LE MENSONGE CHRÉTIEN - (JÉSUS-CHRIST N'A PAS EXISTÉ)

 

TOME I. — LE CHARPENTIER

II. — LA FAMILLE DU CHARPENTIER.

 

 

I. — QUELQUES SURNOMS DE JEHOUDDA : JOSEPH, JOANNÈS, ZACHURI.

 

On n'était rien en Judée sans un manifeste prophétique. Jehoudda écrivit ce qu'il avait appris à l'école de Joshua ben Peraïa, l'Apocalypse des Apocalypses, l'Horoscope des Juifs, le Livre des destinées du monde.

C'est de lui que parle le satirique Lucien comme ayant été le premier législateur des christiens[1]. Et ses lois, ce sont les fameuses Paroles du Rabbi qui devinrent le code de l'apostolat jusqu'à la chute de Jérusalem et au-delà.

Jehoudda est le maître de tous les personnages qu'on appelle disciples dans l'Évangile. C'est la grande figure christienne de la Judée. Qu'il ait annoncé, prêché le Christ, cela se déduit et de l'histoire juive et de l'histoire dite sacrée et de l'histoire romaine ; cela se déduit et de Josèphe et de Tacite et de Suétone, quand ils explorent les dessous prophétiques des révoltes juives ; cela résulte des Actes des Apôtres quand Gamaliel, embrassant d'un large coup d'œil le mouvement qui sous Claude amène les christiens devant le Sanhédrin, met à la base Jehoudda et au sommet Theudas[2] ; cela résulte surtout de ce qui va suivre.

Jehoudda n'est pas seulement le père du christianisme, il est le père de l'horrible petit Juif que l'humaine imposture a mué en Jésus-Christ et que trois cent soixante-cinq millions d'hommes civilisés adorent comme étant le Fils de Dieu.

 

Les Révélations de Jehoudda lui ont valu toutes sortes de surnoms, qui tous rentrent dans le caractère de son système et de ses prophéties. C'est lui que certains Evangiles appellent Joseph, d'autres le Charpentier, d'autres Zibdeos, d'autres Jonas ou Joannès, d'autres Zachûri, jamais Jehoudda, on verra pourquoi.

Le nom de Joseph s'explique tout naturellement. Joseph était fils de Jacob dans la Genèse, Jehoudda est fils de Jacob dans sa généalogie. Joseph avait fait le grand songe astrologique des onze signes qui en adorent un douzième ; Jehoudda le refit : il vit le soleil, la lune et les onze étoiles qui, avec la Vierge, forment les douze signes du Zodiaque, adorant d'en haut l'enfant oint par Iahvé pour la délivrance d'Israël. Joseph, à le bien prendre, n'avait été qu'un Mage : Ignorez-vous, dit-il[3], qu'il n'y a personne qui m'égale dans la science de deviner les choses cachées ? Jehoudda disait : Je veux vous révéler des choses cachées depuis le commencement du monde[4].

Le nom de Jonas ou Joannès lui est donné quatre fois par les Evangiles, une fois dans Mathieu, trois fois dans le Quatrième Évangile[5]. Joannès est un équivalent de Joseph.

A l'origine des choses, tous les êtres animés étaient nés de l'eau. Le premier être capable de révéler les secrets de la pensée créatrice était donc en forme de poisson et s'appelait chez les Chaldéens Oannès ou Ioannès. Jonas dans son poisson est un de ces Ioannès. Oannès apparut dès la première année du monde. C'était un confident, un disciple du Soleil, lequel savait tout en sa qualité de lumière universelle. Il se levait dans les flots de l'Orient, comme le Soleil son maître, et s'enfonçait dans ceux de l'Occident pour ne reparaître que le lendemain. Néanmoins on l'avait vu d'assez près pour fixer sa figure, celle d'un homme encastré dans un poisson. Il avait écrit sur les destinées du monde une Apocalypse qu'il remit aux Chaldéens[6]. Entendez qu'il avait mis la Genèse chaldéenne sous le nom du premier homme, tel qu'on se le figurait, c'est-à-dire tenant du poisson par ses attaches avec la mer d'où la terre était issue. Le premier homme né chez nous, disent les Assyriens, c'est Iannès Tichthyophage. L'Oannès des Chaldéens ne mange jamais de choses terrestres, le Iannès des Assyriens ne vit que de poissons. Très vieux mythe, vieux comme le monde. Hygin le connaît parfaitement. Euahanès, que l'on dit être sorti de la mer en Chaldée, a révélé les interprétations astrologiques[7]. Helladios de Bésa rapporte ce même mythe : Oannès ou Oès a révélé l'astronomie[8]. Le sage Chérémon conte que le quatorzième auteur de l'astronomie chez les Égyptiens fut Ioannès qui arrivait de la zone équatoriale, couvert d'une peau de poisson, et s'avouait fils d'Hermès et d'Apollon[9], en quoi il disait vrai. Au pied de la croix où l'on attache le Joannès de l'Évangile, Jésus, Verbe juif, le déclare nettement fils de Mercure ou Hermès[10]. Après Ioannès, quantité d'hommes-poissons, pareils à lui, avaient paru en Assyrie qui, sortant chaque matin de la mer Erythrée et y rentrant chaque soir, avaient expliqué en détail l'enseignement du premier. Bérose, Alexandre Polyhistor, Apollodore ainsi qu'Abydène parlent de cette dynastie pisciforme. C'est assez dire que la cosmogonie et l'astronomie chaldéennes étaient l'œuvre de Révélateurs joanniques, dont l'origine se perd dans la nuit des temps où la terre, soulevée au-dessus de l'abîme marin, avait enfin contemplé la face du soleil.

Les Joannès ne différaient entre eux que par les conclusions, et ces conclusions variaient selon les latitudes. Celui de Chaldée promettait l'empire du monde aux Chaldéens, celui d'Egypte aux Egyptiens, Joseph et le Ieou-annès aux Juifs. Indifférents aux systèmes qu'ils ne comprenaient pas, les peuples n'en retenaient que l'affolante moralité. A ce jeu les Joannès gagnaient parfois des couronnes ; celui d'Egypte en eut une ; Jehoudda doit à ses facultés joanniques d'avoir eu deux fils rois des Juifs pendant une cinquantaine de jours. De toutes les. prophéties qui concernaient Israël, une seule était en train de se réaliser, celle de Balaam. Prophétie affligeante : tous les enfants de Seth détruits[11], les chefs d'Italie venant dans leurs vaisseaux, défaisant les Assyriens et ruinant les Hébreux[12]. Balaam annonçait bien qu'à la fin ces Italiotes périraient eux-mêmes[13], mais Israël succombait le premier. Balaam ne pouvait donc être qu'un faux prophète : les Ecritures christiennes sont pleines d'amertume contre l'erreur de Balaam, l'impudence aveugle de Balaam[14]. L'Apocalypse du Joannès gaulonite, c'est la réponse à Balaam au nom de tous les prophètes d'Israël. C'est Balaam retourné, l'Orient vainqueur de l'Occident par le Messie davidique : La Loi et les prophètes jusqu'au Joannès[15], toute la Parole de Dieu est là.

De même que Joannès est un équivalent de Joseph, Zachûri est un équivalent de Joannès.

Le nom de Zachûri, qu'on donne à Jehoudda dans la Nativité selon Luc et dans d'autres passages de l'Évangile[16], est tiré du Cycle auquel il appartient et de la situation qu'il occupe sur le Zodiaque millénariste par la nature de ses Révélations. Le radical est Zachû, le Verseau des sphères chaldéennes et le précurseur des Poissons, signe du baptême.

De Zachûri on en est venu à Zacharie. De tous les prophètes Zacharie est le seul qui annonçât en termes exprès la mission baptismale du christ davidique : En ce jour-là il y aura une fontaine ouverte à la maison de David et aux habitants de Jérusalem, pour y laver les souillures du pécheur et de la femme impure[17], et c'est ce qui explique l'affluence des paillardes au Jourdain. Il y a d'autres raisons encore et topiques, notamment celle-ci que nous retrouverons dans l'Apocalypse : Zacharie est le seul qui annonçât la destruction de la terre par tiers, le parti du milieu demeurant seul, sauvé par le baptême du feu. Je ferai passer ces derniers par le feu, où je les épurerai comme on épure l'argent et je les éprouverai comme on éprouve l'or. Ils m'appelleront par mon nom et je les exaucerai. Je leur dirai : Vous êtes mon peuple, et chacun d'eux me dira : Vous êtes le Seigneur, mon Dieu[18].

Avec un zèle égal, quoi qu'avec moins d'autorité, son frère Aggée (Aggaï) prêcha le même christianisme[19]. S'appelait-il Aggée de son nom de circoncision ? Est-ce parce qu'il s'appelait Aggée qu'on a surnommé Jehoudda Zacharie ? Est-ce au contraire parce qu'on a surnommé Jehoudda Zacharie qu'on a surnommé son frère Aggée ? On ne sait rien, sinon que l'étroite collaboration des deux frères a semblé comparable à celle des deux derniers prophètes d'Israël, transportés du même enthousiasme et associés à la même œuvre.

 

II. — SALOMÉ, FEMME DE JEHOUDDA, ET SON GRAND SURNOM DE MARIA LA MAGDALÉENNE.

 

Vers 739, Jehoudda épousa une jeune fille, comme lui de sang royal et sacerdotal, parvenue à l'âge nubile, soit environ quinze ans. Elle était donc née vers 725. Elle se disait fille de David et du même sang qu'Aaron. Cumul semblable à celui de son mari. Elle s'appelait Salomé, nom davidique par excellence. Jehoudda, son oncle sans doute, fut conduit à la prendre pour femme, parce qu'elle était la seule fille de la maison[20]. Mais elle avait deux frères.

La Loi voulait que les filles se mariassent dans leur tribu et, autant que possible, dans leur famille. A neuf cent cinquante ans de leur souche, les deux branches de la postérité de David se nouaient par le mariage. Mais ce qui faisait la grandeur de cette union, c'est son caractère exceptionnel au point de vue légal et religieux : Jehoudda était du même sang qu'Abia, fils de Samuel, Salomé de la même mère que Moïse. Ce n'est pas seulement la tribu, c'est l'arbre même de Lévi qui refleurissait en eux.

Et comme les enfants d'Aaron étaient morts sans postérité[21], jamais mariage plus significatif n'avait eu lieu depuis la sortie d'Egypte.

On conçoit qu'un tel couple ait eu qualité pour incarner la Loi dans toute sa rigueur xénophobe, dans toutes ses passions jalouses, dans tous ses rites sanglants, sans tenir compte des atténuations que les docteurs y avaient apportées.

L'Église a fait des efforts qui n'ont rien de surhumain pour lui enlever la marque de la tribu sacrée et pour le rattacher uniquement à Juda. Elle y a réussi dans trois Evangiles sur quatre, et à part Luc où Lévi revendique hautement les deux époux[22] il est devenu difficile d'apercevoir la supercherie.

 

Le premier enfant de Jehoudda et de Salomé fut un garçon auquel ils donnèrent, selon une coutume invariable[23], le nom de son père. Nous l'appellerons Bar-Jehoudda, c'est-à-dire fils de Jehoudda, toutes les fois que la mystification évangélique ne nous forcera pas à sortir de l'histoire.

C'est le Joannès de l'Apocalypse, celui que l'Église appelle Jean-Baptiste, lequel ne fut pas décapité à la demande d'Hérodiade, comme le veut l'Évangile refait au quatrième siècle, mais crucifié par Pontius Pilatus comme Jésus le constate en termes formels. C'est lui qui figure dans l'Évangile sous les pseudonymes de Joannès et du jésus, et qui, sacré roi des Juifs au-delà du Jourdain en 788, est devenu dieu par une invraisemblable suite de fourberies ecclésiastiques. Nous l'appellerons le Joannès-jésus, le jésus, le christ avec la petite lettre ou le Nazir, par opposition au Verbe-Jésus ou Christ céleste, que les scribes ont incarné en lui par droit d'allégorie et qui circule dans la fable juive comme Zeus dans Homère, Apollon dans Virgile, et les autres dieux de l'Olympe dans les fictions païennes.

 

Une seule fois, Salomé figure sous son vrai nom dans la mystification évangélique[24], une autre fois sous le nom de la mère des enfants de Zibdeos[25], et toute l'Église, la moderne comme la primitive, reconnaît que la femme de Zibdeos — un des pseudonymes de Jehoudda, nous le verrons bientôt— s'appelait Salomé. Dans les Paroles du Rabbi elle s'appelait Salomé, nom que lui ont conservé les Évangiles originaux dits des Naziréens, des Ébionites, des Hébreux ou des Égyptiens, rudiment des Évangiles actuels. Un écrivain ecclésiastique. Clément le Romain, dont on a fait un pape, — le propre successeur de Pierre ! — et dont on produit deux Épîtres apocryphes mais anciennes, ce Clément savait et disait que la mère de Bar-Jehoudda s'appelait Salomé[26]. Julius Cassianus, auteur du second siècle, la nomme[27] ; Clément d'Alexandrie également en deux passages que nous reproduisons plus loin[28]. L'Église s'est bornée à supprimer le nom de Salomé dans démentie Romain, le lien de parenté dans Cassianus et dans Clément d'Alexandrie, mais si maladroitement qu'on la reconnaît aussitôt. La mère du Jésus s'appelle Salomé dans Hippolyte de Thèbes[29] et dans l'Histoire ecclésiastique de Nicéphore[30].

On la trouve deux fois sous le nom composé d'Eloï-schabed, (double jeu de mots qui signifie Promesse de Dieu, Serment d'Eli) une fois dans l'Evangile, une fois dans les Sagesses valentiniennes[31]. Mais son pseudonyme le plus fréquent est Maria la Magdaléenne ou Maria tout court, car ces deux Maria, que l'Eglise fait distinctes dans l'intérêt de son industrie, sont une seule et même personne. Rien de comique comme l'embarras de l'écrivain ecclésiastique Josephus, citant Hippolyte de Thèbes, lequel disait que Maria s'appelait Salomé. Il veut parler de la sage-femme, insinue Josephus, de celle qui a accouché la Vierge ! Les deux Sagesses valentiniennes, qui sont de la fin du second siècle, rappellent Salomé, toutes les fois qu'elles ne la désignent pas sous son pseudonyme de Maria Magdaléenne. Agapius, qui dénonça le mensonge constitutif de l'Evangile, dit qu'elle ne s'appelait pas Maria ; mais Photius, patriarche de Constantinople, par qui nous connaissons Agapius, se garde bien de nous dire quel nom elle avait dans cet auteur[32]. Le rabbin cité par Celse le platonicien et qui avait protesté par un écrit public contre cette même fourberie, nommait certainement de son vrai nom la femme de Jehoudda, car l'écrivain ecclésiastique qui lui répond la désigne encore par cette épithète expressive : la Fanatique[33], et c'est précisément cette qualité de passion qui vaut à Salomé le pseudonyme de Maria la Magdaléenne dans l'Evangile.

 

Du jour où dans leur roman les évangélistes ont donné à Salomé le nom de Maria, sœur de Moïse et d'Aaron, ils n'ont pu lui refuser l'épithète de Magdaléenne. L'hommage qu'ils voulaient lui rendre n'eût pas été complet, s'ils ne l'avaient pas assimilée pour la violence de son zèle religieux à la grande prophétesse de la sortie d'Egypte et du camp de Magdala[34]. La femme du nouveau Moïse rappelait la sœur de l'ancien, laquelle, debout sur les sables du désert, les cheveux au vent, le tambour à la main, l'hymne guerrier aux lèvres, avait entraîné les femmes juives et quelque peu les hommes au passage de la Mer Rouge. Mahomet, qui a pour le païen, pour le roumi, la même haine que la seconde Maria Magdaléenne, s est senti, lui aussi, attiré vers ce beau type d'énergumène[35]. Il salue en elle la fille d'Amram[36] et la sœur d'Aaron[37], il connaît donc la raison d'être du pseudonyme que Salomé porte dans les Evangiles : les Nombres disent qu'entre autres fils, Lévi eut Gaath, lequel eut Amram, qui eut pour femme Eloï-schabed, fille de Lévi, née en Egypte. Eloï-schabed eut d'Amram, son mari, deux fils, Aaron et Moïse, et Maria, leur sœur[38].

Dans tout cela, l'effort des évangélistes ne fut pas colossal : appeler Joseph un homme qui, comme dans la Genèse, était fils d'un Jacob, c'était le désigner aussi clairement que possible : les initiés reconnaissaient immédiatement Jehoudda. Donner à sa femme le nom de Maria la Magdaléenne n'avait rien de particulièrement génial, puisque son objectif était de sortir d'Egypte[39] et qu'elle avait elle-même des Révélations, car elle fut, avec son fils aîné, le meilleur disciple de Jehoudda.

 

J'ai longtemps cru sur la foi des apparences, et aussi des traductions où Maria est dite de Magdala, que Salomé était née dans ce petit village, aujourd'hui Medgdel, assis en Galilée sur les bords du lac de Génézareth, en face et au-dessus de Gamala. C'est une erreur. Il faut lire : Maria Magdaléenne. En effet, il était dit dans le Discours de Vérité de Celse que les païens ou les Juifs — il n'importe — ayant cherché à savoir si les gens de ce pays avaient conservé le souvenir de cette Maria, ceux qui auraient été ses voisins si elle eût habité Magdala, avaient répondu qu'ils ne la connaissaient pas du tout sous ce nom-là[40].

 

III. — LES GÉNÉALOGIES.

 

Il est de mode aujourd'hui de négliger les deux Généalogies conservées dans l'Evangile comme des pièces entièrement supposées. C'est un grand tort, elles ne sont que refaites. L'une est la généalogie de Jehoudda, l'autre est celle de Salomé. Dans Tune, Jehoudda descend de David par Salomon lui-même ; Salomé, par Nathan, demi-frère de Salomon.

Jehoudda et Salomé insistaient fortement sur leur double davidisme : leur premier-né ne pouvait passer pour christ qu'à la condition de cumuler toutes les promesses faites à Juda par Jacob et à David par Iahvé lui-même. Très certainement les généalogies qu'ils invoquaient étaient conservées dans le Temple au Livre des titres. Peut-être formaient-elles un rouleau spécial, car on lit en tête de la Généalogie selon Mathieu : Livre de la Généalogie du christ jésus. Elles étaient beaucoup plus étendues qu'aujourd'hui. Au mépris des règles de l'art, l'Église y a biffé les noms qui sonnaient mal et les personnages contre lesquels il y a malédiction.

Elle est forcée de le reconnaître aujourd'hui[41]. Après avoir fait Bar-Jehoudda dieu et consubstantiel au Père, elle ne pouvait avouer publiquement que ce Juif était, en autres tares originelles, consubstantiel à des escarpes comme Achab et à des mégères comme Athalie.

 

Voici d'abord la Généalogie de Bar-Jehoudda par son père, le Joseph de Mathieu.

Livre de la Généalogie du christ Jésus, fils de David, fils d'Abraham.

2. Abraham engendra Isaac. Isaac engendra Jacob. Jacob engendra Juda et ses frères.

3. Juda engendra, de Thamar, Phares et Zara. Phares engendra Esron. Esron engendra Aram.

4. Aram engendra Aminadab. Aminadab engendra Naasson. Naasson engendra Salmon.

5. Salmon engendra, de Rahab, Booz. Booz engendra, de Ruth, Obed. Obed engendra Jessé. Et Jessé engendra David, roi.

6. David, roi, engendra Salomon, de celle qui fut femme d'Urie.

7. Salomon engendra Roboam. Roboam engendra Abias. Abias engendra Asa.

8. Asa engendra Josaphat. Josaphat engendra Joram. Joram engendra Ozias[42].

9. Ozias engendra Joatham. Joatham engendra Achaz. Achaz engendra Ézéchias.

10. Ézéchias engendra Manassé. Manassé engendra Amon. Amon engendra Josias.

11. Josias engendra Jéchonias et ses frères vers la transmigration de Babylone.

12. Et après la transmigration de Babylone, Jéchonias engendra Salathiel. Salathiel engendra Zorobabel.

13. Zorobabel engendra Abiud. Abiud engendra Eliacim, Eliacim engendra Azor.

14. Azor engendra Sadoc. Sadoc engendra Achim. Achim engendra Eliud.

15. Eliud engendra Eléazar. Eléazar engendra Mathan, Mathan engendra Jacob.

16. Et Jacob engendra Joseph, époux de Maria, de laquelle est né Jésus, qui est appelé christ.

 

Voici maintenant sa Généalogie par sa mère, la Maria Magdaléenne de l'Évangile :

Maria était fille d'Héli, qui fut fils de Mathat,

24. Qui le fut de Lévi, qui le fut de Melchi, qui le fut de Janné, qui le fut de Joseph,

25. Qui le fut de Mathathias, qui le fut d'Amos, qui le fut de Nahum, qui le fut de Hesli, qui le fut de Naggé,

26. Qui le fut de Mahath, qui le fut de Mathathias, qui le fut de Séméi, qui le fut de Joseph, qui le fut de Juda,

27. Qui le fut de Joanna, qui le fut de Résa, qui le fut de Zorobabel, qui le fut de Salathiel, qui le fut de Néri,

28. Qui le fut de Melchi, qui le fut d'Addi, qui le fut de Cosan, qui le fut d'Elmadan, qui le fut de Her,

29. Qui le fut de Jésu, qui le fut d'Eliézer, qui le fut de Jorim, qui le fut de Mathat, qui le fut de Lévi,

30. Qui le fut de Siméon, qui le fut de Juda, qui le fut de Joseph, qui le fut de Jona, qui le fut d'Eliakim,

31. Qui le fut de Méléa, qui le fut de Menna, qui le fut de Mathatha, qui le fut de Nathan, qui le fut de David,

32. Qui le fut de Jessé, qui le fut d'Obed, qui le fut de Booz, qui le fut de Salmon, qui le fut de Naasson,

33. Qui le fut d'Aminadab, qui le fut d'Aram, qui le fut d'Esron, qui le fut de Phares, qui le fut de Juda,

34. Qui le fut de Jacob, qui le fut d'Isaac, qui le fut d'Abraham, qui le fut de Tharé, qui le fut de Nachor,

35. Qui le fut de Sarug, qui le fut de Ragaii, qui le fut de Phaleg, qui le fut d'Héber, qui le fut de Salé,

36. Qui le fut de Caïnan, qui le fut d'Arphaxad, qui le fut de Sem, qui le fut de Noé, qui le fut de Lamech,

37. Qui le fut de Mathusalé, qui le fut d*Hénoch, qui le fut de Jared, qui le fut de Malaléel, qui le fut de Caïnan,

38. Qui le fut d'Hénos, qui le fut de Seth, qui le fut d'Adam, qui fut de Dieu.

 

IV. — FALSIFICATION DES GÉNÉALOGIES.

 

Or on lit aujourd'hui dans Luc : Le jésus était, comme l'on croyait, fils de Joseph, qui le fut d'Héli[43]. Voilà une adultération manifeste et qui rend les Généalogies respectivement incompréhensibles.

Avec une ascendance différente elles sont aujourd'hui celles d'un même individu, donc inconciliables. Joseph est fils de Jacob dans l'une[44] et d'Éli dans l'autre[45] ; dans l'une il descend de David par Nathan, dans l'autre par Salomon. Il n'en a pas toujours été ainsi. L'auteur anonyme du Dialogue avec Tryphon a connu la généalogie originale qui faisait descendre Maria de David par Éli et il l'allègue[46]. Celse, au quatrième, siècle, connaît une généalogie qui est indubitablement celle de Maria par Éli, et en effet Maria était fille d'Éli : d'où le, pseudonyme d'Éli-Schabed qu'elle porte dans certains thèmes. C'est l'arbre que l'Église présente aujourd'hui dans Luc comme étant aussi celui de Joseph. Il en résulte que, privée de généalogie et devenue au choix épouse de Dieu ou de l'énigmatique charpentier qui répond au nom de Joseph, Maria cesse d'être fille de David, ce qui permet à l'Église d'étendre à la mère le prétendu mystère de nativité qui enveloppe son premier-né : Si la femme du charpentier, dit l'Église, avait été d'un sang si illustre, c'est-à-dire si elle eût été la descendante des anciens rois des Juifs, elle ne l'aurait pas ignoré[47]. Or (je continue le raisonnement) comme, grâce à nos sophistications on ne sait plus que son père s'appelait Eli et était de sang royal, c'est qu'elle n'en savait rien elle-même. Ceux-là sont donc des imposteurs qui l'identifient avec Salomé descendante de David et femme de Jehoudda.

C'est donc justement et équitablement — vere dignum et justum est, æquum et salutare — que nous avons rendu à Maria Magdaléenne la généalogie rapportée dans Luc. L'Eglise moderne n'est pas loin de faire comme nous. Je ne parle pas de ces affreux modernistes qui perdent tout en croyant tout sauver, mais du Saint-Siège lui-même. Il y a deux sentiments sur les généalogies, dit le Nouveau Testament, approuvé par la sacrée Congrégation de l'Index[48]. Le premier tient que saint Mathieu a donné la généalogie de saint Joseph, et saint Luc celle de la sainte Vierge. Cette hypothèse semble plausible. Il serait fâcheux qu'elle ne le fût pas, car dans le cas contraire le pauvre Joseph eût été hors d'état de nommer son père, et l'infortunée Maria hors d'état de nommer son beau-père. Mathieu dit que c'était Jacob, et nous devons le croire, puisque son écriture est de Dieu. Luc dit que c'était Héli, et foi lui est due, puisque c'est Dieu qui tient la plume. Ainsi à tous les préjudices que l'Eglise cause à Jehoudda sous le nom de Joseph, il faut encore ajouter celui-ci : le malheureux ne savait ni comment s'appelait son père ni de qui était son premier-né ! Nous lui avons rendu l'honneur en lui rendant son nom de circoncision : son père s'appelait bien Jacob et son premier-né Jehoudda[49].

L'Empereur Julien qui sut tout sur l'imposture et la fourberie des Evangiles n'est pas dupe des généalogies sophistiquées. Il résulte de son argumentation que, de son temps déjà, on les avait terriblement brouillées pour ne plus rien y laisser qui rattachât tout ce monde à la maison de Lévi. Jésus n'est point de Judas, puisque vous prétendez qu'il n'est pas né de Joseph, mais du Saint-Esprit. Et pour Joseph lui-même, vous avez beau le rattacher à la généalogie de Juda, vous ne pouvez pas réussir dans cette imposture, et l'on prouve que Mathieu et Luc sont tout à fait en désaccord sur cette Généalogie. Comme nous devons examiner avec soin l'authenticité de ce fait dans le second livre, laissons-le de côté pour le moment[50]. Il va sans dire que Cyrille d'Alexandrie, de qui nous tenons ce passage transcrit, on peut en être sûr, avec la plus grande infidélité, ne revient plus jamais là-dessus. Julien, ou plutôt Celse, prouvait dans le second livre de son ouvrage qu'outre sa prétention d'être de David, le père du jésus se disait surtout de Lévi, ce que l'Eglise ne voulait plus reconnaître, à cause des sacrifices sanglants institués par Aaron.

 

Etablissons d'une manière positive, irréfutable, la situation de chacun des époux au double point de vue lévitique et davidique.

Dans Luc Jehoudda, sous le nom de Zacharie, est de Lévi par Abia.

Nous ne trouvons qu'une seule personne de ce nom dont Jehoudda ait pu descendre, c'est Abia, fils de Samuel et juge d'Israël avec son père et Joël son frère dans Bersabée[51]. Samuel était de la maison de Lévi et descendant par Suph de Caath[52]. Dans ces conditions Jehoudda doit descendre d'Abia par Bethsabée, fille d'Éliam[53], qui aurait été fils d'Abia. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'il est de Lévi et qu'il n'entre dans la maison de David que par Bethsabée. Il semble donc que Bethsabée fût de Lévi. Mais comment se fait-il, si elle est de Lévi, qu'elle ait épousé d'abord Urie, chef hittite qui certainement n,en était pas ? Bethsabée serait doublement adultère, une première fois pour s'être mariée hors de sa tribu et même de sa race, une seconde fois pour avoir copule avec David du vivant de son mari. D'où le nom de Sotada, fils de l'Adultère, donné à Jehoudda et qu'il ne méritait qu'à la condition de remonter à près de mille ans[54].

Lévitiquement Jehoudda descend par Suph de Caath dont sa femme descend, de son côté, par Amram. Judaïquement il se greffe sur David par l'adultère de Bethsabée, Salomé par une des nombreuses concubines qui donnèrent à David dans Jérusalem les treize enfants dont parlent les Rois et dont fut Nathan[55]. C'est l'adultère qui fait Jehoudda fils de David, c'est le sérail qui fait Salomé fille de David. Nous défendrons l'honneur de Salomé à la fois contre l'Église et contre un parti qui a trouvé plaisant de l'accuser d'adultères répétés, on ne nous reprochera donc pas de chercher le scandale en fixant indiscutablement ces deux points. Il fallait montrer que si Jehoudda descendait de Lévi, il pouvait être de David par Bethsabée et que si Salomé descendait, elle aussi de Lévi, elle pouvait être de David par la femme dont le roi eut Nathan.

 

V. — LA DATE EXACTE DE LA NAISSANCE DU JÉSUS (739).

 

L'Eglise déclare qu'il a été impossible jusqu'à présent de déterminer avec certitude la date de la Nativité. Si on l'avait cherchée, on l'aurait trouvée — Cherchez et vous trouverez est un précepte évangélique ; — elle est trois fois dans l'Apocalypse, elle est chez Mathieu, elle est chez Luc. Dans la maison de Salomé comme dans celle de Jehoudda on conservait pieusement l'Apocalypse qui visait le premier fils à naître de leur conjonction. Son succès dépendait d'une opération arithmétique, une simple addition dont Jehoudda était maître avec la collaboration de sa femme et l'aide de Dieu. Il y préluda en épousant Salomé dans l'année 739. Jehoudda considérait que, si par la chair il était le père de son premier-né, celui-ci préexistait dans l'idée de Iahvé depuis le commencement des temps : en le produisant, sa femme et lui n'avaient été que les deux agents d'exécution mis en mouvement par la grâce.

 

L'année 739 était sabbatique et jubilaire.

On appelait sabbatique la dernière année d'une période de sept années ordinaires, et jubilaire la dernière année d'une période de sept années sabbatiques. Toute quarante-neuvième année à commencer de la Création était jubilaire.

L'année jubilaire était toujours doublée, de manière que par fractions de cinquante (le demi-siècle) et de cent (le siècle) le compte des temps restât toujours soumis à la mesure millénaire dans la main de Dieu. Pour les Juifs, qui suivent en cela les Chaldéens, rester sur un impair, c'était la fin du monde. Iahvé n'est pas seulement le Père, il est le Pair éternel.

Mais la double année 739-740 sortait du commun en ceci, qu'elle était, selon Jehoudda, l'avant-dernier jubilé du Millenium en cours. Le calcul des jubilés échus depuis le temps que Jehoudda assignait à la Création du monde était dans Mathieu, il a disparu. Si on l'eût laissé, les goym se seraient immédiatement aperçus que le Révélateur des destinées du monde s'était abominablement joué de ses contemporains et que le sauveur n'avait pu se sauver lui-même.

Mathieu compte six Jubilés de générations depuis Abraham jusqu'au Jésus, c'est-à-dire six générations de sept générations. Nous ignorons de quelle durée il fait chacune d'elles et pourquoi, après en avoir compté quatorze d'Abraham à David pour une période approximative de sept cent cinquante ans, il en compte vingt-huit de David au jésus pour une période de même durée[56]. On a donc touché à son texte. Mais, malgré la radiation de facteurs essentiels, on comprend que le dernier Jubilé de générations s'ouvre avec 739, qu'un Cycle de mille ans, le Zachû, se ferme sur l'année 788, et que le premier jour de l'année 789 verra la Grande Année dont la génération jubilaire 739-740 n'est éloignée que de sept fois sept ans.

Cinquante ans séparaient les Juifs du terme après lequel Dieu allait envoyer son Christ pour renouveler la face du monde, géographiquement par la suppression de l'Occident, politiquement par la restauration de la monarchie davidique. C'est à la pâque ouvrant le Cycle du Zib que le sceptre, selon le dessein de Iahvé et la prophétie de Jacob, rentrerait dans la famille pour n'en plus jamais sortir ; et c'est le fils aîné de Jehoudda qui du seul fait de sa naissance jubilaire se trouvait être fatidiquement le christ libérateur promis à la patrie, moyennant qu'il vécût encore à la pâque de 789.

C'est pour cela que dans l'allégorie de la Nativité selon Mathieu, les Mages viennent du fond de la Chaldée saluer l'enfant qui, d'après leurs propres calculs et leur expérience des cycles, a dû naître en Tannée 739, car vous n'admettez pas, j'imagine, que le Roi des Juifs rois de la terre pût naître en une année ordinaire ou simplement sabbatique[57].

Ce n'est pas seulement un prophète que Jehoudda, c'est un sophiste[58] dans le mauvais sens, un homme habile aux feintes politiques, fécond en arguments captieux et en raisonnements charlatanesques, un homme qui entend exploiter son système. Si Jehoudda tient tant à ce que Dieu ait un Fils là-haut, c'est qu'il a un intérêt dans la combinaison.

Avant de venir, le Christ Jésus a oint dans la famille de David, dont est Jehoudda, un Précurseur chargé de lui préparer les voies et admis d'avance aux privilèges de la divinité. Ce précurseur ne mourra pas que Jésus ne vienne, donc il ne mourra pas du tout.

C'est l'enfant-christ, attendu par tous les Juifs, c'est l'héritier, le syndic de toutes les promesses. Dieu n'aurait pas menti ! Le Christ, à sa venue, lui donnera un corps de feu semblable au sien : de dieu stagiaire il en' fera un dieu définitif.

La Sibylle était d'accord avec Jehoudda sur le signe qui annoncerait le retour de l'âge d'or, de la vieille ère de Saturne rajeunie. Ce serait la Vierge, et dans le temps même où Jehoudda appliquait à sa femme et à son fils les prophéties judaïques, Virgile appliquait les sibyllines à la femme d'Auguste et à l'enfant mâle que le peuple romain attendait d'elle. Voici venir le dernier âge prédit par la Sibylle de Cumes : un nouvel ordre va naître des siècles épuisés ; c'est le retour de la Vierge et avec elle va revenir le règne de Saturne ; déjà du haut des cieux descend une race nouvelle. L'enfant qui doit bannir le siècle de fer et ramener l'âge d'or sur l'univers vivra de la vie des dieux, il verra les héros mêlés aux Immortels, ils le verront lui-même admis à leurs honneurs et il gouvernera l'univers[59].

La grande autorité d'Élie vient de ce qu'il avait consigné la doctrine des Cycles millénaires dans des livres de prophéties qui, soit authentiques soit apocryphes, ont été au nombre des écrits connus parmi les anciens Juifs. Ce n'est point sans raison ni par caprice qu'on attendait Élie avant le jour du Jugement, c'est en souvenir de ses Révélations. Elie reviendra, disait-on, c'est dans l'ordre. Le prophète Jonas, je ne parle pas du Ninivite, mais de celui qui était de Geth en Opher[60], Jonas n'avait guère pu prendre ce nom qu'à cause de Révélations analogues à celles d'Élie et peut-être assignait-il au christ davidique le rôle d'avertisseur que certains Juifs retardataires assignaient encore à Élie. Dans le système de Jehoudda, le précurseur n'est plus Élie, c'est le christ davidique, c'est son propre fils. Élie n'a plus de place dans les préliminaires du Jugement : si on le revoit, et on le reverra, ce sera au milieu des patriarches, à son rang avec Jésus. Quand les pharisiens qui l'attendaient iront au Jourdain demander à Bar-Jehoudda s'il est Élie, il répondra : Je ne suis pas Élie. En effet il le remplace.

 

VI. — LES SEPT FILS DE JEHOUDDA.

 

Pendant les vingt-deux ans qu'a duré leur mariage[61], Jehoudda et Salomé n'eurent pas moins de neuf enfants, sept fils et deux filles, ce qui n'a rien d'excessif dans leur race et pour le temps. Sur ces sept fils deux prirent le nom de leur père, deux celui de leur grand-père Jacob.

Le premier, nous Pavons vu, c'est Bar-Jehoudda. Outre la disposition légale qui concerne son nom, nous avons par l'Evangile lui-même la preuve qu'il s'appelait bien comme son père. Un de ses frères, appelé Jehoudda, fut surnommé Toâmin le jumeau, — dont les Juifs hellènes ont fait Thomas didumos, — uniquement pour qu'à distance on ne les confondit pas, car ils étaient jumeaux de nom. Dans le Quatrième Évangile[62], un Jehoudda, qui n'est ni Thomas, présent à la scène, ni Jehoudda Is-Kérioth, reçoit l'assurance, devant Philippe et Thomas, les scribes qui ont transmis les Paroles du Rabbi, que Jésus et son Père viendront habiter chez lui lors du Renouvellement des choses. Cet homme privilégié, c'est Bar-Jehoudda lui-même, c'est le Jésus et il est cité le dernier par ordre d'ancienneté. C'est Jehoudda le bon, par opposition à Jehoudda Is-Kérioth le mauvais, chez qui Jésus ne viendra pas.

Le second, c'est Shehimon, surnommé dans l'Evangile Képhas ou la Pierre, crucifié à Jérusalem par Tibère Alexandre, sous Claude, en 802. C'est celui que l'Église appelle saint Pierre et dont elle a fait le premier pape, ce qui lui aurait été impossible, si jamais il avait mis les pieds à Rome.

Le troisième, c'est Jacob senior, surnommé Oblias ou Force du peuple, crucifié sous Claude, par Tibère Alexandre, dans le même temps que Shehimon. C'est le saint Jacques de l'Eglise.

Un quatrième fils est implicitement avoué par l'Évangile, où il est dit frère de Shehimon : c'est Jacob junior, dit Andréas, lapidé par Saul en 787[63]. C'est le saint André et en même temps le saint Etienne de l'Eglise, car il cumule deux béatifications.

Le cinquième s'appelait Philippe[64].

Le sixième s'appelait Jehoudda comme son frère aîné. Sous ce nom il n'est cité ni de Papias, ni de Valentin[65], ni de l'auteur de la Seconde Sagesse valentinienne, mais il leur est connu sous le nom de Thomas que le Quatrième Evangile lui donne également. Toute la tradition syrienne tient que Thomas s'appelait Jehoudda, comme son aîné.

Le septième et dernier est celui que les Synoptisés[66] appellent Joseph. Il n'est cité ni du Quatrième Evangile, ni de Papias, ni de Valentin, ni de l'auteur de la Seconde Sagesse valentinienne, — d'où il ne faut pas inférer qu'ils ne l'aient point connu. Au contraire, plus ils savent moins ils disent. Le petit Joseph, étant donné que le grand Joseph n'est autre que Jehoudda, c'est Ménahem, roi des Juifs en 819, et qui périt de la main même de ses partisans révoltés contre sa tyrannie. Aucun scribe christien, évangéliste ou non, ne cite Ménahem, parce qu'historiquement Ménahem est le plus célèbre des sept et que si on l'eût nommé il eût été inutile d'avoir caché Jehoudda sous Joseph, Salomé sous Maria la Magdaléenne, Bar-Jehoudda sous le Joannés ou le jésus, Shehimon sous la Pierre et ainsi de suite. De Ménahem on remontait à Jehoudda le Gaulonite et toute la mystification évangélique tombait à plat[67].

Papias, évêque millénariste d'Hiérapolis de Phrygie nommait certainement Ménahem. Papias mourut sous Marc-Aurèle, sans avoir connu les douze apôtres : on était en train de les faire. Mais il résulte d'un prologue de lui[68], cité par Eusèbe avec toutes les falsifications préalables, qu'il reconnaissait les sept fils de Jehoudda, comme constituant le ministère primitif du Christ en Judée, et qu'il les citait par leurs noms ou leurs surnoms : André, Pierre, Philippe, Thomas Jacques, le Joannés... et Mathias[69]. On a la preuve par là que son texte a été remanié, et Ménahem remplacé dans la liste par Mathias, son neveu[70]. En effet, à cette liste il manque celui des frères du jésus que l'Évangile appelle Joseph. Ce Joseph manque également dans les listes valentiniennes corrigées par l'Église, mais on est d'autant plus sûr qu'il se confond avec Ménahem que, s'il en était autrement, il y aurait huit fils de Jehoudda au lieu de sept.

 

VII. — LE CHARPENTIER, ZIBDEOS OU BEEL-ZIB-BEEL.

 

Réunissant en lui l'autorité morale de l'autel et du trône, Jehoudda ne quitta point les rives du lac de Génésareth, les bourgs de Gamala et de Bethsaïda. Bethsaïda veut dire maison de pêche. C'est là qu'il construisit et lança la barque du baptême[71].

Aucun nom peut-être, si ce n'est celui de Zibdeos, ne convenait mieux à Jehoudda que celui de Charpentier.

Le premier Charpentier dans le sens où l'entend l'Évangile, c'avait été Noé à qui Iahvé commanda de bâtir une arche contre l'eau. La terre était corrompue devant Iahvé et remplie d'iniquité. Voyant donc cette corruption de la terre (car la vie que les hommes y menaient était toute corrompue), Iahvé dit à Noé : J'ai résolu de faire périr tous les hommes. Ils ont rempli toute la terre d'iniquité et je les exterminerai avec la terre. Faites-vous une arche de pièces de bois aplanies... J'établirai mon alliance avec vous ; et vous entrerez dans l'arche, vous et vos fils, votre femme et les femmes de vos fils avec vous[72]. Jésus fit le même commandement à Jehoudda en lui révélant le mystère du Renouvellement du monde. Aussi habile Charpentier que Noé, Jehoudda se construisit une arche, mais à la différence de celle de Noé, il construisit la sienne contre le feu. Ceux-là seraient sauvés qui y monteraient, après avoir reçu le baptême ignifuge. Le Charpentier fabriqua, charpenta, et quand il fut mort ses enfants n'eurent plus qu'à jeter leurs filets pour pêcher les Juifs. Dans la christophanie évangélique, lorsque Jésus passe sur les bords du lac de Génésareth il trouve la barque toute prête : elle est là depuis Auguste. Mais le pauvre Charpentier, le constructeur de la barque qui sert à porter les poissons baptismaux, — d'où ce surnom de Zibdeos qui lui est donné dans certains Evangiles et que nous examinons plus loin — l'illustre Jehoudda, pour lui rendre enfin son nom de circoncision, est mort depuis le Recensement de Quirinius avec ceux qui travaillaient pour lui, dit mélancoliquement l'Évangéliste. On l'appelle Joseph quand on le montre tirant l'horoscope de son fils aîné dans la Nativité, le Charpentier quand on salue en lui le constructeur de l'arche contre le feu, le Zibdeos quand on montre ses fils utilisant sa barque, mais l'homme ne change pas, c'est toujours Jehoudda le Gaulonite.

Alors que dans tous les Evangiles Jehoudda est dit le Charpentier par une allusion évidente à la barque .baptismale, l'Eglise a tout fait pour donner le change sur cette signification. Ceux-ci le font Charron[73], encore entre-t-il du bois dans ce métier. Mais d'autres le disent Serrurier[74]. D'autres encore le disent Forgeron, travaillant avec le vent et le feu[75], et il se peut bien qu'il ait été désigné ainsi dans certaines versions allégoriques. Pas une de ces images qui ne convint à celui qui avait été le père du millénarisme, l'initiateur des apôtres et le rude ouvrier de la première heure christienne.

Maintenant que vous savez pourquoi Jehoudda est dit le Charpentier, le Zachûri, vous ne vous étonnerez plus qu'inspirés par le Verbe Créateur des mots et des choses, les évangélistes l'aient également surnommé Zibdeos, le Donneur ou le Faiseur de poissons[76], ni qu'ils aient donné à ses fils le très joli nom de Zibdéens ou pêcheurs d'hommes. Ce Zibdeos était, dit la grave exégèse, un pêcheur aisé du lac de Génézareth. Il faut que la grave exégèse en fasse son deuil : Zibdeos n'a jamais pris un seul poisson à nageoires et à écailles ; et les pêcheurs d'hommes n'ont jamais eu d'autre filet que celui de leur langue.

 

Personne parmi les Juifs, ni dans la primitive Eglise, ni chez les talmudistes de Tibériade, personne, vous entendez bien, n'a pu être dupe de ces jeux de mots sur le Sachû, l'Homme-Verseau qui annonce et précède les Poissons, Ce sont les Juifs du Temple qui ont contribué les premiers à la formation du nom de Zibdeos, le Faiseur de Zib. Comme Jehoudda montrait Jésus sous l'emblème des Poissons, ils lui reprochèrent de tomber dans l'idolâtrie spéciale des Philistins qui, notamment à Ekron, avaient adoré les divinités de l'eau, Dagon et Dercéto, couple de dieux-poissons, que les évangiles appellent de ce mot composé : le Beel-Zib-Beel. On voyait encore dans les villes de Philistie des temples où les habitants faisaient leurs lustrations et demandaient des oracles à ce couple puissant, car ce n'est pas de leurs notions archéologiques que les Pharisiens et les Saducéens tirèrent ce qualificatif Beel-Zib-Beel à l'adresse de Jehoudda.

C'est ce Beel-Zib-Beel dont l'Église a fait, sous le nom de Beelzebuth, une divinité infernale et comme la figure du Diable lui-même, alors qu'au contraire il remonte au principe même de la Révélation christienne.

Je sais bien ce que dit le Saint-Siège à propos de ce Beel-Zib-Beel, je connais l'arrêt de l'exégèse catholique, j'en suis touché plus que personne, et je me demande s'il est bon qu'on se permette sinon un jugement opposé, du moins un avis différent, car l'Écriture sainte est la parole même de Dieu, son divin Testament, le dépôt de ses secrets et de ses divines volontés, et elle ne saurait être profitable qu'autant qu'on la lira avec une foi vive, une humilité profonde, une soumission parfaite et une entière pureté d'intention[77]. Or le Saint-Siège dit par l'organe de ses exégètes : Les Juifs donnaient ce nom au démon, parce que les faux dieux sont des démons. Beelzebub veut dire Dieu des mouches. Voyez le IVe Livre des Rois, I, 2, 3, 16. Je me suis reporté au IVe livre des Rois, I, 2, 3, 16, comme le Saint-Siège m'y invite, et là j'ai trouvé que le roi Ochozias étant tombé d'une plate-forme et en ayant été fort malade, avait envoyé des gens à Ekron pour consulter Beel-Zib-Beel que je m'obstine à orthographier ainsi en dépit de la sacrée Congrégation de l'Index, car à moins qu'Ochozias ne soit tombé de sa plate-forme en attrapant des mouches, — le passe-temps favori de Domitien — je ne vois pas pourquoi il aurait demandé un remède à leur dieu. Je préfère croire qu'en sa qualité de démon guérisseur, le Beel-Zib-Beel avait révélé à ses prêtres quelques secrets relatifs à la cure des maladies ou au traitement des fractures et qu'il importait à Ochozias de les connaître. On ne peut donc traduire Beel-Zib-Beel par Dieu des mouches qu'à la condition d'écrire Beel-Zeboub[78]. Encore faudrait-il que les Philistins, piqués d'on ne sait quelle mouche amie de la versatilité, eussent tout à coup délaissé Beel-Zib-Beel pour Beel-Zeboub, le culte des Poissons pour celui des mouches. Sans doute on remarque de ces volte-face subites dans l'histoire des peuples, surtout ceux qui sont exposés aux sautes de vent par le voisinage de la mer. Mais que penserait le Zibdeos, oui, que penserait le Faiseur de Zib si nous adoptions, fût-ce par soumission et humilité, l'interprétation du Saint-Siège en disant à ces Poissons : Je vous baptise mouches ? Dame ! le Faiseur de Zib ne serait pas content. Encore moins son fils aîné qui eut à repousser, non seulement pour lui mais pour toute sa famille, cette épithète malsonnante de Beel-Zib-Beel, comme il appert de la déclaration suivante[79] : En vérité, je vous le dis : vous n'aurez pas fini d'évangéliser toutes les villes d'Israël jusqu'à ce que vienne le Fils de l'homme. Le disciple n'est point au-dessus du maître, ni l'esclave au-dessus de son seigneur. Il suffît au disciple qu'il soit comme son maître, et à l'esclave comme son seigneur. S'ils ont appelé le père de famille Beel-Zib-Beel, combien plus ceux de sa maison ! Ne les craignez donc point : car il n'y a rien de caché qui ne sera révélé, et rien de secret qui ne sera su.

Est-ce le Dieu-mouche ou le Dieu-poisson, Beel-Zeboub ou Beel-Zib-Beel que les Philistins adorent dans Gaza, lorsque Samson renverse sur eux leur temple ? En appelant ce dieu Dagon l'Écriture ne dit-elle pas expressément que c'est le dieu-poisson[80] ? Est-ce Beel-Zeboub ou Beel-Zib-Beel que les Philistins vénèrent dans Azot, lorsque vainqueurs des Juifs, ils déposent l'Arche de Dieu, trophée de la bataille, dans le temple de Dagon, à côté de Dagon, que le lendemain on trouve le visage tourné contre terre, et un jour après, la tête et les mains coupées, le tronc seul étant resté en place[81] ? Est-ce dans l'ancien sanctuaire du dieu-poisson ou dans un nouveau temple élevé au dieu-mouche que les gens de cette même Azot s'étaient réfugiés, lorsque Jonathas emporte la ville et brûle le temple de Dagon avec tous ceux qui étaient dedans[82] ?

Est-ce du Beel-Zeboub ou du Beel-Zib-Beel que parle l'auteur inconnu de la Déesse de Syrie lorsqu'il dit avoir trouvé le dieu-poisson dans tous les temples de la Phénicie[83] ?

Évidemment c'est un témoignage méprisable que celui de cet auteur, puisqu'il est païen, mais vu la concordance des Écritures de Dieu, alors que tous sont en faveur du poisson et pas un seul en faveur de la mouche, je demande au Saint-Siège un induit spécial afin d'être autorisé dorénavant à lire Beel-Zib-Beel là où il y a Beel-Zib-Beel qui aide à comprendre les sur noms de Faiseur de Zib, mère des fils du Faiseur de Zib, fils du Faiseur de Zib que l'Évangile donne tour à tour à Jehoudda, à sa veuve et à ses sept enfants mâles, comme il éclaircit l'épithète de Beel-Zib-Beel dont les Juifs raisonnables ont chargé l'initiateur de tout ce monde[84]. Car la barque des fils du Zibdeos c'est celle que Joseph avait construite en tant que Charpentier. Dans Marc Jésus dit à ses disciples qu'ils lui tinssent là une barque, afin qu'elle lui servît à ne pas être accablé par la foule du peuple[85]. Dans Mathieu on supprime comme trop transparent le détail de Zibdeos laissé dans sa barque avec ceux qui travaillaient pour lui — ils sont dans celle de Caron, les pauvres ! — mais qu'importe ? vous voilà fixés sur le Faiseur de Zib.

 

Plus on avancera dans la lecture de ce livre, plus l'on verra les raisons de politique et de conservation personnelle pour lesquelles les évangélistes ont été forcés de produire leurs personnages, tout au moins le père, la mère, le fils aîné et plusieurs autres, sous des masques imperméables. Aux hommes ils ne pouvaient pas laisser leurs noms de circoncision, il y avait une révolte sous chacun d'eux : une sous Auguste au Recensement, signée Jehoudda[86] ; une sous Tibère, signée Bar-Jehoudda[87] ; une sous Claude, signée Jacob et Shehimon[88] ; une sous Néron, signée Ménahem[89], la dernière avant la prise de Jérusalem par Titus. C'était comme une chaîne de rébellions dont chaque anneau était formé par un membre de la même famille. C'est pourquoi, de son côté, l'évangéliste primitif n'a pas signé son œuvre, non plus que ses successeurs, et pourquoi l'Évangile est resté pendant si longtemps — trois siècles — un livre secret dont les seuls christiens juifs avaient la clef et qu'on se glissait de main en main sous le manteau avec toutes sortes de mystères. Ceux qui le colportaient étaient les premiers à le considérer comme dangereux pour leur sécurité.

Mais il faut immédiatement vous faire à cette idée que c'est Jehoudda qui domine tout l'Évangile. Il s'en faut de peu qu'il n'y soit le Père avec la grande lettre. Si on ne le voit pas, s'il ne parle pas, il est dans le Jésus. Personne ne bouge qu'il n'inspire et ne règle tous les gestes. Même mort, et Salomé lui a survécu pendant vingt-sept ans au moins, il est le mari, le Maître. Quoique son fils aîné eût cinquante ans lors de sa crucifixion, si l'ombre du père se dresse devant lui, c'est un mineur et qui plie. Lorsque Jésus commande au Joannès et à Pierre, morts depuis un siècle, d'aller préparer l'Agneau dans Jérusalem détruite, c'est à la condition qu'ils se mettront derrière l'Homme à la cruche[90], le Verseau sans lequel il n'est pas de Poissons sur la sphère et de Pêcheurs d'hommes dans la fable !

 

VIII. — LES SEPT DÉMONS DE MARIA LA MAGDALÉENNE.

 

L'Evangile en effet est une fable faite pour le monde, et le monde, c'est tout ce qui n'est pas le peuple élu, ce sont les goym, c'est nous. L'auteur de cette fable, un arrière-neveu de Jehoudda, a fait au Rabbi Bar-Jehoudda l'honneur d'incarner en lui le Verbe-Jésus. A partir de ce moment, et quoiqu'il demeure le fils de Joseph et de Maria, le jésus devient par transfiguration l'Epoux de celle qu'on lui donne pour mère et le Père tout à la fois de celle qu'on lui donne pour mère, de celui qu'on lui donne pour père, et de ceux qu'on lui donne pour frères et pour sœurs. Dans cette étrange composition les hommes n'ont plus qu'un père, Jésus, les femmes n'ont plus qu'un Époux, Jésus : devant le Générateur suprême, il n'y a plus que des frères et des sœurs.

C'est Jésus qui a extrait des flancs de Maria les sept puissances mâles qui composent l'apostolat primitif et qui ont propagé la doctrine de Jehoudda. Et quelle doctrine ? Celle-là même dont le fils aine de Joseph est la preuve dans la fable, à savoir que tout Juif est fils de Dieu. Voilà l'économie, la clé du mythe évangélique, grâce auquel Jésus, le père spirituel et le créateur originel de tout ce monde, finit par avoir l'air d'être le fils de Maria. Il n'y a là qu'une pure apparence, un faux semblant, un travail de compères, une mystification dont l'Église a fait une religion par la ruse, tant qu'elle a été faible, par la force, dès qu'elle a été puissante.

Le grand principe de Jehoudda, son axiome fondamental, était celui-ci : à l'Aleph des choses le Verbe-Créateur est le Père de tous les Juifs et l'Epoux de toutes les Juives. Au Thav des choses, il sera le Verbe-Jésus et il viendra sauver ses enfants et ses femmes. C'est pourquoi Jehoudda dit à ses disciples par la bouche de Jésus : N'appelez personne en ce monde votre père, car vous n'avez qu'un Père, qui est au ciel. D'où cette conséquence inéluctable : Vous êtes tous frères. La formule nous a été conservée par Mathias. C'est en vertu de cette formule que Marc et Luc ont dit : Jésus avait extrait sept démons du corps de Maria la Magdaléenne[91]. Jamais Marc et Luc n'ont voulu dire que Maria eût été possédée de sept démons qu'un être humain nommé Jésus aurait chassé d'elle par exorcisme. Ses sept démons sont ses sept fils. Daimon qui signifie avant tout puissance est employé ici dans le sens le plus honorable, et pour l'entendre autrement, pour accuser la mère du jésus d'avoir recelé dans ses flancs toute une troupe de diables, — n'a-t-on pas nommé les sept péchés capitaux et tous les attributs de l'hystérie ? — il faut être possédé soi-même du démon de la bêtise et de la diffamation. S'il n'est pas de folles adulations dont Salomé ne soit entourée aujourd'hui sous le nom de Maria, il n'y a pas d'insultes et de soupçons injurieux dont elle n ait été assaillie sous le nom de Magdaléenne. Les sept esprits malins de Maria Magdaléenne sont une calomnie introduite par l'Église dans Luc pour dissimuler le sens original du mot daimones. Les premiers évangélistes avaient laissé percer le plus de vérité possible en disant que Jésus avait extrait sept puissances du corps de Maria Magdaléenne. L'Eglise, en traduisant daimones par démons, n'a eu d'autre but que d'éterniser ses mensonges. Il y a démons et démons. Ceux que Jésus avait mis dans le corps de Maria étaient de bons, d'excellents démons et d'un surjudaïsme éprouvé.

Dans l'Apocalypse, le messager — c'est Jehoudda — qui ordonne au Joannès de prêcher le Verbe-Jésus laisse après lui sept initiés, sept disciples, qui, pour le bruit qu'ils font, sont comparés à sept tonnerres. Ce sont les sept démons de Maria.

Dans l'Assomption du Nouveau Moïse, nommé dans d'autres écrits Panthora, c'est-à-dire Toute la Loi, le père — c'est Jehoudda — qui se consacre au Christ avec sa postérité mâle a sept fils, sept nazirs. Ce sont les sept démons de Maria.

Papias, évêque millénariste d'Hiérapolis, commentateur des Paroles de Jehoudda sous Antonin, ne lui connaît que .sept disciples, les sept démons de Maria.

Valentin, correcteur des dogmes de Jehoudda sous Septime Sévère, ne lui connaît que sept disciples[92], les sept démons.

L'auteur de la seconde Sagesse valentinienne ne connaît que sept disciples[93], les sept démons de Maria.

Enfin avant que par le caractère mathématique de leur fable les évangélistes n'aient été amenés à entourer la christophanie de Jésus des douze apôtres triés sur le volet de l'histoire zélote, le ministère du Verbe[94] en Judée ne se composait après la mort de Jehoudda que des sept démons de Maria. Et c'est en ce sens que l'un d'eux, Philippe, celui qui a transmis à la postérité les Ecritures de la famille est dit l'Évangéliste et l'un des Sept dans les Actes des Apôtres[95].

 

Tels sont les sept fils de Jehoudda, les sept démons de Maria, les sept fils du Zibdeos, les sept fils du Charpentier, dont l'aîné est dit lui-même le Charpentier[96] pour avoir mené la barque du baptême après la mort du constructeur. On le dit aussi avec son frère Jacob junior le fils du Zibdeos ou Faiseur de Poissons, et l'on peut se demander pourquoi il semble ici qu'au lieu d'être sept comme dans la réalité, les fils du Zibdeos n'aient été que deux, Jacob junior et le Joannès (pseudonyme de Bar-Jehoudda dans l'Apocalypse). C'est que pendant la phase historique embrassée par les Evangiles — phase qui ne dépasse pas quatre ans dans le plus étendu[97] — il n'y eut que deux martyrs du Christ Jésus parmi les fils du Zibdeos : Jacob junior lapidé, comme nous le verrons, en 787 et Bar-Jehoudda crucifié par Pilatus le 14 nisan 788[98].

Jamais il n'a existé d'autres démons que ceux-là dans le corps de Maria la Magdaléenne, qui joue un rôle égal, souvent supérieur à celui des hommes de la secte : le rôle d'une Zélote ardente qui dressa ses fils à la xénophobie aiguë, d'une éducatrice exaltée, assidue et prépondérante dans les conseils de la communauté. Dans la Sagesse de Valentin elle porte avec le Joannès tout le poids du débat sur le dogme et les mystères, au point que son second fils Shehimon en est jaloux et la menace secrètement, car, dit-elle, il déteste notre sexe. Jalousie pieuse, jalousie de fils qui cherche un moyen de rendre hommage à son père sans le nommer, puisque le nommer, c'est trahir. Mais Maria va au-devant de ce désir, et jamais elle ne répond sans consulter intérieurement l'homme qui fut avec elle, qui reste en elle, qui l'inspire, — mon Homme de Lumière, dit-elle, son homme, dit Mathieu — et qui l'a précédée au ciel[99].

Jamais, étant donné l'esprit tout zélote de l'Évangile primitif, jamais à l'admirable Juive dont les flancs généreux et toujours tendus avaient donné sept fils à Jehoudda et sept défenseurs à la Judée, Jésus n'eût préféré une vague Maria dont personne ne sait rien, sinon qu'elle aurait été peuples d'esprits impurs. L'Église a poussé la précaution contre la vérité jusqu'à supprimer de l'Évangile cette phrase qui est l'irréfutable preuve morale de l'identité des deux Maries et qu'on retrouve dans Valentin : Maria Magdaléenne et Joannès seront supérieurs à tous les disciples.

Après quelques controverses dont la dispute entre les grands fils de Zibdeos, les trois crucifiés, porte la marque, les évangélistes[100] s'accordent à reconnaître que le plus habitable, sinon le plus glorieux de tous, fut l'aîné, à cause de la virginité qu'il garda jusqu'à la fin. Comment Jésus s'y est-il pris pour s'introduire dans Maria et en extraire non seulement le Joannès-jésus, mais les six autres puissances qu'elle a portées dans ses flancs ? Il s'est rappelé simplement qu'il était le Verbe dans la doctrine de Jehoudda comme dans celle d'Isaïe, dans celle d'Isaïe comme dans la Genèse. Le Verbe Jésus fécondant Maria et en tirant le jésus d'abord, puis ses six frères, voilà le plus ancien dispositif, celui que les premiers christiens avaient accepté de la main de leurs scribes et qui dispense Marc, comme le Quatrième Évangile, de toute espèce de Nativité. C'est ce dispositif que Valentin a critiqué, censuré, corrigé comme une spéculation outrecuidante et dangereuse. Jésus y figurait déjà, mais c'était une simple christophanie, et si peu déguisée, que dans les Sagesses valentiniennes il nous dira tout à l'heure comment et pour quelles fins il a fécondé sa mère selon le monde.

 

IX. — LES FILLES ET LES GENDRES, LES PETITS-FILS ET LES PETITES-FILLES.

 

Outre ces sept garçons, Jehoudda et sa femme eurent encore deux filles, dont l'aînée prit le nom de la mère[101] comme l'aîné avait pris celui du père. Elle suit sa mère dans le pseudonyme de Maria, mais pour la distinguer de la Magdaléenne les évangélistes lui donnent le nom de son mari, Cléopas, lequel était son oncle. Quelques-uns disent qu'elle s'appelait Esther[102]. L'autre est Thamar, dont les évangélistes ont retourné le nom pour faire Martha.

La plupart de ces fils et de ces filles ont laissé des enfants, ce qui compose une postérité respectable, même en tenant compte des retranchements que les guerres civiles y ont opérés. Shehimon a eu des fils[103], Philippe a eu des fils et des filles[104], quatre filles, disent les Actes des Apôtres[105] et mariées[106]. Thomas a eu au moins un fils. Absalom, qui fut supplicié avec Ménahem, était soit un fils de celui-ci, soit un neveu. Maria, femme de Cléopas, a eu au moins deux fils, nommés Jacob et José dans l'Évangile. Thamar non plus n'est pas morte sans postérité ; son mariage avec Eléazar, fils de Jaïr (Jarrhaï), le ressuscité de l'Évangile et l'un des christiens les plus redoutables de la Bathanée, ne fut point infécond. Ce Jaïr était lui-même un chef de synagogue riche et puissant. Et il n'avait pas qu'un fils, il avait une fille que le Christ Jésus a jugée digne de résurrection, d'où il appert qu'elle fut mariée à l'un des frères de Bar-Jehoudda et tuée dans une révolte[107]. Gomment d'ailleurs ne pas se perdre dans les surnoms qu'on donne à tout ce monde ? Un des frères de Bar-Jehoudda est dit Sidonios par Hippolyte de Thèbes[108]. C'est qu'il habitait Sidon où Bar-Jehoudda rira voir en 788 pour concerter avec lui la révolte où il périt. C'était, je pense, Ménahem.

Aggaï (Aggée), le frère de Jehoudda, qui figure dans l'Évangile sous le nom d'Alphée, n'eut pas moins d*un enfant que le même Évangile appelle Jacob[109], et Jehoudda avait peut-être d'autres frères. Voilà toute une tribu, tout un clan dont chaque membre a coopéré de la tête et des bras à l'œuvre du Rabbi.

L'habitude juive des surnoms, le principe des pseudonymes évangéliques et le travail de l'Eglise ont rendu certaines identifications impossibles dans les cadres inférieurs de l'apostolat, mais sur les sept fils de Salomé, sur ses deux filles et sur ses deux gendres, nous sommes sûrs de n'errer point.

 

Mû par toutes sortes de scrupules, habitué à ne conclure qu'après avoir parcouru toutes les hypothèses, incapable pour grossir sa maternité de donner à Salomé des fils qui ne seraient point à elle, je me suis demandé si les scribes n'auraient pas fait à Maria Cléopas et à Thamar l'honneur inespéré de les mettre au nombre des sept démons et s'il ne faudrait pas réduire à cinq les puissances mâles émises par Jésus. En effet, les Évangiles ne citent que quatre des frères de Bar-Jehoudda : Shehimon, un Jacob, Jehoudda junior et Joseph. Nous ne comptons pas Thomas, puisque Thomas est le surnom de Jehoudda junior. Mais nous sommes obligés de compter Andréas, indiqué à diverses reprises comme étant frère de Shehimon, partant de tous les autres. Cela nous mène à six. Comme nous ne pouvons éliminer ni Ménahem qui nous est donné par Flavius Josèphe, ni Sidonios qui nous est fourni par Hippolyte de Thèbes, ni Philippe qui fut le secrétaire intime du Jésus et le scribe officiel de toute la famille[110], nous trouvons deux démons mâles de plus que Jésus n'en a émis. Nous apprenons par cette épreuve que Sidonios et Andréas font double emploi avec deux des sept démons. Si nous ajoutions Maria Cléopas et Thamar à ces neuf démons, nous en trouverions onze. Contre quoi protesterait Salomé. De quelque côté que nous nous tournions, nous sommes ramenés au chiffre de neuf enfants, parmi lesquels sept démons, ainsi nommés de ce qu'ils appartiennent au sexe fort.

 

X. — L'ÉGLISE CONTRE LA LETTRE ET CONTRE L'ESPRIT, CONTRE LA NATURE ET CONTRE DIEU.

 

On comprend parfaitement les détours des Juifs pour rendre hommage, sans se faire prendre, aux martyrs de leur indépendance et aux révélateurs de leur prédestination divine. Ce n'est point un abus de confiance. C'est une fourberie au contraire, et misérable, que le travail de l'Eglise pour rompre le lien, essentiellement ombilical, qui rattache le jésus à Pierre, à Jacques, à André, à Thomas, à Philippe et à Ménahem, à Maria Cléopas et à Thamar.

En ce qui touche notamment Shehimon, plus tard présenté sous le nom de Pierre comme le principal témoin de la résurrection de son frère, — il n'en a été qu'un des auteurs — il n'y a pas de ruses de renard par lesquelles l'Eglise n'ait essayé de tourner la vérité. Dans tous les Evangiles primitifs Shehimon était donné comme un des frères de Bar-Jehoudda, et cette qualité lui est conservée par tous les Evangiles actuels, nommément Mathieu[111]. Dans ce même Mathieu son père est appelé Jonas, et dans le Quatrième Évangile, par trois fois, Joannès. L'imposteur Hégésippe ayant dit, on devine pourquoi, que Shehimon était fils de Cléopas, l'Eglise moderne ne craint pas, pour soutenir cet Hégésippe, d'aller contre Mathieu dans lequel Shehimon est donné comme étant le frère du jésus et contre les quatre mentions dans lesquelles il est donné comme étant le fils de Jonas ou Joannès, alias Joseph, alias Jehoudda.

 

Salomé mit tout son orgueil dans sa postérité mâle, dans ce sabbat de fils qui faisait d'elle une Semaine Pascale en marche. On l'eût scandalisée, humiliée profondément si on eût insinué qu'elle n'était pas au degré convenable la mère de ces sept apôtres du Verbe, de ces sept Zélateurs de la Loi. D'ailleurs, aucune prétention à la virginité n'était possible chez cette robuste matrone que par neuf fois les sages-femmes avaient délivrée en la forme ordinaire et chez qui les circonciseurs se succédaient à des intervalles rapprochés. Ce n'est pas seulement son fanatisme qui la fait grande, c'est sa promptitude à concevoir, son exactitude à produire. A la patriote juive ce nom de Maria la Magdaléenne qui n'a pas été porté depuis Moïse ; à la femme ce nom de mère des fils de Zibdeos qu'on lui donne pour marquer sa fécondité d'un trait significatif. L'Évangile ne la dit pas femme du Zibdeos, non, mais la mère de ses fils[112]. Si ces frères, dit la sainte Eglise, avaient été ses véritables frères selon la chair, il serait très singulier que jamais Maria n'eût été appelée leur mère ?[113] Certes ce serait singulier. Aussi n'y manque-t-on jamais dans Marc, dans Mathieu et dans Luc, soit qu'elle y figure anonymement, soit qu'elle porte le nom de mère des fils du Zibdeos, et nous venons de citer le verset 55 du chapitre XIII de Mathieu dans lequel elle est proclamée mère de Jacob, de Joseph, de Shehimon et de Jehoudda junior. Or, l'identité de Joseph et du Zibdeos est certaine, et si l'Eglise se rebelle contre cette évidence, au moins convient-elle que la femme du Zibdeos s'appelait de son vrai nom Salomé... comme la femme de Jehoudda-Joseph. Maria, mère du Jésus et ses frères, disent les Actes des Apôtres[114]. L'existence de ses six frères et de ses deux sœurs est un fait si patent que, dans la fable faite pour le monde, Jésus est obligé de les endosser comme il endosse le père et la mère. Vos frères et vos sœurs vous demandent, disent Marc et Mathieu. Les frères du Rabbi, dit la Lettre de Paul aux Galates. Il était l'aîné de plusieurs frères, dit la Lettre aux Romains. Avec une impudence qui lui ferme à jamais les portes du ciel, l'Eglise soutient que ces frères et ces sœurs ne sauraient avoir été les frères et les sœurs du Juif consubstantiel au Père. Ses frères, ses sœurs, c'est-à-dire des cousins, des cousines, des proches. On l'entendait quelquefois ainsi dans les Écritures hébraïques : on y trouve appelés frères des personnes qui ne sont que neveux, oncles ou cousins. Hé ! sans doute. On y trouve même des gens qui sans être parents sont dits frères par rapport à la race tout entière. Vous êtes tous frères, dit Jésus aux Juifs par application de ce principe. Mais dans le cas de Bar-Jehoudda, il s'agit si apertement de frères et de sœurs utérins que le doute n'est pas permis. C'est ainsi que le prend Jésus lui-même. Par opposition avec le lien de chair qui rattache ces personnages à la même mère, il étend la main vers le cercle des Juifs et des Juives formé autour de lui, en disant : Voici ma mère, mes frères et mes sœurs. En d'autres termes : Maria, ses fils et ses filles sont la mère, les frères et les sœurs de l'homme dans lequel les évangélistes m'ont incarné, mais ma famille à moi, c'est la race juive sans distinction de nom. Si l'Evangile avait considéré que ces frères et ces sœurs fussent des cousins et des cousines, il ne dirait pas des sept qu'ils sont sortis du corps de Maria sous la pression de Jésus, il n'en citerait pas quatre à plusieurs reprises, Shehimon, Jehoudda junior, Jacob et Joseph (Ménahem), comme étant les frères du christ, et Flavius Josèphe n'en citerait pas trois, Shehimon, Jacob et Ménahem, comme étant fils de Jehoudda. Enfin si les évangélistes avaient voulu dire que ce fussent des cousins, des ben dôd, les Juifs hellènes n'auraient pas rendu cousin par adelphos, frère, mais bien par le mot grec qui correspond à cousin, suggenès ou mieux anepsios.

Nous avons pour nous, dit l'Eglise, toute l'antiquité chrétienne, qui a toujours cru que Marie avait conservé sa virginité après avoir enfanté Jésus-Christ. Or, un pareil témoignage, si on consulte la vraie critique, doit l'emporter sur toutes les hypothèses, même les plus séduisantes[115]. Je suis tout disposé à croire qu'une femme, à la condition d'être Juive, peut conserver sa virginité après son premier accouchement, voire après son neuvième, et la foi m'éclaire assez sur cette matière pour que je me dispense de consulter la vraie critique. Malheureusement l'antiquité christienne a toujours soutenu la proposition contraire. Je suppose que les Evangiles font partie de l'antiquité christienne et même qu'ils la dominent, ayant été révélés par Dieu lui-même.

Or, nous trouvons dans ces révélations que Jésus a extrait sept puissances du corps de Maria, et nous savons que ces puissances étaient masculines. A ces sept puissances Maria eu a ajouté deux qu'à raison de leur caractère féminin, donc diabolique, Jésus ne reconnaît pas, mais qui n'en comptent pas moins. De ces neuf puissances une seule fut considérée comme vierge par l'antiquité christienne, c'est Bar-Jehoudda, c'est le Joannès-jésus. Ni Marc, ni Mathieu, ni Luc, ni l'auteur du Quatrième Évangile n'ont dit ou prétendu dire que Maria, incontestablement vierge lors de son mariage (Mathieu et Luc), le fût demeurée après son accouchement, car Marc et Mathieu, petits-fils de Maria, Luc et l'auteur de la Lettre aux Galates citent en les nommant six de ses fils et ses deux filles. Nous avons vu également dans la Lettre de Paul aux Romains, fausse évidemment et pour cette raison appartenant à l'antiquité christienne, que le jésus était l'aîné de plusieurs frères.

J'en conclus que, parmi les contemporains de Maria et les christiens qui se sont succédé pendant plusieurs siècles, aucun n'a pensé qu'elle eût conservé sa virginité après avoir eu du même homme sept fils et deux filles.

Les évangélistes n'ont jamais voulu pousser leur allégorie jusqu'à l'absurde. Joseph est dit le père en cinq ou six endroits. Son père et sa mère allaient tous les ans à la pâque, dit Luc... L'enfant demeura dans Jérusalem sans que son père ni sa mère s'en aperçussent... Sa mère lui dit : Mon fils, voilà votre père et moi qui vous cherchions[116]. N'est-ce pas là le jésus, fils de Joseph, dont nous connaissons le père et la mère ?[117]

 

L'expression de premier-né n'arrête point l'Église. Qu'est-ce qui arrête l'Eglise ? Dieu n'a jamais pu. Le terme hébreu békôr rendu dans le texte grec par prôtotokos et dans la Vulgate par primogenitus, signifie proprement, comme phéter réhem (ou simplement phéter qui lui sert souvent d'explicatif), fente, ouverture, et ce qui fend, ce qui ouvre un sein (quod aperit vulvam). Or il n'y a rien là qui prouve que la très sainte Vierge ait eu d'autres enfants après Jésus-Christ[118]. C'est là une erreur grave, car lorsque longtemps après la mort d'une femme on dit que tel de ses enfants était le premier-né, c'est qu'elle en a eu d'autres. Lorsqu'elle n'en a eu qu'un, on dit de lui qu'il est unique, surtout lorsqu'on veut démontrer que sa mère est restée vierge après l'accouchement comme pendant la grossesse. Enfin lorsqu'on veut prouver qu'une femme est vierge, on commence par ne pas poser en principe qu'elle a eu la vulve ouverte par un enfantement. Salomé avait-elle neuf vulves ? Si nous admettons que Salomé ait conservé sa virginité après la rupture de la première, nous ne pouvons nous faire à l'idée que les huit autres aient résisté.

Après la naissance de son aîné comme après celle de ses six autres fils, Salomé fut dans le cas d'impureté majeure pendant sept jours, et dans le cas d'impureté mineure pendant trente-trois jours, elle demeura séparée des choses saintes et n'entra point dans le Temple que les quarante jours de sa purification ne fussent accomplis[119]. Après quoi elle porta à l'entrée du tabernacle un agneau d'un an pour être offert en holocauste, et pour le péché le petit d'une colombe ou une tourterelle qu'elle donna au prêtre qui les offrit à Iahvé et pria pour elle. Quand une femme n'avait pas le moyen d'offrir un agneau, elle donnait deux tourterelles ou deux petits de colombe[120]. Dans Luc qui seul rapporte la cérémonie de la purification l'agneau a disparu, parce qu'à l'époque où cette écriture a été faite on avait déjà enlevé la généalogie davidique de Salomé pour la donner à son mari et que sous le nom de Maria — on lui avait ôté aussi l'épithète honorifique de Magdaléenne — la pauvre femme du charpentier Joseph était censée n'avoir pu faire la dépense de l'agneau.

 

XI. — LE NAZIRÉAT DU PREMIER-NÉ.

 

Conséquents avec la Loi et les Apocalypses dont ils se réclamaient, Jehoudda et Salomé avaient voué d'avance leur premier-né au Christ, ils l'avaient fait Nazir[121].

Tout békôr est à moi, dit Iahvé. Et : Consacre-moi ton premier-né, tout ce qui naît le premier parmi les enfants d'Israël, tant des hommes que des bêtes, car tout cela est à moi[122]. Le roi Achaz passe son fils au feu pour apitoyer le ciel. Mescha, roi de Moab, sacrifie son fils aîné à Kémosch, frère d'Iahvé, lequel est frère de Moloch, lequel est frère de Melkart, lequel est frère de Melkom, car ils sont nombreux les Dieux-Soleils ! Ce n'est pas brûler les gens, c'est les faire passer, les envoyer à Dieu. Est-ce qu'Abraham avait hésité à sacrifier Isaac, et Jephté sa fille ? Michée dit : Offrirai-je mon premier-né pour expier mon crimele fruit de mes entrailles pour le péché de mon âme ?[123] Dans les temps obscurs où les hommes se confondent avec les dieux, Kronos avait donné l'exemple en immolant au ciel son fils unique.

Il y avait des degrés dans le naziréat. Les nazirs, voués par la volonté paternelle ne pouvaient se reprendre. Tout en eux est à Iahvé, le corps et l'âme. Après avoir consacré à Dieu les prémices et les décimes[124], on pouvait se consacrer soi-même. Cela s'appelait le Grand Vœu, car quoi de plus précieux que la personne ? Bar-Jehoudda était plus complet, il avait été consacré dès le ventre. Un tel nazir, quand il était de la maison de Lévi, pouvait se croire supérieur au grand prêtre. Mais ici il y avait plus. Bar-Jehoudda était voué à la virginité pour pouvoir servir de médiateur entre Dieu et son peuple : le Grand Jour venu, Jésus retrouverait dans le Nazir le premier homme sinon tel qu'il l'avait fait, du moins tel qu'il l'avait voulu, ignorant la souillure de la femme.

 

L'institution des Nazirs remontait aux temps où les Hébreux adoraient le Soleil. Ils existaient avant que Moïse promulguât la Loi. La solarité des Nazirs n'est pas douteuse. Ils ont en eux la force et la pérennité du Soleil. Samson, comme son nom l'indique — c'est une corruption de Shamasch — a du soleil jusqu'au bout des cheveux. Divisés en sept touffes, ils sont sabbatiques, et par la multiplication jubilaires. Samuel garda ses cheveux tous les jours de sa vie. Le Joannès-jésus, comme le dit son père sous la figure de Zacharie[125], est un Soleil levant dont les premiers rayons sont les cheveux qui pousseront sur la tête héliaque du nouveau-né. Le petit Jehoudda sera plus grand que Samson, qui connut la souillure de la femme, voire de la femme étrangère, plus grand que Samuel qui eut des enfants. Il est le Nazir par qui Dieu reconnaîtra les siens, le Nazir jésus.

Les nazirs devaient laisser pousser leurs cheveux d'absalonienne façon jusqu'à ce qu'ils se présentassent eux-mêmes devant le Tabernacle, et ne boire ni vin ni aucune autre boisson fermentée, ces boissons conseillant des actions contraires à la pureté de l'âme et du corps. Point de vinaigre, point de raisins, ni frais ni secs, point de boisson fermentée, quelle qu'elle soit. Consacré à Dieu selon les rites, Bar-Jehoudda les a respectés. Il s'est séparé du monde jusqu'à ce que vienne le Christ. Pour satisfaire à son naziréat, il s'est astreint à une discipline rigoureuse, à une alimentation spéciale, à des jeûnes répétés. D'où sa puissance spirituelle.

Sur les rites du jeûne, Jehoudda voulut que son fils aîné rompit avec les pharisiens. Le Nazir observa les jeûnes à des jours qui ne sont ni le second jour de la semaine (lundi) ni le cinquième (jeudi), mais le quatrième (mercredi) et le sixième (vendredi, veille du sabbat). Cela n'a l'air de rien. Mais s'il n'avait pas jeûné le mercredi, quatrième jour (création du Seigneur Soleil dans la Genèse) et le sixième (préparation au jour du Père), jamais Jésus n'aurait consenti à le ressusciter le premier jour de la semaine, jamais, jamais[126] ! Jeûneur de la stricte observance, Bar-Jehoudda traite les pharisiens d'hypocrites. Il aurait pu les traiter d'imbéciles, puisqu'ils passaient volontairement, deux fois par semaine, à vingt-quatre heures de la résurrection !

 

Durant la consécration, sa tête ne connaîtra le froid des ciseaux que si elle vient à être souillée. Il ne s'approchera pas d'un mort, ce mort fût-il son père ou sa mère, son frère ou sa sœur, il ne suivra pas ses funérailles, il ne s'appartient pas, il est à Dieu, Dieu est sur sa tête. De là sa parole cruelle, révoltante même — il y en a plus à une dans l'Evangile — au disciple qui veut le quitter un instant pour aller rendre les derniers devoirs à son père : Laisse les morts enterrer leurs morts. — En d'autres termes : Laisse ces pratiques à ceux qui n'ont pas la vie éternelle en eux. — Si quelqu'un vient à mourir subitement devant lui, il se purifiera immédiatement, car il sera souillé : le jour même, il se rasera les cheveux et il recommencera le septième ; le huitième[127], il offrira deux tourterelles ou deux tourtereaux au prêtre dans l'entrée du Témoignage de l'Alliance, l'un qui sera sacrifié pour le péché — car malgré lui le nazir aura péché par les yeux, — l'autre en holocauste : le prêtre priera pour lui et consacrera de nouveau sa tête à Dieu. Les premiers jours ne compteront point, car il y a deux fautes à laver, celle du mort pour s'être permis de mourir devant un nazir, et celle du nazir pour avoir vu cette honte. Le nazir tient quelque chose de l'immortalité tant que personne n'a eu l'audace de mourir devant lui.

Ne croyez pas que les nazirs eussent tous une chevelure en forme de comète ou semblable à la queue d'un de ces moutons de Syrie à qui Ton est forcé de mettre des roulettes ; les nazirs qu'aucun accident n'avait souillés présentaient seuls ce spectacle agréable à Dieu. Ne croyez pas non plus que Bar-Jehoudda se soit abstenu toute sa vie de viandes, car à ce compte il se serait abstenu de l'Agneau et il aurait rompu l'alliance avec Dieu. Ce qui lui est défendu sous peine de mort, c'est de manger des viandes consacrées aux dieux étrangers ou provenant soit de bêtes mortes d'elles-mêmes, soit d'animaux immondes.

 

C'est bien longtemps après l'ère apostolique que Jésus lève l'interdiction sur certaines viandes et autorise les christiens à manger indifféremment de ce qui sera mis devant eux. Cela ne peut s'adresser qu'à des églises dans lesquelles les étrangers se sont progressivement substitués aux Juifs. Des christiens juifs, sous Auguste, autorisés à manger du porc, c'est l'abomination de la désolation chronologique ! Il se peut que, dans ses retraites forcées au désert, — ce sont des fuites, — Bar-Jehoudda n'ait vécu que de miel et de sauterelles. Mais il a pris sa part de toutes les viandes sacrifiées dans les grandes fêtes de l'année auxquelles il a assisté.

Jehoudda et ses fils tiennent résolument pour le sacrifice d'Abel, le sacrifice sanglant. Il est possible qu'à la fin du quatrième siècle, leur secte[128] ne sacrifiât plus d'animaux — en quel Temple aurait-elle pu le faire ? — mais la Loi de Moïse et par conséquent celle de Jehoudda exigeait qu'au jour de l'accomplissement d'un vœu on offrit trois victimes votives, un agneau pour l'holocauste, une brebis pour le péché, un bélier pour le salut. La corne de salut vient de là. Axiome : tant qu'il y eut un Temple à Jérusalem, tous les apôtres, y compris Ménahem, ont sacrifié. C'est ennuyeux pour l'Église et pour la Réforme, mais c'est comme cela.

 

XII. — CLÉOPÂTRE, FEMME D'HÉRODE, ET BETHSABÉE, FEMME DE DAVID.

 

Il est impossible de lire l'Évangile sans y trouver gravée en traits de feu la marque non seulement de la lutte politique engagée par la famille de David contre l'usurpateur Iduméen, mais encore d'une haine spéciale et terrible contre certains membres de cette famille entrés en adultère avec celle d'Hérode. Et telle est dans la fable l'inquiétude de Jehoudda et de Salomé, lors de la naissance de leur fils aîné, que pour le soustraire au fer ou au poison ils s'enfuient en Egypte où ils demeurent jusqu'à ce que la mort d'Hérode réduise ces maudits à l'impuissance.

Hérode eut neuf femmes, ce qui n'est pas pour surprendre un observateur, même superficiel, des mœurs, royales en Judée. L'une d'elles s'appelait Cléopâtre, elle était de Jérusalem et nous avons toutes raisons de croire que Salomé en était aussi. Il fallait qu'elle fût de grande maison pour qu'Hérode, au comble de la puissance, l'eût prise pour femme. N'était-elle pas de la famille de David ? Hérode en eut deux fils, Hérode Lysanias, tétrarque de l'Abilène, et Philippe, tétrarque de Bathanée, Trachonite et Gaulanitide, pays natal de Jehoudda[129].

 

Le père de Salomé s'appelait Héli[130], mais sa mère comment s'appelait-elle ? Voilà ce qui nous intéresse davantage. N'était-ce pas une Cléopas ? Ou plutôt Cléopâtre elle-même qu'Hérode aurait épousée à la mort d'Héli ? Un fait certain, c'est que Salomé avait un frère nommé Cléopas[131], et que sa fille aînée nommée Maria dans l'Évangile, devint une Cléopas par un mariage avec un membre de cette famille[132], son cousin sans doute, qui était de Jérusalem et y habitait encore en 788, lors de la proclamation de Bar-Jehoudda comme roi des Juifs.

Notons la rareté de ce nom parmi les Juifs : on n'en trouve qu'un cas dans leur histoire, celui de Cléopâtre, femme d'Hérode ; on le retrouve, au contraire, et avec une persistance remarquable, dans la davidique famille de Salomé. Les combinaisons ecclésiastiques faites pour échapper à l'étreinte de la vérité disent Cléopas senior frère de Jehoudda, alors qu'il était celui de Salomé, et on lui donne Maria Cléopas pour fille alors qu'elle était sa bru.

Mais Salomé n'eut pas qu'un frère, elle en eut deux. L'un d'eux s'appelait Ménahem, comme son septième fils dont il fut certainement le parrain. Or ce Ménahem, est dit à la lettre dans les Actes des Apôtres[133] frère de lait du tétrarque Hérode et cet Hérode ne peut être que Lysanias, tétrarque de l'Abilène. L'Eglise a totalement supprimé Ménahem senior de ses combinaisons et c'est en vain que vous chercheriez son nom dans les encyclopédies religieuses[134]. Il ne nous en est que plus cher. Frère de lait, cela veut dire frère du côté de la mère. Si Ménahem est fils de Cléopâtre, comme il ne l'est point d'Hérode, c'est que Cléopâtre a été mariée une première fois. N'était-elle pas veuve d'Héli, père de Cléopas, de Ménahem et de Salomé ?

Pour que le lien qui unit les Hérodes aux Cléopas ait été relevé si longtemps après leur disparition, il faut qu'on en ait été tout enveloppé dans la famille, les facultés galactogènes de sa mère ne suffisant point par elles-mêmes à faire entrer Ménahem dans la postérité.

On ne peut s'arrêter un seul instant à l'hypothèse de Ménahem nourri dans le palais d'Hérode en même temps que Lysanias par une nourrice commune aux deux enfants. Il faudrait pour cela que Cléopâtre fût entrée dans le lit d'Hérode, enceinte des œuvres de son premier mari ; qu'elle eût accouché d'abord de Ménahem, puis neuf mois après de Lysanias, et que sans désemparer elle eût confié les deux enfants à la même nourrice, ou bien qu'ayant déjà Ménahem elle se fût bornée à emmener la nourrice de celui-ci chez Hérode pour lui confier à son tour Lysanias. On ne peut davantage admettre que la mère de Ménahem — une fille de David ! — ait été simple nourrice chez Hérode. Non, les Actes visent un lien plus étroit : il s'agit d'une commune mère, après un intervalle de parturition plus ou moins long. Ce qu'ils veulent dire ou plutôt cacher, c'est que Ménahem était le demi-frère des tétrarques Lysanias et Philippe et que Salomé était leur demi-sœur. Elle avait chez eux un autre parent très rapproché : Chusaï, intendant du tétrarque Hérode (Lysanias), et dont la veuve, car on ne voit point Chusaï, aide de son argent Bar-Jehoudda en 788. Et n'est-il pas curieux qu'elle l'aide au moment où il se dit roi-christ ? Voilà les membres épars d'un clan davidique que Cléopâtre a profondément divisé, déshonoré même par son mariage avec l'Iduméen Hérode. Lorsque dans un élan d'orgueil ou dans un calcul d'intérêt Cléopâtre s'unit à Hérode, ne vit-on pas sa famille se couper en deux, les uns se pendant à la robe de la nouvelle reine, les autres, au contraire, restant avec la Loi qui leur parut plus belle ? N'est-ce point à cette occasion que la fille commença d'être contre le père, le gendre contre le beau-père, et le frère contre la sœur et la sœur contre le frère, comme il est dit dans l'Evangile, et que Cléopas, Ménahem et Salomé se dressèrent contre ceux de la famille qui avec Cléopâtre avaient accepté l'alliance hérodienne ?

 

Nous ferons une observation capitale aux deux extrémités de la vie de Bar-Jehoudda. Lorsqu'il naît, c'est à cause d'Hérode Antipas, plus tard tétrarque de Galilée, qu'Hérode le fait rechercher pour le tuer. Lorsqu'il se lève comme prétendant au trône, c'est à ce même Antipas qu'il en a tout d'abord, c'est contre lui qu'il opère dans les plaines de Gamala, c'est à sa poursuite et diligence qu'il sera condamné par le Sanhédrin avant que, révolté contre l'Empire romain, il ne tombe sous le coup de la loi Julia. Au contraire, il trouve un refuge, presque un appui chez les deux fils de Cléopâtre qui occupent les tétrarchies transjordaniques. Son père et sa mère se sentent assez à l'aise auprès d'eux pour s'installer dans Bethsaïda qui est de la tétrarchie de Philippe ; c'est aux sources du Jourdain qu'il baptisera, et jusqu'en Abilène qui est du gouvernement de Lysanias.

D'où vient donc cette haine d'Antipas enfant contre Bar-Jehoudda ? Cette rancune de Bar-Jehoudda quinquagénaire contre Antipas ? De ceci qu'Antipas, fils de Malthacé la Samaritaine — pouah[135] ! — avait les bonnes grâces d'Hérode au moment où naquit Bar-Jehoudda et que son père lui léguait par testament le trône de Judée. Le roi de Judée désigné par Hérode, c'est Antipas ; le roi des Juifs désigné par les prophéties, c'est Bar-Jehoudda.

Il n'appartenait qu'à Iahvé de faire des rois sur Israël. Si vous venez à dire : Je choisirai un roi pour me commander, comme en ont toutes les nations qui nous environnent, vous établirez celui que le Seigneur aura choisi d'entre vos frères ; vous ne pourrez prendre pour roi un homme d'un autre pays, et qui ne soit point votre frère. Hérode n'était point frère d'Israël. Celui-là était roi qui était oint de Dieu, christ, et ce christ était tout, prêtre, juge et roi en l'absence du Prêtre des Prêtres, du Juge des Juges et du Roi des Rois. Jadis Samuel avait demandé que le christ du Christ fût désigné par le sort dans la tribu qui tomberait elle-même au sort parmi les tribus, mais Dieu avait prononcé son arrêt depuis bientôt mille ans : il avait nommé David. Même élu par le peuple, un roi pris hors de la famille de David n'était point légitime dans la théorie de Jehoudda. Dieu est au-dessus du peuple et son choix est fait. Samuel avait dit : Vous crierez contre le roi que vous vous serez élu, et le Seigneur ne vous exaucera point, parce que c'est vous-mêmes qui avez demandé d'avoir un roi. Depuis Moïse jusqu'au Nazir Samuel les princes d'Israël ont été les Juges, mais à partir de David, les fils de David sont oints, et seul en Judée, Bar-Jehoudda Test doublement. De plus il est Nazir, voué à Dieu jubilairement ; Dieu consulté n'en choisirait pas d'autre.

Si Jehoudda n'accorde le titre de Roi qu'au Christ, ce n'est pas qu'il refuse de le prendre pour lui-même ou pour son fils, à la condition qu'on l'élargisse encore, qu'on l'élève au degré supérieur, le sacerdoce et la judicature suprêmes. Prince, mais de droit divin, voilà l'idéal. Qu'est l'Empereur sans l'armée et sans le Sénat ? Rien. Il n'y a pas de nom qui convienne au despotisme christien : Jehoudda, Bar-Jehoudda son premier-né, Ménahem son dernier-né, furent des vice-dieux. On s'emporte ou on s'esclaffe quand on lit dans les Clément de Rome ou dans les Ignace d'Antioche : L'Eglise est Dieu sur terre. Cette impudence révolte ou fait rire. Au moins qu'elle n'étonne pas ! Elle est tout le dogme de Jehoudda et de ses fils. Ignace et Clément n'ont pu dire mieux. Voyez la conséquence» Quand un christ commande, c'est à Dieu qu'on obéit. Quand on résiste à un apôtre, on se soulève contre Dieu. Quand un apôtre frappe, c'est Dieu qui se venge.

 

Accusés d'adultère envers la Loi, les gens du Temple hérodien trouvaient une réplique écrasante contre Jehoudda dans sa généalogie même. S'il descendait de David — et l'épithète qu'on lui asséna montre qu'on ne le contestait pas — c'était précisément par l'adultère de Bethsabée, femme d'Urie, le chef hittite, volé de sa femme et privé de la vie par le grand roi dans des circonstances également abominables. Ceux à qui il prétendait donner des leçons de légalité lui reprochaient aigrement et péremptoirement de ne pouvoir fonder ses prétentions au trône que sur cette éclatante violation de la loi mosaïque et du droit conjugal par son ancêtre. Toi qui prodigues à toute la Judée l'épithète d'adultère, qu'es-tu toi-même, sinon un fils de l'adultère, un Sotada ?

C'est même une chose remarquable qu'on ne lui tient aucunement rigueur pour les trois autres femmes dont il se réclamait, Ruth qui était Moabite avant d'entrer par effraction dans le lit de Booz, Thamar, bru de Juda, qui avait eu deux jumeaux de son inceste avec son beau-père, et Rahab qui ne serait célèbre que par sa prostitution si elle n'y avait ajouté la trahison envers sa ville natale pour servir Josué. C'est contre Bethsabée que se réunissent tous les efforts, l'adultère paraissant à lui seul pire que la prostitution de Rahab, l'inceste de Thamar et l'indécent assaut de Ruth. Mathieu a rayé son nom de la Généalogie, laissant au mari trompé et assassiné le soin de défendre sa mémoire. Il n'est plus question que de celle qui fut femme d'Urie. On voit tout de suite le parti que les Hérodiens en tiraient : Vous nous contestez nos droits au trône parce que nous ne sommes pas de Juda, mais vous n'en êtes, de votre côté, que par sotadisme et ils en faisaient remonter l'indignité à David qui en était le complice comme à Salomon qui en était le fruit.

 

XIII. — ZÉLOTES ET SICAIRES.

 

Politiquement Jehoudda est le produit des assemblées ou églises, des banquets ou agapes que le patriotisme juif avait renouvelés sous Hérode. Comme rançon des travaux qu'il dédiait partout à la gloire de Rome, —la construction des temples à Auguste, particulièrement celui de Panéas qui souillait tout le Jourdain à sa source — Hérode avait remis au peuple un tiers de ses impôts. Par ce moyen il avait obtenu une paix de surface, mais la rébellion grondait parmi les purs. En vain avait-il interdit par un décret sévère les églises et les agapes. En vain avait-il mis sur pied une police secrète qu'il apostait à Jérusalem et sur les grands chemins pour arrêter et châtier ceux qui contrevenaient à ses ordres. Jehoudda excita toute cette masse contre l'usurpateur. Fils de David, il voulait un roi davidique, réduction terrestre du Christ qu'il annonçait.

Sous la pression des éléments contraires, le parti vieux-juif s'était replié sur les articles de la Loi tombés en désuétude à cause de leur outrance, sur les coutumes abandonnées pour leur rudesse. C'était l'arsenal de Dieu : on y trouvait des armes contre l'esprit nouveau, l'esprit de capitulation qui perçait dans les basses flatteries d'Hérode. Observés par les Grecs et par les Romains, divisés par les faux frères de Samarie et d'Idumée, ces Zélateurs rétablirent dans les bourgs la table commune du peuple juif, cherchèrent des symboles dans la religion du désert, un exemple dans les jalouses passions des Juges. On se reconnut dans les assemblées longtemps négligées, on s'exalta dans les repas publics longtemps abandonnés. Tous les coups qu'on porta contre les Hérodes et leur Temple — on disait : leur Temple ! — partirent de là. Varus, quand il débouche en Judée par la Galilée, sait qu'il met le pied sur la tête des révoltes. Les assemblées devinrent des jurandes religieuses et politiques ; le pain rompu dans les repas contient un symbole d'unité, la croix. On fit des vœux plus forts que le serment. Le naziréat, état de vœu, offrait des formules toutes prêtes : on les prit. On recula vers les temps où le peuple juif vivait agressivement séparé d'avec les nations, formait camp dans le monde.

Tandis que les Hérodes, Antipas, Philippe lui-même, sont envoyés à Rome où on les élève presque sous l'œil d'Auguste, les Cléopas restent au pays avec les pharisiens davidistes. Salomé, par son mariage avec Jehoudda, s'est engagée plus étroitement encore dans les liens de la Loi. Voilà toute une maison qui conspire dans l'ombre, en attendant qu'après la mort du roi et la répartition de ses Etats par Auguste, nous la retrouvions dans l'Evangile, les hérodiens d'un côté, les davidistes de l'autre : deux partis irréconciliables qui vont se disputer les pharisiens lesquels presque tous finiront par aller avec les Hérodes parce que les Hérodes sont les maîtres de par Rome.

Dès ce moment on peut dire que les deux Bêtes de l'Apocalypse étaient fixées dans la rétine de Jehoudda : Hérode, dans la peau de la Bête qui monte de la terre ; César Auguste, dans la peau de la Bête qui vient de la mer. On peut dire aussi qu'il y eut deux sortes de Juifs, les politiques du Temple qui inclinaient la Loi devant l'Empire et les jehouddistes qui la relevaient contre tous. Ces exaltés furent dits Kannaïtes, Zélateurs delà Loi, ensuite Sicaires, plus tard Millénaristes quand on voulut les distinguer d'avec les sectes gnostiques. Kannaïtes, Zélotes, Sicaires, on peut employer indifféremment tous ces mots pour désigner les Christiens : ce sont des équivalents. Les Zélotes de l'histoire ne sont pas tous christiens, mais tous les christiens furent et Zélotes et Sicaires.

Le premier article du programme, c'était naturellement de sortir d'Egypte, autrement dit se libérer des Hérodes et des Romains leurs protecteurs. La révolte contre l'Hérode et le César en fonctions est toujours au premier plan de l'histoire christienne, et celle-ci, considérée à ce point de vue, n'est nullement antipathique. L'exercice d'un droit naturel est toujours respectable. Il ne paraît pas que les Juifs fussent créés et mis au monde pour être esclaves des Romains et leur payer tribut. On ne peut leur demander non plus un enthousiasme incoercible pour les Gaulois de la garde d'Hérode qui participaient à la répression des troubles. Toutefois, j'ai cherché en quoi les rébellions christiennes pouvaient intéresser plus spécialement la civilisation et je n'ai pas trouvé. Je ne vois pas que Jehoudda et ses fils soient des héros d'une trempe plus forte que Tacfarinas en Mauritanie, Florus ou Sacrovir dans les Gaules. En revanche, ils sont supérieurs à tous les révoltés du globe pour la profonde scélératesse de leurs sentiments et pour la stupéfiante imbécillité de leurs prophéties.

 

XIV. — CONDITIONS SEXUELLES DE L'ENTRÉE DANS LE ROYAUME DU CHRIST JÉSUS.

 

Nonobstant la tare de Bethsabée, Jehoudda faisait école. Un premier vent de folie messianique souffla sur les pharisiens qui prêchaient le salut par la Loi. L'année 746 était sabbatique, circonstance toujours favorable à la propagande, le travail de la terre chômant et les esclaves rendus à la liberté devenant une matière aisément excitable. Les Apocalypses firent rage, particulièrement celle de Jehoudda. La nouvelle se répandit partout qu'Hérode mourrait bientôt — il régnait depuis trente-trois ans — et que le Messie, Roi des rois prédit par tous les prophètes, se levait à l'Orient. L'historien Josèphe distingue fort nettement entre ce pharisaïsme ombrageux et le pharisaïsme indolent dont était fait le commun du peuple. Ambitieux des charges, et ennemis de tous ceux qui les occupaient, habiles à jouer des textes et des astres, à comploter et à nuire, les pharisiens de l'espèce jehouddique essayèrent leur pouvoir sur les esprits faibles. Tout le monde des femmes fut avec eux[136], comme plus tard au Jourdain pendant la prédication de Bar-Jehoudda. Depuis son aventure avec le Serpent, Eve avait trop à craindre du Christ Jésus pour faire la sourde oreille : il allait falloir rentrer dans Adam, et ce ne serait peut-être pas si facile qu'on croyait.

Le grand problème à résoudre pour l'homme et la femme, tous deux condamnés à la mort éternelle par leur péché, c'est de revenir à la conformation génésique d'Adam-Eve, c'est-à-dire de ne faire qu'un comme avant le Serpent. Le Christ, c'était le retour à ce principe physique[137].

Vous vous rappelez ce que dit la Genèse : Dieu profite du sommeil d'Adam pour lui arracher une cote ou mieux un côté avec lequel il façonne la femme. Toute la tradition juive jusqu'à Maïmonide admet qu'Adam était à la fois mâle et femelle, et que c'est son côté femelle qui a été séparé de lui pendant qu'il dormait. Et c'est ce côté femelle, cette moitié — le mot est resté — que Dieu lui a présenté ensuite comme un être nouveau. Il en résulte que le véritable auteur du péché originel, c'est Dieu qui, au lieu de laisser Adam tel qu'il était, lui a donne, en le séparant, l'éternelle tentation de se rejoindre. L'Évangile, si profondément imprégné des Paroles du Rabbi, s'est bien gardé de les contredire sur la conformation physique du premier homme.

Les disciples ne pouvaient aller contre l'autorité de Jehoudda, et pour eux comme pour lui, le premier homme était androgyne. Eusèbe de Césarée interprète le texte biblique exactement comme Jehoudda : il connaissait le récit de Platon sur les androgynes primitifs, d'une création antérieure à la nôtre, et concluait que Platon s'accorde sur ce point avec les livres juifs[138].

A Salomé qui l'interrogeait sur la question de savoir jusqu'à quand durerait la mort, le Rabbi répondait par la bouche de Jésus : Tant que vous ferez des enfants, vous autres femmes[139]. Réponse conséquente avec son système. Sans blâmer en rien ni sa femme ni lui-même, qui avaient largement usé de l'union des sexes, Jehoudda ne pouvait pas ne pas annoncer que la génération cesserait avec le Verseau, et les Paroles du Rabbi purent sans aucune intention restrictive du mariage enregistrer cette réplique frappée au coin du plus pur millénarisme[140]. Jésus se Test appropriée dans l'Evangile[141] : Les fils de ce Cycle se marient et sont donnés en mariage, mais ceux qui seront trouvés dignes du Cycle à venir et de la résurrection des morts ne se marieront pas et n'épouseront pas de femmes ; car ils ne pourront plus mourir [donc, inutile de se survivre par des enfants], parce qu'ils sont égaux aux anges et fils du Dieu de la résurrection[142].

Mon règne aura lieu, disait Jésus à Salomé dans l'Evangile des Millénaristes d'Egypte, le même que celui des Naziréens et le plus ancien par conséquent[143], mon règne aura lieu quand vous aurez foulé aux pieds le vêtement de la pudeur, quand le dehors sera vers le dedans, l'homme avec la femme, deux en un, ni homme ni femme. Est-ce à dire qu'il faille se mettre à deux par anticipation pour redevenir androgyne ? Non certes, et si beaucoup de christiens ont vu là comme une consigne[144], — laquelle n'était pas précisément de ronfler — le Rabbi ne l'entendait point ainsi. Il entendait que le jour où Jésus les remettrait dans la gaine de peau dont il les avait revêtus avant leur division en deux sexes, ce jour-là ils redeviendraient tels qu'Adam-Eve avant le péché. Et c'était si bien le sens de la parole que, voyant Salomé elle-même placée hors du salut par la doctrine de son mari, l'Eglise, après lui avoir enlevé tous ses enfants, sauf le jésus, lui fait dire avec un sang-froid imperturbable dans Clément d'Alexandrie interpolé : Bien m'en a pris de rester vierge ![145] On ne peut douter qu'il s'agisse de la mère de Bar-Jehoudda, la seule femme que, soit dans l'Evangile des Naziréens soit dans les Sagesses valentiniennes, Jehoudda et ses fils admettent aux discussions sur les dogmes qui intéressent son sexe. On en peut d'autant moins douter que, dans l'interpolation ecclésiastique de Clément d'Alexandrie, on la qualifie de vierge, et que la seule vierge de cette histoire est celle dont le bilan utérin, grâce à l'énergique intervention de Jehoudda, se solde par sept fils et deux filles. La doctrine dont elle est ici le truchement explique cette épithète d'accoupleuse de femmes que certains commentaires talmudiques donnent à Maria, et qui est restée jusqu'à présent une énigme irritante le plus souvent interprétée dans le sens ignominieux.

 

Pour les christiens un hermaphrodite était un type sacré, puisqu'il échappait au péché dont était mort Adam-Eve.

Quel bonheur lorsqu'il en naissait un en conformité des horoscopes ! Phénomène de mauvais augure pour les païens, c'en est un de bon augure pour les christiens. Heureux auspice, gage d'un retour prochain de l'humanité à sa forme primitive, à l'édénique félicité d'avant la déchéance ! Jésus est dans l'air, il vient ! Vénus et Mercure seront-ils en conjonction, leur demande ironiquement Philopatris[146], et produiront-îls beaucoup d'hermaphrodites dont la naissance vous cause tant de joie ?

Selon les fins de Dieu, l'état de nature ne comportait point la génération : c'était une invention du Diable-Serpent à qui Iahvé avait eu le grand tort de donner la parole, un corps, des pieds, et peut-être d'autres membres, mais Iahvé n'avait admis l'enfantement qu'à titre de pénalité : d'où cet accident avait été flétri du nom de travail. Et dans le Millenium du Zib on ne travaillait plus.

Les mères avaient commis le grand péché de génération qui faisait obstacle au Christ, car comment redevenir hermaphrodite quand on est trois et qu'on a dans l'enfant un témoin à charge ? La femme de mauvaise vie, il est vrai, a commis le petit péché de fornication, mais elle n'a point enfanté, l'herbe, comme dit Lamennais, ne poussant pas sur les grandes routes. Elle est donc plus androgynisable. On comprend qu'atteintes dans leur fonction la plus haute, blessées dans leur sentiment le plus noble, les mères aient été si peu nombreuses autour de Bar-Jehoudda, lors de ses baptêmes. Ce pseudo-sacrement ne semblait fait que pour avantager les monstres, volontaires ou non, de la nature. Les paillardes et les filles de mauvaise vie[147] ont composé tout l'entourage féminin de cet homme vierge.

Hermaphrodite à la façon de Prométhée, créateur d'un androgyne dont il a le regret d'avoir fait deux moitiés que Satan a perverties, le Verbe-chair ne consent à régner que sur des êtres semblables au type originel. Toutefois on se divisa sur cette théorie. Alors que les hommes organisés attendent un Roi qu'ils croient se concilier, les uns par des croisements répétés, les autres par des chastetés obstinées, inversement les eunuques en attendent un qui leur permettra de laisser de la famille.

Tel fut Bagoas, eunuque d'Hérode, au temps du Massacre des Innocents. Bagoas n'avait cru à Jésus que persuadé, sur la foi des Révélations, qu'il se marierait sous le régime futur et qu'il aurait des enfants.

Il n'y a qu'un Roi en état d'assurer de tels privilèges, c'est le Roi du Millenium, le roi-hermaphrodite qui, cumulant les deux sexes, en gratifie à son tour tousses sujets. Mais si c'est pour avoir des enfants qu'il se marie dans le Royaume, Bagoas s'illusionne grandement, car il rejoint une femme à qui Jésus interdit précisément d'en faire. Et puis, s'il en eût fait, il en serait mort comme Adam. Au contraire, son eunuchisme augmentait ses chances de salut. Il y a, dit Jésus, des eunuques qui sont nés tels dans le sein de leur mère ; il y en a que les hommes ont faits eunuques ; et il y en a qui se sont eux-mêmes rendus eunuques [tel Bar-Jehoudda par son naziréat] à cause du Royaume des cieux. Que celui qui peut comprendre comprenne[148]. Mon Dieu ! on peut y arriver, mais il faut connaître le système. Bagoas n'avait pas très bien compris, ou plutôt il avait interprêté dans le sens de ses désirs, étant sans doute de ceux que les hommes ont faits eunuques. Il fut cruellement puni de son ambition démesurée, car Hérode, avec quelque brusquerie, le mit à mort, et le Roi qui rend féconds les eunuques ne vint pas.

 

XV. — LE MASSACRE DES INNOCENTS ET LA FUITE EN ÉGYPTE.

 

A la vérité, Bagoas avait commis d'autres fautes. Il était des six mille pharisiens qui refusèrent de prêter serment à Auguste.

On lit aujourd'hui dans Josèphe qu'ils tenaient en secret pour Phéroras contre Hérode, et Phéroras était frère du roi[149]. Mais Hérode n'était pas tendre pour ceux qui conspiraient, surtout quand ils étaient ses proches. Or il a fait égorger les six mille, tandis qu'il a laissé à Phéroras le commandement de ses troupes et la vie. J'en conclus que ce n'est pas Phéroras que les six mille attendaient du fond de l'Orient : il habitait Jéricho et n'annonçait aucune disposition pour régner sur l'univers.

Tel fut le Massacre des Innocents dont parle l'Évangile de Mathieu[150] : persécution des Juifs hérodiens contre les Juifs christiens, persécution entre frères, la plus cuisante de toutes. Les nouveau-nés que tua Hérode avaient tous des barbes de patriarches, mais par leur obéissance à la Loi ils étaient dignes de l'Éden que le Christ allait rétablir en 789[151]. De près ou de loin Jehoudda, Cléopas et Ménahem avaient la main dans ce mouvement, Hérode n'eut pas de peine à l'y trouver. Le fils de Malthacé la Samaritaine, Antipas, l'héritier présomptif, dénonça les projets délirants que Jehoudda et Salomé nourrissaient pour leur fils aîné. Hérode le fit rechercher pour l'englober dans le procès de sang qu'il fit à ses propres enfants et qui se termina par l'exécution des plus coupables ou des plus confiants.

Pris de peur, Jehoudda et Salomé se réfugièrent en Egypte, emmenant avec eux le petit christ âgé de sept ans, tandis que Ménahem, compromis dans le même mouvement, se réfugiait à Antioche[152].

 

Où emmena-t-on Bar-Jehoudda ? A Héliopolis, dit une légende. Peut-être plus avant dans le désert. On reçoit de l'Apocalypse l'impression qu'il a remonté le Nil jusqu'à l'endroit où la terre semble ouvrir la bouche pour l'avaler. Certes il ne s'agit pas des sources, mais nous sommes loin d'Alexandrie, où la terre ouvre la bouche pour le rendre. Si l'on savait où habitait la famille de Joshua ben Peraïa, on saurait où Bar-Jehoudda a passé son enfance, a été initié aux mystères du ciel et de la terre, à cette Kabbale messianique dont son père est le représentant le plus achevé.

Le père kabbaliste de Jehoudda, c'est ce Joshua ben Peraïa que le Talmud associe à l'éducation de Bar-Jehoudda en Egypte. Si ce Joshua ne peut avoir été le maître du fils, il a été celui du père. Jehoudda a mené son fils dans la maison de Joshua, où sans doute il avait été lui-même. Leur Apocalypse, c'est du chaldaïsme macéré dans le Nil. J'ai ramené mon fils d'Egypte, dit l'Evangile à propos de Bar-Jehoudda. C'est d'Egypte et de la maison de Joshua ben Peraïa que Jehoudda et son fils ont ramené l'idée du Dieu qui s'engendre lui-même en la personne d'un Fils, c'est-à-dire le Fils de l'homme sous la forme qu'il a dans leur Apocalypse.

Sozomène, historien de l'Eglise, rapporte qu'à l'arrivée du Jésus en Egypte, un arbre nommé Persis — lui aussi venait de Chaldée — s'abaissa jusqu'à terre comme pour l'adorer. L'imposteur Athanase[153] dit qu'à la vue de ce Juif exorbitant les idoles et les simulacres s'écroulèrent. Il est vrai que les jésu-christiens d'Egypte, notamment ceux d'Alexandrie, ont souventes fois pillé, brûlé, saccagé les temples et renversé les idoles, voire les simulacres, mais ce ne fut point en ce temps-là. Par cet exemple à plaisir inventé Athanase encourageait ses troupes à renouveler dans leurs exploits le miracle qu'il attribuait au Maître.

Je vous dis que ces fils de Dieu ne descendaient même pas des bons singes !

 

 

 



[1] Pérégrinus. Lucien est le seul païen qui fasse cette distinction.

[2] Le texte actuel des Actes renverse intentionnellement cette chronologie. Nous mettrons en lumière cette fraude et ses causes.

[3] Genèse, XLIV, 15.

[4] Mathieu, XIII, 35.

[5] Dans les écrits juifs où Maria est représentée comme ayant eu Jésus de ses amours avec le soldat Panther — calomnie imbécile dont l'Eglise est la seule cause — son mari est dit Joannès.

[6] Bérose, dans Eusèbe, Chron, armen,, p. 9, éd. Mai. Syncelle, p. 28, fragment 1er dans l'édition Lenormant.

[7] Fables, 274.

[8] Bibliothèque de Photius, Codex 279.

[9] Dans Michel Psellos, cité par M. Lenormant, Origines de l'histoire, p. 383.

[10] Quatrième Evangile, Jésus s'adressant à Maria le mercredi, jour de Mercure : « Femme, voilà ton fils !

[11] Nombres, XXIV, 17. Or, circonstance aggravante pour lui, Jehoudda faisait sa Généalogie par Seth. (Mathieu.)

[12] Nombres, XXIV, 24.

[13] Nombres, XXIV, 24.

[14] Lettre de Jude, II, Seconde Lettre de Pierre, III, 13.

[15] Evangile selon Mathieu, XI, 13.

[16] Luc, I, 7, Mathieu, XXIII, 35.

[17] Zacharie, XIII, 1.

[18] Zacharie, XIII, 8, 9. Et sur la rupture du Mont des Oliviers, XIV, 4.

[19] Hippolyte de Thèbes, cité par Josephus Christianus (Patrologie grecque de Migne, t. CVI), dit positivement que Joseph (Jehoudda) avait un frère nommé Aggée.

[20] La tradition la plus ancienne est d'accord sur ce point. Pour les preuves, voyez dom Calmet (Vie de Jésus, dissertation sur la Généalogie). L'Église voudrait même qu'elle eût été fille unique. On verra pourquoi.

[21] Abiu et Nadab. (Lévitique, X, 2 ; XXI, 1. Nombres, III, 4 ; XXVI, 61.) Ce n'est pas Abiu qu'il faut lire dans Luc (I, 5), mais Abia. Abiu n'a pas laissé d'enfants.

[22] Cf. aussi l'Assomption de Moïse où Jehoudda, sous le nom du Nouveau Moïse, est donné comme étant de la maison de Lévi, sans quoi on n'eût pu lui donner le nom du législateur des Juifs. D'ailleurs nous allons le voir dans Luc monter à l'autel comme feu Aaron. Le doute n'est donc pas permis.

[23] Tout au moins chez les zélateurs de l'ancienne Loi.

[24] Marc, XV, 40.

[25] Mathieu, XX, 20.

[26] Épître II, 12, dans la Patrologie grecque.

[27] Cité par Clément d'Alexandrie, Stromata, III.

[28] Clément d'Alexandrie, Stromata, III.

[29] Cité, avec toutes les sophistications nécessaires, par Josephus Christianus (Patrologie grecque de Migne, t. CVI, p. 142).

[30] Nicéphore, Histoire ecclésiastique, II, 3.

[31] Dans Luc, I, 5, et dans la Ire Sagesse de Valentin (Pistis Sophia, édit. Amélineau).

[32] Bibliothèque de Photius dans la Patrologie grecque, article Agapius.

[33] Anticelse, II. Ecrit faussement attribué à Origène et placé dans ses Œuvres.

[34] Exode, XV, 20.

[35] Au fond, il savait l'imposture qui gît au fond de l'Evangile. Nous en fournirons plus d'une preuve, notamment par la lettre du calife de Bagdad à Nicéphore Phocas, un chef-d'œuvre d'ironique sagesse.

[36] Le Koran, ch. LXVI (La Défense, 12).

[37] Le Koran, ch. XIX (Marie, 29).

Le commentaire Zamchascar se trompe complètement sur Aaron qu'il fait contemporain et frère de la seconde Maria. A la vérité, la seconde Maria eut un frère, et Zamchascar le reconnaît implicitement ; mais il ne s'appelait pas Aaron.

[38] XXVI, 57, 58 et 59. Amram avait donc épousé sa sœur tout au moins de père, ce qui n'a rien d'anormal dans la descendance d'Abraham. Eloï-schabed est aussi nommée Iaô-schabed, c'est la même chose. (Promesse avec serment d'Iaô, Iaô-Schebag.)

[39] Equivalent de sortir de servitude.

[40] Il reste encore quelque chose de cette enquête dans l'Anticelse, qui est un essai de réfutation du Discours de Vérité, préalablement vidé de toute sa partie documentaire. C'est là que nous avons trouvé ce renseignement.

[41] La note qu'on trouvera plus loin, au verset 8 de la Généalogie selon Mathieu, est le résumé de celle qu'on lit dans le Nouveau Testament approuvé par le Saint-Siège.

[42] Ozias n'était pas fils immédiat de Joram. Joram fut père d'Ochozias, qui le fut de Joas ; et Joas eut pour fils Amasias, père d'Ozias. On a passé Ochozias, Joas, Amasias, et Joakim à cause de leur impiété, ou plutôt de l'arrêt prononcé contre la maison d'Achab, dont ils étaient descendus par Athalie, leur mère (III Rois, XXI, 21). Enfin telles ont été les suppressions faites qu'à partir de Zorobabel les générations jusqu'à Joseph se réduisent à neuf, alors qu'on en compte dix-huit dans Luc.

[43] Luc, III, 23. Ce verset débute par un mensonge qui en date la composition (quatrième siècle) : Jésus, dit le scribe, avait, quand il commença (de prêcher), environ trente ans. Le jésus qui a existé en chair avait quarante-deux ans lors de ses débuts, comme nous le montrerons quand nous en viendrons à l'Apocalypse qu'il a lancée sous le pseudonyme de Joannès.

[44] Mathieu, I, 1-17.

[45] Luc, IV, 23-38.

[46] XLVIII, 100. Nous n'essaierons pas d'augmenter l'autorité de cet écrit en disant, comme le fait l'Église, qu'il est de Justin : ce serait un mensonge.

[47] Anticelse, II, 32.

[48] Appendice, p. 773.

[49] Nous ne croyons pas pouvoir priver le lecteur des commentaires que l'ensemble des généalogies inspire au Saint-Siège, et nous les rapportons textuellement. Saint Joseph était, comme nous l'apprend l'Evangile, de la tribu de David, et exerçait un métier pour gagner sa vie. C'était, d'après la tradition, le métier de charpentier. Il vivait à Nazareth, et c'est là qu'il épousa la sainte Vierge. Le choix que Dieu fit de lui pour être le gardien de la virginité de Marie et le père adoptif de Notre-Seigneur, nous montre quelle était sa vertu et sa sainteté. On ne sait pas à quelle époque il mourut, mais tout porte à croire que ce fut avant la vie publique de Jésus-Christ. — Marie, en hébreu Miryam, signifie probablement maîtresse, dame, de sorte que le titre de Notre-Dame, donné à la sainte Vierge, n'est sans doute que la traduction de son nom. Exemptée du péché originel par un privilège spécial, et destinée à être la mère de Dieu, elle devait dépasser en sainteté toutes les créatures. Son père fut saint Joachim, et sa mère sainte Anne. Elle était de la tribu de Juda et de la race de David. La tradition nous apprend qu'elle fut présentée à l'âge de trois ans au temple de Jérusalem et employée au service de Dieu. Elle épousa saint Joseph à Nazareth, où eut lieu le mystère de l'Annonciation. L'Évangile nous fait connaître sa visite à sa cousine Elisabeth, comment elle mit son fils Jésus au monde à Bethléem, s'enfuit avec lui en Egypte, habita avec lui à Nazareth, le perdit dans le temple de Jérusalem quand il avait douze ans, l'accompagna dans une partie de ses courses apostoliques, le suivit au Calvaire. Elle était avec les apôtres au Cénacle le jour de la Pentecôte. Elle habita ensuite avec saint Jean, que Jésus lui avait donné à sa place. Les uns la font mourir à Ephèse, les autres à Jérusalem. Elle rendit son âme à Dieu dans un âge avancé, et son corps fut transporté miraculeusement dans le ciel. L'Eglise honore ce mystère le 15 août, dans la fête de l'Assomption.

[50] Cyrille, Contra Julianum.

[51] Rois, I, VIII, 2.

[52] Rois, I, I, 1.

[53] Rois, II, XI, 3.

[54] Voir plus loin, à l'endroit où nous tirons au clair les conséquences de cette accusation.

[55] Livre II, V, 14-17.

[56] Il y a en tout d'Abraham jusqu'à David quatorze générations ; de David jusqu'à la transportation de Babylone, quatorze générations ; et de la transportation de Babylone jusqu'au christ, quatorze générations. (Mathieu, I, 17.)

[57] Sur la date de sa naissance nous avons par celle de sa mort une certitude en quelque sorte mathématique. Nous ne pouvons pas nous tromper. En effet, Bar-Jehoudda a été crucifié le dernier jour de l'année 788 qui était à la fois sabbatique et jubilaire, et à cette date il avait cinquante ans, ce qui est indiqué dans le Quatrième Évangile et confirmé par Johanan le Presbytre, Irénée et toute la tradition d'Asie. D'autre part, nous savons par l'Apocalypse où il produit lui-même, sous le pseudonyme de Joannès, son thème de nativité (la Nativité du jésus dans les Évangiles dits de Mathieu et de Luc, en est la reproduction et prouve l'absolue identité des deux personnages), nous savons, dis-je, qu'il est né sous le signe du Capricorne, au solstice d'hiver de 730. Nous examinons en détail tous ces points au chapitre des Nativités et dans nos commentaires de l'Apocalypse.

[58] Ainsi le qualifie Flavius Josèphe, le grand historien juif, que nous citerons souvent.

[59] Virgile, la Quatrième Eglogue. L'enfant attendu fut une fille, mais ce n'est certes pas une fille que la Sibylle annonçait au monde, c'est le Christ latin.

[60] Rois, IV, XIV, 25.

[61] Jehoudda fut tué pendant la révolte qui succéda au Recensement de 760, comme on le verra au chapitre Apothéose de Jehoudda.

[62] XIV, 22 et suiv.

[63] Sous le nom de Stéphanos, la Couronne (du martyre), Saül est celui dont on a fait l'apôtre Paul.

[64] Les Actes des Apôtres l'ont mis au nombre des sept diacres de leur invention. Toutefois ce chiffre répond indiscutablement à l'apostolat formé par les sept fils de Jehoudda. Parmi ces diacres on retrouve encore un autre fils de Jehoudda, Jacob-Andréas. Si on ajoute ce Jacob et Philippe aux quatre frères que l'Évangile reconnaît à Bar-Jehoudda, c'est-à-dire Shehimon, Jacob senior, Jehoudda junior et Joseph (Ménahem), on reconstitue complètement la postérité mâle de Salomé.

[65] L'un, Juif millénariste, évoque d'Hiérapolis de Phrygie au second siècle et commentateur des Paroles du Rabbi ; l'autre, Juif d'Alexandrie, à ce qu'il semble, anti-millénariste avéré.

[66] Mathieu, Marc, Luc.

[67] En effet, l'histoire de Ménahem est dans Josèphe.

[68] Le prologue des Paroles du Rabbi (Jehoudda et ses fils) expliquées par ledit Papias.

[69] Mathias était fils de Jehoudda dit Toamin. Il était Bar-Toamin d'où l'on a fait Barthélemi.

[70] Si les Paroles du Rabbi eussent nommé douze apôtres, Papias n'aurait pas manqué de les nommer à son tour, car personne n'admettra qu'il se serait permis d'en disqualifier cinq. Il est parfaitement clair que Papias n'a rien soupçonné des douze, qu'il ne savait pas un mot de la Constituante apostolique, de la conversion de Saül à Bar-Jehoudda, des beaux discours de Pierre et de Jacques aux Conciles de Jérusalem et en général de toutes les jolies choses consignées dans les Actes des Apôtres.

[71] Ce qui fait croire qu'il habita Bethsaïda, c'est que, selon l'Église, le Quatrième Evangile serait d'un certain Johanan, lequel est de Bethsaïda, dont sont également le baptiste Joannès, Shehimon dit Képhas, (Pierre) et Philippe, apôtres. Ce pseudo-Johanan ne fait qu'un avec le Joannès baptiste, lequel ne fait qu'un avec le jésus lequel ne fait qu'un avec Bar-Jehoudda dont Shehimon et Philippe sont les frères. Les scribes disent de Bethsaïda que c'était un bourg de la Galilée ; l'expression n'est exacte qu'à la condition d'ajouter : transjordanique. Bethsaïda était l'ancien nom de Julias et la capitale de la Gaulanitide dont Gamala est une des villes principales. Le scribe le sait mieux que personne, mais il ne lui plait point de serrer autour de l'Évangile le nœud géographique qui rattache tout ce monde à Jehoudda de Gamala.

Rien ne prouve que les premiers enfants de Jehoudda ne soient pas nés à Gamala même.

[72] Genèse, VI, 11-14 et 18.

[73] Le Dialogue avec Tryphon et l'Anticelse.

[74] Hilaire et Pierre Chrysologue.

[75] Ambroise de Milan.

[76] Mot formé de Zib, le signe des Poissons dans le Zodiaque chaldéen (v. Bouché-Leclercq, Astrologie grecque) et deos ou daos, par hellénisation de da ou das qui répond en araméen à une idée de relativité difficile à rendre avec précision. Zibda ou Zebda, dans la plaine d'Abilène s'appelle ainsi de ce qu'il y avait eu jadis un lac : Es-Zebedani, dit-on encore aujourd'hui. Nous voyons également Zabdi employé dans le sens de famille, et il est certain qu'il y a dans le mot Zibdeos un jeu de mots où Zib est entré avec son sens à la fois astrologique et baptismal. Famille de Joannès et de Zibdeoi.

[77] M. l'abbé Glaire, Avertissement de la seconde édition du Nouveau Testament.

[78] Mais il y a Beel-Zeboul dans le texte le plus ancien, et l'on sent bien que le mot a été corrompu par les copistes.

[79] Mathieu, X, 23-26.

[80] Juges, XVI, 23. Dag veut dire poisson en hébreu.

[81] Rois, I, v. 1-8, L'idole était sans doute en bois.

[82] Macchabées, I, X, 83, 84 et XI, 3, 4.

[83] Le traité de la Déesse de Syrie est faussement attribué à Lucien.

[84] Pour ce qui est de Beel-Zeboub, dit M. Germain Lévy (La Famille dans l'antiquité israélite, in-8°, 1905), Zeboub dans l'espèce ne signifie pas mouche, c'est le nom d'une localité comme dans Baal-Hermon, Baal-Peor, etc. M. G. Lévy renvoie aux tablettes d'El-Amarna, à J. Halévy, Revue Sémitique, 1893, p. 23, à Benziger, Zeitschr. d. deutschen Palaest. Vereins, 1894, p. 161. D'autres, au lieu de Zeboub, lisent Sapouna. (Cheyne, Encyclop. biblica, I, p. 407.) D'après lui, le dieu se serait appelé Baal-Zeboul, dieu de la haute maison, et les Israélites par mépris auraient déformé le nom. Evidemment le mot nous est arrivé déformé, mais s'il ne veut pas dire mouche, il ne signifie pas davantage la haute maison.

[85] Marc, III, 9.

[86] Josèphe, Antiquités judaïques, XVIII, I, 1, et Guerre des Juifs, ch. VIII, 1.

[87] Josèphe, Antiquités, en dépit des falsifications que nous montrerons le moment venu.

[88] Josèphe, Antiquités, XX, V, 1.

[89] Josèphe, Guerre des Juifs, II, 17, 8 et 17, 9. Vie de Josèphe, 5.

[90] Marc, XIV, 13 et suiv. Reproduit par Luc.

[91] Marc, XV, 40 ; Luc, VIII, 2.

[92] Dans la première Sagesse, celle de Valentin, où Bar-Jehoudda est désigné par son pseudonyme de Joannès, il est presque toujours dit le Vierge. Maria baise le plus souvent les pieds de Jésus et l'adore. Après le Joannès les disciples se présentent dans cet ordre : Pierre, Jacques, Thomas, Mathieu, André et Philippe. Mathieu remplace Ménahem qu'encore une fois on ne nomme jamais.

[93] Dans la seconde Sagesse (Extrait des Livres du jésus), les sept disciples sont Thomas, André, Jacques, Simon le Cananéen (le Kannaïte, c'est Pierre), Philippe et Barthélémy (Bar-Toâmin, fils de Thomas) ; un seul Joannès, qui est le crucifié de Pilate, une seule Maria qui est Maria Magdaléenne, parfois désignée par son vrai nom de Salomé. Point de Ménahem, bien entendu. Point de Mathias ici, mais Bar Toâmin. C'est la preuve de leur identité. Mathias était fils de Jehoudda dit Toâmin, le jumeau, autrement dit Thomas didumos, il était donc neveu du crucifié de Pilate et petit-fils de Jehoudda.

[94] C'est le terme employé dans l'Avertissement de l'Évangile dit de Luc pour définir la mission de celte famille.

[95] Actes, XXI, 8. C'est de ce chiffre sabbatique que l'Église a tiré les sept prétendus diacres qu'elle fait élire à Jérusalem par les prétendus douze apôtres. Nous tirerons au clair cette grossière imposture lorsque nous en viendrons aux prétendus Actes des Apôtres, et si toute source de gaieté n'est pas tarie en vous, vous ne vous ennuierez pas un seul instant.

[96] Dans Marc.

[97] Le Quatrième Évangile.

[98] En ce qui concerne Joannès et Jacob junior, fils du Zibdeos, Papias n'a pas connu deux Joannès, dont, selon l'Eglise, l'un aurait été fils d'un certain Zacharie et l'autre fils d'un certain Zibdeos, mais un seul Joannès lequel est Bar-Jehoudda. Il n'a pas connu deux Jacob junior dont l'un aurait été fils de Joseph et l'autre fils du Zibdeos. Valentin non plus n'a point connu deux Joannès, l'un fils de Zacharie et l'autre fils du Zibdeos ; mais un seul Joannès, le plus grand des disciples de Jehoudda. Gomme Papias il n'a connu ni Zacharie ni Zibdeos, mais un seul fondateur de secte, celui que Maria appelle mon homme de lumière dans les Sagesses et qui est tour à tour Joseph, le Charpentier, le Zibdeos et Zacharie.

[99] Jehoudda, ainsi qu'on le verra par la suite, est mort plus de vingt-sept ans avant elle.

[100] Mathieu, XX, 20 ; Marc, X, 35.

[101] Epiphane (Contra hæreses, 78) dit qu'elle était fille de Joseph seulement, lequel, en ce cas, l'aurait eue d'un précédent mariage, ainsi que plusieurs de ses autres enfants. C'est par de telles manœuvres qu'on a confectionné la virginité de Maria. On est arrivé à ne lui laisser que son fils aîné lequel, étant de Dieu et Joseph n'y étant pour rien, l'a purifiée en l'habitant.

[102] Hippolyte, cité par Nicéphore, livre II, ch. II.

[103] Clément d'Alexandrie, Stromata, l. III, ch. I.

[104] Clément d'Alexandrie, Stromata, l. III, ch. I.

[105] Actes, XXI, 8.

[106] Clément d'Alexandrie, in eodem loco.

[107] Josèphe est formel. Eléazar, fils de Jaïr et lieutenant de Ménahem pendant la guerre de 819, était de la race du grand Jehoudda, peut-être par Thamar, femme d'Eléazar Ier, ou par la femme de Jaïr, si elle était sœur de Jehoudda.

[108] Cité par Josephus l'ecclésiastique (Patrologie grecque de l'abbé Migne, t. CVI, p. 142).

[109] Mathieu, X, 3 ; Actes des apôtres, I, 13. Alphée, comme son nom l'indique, fut, avec Jehoudda, l'homme du commencement.

[110] Sagesses valentiniennes (la 1re).

[111] Mathieu, XIII, 55 : N'est-ce pas là le fils du Charpentier ? Sa mère ne s'appelle-t-elle point Maria ? Et ses frères, Jacob, Joseph, Shehimon et Jehoudda (junior, surnommé Thomas) ?

[112] C'est aussi parce qu'au moment où l'action se passe, c'est-à-dire 788, Salomé est veuve depuis vingt-sept ans, comme on le verra bientôt.

[113] Le Nouveau Testament selon la sacrée Congrégation de l'Index, p. 785.

[114] Actes des Apôtres, I, 14.

[115] Nouveau Testament de MM. les abbés J.-B. Glaire et F. Vigouroux. Seule édition approuvée par le Saint-Siège, Appendice, p. 787.

[116] Luc, III, 41, 43, 48.

[117] Quatrième Évangile, VI, 42.

[118] Nouveau Testament, Appendice, p. 785.

[119] Après la naissance de Thamar et de Salomé, impureté majeure pendant quatorze jours, impureté mineure pendant soixante-six jours, soit quatre-vingts jours pour chacune, le double de la durée impartie pour la purification après l'enfantement d'un mâle.

[120] Lévitique, XII, 1-8.

[121] Suidas conte bien des folies, mais c'est en lui qu'est la bonne leçon : Naziréen et non Nazaréen. Dans le Talmud le radical est Nazir.

[122] Exode, XIII, 2 ; XXII, 29. Nombres, III, 13.

[123] Michée, VI, 7.

[124] Philon, De Sacrificiis.

[125] Luc, I, 78.

[126] Dès le moment que Jésus ressuscite la fille de Jaïr, le fils de la Veuve, et Eléazar dans l'Évangile, c'est qu'ils sont en règle de ce côté. Les baptistes de la Didachè sont sur ce point disciples du Nazir, ils jeûnent aux mêmes jours que lui, et appellent, eux aussi, les pharisiens des hypocrites. Gomme lui, ils méprisent d'avance renseignement évangélique où Ton voit Jésus se moquer du régime, du jeûne et des jeûneurs. — Voir la parabole du pharisien et du péager dans Luc, XVIII, 12, le péager plein de Dieu et le pharisien plein de lui-même et disant d'un ton satisfait : Je jeûne deux fois la semaine. — Ce pharisien jeûne deux fois la semaine, mais aux mauvais jours. Les pharisiens jeûnaient le jeudi, parce que ce jour-là, disaient-ils, Moïse était monté sur la montagne pour y recevoir les tables de la Loi, et le lundi, parce qu'il en était redescendu.

Dans Mathieu (VI, 16-18) Jésus semble admettre le jeûne, mais c'est par simple tolérance et pour ne pas s'aliéner les sectes où l'on jeûne, les disciples du Nazir par exemple. D'autres sectes ne jeûnent point (Mathieu, IX, 14), cela est positif.

[127] Lendemain du sabbat.

[128] Celle des Naziréens, ainsi nommée de ce qu'elle suivait étroitement les préceptes du grand Jehoudda, notamment en ce qui touche les jeûnes. Epiphane (Contra hæreses) dit que, de son temps, elle ne tuait plus de victimes et ne se nourrissait pas d'animaux. En tout cas, ces disciples des Nazirs tenaient Jésus pour ce qu il est, une pure Christophanie. Comment d'ailleurs eussent-ils pu être dupes de la mystification évangélique ? Elle partait de chez eux, ils habitaient la Gaulanitide et la Bathanée.

[129] Josèphe, De bello judaico, l. XXVIII, chap. IV. Tout cela est fort confus, mais une révision sévère des divers textes de Josèphe où il est question des généalogies hérodiennes si compliquées, — il manque un Guide à travers les différents ménages d'Hérode — m'a mis sur la bonne voie.

[130] Luc (Généalogie) ; le Talmud au Traité du Sanhédrin. (Celui de Babylone alors ? car je n'ai rien trouvé de pareil dans celui de Jérusalem.) Cette note provient de dom Calmet. Dans d'autres écrits on dit que le père de Salomé s'appelait Joachim.

[131] Généalogie de Jésus dans Jean Damascène souvent citée par dom Calmet.

[132] Luc et le Quatrième Évangile.

[133] Actes des Apôtres, XIII, 1. Il y a deux Ménahem dans l'histoire christienne et il est impossible de les confondre. Le premier est né en même temps qu'Hérode Lysanias, soit environ 730. Le second, dernier des six frères de Bar-Jehoudda et roi des Juifs en 819, est né un peu avant le Recensement, vers 759.

De Mariamne, fille du grand sacrificateur Simon, le roi de Judée eut un autre Hérode, de sorte qu'il est impossible de savoir positivement lequel, du fils de Mariamne ou de celui de Cléopâtre, eut l'Abilène et fut surnommé Lysanias. Ce fut très vraisemblablement le fils de Cléopâtre, et c'est l'explication de l'accueil relativement favorable que Bar-Jehoudda trouvera en Abilène et chez Philippe.

[134] Celle de Lichtenberger notamment. Suppression complète également de Ménahem, septième fils de Salomé, mais quoi ! n'a-t-on pas supprimé Salomé elle-même ?

[135] Les Juifs et les Samaritains s'étaient voue une exécration inextinguible. Personne du côté des Juifs ne la porte plus loin que Bar-Jehoudda. Outre Antipas, Hérode eut de Malthacé Archélaüs qui fut ethnarque de Judée et que les davidistes fuiront comme ils ont fui son père.

[136] Josèphe, Antiquités, l. XVII, ch. II, 4.

[137] Sur l'androgynisme originel tous les christiens sont d'accord. Le Juif Salomon, — pour l'Église saint Irénée — en qui se reflétait exactement le millénarisme du Jourdain, dit que le Seigneur n'est ni mâle ni femelle, c'est-à-dire qu'il a les deux sexes.

[138] Voir Fr. Lenormant, les Origines de l'histoire d'après la Bible. (1880, in-12°.)

Après Eusèbe (Praeparatio evangelica, XII, p. 535), plusieurs théologiens ont soutenu et développé la même interprétation, entre autres Augustin Steuco, de Gubbio, préfet de la Bibliothèque vaticane, choisi par Paul III comme un de ses théologiens au Concile de Trente (Cosmopœia vel de mundano opificio, in-fol., Lyon, 1535, pp. 104-106), et le P. Francesco Giorgi, de l'ordre des Frères mineurs (In Scripturam sacram et philosophiam tria millia problemata, t. I, Sectio de Mundi fabrica, probl. 29, Paris, 1522, in-4°, p. 5).

[139] Clément d'Alexandrie, Stromata, III.

[140] Une fois isolée, privée de son explication millénariste, elle a provoqué de répugnantes hérésies.

[141] Celui de Luc seulement, XX, 35, 36. On invente une discussion avec les pharisiens dans laquelle le scribe s'appuie sur les Paroles du Rabbi incontestablement.

[142] C'est l'ancien texte tel qu'il était dans les Evangiles au temps de l'auteur du Dialogue avec Tryphon, (voir ch. LXXXI in fine). On lit aujourd'hui dans le Luc du Saint-Siège : Fils de Dieu et fils de la résurrection, ce qui a un tout autre sens : la pseudo-résurrection de Bar-Jehoudda devient la garantir offerte. Le bon billet !

[143] Cité dans Clément d'Alexandrie, Stromata, III. Il est à remarquer que Salomé, en Évangile Maria, a toutes les confidences de Jésus sur cette question. La femme de Jehoudda, la mère des sept démons, mérite cette préférence.

[144] Interprétée en ce sens par les Nicolaïtes, cette parole était dans les Paroles du Rabbi. Supprimée des Evangiles canoniques, elle a donné lieu de la part des christiens aux excès les plus honteux et de la part des docteurs aux explications les plus saugrenues. Nous y viendrons, le moment venu.

[145] Stromata, l. III.

[146] Dialogue faussement attribué à Lucien et dirigé contre les christiens millénaristes dont la doctrine envahissait l'Egypte.

La sainteté originelle des hermaphrodites est une opinion aussi ancienne que le chaos dont le Jéhovah et l'Elohim ont tiré l'être humain. On la trouve auprès des Indiens et dos Chaldéens, dans les Védas et dans Bérose, auprès des Phéniciens, auprès des Grecs. Platon la met dans la bouche d'Aristophane.

[147] Ce sont les propres expressions du Quatrième Évangile.

[148] Mathieu, XIX, 12. Gloses sur les Paroles du Rabbi où elles étaient mises, comme ici, dans la bouche du Seigneur Jésus.

[149] C'est l'explication que l'Eglise a trouvée d'un événement qui aidait à comprendre le massacre des Innocents, et elle l'a glissée dans Josèphe. Le texte de Josèphe a été remanié en cet endroit et en vingt autres au cours du cinquième siècle.

[150] Mathieu, II, Nativité.

[151] Une dernière fois avant la mort d'Hérode, le zélotisme se réveilla en Jehoudda et en Mathias qui instruisaient la jeunesse de Jérusalem : à leur voix on arracha l'Aigle d'or qu'Hérode avait fait placer sur la principale porte du Temple : Hérode fit brûler Mathias et Jehoudda, puis mourut.

[152] En ce qui touche Ménahem, c'est ce qu'on croit pouvoir conclure des Actes des Apôtres où l'on rencontre parfois des traits involontaires de vérité.

[153] Patriarche d'Alexandrie, au fond le premier pape.