehoudda s'est trouvé tout à fait au-dessous de ses folles prétentions. Voici comment l'Église par l'organe de l'évangéliste répond non aux Juifs qui, eux, savent à quoi s'en tenir, mais aux païens réfractaires :

 

Et (les Juifs) étant venus vers Joannès, lui dirent : Rabbi[30], celui qui était avec vous au delà du Jourdain, et a qui vous avez rendu témoignage, baptise maintenant, el tout le monde va à lui.

Joannès répondit et dit : L'homme ne peut rien recevoir, s'il ne lui a été donné du ciel.

Vous m'êtes témoins vous-mêmes, que j'ai dit : Ce n'est pas moi qui suis le Christ, mais j'ai été envoyé devant lui.

Celui qui a l'épouse est l'Époux ; mais l'ami de l'Époux, qui est présent et l'écoute, se réjouit de joie, à cause de la voix de l'épouse. Ma joie est donc maintenant à son comble.

Il faut qu'Il croisse et que je diminue.

Celui qui vient d'en haut est au-dessus de tous[31]. Celui qui est sorti de la terre est de la terre et parle de la terre[32]. Ainsi celui qui vient du ciel est au-dessus de tous.

Et il témoigne de ce qu'il a vu et entendu, et personne ne reçoit son témoignage.

Celui qui a reçu son témoignage, a attesté que Dieu est véritable.

Car celui que Dieu a envoyé dit les paroles de Dieu, parce que ce n'est pas avec mesure que Dieu lui donne son esprit.

Le Père aime le Fils, et il a tout remis entre ses mains.

Qui croit au Fils a la vie éternelle ; mais qui ne croit point au Fils ne verra point la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui[33].

Lors donc que Jésus sut que les pharisiens avaient appris qu'il faisait plus de disciples et baptisait plus que Joannès,

Quoique. Jésus ne baptisât point, mais ses disciples[34] —,

Il quitta la Judée, et s'en alla de nouveau en Galilée[35].

 

Dans cet Evangile c'est la dernière fois que Bar-Jehoudda apparaisse comme Joannès. A partir de ce moment, il est absorbé sous le nom de Jésus par la christophanie. Au moins ne meurt-il pas décapité comme dans les Synoptisés, particulièrement Marc et Mathieu. Sans lui couper la tête on cesse simplement de l'appeler Joannès ; il ne disparaît que de cette façon. C'est beaucoup plus tard qu'on a employé les grands moyens.

 

VI. — NÉGOCIATIONS AVEC LA SAMARIE.

 

D'Ain de Salem où il se sentait surveillé par les hérodiens, il vint en Samarie près de Sichar que le Quatrième Évangile appelle Suchar[36], Ville du mensonge, nom que mérite, hélas ! tout l'Evangile, particulièrement à cet endroit. Le jésus a baptisé en Judée d'où, chassé, il est venu baptiser chez les Samaritains.

Vous avez pu juger de l'imposture fabriquée pour faire croire à l'existence simultanée du Joannès et de Jésus : apprenant le succès de Jésus qui baptise en Judée — toutefois, ajoute l'évangéliste dans un remords de conscience, il ne baptisait pas lui-même (le fait est qu on n'a jamais pu trouver personne qui eût été baptisé par Jésus), ce sont ses disciples qui le faisaient — le Joannès n'en montre aucun dépit. Au contraire il approuve tous ceux qui le délaissent pour Jésus, au point qu'il les menace de la mort éternelle s'ils ne se bâtent point. Alors pourquoi n'y va-t-il pas lui-même ? Pourquoi continue-t-il à baptiser d'eau, si celui qui devait le baptiser de feu est venu ?

Marc, Mathieu et Luc nous ont caché complètement les négociations et les baptêmes de Bar-Jehoudda en Samarie. Et, si on en croyait les trois Synoptisés, il se serait interdit ce territoire à lui-même, puisque selon eux Jésus défend aux disciples de mettre les Pieds dans les villes samaritaines. Selon le Quatrième Evangile, au contraire, il entre en composition avec |a Samarie dès le début de sa prédication, et selon Luc il renoue ces relations quelques jours avant d'être remis aux mains de Pilatus. Dans ces deux circonstances c'est un violateur flagrant de la consigne que Jésus donne dans Mathieu : N'allez pas dans les villes des Samaritains. Qu'est-ce que cela signifie ? Pourquoi ces villes ont-elles été exclues du salut comme les villes païennes ? Pourquoi cette rancune contre des endroits où Bar-Jehoudda n'aurait jamais pénétré ? Levons le voile : non seulement Bar-Jehoudda a traversé maintes et maintes fois le pays que Jésus met à l'index dans Mathieu et dans Marc, mais il a obsédé les Juifs purs de Samarie pour les réconcilier avec la famille de David et les lancer contre Jérusalem. Il est mort de la Samarie. Pis que cela, il y fut enterré, et il y est encore au moment où, par la plume des scribes, Jésus commande qu'on n'aille pas dans ce pays léthifère.

Or, fallait-il, dit le Quatrième Évangile, qu'il traversât la Samarie. Nullement, ce n'était pas son chemin : son chemin, c'était celui de Jérusalem à Damas qui passait sous les montagnes d'Ephraïm, longeant le Jourdain. Ce n'est point par nécessité, c'est par choix et élection qu'il traversait le cœur de la Samarie.

 

Jadis Samarie avait été capitale ; le mont Garizim rival de Sion. Aujourd'hui la ville était vouée aux démons de Rome. Depuis Hérode elle s'appelait Sébaste, en latin Augusta : un blasphème de pierre ! Une ville grecque et une ville romaine, avec des bains, des temples, un théâtre, des voies droites, tout l'appareil architectural de Césarée la Philippienne, de Tibériade l'Antipasienne, de Gérasa la porcine et de Juliade la malnommée[37]. Oh ! la pauvre Samarie avec les cinq maris qui l'avaient ou prostituée ou battue, l'Assyrien, le Cuthéen, l'Asmonéen Hircan, l'Iduméen Hérode et le Romain Tibère ! On en compterait plus de cinq si on le voulait bien. Quand aurait-elle enfin le véritable Époux, le premier et le dernier, l'Alpha et l'Oméga des Epoux ?

La Samarie avait eu les mêmes faux maris que la Judée : elle était terre sainte, elle aussi, avec ses villes de Silo, de Sichem et de Sichar, elle était fille d'Éphraïm, fils de Joseph. Son véritable Epoux, c'était donc le Christ d'Israël. Malheureusement elle tenait, avec l'ancienne Loi, qu'il n'y avait qu'un lieu où l'on dût adorer, le Garizim. Elle tenait cela contre David lui-même qu'elle accusait d'avoir sur ce point rompu avec Iahvé, volé Éphraïm, dépouillé Silo pour Sion ; et telle était la haine qu'elle en avait conçue contre la tribu de Juda que, sous Antiochus Épiphane, elle avait accepté sans répugnance le culte de Jupiter Hospitalier. Bar-Jehoudda ne méconnaissait point les titres d'Éphraïm : dans le Principe l'arche sainte, le tabernacle, la pierre de la maison de Dieu avaient été à Silo, sur le Garizim. Josué, les Juges en témoignaient indiscutablement[38]. Sur le Garizim, à la fête anniversaire du Seigneur (la Pesach solaire), les enfants d'Israël, assis en face de l'Orient, avaient chanté sa louange jusqu'au soir. Le Christ s'y était affirmé hautement dans sa propre lumière, au milieu des sacrifices. Mais la fête qui avait lieu au levant de Silo ayant été reportée au couchant de Béthel, sur la route de Sichem, David avait demandé au Seigneur d abandonner ces ingrats et de s'installer face à l'orient sur la montagne de Sion. Juda déposait Éphraïm, les Rois condamnaient les Juges. Affront mortel, cause d'une division irréparable !

 

Les Samaritains ne recevaient pas les prophètes ; en quoi ils étaient mauvais Juifs, les prophètes étant des politiques insatiables de gloire. Mais les purs avaient quelque chose de jehouddique en ce qu'ils défendaient opiniâtrement le texte de la Vieille Loi. Sur le point capital du droit au sacrifice pendant la Pâque, les docteurs de Samarie étaient d'accord avec Bar-Jehoudda, Sichem avec Gamala.

Pour les Juifs de Juda les Samaritains étaient des séparatistes pires que les gentils : on ne devait ni leur parler, ni leur écrire, ni goûter de ce qui venait de leurs terres. Pour les Juifs de Samarie ceux de Juda étaient des parvenus sans vergogne : on devait refuser de les recevoir dans les maisons honnêtes. N'oublierez-vous jamais ? dit Bar-Jehoudda aux Samaritains de Sichar. Empêcherez-vous toujours le retour à l'unité, vous, Enfants de Dieu comme nous ? Continuerez-vous à affaiblir Israël en face de l'ennemi païen ? Justifierez-vous chaque jour cette parole si vraie : Tout royaume divisé contre lui-même périra ! Vous détestez les Juifs du Temple ? Pas plus que moi dont ils ont tué le père. Levez-vous contre ces Juifs latinisants, je vous amènerai ceux de Galilée et de TransJordanie. Et tous ensemble nous chasserons l'étranger après avoir emporté le Temple. La proposition vous étonne, venant d'un Juif ; mais ce Juif est sincère, puisqu'il est intéressé dans votre vengeance. Ainsi cette bonne âme pardonne aux frères de Samarie l'injustice que son père David leur a faite jadis. En politique ce fou est très sage.

Pour les décider il fit avec eux comme avec les Juifs de la Piscine aux Cinq portiques et d'Ain de Salem. Il leur débita l'Apocalypse. Les Cinq mille ans promis à la durée du Monde tirent à leur fin, le Sixième mille ou Millenium du Zib va commencer, l'Epoux de la Samarie va venir. Dans quelques mois, à la pâque de 789, avènement du Christ Jésus, avec les Douze, les Trente-six et les Cent quarante-quatre mille, et, en attendant, le fils de David chargé de la lieutenance !

Car la promesse est faite à David et, malgré toutes leurs répugnances, il faut que les Samaritains s'en accommodent, s'ils tiennent à vivre mille ans avec Jésus. Il y a là une question de fait : le christ du Christ est dans la maison de David, et il est, lui, Bar-Jehoudda, deux fois fils de David. De plus il est du sang de Moïse et d'Aaron : combinaison idéale et qui ne se retrouvera Plus. Les gens de Sichar ne perdront rien en marchant avec lui, car sur le Garizim David a enterré des vases... mais des vases... enfin des vases... dont les Samaritains lui diront des nouvelles quand il les leur fera voir. Mais s'il leur révèle dès maintenant tout ce que contiennent ces vases, où sera le charme ?

Sans doute un de ces vases était déjà célèbre pour contenir la manne tombée dans le désert sur l'ordre de Dieu pendant la nuit. Moïse l'avait recueillie[39], on avait déposée sur le Garizim et, en cherchant bien, son descendant trouverait le récipient. Mais il n'y en avait Pas qu'un, il y en avait plusieurs où sommeillaient dans un rayon d'or le miel avec lequel était fait le pain des Anges et l'huile réservée pour la grande onction messianique. Bar-Jehoudda savait où ils étaient, lui !

Les Samaritains n'auront donc pas la sottise de passer à côté du salut ; Iahvé a fait avec eux l'alliance de la circoncision, ils boivent au puits où Jacob a bu. Où trouver une boisson meilleure sinon dans l'Eden de demain ? Elle est déjà sainte par l'origine et par l'âge, que sera-ce quand le jésus lui-même aura plongé les Zélateurs de la Loi dans les sources d'Ænon, près de Salim ? Ils seront invincibles comme lui, aucun ne mourra que Jésus ne vienne.

Sur l'endroit de Samarie où Bar-Jehoudda a baptisé passe un fil que l'histoire doit enfiler à son aiguille : Ephraïm est donné comme étant le point où le Joannès cessa de circuler librement parmi les Juifs[40]. Ephraïm n'est que le nom de la tribu : le nom de lieu, c'est Ænon, Ainon (Eaux) près de Salira. On ne connaît que deux Salim dans la tribu d'Ephraïm, l'une à vingt-cinq minutes et en face de Sichar, l'autre sur les confins de la Samarie et de la Galilée, entre Ginea[41] et Megiddo[42]. Vainement, pour donner le change, l'Église dit que cet Ephraïm était situé près du désert de Judée ; la montagne d'Ephraïm est près de Sichem, et c'est la Samarie même.

 

VII. — LES CINQ ÉPOUX DE LA SAMARITAINE.

 

Seuls quelques villages autour de l'Ebal et du Garizim se laissèrent endoctriner. Le reste s'enferma dans une défiance incrédule : gent qui n'eut point d'yeux pour voir, point d'oreilles pour ouïr, point de langue pour parler, point de jambes pour marcher ; peuple aveugle, sourd, muet et paralytique, de qui Bar-Jehoudda n'a pu se faire entendre alors qu'il incarnait le Verbe millénariste. Voilà tout le portrait des Juifs dans l'Évangile. Ils n'ont pas suivi Jehoudda et ses fils, ils ont abandonné la Loi, accepté la Bête, ils ont été punis par la perte de leur indépendance et la ruine de leur patrie. Mais puisque ces temps sont déjà lointains, et qu'un peu de philosophie ne messied pas aux Juifs disposés par Titus et par Hadrien, demandons à Jésus e qu'il pense du traité d'alliance que Bar-Jehoudda proposait aux Samaritains ? Comme toujours c'est par parabole qu'il nous répondra.

Derrière Bar-Jehoudda et ses frères, Jésus apparaît près de Sichar. Sans entrer dans la ville, il s'arrête au puits de Jacob proche de la concession que Jacob donna à son fils Joseph. Voilà d'un seul mot les Samaritains admis topographiquement au Royaume. La suite dépend d'eux. Bar-Jehoudda ne partage pas les préjugés des autres Juifs contre la Samarie, il a accepté le commerce avec les Samaritains ; ses frères et lui ont fait les premiers pas vers eux, ils sont allés aux provisions dans Sichar. Tandis que Jésus est auprès du puits symbolique, une Samaritaine, qui est la Samarie elle-même sous la figure du Zachû[43], vient puiser de l'eau. Donne-moi à boire, lui dit Jésus. Elle répond : Comment, toi qui es Juif, me demandes-tu à boire à moi qui suis Samaritaine ? — car les Juifs n'ont point de commerce avec les Samaritains, ajoute le scribe pour donner toute sa valeur à la situation respective des parties. Si tu connaissais le don de Dieu (la grâce christienne, la Judée épargnée et le reste de la terre détruit) et quel est celui qui te dit : Donne-moi à boire, tu lui en demanderais toi-même, et il te donnerait de l'eau vive. Naturellement la Samaritaine insiste pour avoir des explications que Jésus brûle de fournir. — Maître, réplique la femme, tu n'as pas de seau et le puits est profond, d'où tirerais-tu l'eau vive ? Es-tu plus grand que Jacob, notre père, lequel a donné ce puits, dont lui-même a bu, ainsi que ses enfants et son bétail ? (Elle pose sa candidature éventuelle au Millenium.)Qui boit de cette eau-ci, dit Jésus, aura encore soif (c'est de l'eau du Zachû), mais qui boira de l'eau que je lui fournirai (celle du Zib) n'aura plus jamais soif, car cette eau deviendra eu lui une source d'où jaillira une vie éternelle[44]. — Seigneur, s'écrie la femme, donne-moi de cette eau, afin je n'aie plus soif et que je ne vienne plus ici en puiser !

 

Quoi ! vouloir abandonner si vite Jacob et son puits ? Le jeu de mots qui suit nous explique la promptitude de ce revirement : Va, dit Jésus, appelle ton époux et viens. (Ironie féroce. Jésus sait que la Samarie n'a pas l'époux dont il veut parler.) La Samarie répond : Je n'ai point d'époux. — Tu as bien dit, reprend Jésus : Je n'ai point d'Époux (avec une grande lettre cette fois), car tu as eu cinq époux, et celui que tu as maintenant n'est point ton époux ; en cela tu as dit vrai. — Je vois, Maître, s'écrie la Samaritaine, que tu es prophète (au sens de l'Apocalypse), car mes pères ont adoré sur cette montagne (le Garizim) et vous (Bar-Jehoudda et ses frères) dites que Jérusalem est le lieu où il faut adorer[45]. Quels sont ces six époux, dont le sixième est particulièrement illégitime ? Quelle est cette vérité dont la Samarie convient si facilement ? C’est une vérité si éclatante que la Samaritaine se déclare prête à faire le sacrifice de sa montagne sainte Pour adorer sur Sion. C'est une vérité millénariste du même ordre que la Piscine probatique, les Noces de Cana et la Multiplication des pains. Les Cinq époux de la Samarie sont comme les Cinq portiques de la piscine et les Cinq pains de la Multiplication, ce sont les Cinq cycles de mille ans que le monde a usés depuis la Création. Il est vrai qu'un sixième époux règne depuis 789, le Cycle des Poissons avec lequel la Samarie est si malheureuse ! Mais il n'est pas éternel. L’Epoux des Noces de Cana, celui qui remplit les six Cruches, peut, s'il le veut, arrêter le cours du lamentable Cycle pendant lequel Jérusalem est deux fois tombée, sous Vespasien et sous Hadrien ; il peut faire que se remplisse de vie éternelle la cruche avec laquelle la Samarie va au puits de Jacob. Bref, il peut réaliser l'Apocalypse qui a si misérablement échoué en 789 et dont il vient d'exposer l'économie sous la figure très voilée, mais très reconnaissable, des Cinq époux de la Samaritaine. Ce qui a manqué à la Judée en 789, c'est l'Époux des Noces de l'Agneau, l'Époux céleste annoncé par le jésus et remplacé par un époux terrestre encore pire, hélas ! que le Verseau.

Certes il eût mieux valu que le Royaume se réalisât sous les couleurs magnifiques dont Jehoudda et ses fils l'avaient paré dans leurs Révélations ! Mais puisqu'ils se sont trompés, puisqu'ils ont déçu l'attente des Juifs, Jésus est bien obligé de condamner la doctrine qu'ils leur ont prêché. Femme, dit Jésus — il lui parle comme il parle à Maria, sa mère selon la fable, — femme, crois-moi ; l'heure vient que vous (Juifs et Samaritains) n'adorerez le Père ni en cette montagne ni à Jérusalem ; vous vous prosternez (les uns et les autres) devant ce que vous ignorez ; nous (les gnostiques), nous nous prosternons devant ce que nous connaissons parce que le salut procède des Juifs. Mais l'heure approche, et elle est là, que les vrais hommes religieux adoreront le Père en esprit et en vérité, car le Père demande de tels adorateurs. Dieu est Esprit (ah ! mais non, il est Homme dans l'Apocalypse et son Fils de même !) et il faut que ceux qui l'adorent, le fassent en esprit et en vérité. — Plus de baptême de feu, plus de Jérusalem descendant des cieux avec les Douze Apôtres pour fondement, plus d'Eden aux douze récoltes, plus rien hélas ! de ce qu'avait prêché le jésus ! — Je sais, dit la Samarie, que le Messie (c'est-à-dire l'Oint) doit venir ; quand il sera venu, il nous révélera toutes choses. — Eh bien, reprend Jésus, je suis cela, moi qui te parle.

 

A ces mots, la Samarie court à Sichar et entraînant les habitants (elle ne ramène pas son époux de 785, elle serait obligée d'aller chercher Tibère à Caprée !) elle revient au puits : Venez voir, dit-elle, un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait, (cinq Cycles de vie depuis la Création). Celui-là ne serait-il pas le Christ ? (Pas encore, mais patience, on le fabrique.)

Voilà certainement un discours des plus curieux. C’est le discours d'un pur Valentinien qui combat le millénarisme du jésus, mais à regret. Juif, il en retient cette idée que le salut procède des Juifs, il en sauve Cette épave du baptême qui, avec un petit coup de Peinture, fera l'effet d'un sacrement. On peut vendre cela très cher aux goym, puisqu'ils ont la même peur du feu que les juifs de Bar-Jehoudda et que, convenablement roulés par les mythologues évangéliques, ils semblent disposés à considérer ce failli comme un dieu.

 

Quant à celui-ci et à ses frères, lorsqu'ils reviennent de Sichar, il s'est écoulé plus de cent ans. Aussi 8 ont-il s très étonnés de trouver Jésus là où ils se sont Prêtés en 785 avant d'aller aux provisions. D'abord Jésus cause avec une femme, chose incompréhensible, puisque, selon eux, c'est par une femme que la mort est entrée dans le monde. Ensuite il refuse de toucher aux vivres qu'ils lui ont rapportés. Sur le premier point Jésus ne fournit pas d'explications, elles découlent de la Genèse. Sur le second il répond en être métaphysique. Il a demandé à boire et il ne boit pas, les disciples sont allés lui chercher à manger et il ne mange pas. Quelqu'un lui aurait-il apporté à manger ? disent-ils entre eux. Mais lui : J'ai pour nourriture un aliment que vous ne connaissez pas[46]. Son aliment, en effet, c'est de faire la volonté de son Père. Il ne ressemble pas encore au Jésus que Mathieu nous montrera buvant et mangeant dans Kaphar Naüm avec les publicains, les péagers et les gens de mauvaise vie ! Il n'est pas encore au Recensement. Il n'a pas de ventre, il n'a pas de dents.

Et les christiens que l'Evangéliste met en scène ressemblent si peu à ceux de 785 que Jésus dit à ces derniers : Ne dites-vous pas vous-mêmes : Il y a encore quatre mois (quatre Agneaux) et la moisson viendra (avec le Christ moissonneur de l'Apocalypse)... Mais ici se vérifie le proverbe : Autre le semeur, autre le moissonneur. Moi je vous ai envoyé moissonner où vous n'aviez pas travaillé, d'autres ont travaillé et vous êtes entrés en leurs travaux[47]. Le semeur de 785, c'est le jésus de l'Apocalypse. Le moissonneur, à l'heure où écrit l'évangéliste, c'est le Jésus de la fable. Pour moissonner au spirituel, comme il l'entend ici, il renonce à baptiser de feu les élus ; le baptême d'eau, tel que Bar-Jehoudda l'a institué, suffit. A l'instar de Jonas, le semeur de 785 se préparait à récolter sur une terre que pourtant il n'avait pas faite[48] ; d'autres ont travaillé depuis, les Juifs valentiniens notamment ; et c'est Bar-Jehoudda, sous le nom de Jésus, c'est son père, sous celui de Joseph, c'est sa  mère, sous le nom de Maria, ce sont ses frères qui, transfigurés par le mythe, sont les moissonneurs d'une récolte à laquelle ils n'ont pas, travaillé. Qu'ils daignent régner par la ruse, puisqu'ils ne l'ont pu par la force ! Telle est la psychologie de ce fatras obscur et insidieux, l'un des plus plats et des plus niais de tout l'Evangile, mais aussi l'un des plus précieux par la vérité qui s'en échappe. En 785, trois ans après le lancement de l'Apocalypse, Bar-Jehoudda fut reçu par les habitants de Sichar qui l'ont gardé pendant deux jours, si ce n'est plus[49], et ont conclu de ses titres et de ses Révélations qu'il était le précurseur du Christ annoncé pour 789. Il les a entraînés à Ænon près de Salim où il les a baptisés, c'est-à-dire enrôlés. Mais Jésus est si visiblement une christophanie que les habitants de Sichar disent à la Samaritaine : Maintenant ce n'est plus sur votre parole que nous vous croyons (celle de Bar-Jehoudda en 785) ; nous l'avons entendu nous-mêmes, et nous savons que c'est vraiment lui qui est le Sauveur du monde !

Or, la parabole de la Samaritaine ne peut être antérieure au 15 nisan 789, car le sixième époux de la Salarie n'est entré en charge qu'à la dernière minute du 14, sur le coup de six heures du soir, heure à laquelle Bar-Jehoudda était en croix. En 785 la Samaritaine est encore sous la puissance de son cinquième e poux, le Verseau, et il lui faut encore quatre mois de nisan avant que ne vienne son véritable Epoux, le divin Moissonneur annoncé par le Joannès-jésus[50].

Ici je pose des questions auxquelles je défie qui que ce soit de répondre.

Si Jésus existe en chair, comme le prétend l'Église, si Mathieu est apôtre de Jésus, si Marc est l'interprète de Pierre, apôtre de Jésus, s'il existe un certain apôtre Jean auteur du Quatrième Évangile, — je laisse Luc de côté — comment se fait-il que ni Mathieu, qui dans cette hypothèse était au puits de Jacob avec Jésus, ni Pierre, qui y était aussi et qui a dicté l'évangile de Marc[51], comment se fait-il, dis-je, que ni Mathieu ni Pierre ne se soient rappelé l'épisode le plus extraordinaire de tous au point de vue du résultat : la conversion des Samaritains à leur prétendu maître ? Comment se fait-il, s'il est défendu aux apôtres de pénétrer dans les villes samaritaines, que le Jésus et ses frères aient séjourné dans Sichar et à Ænon, près de Salim ?

Comment se fait-il que, dans les Actes des Apôtres, Philippe aille baptiser en Samarie, au lendemain de la crucifixion de son aîné, et que Pierre et Jean l'y rejoignent immédiatement, sous le vague prétexte de discuter avec un certain Simon, magicien de Kitto, chypriote qui n'a probablement jamais mis les pieds à Gitta de Samarie ? Je réponds pour vous : Il y a concert frauduleux entre les Actes et les Synoptisés. Les Actes nous cachent quelque chose, et cette chose c'est celle que les Synoptisés nous cachent de leur côté : la préparation de la révolte en Samarie par le Joannès-jésus, Shehimon, Philippe et consorts après la pâque de 785. Le Jean qui est en Samarie avec Philippe et Pierre, c'est le Joannès-jésus lui-même, c'est Bar-Jehoudda, et naturellement, à la date de 785, il n'a pas encore été crucifié. Comme on ne pouvait, étant donné Josèphe[52] et le Quatrième Évangile, nier que les apôtres eussent opéré en Samarie, on a mis dans les Actes qu'ils y étaient allés pour combattre Simon le magicien, et on a fait de ce Simon un samaritain de Gitta, alors qu'il était chypriote de Kitto. Ainsi, de quelque côté que nous nous tournions, depuis les grandes lignes jusqu'aux menus détails, nous nous heurtons au Mensonge de parti pris ; il faut nous y faire, nous n'en sortirons pas[53].

 

VIII. — MARIAGE D'HÉRODE ANTIPAS AVEC HÉRODIADE (787).

 

Après sa campagne baptiste en Samarie, Bar-Jehoudda revint chez sa mère, à Kaphar Naüm où le bruit de ses exploits l'avait précédé. Mais il n'y rentra pas sans quelque appréhension, ayant déclaré lui-même qu’un prophète n'est point honoré dans son pays[54]. Et d ailleurs un événement se produisit qui est d'une Portée minime pour la grande histoire, mais incalculable pour l'histoire cantonale qui nous occupe : Philippe, tétrarque de Gaulanitide, Bathanée et Trachonitide, mourut en 787 après trente-sept ans de règne[55]. On l'enterra dans Bethsaïda, nous n'ajouterons pas sous les yeux du Nazir, puisqu'il lui était défendu par son vœu d'assister à la cérémonie.

La secte christienne avait fait peu de progrès en Galilée cisjordanique. C'est surtout sur la rive orientale du lac de Génézareth et du Jourdain que Bar-Jehoudda recrute son armée, dans la tétrarchie de Philippe. Ce Philippe est un Hérode à part, pacifique, aimant ses États et peut-être ses sujets, quittant peu ses biens et" les embellissant fort, sans trop songer à mal. Il ne détestait pas les Juifs hellènes, il y en avait autour de lui d'assez propres et qui pouvaient lire Philon dans le texte. Il s'entendait à la justice et souvent on le pressait de la rendre au bord du chemin, sous un arbre. L'Évangile ne le charge point.

 

Antipas, tétrarque de Galilée, avait failli être roi, il ne l'oubliait pas. Du côté de la Pérée, il s'était arrondi par son mariage avec la fille d'Arétas, roi des Arabes, mais tout un plan d'agrandissement se révélait à lui par la mort de Philippe. Philippe mourait sans enfants, laissant une petite veuve de quinze ou seize ans, Salomé, qui, perdant son mentor, retombait sous la domination de sa mère, l'ambitieuse Hérodiade, et de son père, Lysanias, un barbon sans relief, frère du défunt, et plus que lui encore adonné aux plaisirs domestiques[56]. Ce père, sous-tétrarque, Hérode obscur, ne comptait pas, se montrait peu, vivait on ne sait où, peut-être dans Antioche où Hérode le Grand avait laissé avec des biens la mémoire d'un souverain magnifique, peut-être dans Césarée, auprès de Philippe avec sa femme et sa fille, peut-être en Abilène, dans les anciens Etats de Lysanias dont on lui avait donné le revenu et le nom.

Philippe cérémonieusement enterré dans Bethsaïda Juliade, Antipas résolut d'aller demander à Tibère la succession du défunt. Vraisemblablement il prit sa route par Antioche, car, dans les circonstances où il e tait, il ne s'embarqua pas sans avoir vu et pressenti le proconsul Pomponius Flaccus, de qui il dépendait par ses ambitions. A Juliade, à Césarée, à Antioche, qu’importe ? il vit ses deux nièces, la grande et la petite : la grande, Hérodiade, encore belle, désirable et remuante, juste la femme d'intrigue qui lui avait manqué jusque-là. On causa des choses juives, de cette tétrarchie vacante à laquelle il manquait un homme, et de cette autre à laquelle il manquait une femme, car pouvait-on donner ce nom à cette fille arabe qu'Anti-pas avait prise par intérêt et qui ne lui avait rien apporté, sinon des terres contestées ? Le pharisaïsme donna de la voix, lui aussi : était-il bon qu'un prince juif eût cette arabe avec lui ? On comprendrait beaucoup plutôt qu'il fit venir dans Séphoris et dans Tibériade une femme de sang iduméen, comme était, par exemple, Hérodiade. Elle avait un mari, c'est vrai, et ce mari, son oncle, était par surcroît demi-frère du futur. Mais n'était-on pas entre Hérodes ?

 

De ces entrevues Antipas emportait une impression fort chaude que le voyage entrepris n'effaça point. Il proposa tout net à Hérodiade de l'épouser, quand il serait revenu de Rome. Puisqu'elle voulait bien se charger de son mari, Antipas faisait son affaire de la fille d'Arétas. Hérodiade se tenait toute prête, et lorsqu'Antipas la revit, il l'emmena. Dans l'intervalle, sa femme, ayant appris sa disgrâce, s'était retirée chez son père, sans esclandre, avec l'agrément marital.

Cet Antipas eut toute sa vie l'air d'un homme qui a manqué la couronne. S'il prit Hérodiade à son mari, c'est que son ambition ridée et fanée avait besoin d'être ravivée par celle d'une femme impérieuse et riche. Tandis que Salomé, sa fille, avait grimpé d'un saut d'enfant dans le lit de Philippe, Hérodiade était restée femme d'un tétrarque sans avenir. Si elle abandonnait ce barbon pour entrer dans le lit d'Antipas, elle réunissait ainsi trois tétrarchies, tenait dans sa petite main la moitié du royaume d'Hérode le Grand. Philippe mort, il ne restait dans Césarée qu'une petite veuve qu'on caserait ailleurs, un jouet. Hérodiade et Antipas purent croire que, pour commencer, les États de Philippe allaient leur revenir. Tibère était vieux, on aurait bientôt un jeune empereur qui comprendrait les raisons du ménage. En attendant on courberait l'échine devant le proconsul de Syrie et on lui rendrait tous les services qu'on pourrait du côté des Parthes, dans l'espoir qu'il aurait égard aux prétentions d'Antipas sur la tétrarchie vacante.

Quoi qu'il en soit de toutes ces intrigues, le voyage d'Antipas à Rome est bien de 787, c'est bien à son retour qu'il épouse Hérodiade, et ce ne peut être avant 787 que le Joannès-jésus, le Boanerguès de l'Apocalypse et de l'Évangile, tonne au Jourdain contre ce scandale. Pour tonner de cette sorte, il n'avait pas attendu qu'Antipas eût fait venir Hérodiade en Galilée : le tétrarque était beaucoup plus coupable pour avoir introduit une fille arabe dans son palais ; et s'il s'était contenté de la chasser, loin d'encourir les foudres du prophète il les eût plutôt écartées. Mais la chronologie importe ici plus que la morale. Nous sommes en 787, vingtième année de Tibère, et le Précurseur continue à prêcher au Jourdain ! Et selon le calcul de l'ancienne Église, cinq ans se sont écoulés depuis la crucifixion de Jésus-Christ sous le consulat des deux Geminus, soit 782 !!!

Méditez cela, je vous prie, exégètes !

 

Cependant, Antipas se berçait de beaux rêves et, sur le conseil de l'astucieuse Hérodiade, nommait son frère Agrippa gouverneur de Tibériade dans l'espoir que ce prétendant, couvert de dettes criardes, se contenterait d'une situation qui lui permettrait de les payer. Sous-tétrarque fastueux, ami de Caïus (Caligula), qui serait empereur demain, maître d'une ville qui supplantait progressivement Séphoris et prenait des airs de capitale, Agrippa pourvut ses proches des postes et des emplois les plus importants. Penché sur son doit et avoir, il ne voyait pas les astres qui, par une conjonction tendancieuse, annonçaient l'avènement du Fils de l'homme et plus encore celui du fils de David. Un petit jeune homme commençait à s'agiter dans l'atmosphère hérodienne, un prince nommé Saül qui, la valeur n'attendant pas le nombre des années, réclamait des pierres pour lapider le premier des fils de Jehoudda qui lui tomberait sous la patte.

Tibère déjoua tous les calculs d'Antipas et réunit à la Syrie les Etats convoités. Il semble bien que du même coup il ait repris l'Abilène à Lysanias, de sorte que ce malheureux ne put se consoler de l'abandon de sa femme par la conservation de ses terres.

Le proconsul intervint certainement pour prendre possession de la tétrarchie vacante au nom de l'Empereur ; mais au point de vue fiscal la situation des habitants n'empira point. Tibère laissa dans le pays le revenu du tribut qu'ils payaient à Philippe. Les Juifs de Judée et les Samaritains relevaient de Pilatus ; le fils de David releva de Flaccus, prédécesseur de Vitellius au proconsulat de Syrie.

Un détail m'a toujours frappé dans ce qui reste du livre de l'Empereur Julien contre les christiens dits Galiléens. L'homme qui fut crucifié par Pilatus était sujet de Rome, nous le prouverons, dit Julien. Cela veut dire qu'il était vis-à-vis des proconsuls dans la même condition que les Juifs de Judée et les Samaritains vis-à-vis de Pilatus, c'est-à-dire soumis au cens.

Du jour où Vitellius perçut le tribut par des publicains à lui, Bar-Jehoudda rentra dans la définition qu'en donne Julien. Mais il releva de Pilatus pour tous les crimes commis en Judée et Samarie.

Si l'homme crucifié par Pilatus eût habité la Nazareth actuelle[57], il n'eût pas été sujet de l'Empereur, il l'eût été d'Antipas, tétrarque de Galilée. C'est comme envahisseur de la Samarie qu'il sera déféré à Pilatus. Gaulonite de naissance, habitant Kapharnahum, il était devenu sujet de Rome par la réunion de la Bathanée et Gaulanitide à la Syrie.

 

IX. — ARRESTATION ET FOUET (SEPTEMBRE 787).

 

La fête des Tabernacles étant proche, ses frères lui dirent : Pars d'ici et t'en va vers la Judée, afin que tes disciples voient les œuvres que tu accomplis, car on n'agit point en secret, si on veut jouer un rôle. Si tu fais de telles choses, manifeste-toi au monde. Ses frères mêmes en effet ne croyaient point en lui. Ah ! scribe, mon ami, il faudrait pourtant s'entendre ! Tu nous as dit, au début de ton Évangile (le Quatrième), que tous croyaient en lui, et te voici avouant qu'en réalité aucun — sois franc, pas même lui ! — ne pensait qu'il put devenir un jour Jésus-Christ. La conduite de ses frères est ici plus qu'étrange. Si vraiment les Juifs de Judée cherchaient à le tuer, pourquoi le poussent-ils à aller à Jérusalem, un jour de fête, dans une circonstance où hérodiens et saducéens sont à leur poste ? Avec beaucoup de prudence il répond : Allez à Jérusalem si vous voulez, pour moi, je n'y monte point encore, parce que mon heure n'est pas révolue. Vous, on ne vous hait pas, mais moi, on me déteste, car je dis (dans l'Apocalypse) que les œuvres du monde sont mauvaises. C'est très sagement raisonné. Le terme dont il parle dans l'Apocalypse, l'heure dont il parle dans l'Évangile, c'est la pâque de 789, il a dix-huit mois devant lui. Shehimon, les deux Jacob, Philippe, Jehoudda dit Toâmin et Ménahem prennent les devants et montent à Jérusalem. On ne leur fera rien, à eux, et si on leur demande où est le Nazir, ils répondront qu'il ne viendra pas. Sitôt partis, Bar-Jehoudda monte à Jérusalem de son côté, non point manifestement, mais en cachette, donc seul. Il trompera les recherches de ceux qui lui veulent du mal, il arrivera à l'improviste, il ira vers la piscine de Siloë et il baptisera, car le poisson y frétille et la fête est d'importance.

 

Placée à l'extrémité occidentale de la croix solaire, la fête des Tabernacles balance mathématiquement celle de la Pâque située à l'extrémité orientale. La Pâque est la fête de l'équinoxe de printemps, les Tabernacles, celle de l'équinoxe d'automne. Elles se font pendant, la Pâque au commencement du premier signe, quand les Poissons s'effacent devant l'Agneau, les Tabernacles à la fin du sixième signe, quand la Vierge passe la main à la Balance.

La fête des Huttes ou Tabernacles a été diversement interprétée par les rabbins et je n'en veux point disputer avec eux. Comme la Pâque, elle est antérieure à Moïse. C'est la fête du rétablissement de la terre après le déluge, et l'on supposait sans doute qu'ayant mis sept jours à faire le monde, Dieu en avait mis autant à le refaire, car le septième était un jour dans lequel les vieillards, oubliant leur âge et perdant toute gravité, dansaient comme des enfants, sautaient, bondissaient, sicut arietes et sicut agni ovium. Après les épreuves de la pluie et de la foudre, on revoyait les astres, et pour les saluer on allumait des myriades de lampes qui faisaient de Jérusalem comme le miroir du firmament étoile. Cette grande fête se composant d'une Période d'affliction à laquelle succédait une période d allégresse débordante, l'homme qui lisait le livre saint à l'endroit de deuil s'appelait l'Epoux de la fin, tandis que celui qui le lisait à l'endroit joyeux s'appelait l'Epoux du commencement. On y célébrait l'eau éruptive, l'eau salutaire opposée à l'eau tombante, à l'eau destructive du déluge. L'image de cette eau bienfaisante, c'était la fontaine de Siloë où, chaque année, au retour de l'automne, les prêtres allaient puiser dans Ces vases sacrés l'eau qu'ils répandaient ensuite, avec le vin, sur le parvis du Temple pour remercier Dieu d avoir créé ces deux liquides de vie.

Le huitième jour était dit le grand jour, parce qu'il avait été, comme son pendant de la Pâque, le Jour de la victoire de Jésus sur les ténèbres, le premier dies solis de la semaine réorganisée après le déluge. Dans l'Apocalypse Jésus réclame les sept jours de la Pâque comme étant à lui tout entiers : ici nous le voyons revendiquer pour lui les sept jours des Tabernacles. De même qu'il est tout l'agneau qu'on mange pendant sept jours à Jérusalem, il est toute l'eau qu'on puise dans la fontaine de Siloë pendant sept jours et qu'on répand le matin dans le Temple, comme des larmes d'aurore, sur la corne de l'autel tournée au midi : Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive ! Qui croit en moi, des fleuves d'eau vive, selon la parole de l'Ecriture, jailliront de son ventre ![58]

Quelle Ecriture ? Nulle autre que l'Apocalypse et c'est pourquoi on ne la cite pas. D'ailleurs ne trouve-t-on pas ce fleuve d'eau vive dans Ezéchiel, dans Joël et dans Zacharie, jaillissant de Jérusalem, arrosant les deux versants de la montagne, fertilisant la plaine et coulant éternellement ? Mais si l'on cite l'auteur de l'Apocalypse, on va livrer tout le secret de la fabrication évangélique. On va montrer que cette eau vive est de source hermétiquement joannique, qu'elle a nom Millenium du Zib. Aux jours de votre délivrance et de votre salut, dit Isaïe en parlant des jours du Christ, vous puiserez dans une grande joie les eaux des fontaines du Sauveur (le Silo). Or le jésus a baptisé de l'eau de la délivrance et du salut à la piscine de Siloë. Aux sources du Jourdain comme à celles de Kapharnahum, aux sources d'Ænon en Juda, comme à celles d'Ænon en Ephraïm, il a suivi ponctuellement les Révélations qui le concernent. Il fera de même à l'Ain de Siloë, la fontaine ouverte à la maison de David et aux habitants de Jérusalem pour y laver les souillures du pécheur et de la femme impure[59].

Il arrive à la mi-fête, par conséquent le quatrième jour où les prêtres allaient puiser l'eau à la fontaine probatique dans des vases d'argent. Mais ils avaient récemment consenti à ce que Pilatus amenât de l'eau à Jérusalem et même ils avaient contribué à la dépense sur les fonds du trésor sacré. Et cette eau paganisée, des Juifs s'en servaient ! Bar-Jehoudda fit un tapage infernal, ameuta les disciples, guetta les prêtres près de la fontaine et fit si bien qu'il les empêcha, soit d'y porter les vases, soit de les remporter, car Luc est le seul qui Parle de cette affaire, sans détails, avec le désir manifeste d'en réduire les proportions, quoiqu'elle ait été l'un des motifs invoqués par le sanhédrin dans sa sentence de mort contre Bar-Jehoudda. Le Quatrième évangile s'étonne qu'à cette occasion Bar-Jehoudda n ait pas été lapidé. Mais, disent les Juifs, qui parle de te faire mourir ? Et, en effet, il a beau crier qu'il est le christ, personne ne l'arrête parce que son heure n'était pas encore révolue. Il va les défier jusque ans le Temple où il recommence à clabauder. Les pharisiens et les chefs des prêtres envoient des sergents pour le saisir, ceux-ci reviennent sans en avoir rien fait. Il échappe. On ne veut plus qu'il ait été arrêté, à cause de la peine du fouet qui lui fut appliquée comme ses frères, car tous les apôtres furent arrêtés, disent les Actes. Cet emprisonnement ne peut se confondre avec l'affaire de simple police que nous avons contée, qui ne tire pas à conséquence, ne dure qu'une nuit, n'engage que Bar-Jehoudda et Shehimon. Il s'agit cette fois d'un emprisonnement général et d'une émeute où le peuple intervient.

Dans les Actes, c'est Shehimon qui a la direction de la bande. Ils sont arrêtés, dit le scribe, par ordre du Grand-Prêtre et ceux de son parti. Mais pour quelle cause et dans quelles circonstances ? Voilà ce qu'il ne peut pas dire. Dès la première nuit, ils s'évadent. Comment ? Un ange du Seigneur les délivre ; et au point du jour on les retrouve enseignant dans le Temple. Pendant ce temps Kaïaphas et les siens avaient assemblé tout le Sanhédrin et tout le Sénat. Ils envoient chercher les prisonniers par des sergents. Les sergents trouvent les portes de la prison fermées, les gardes à leur poste, au dedans personne ; ils reviennent, au comble de l'étonnement. Kaïaphas est étonné, lui aussi ; mais combien plus quand il apprend que les fugitifs sont tranquillement dans le Temple où ils enseignent !

On a pensé que, s'ils s'étaient retrouvés au matin dans le Temple, c'est qu'ils avaient été enfermés dans la tour Antonia, qui en effet communiquait avec lui par un souterrain. Mais la tour Antonia était prison romaine, et Bar-Jehoudda n'était point encore justiciable de Pilatus.

Dans les dernières années les crimes s'étaient multipliés à tel point, et leur répression était si antipathique au peuple que le sanhédrin, par crainte de représailles, avait abandonné le Gazith où il rendait ses sentences pour se rapprocher de la vieille prison du Temple où il enfermait les condamnés[60]. Il s'était établi dans le Hanoth ou Boutiques du Mont du Temple, hors de l'enceinte sacrée, paraît-il, au nord est, en contrebas du Portique de Salomon[61]. Il y avait là, dans l'angle, une grande salle de vieille construction et bâtie par les Marchands. La tradition musulmane veut que Salomon y ait jugé. La prison était auprès, non loin de la porte Judiciaire ou de la Garde, avec une fosse où le prophète Néhémias fut jeté. Il semble qu'il y ait eu là comme un tribunal des flagrants délits. C'est au Hanoth que furent conduits Bar-Jehoudda et ses frères.

Délivrés par leurs partisans, ce n'est point par un souterrain qu'ils entrèrent dans le Temple ni pour y enseigner la théologie, c'est par la porte et pour rallier les Zélotes. Depuis quelque temps, il y avait dans le Monument des prodiges d'où les forces célestes étaient lisiblement absentes. Un matin on avait trouvé ouverte la porte de bronze qui était toujours fermée le soir[62]. Or, il ne fallait pas moins de vingt hommes pour cette manœuvre. Le rabbin Jochanan ben Zaccaï était alors vice-président du Sanhédrin : de cette porte ouverte il conclut que le Temple devait être détruit par le feu : Temple, dit-il, nous connaissons ton sort. Ben Zaccaï connaissait l'Apocalypse et se rappelait la pâque du Recensement. C'est un miracle de ce genre qui avait ouvert le Temple à Bar-Jehoudda et à ses frères. Otons l'ange qui fait tomber les serrures de la prison, ils sont délivrés par le peuple avec la complicité des gardiens. Le jésus échappant aux sergents, prêchant dans le Temple malgré les prêtres et se retirant en paix, a évidemment un air plus détaché de ces contingences. Les sergents coururent au Temple, y cueillirent ces forcenés et les amenèrent au tribunal. Le Sanhédrin délibéra et ne les relâcha qu'après leur avoir appliqué la peine du fouet. Ils voulaient le lapider, dit le Quatrième Evangile, ils prirent des pierres pour les lui jeter[63]. Gamaliel, dit-on, parla pour eux. Son intervention n'est pas impossible, il présidait ; mais le discours qu'on lui attribue est faux[64]. Le jésus a donc été plusieurs fois emprisonné, une fois avec Shehimon et le boiteux, avouée par les Actes seuls, une autre fois avouée par tous les Evangélistes[65], et qui correspond parfaitement à la fête des Tabernacles, (on s'est borné à faire disparaître la circonstance). Les Actes ont déplacé cette affaire pour ne pas être obligés de reconnaître que le Juif consubstantiel au Père avait reçu trente-neuf coups de fouet sur le postérieur. Les Évangiles, tout en avouant un vague emprisonnement, ont supprimé le fouet comme contraire à l'esthétique. Pour le même motif le Quatrième Evangile, tout en avouant une manière d'évasion, supprime l'emprisonnement parce qu'il aboutit au fouet.

 

C'est que de toutes les peines inventées par les nommes la flagellation est celle qui ridiculise le plus, parce qu'elle déshabille les régions du corps que les anglais ont nommées inexpressibles pour tourner la difficulté. Le prestige de Bar-Jehoudda n'étant pas augmenté par cette exhibition lombaire, les Évangiles remettent à Pilatus lui-même le soin de lui administrer le fouet ; et dans les prophéties par lesquelles Luc prépare le lecteur à la Crucifixion, l'ordre des peines est interverti de la manière suivante : Il sera livré aux gentils, moqué, injurié, couvert de crachats. Et après qu'ils l'auront fouetté, ils le mettront à mort[66]. Alors qu'il fallait dire : Il sera fouetté (787), puis livré aux gentils (788). Postdatée de dix-huit mois, la fustigation rentrera dans le plan des supplices que la malice des hommes inflige à ce bon et doux Jésus qui, vu son inexistence, n'avait fait de mal à personne, ce qu'il y a de remarquable au fond, c'est que Bar-Jehoudda reçoit sur l'une et l'autre fesse ce que, dans son détachement des choses d'ici-bas, Jésus recommande d'accepter sur l'une et l'autre joue.

 

Kaïaphas semble avoir hésité à sévir contre les fils de Jehoudda. Il avait peur de cette bande toujours à la veille d'emporter le Temple. Deux fois, trois fois peut-être, il eut les chefs sous la main et les relâcha comme avait nourri la secrète espérance de voir leur folie assez forte pour jeter Pilatus hors de Judée. Il les laissa faire et aller tant que sa responsabilité personnelle ne fut pas en jeu. Les Actes constatent à deux reprises la terreur qu'ils jetaient dans Jérusalem ; les Evangiles montrent les prêtres constamment partagés entre les velléités d'arrestation et la crainte d'un soulèvement. Comment n'être pas frappé de l'aisance avec laquelle les prisonniers s'évadent, de la spontanéité du Temple à se transformer pour eux en lieu d'asile, des sympathies qu'ils comptent au Sanhédrin et qui brillent comme un feu doux dans la plaidoirie de Gamaliel ? Certes Kaïaphas les arrête, il les enferme à triple tour, mais les portes s'ouvrent devant eux par la miraculeuse complicité des verrous. Honneur à ces honnêtes gardiens ! Eux au moins sont de leur temps. Ils ont agi en bons zélotes, en bons serviteurs de la Loi qui déplorent la tolérance de Kaïaphas pour les démons pilatiques et sont de cœur avec le prophète du Christ xénophobe. Tels nous les voyons dans l'Évangile, tels ils sont dans les Actes des Apôtres. Ils ne gardent les christiens que pour les conserver.

Pourtant un nouveau grief et très caractéristique surgit contre Bar-Jehoudda.

Les Pharisiens le couvrent d'injures et le chassent, mais on voit poindre dans leur colère une insulte inconcevable pour quiconque ne connaît pas ses négociations et ses baptêmes en Samarie. Comment l'appellent-ils ? Samaritain. Et c'est le signe du plus profond mépris qu'ils puissent lui témoigner. Tu es un Samaritain, s'écrient-ils, et tu as le diable ! Quoi ! Samaritain, cet homme que tous savent être surjuif par son père et par sa mère ? Oui, Samaritain, car il a partie liée avec les chefs de Sichem contre le Sanhédrin, avec le Garizim contre le Temple.

 

X. — ASSASSINAT D'ANANIAS ET DE SAPHIBA PAR SHEHIMON ET CONSORTS.

 

Bar-Jehoudda et ses frères quittèrent Jérusalem, la tête plus chaude encore que les lombes, ruminant cent Projets de vengeance contre ces gens de Sodome et Egypte.

Malgré tous leurs appels à la crédulité juive, il entait peu de citadins dans la combinaison financière. Trois siècles après l'ère apostolique, le scribe des Actes, traçant un idyllique tableau de la Thélème naziréenne, — imaginaire comme l'autre — ne peut citer qu'un seul habitant de Jérusalem parmi les donateurs volontaires : Joseph Hallévi ou le lévite, surnommé par les apôtres Barnabbas, c'est-à-dire fils de prophétie : encore est-il chypriote. Nul indigent parmi eux, dit le scribe avec une assurance qui demanderait à être fortifiée par un second exemple, parce que tous ceux qui possédaient champs ou maisons les vendaient et apportaient le prix de la vente, le mettaient aux pieds des apôtres, et cela était distribué à chacun selon qu'il en avait besoin. Le scribe des Actes, dans l'intérêt de l'église de Jérusalem partie prenante essaie, de faire croire aux ouailles que ces aubaines venaient aux apôtres parce que très énergiquement ils rendaient témoignage de la résurrection du Seigneur Jésus. Sur tous, dit-il, affluait la grâce. Il poursuit un autre but : colorer d'un prétexte charitable l'assassinat d'Ananias et de sa femme par les plus jeunes frères de Bar-Jehoudda sous la conduite du noble Shehimon. C'est ici, en effet, que se place cet épouvantable drame, donné comme échantillon de la manière apostolique. S'il n'avait pas été célèbre dans l'histoire et indélébile, les Actes ne se seraient pas crus obligés d'en tenir compte[67]. Qu'était Ananias ? Très probablement l'un de ceux qui avaient fait arrêter et fouetter le jésus.

Après cet exploit, Ananias était allé aux champs où il goûtait un repos virgilien. Mais suivons les Actes dans leur version et tirons-en la moralité. La scène est chez Ananias. Est-ce avec son agrément ou par force que les apôtres se sont introduits dans sa maison ? Le lecteur choisira.

Ananias possédait un champ et il avait promis de le vendre pour en déposer le prix aux pieds des apôtres. Ananias vend, mais ressaisi par l'amour de la propriété, le cœur gros, il remet en garde à sa femme une partie de l'argent, et n'apporte aux apôtres que le reste, excès ou différence. Le sacrifice d'Ananias ne lui paraissant pas à la hauteur de ses ambitions, Shehimon le regarde de l'œil dont il caressait sa sique et lui dit : Ananias, comment le Satan a-t-il rempli ton cœur pour que tu mentes au Saint-Esprit en lui soustrayant une partie de ta propriété ? Si tu voulais la garder, il ne fallait pas la vendre ; en conserver le prix, il fallait le retenir entièrement. Tu n'as pas menti aux nommes, mais à Dieu. La sensibilité d'Ananias jaillit en cette circonstance. Il fut tellement saisi qu'il tomba et, alors qu'il aurait pu rendre l'argent, il rendit l'âme. L'autopsie n'ayant point été publiée, nous ne savons si ce fut de son propre mouvement qu'il fit ce suprême effort. Ananias était là, gisant devant les apôtres, il fallait s'en débarrasser. Shehimon fit signe aux plus jeunes (un enfantillage, comme on voit !), qui prirent le corps, l'emportèrent au dehors et l'enfouirent avec une prestesse qui épouvante, car on peut craindre qu'ils ne l'aient enterré vivant.

Si Ananias, vaincu par l'émotion inséparable d'un premier début dans le don manuel, est tombé naturellement, on se demande pourquoi ils l'enterrent avec cette précipitation, sans chercher à le rappeler à la vie — comme le veut l'humanité — et ensuite, lorsque leurs efforts eussent été vains, à démontrer qu'il était mort de lui-même — comme l'exigeait la prudence. Traction rythmée de la langue, puis déclaration spontanée à la Police, voilà quelle est la seule conduite à tenir. Au heu de cela, Ananias disparaît avec sa sacoche, comme u n garçon de banque attendu pour encaisser un billet près d'une champignonnière dans la banlieue de Paris.

 

Le cas de la pauvre Saphira n'est pas moins douloureux. Voici une femme qui, elle aussi, a de l'argent dans sa sacoche. Elle a tout ce qu'on n'a pas pris à son mari. Trois heures après la mort d'Ananias, elle rentre, ne sachant rien, n'ayant entendu parler de rien. Shehimon avait à la main l'argent du mari (on n'avait pas enterré le métal). Il le montre à la femme et élevant la voix : Dis-moi, avez-vous vendu le champ ce prix-là ? (En lui demandant ce qu'il savait très bien par le mari, Shehimon tend un piège odieux à la femme.) Est-ce bien là tout l'argent de la vente ?Oui, répond Saphira. Alors Shehimon : — Tu mens. Tu t'es entendue avec ton mari pour tromper Dieu. Par la porte ouverte sur la campagne Shehimon lui montre un cadavre et des hommes qui creusent une fosse ; elle devine ce qui est arrivé, ce qui va lui arriver à elle-même, et prise de l'étourdissement qui a été tout à l'heure si fatal à son mari, elle s'abat, comme lui, raide morte aux pieds des apôtres. Cette fois ils ont leur compte : Ananias ne leur doit plus rien.

Sans doute les desseins de Dieu sont impénétrables, et s'il lui a plu de rappeler à lui coup sur coup Ananias et sa femme, ce n'est pas à nous de le trouver mauvais. Cependant notre cœur pitoyable nous porte à plaindre ce petit ménage de Juifs qui, enrichi peut-être en commerçant avec les hommes, avait consenti à s'appauvrir pour commercer un jour avec les anges.

Ce jardin assez grand pour recevoir deux cadavres et assez écarté pour cacher les allées et venues des meurtriers est un décor très convenable à cette histoire de chauffeurs. On attendait Ananias eu force suffisante et, sans vouloir prononcer le mot guet-apens qui éveille de vilaines idées, on peut dire que l'arrivée du pante n'est une surprise pour personne. Ananias arrivé, Shehimon impatient de justice divine l'égorgé après l'avoir dépouillé.

Ceux qui l'ont enterré, les jeunes aux biceps saillants, rentrent, mais la besogne n'est pas terminée : il y a là un second cadavre. Ils l'emportent à son tour et l'enterrent.

Très habile en ceci qu'aucun coup n'est porté par le bras de Shehimon, cette version est prodigieusement maladroite dans le fond. On peut reconstituer le crime avec des variantes : admettre, par exemple, qu'il ne s'est pas écoulé trois heures entre les deux meurtres ; que Saphira est accourue aux cris d'Ananias ; qu'elle l'a vu emporter et enterrer plus ou moins mort : la conclusion est la même. Un double assassinat qui s'avilit d'un double vol[68]. Mieux eût valu dire la vérité : montrer te courroux zélote s'élevant contre les gens du sanhédrin après la fustigation des apôtres, et la main de Dieu sortant ensanglantée de la manche de Shehimon. C'eût été moins déshonorant, mais trop historique : on aurait retrouvé les fils de Jehoudda sous la robe des apôtres ; les Actes auraient conduit à Josèphe !

Ce forfait dont les auteurs furent plus vite soupçonnes que convaincus eut un retentissement énorme, ce qui amena une grande crainte sur l'Eglise et sur tous ceux qui apprenaient ces choses[69].

 

 

XI. — LAPIDATION DE JACOB JUNIOR ET DÉBUTS DE SAÜL.

 

Trois mois après, les fils de la Veuve de Kapharnahum réapparaissaient à Jérusalem. Non contents de troubler les fêtes religieuses, ils se rendaient encore à celles que la politique avait ajoutées à la Loi. Dans le nombre était celle de la Dédicace, fête de pure convention, d'abord établie en mémoire de la restauration du Temple par Judas Macchabée, puis étendue à la consécration du Temple construit par Hérode. Elle commençait le 25 décembre et durait huit jours. Jaloux du passé, Bar-Jehoudda n'admettait rien qui rappelât les princes usurpateurs. Le tumulte qu'il excita prit naissance dans l'enceinte de l'Hiéron, sous le Portique de Salomon. Il y eut entre les fouetteurs et les fouettés une collision assez rude pour que les trois Synoptisés l'aient supprimée. Bar-Jehoudda poursuivi, arrêté peut-être pendant un instant, faillit être lapidé. Les Juifs jetèrent encore des pierres pour le lapider, dit le Quatrième Évangile[70], de sorte que, si on en croyait ce scribe, il y aurait eu deux tentatives de lapidation à trois mois d'intervalle.

 

Il échappa de leurs mains ! s'écrie triomphalement le scribe. Mais quelqu'un fut pris qui le touche de si près que dans le Talmud de Babylone, il passe lui-même pour avoir été lapidé avant d'être crucifié. Si ce n'est lui, c'est donc son frère, c'est Jacob junior dit Andréas dans l'Évangile et Stéphanos dans les Actes. Le bouillant Jacob avait été de ces jeunes qui s'étaient illustrés dans l'enclos d'Ananias. En style biblique, il avait consacré sa main dans le sang d'un Juif insuffisamment xénophobe. Quand il fait en Moïse l'apologie de la vengeance et de la vengeance par l'assassinat, c'est sa propre cause qu'il plaide. Voyant l'un de ses frères à qui on faisait tort, Moïse le défendit et vengea celui que l'on outrageait en tuant l'Égyptien (qui l'avait outragé). Or il pensait que ses frères comprendraient que Dieu leur devait donner délivrance par sa main ; mais ils ne le comprirent point[71]. Ils comprirent encore bien moins en 787, d'autant que, loin de se présenter avec la modestie qui convient à un meurtrier, Jacob proféra de nouvelles menaces blasphématoires, hurlant que le Sanhédrin n'en avait pas pour longtemps et que le Christ Jésus allait bientôt venir détruire le lieu saint[72]. Cette fois, le peuple se rangea du côté des Anciens et des Scribes, on courut sus à Jacob, on l'enleva, disent les Actes, et on le traîna devant le sanhédrin. En vain donna-t-il à son visage une expression angélique et déclara-t-il, d'après l'Apocalypse, qu'il voyait déjà les yeux ouverts et le Fils de l'homme à la droite de Dieu[73], Gamaliel et le conseil lui répondirent selon la formule par des grincements de dents, et passant aux voix le condamnèrent à mort. Ainsi feraient de nos jours toutes les cours d'assises de la chrétienté. La condamnation de Jacob fut accueillie par des cris assourdissants, on emmena le misérable hors de la ville et il succomba sous les pierres[74].

Au lieu du supplice étaient les témoins qui avaient déposé contre Jacob, parents, amis d'Ananias, et qui, pour satisfaire leur rancune, s'étaient transformés en bourreaux. Le plus acharné de tous était Saül qui n'avait point de raison pour se trouver là s'il n'était pas ou l'allié d'Ananias à un degré quelconque, ou l'officier qui avait arrêté Jacob. C'est ce Saül dont on a fait saint Paul, mais avec quelle peine ! Un travail de Romain !

J'ai longtemps cru que le martyre de Stéphanos était une invention destinée à consoler les Juifs hellènes qui, ne pouvant prétendre au premier rang dans l'échelle martyrologique (personne ne peut venir avant les héros de l'Evangile), occupaient honorablement le second rang non par une crucifixion — c'eût été trop demander — mais par une lapidation en règle. Je m'étais trompé. Il n'y a qu'un seul supplice par lapidation dans les légendes apostoliques et c'est celui de Jacob junior ; Jacob senior fut crucifié[75].

Stéphanos n'est pas un nom propre, mais un nom d'attribut : la Couronne, récompense du martyre. Elle est statutaire de par l'Apocalypse. La première Couronne que Jésus ait distribuée parmi les fils de la Veuve de Kapharnahum, c'est celle de Jacob, dit Oblias, force du peuple, Andréas dans l'Évangile et Stéphanos dans les Actes. Lorsqu'il descendra dans les Écritures afin de récompenser ceux qui sont morts pour lui, le premier qu'il rencontrera, c'est le fils de la Veuve qu'on emporte sur une civière hors de la maison et il le ressuscitera dans l'ordre de son martyre, c'est-à-dire avant Eléazar et le jésus lui-même[76]. C'est aussi pour cela que dans le Quatrième Évangile Jacob-Andréas est le premier qui rencontre Jésus descendant du ciel. Si au lieu d'être lapidé il eût été crucifié comme son frère aîné, c'est lui qu'on adorerait sous le nom de Jésus-Christ.

 

XII. — RÉSURRECTION DE JACOB JUNIOR.

 

Jacob mort, des hommes pieux l'ensevelirent et menèrent grand deuil à son endroit. Ils le transportèrent à Kaphar Naüm, car voici ce que dit Luc, d'après les plus anciens thèmes : Jésus, se rendant en une ville (Kaphar) nommée Naïn[77] et beaucoup de ses disciples marchant avec lui ainsi qu'une foule nombreuse, comme il approchait de la porte de la ville[78], on emportait un mort, dont la mère était Veuve[79], et une masse de gens du bourg se tenait avec elle[80]. Le Seigneur la voyant en eut pitié et lui dit : Ne pleure point. Il s'avança donc, toucha le cercueil et, les porteurs s'étant arrêtés, il s'écria : Jeune homme, je te l'ordonne, lève-toi. Le mort s'assit alors sur son séant, et se mit à parler. Jésus le rendit à sa mère[81]. Cette Résurrection, beaucoup trop transparente à cause du lieu, de la date, de la Veuve et du reste, a disparu de tous les Evangiles, sauf Luc. De plus on a enlevé la partie de la scène[82] où Jésus ressuscitait le mort à la demande de sa mère, ce qui équivalait à nommer Salomé, la veuve de Jehoudda.

Partout cette résurrection fut remplacée — quel progrès avec le temps ! Jésus ressuscitant un roumi ! — par celle du fils du centurion ou officier royal[83].

Lorsqu'on a fabriqué les Actes, on a mis ce martyr parmi les Sept Diacres de l'Église de Jérusalem. De ces diacres on a fait des hellénistes, — on nommait ainsi les Juifs qui parlaient grec — et du crime qu'il expia une petite querelle entre Araméens et Hellénistes, à propos du service intérieur des agapes. Les Diacres dont parlent les Actes comme ayant été choisis par les Douze pour suppléer ceux-ci sont de la même farine que les Douze eux-mêmes. Ce chiffre sabbatique a été introduit dans les Actes pour faire suite à celui des Douze introduit dans les Évangiles. De même que les Douze répondent à la division du Thème du monde, les Sept rentrent dans le cadre sabbatique de l'Apocalypse. Cependant, à la différence des Douze, ils ont une origine dans l'apostolat réel, ils sont mis en remplacement des Sept puissances mâles que Jésus a extraites du corps de Maria. A part Nicolas, prosélyte d'Antioche à qui ses mauvaises mœurs ont fait une renommée embarrassante pour ses collègues, on ne connaît ni ces Timon, ni ces Parmenas, ni ces Nicanor, ni ces Prochorus que les Actes commettent à l'intendance des agapes et ils ne deviennent rien dans l'histoire ecclésiastique[84]. Dans ces Diacres nous retrouvons au moins deux des Sept fils de la Veuve : Philippe, sous le nom qu'il a dans l'Évangile, et Jacob-Andréas sous le nom de Stéphanos.

 

XIII. — SAUL, PRINCE HÉRODIEN.

 

Aucun scribe n'avoue que les fils de cette Veuve ont laissé l'un des leurs, Jacob junior, sur le carreau en 787. Il aurait fallu dire du même coup en quelle qualité le nommé Saül avait débuté dans le monde par la lapidation d'un frère du futur Jésus. Sa participation au supplice est reconnue par les Actes. Mais quel est le Saül dont ces Actes disent qu'il est aussi Paul ? D'où vient-il ? Pourquoi est-il là et à quel titre ? L'auteur des Actes le sait, mais il ne veut rien écrire d'irréparable contre Saül que, sous le nom de Paul, l'Eglise a fait servir à ses mensonges par la supposition de toutes ses Lettres. Il dit aussi que Saül s'est borné à garder les manteaux des lapideurs, plus loin que c'était un Tarsien de séjour à Jérusalem pour on ne sait quelle cause, un élève de ce Gamaliel qui, hier encore, plaidait les circonstances atténuantes pour les apôtres fouettés, de sorte qu'on pourrait croire que ce Saül a cédé à un mouvement passager. Mais tout dément cette absurde version. Tarse et Gamaliel sont également inconnus de Saül dans les Lettres qu'on lui prête. Si les exécuteurs ont déposé leurs manteaux à ses pieds, c'est qu'ils étaient certains de les y retrouver la besogne faite. Assurément les Actes apostoliques d'Abdias ne méritent pas plus de confiance que ceux dont l'Eglise nous repaît. Mais ils sont obligés de reconnaître que Saül excita le tumulte des lapideurs contre Jacob junior et même qu'il précipita cet apôtre du haut des degrés du Temple[85]. Ainsi, après plusieurs siècles, cette tradition avait résisté à toutes les impostures de l'Église.

On fait Saül élève de Gamaliel, parce que dans les Actes des Apôtres ce Gamaliel paraît prendre position en faveur des Jehouddistes dont il était parent et du messianisme davidique dans lequel il était intéressé[86]. Saül n'a pas toujours été de Tarse en Cilicie, et à la fin du quatrième siècle, il était encore de Gischala en Galilée. Pour que Hiéronymus (saint Jérôme !) ait dit cela, alors que l'intérêt ecclésiastique lui créait l'obligation de suivre aveuglément le texte des Actes, il faut ou que ces Actes, s'ils existaient dans la teneur actuelle, n'eussent aucune autorité, ou que la question des origines de Saül n'eût pas encore été tranchée en faveur de la Cilicie. Chiliarque hérodien ou stratège du Temple, il a commandé l'escorte qui a conduit Jacob au supplice. Il a consenti à sa mort, disent les Actes, comme s'il eût dépendu de lui de l'empêcher par quelque moyen. Il ne l'a pas votée, car il n'était pas juge, mais il l'a requise et assurée. Il ne s'en est pas tenu à cette exécution. Nous le verrons bientôt, avec ses gardes, tirer par force de leurs maisons les hommes et les femmes, pour les jeter en prison[87], et cette persécution est dirigée d'abord contre Bar-Jehoudda lui-même, qui s'est fait roi des Juifs, ensuite, après sa crucifixion, contre les frères survivants de celui dont on a fait Jésus-Christ ! Dans toutes ces circonstances, il a fallu que Saül eût sous ses ordres une force armée capable de réprimer une offensive qui n'était pas négligeable.

Après la crucifixion de Bar-Jehoudda, nous le verrons commander une colonne expéditionnaire qu'il conduira jusqu'à Damas, et sans doute en Abilène, à travers la Galilée, la Bathanée et la Trachonitide, afin d'achever la déroute des Jehouddistes et de les ramener prisonniers à Jérusalem pour y subir le châtiment. Un chiliarque au service d'Antipas ne montrerait pas plus de zèle officiel, et, pour tout dire, il n'y a qu'un Saül en état d'accomplir une mission de cette importance, c'est celui que nomme Josèphe comme étant allié d'Agrippa Ier, plus tard roi, frère du tétrarque de Galilée et gouverneur de Tibériade en l'an 787. Saül est frère de Costobar et tous deux sont petits-fils de Costobar, prince iduméen qui épousa Salomé, sœur d'Hérode le Grand. Toute sa vie il a hérodianisé, et même costobarisé, car les Costobars se croyaient dieux et christs en Idumée[88]. Il fut de toutes les mesures prises par Antipas et par Agrippa contre les fils de Jehoudda. Il est en service commandé lorsqu'il fait lapider Jacob, lorsqu'il persécute ceux qui conspirent contre le gouvernement d'Antipas, prêchent d'exemple le meurtre légal, annoncent la ruine du Temple et la préparent dans l'ombre avec l'aide des Samaritains.

Avec une ironie pleine de rancune et de fiel, les Actes des apôtres reçus par les Ébionites ou Naziréens, derniers descendants des Jehouddistes, diront qu'il était né païen[89], qu'il s'était fait circoncire, et qu'en échange de ses services il s'était flatté d'épouser la fille du Grand-Prêtre. Né païen ? pas absolument, mais de famille assez bonne pour être le gendre de Kaïaphas, cela est certain, puisque, de son côté, par les femmes, il était allié à Hérode Agrippa.

Qu'il fût né par hasard à Tarse, peu importe. Il avait de la famille à Gischala, tout près de cette Chorazin, de ce Kaphar Naüm et de cette Bethsaïda qui dans les derniers temps se tourneront contre Bar-Jehoudda ; il en avait à Jérusalem, un ou deux frères, une sœur qui s'y maria noblement. Mais, outre l'intérêt politique, une chose le distingue absolument des Gaulonites de l'Evangile : c'est la connaissance des langues. Avant tout il parle grec et il sait probablement quelques mots de latin[90]. C'est un truchement né entre les Juifs de Judée, les Juifs hellénistes, les Juifs d'Italie et la politique romaine. Dans un instant nous le verrons, les armes à la main, faire contre Bar-Jehoudda le jeu de Vitellius, proconsul de Syrie. Tel nous le retrouverons, trente ans après, faisant celui de Cestius Gallus, également proconsul de Syrie, contre Ménahem qui fomente la révolte où sombra la nationalité juive. Comment s'étonner que Saül le pharisien ait laissé dans la secte la renommée exécrable d'un apostat et d'un traître ?

 

Son hérodienne famille, son enfance, sa jeunesse, son éducation dans le palais, tout cela était de notoriété publique, son rôle politique et religieux était consigné dans l'histoire. C'est le sujet du discours, faux quant à la teneur, vrai quant aux faits, dans lequel les scribes ecclésiastiques résument sa carrière devant le cousin Agrippa et la cousine Bérénice, comme lui morts depuis trois cents ans[91] : Ma vie, dès ma jeunesse, telle qu'elle s'est passée, depuis le commencement, parmi ma nation, à Jérusalem, tous les Juifs la savent. Ils me connaissent depuis longtemps pour avoir vécu pharisien, selon la secte la plus rigide de notre religion[92]... Il m'a semblé, à moi, que je devais me comporter en ennemi contre le nom du Nazir jésus, (cela veut dire les fds de Jehoudda, les prétendants davidiques), ce que je fis à Jérusalem[93]. Je constituai prisonniers nombre de saints (on ne parle déjà plus de ceux qu'il a fait lapider comme Jacob, tuer comme Éléazar, crucifier comme Bar-Jehoudda), y étant autorisé par les chefs des prêtres ; et quand on les mettait à mort, j'approuvais hautement (il y contribuait de tout son pouvoir). Souvent par toutes les synagogues (hors de Jérusalem), je sévissais contre eux les contraignant à blasphémer (à reconnaître les Hérodes et leurs protecteurs romains) et, forcené à leur encontre, je les persécutais jusque dans les villes étrangères (Damas et Antioche notamment)[94]. Tel fut, avec les atténuations nécessaires ici, le Saül que tous ses contemporains, Josèphe lui-même, ont connu. Le Paul des Lettres ne ressemble pas plus à Saül que Jésus de l'Évangile ne ressemble à Bar-Jehoudda, Pierre à Shehimon et Stéphanos à Jacob. Qui a jamais vu Paul à l'œuvre ? Qu'on cite un seul témoin historique de cet apôtre posthume !

 

 

 



[1] A la condition toutefois d'y comprendre le Quatrième qu'on n'a pu synoptiser à temps.

[2] Ou les Sorts chaldéens renversés au bénéfice des Juifs. Cf. le Charpentier.

[3] Nous nous expliquons sur cette Journée au chapitre suivant.

[4] Dans la Quatrième Evangile qui seul rapporte le miracle de la Piscine de Bethsaïda-lez-Jérusalem, ce miracle se trouve placé au chapitre V, après les débuts de Bar-Jehoudda en Judée comme baptiseur, sa tournée en Samarie et les Noces de Cana en Galilée. Mais l'évaluation de la durée du mal dont souffre le miraculé, trente-huit ans, place la chose avant toutes les autres dans la carrière de Bar-Jehoudda ; car l'évangéliste date le temps depuis la naissance de l'auteur de l'Apocalypse, c'est-à-dire depuis le jubilé de 139. Ainsi Bar-Jehoudda, serait reparti pour l'Égypte avant la révolte de son père qui est de 760, en serait revenu après deux périodes sabbatiques et une demi-période, ce qui répond à la fois aux indications de l'Apocalypse et à la date de 777, fournie par le Quatrième Évangile comme étant celle de son premier voyage politique à Jérusalem.

[5] Quatrième Evangile, V, 3 et 4.

[6] Quatrième Evangile, V, 5-9.

[7] Quatrième Evangile, V, 14.

[8] Le premier-né, il vous en souvient sans doute.

[9] Il semble bien que la fontaine de Siloé soit le lieu dit Gichon où Salomon fut sacré roi par les émissaires de David. (I Rois, I, 38.) C'est une très vieille tradition, et recueillie par les Arabes, que la mère de Bar-Jehoudda y aurait puisé de l'eau, Aïn Sitti Maryam, disent-ils.

[10] Quatrième Evangile, IX, 7.

Il est remarquable que sans le Quatrième Évangile nous ne saurions plus ni que Bar-Jehoudda est venu à Jérusalem, âgé de trente-huit ans, ni qu'il a baptisé à la piscine de Siloé, en Judée et en Samarie. Si nous ajoutons que cet Évangile mentionne seul la condamnation et la mort d'Éléazar, beau-frère de Bar-Jehoudda ; qu'il est le seul à ne pas contenir de Cène, et à dire catégoriquement que Bar-Jehoudda fut mis en croix avant la pâque, ne nous étonnons plus que Cérinthe, auteur de cet Évangile, ait été classé parmi les plus abominables hérétiques de son temps !

[11] Et non Notre Seigneur est venu, comme certains ecclésiastiques le voudraient. On s'étonne vraiment de lire ces mots syriaques avec cette traduction dans les commentaires de M. l'abbé Paul Flach sur les Épîtres de saint Paul, 1871. (Sur ce point, voir Intermédiaire des chercheurs et des curieux, du 13 février 1906.) M. l'abbé Flach est le fils d’un ancien rabbin converti au catholicisme.

Maran atha vient de l'Apocalypse. Loin d'être une formule de malédiction, comme d'autres l'ont avancé, c'est un appel, un cri d'espoir. C'est avec le Moyen âge seulement qu'il est entré dans le vocabulaire de l'excommunication.

[12] Michel Psellos d'après Chérémon. (Origines de l'histoire par M. Fr. Lenormant, p. 585.)

Depuis longtemps la science honnête — j'entends celle qui n'use pas de supercherie — prédisait les jours, les heures et les instants où devaient se produire les éclipses de soleil et de lune. Elle n'en abusait point pour tromper le peuple : au contraire, elle essayait de le faire revenir sur le préjugé que ces phénomènes étaient un effet de charmes et d'enchantements irrésistibles voyez Pline là-dessus. Un Grec comme Périclès étend son manteau devant les yeux du pilote épouvanté par une éclipse de soleil et lui dit : Ce que je fais la n'en diffère qu'en ce que le corps qui passe devant le soleil est plus grand que mon manteau. Un Romain comme Sulpicius Gallus, tribun de la seconde légion au temps de Paul-Émile, prédit une éclipse de lune qui devait arriver la veille de la bataille contre Persée, assemble ses soldats pour qu'ils n'en soient point impressionnés, leur explique les raisons physiques du phénomène, en marque la durée de deux à quatre heures, et fait ensuite un traité sur cette matière. (Valère Maxime, Livre VIII, ch. IX). Un Juif comme Bar-Jehoudda s'attribue le mérite l'éclipse, perturbe l'esprit, compromet la vie et pompe l'argent des malheureux qu'il ensorcelle. Qui du Grec, du Romain ou un Juif connaît le vrai Dieu ?

[13] Nous montrerons même qu'il en citait l'auteur, lorsque nous arriverons aux témoignages des écrivains de tout pays qui ont connu Bar-Jehoudda et qui par conséquent n'ont pas connu Jésus.

[14] C'est un monument des plus curieux de l'imposture christienne, aïs non des plus extraordinaires. Nous verrons mieux.

[15] Nous datons de 785 sur les indications du Quatrième Évangile ou le jésus est donné comme ayant quarante-six ans.

[16] Quatrième Évangile. La Judée et les Juifs sont mis là par opposition aux Juifs transjordaniques et aux quelques Samaritains qui tenaient pour le fils de David.

[17] On peut omettre sur ce point les Actes des Apôtres : ce sont des pratiques en usage dans tout l'Orient. C'est à Shehimon que les Actes les attribuent, mais tout démontre qu'elles appartenaient à Bar-Jehoudda. Le fait a été transporté de l'Evangile dans les Actes, après que l'Église eut décidé que le Jésus ne serait allé qu'une seule fois à Jérusalem, pour y être crucifié. C'est pour la même raison que la guérison du boiteux, les emprisonnements et fustigations, l'assassinat d'Ananias, etc., ont été placés après la crucifixion.

[18] Je les ai jetés au loin parmi les gentils et dispersés à travers les régions, dit Iahvé des Juifs, mais je leur ai été un petit sanctuaire dans les contrées où ils sont allés... Je vous recueillerai d'entre les nations, et vous rassemblerai des contrées où vous avez été répandus, pour vous donner la terre d'Israël. Quand ils y seront rentrés, ils en ôteront toutes les idoles et toutes les abominations. Je ferai qu'ils auront un même cœur et mettrai en eux un esprit nouveau : de leurs corps mêmes j'écarterai le cœur de pierre pour le remplacer par un cœur de chair, afin qu'ils cheminent dans mes prescriptions, qu'ils gardent et pratiquent mes lois, qu'ils soient mon peuple et que je sois leur Elohim. (Ezéchiel, XI.)

[19] Vie de Moïse, livre III.

[20] Deutéronome, XIII.

[21] Philon, Vie de Moïse, livre III.

[22] Quatrième Évangile, II, 17.

[23] Après avoir transporté ce miracle de l'Evangile dans les Actes, on fait dire à Pierre qui a depuis longtemps cessé d'être Shehimon : Au nom de Jésus-Christ le Nazaréen, lève-toi et chemine. Conséquence logique de la transformation du nazir Bar-Jehoudda en Jésus-Christ et de Shehimon en Képhas ou Pierre.

[24] C’est un boiteux dans le genre du malade que nous avons vu à la fontaine probatique en 771. Et qui sait s'il ne s'agit pas du même fait ?

[25] Jochanan ben Zaccaï, vice-président du Sanhédrin, à moins que ce ne soit Jonathan, fils de Hanan, lequel Jonathan, nommé grand-prêtre par Vitellius en 790, succéda par conséquent à son beau-frère Kaïaphas. Son frère Théophile, également nommé par Vitellius, prit sa place en 791, sous Caligula. L'emprisonnement de Bar-Jehoudda et Shehimon s'explique autrement, et d'une façon bien plus plausible par la guérison d'un boiteux. Si l'on réfléchit que Rome poussait successivement au trône pontifical le gendre et les fils de ce Hanan qui avait été le grand prêtre du Recensement, on conçoit sans peine le tumulte soulevé par les fils de Jehoudda sous le Portique de Salomon.

[26] Les Actes évaluent les christiens à cinq mille, chiffre tiré de la Multiplication des pains. A la Pentecôte, en une seule journée, Pierre baptise trois mille personnes !

C'est à lui, en effet, que les Actes attribuent spécialement ces miracles analogues à ceux de son frère. Les Actes, dans la première partie, sont tout à la gloire de Pierre qui opère seul, car pour eux il n'est déjà plus le frère de Bar-Jehoudda qui, de son côté, s'appelle déjà Jésus dans l'Evangile.

[27] Comme il a fait passer le discours de Gamaliel du troisième emprisonnement dans le second, nous verrons cela tout à l'heure.

[28] En renversant le cas de Jacques dans les Actes. Dans la fable de Pierre et de Paul, martyrs à Rome, c’est Paul qui meurt décapité et Pierre crucifié.

[29] Sur cette appellation, cf. le Charpentier.

[30] Maître. Nous avons déjà vu le Joannès appelé Seigneur dans Luc.

[31] C'est le cas de Jésus dans la christophanie.

[32] C'est le cas du Joannès dans la réalité.

[33] Quatrième Évangile, III, 26-36.

[34] Très exact, parce que c’est en contradiction absolue avec ce qui vient d'être dit au verset précédent. Jésus n'a jamais baptisé que par les mains des disciples du Joannès.

[35] Quatrième Évangile, IV, 1-4.

[36] Aujourd'hui Askar, en avant et à une demi-heure de Sichem, sur le côté est de l'Ebal, non loin du puits de Jacob dont il est question plus loin.

[37] Bethsaïda, à qui Philippe avait donné le nom bestial d'une impératrice.

[38] Josué, ch. XXII, et Juges, ch. XXI.

[39] Exode, XVI.

[40] Quatrième Évangile.

[41] Aujourd'hui Djénin.

[42] Dans le Haram Megiddo de l'Apocalypse. C'est là que devait avoir lieu l'extermination des ennemis d'Israël.

[43] Le Verseau, signe sous lequel était la terre en 785.

[44] Dans l'Apocalypse, l'Agneau, conduit les croyants aux sources d'eau intarissables que le Cycle du Zib doit ramener dans l'Eden.

[45] L'Apocalypse est formelle, il vous en souvient.

[46] Quatrième Évangile, IV, 32 et suivants.

[47] Quatrième Évangile, IV, 40.

[48] Jonas, VI, 10.

[49] Quatrième Évangile, IV, 42.

[50] Ce qui confirme l’âge de quarante-six ans que le Quatrième Evangile donne à Bar-Jehoudda en 785.

[51] C'un des mensonges de l'Eglise.

[52] Josèphe ne raconte l'opération de Pontius Pilatus contre cet imposteur en Samarie au mois de nisan 788. Nous y arrivons.

[53] Ce Simo Magus est une figure très curieuse. Ennemi des apôtres, à cause leurs impostures et de leurs forfaits, il n'a jamais eu de conférence avec Pierre en Samarie, comme le disent les Actes, et Pierre, de son côté, n'a jamais lutté contre lui à Rome sous Néron, par la bonne raison que Pierre, transfiguration évangélique de Shehimon crucifié à Jérusalem en 802, n'a jamais mis les pieds en Italie.

[54] Quatrième Evangile, IV, 44.

[55] Aucune erreur possible. Il a pris possession de sa tétrarchie en 730 et il est mort en la vingtième année de Tibère. (Josèphe, Antiquités judaïques). Nous verrons plus tard les falsifications ecclésiastiques dont Josèphe a été l'objet sur ce point particulier.

[56] Il n'y a pas ou plutôt il n'y a plus de preuves historiques qu'Hérodiade fût femme de ce Lysanias, et j'ai déjà dit qu'on trouvait dans les généalogies hérodiennes de Josèphe un passage qui faisait le premier mari d’Hérodiade fils de Mariamne, alors que le tétrarque d'Abilène était, semble-t-il, fils de Cléopâtre. Mais Luc a falsifié l'histoire en donnant Hérodiade comme femme de Philippe. Hérodiade était lemme d'un Hérode qui n'est pas Philippe et qui était vivant lorsque Antipas la prit. Le texte de Josèphe parait avoir été touché à l'endroit où il dit que cet Hérode était fils d'Hérode le Grand et de Mariamne, fille du grand-prêtre Simon. Il est exact en ceci qu'Hérodiade n’eut point de honte de fouler aux pieds le respect dû aux lois en abandonnant son mari pour épouser, quoique le mari fût vivant, Hérode (Antipas) son frère, tétrarque de Galilée. Antiquités Judaïques, livre XVIII, ch. VII. Ce texte est un arrangement ecclésiastique bien postérieur à l'imposture de la décapitation du Joannès Produite dans certains Evangiles, et c'est de ces Evangiles mêmes que provient la fausse qualité de frères donnée à Antipas et à Philippe. Ils n'étaient que demi-frères.

[57] Je rappelle qu'elle n'a été bâtie qu'au huitième siècle.

[58] Quatrième Évangile, VII, 31.

[59] Zacharie, XIII, 1; déjà cité dans le Charpentier.

[60] Ghemara de Babylone, traité de l'Idolâtrie.

[61] Quarante ans avant la destruction du Temple (Ghemara de Babylone, art. Sanhédrin), soit 783. On était donc là depuis quatre ans.

[62] Fait placé quarante ans avant la chute du Temple, donc 783, par le Talmud de Jérusalem (Joma, Traditio et Juchasin) ; Josèphe relate aussi l'histoire de la porte, mais il la place trente-trois ans après le Talmud.

[63] Quatrième Évangile, VIII, 59.

[64] On en a la preuve. Il y vise un fait historique (la révolte de Theudas) qui date de Cuspius Fadus, procurateur de Claude en Judée dix ans après Pilatus et la grande-prêtrise de Kaïaphas. Je me suis toujours demandé si le nom de Gamaliel ne viendrait pas de Gamala et si l'indulgence qu'il montre pour les Jehouddistes n'aurait pas pour cause une commune origine à la fois davidique et gamaléenne.

[65] Par Luc, III, 20, comme si cette incarcération était le fait d'Antipas. Par Marc et par Mathieu comme si elle était le fait d'Hérodiade et de Salomé, sa fille, et qu'elle ait été immédiatement suivie de la décapitation du Joannès devenu un personnage indépendant du jésus et précurseur du prétendu Jésus de Nazareth. Par le Quatrième Evangile, dans le passage que nous avons cité plus haut.

[66] Luc, XVIII, 19-20.

[67] Un autre Ananias, sacrificateur, fut assassiné par les Zélotes dans des conditions qui ressemblent beaucoup à celles-là, mais quinze ans plus tard. (Josèphe, Guerre des Juifs.) Est-ce la même affaire, déplacée par les arrangeurs et reportée après la mort de Shehimon et de Jacob senior, crucifiés en 802, de manière à exonérer de ce forfait la mémoire de ces deux apôtres ? C'est bien possible. In autre Ananias encore, probablement fils de celui-ci et grand-prêtre en 819, fut assassiné par les gens de Ménahem, dernier frère de Bar-Jehoudda. (Josèphe, Guerre des Juifs.)

[68] Je ne sais quel prud'homme mâtiné de jocrisse s'est écrié : Il accuse Pierre d'avoir commis des assassinats ! Je ne l'en accuse pas, monsieur, je l'en convaincs.

[69] Actes des Apôtres, V, 6.

[70] X, 28.

[71] Actes des Apôtres, VII, 20 et suiv. Discours dont la rédaction peut être du quatrième siècle et où le véritable motif de la lapidation est soigneusement déguisé, comme celui de l'assassinat d'Ananias.

[72] Actes des Apôtres, VII. Déposition des faux témoins contre Stéphanos. Ces témoins ne sont pas faux, ils sont supposés et ils récitent ce que leur souffle l'auteur des Actes, au mépris de toute vraisemblance.

[73] Actes, VI, 48 et suiv.

[74] Très probablement au lieu où Bar-Jehoudda fut crucifié quinze mois après.

[75] Décollé, disent les Actes, ce qui est vrai de Theudas, mais faux de ce Jacob.

Il y avait eu quelqu'un de lapidé, avant la révolte de 788, Jésus en convient : Jérusalem, Jérusalem, qui massacres les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés, s'écrie-t-il trois jours avant la crucifixion de Bar-Jehoudda. (Luc, XIII.)

[76] Nous verrons tout à l'heure le martyre et la résurrection d'Eléazar, mari de Thamar. Dans l'Evangile la résurrection de Bar-Jehoudda n'est que la quatrième. Dans l'ordre apostolique elle n'est que la sixième. (Voir celles de Jehoudda et de son frère dans l'Apocalypse.)

[77] Précisément, il est à Kaphar Naüm la veille. (Luc, VII, p. 1.) Il faut donc lire Naüm, et il y avait dans le texte araméen Kaphar Naüm, littéralement Village nommé Naüm. Ce Naïn étant inconnu de toutes les Ecritures, tant anciennes qu'évangéliques (le Naïn de Josèphe est en Idumée), l'Eglise a été obligée de faire pour cette ville ce qu'elle a fait pour Nazareth, c'est-à-dire de la construire au huitième siècle. Elle a fixé Naïn dans les environs de Nazareth, les deux faux s'appuyant l'un sur l'autre.

[78] Le Naïn d'aujourd'hui est un misérable petit village en pisé, sans aucun vestige d'antiquité.

[79] On a mis : fils unique de sa mère pour qu'on ne reconnût pas en lui l'un des Sept.

[80] Bar-Jehoudda ne le vit point mort et n'assista pas à l'enterrement. Son naziréat l'en empêchait. Il en fera de même avec son beau-frère Eléazar.

[81] Luc, VII, 11 et suiv.

[82] Augustin y fait un emprunt (Confessions, Livre VI, 1). Il se compare au jeune homme ressuscité et, comme lui, à la demande de sa mère.

La mère d'Augustin était veuve de Patrice comme Salomé l'était de Jehoudda.

[83] Royal est mis ici pour impérial, terme inconnu des scribes juifs.

[84] Il n'est pas besoin de faire ressortir l'importance qu'auraient eue ces Sept Dignitaires, si Jésus et les Douze eussent existé. Rien dans le monde ecclésiastique n'aurait pu se constituer sans eux.

[85] Fabricius, Codex apocryphorum novi Testamenti, t. I, pp. 95 et suiv.

[86] Voir les prétentions de Siméon ben Gamaliel à la tyrannie davidiste dans le Talmud de Jérusalem. On croirait entendre Bar-Jehoudda lui-même.

[87] Actes des Apôtres. Nous étudierons en temps et lieu le cas de ce persécuteur, à son tour persécuté par les frères survivants de Jacob junior et de Bar-Jehoudda.

[88] Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, l. XV, ch. XI, 659. Costobar est Bar-Koche retourné et précisé, d'après ce que Josèphe donne à entendre. Saül est un fils de l'Étoile iduméenne, comme Bar-Jehoudda est un fils de l'Étoile davidique.

[89] Le père d'Hérode le Grand, Antipater, était Iduméen, mais sa mère, Cypros, était Arabe, sans doute fille d'un de ces rois Arétas chez qui Antipas, tétrarque de Galilée, avait pris femme. Donc, par sa grand'mère, Salomé, sœur d'Hérode, Saül avait du sang arabe dans les veines, du sang païen, diront les Naziréens.

[90] Les jehouddistes parlaient l'araméen avec un fort accent. Leur langage les décelait, comme dit le serviteur de Kaïaphas à Shehimon dans l'Evangile. Ils avaient donc la plus grande peine à se faire comprendre des hellénistes. Saül, au contraire, avait cet avantage : Tu parles grec ? dit Lysias à Paul dans les Actes. Tu n'es donc pas cet Égyptien qui avant ces jours a excité des séditions et a conduit dans le désert quatre mille hommes armés de siques ? (Josephus Christianus, Patrologie grecque, t. CXI, p. 130.) Cet Egyptien semble être Apollos, disciple de Bar-Jehoudda quant au baptême. Nous examinerons la question en son lieu.

[91] Actes, XXVI, 6 et suiv.

[92] Après les christiens millénaristes toutefois.

[93] On a mis Jésus le Nazaréen bien entendu.

[94] Certaines villes d'Arabie peut-être. Il avait de la famille, des terres peut-être en Arabie. C'est pourquoi, après son expédition à Damas contre les frères survivants de Bar-Jehoudda, il se serait retiré en Arabie où il serait resté trois ans. (Épître aux Galates).