LE MENSONGE CHRÉTIEN - (JÉSUS-CHRIST N'A PAS EXISTÉ)

 

TOME I. — LE CHARPENTIER

V. — NATIVITÉ SELON LUC.

 

 

I. — UN MÉNAGE MÉTAPHYSIQUE.

 

Voici maintenant la Nativité mise sous le nom de Luc.

Nul n'a jamais su qui était Luc.

Sa Nativité ne lui appartient pas plus que le reste. Toutefois elle est très ancienne, plus ancienne peut-être que celle de Mathieu. Valentin, qui ne connaît pas Luc — ni Marc d'ailleurs ni le pseudo-Jean l'Évangéliste — connaît sa Nativité avec des détails, les allégories de Siméon et d'Anna, qui ne sont pas dans les autres Évangiles.

Disons tout de suite qu'on distingue nettement deux Luc dans l'Évangile mis sous son nom, l'un qui avoue l'identité du Joannès et du jésus, l'autre qui a fait de Jésus par sa fausse Nativité au Recensement un être distinct du Joannès et qui par là est le véritable auteur de la superstition jésu-christienne. Nous n'aborderons ce second Luc qu'après avoir épuisé le premier[1].

Le Joannès a ici la très haute mine qu'il doit avoir. C'est un premier-né dans la famille sacerdotale d'Aaron, dans la famille royale de David. Il est Nazir et il n'est pas de Nazareth. Avant de revêtir comme dans Marc et dans Mathieu son vêtement camélique et de se ceindre de cuir — pure allégorie d'ailleurs — le Joannès a pour demeure la maison de David ; il a porté de beaux habits, étudié les Écritures, il est Rabbi (Maître) parmi les hommes[2]. Luc est le seul qui lui ait conservé cette physionomie. Dans les autres Évangiles, le Joannès est victime de sa transfiguration en Jésus. On lui enlève sa double origine davidique, son père, sa mère, ses frères, ses sœurs, son naziréat, son corps même pour les donner à Jésus qui d'ailleurs n'en veut pas. On ne sait plus qui il est ni d'où il vient. C'est lui qui a l'air d'être descendu des cieux.

 

La Nativité selon Luc est un marivaudage dangereux pour qui ne connaît pas à fond la mythomanie judaïque. C'est encore le Songe de Joseph, mais combien compliqué, alambiqué !

Avant de se présenter sous son pseudonyme de Joseph, Jehoudda paraît sous la figure de Zacharie le prophète. Avant de se présenter sous son pseudonyme de Maria, Salomé paraît sous la figure d'Eloï-schabed.

La figure de Zacharie convenait merveilleusement à Jehoudda et même elle ne convenait qu'à lui. Zacharie était avec Aggée le prophète de la reconstruction du Temple par Zorobabel. Or Jehoudda avait un frère qui s'appelait Aggée et il descendait de Zorobabel[3]. Comme Zorobabel il avait eu sept enfants mâles, et il avait tenu, on sait avec quel zèle, pour le Temple tel que l'avait voulu Zacharie contre le Temple tel qu'Hérode l'avait fait. Enfin comme nous l'avons montré, Zacharie, dernier anneau de la chaîne des prophètes, est le seul qui annonçât la mission baptismale du christ davidique.

Toutefois nous pensons que l'évangéliste n'a nullement eu en vue le vieux prophète. Dans Zacharie il y a le Sachûri, père zodiacal du Zib et qu'il s'agit précisément de dissimuler sous une étiquette pour goym.

Quant à Eloï-schabed il n'y avait en Judée qu'une femme autorisée à prendre sa figure.

Eloï-schabed est la mère de Maria la Magdaléenne et vous savez assez que Maria est le pseudonyme évangélique de Salomé. Le jeu de mots qui se cache dans le nom d'Eloï-schabed est double. Eloï-schabed veut dire Serment d'Eloï, Promesse de Dieu, et depuis la mère de Maria, sœur de Moïse, personne dans l'histoire juive n'a porté ce grand nom. D'autre part, Salomé est dite fille d'Eli dans sa généalogie, en sorte qu'Eloï-schabed, quand on orthographie Eli-schabed, veut dire Serment d'Eli.

 

5. Il y avait sous le règne d'Hérode[4], roi de Judée, un prêtre, nommé Zacharie, de la famille d'Abia, l'une de celles qui servaient dans le Temple, chacune en leur rang[5] ; et sa femme était aussi de la race d'Aaron, et s'appelait Eloï-schabed.

 

Ils étaient donc l'un et l'autre de la tribu de Lévi. Outre leurs droits à l'héritage davidique, Jehoudda et Salomé faisaient sonner bien haut leurs prétentions à celui de Moïse et d'Aaron. L'homme qui, dans l'Assomption de Moïse, consacre ses sept fils à Dieu est de la tribu de Lévi[6]. Zacharie en est également. Quant à Eloï-schabed, on ne peut être davantage de Lévi, puisqu'elle est la mère de Moïse, d'Aaron et de Maria la Magdaléenne.

 

6. Ils étaient tous deux justes devant Eloï[7], marchant dans tous les commandements et toutes les ordonnances du Seigneur d'une manière irrépréhensible.

 

Dans le langage des Ecritures christiennes — rappelez-vous Mathieu — être juste, c'est observer la Loi sans défaillance : Circoncision, Sabbat, Sacrifices sanglants, Fêtes mosaïques. Droit d'esclavage, Exclusion ou pour mieux dire Excommunication des étrangers dans le mariage et à la pâque, nous en passons. Ils étaient donc en droit d'attendre qu'Eloï tint le serment qu'il avait fait à tous ceux qui garderaient ses ordonnances. Ce serment est à toutes les pages de la Bible.

 

7. Ils n'avaient point de fils, parce qu'Eloï-schabed était stérile, et qu'ils étaient déjà tous deux avancés en âge.

 

Ce n'est point parce qu'Eloï-schabed était stérile qu'ils n'avaient point de fils : Eloï-schabed aurait pu avoir des filles sans cesser pour cela d'être stérile au sens de Zacharie. Mais elle ne pouvait être qualifiée de féconde qu'à la condition d'avoir un fils. Ce n'est pas une fille, c'est un fils que le prophète Zacharie avait annoncé et qui devait entrer dans Jérusalem, chevauchant sur l'âne et sur le poulain, fils des ânesses[8], appareil pacifique du conquérant après la victoire.

Il est très vrai d'ailleurs que Zacharie et Eloï-schabed étaient tous deux fort avancés en âge : Zacharie remontait à Darius. Quant à Eloï-schabed elle était beaucoup plus vieille encore, puisqu'elle était fille de Lévi et mère de Maria la Magdaléenne[9].

D'ailleurs n'oublions pas que c'est ici la Nativité du Joannès, jésus par le baptême d'eau, le seul article qui soit à l'actif de sa faillite au moment où écrit Luc. Les signes convertissables[10] jouent certainement un rôle essentiel dans l'allégorie. Leur incapacité de génération n'est qu'apparente et temporaire, elle va céder devant le signe de la Rénovation, les Poissons, et devant celui de la venue du Christ, l'Agneau. Eloï-schabed est froide et rigide comme la polaire, Zacharie, triste et larmoyant comme l'Homme-Verseau, mais le Verseau est le précurseur des Poissons et les Poissons les précurseurs de l'Agneau. Or le Verseau s'appelait, il vous en souvient, Zachû[11] — dont les scribes ont formé Zachûri — comme les Poissons s'appelaient Zib, d'où ces mêmes scribes ont formé Zibdeos.

 

II. — VISION DE ZACHARIE DANS LE TEMPLE.

 

8. Or Zacharie faisait sa fonction de prêtre devant Eloï dans le rang de sa famille.

9. Il arriva par le sort, selon ce qui s'observait entre les prêtres, que ce fut à lui d'entrer dans le Temple d'Eloï pour y offrir les parfums.

10. Cependant toute la multitude du peuple était dehors, faisant sa prière à l'heure où on offrait les parfums.

 

La chose n'a donc eu aucun témoin, elle est entre Zacharie et Eloï. En effet, à l'autel des parfums, Zacharie est devant le tabernacle du témoignage, le lieu où je vous apparaîtrai, dit Eloï à Moïse[12].

 

11. Et un ange du Seigneur lui apparut, se tenant debout à la droite de l'autel des parfums.

 

Cet ange est nommé plus loin, c'est Gabriel. Il est classique comme messager d'Eloï, voyez-le plutôt dans Tobie.

 

12. Zacharie, le voyant, en fut troublé, et la frayeur le saisit.

13. Mais range lui dit : Ne craignez point, Zacharie, parce que votre prière sera exaucée ;

 

En effet, qu'est-ce que Zacharie avait demandé à Eloï ? De tenir son serment en donnant un fils à Joseph, et, portée par la fumée des parfums, la prière de Zacharie avait été entendue : pour destériliser son schabed Eloï a fécondé Maria.

 

Et Eloï-schabed, votre femme, vous enfantera un fils auquel vous donnerez le nom de Joannès,

 

Gabriel est formel : Zacharie reçoit l'ordre d'appeler son fils Joannès sans consulter personne, alors qu'il aurait dû l'appeler Zacharie pour obéir à la Loi. Mais comme Jehoudda ne s'appelait pas Zacharie et qu'au contraire il était surnommé Joannès, à cause de son Apocalypse, ainsi que nous l'avons montré par quatre passages de l'Evangile, il se trouve que Gabriel ne lui commande aucune irrégularité en lui disant d'appeler son fils Joannès. On a l'Esprit-Saint ou on ne l'a pas.

 

14. Vous en serez dans la joie et dans le ravissement, et beaucoup de personnes se réjouiront de sa naissance ;

15. Car il sera grand devant le Seigneur ; il ne boira point de vin, ni rien de ce qui peut enivrer par ferments[13] ; et il sera rempli du Saint Esprit dès le sein de sa mère.

 

En un mot, il sera Nazir. Son père n'a pas attendu qu'il fût né pour le vouer à Eloï. Le Joannès est son premier-né, il n'appartient pas à son père, il est à Eloï dès le ventre. C'est la Loi, et personne ne la connaît mieux que Zacharie, puisque sa femme et lui descendent de ceux qui l'ont faite[14].

Luc, à ce moment de son allégorie, se garde bien de prononcer le nom de Naziréen qui mettrait le goy sur la voie de l'identité du Joannès et du jésus. Mais c'est bien le Joannès qui est le Naziréen de l'Evangile, et non un second personnage nommé Jésus lequel n'existe point en chair, ce qui lui permet de déblatérer impunément, au milieu même des disciples du Joannès, contre le régime que celui-ci leur a légué. Ce n'est point pour être né à Nazareth que le Joannès fut dit Nazir, puisqu'il l'était avant de naître et que Nazareth n'existe pas avant le huitième siècle. Il est dit ainsi parce qu'il était né Nazir, qu'il a vécu Nazir et que, malgré la soif qui le tourmentait sur la croix, il est mort Nazir, ayant refusé de boire l'éponge de vinaigre que les soldats de Pilatus lui tendaient. Il a de même observé les jeûnes spéciaux qui lui étaient commandés par la Loi, jeûnes tellement rigoureux que Jésus, descendu dans les Écritures, se voit forcé d'en affranchir les Naziréens du second siècle[15].

 

16. Il convertira plusieurs des enfants d'Israël à Eloï, leur Dieu.

17. Et il marchera devant lui dans l'esprit et dans la vertu d'Elie, pour réunir les cœurs des pères avec leurs enfants, et rappeler les désobéissants à la prudence des justes, [dans le sens légal, toujours] pour préparer à Eloï un peuple parfait.

 

Cette préparation, le Joannès l'avait faite par l'Apocalypse de 782 et le baptême qui s'en suivit, mais en pure perte, car le Verbe-Jésus ne vint pas au rendez-vous que le Précurseur lui avait assigné.

 

18. Zacharie dit à l'ange : A quoi connaîtrai-je ce que vous me dites ? [Quelle sera la preuve qu'Eloï-schabed aura un fils] car je suis vieux et ma femme est déjà avancée en âge ?

19. L'ange lui répondit : Je suis Gabriel qui me tiens devant Dieu, et j'ai été envoyé pour vous parler et pour vous annoncer cette heureuse nouvelle.

20. Et dans ce moment vous allez devenir muet, et vous ne pourrez plus parler jusqu'au jour où ceci arrivera, parce que vous n'avez point cru à mes paroles, qui s'accompliront en leur temps.

 

Si Zacharie devient muet, c'est par décret de Luc, ce n'est nullement pour n'avoir point cru aux paroles de Gabriel, puisque tout à l'heure Gabriel lui a annoncé que sa prière avait été exaucée. Mais ce n'est pas à Zacharie de parler en cette circonstance, c est aux signes du temps que Gabriel vient d'annoncer et que les Chaldéens de Mathieu connaissent si bien. Les signes sont précisément la preuve demandée. Eloï va les fournir.

 

21. Cependant le peuple attendait Zacharie, et s'étonnait de ce qu'il demeurait si longtemps dans le Temple.

 

Comme il était là depuis Darius, le temps pouvait sembler long aux Juifs.

 

22. Mais étant sorti, il ne pouvait leur parler et ils connurent qu'il avait eu quelque vision dans le Temple, car il ne s'expliquait à eux que par signes, et il demeura muet.

 

En effet, la parole est à Eloï pour réaliser par des signes la vision de Zacharie, car Zacharie a vu quelque chose. Mais quoi ?

 

23. Quand les jours de son ministère furent accomplis, il s'en alla dans sa maison.

24. Quelque temps après, Eloï-schabed, sa femme, conçut, et elle se tenait cachée pendant cinq mois, disant :

25. C'est ainsi que le Seigneur en a usé avec moi, lorsqu'il ma regardée pour me tirer de l'opprobre où j'étais devant les hommes.

 

C'était une punition en effet, que de n'avoir point d'enfants, de mâles surtout, quand Israël en avait tant besoin. Mais un regard d'Eloï avait suffi pour tirer de l'opprobre sa servante Maria.

Nous avons assez dit, et l'Evangile le répète assez, que dans la théorie de Jehoudda, le Verbe d'Eloï était l'unique Père des Juifs et l'unique Epoux de leurs femmes. A leur âge, et étant donné leur constitution métaphysique, Eloï-schabed et Zacharie ne sont pour rien dans la confection de Joannès. Le peuple a bien jugé : c'est une vision, une pure vision qui a retenu Zacharie dans le Temple. En quoi consiste-t-elle ? Et quel signe Eloï a-t-il montré dans le Temple davidique, représenté par Zacharie, à la Judée, représentée par Eloï-schabed ? Voici : le sénile Zacharie s'est vu puissant sous les traits de Joseph, la stérile Eloï-schabed s'est vue féconde sous l'image de Maria. La vision qu'a eue Zacharie, c'est le Songe de Joseph en voie de réalisation depuis six mois dans Maria.

 

III. — ELOÏ-SCHABED LA STÉRILE ENCEINTE DE SIX MOIS DANS MARIA LA FÉCONDE.

 

26. Or, comme elle était dans son sixième mois, l'ange Gabriel [à qui incombe le soin de préparer le signe] fut envoyé d'Eloï en une ville de Galilée appelée Nazareth [nom évangélique de la ville où naquit le Nazir],

 

Ce signe, l'évangéliste le connaît par l'Apocalypse : Gabriel ne peut le préparer que dans la Vierge.

 

27. A une vierge qui était fiancée à un homme de la maison de David, nommé Joseph ; et cette vierge s'appelait Maria.

 

A la bonne heure ! Voilà un homme en état d'engendrer, voici une femme en état de concevoir ! C'est à la vierge de Sion qu'il appartient de réaliser charnellement le schabed d'Eloï.

 

28. L'ange, étant entré où elle était, lui dit : Je vous salue, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre toutes les femmes.

29. Mais elle, l'ayant entendu, fut troublée de ces paroles, et elle pensait quelle pouvait être cette salutation.

30. L'ange lui dit : Ne craignez point, Maria, car vous avez trouvé grâce devant Eloï.

31. Vous concevrez dans votre sein, et vous enfanterez un fils à qui vous donnerez le nom de jésus [sauveur].

32. Il sera grand, et sera appelé le fils du Très-Haut ; le Seigneur-Dieu lui donnera le trône de David, son père ; il régnera éternellement sur la maison de Jacob.

33. Et son règne n'aura point de fin.

 

C'est bien cela, c'est ce qu'on croyait du sauveur, c'est ce que le Joannès disait de lui-même : il ne mourrait pas que le Christ Jésus ne vînt et que la Judée ne fût délivrée.

 

34. Alors, Maria dit à l'ange : Comment cela se fera-t-il ? Car je ne connais point d'homme.

 

C'est parfaitement exact. Maria était vierge lorsque Gabriel a annoncé à Eloï-schabed qu'elle enfanterait. Il n'en est pas moins vrai que sous le signe de la Vierge où Gabriel nous transporte, la vierge de Sion qui lui correspond sur terre était enceinte des six mois dont Eloï-schabed est grosse par destérilisation et nous allons en avoir la preuve.

 

35. Le Saint-Esprit surviendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre : c'est pourquoi le saint [le Nazir] qui naîtra devons sera appelé le fils de Dieu.

36. Et sachez qu'Eloï-schabed votre parente[16] a conçu elle-même un fils dans sa vieillesse [Luc sait que c'est un fils, il écrit au milieu du deuxième siècle] et que c'est ici le sixième mois de la grossesse de celle qui est appelée Stérile.

37. Parce qu'il n'y a rien d'impossible à Eloï.

 

La Promesse d'Eloï est stérile tant qu'Eloï lui-même ne lui donne point de corps, la Judée est appelée la Stérile par Isaïe quand l'Epoux ne lui suscite point de fils. Mais cette fois Eloï a parlé en Maria : sa Promesse est enceinte de six mois.

 

38. Alors, Maria lui dit : Voici la servante du Seigneur ; qu'il me soit fait selon votre parole. Et l'ange se sépara d'elle.

 

Ce curateur au ventre la laisse enceinte du même laps de temps, jour pour jour, qu'Eloï-schabed, il n'en peut être autrement.

 

Celui qui mène tout le thème est l'ange Gabriel, à cause de la grande habitude qu'il a de faire les commissions de Dieu sur la terre. Gabriel est quelque peu Mercure. Gabriel est de style, nous l'avons déjà vu opérer anonymement dans Mathieu. Il précise la fiction dans le sens astrologique, et pour l'entendre autrement, il faut avoir de ces pensées qui confinent à la petite hystérie. Puisque pour tous la Vierge conçoit le Christ à l'équinoxe d'automne, pourquoi Luc n'évoquerait-il pas le phénomène qui permet à Dieu de la féconder d'une façon qui la protège contre la médisance ? Ne sait-on pas qu'il y a un jour d'automne où Dieu consent à partager sa lumière avec l'ombre sur le pied de la plus parfaite égalité ? Et que l'Enfant qu'il fait dans ces conditions n'est ni un ouvrage d'homme ni un ouvrage de femme, mais un fruit d'équinoxe ? Comment cela se fera-t-il, dit Marie, vu que je ne connais point d'homme ?Le Saint-Esprit, répond Gabriel, viendra sur toi et la vertu du Très-Haut te couvrira de son ombre ; aussi l'Enfant Saint sera-t-il nommé Fils de Dieu.

Donc, le 23 septembre environ, Maria apprend par Gabriel qu'un nouveau soleil est en elle[17]. Maria, pourquoi fais-tu l'étonnée ? Tu sais tout cela mieux que Gabriel, car il fut un temps où la nouvelle année commençait quand le Soleil entrait dans la Vierge. Luc, pourquoi feins-tu la surprise ? Tu connais parfaitement ce canon astrologique. Tu sais que dans l'ombre de la nuit où palpite le sein brillant de la Vierge, Dieu à temps mesuré prépare un nouvel Horus, ou — puisqu'en notre qualité de christiens nous sommes entre Juifs — un nouveau Jésus.

L'Ombre de Dieu et la Vierge forment donc un couple qui ne dépend point de la physiologie. Par privilège céleste, la Vierge doit concevoir et enfanter dans les trois mois. Il n'en est pas ainsi du ménage tout humain que représentent Zacharie et Eloï-schabed, par procuration de Joseph et de Maria. La gestation de Maria doit donc être entendue comme l'ont fait les sages-femmes d'alentour. Elle a duré neuf mois. Aussi Gabriel a-t-il pris soin de prévenir Eloï-schabed, six mois avant la Vierge, soit quand Jésus passe sous les Poissons, signe du baptême sauveur que le Joannès apporta jadis à la Judée. Sinon, ce serait la fécondité de l'Impossible.

 

Quelle aventure ! Et quel singulier mari tu fais, mon bon Zacharie ! Tu fécondes ta femme et te voilà muet jusqu'à la fin du neuvième mois. Eloï-schabed, ma mie, quelle épouse bizarre ! Tu te sais grosse et te voilà muette jusqu'au cinquième mois. Est-ce ainsi qu'on fête l'espoir d'un enfant tardif dans un ménage si tendrement uni que, pour imiter le mari, la femme devient muette et juste dans la proportion où une bonne moitié doit savoir se tenir ? D'où vient qu'avant de donner naissance au Joannès-jésus, vous deveniez tout à coup tous deux muets comme le signe qu'il représente, muti sicut duo Pisces ? Vous êtes donc tellement soumis à l'influence des astres que, sur un mot de Luc, vous vous croyiez obligés de les singer jusque dans leur réputation ? Qu'est-ce que tout cela signifie ? Et si nous prenons les choses au pied de la lettre, quelle ne sera pas l'étrangeté du résultat !

N'ayant pas conçu sans macule, Eloï-schabed n'a guère pu être certaine de sa grossesse avant l'époque où ce phénomène se manifeste chez les primipares, d'autant plus que sa stérilité invétérée l'oblige à plus de scepticisme. Joannès n'a donc pas moins de quatre à cinq mois de vie intra-utérine lorsque sa mère s'aperçoit qu'elle est grosse de lui, et comme elle s'en cache pendant cinq mois, il a bien près do dix mois lorsque l'ange Gabriel va en avertir Maria qui accourt. Celle-ci de son côté, ne restant pas moins de trois mois chez Eloï-schabed et ayant le temps de rentrer chez elle avant la naissance du Joannès, il en résulte que celui-ci ne peut pas avoir moins de quatorze mois lorsqu'il vient au monde !

Luc qui, paraît-il, était médecin, ce dont pour ma part je doute, n'a pu songer un seul instant à innover de telle sorte en matière gynécologique qu'il faille quatorze mois à Eloï-schabed pour accoucher ! Un médecin sait très bien que le terme ordinaire est de neuf mois, et Fange Gabriel lui-même se charge de rectifier le compte que nous avons dressé sur les indications de Luc. Le Jésus naîtra dans les conditions requises pour les gestations régulières, après neuf mois. C'est l'étude des signes et pas autre chose qui permet à Luc, messager céleste sous le pseudonyme de Gabriel, d'annoncer à la Vierge que le précurseur du futur Agneau est conçu déjà depuis six mois, et que bientôt il aura le plaisir de voir sa naissance coïncider avec celle du Soleil, sous le Capricorne, comme le veut sa propre Apocalypse.

Enlevons du thème Gabriel qui, comme tous les anges, nous empêche devoir clair : je le connais, il ne dira rien — un ange, cela s'enlève à volonté, comme cela descend. Zacharie étant muet et Eloï-schabed s'étant tue, personne hormis Luc n'a su que Maria était enceinte de six mois lorsque la Vierge apprit qu'à son tour elle allait le devenir. Ce chiffre de six mois est donc de Luc. Ou plutôt il est de l'Apocalypse, source de Luc et de Mathieu. Placé en face de la même difficulté que Mathieu par la faillite de l'Apocalypse en 789, Luc abandonne la signification millénariste de la Vierge aux douze étoiles, et il n'en retient plus que la réalisation de fait, Maria enceinte de six mois sous la Vierge et accouchant sous le Capricorne.

Du reste, l'enfant lui-même va trancher la question avant même qu'elle ne se pose.

 

IV. — OÙ L'ENFANT D'ELOÏ-SCHABED RECONNAÎT INTRA-UTÉRINEMENT MARIA POUR SA MÈRE.

 

39. Maria partit en ce même temps et s'en alla en diligence vers les montagnes en la ville de Jehoudda.

 

Il n'est pas douteux que le scribe primitif n'ait fait un jeu de mots, compréhensible aux seuls initiés, sur la ville de Juda d'où le Messie devait sortir, c'est-à-dire Betléhem, et la ville natale de Jehoudda le Gaulonite, c'est-à-dire Gamala. Il désigne la ville par le nom de celui qui l'habita, c'est assez clair. Le goy est mystifié comme il convient.

 

40. Et étant entrée dans la maison de Zacharie, elle salua Eloï-schabed.

 

Elle ne salue pas Zacharie, c'est inutile. Zacharie est muet depuis Darius, et il est condamné à ne point parler jusqu'à ce que sa métaphysique épouse, la Promesse d'Eloï, ait accouché par le canal de Maria. Quant à l'enfant, il se refuse à faire le jeu de cet allégoriste enragé qu'est Luc. Voué à Eloï avant de naître, il sait qu'il faut honorer ses parents dès le ventre sous peine de malédiction, et que c'est là le premier commandement.

Il reconnaît immédiatement sa mère lorsqu'elle vient saluer Eloï-schabed. Et il tressaille, il s'agite comme pour aller rejoindre les entrailles qui l'ont porté. Le ventre de papier où les scribes l'ont enfermé n'a point la douce chaleur des flancs maternels. Il ne peut rien dire, puisqu'il n'est encore qu'au sixième mois, mais comme c'est mal à un enfant de ne pas saluer sa mère, même quand on la lui présente dans ces conditions, il fait tout ce qu'on peut faire à son âge : en la voyant de l'intérieur, il remue.

 

41. Aussitôt qu'Eloï-schabed eut entendu la voix de Maria qui la saluait, son enfant tressaillit dans son sein, et elle fut remplie du Saint-Esprit.

42. Et élevant la voix elle s'écria : Vous êtes bénie entre toutes les femmes, et le fruit de votre sein est béni ;

43. Et d'où me vient ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne vers moi ?

 

Il suffit pour comprendre ce mot étrange la mère de mon Seigneur de savoir que dans la fable faite pour le monde, c'est-à-dire pour les goym dont nous sommes, les scribes ont incarné le Verbe Jésus dans le Joannès. C'est en vertu de ce parabolisme qu'Eloï-schabed appelle Maria la servante de son fils. L'idée d'incarner Jésus dans un homme ne serait peut-être pas venue aux évangélistes, si cet homme ne leur eût lui-même montré le chemin en s'infusant le Verbe dans le sang par la croix qu'il portait au bras, tatouée.

 

44. Car votre voix n'a pas plutôt frappé mon oreille, lorsque vous m'avez saluée, que mon enfant a tressailli de joie dans mon sein.

45. Et vous êtes bienheureuse d'avoir cru, parce que ce qui vous a été dit de la part d'Eloï sera accompli.

 

Au moment où la Promesse d'Eloï profère ces mémorables paroles, la mère du Rabbi joue depuis longtemps devant le monde le rôle de la mère du Seigneur, ce qui permet à Luc d'affirmer, sans crainte d'erreur, que le premier enfant né d'elle était du sexe masculin et qu'il avait six mois de vie utérine lorsqu'elle parvint sous la Vierge en 739. Eloï-schabed sait au sixième mois ce qu'il est impossible de savoir avant le neuvième. Maria est mère du Rabbi depuis deux siècles, lorsqu'elle se rencontre avec la Promesse d'Eloï dans l'allégorie de Luc. De plus — exactement comme dans Mathieu — Joseph n'y est pour rien. Eloï-schabed a lu toutes les Nativités : la vierge anonyme de l'Apocalypse est devenue femme de Joseph et Épouse du Verbe Jésus selon le monde. Et même elle a sous les yeux les fameuses Paroles du Rabbi que Philippe, Thomas et Mathias ont transmises aux disciples.

 

46. Alors Maria dit : Mon âme glorifie Eloï.

47. Et mon esprit est ravi de joie en Eloï mon Jésus.

48. Parce qu'il a regardé la bassesse de sa servante, et désormais je serai appelée bienheureuse dans la succession de tous les siècles.

49. Car il a fait en moi de grandes choses, lui qui est tout-puissant et de qui le nom est Saint.

 

Il en a extrait sept puissances, sept fils, dont le premier, Bar-Jehoudda, et le dernier, Ménahem, furent christs-rois des Juifs pendant une cinquantaine de jours.

 

50. Sa miséricorde se répand d'âge en âge sur ceux qui le craignent.

51. Il a déployé la force de son bras. Il a dissipé ceux qui s'élevaient d'orgueil dans les pensées de leur cœur.

52. Il a renversé les grands de leur trône et il a élevé les petits.

53. Il a rempli de biens ceux qui étaient affamés, et il a renvoyé vides ceux qui étaient riches.

54. Il a pris sous sa protection Israël, son serviteur, se ressouvenant de sa miséricorde,

55. Selon la promesse qu'il a faite [avec serment, Eloï-schabed] à nos pères, à Abraham et à sa postérité, pour toujours[18].

56. Maria demeura avec Eloï-schabed environ trois mois ; et elle s'en retourna ensuite.

57. Cependant le temps où Eloï-schabed devait accoucher arriva ; et elle enfanta un fils.

58. Ses voisins et ses parents ayant appris qu'Eloï avait signalé sa miséricorde à son endroit, s'en réjouissaient avec elle.

 

Quant à Maria, elle n'accouche pas, quoiqu'elle soit à terme. Non bis in eadem. C'est la Promesse d'Eloï qui a accouché pour elle, car six et trois faisaient déjà neuf dans l'obstétrique de ce temps-là. Dès le moment que le Verbe Jésus l'a regardée, il l'a du même coup fécondée. Dans la Nativité de l'Apocalypse comme dans celle de Mathieu, c'est bien sous Hérode mort en mars 750, que Maria a accouché du Jésus. Dans Luc c'est bien sous le même Hérode qu'Eloï-schabed a accouché du Joannès par le ventre de Maria. Aucun doute ne peut se glisser dans notre esprit, il n'y a qu'une mère, Eloï-schabed-Maria, et qu'un enfant, le Joannès-jésus.

 

V. — INGÉNIEUX MOYEN DE DIRE LE NOM DE CIRCONCISION DU JOANNÈS-JÉSUS SANS L'ÉNONCER.

 

59. Et étant venus le huitième jour pour circoncire l'enfant, ils le nommèrent Zacharie, du nom de son père.

 

Ainsi l'eût voulu la Loi, si le père se fût appelé Zacharie et ne fût pas devenu muet depuis son colloque avec Gabriel.

Mais ici l'observation de la Loi serait contraire à deux choses : le respect du dogme établi par le vrai père de l'enfant : N'appelez ici-bas personne votre père, car vous n'avez qu'un Père, qui est au ciel et surtout, oh ! surtout, l'intérêt de l'imposture en cours.

C'est pour ménager cet intérêt que Zacharie a été frappé de mutisme neuf mois auparavant, car c'est à lui de nommer son fils, et il n*a pu l'appeler autrement que lui-même. La Loi va recevoir en apparence un accroc dont il ne sera pas responsable.

 

60. Mais sa mère, prenant la parole, leur dit : Non, mais il sera nommé Joannès.

61. Ils lui répondirent : Il n'y a personne dans votre famille qui porte ce nom.

 

Et pas seulement dans la famille, mais dans tout Israël. Personne avant lui n'a porté ce nom, dit très bien Mahomet[19]. Le nom certes, mais le pseudonyme ? Le père de l'enfant l'a porté. Mathieu et le Quatrième Évangile sont là qui en témoignent à quatre reprises[20]. Par conséquent la Loi est observée. Les initiés n'ont pas de peine à comprendre qu'on appelle ici Bar-Jehoudda Joannès : c'est le nom de révélation qu'a porté le père et que le fils a pris lui-même dans l'Apocalypse. Puisqu'il n'y a pas moyen d'observer la Loi sous le nom de Jehoudda, on l'observe sous son pseudonyme. Cela suffit, et d'ailleurs on a par Gabriel l'autorisation d'Eloï[21].

Admirons un instant la discrétion de l'Eglise dans les quatre cas où les Évangiles, en dépit de toutes les sophistications qu'ils ont subies de sa main même, reconnaissent que le père de Shehimon (la Pierre) et partant celui du Jésus était appelé Joannès dans les écrits primitifs. Si prodigue d'éclaircissements et combien érudits sur les plus petites difficultés, la seule traduction du Nouveau Testament approuvée par le Saint-Siège après examen fait à Rome par la Sacrée Congrégation de l'Index garde à propos de ces quatre cas un mutisme dont feu Zacharie, à sa descente de l'autel des parfums, aurait eu le droit de se montrer jaloux. Il y avait pourtant là quatre occasions d'expliquer aux fidèles pour quels motifs le père de Pierre partage encore dans l'Evangile avec le Joannès baptiseur ce surnom de Joannès qui aujourd'hui demeure plus spécialement attaché au fils unique de Zacharie et à l'auteur de l'Apocalypse.

Un mot de la Sacrée Congrégation du Pouce dans la prochaine encyclique ferait plaisir à toute la chrétienté.

 

62. Et en même temps ils demandaient par signe [comme à un muet] au père de l'enfant comment il voulait qu'on le nommât.

63. Ayant demandé des tablettes, il écrivit dessus : Joannès est le nom qu'il doit avoir. Ce qui remplit tout le monde d'étonnement.

 

Il n'y a pas de quoi. Mais sitôt ce bon tour joué aux goym avec la permission d'Eloï, Zacharie retrouve la parole.

 

64. Au même instant sa langue se délia, et il parlait en bénissant Eloï.

65. Tous ceux qui demeuraient dans les lieux voisins furent saisis de crainte, et le bruit de ces merveilles se répandit dans tout le pays des montagnes de Judée.

66. Et tous ceux qui les entendirent les conservèrent dans leur cœur ; et ils disaient entre eux : Que pensez-vous que sera cet enfant ? Car la main du Seigneur était avec lui.

 

VI. — HYMNE EN L'HONNEUR DE L'IDENTITÉ DE JOANNÈS ET DU JÉSUS.

 

67. Et Zacharie, son père, ayant été rempli du Saint-Esprit, prophétisa en disant :

68. Béni soit Eloï, le Dieu d'Israël, de ce qu'il a visité et racheté son peuple.

 

C'est donc bien le Joannès qui a racheté les Juifs par le baptême et — quand on en fut réduit à ce pis-aller — par son sacrifice sur la croix.

 

69. De ce qu'il nous a suscité un puissant jésus dans la maison de son serviteur David,

70. Selon qu'il avait promis par la bouche de ses saints prophètes qui ont été dans tous les siècles passés,

71. De nous délivrer de nos ennemis et des mains de tous ceux qui nous haïssent,

72. Pour exercer sa miséricorde envers nos pères et se souvenir de son alliance sainte,

73. De ce serment par lequel il a juré à Abraham, notre père, de nous accorder cette grâce

74. Qu'étant délivrés des mains de nos ennemis, nous le servions sans crainte,

75. Dans la sainteté et la justice, marchant en sa présence tous les jours de notre vie ;

 

C'est donc bien le Joannès qui est le jésus des Paroles du Rabbi et des écrits primitifs, c'est lui qui est l'héritier de la Promesse. C'est lui qui est le fils de David. C'est lui qui fut le christ. Qu'il soit mon héritier, dit Zacharie dans le Coran, qu'il ait l'héritage de la famille de Jacob !Zacharie, nous t'annonçons un fils nommé Joannès[22].

 

Et vous, petit enfant, vous serez appelé le Prophète du Très-Haut ; car vous marcherez devant la face du Seigneur pour lui préparer ses voies ;

 

Voilà l'auteur de l'Apocalypse et le Précurseur du Verbe Jésus.

 

Pour donner à son peuple la connaissance du salut, afin qu'il obtienne la rémission de ses péchés

Par les entrailles de la miséricorde de notre Dieu, qui a fait que ce soleil levant [Joannès lui-même] est venu nous visiter d'en haut,

Pour éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort, et pour conduire nos pieds dans le chemin de la paix[23].

 

Voilà l'inventeur du baptême, le remetteur de péchés, le Jésus des Juifs, le soleil qui s'est levé sur le monde au Jubilé de 739 et qui, après avoir préparé les vivants au salut par le sacrement de l'eau, est allé pendant les trois jours et les trois nuits qu'il a passés dans le ventre de la terre, annoncer aux morts leur résurrection prochaine. Gomme le dit Jésus dans la christophanie évangélique aux pharisiens qui le pressent inutilement de leur donner un signe de sa puissance : Vous n'en aurez d'autre que celui du Joannès ressuscité[24].

 

VII. — MÊMES SIGNES ASTROLOGIQUES DANS CETTE NATIVITÉ QUE DANS LES DEUX PRÉCÉDENTES.

 

Au fond tout cela n'est que spéculation astrologique et Luc ne s'en défend pas. On comprit, dit-il, que Zacharie avait eu quelque vision. Parfaitement, Zacharie est un compère qui comprendrait tout de suite le calcul de Luc, inscrit sur une sphère. Il le comprendrait d'autant mieux qu'il en est l'auteur et l'un des facteurs.

Pas un détail de procédure astrologique qui n'appartienne aux Chaldéens. L'Annonciation de Gabriel à la Vierge, c'est ce qu'on appelle en Chaldée le Message à Ischtar, c'est-à-dire Tordre au principe féminin de concevoir sans macule, comme on conçoit aux cieux, le Soleil de la nouvelle année. Une fois qu'Ischtar a entendu, Gabriel fait la même commission sur terre à la future mère de Bar-Jehoudda, qui peut passer pour vierge tant qu'Éloï ne lui a pas encore parlé. C'est en descendant de l'Autel — en accadien le mois de nisan, mois de la pâque, s'appelle Autel du démiurge — que Jehoudda s'est approché de sa femme et l'a fécondée. Neuf mois après, sous le Capricorne, au solstice d'hiver, quand la Vierge est dans l'état où l'a décrite l'Apocalypse, enveloppée du Soleil, la Lune sous les pieds et les douze étoiles du Zodiaque sur la tête, la vierge de Sion a vertueusement accouché de son premier-né. C'est ce que Mathieu nous a dit, dans le même cadre astrologique. Le Joannès — soleil levant, dit Luc — est né en même temps que la Lumière du Verbe et c'est une des choses qui engageront plus tard les thuriféraires de sa secte à lui incorporer le Verbe lui-même dans leur roman. Il lui faut donc un signe qui lui permette de marcher devant lui — au moins sur le Zodiaque, puisque c'est la seule façon dont il ait précédé l'Agneau de la délivrance. Ce signe, c'est, ce ne peut être que celui des Poissons, c'est le signe du fameux Zibdeos.

D'ailleurs Gabriel, qui n'aime point à compromettre Eloï dans des aventures, dit très nettement à Zacharie que ses paroles seront accomplies en leur saison. Ainsi Zacharie n'a qu'à laisser faire aux signes, il peut devenir muet sans inconvénient, le Zodiaque répondra pour lui.

Mais avant de devenir muet, que fait Zacharie ? Des signes. Combien ? Luc ne le dit pas, mais en les citant, nous verrons combien il en a fait :

1. Les Poissons.

2. L'Agneau.

3. Le Taureau.

4. Les Gémeaux.

5. Le Cancer.

6. Le Lion.

Zacharie a donc fait six signes sur le Zodiaque avant d'arriver à la Vierge. Et celui auquel il s'est arrêté, c'est précisément le Lion, dont Jehoudda, père du Joannès-jésus, a pris la voix dans l'Apocalypse[25]. Zacharie se confond avec Jehoudda dans la même vision et dans le même signe. En d'autres termes la vision de Zacharie est signée : Jehoudda, et scellée des armes parlantes de celui-ci : le Lion de Juda. Dans cette allégorie à double et triple entente, Zacharie et Eloï-schabed démontrent, le muet que le Christ est la Parole et la stérile que le Verbe est la Vie. Habitués à tous les sous-entendus prophétiques, les surjuifs de la secte christienne trouvaient du réconfort jusque dans ces rébus. La sublimité de ces imaginations nous échappe, mais les disciples la sentaient fortement, le jésus ayant poussé l'amour de la Judée jusqu'au crime et la haine de l'étranger jusqu'à la folie.

 

VIII. — LA PRÉSENTATION DU NAZIR AU TEMPLE.

 

La Nativité selon Luc ne finissait pas, comme aujourd'hui, sur le cantique de Zacharie. Elle se terminait par la Présentation de l'enfant Nazir au Temple. On a déplacé cette scène pour l'appliquer à la fausse Natavité de Jésus au Recensement de 760. Mais les valentiniens Font connue et commentée en un temps où le Jésus n'était toujours que le Joannès crucifié. Elle n'a pas seulement été déplacée, mais encore sophistiquée[26]. La voici telle qu'elle nous est parvenue :

 

Or il y avait à Jérusalem un homme appelé Siméon, et cet homme juste et craignant Dieu attendait la Consolation d'Israël ; et l'Esprit-Saint était en lui.

Et il avait été averti par l'Esprit-Saint qu'il ne verrait point la mort, qu'auparavant il n'eût vu le christ du Seigneur.

Conduit par l'Esprit, il vint dans le Temple. Et comme les parents de l'enfant Jésus l'y apportaient, afin de faire pour lui selon la coutume prescrite par la Loi, Il le prit entre ses bras, bénit Dieu, et dit : Maintenant, Seigneur, laissez, selon votre parole, votre serviteur s'en aller en paix.

Puisque mes yeux ont vu le jésus qui vient de vous, Que vous avez préparé à la face de tous les peuples, Pour être la lumière qui éclairera les nations, et la gloire d'Israël votre peuple.

Et son père et sa mère étaient dans l'admiration des choses que l'on disait de lui.

Et Siméon les bénit, et dit à Maria sa mère : Celui-ci a été établi pour la ruine et la résurrection d'un grand nombre en Israël, et en signe que l'on contredira :

Et un glaive traversera votre âme, afin que les pensées de beaucoup de cœurs soient révélées.

Il y avait aussi une prophétesse, Anna, fille de Phanuel, de la tribu d'Aser ; elle était fort avancée en âge, et elle avait vécu sept ans avec son mari depuis sa virginité.

Restée veuve, et âgée alors de quatre-vingt-quatre ans, elle ne quittait point le Temple, servant Dieu nuit et jour dans les jeûnes et dans les prières.

Elle aussi, survenante cette même heure, louait le Seigneur, et parlait de l'enfant à tous ceux qui attendaient la rédemption d'Israël.

Or l'enfant croissait et se fortifiait en esprit ; et il demeurait dans les déserts jusqu'au Jour où il devait paraître devant le peuple d'Israël[27].

 

Ce jour, c'est celui où il devait être baptisé du baptême de feu devant le peuple juif en extase, c'est la Pâque millénaire, c'est le 15 nisan 789 à partir de six heures du soir[28].

 

IX. — LES DEUX TÉMOINS MATHÉMATIQUES DE LA DATE 739.

 

Quant à ce Siméon et à cette Anna, ils sont de la même famille que le Zacharie de l'Autel des parfums et la Promesse d'Éloï, sa compagne. Ce sont des personnages de mythologie millénariste[29]. Siméon ici n'est point le nom hébreu Shehimon (Simon), c'est le mot grec Semeion, le Signe. Semeion est proprement le signe auquel les Mages de Mathieu ont marché du fond de la Chaldée, et ce signe, c'est le Capricorne réalisant le songe de Joseph par la vierge de Sion que Jehoudda avait épousée. Dans la fausse Nativité de Jésus que nous verrons au chapitre qui lui est consacré, les Bergers, non moins chaldéens que les Mages, accourent, eux aussi, au bonhomme Semeion. L'allégorie est donc facile à déchiffrer. Il n'en va pas ainsi de celle d'Anna la prophétesse, veuve de quatre-vingt-quatre ans et d'un époux avec lequel elle a vécu sept ans. Anna nous est présentée comme étant nuit et jour dans le Temple depuis l'absence de son époux. Rien qu'à cette particularité on peut voir qu'il ne saurait être question d'une personne en chair, l'accès du sanctuaire étant rigoureusement défendu aux femmes pendant la nuit, fussent-elles épouses de prêtres, et pendant le jour à toutes celles, fussent-elles vierges, que travaillait leur incommodité mensuelle[30]. En revanche, nous connaissons assez la thèse millénariste de Jehoudda pour savoir qu'Anna ne suit Semeion que pour enregistrer le Signe. Car Anna est mise là pour Iaô-Anna, ou Grâce d'Iaô[31]. Vous n'oubliez pas que Jehoudda est quatre fois dit Iaô-Annès dans les Évangiles, que dans son Apocalypse son fils aîné se dit lui-même Iaô-Annès, et que tous ces noms sont ceux de Iaô-Annistes qui dans leurs prédictions spéculent avant tout sur les périodes d'années jubilaires dont l'ensemble concourt à la formation des Cycles jusqu'à la venue de l'Année de grâce 789.

 

Le Semeion a reçu cette révélation qu'il ne verrait pas la mort avant d'avoir vu le christ du Seigneur. Anna vient constater que le fils de David a répondu au Signe. Pour elle, mesure de temps docile aux volontés du Verbe, elle attend l'échéance de la dernière période engagée dans le Thème de renouvellement du monde, et à cinquante années près cette révélation est accomplie. Vous devinez donc quel est l'Epoux avec qui elle a vécu sept Ans, sans cesser d'être vierge : c'est le Christ Jésus pendant les sept Jours ou Millenia de la Création. Depuis que son Epoux est remonté au ciel où il se repose dans le sein du Père, Anna est la veuve du Septième Jour, la veuve du Sabbat génésique, et elle ne cessera de l'être qu'au douzième Millenium, lorsque l'Agneau et Jésus viendront. Vous avez pu remarquer que Semeion n'était d'aucune tribu, sa tribu est au ciel[32]. Il n'en est pas de même d'Anna ; elle est censée de la tribu d'Aser, qui veut dire Fortune, Heureux Sort, et fille de Phanu-El qui veut dire Face de Dieu ; elle-même est Grâce de Dieu. Sous ce nom, elle est des douze tribus. Phanu-El, voilà la Face qu'elle a cessé de voir depuis la Création. Anna, symbole des deux grands chiffres sacrés, sept et douze, et somme de douze multipliés par sept, est dite à cause de cela veuve de quatre-vingt-quatre ans. Si elle ne quitte le Temple ni jour ni nuit, c'est qu'elle y demeure sous la forme mobilière. Elle est dans le Temple par les sept branches du Chandelier planétaire et par les douze pains de proposition zodiacaux que les lévites tiennent nuit et jour devant Iaô jusqu'à ce qu'il envoie à la Judée l'Époux d'Anna, l'Alpha et l'Oméga des Epoux.

C'est en l'An de grâce 789 qu'Anna reverra son Époux, le Maître du Sabbat, comme il le dit de lui-même dans l'Évangile. Semeion et Anna se sont rencontrés, le Signe et V Année, mais c'est pour la dernière fois. Dans cinquante ans ce sera fait de l'un et de l'autre, car nous sommes en 739, dans la double année du Jubilé, l'année de deux ans dont parle Mathieu. La Vierge, le Capricorne et l'Enfant-christ, le Signe et l'Année, tous sont exacts au rendez-vous. L'Epoux d'Anna a juré que dans cinquante années il n'y aurait plus de Temps[33]. Quant à l'Enfant-christ, personne autour de lui ne pense qu'il ait à souffrir, à racheter les Juifs sur la croix. Il est éternel, au contraire, plein de jours, plein de gloire. Comme entrée de jeu, mille années de vie dans l'Eden avec tous ceux qu'il y mènera.

Le Jésus nourrissait les mêmes illusions démentes en 782, lorsqu'il lança son Apocalypse, et il y persistait encore le 14 nisan 788, lorsque, six heures avant d'être mené au supplice, il disait au grand-prêtre Kaïaphas : Dès maintenant tu verras le Fils de l'homme venir sur les nuées du ciel.

 

X. — UNE LARME.

 

Mais au milieu de ces cantiques d'allégresse, et de ces chimères dorées, une toute petite phrase détonne par sa tristesse infinie. C'est comme un soupir de l'histoire, vite étouffé, mais plein de choses à faire pleurer. Le programme de la splendeur messianique a avorté ! Un glaive, un glaive à plusieurs tranchants et à plusieurs pointes, un glaive long de plus d'un demi-siècle, a traversé le cœur de Maria !

Quel passé de douleur et de larmes dans ces simples mots inscrits après coup sur les phylactères[34] du vieux Semeion ! Le mari massacré dans le Temple au Recensement de 760 ; un des gendres, Eléazar, époux de Thamar (Marthe), tué dans la révolte de Bar-Jehoudda ; celui-ci crucifié par Pilatus ; sur les six autres fils Jacob junior (André) lapidé par Saül (le pseudo-apôtre Paul) ; Shehimon et Jacob senior (Pierre et Jacques) crucifiés par Tibère Alexandre ; Ménahem massacré par ses partisans : toute une légion de petits-fils et de petits-neveux égorgés, brûlés, tombés martyrs de la Circoncision ! Pauvre Magdaléenne ! Que de choses Eloï t'a fait voir qui n'étaient pas dans son schabed !

 

XI. — OÙ JÉSUS EXPLIQUE COMMENT IL A FÉCONDÉ CELLE QU'ON LUI DONNE POUR MÈRE DANS l'ÉVANGILE.

 

A la fin du second siècle on en était encore aux trois Nativités que nous avons analysées, entre lesquelles dominait celle qu'on a mise sous le nom de Luc. Jésus appartient si peu à la biologie que dans la Sagesse de Valentin, lorsqu'il se trouve avec sa mère, ses frères et ses sœurs selon le monde, il a la plus grande peine à leur faire comprendre comment il a pu revêtir, non la forme humaine — il est androgyne au ciel — mais celle d'un homme unisexuel et capable de respirer l'atmosphère terrestre si peu faite pour sa constitution ignée. Il a été obligé de faire, la transfiguration inverse de celle du Joannès qui se mue en Jésus dans l'Évangile : il lui a fallu se transfigurer de Jésus en Joannès, ce qui est beaucoup plus difficile ! A cet effet, des hauteurs où il rayonne, il a traversé la région occupée par les Douze Apôtres, au milieu desquels est Élie, car, au rebours du Joannès, Jésus n'admet pas qu'aucun prophète ou patriarche soit entré dans la zone occupée par le Père. Il voit là un excès de prétention. Chose humiliante à penser, Abraham, Isaac et Jacob, que dis-je ? Jehoudda lui-même I ne sont pas allés plus loin que le second ciel, ce qui les ramène presque au niveau de la voûte céleste perceptible à l'œil. En dépit des fables judaïques, le Crucifié de Pilatus n'est nullement assis à la droite du Père. C'est d'ailleurs ce que Jésus dit dans la fameuse scène où il modère l'orgueil des trois grands fils du Zibdeos, Joannès, Shehimon-Pierre et Jacob senior[35]. Où serait la place de Jésus dans le ciel si un autre que lui pouvait être assis à la droite de son Père ?

 

De sa place donc, Jésus a pris la forme de l'ange Gabriel afin que les Puissances infra-iahvistes ne le reconnussent pas et n'essayassent point d'entraver ses projets. D'en haut, et à travers ces Puissances, il a jeté les yeux sur l'humanité, il a aperçu Eloï-schabed, avant qu'elle n'eût conçu le Joannès ; il a jeté en elle certaine vertu qu'il tient de Iaô le Bon, pour que son fils pût préparer ses voies et baptiser dans l'eau de la Rémission des péchés[36]. En même temps il a, par la Vierge de lumière, — le signe — envoyé l'âme d'Élie dans le sein d'Éloï-schabed, de sorte que le corps du Joannès, tout humain qu'il était, a eu en lui la vertu de Iaô et l'âme d'Élie[37]. Une fée dans un conte de Perrault ne ferait pas mieux.

Après avoir conçu ainsi le Joannès, Jésus, toujours sous la forme de Gabriel, et juché dans les mêmes sphères, a fécondé Maria, il l'a appelée d'en haut, et lorsqu'elle s'est tournée vers lui, il lui a jeté son corps et sa vertu célestes[38]. Bref, loin d'être le fils de Maria-Promesse d'Éloï, comme dans la fable, Jésus est son Epoux en même temps que son Père, comme il a été jadis l'Époux et le Père des mères des Douze tribus, lesquelles tribus ont été mises au monde avec quelque chose de divin, parce qu'elles retiennent la substance des Douze Apôtres qui sont la monnaie du Verbe[39]. Ces Douze Puissances, dont les Douze stations du soleil sont la zodiacale image, il les a jadis attachées aux corps des mères d'Israël d'où elles ont passé dans le corps des disciples, ce qui a communiqué à ceux-ci le pouvoir sauveur. Ce sont les Juifs qui, grâce à ce privilège, sauveront le monde entier — thèse des Lettres de Paul également — car, pas plus que lui, comme il le leur a dit par la bouche du Joannès, ils ne sont de ce Monde : ils sont d'une essence supérieure à celle des nations, ils sont de lui.

Voilà par quelle succession de parabolismes Maria-Promesse d'Éloï, mère du Joannès, a pu être dite mère de Jésus dans le monstre évangélique. Mais il ne faut pas confondre le jésus avec Jésus. Jésus est le Père du jésus comme il a été le Père de tous ses ancêtres, il est l'Epoux de Maria-Eloï-schabed comme il a été par ses Douze procureurs l'Époux des mères des Douze tribus juives. C'est la genèse d'Israël par le Verbe telle que Jehoudda l'avait exposée.

Dans cette genèse où le judaïsme de Valentin s'épate avec une vanité candide, Maria n'est ni vierge ni immaculée. On lui a distribué le rôle de la Vierge, mais dans la réalité elle fut aussi génitrice qu'il plut à Jehoudda. Si celui-ci n'avait pas péri dans la révolte du Recensement, peut-être à elle seule eût-elle fourni l'équivalent des Douze Apôtres ou des vingt-quatre Vieillards de l'Apocalypse, J'excepte les cent quarante mille Anges, ils sont trop !

Quoique, par égard pour le circoncis dont il a pris la figure, Jésus appelle toujours Maria sa mère selon le monde, il lui rappelle qu'elle est sa Fille selon le grand mystère de la Création ; elle le reconnaît en l'appelant son Dieu et son Sauveur, et en lui baisant les pieds, car elle est femme, hélas I et Jésus lui reproche d'être, comme Eve, la cause des ténèbres où la terre est plongée ; mais il l'a purifiée en entrant en elle, et le fils d'homme qui est sorti d'elle pour témoigner du mystère du baptême l'a sanctifiée en l'habitant. Témoignage qui sauvera le monde, Jésus étant le Commencement et la Fin. Aussi appellera-t-on Maria-Magdaléenne la Bienheureuse depuis l'extrémité de la terre jusqu'à l'autre extrémité, et — ce que le Verbe n'avait pas prévu — la Vierge, quoi qu'elle fût mère de neuf enfants !

 

Maria-Eloï-schabed, de son côté, fournit quelques explications à Jésus sur la Nativité du Joannès-jésus selon Luc, laborieuse fantaisie d'un scribe auquel on peut reprocher quelque tendance maligne à l'anthropothéisme. Qu'est-ce qu'on a voulu dire dans ce fatras d'allégories un peu risquées ? Salomé est-elle quelque chose de plus qu'une femme et Bar-Jehoudda quelque chose de plus qu'un homme ? En ce cas, l'apothéose passerait les bornes permises ; l'allégorie confinerait au blasphème. Maria elle-même répond pour Luc[40]. Tout en étant la spirituelle épouse de Jésus, elle n'a pas cessé d'être la charnelle femme de Jehoudda. L'évangéliste est resté dans les termes de la thèse jehouddique. Il a suffi que Jésus jetât les yeux sur la Promesse d'Eloï pour que Maria devint mère de l'homme en qui les mythomanes naziréens ont incarné le Verbe.

Lorsque tu m'as eu parlé, lui dit-elle — toujours le jeu de mots sur le Verbe par lequel Eloï crée tout dans la Genèsetu as poussé en moi. C'est le temps où tu t'es servi toi-même. Le Verbe, en effet, se féconde et s'accouche de lui-même, étant ce Logos que Philon définit, comme Jehoudda dans son Thème du monde, le Premier-né de Dieu et la Mère de tous les êtres, le grand-prêtre de l'Univers, le Conciliateur du fini et de l'infini, l'intercesseur entre le ciel et la terre. Eloï-schabed ainsi destérilisée est entrée dans Maria qui a enfanté le Joannès lequel est venu en héraut du Christ et a apporté le baptême rédempteur.

 

D'où lui est venu le surnom de Jésus qui, Jehoudda et ses fils le savaient bien, ne convient qu'au Verbe lui-même. Jésus n'a point à en prendre d'humeur. Ce sont là jeux de scribes juifs.

 

XII. — LE LIT DE MARIA TÉMOIGNE QUE JOANNÈS ET LE JÉSUS SONT BIEN LE MÊME ENFANT.

 

Le Zacharie que Luc fait père du Joannès est la figure ancestrale de Joseph, comme Eloï-schabed est la figure ancestrale de Maria, nous l'avons montré.

Mais le vrai père du Joannès, c'est Joseph[41].

La confession que voici ne laisse aucun doute sur ce point. Un jour, dit Eloï-schabed, que Joannès était dans une vigne — celle du Seigneur, nulle autre[42]avec Joseph, Jésus est descendu comme un Esprit dans ma maison. Joannès était alors tout petit : c'était avant que Jésus ne descendît sur lui (au Jourdain). L'Esprit de Jésus était, lui aussi, un petit enfant : Où est Joannès, mon frère, dit-il, que je le rencontre (que j'entre en lui, comme Maria a rencontré Eloï-schabed) ? Le petit Jésus ressemblait tellement au Joannès qu'Eloï-schabed, pour s'assurer qu'elle n'était pas le jouet d'un fantôme, le prit, l'attacha au pied de son lit, et courut à la vigne où elle trouva Joannès et Joseph. Celui-ci était occupé à planter des échalas. Eloï-schabed lui ayant conté l'étrange aventure qui venait de lui arriver, il ne voulait pas la croire, mais le petit Jésus que cette scène amusait répéta : Où est mon frère ? Où est-il que je le voie ? Toutefois il ne bougea point, disant : Je l'attends ici. Joseph, de plus en plus intrigué, étant rentré dans la maison avec sa femme, ils trouvèrent le petit Jésus toujours attaché au lit, comparèrent sa figure avec celle du petit Joannès et convinrent qu'en effet l'identité n'était pas niable. Sur quoi celui qui était attaché — il a, vous le savez, le pouvoir de lier et de délier — se délia de lui-même, embrassa l'autre, qui à son tour le baisa : et ensuite ils ne devinrent qu'une seule et même personne[43]. Et c'est cette personne corporelle qui a baptisé au nom de l'Esprit attaché au lit d'Eloï-schabed. Maria, présente à la scène, est au courant de tout. Aussi opine-t-elle du bonnet de nuit. Son lit, le lit de Jehoudda, est bien le point de départ de toute la fable évangélique. Jésus est remonté au ciel après avoir laissé sa figure au Joannès et dans la suite il n'a plus revu son sosie qu'une seule fois lorsqu'il vint sur lui comme une colombe[44].

 

Ce qu'il y a de remarquable dans ces vieux thèmes (Mathieu, Marc, Luc, Valentin), c'est que Jésus n'a pas encore sa Nativité propre dans l'Evangile, puisque pour la première fois, il apparaît en esprit à un âge où Maria est déjà mère du Joannès, lequel est en état de jouer dans les vignes. Mais ce qui est plus remarquable encore, c'est qu'au lieu de venir à pied au Jourdain pour livrer son corps au baptême, comme on le voit aujourd'hui, il descendait du ciel sous la forme d'une colombe et communiquait ainsi au Joannès le pouvoir de baptiser en son nom. La scène a donc été complètement renversée par les camelots de l'Église quand elle a été transportée de l'Apocalypse dans l'Évangile[45].

 

XIII. — QU'AU COMMENCEMENT DU TROISIÈME SIÈCLE L'IDENTITÉ DU JOHANNÈS ET DU JÉSUS EST UN FAIT RECONNU DE TOUT LE MONDE.

 

Voilà donc qui est bien établi, qui était de notoriété publique parmi les christiens de toute école, soit naziréens, soit valentiniens, soit millénaristes, soit gnostiques : identité de Zacharie et de Joseph, de Joseph et du Zibdeos ; identité d'Eloï-schabed et de Maria la Magdaléenne, de Maria la Magdaléenne et de Maria tout court, de Maria tout court et de la mère des fils du Zibdeos ; identité de Bar-Jehoudda et du Nazir, du Nazir et du Joannès, du Joannès et du jésus, christ davidique, l'aîné de six frères et de deux sœurs issus du même lit.

Hérode est mort en 750 sans qu'il soit né en Judée plus d'un enfant jésus, plus d'un fils de David, plus d'un Nazir, et ce Nazir, ce jésus, ce christ davidique, c'est le Joannès. Un seul enfant est demeuré dans les déserts jusqu'au jour où il devait paraître devant le peuple d'Israël. Il a grandi ; son père a été tué dans la révolte contre Auguste ; lui-même a été crucifié dans la révolte contre Tibère ; Pierre et Jacques l'ont été dans la révolte contre Claude ; son dernier frère, Ménahem, il été supplicié dans la révolte contre Néron ; Jérusalem est tombée en 823 ; nous sommes en plein second siècle et, semblable à Mathieu, Luc n'a pas encore entendu dire qu'il fût né, sous Hérode, deux enfants prédestinés, l'un nommé Joannès, l'autre Jésus, mais un seul et même enfant qui, devenu homme, répond à ces deux appellations dans l'Évangile. Cette identité est reconnue par l'intéressé dans l'Apocalypse et sous les couleurs de l'allégorie par Marc et par Cérinthe, scribe du Quatrième Évangile, en un mot, par tous les auteurs que l'Eglise a fait entrer dans le Canon des Écritures. A Hiérapolis de Phrygie, sous Marc-Aurèle, Papias ne connaît que le Joannès-jésus. A Alexandrie, Valentin, sous Septime-Sévère, ne connaît que ce même individu. Jamais Luc n'a dit, ni voulu dire que le Joannès eût précédé dans le monde un autre homme appelé Jésus. Au contraire, il résulte formellement de sa Nativité que le Jésus, c'est Joannès lui-même. Mathieu connaît-il Zacharie et Eloï-schabed, les mêle-t-il à la Nativité ? Point. Marc connaît-il Zacharie et Eloï-schabed ? Non. Le Quatrième Evangile a-t-il entendu parler de ces deux personnages comme ayant eu une existence propre en dehors de Joseph et de Maria ? Nullement. En dehors des quatre Evangélistes, quelqu'un parmi les scribes non canoniques a-t-il prétendu qu'Eloï-schabed fût une autre femme que Maria Magdaléenne ? Personne, vous avez entendu les Valentiniens. Cette identité fait-elle l'ombre d'un doute chez les peuples voisins des Juifs, les Arabes, par exemple ? Pas le moindre. Mahomet vous a dit que Maria était de la race d'Aaron, — sa sœur, dit Mahomet — qualité qui n'appartient qu'à Maria Magdaléenne dans l'Exode et à Eloï-schabed dans Luc.

Est-il besoin de dire que si le Jésus eut été précédé d'un enfant précurseur, cet enfant, non moins en vedette que lui, n'aurait jamais échappé au Massacre des Innocents ? Si le Joannès n'était pas le même enfant que celui qui s'est réfugié en Egypte, il serait parmi les victimes d'Hérode et on ne le retrouverait pas baptisant au Jourdain en la quinzième année du règne de Tibère.

Les évangélistes cherchaient d'autant moins à nier l'identité du Joannès et du jésus que si leur préoccupation politique était de rallier par l'idée du Christ les Juifs dispersés à travers le monde, le seul intérêt commercial qu'ils eussent à défendre, c'était le baptême de la Rémission des péchés par où le Joannès était devenu le Jésus. Ce sacrement passait article de vente entre les mains des christiens juifs. La Rémission par l'eau était une vérité vraie comme le soleil levant auquel Luc la compare. Sauver le baptême, c'était sauver la caisse. Nier que le Joannès et le jésus fussent une seule et même personne, c'était séparer de l'invention l'inventeur, enlever du produit sa marque d'authenticité. Nier qu'en dehors de ses deux sœurs, le Joannès-jésus ait eu six frères, parmi lesquels Shehimon, surnommé la Pierre, c'eût été avouer que l'article était tombé en faillite avec le fabricant.

 

XIV. — QUELQUES MANŒUVRES PRÉPARATOIRES DE LA FAUSSE NATIVITÉ.

 

Ce livret de famille ayant quelque chose d'incompatible avec la virginité de Maria, les scribes ecclésiastiques, après avoir mis ses sept fils à la charge exclusive de la Magdaléenne, ne lui en ont plus laissé qu'un, celui qu'ils appellent aujourd'hui Jésus[46]. Sur quoi ils ont ajouté que Joseph était veuf lorsqu'il épousa Maria et que c'est de son premier mariage qu'il avait eu les quatre fils et les deux filles dont l'Evangile parle comme étant les frères et les sœurs du Jésus. Tout ceci croule devant ce fait que Bar-Jehoudda fut leur aîné à tous, comme le reconnaît la Lettre de Paul aux Romains.

Vous avez vu clairement que des deux couples mis en avant par Luc dans sa Nativité, un seul était de chair, Joseph et Maria, et qu'il n'en naissait qu'un seul enfant, le Joannès-jésus. Mais lorsque l'Église a forgé la Nativité par laquelle elle donne à Jésus un corps autre que celui du Joannès[47], il lui a fallu en même temps donner à Zacharie un corps distinct de Joseph, à Eloï-schabed un corps distinct de Maria. C'est ce qu'elle a fait en prétendant que Zacharie et Eloï-schabed étaient des êtres réels, père et mère du Joannès, tandis que de leur côté Maria la Magdaléenne — à laquelle on enlevait son complétif de Magdaléenne pour tailler en elle une seconde personne — et Joseph devenaient, celle-ci lanière, et celui-là, dans une mesure qu'on ne déterminait pas, le père d'un enfant nommé Jésus de son nom de circoncision. Mais comme à la lecture de Luc on ne pouvait nier que le Joannès ne descendit de David, l'Eglise soutint qu'à la vérité il en était ainsi, mais à un degré moindre que pour Jésus : il résultait de son interprétation que Zacharie et sa femme — dans cette combinaison Eloï-schabed devenait une vieille femme nommée Elisabeth — étaient cousins plus ou moins germains de Joseph et de Maria. Les deux enfants, car il y avait désormais deux enfants, étaient nés à cinq mois d'intervalle, — les cinq mois que compte Gabriel avant d'aller trouver Maria — Joannès vers l'approche du solstice d'été et Jésus, comme il appert de toutes les Ecritures, au solstice d'hiver. Il fallut fabriquer une Nativité qui, tout en respectant la date indiquée pour l'accouchement de Maria, fût celle d'un enfant nommé Jésus de son nom de circoncision. C'est à quoi l'Eglise a pourvu par la Nativité de Jésus pendant le Recensement de 760.

 

Dans ce système, le Joannès cesse d'être l'auteur de l'Apocalypse. Le Messie qu'il annonce, ce n'est plus le Verbe Jésus, Créateur du monde et Rénovateur des temps, c'est... le cousin Jésus, cet excellent Jésus de Nazareth que toute la famille du Joannès et le Joannès lui-même avaient parfaitement connu, voire dans le ventre de Maria. Joannès était né cinq mois avant Jésus, parce que la Providence voulait qu'il fût le précurseur de son cousin. On ne savait pas très bien comment Elisabeth avait quitté le monde, mais étant donné son grand âge et sa grossesse succédant à une infécondité séculaire, elle n'avait pas dû survivre bien longtemps à cette secousse. Quant à Zacharie, mon Dieu ! Zacharie avait fini d'une manière tragique, massacré entre le Temple et l'autel[48], mais comme on ignorait à quel propos, il était difficile d'identifier sa mort avec celle de Jehoudda au Recensement de 760[49]. Et puis Zacharie était si vieux lors de la naissance de Joannès qu'il n'avait pas dû survivre beaucoup à sa femme. A peine pouvait-on comprendre, tant les circonstances étaient obscures, qu'il eût fallu des coups violents pour l'achever.

On frémit ou l'on s'esclaffe, c'est une question de tempérament, quand on pense que l'Eglise a pu imposer d'aussi affligeantes inepties. Il n'y a deux enfants dans aucune des quatre Nativités que nous avons vues jusqu'ici. Et à supposer deux enfants là où les Evangiles ne nous en montrent qu'un, il faut, pour trouver une base à l'interprétation ecclésiastique, que ces deux enfants soient nés tous les deux sous Hérode, à cinq mois d'intervalle et dans la même année : à cinq mois près ils sont chronologiquement jumeaux. Or, par une anomalie qu'explique seule l'intervention du Verbe ecclésiastique, tandis qu'Éloï-schabed accouche du Joannès sous Hérode en 739, Maria dans la Nativité au Recensement n'accouche de Jésus que sous Quirinius en 761, soit vingt-deux ans après la naissance du Joannès ! Et cependant elle était enceinte en même temps qu'Elisabeth à cinq mois près. Elle a donc porté pendant vingt-deux fois douze mois !

Je connais assez Dieu pour savoir qu'il n'a pas permis une pareille infraction à la loi de la nature.

 

Mais s'il nous fallait une preuve morale de l'inexistence de Jésus, jamais vous n'en auriez de plus convaincante que l'attitude de l'Eglise à l'égard de la Vierge céleste d'abord et ensuite de la vierge aux neuf enfants. Lorsqu'après trois siècles on s'avisa de prêter un corps humain à Jésus, la première victime de cette imposture fut cette mère ambiguë. Il fallut organiser laborieusement le déshonneur de la Vierge céleste, faire d'elle une femme physiologiquement constituée et mener son fruit à terme dans les neuf mois. La première conséquence fut qu'on data du 21 mars, à l'équinoxe du printemps, l'Annonciation que Luc avait indubitablement placée le 23 septembre à l'équinoxe d'automne[50]. La seconde fut que Maria, la mère réelle, fut odieusement diffamée sous le nom de Maria Magdaléenne, et son époux traîné sous celui de Joseph dans un ridicule indélébile.

Cedrénus, historien d'Eglise, dit, parlant du 21 mars : En ce jour Gabriel donna le salut à Marie pour lui faire concevoir le Sauveur. Et il ajoute : C'est en ce même jour que notre Dieu Sauveur, après avoir terminé sa carrière, ressuscita d'entre les morts : ce que nos anciens pères ont appelé la Pâque ou passage du Seigneur. (Ne croirait-on pas vraiment que les Juifs n'ont point connu la Pâque ?)

On voit à quoi tend cet homme à idées malpropres. Il veut dire que la Vierge a existé comme femme de Joseph, qu'elle a conçu des œuvres de Dieu par l'inspiration de Gabriel, qu'elle a réellement porté Jésus pendant neuf mois, et qu'elle a accouché dans le délai requis. Toutes ces insultes à la Vierge pour faire croire aux contribuables que l'idole des Marchands de Christ valait l'argent que l'Église en tirait !

 

Or jamais Luc n'a dit ni voulu dire que Maria eût été fécondée par Dieu. Il a dit que la Vierge avait été couverte par son ombre, image rigoureusement exacte, car c'est bien dans l'ombre de Dieu qu'elle conçoit, ombre qui va grandissant chaque nuit, dès le lendemain de l'équinoxe d'automne, jusqu'à ce que le petit Jésus manifeste dans le Capricorne la mission qu'il a de verser sur nous la lumière héliaque.

Jamais les obscénités par lesquelles l'Eglise a soutenu sa fourberie ne sont entrées dans la tête des Evangélistes. Jamais ces symbolistes plus ou moins intelligents n'ont voulu exposer l'innocente, l'étincelante, la splendide Vierge, reine de la moisson et de la vendange, aux commentaires injurieux dont on l'accable sous prétexte de la sanctifier. Comment les femmes ne se sont-elles pas révoltées contre le problème indécent proposé à l'éveil de leurs filles ? Pauvre Vierge, à la scintillante parure, que te sert d'habiter le ciel depuis la création, si les souillures de l'imagination ecclésiastique t'éclaboussent à cette hauteur ?

Et toi, puissante virago juive, mère Gigogne du fanatisme christien, toi dont l'acharnée et scrupuleuse fécondité a sans doute été la seule vertu, te voilà pour jamais calomniée sous tes deux noms : sous celui de Marie, l'Eglise t'accuse d'avoir trompé ton homme avec Dieu ; sous celui de Marie Magdeleine, d'avoir trompé Dieu avec une innombrable quantité d'hommes !

 

Les fabricants des pièces du Nouveau Testament qui font suite à l'Evangile dans le système de l'Eglise ont-ils connu deux hommes dont l'un nommé Joannès aurait été le Précurseur et le témoin oculaire de l'autre, nommé Jésus ? Non.

En dehors des Actes des Apôtres où il est fait quelques tentatives grossières pour séparer Joannès-jésus en deux personnes, les autres écrits n'ont pris aucune précaution en ce sens. Dans aucun vous ne trouverez Joannès jouant le rôle de Précurseur d'un certain Jésus, mais bien un seul homme qualifié de jésus non plus pour avoir remis les péchés par le baptême — on aurait reconnu Joannès trop vite ! — mais pour s'être volontairement sacrifié au salut des Juifs et par conséquent des autres hommes[51]. Et, dans les Lettres de Paul notamment, il continue à être l'aîné de plusieurs frères[52] parmi lesquels on cite Pierre (la Pierre, Shehimon) et Jacques comme ayant été les plus importants après lui[53]. Il s'agit d'autant plus précisément du Rabbi Bar-Jehoudda que dans la Première aux Corinthiens[54] on le donne, sous le surnom de christos, comme le plus ancien des baptiseurs.

Lisez les Actes, c'est le Joannès qui a été enlevé de la vue des disciples en allant du Jourdain à Jérusalem, dans ces trois fameuses journées que Luc appelle les journées de son Assomption, c'est-à-dire de sa déconfiture qu'on explique aux gens par une intervention du ciel. Car, il faut insister là-dessus sans relâche, dans le moment on ne raconta point qu'il fût ressuscité — c'eût été reconnaître qu'il avait été mort ! — on n'avoua même pas qu'il eût été crucifié, on soutint qu'il avait disparu du milieu des soldats de Pilatus et des Juifs de Jérusalem, enlevé par l'Esprit ! Dans ces mêmes Actes, c'est l'Apocalypse du Joannès que le juif alexandrin Apollos, millénariste ardent, propage à Ephèse sous Claude, environ quatorze ans après la Crucifixion. Un juif, du nom d'Apollos, alexandrin d'origine, homme éloquent et puissant dans les Ecritures, vint à Ephèse. Il avait été instruit dans la voie du Seigneur, et fervent d'esprit il enseignait avec soin ce qui regarde Jésus (le Verbe Jésus)[55], mais ne connaissant que le baptême du Joannès[56]. En un mot, Apollos fut de ceux qui continuèrent à prêcher le millénarisme, alléguant que le Joannès s'était trompé de jubilé. Dans la Première Epître aux Corinthiens, c'est le sacrement du Joannès-jésus, désigné cette fois sous son nom de christ[57], que ce même Apollos répand à Corinthe. Et il proche en même temps le baptême d'un certain Képhas (Pierre) qui n'est autre, comme vous le savez, que Shehimon, frère et successeur de Bar-Jehoudda. Dans aucune des Épîtres de Paul il n'est fait le moindre effort pour donner à entendre qu'il y aurait eu au Jourdain deux personnes dont l'une se serait appelée Joannès et l'autre Jésus. Le seul but que poursuive l'auteur de ces Epîtres, à travers les mensonges les plus bas dont la conscience humaine se soit jamais chargée, c'est de démontrer par la mystification évangélique que le juif crucifié sous Tibère était ressuscité après avoir institué la Gène.

 

Dans aucune des Lettres de Pierre, dans aucune, dis-je, le prétendu Pierre ne souffle mot du maître vénérable qui baptise Jésus dans l'Evangile. Il a vu le Jésus, dit-il, il a assisté à la Transfiguration, — il y assiste, en effet, dans l'Evangile — mais il n'a pas vu Joannès, et alors que si Shehimon était allé à Rome pour y prêcher la divinité de son frère, la première chose qu'il aurait eu à prouver, c'est l'existence de son Précurseur, il ne sait pas qu'un certain Joannès a paru annonçant la venue de Jésus de Nazareth aux Juifs émerveillés ! On est certain par là que le fabricant de cette pièce connaissait l'identité de Bar-Jehoudda et du Joannès ressuscité par la fable sous le nom de Jésus. Les Lettres de Pierre ne sont donc pas le fruit d'une illusion produite par la foi, ce sont des faux calculés. Le faussaire sait que Pierre est le frère du christ, qu'il a été crucifié à Jérusalem, absolument comme son aîné, enfin qu'il n'a jamais mis les pieds à Rome, même comme prisonnier des autorités impériales. On lui dit que partout les gens renseignés nient l'existence de Jésus. Gomment la prouve-t-il ? Par la Transfiguration. Et qu'est-ce que la Transfiguration ? Le frère aîné de Shehimon mué en Jésus par la main de ses neveux. Dans aucune des Epîtres des frères du christ, Jacques et Jude, — fausses, bien entendu, comme tout le Nouveau Testament, mais anciennes — dans aucune il n'est question de deux personnes dont Tune aurait sauvé les Juifs par son baptême et l'autre par son sacrifice, mais d'un seul et même jésus qui est tout ensemble le Baptiseur et le Crucifié. Pour tout dire en un mot, Constantin approche et Jésus n'est pas encore né.

Après cela si vous persistez dans vos illusions sur l'existence de Jésus, et si vous croyez que les scribes évangéliques, tous fils de juifs, époux de juives, pères de nombreux petits juifs, tous circoncis le huitième jour, ont pensé dire un seul instant que Bar-Jehoudda fût le Fils de Dieu, c'est que vous aurez une foi en béton armé.

Maintenant vous me dites que vous avez une vieille tante célibataire, laquelle vous déshéritera si vous vous ralliez à la vérité. Défaite peu noble, mais bien humaine.

 

 

 



[1] C'est pourquoi je laisse de côté pour le moment l'Avertissement placé en tête du Prologue. Il est certainement de Luc II, et postérieur au Prologue lui-même.

[2] Le Talmud de Jérusalem (trad. Schwab), au traité Nazir, dit que le Nazir est entouré d'une vénération particulière ; il est Maître parmi les hommes.

[3] Revoyez, si vous le jugez bon, sa Généalogie dans Mathieu.

[4] Les quatre premiers versets sont occupés par l'Avertissement. Nous n'avons pas le noir dessein d'en priver le lecteur. Nous les réservons pour les mettre en tête de la fausse Nativité de Jésus au Recensement.

[5] Dans ces dernières années le Saint-Siège — car je ne me commets pas avec les hérétiques, moi ! — a remplacé le mot famille ou sang par le mot classe et on lit aujourd'hui dans la version officielle que Zacharie était de la classe d'Abia, avec la glose que voici : David avait partagé les prêtres en vingt-quatre classes ou familles, qui remplissaient les fonctions sacrées à tour de rôle dans le Temple, une semaine chacune, d'un sabbat à un autre sabbat. I Par., XXIV, 4 ; II Par., VIII, 14 ; II Esd., XIIII, 10. Zacharie appartenait à la huitième classe, qui était celle d'Abia. Nous ne savons, du reste, sur lui que ce que nous apprend l'Évangile. — Nous ne connaissons non plus d'Elisabeth que ce que nous raconte S. Luc.

Je me suis donc reporté aux Paralipomènes, I, XXIV, 4, et j'y ai trouvé qu'en effet David avait partagé les prêtres en vingt-quatre classes, mais je n'ai trouvé ni qu'il existât un Abia, ni que cet Abia fît partie de la huitième classe. Du livre I, XXIV, 4, je me suis reporté au livre II, VIII, 14, et j'y ai trouvé que Salomon avait tenu la main aux ordonnances de son père sur le fonctionnement des classes, mais je n'y ai trouvé ni qu'il existât un Abia, ni que cet Abia fit partie de la huitième classe. Du livre II, VIII, 14, des Paralipomènes, je me suis reporté au livre II, XIIII, 10, d'Esdras, et j'y ai trouvé diverses choses d'un intérêt fort médiocre, étant donné qu'il n'y existe point d'Abia et qui appartienne à la huitième classe. J'en conclus que cet Abia est une invention récente en tant qu'individu, et par conséquent c'est lui qui descend de Zacharie.

Au surplus par la Généalogie de Jehoudda nous avons celle de Zacharie, et si nous n'y trouvons rien qui le rattache à Lévi, quoiqu'il fût prêtre au dire de Luc lui-même, au moins sommes-nous certains qu'il ne descend d'aucun Abia, lévite de la huitième classe, puisqu'il est fils de David par Salomon qui engendra Roboam, lequel engendra Abias. Conclusion : s'il ne peut descendre d'Abiu, fils d'Aaron, puisqu'Abiu n'a pas laissé d'enfants, c'est qu'il descendait d'Abia, fils de Samuel, lequel avons-nous dit, était de Lévi. On en est à un tournant de l'imposture jésu-christienne où l'on veut bien que Jehoudda ait été de Lévi sous le nom de Zacharie, mais où on ne veut plus qu'il en ait été sous le nom de Joseph. En effet, dans la Généalogie actuelle, Joseph ne descend plus que de Juda. Mais, comme dit l'empereur Julien déjà cité, on ne peut réussir dans cette imposture.

[6] C'est, avons-nous dit, Jehoudda. On en trouvera la preuve plus loin, au chapitre Apothéose de Jehoudda.

[7] El, Eloï, Elohim, Dieu. Le texte araméen portait certainement Eloï, comme dans le fameux Eloï, lamma sabachtani, Seigneur, pourquoi m'avez-vous abandonné ?

[8] Zacharie, IX, 9. C'est en exécution de cette prophétie que dans la christophanie évangélique, Jésus, parvenu sous les murs de Jérusalem, envoie les disciples chercher l'âne et l'ânon symboliques.

[9] Le Gelaleddin au ch. XIX du Coran (Marie) dit que Zacharie était âgé de cent vingt ans et sa femme de quatre-vingt-dix-huit. Mahomet ne nomme pas Eloï-schabed. En revanche, il ne nomme pas Joseph. Nous obtenons ainsi le couple Zacharie-Maria, qui à lui seul produit et Joannès et Ischa, nom sous lequel Mahomet désigne le jésus. Donc identité du Joannès et d'Ischa. Mahomet a pris ce nom d'Ischa aux Ischaïtes, Ischéens ou Jesséens, noms des premiers disciples de Jehoudda. Ischaï était le père de David. (V. la Généalogie dans Mathieu.)

[10] Jadis classés parmi les mauvais signes, ils allaient être convertis en bons par le baptême.

[11] Toutefois on n'est pas certain qu'il ne s'agisse pas du Capricorne, Epping et Brown ne proposent que des conjectures sur ce point. Le nom qu'on donne ici à Jehoudda permet d'identifier le Verseau avec le Zachû. Nous retrouverons le Verseau dans deux allégories caractéristiques, la Multiplication des Pains et surtout la Préparation de la Cène, où l'on voit Jésus ordonner aux Zibdéens Joannès et Pierre de suivre l'Homme à la cruche — c'est leur père — jusqu'à l'Agneau de la pâque. Nous examinerons ces allégories en leur temps. D'une façon générale nous regrettons d'avoir été obligés de faire passer les Nativités avant l'Apocalypse qui leur est antérieure d'au moins un siècle comme rédaction et qui les explique.

[12] Exode, XXX, 36.

[13] La Sacrée Congrégation de l'Index traduit par cervoise. Pourquoi pas bière, pendant qu'on y est ? Pline dit cervisia pour certaine boisson fermentée, mais en l'absence de toute indication sur le ferment de cette boisson il convient de réserver le mot cervoise pour le produit de la fermentation du houblon, et ce n'est certainement pas ce produit-là que vise Luc.

[14] Quand on compare la Nativité du jésus dans Luc à celle de Samuel dans les Rois (I, I, 5 et suiv.), il est impossible ne pas être frappé de l'analogie qu'elles présentent, étant donné que dans les deux cas il s'agit de femmes qualifiées de stériles et qui promettent à Eloï de lui consacrer le premier enfant à naître d'elles.

Ces analogies se poursuivent jusque dans l'histoire des Jehouddistes. Le père de Samuel s'appelait El-Kana, qui veut dire Zèle de Dieu et Jehoudda est le fondateur de la secte des Kannaïtes ou Zélateurs de Dieu, et le Zèle de Dieu le dévore, comme dit le Quatrième Évangile, II, 17, bien avant qu'il ne dévore le jésus et ses frères. L'allégorie des Noces de Kana ne se passe dans Kana qu'en raison du Zèle que tous les personnages présents à la scène, la mère de Bar-Jehoudda, Bar-Jehoudda lui-même, ses frères et ses partisans, ont montré pour la défense de leur dieu.

[15] Revoir à ce sujet la Nativité selon Mathieu.

[16] Et non cousine, comme on le lit dans certaines traductions. Généalogiquement Eloï-schabed est la mère de Maria. Parente ici vient de parere, engendrer. On verra dans quel but le mot cousine a été introduit.

[17] Vous verrez, dans un instant, que l'évangéliste compare le Joannès-jésus à un soleil levant.

[18] Ce petit cantique n'a aucun caractère d'originalité. C'est un composé doucereux de lieux communs bibliques, un pur travail de scribe.

[19] Le Coran, XIX, 8 (Marie). Mahomet oublie le prophète Jonas de Geth en Opher.

[20] Mathieu, XVI, 17, et le Quatrième Évangile, XXI, 15, 16 et 17.

[21] Voir le verset 8.

[22] Le Coran, XIX (Marie), 6-7.

[23] Imité d'Isaïe (IX, 2) : Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière ; et le jour s'est levé pour ceux qui habitaient dans la région de l'ombre de la mort.

[24] Mathieu, XVI, 4.

[25] Différentes preuves de ce fait et incontestables par l'Apocalypse dont on trouvera le texte complet dans le Roi des Juifs.

[26] Elle occupe les versets 25 à 38 du chapitre II de l'Évangile dit de Luc.

[27] Ce verset est le quatre-vingtième et dernier du chapitre Ier. Nous l'avons mis ici où il est à sa vraie place.

[28] Rappelons encore une fois que la journée juive commençait à cette heure-là.

[29] Les Valentiniens donnaient des allégories de la prophétesse Anna et du prophète Siméon deux explications dont il ne nous reste que la seconde, celle qui a trait à Siméon. Elle n'est pas satisfaisante, mais la première devait l'être davantage puisqu'elle a disparu.

[30] Cette exclusion des femmes s'explique par le fait qu ayant introduit la mort dans le monde, elles ne pouvaient s'approcher du sanctuaire de l'Eternel sans des purifications renouvelées autant de fois que la nature parlait en elles. On les tenait dans une Cour qui leur était spécialement affectée, et on n'en employait aucune au service intérieur, tandis qu'ici, contrairement à toutes les ordonnances, Anna est à toute heure de jour et de nuit dans le sanctuaire, et cela depuis quatre-vingt-quatre ans.

[31] Ieou, Ieoua, Iaoué, Jehovah, Dieu. Equivalent d'El ou Eloï.

[32] On a chercha à savoir qui était Semeion et naturellement on n'a pas trouvé. On a conjecturé que c'était le fils du fameux docteur Hillel, mais sans preuves, ajoute avec réserve la sacrée Congrégation de l'Index !

[33] Par la bouche de Jehoudda, Apocalypse, X, 6.

[34] Inscriptions que les Juifs dévots portaient sur leur chef ou sur leurs vêtements.

[35] Marc, X, 32 et suiv. ; Mathieu, XX, 17-20. Scène fort curieuse écrite au second siècle et sur laquelle nous nous étendrons, le moment venu. On y a la preuve, — ajoutée à tant d'autres ! — que le Joannès est bien, sous le nom de Jésus, le crucifié de Pilate. Luc (XVIII, 31), a supprimé la scène, elle est trop transparente !

[36] Le principe du bon qui est en Iaô-veh, Jehovah ou Iahvé. Ici Valentin travaille au rapprochement des millénaristes juifs avec les autres christiens.

[37] Les Juifs attendaient, avant le Christ, le retour d'Élie qui, étant auprès de Iahvé, était particulièrement qualifié pour les avertir. Dans Malachie le Verbe leur avait promis de leur envoyer le prophète Elie, avant que le grand et terrible jour du Seigneur arrive. Par son Apocalypse, Joannès supprime Élie, lequel, vu son nom et ses actes paraît avoir été assimilé au Soleil. Élie lui-même n'était qu'une répétition d'Enoch, lequel avait été enlevé de terre à l'âge de 365 ans que nous réduirons à 365 jours pour lui donner le sens d'une révolution solaire.

[38] Voilà le point de départ de la mystification évangélique.

[39] Et comme il est l'Epoux de la vieille Anna, veuve de lui depuis quatre-vingt-quatre ans.

[40] Il va sans dire que les Sagesses ne nomment pas Luc, bien qu'elles connaissent l'Évangile placé aujourd'hui sous son nom. Et pourtant elles ont été remaniées et interpolées au point qu'on y trouve un pompeux éloge de Saül (le pseudo-Paul) dans la bouche de Maria : Saül qui n'a cessé de lapider, de massacrer, de persécuter les fils de la malheureuse !

[41] Les Sagesses ne nomment pas Zacharie, ou tout au moins ne le mettent pas en scène, ce qui ne veut pas dire que les Valentiniens ignorassent cette représentation de Joseph. Ils doivent la connaître puisqu'ils connaissent la représentation correspondante, Eloï-schabed-Maria.

[42] Cette comparaison de Jehoudda au Vigneron de la Vigne du Seigneur va de pair avec celle du Charpentier de la barque baptismale.

[43] Sagesse de Valentin, éd. Amélineau, p. 62.

[44] Sagesse de Valentin, éd. Amélineau, p. 66. C'est ce qui ressort nettement du texte, malgré ses sophistications.

[45] Nous montrerons, en effet, qu'elle provient de l'Apocalypse, comme les Nativités selon Mathieu et selon Luc et toutes les scènes essentielles des Évangiles.

[46] Après avoir coupé Salomé en deux (une femme remplie de sept démons sous le nom de Maria Magdaléenne, et une mère immaculée sous le nom de Maria), ils en sont arrivés à ne plus reconnaître que la sœur de Moïse s'appelât elle-même Maria. J'ai en ce moment sous les yeux un passage attribué à Clément d'Alexandrie (l. IV des Stromata), dans lequel ils appellent cette héroïne Suzanne !

[47] La Nativité au Recensement. (Luc, II, 1 et suiv.)

[48] Mathieu, XXIII, 35.

[49] C'est sous le nom de Zacharie que Jehoudda est tué dans l'Évangile de Mathieu. Par ce moyen, on a évité de le tuer sous le nom de Joseph.

[50] C'est l'Annonciation à Joseph qui est du 21 mars, sous les Poissons, signe du baptême.

[51] La thèse est que le salut des goym vient des Juifs, en leur qualité de peuple élu. L'Eglise s'est bâtie d'une part sur ce blasphème, de l'autre sur la fourberie évangélique.

[52] Lettre aux Romains, déjà citée.

[53] Lettre aux Galates, II, 9. En effet, Joannès est cité le dernier, signe d'antériorité chronologique.

[54] Ire aux Corinthiens, III, 4.

[55] Tel que nous l'avons défini d'après Jehoudda et que l'Apocalypse nous le montre.

[56] Actes des Apôtres, XVIII, 24-25.

[57] Ire aux Corinth., III, 4. Avec une bonne foi que je ne me lasse pas d'admirer, l'Eglise a supprimé ce nom dans toutes les éditions qui dépendent d'elle et dont la plupart des libres-penseurs suivent aveuglément le texte. On ne trouve le nom que dans les éditions qui échappent à ses grilles. Je citerai celle de M. Ledrain.