LE MENSONGE CHRÉTIEN - (JÉSUS-CHRIST N'A PAS EXISTÉ)

 

TOME I. — LE CHARPENTIER

AU LECTEUR.

 

 

Le masque tombe, rien n'en reste,

L'homme même s'évanouit.

 

I.

 

Au commencement du quatorzième siècle de l'ère romaine, un Scythe, né plus près de Saïtapharnès que d'Anacharsis, eut une idée sublime. Ce Scythe était moine au service de l'évêque de Rome et s'appelait Denys.

Ce Denys fît une chose à quoi on reconnaît les grandes âmes : il sauta sur la clepsydre qui marquait les jours depuis la fondation de Rome, la cassa, jeta les morceaux dans le Tibre, la remplaça par le sablier de l'Église, effaçant d'un coup cinq cents ans de l'histoire dont plus des deux tiers appartenaient en propre au paganisme, et déclara qu'il fallait compter le temps à partir de la Nativité de Jésus. On en conclut que Jésus était né. Ce Scythe fît, à lui seul, plus que n'avaient fait tous les Pères. Il n'y eut bientôt plus qu'une ère au monde, celle de la Naissance de Jésus. Après quoi d'autres moines pourvurent à l'histoire comme Denys venait de pourvoir à la chronologie. D'autres Denys comblèrent ces cinq cents ans par d'autres faux !

On avait déjà refait cinq ou six fois les Evangiles pour donner un corps à Jésus, les refaire de nouveau était difficile. Suivre le comput des Eglises juives qui fixaient la Nativité du crucifié de Pilate à 739, c'est précisément ce qu'il s'agissait d'éviter à cause des conséquences. Suivre celui d'Ethiopie qui proposait 746, c'était se rapprocher encore trop de ce qu'on voulait fuir. Adopter la date de 760 qu'on avait glissée par fraude dans Luc, c'était afficher sur toutes les murailles une imposture qui n'y aurait pas tenu, tant elle était percée à jour. Denys prit Dieu à témoin qu'on devait choisir l'an de Rome 754 comme point de départ de l'Incarnation, et, l'ignorance aidant, on ne douta plus que Jésus n'eût existé, — surtout lorsqu'on risqua sa vie à soutenir le contraire. La date de 754 n'était pas moins fausse que celle de 746, mais elle était moins décriée que celle de 760. On a dit pour excuser Denys qu'il s'était trompé de quatre ou cinq ans ; Denys ne s'est pas trompé, il a menti par ordre et encore plus par intérêt.

L'invention de Denys — qu'on a bien tort d'appeler le Petit, car c'est le plus grand de tous ses homonymes — introduisit la Nativité dans les faits acquis à la science, mieux que cela certifiés par une tradition ininterrompue. Gomment nier l'existence d'un homme dont le premier acte avait été pour ainsi dire de donner son nom à une Ere ?

 

Nous venons ici, avec les moyens malheureusement faibles dont la vérité dispose, jeter bas dans l'esprit des honnêtes gens ce long édifice de fourberie et de duplicité. Le nom réel de l'Ere chrétienne, c'est l'Erreur christienne, et on pourrait le lui conserver dans l'avenir, car s'il faut détruire le mensonge, il ne faut jamais en effacer les preuves : elles servent à en éviter de nouveaux. Le mensonge dans les mots, le mensonge dans les faits, le mensonge dans les sentiments, nous allons en avoir d'innombrables exemples. Mais le mensonge installé dans le temps ! Avais-tu prévu cela, ô Créateur ?

Jusqu'à ce qu'il n'y ait plus moyen de faire autrement, je date ici d'après l'ère de la fondation de Rome, en bon Occidental, en bon Latin, en bon Français. Et toutes les fois que, vaincu par l'usage, j'en suis réduit à employer l'ère vulgaire, je l'appelle Erreur christienne. C'est le nom qu'elle devrait porter dans l'enseignement, et il est scandaleux qu'un moine scythe du sixième siècle de l'Erreur christienne soit encore aujourd'hui l'arbitre de la chronologie appliquée à l'histoire : faire usage de faux, c'est s'associer au faussaire. La date de Denys n'est pas seulement fausse par elle-même, elle est contraire aux Ecritures canoniques : il n'y a qu'une seule indication de date dans l'Evangile, elle est selon la chronologie consulaire.

 

II.

 

L'Erreur christienne est de croire qu'il a paru un Juif consubstantiel à Dieu, pour quoi il fat crucifié par ses coreligionnaires ; qu'il a formé douze autres Juifs sur son modèle, lesquels, après avoir acheté au marché des auréoles, des nimbes et des palmes de martyre, ont parcouru le monde en stupéfiant les empereurs et les proconsuls, les rois et les tétrarques, les suffètes et les archontes, et surtout en quinauldant les philosophes ; que devant ce phénomène vraiment céleste les Dieux païens ont immédiatement plié bagage, reconnaissant l'inutilité de leurs efforts, et sans qu'on puisse savoir ce qu'ils sont devenus, l'Olympe lui-même étant un lieu peu sur ; que les cent années qui se sont écoulées depuis la naissance putative de ce Juif, qui de son vivant se serait nommé Jésus-Christ, constituent le premier siècle d'une ère nouvelle qui se serait appelée chrestienne ; que les cent années qui ont succédé à celles-là constituent le siècle second, et ainsi de suite par tranches de cent ans, jusqu'à nos jours.

La vérité est que Jésus-Christ n'a jamais existé en tant qu'homme ; que les douze apôtres n'ont jamais existé en tant que disciples et successeurs de cet homme ; qu'au prétendu premier siècle du prétendu Jésus, les Dieux d'Orient et d'Occident restèrent très fermes sur leurs positions ; qu'il n'y a point d'ère christienne en deçà de Denys ; qu'il n'y a point de premier siècle de l'Eglise avant le quatrième ; qu'il n'y a point de second siècle avant le cinquième, ni de troisième avant le sixième.

Après avoir fait mentir le temps et levé toute une armée de faux témoins, l'Eglise a fait mentir les mots. Elle a bâti Jésus de Nazareth sur un jeu de mots, jumeau du calembour évangélique : Tu es Petrus, qui lui sert de base à elle-même.

 

Il est un autre genre d'Erreur christienne, c'est de croire que l'Evangile est le testament de cet homme-dieu. Mais lorsque nous aurons rendu à Jésus Ben Sirach et à Schammaï ce qui leur appartient, lorsque Hillel, plagiant Confucius, aura repris ce qui est à lui, c'est-à-dire la seule maxime de l'Evangile qui ait un caractère d'éternité : Ne faites pas aux autres ce que vous ne voudriez pas qu'on vous fît, lorsque les chrestiens auront enlevé ce qui leur revient dans le Sermon sur la Montagne et les christiens d'Alexandrie ce qu'ils ont apporté de correction au fanatisme juif, il ne restera rien dans l'Evangile qu'une suite de discours incohérents, de paraboles contradictoires, dont quelques-unes sont franchement criminelles, de prophéties inspirées par l'esprit démoniaque et d'images déjà surannées au temps de leur emploi, pour avoir traîné partout depuis Platon jusqu'à Horace. Et s'il le faut, nous choisirons des exemples parmi les peuples les plus diffamés, pour vous montrer à quel point l'idéal païen était plus près de Dieu que celui de cet infernal rébus. Pour le reste, personne ne nie qu'il n'y ait du bon dans l'Evangile : les principes que l'Eglise a abandonnés sont excellents.

Il est encore un autre genre d'Erreur christienne, c'est de croire que le prétendu testament de Jésus a été recueilli par quatre Evangélistes. La vérité est qu'il n'y en a jamais eu plus de trois, lesquels attestent tous les trois l'inexistence de Jésus et n'ont pas écrit un traître mot des quatre Evangiles.

 

III.

 

Fixons d'abord, sans discuter, l'état du préjugé christien tel que l'Église l'a insinué par la ruse et imposé par la force.

Le dieu qui a été crucifié par Pontius Pilatus s'appelait Jésus, il avait revêtu la forme d'un Juif, comme en témoigne sa circoncision au huitième jour. Il est né à Betléhem, sous Auguste, le 25 décembre 754. Sa mère s'appelait Marie, mais son père réel était Dieu lui-même. Joseph n'est que son père adoptif, et Marie est demeurée vierge. Dieu pour préparer le monde à la venue de son Fils a envoyé sur la terre un précurseur nommé Jean dont le père s'appelait Zacharie et la mère Elisabeth. Jean est né environ cinq mois avant Jésus, ils étaient cousins.

L'an quinzième de Tibère, soit 782, Pontius Pilatus étant gouverneur en Judée et Kaïaphas, grand prêtre à Jérusalem, Jean commença de baptiser au Jourdain, annonçant Jésus de Nazareth ainsi nommé du bourg qu'habitaient ses parents. Cette année-là, Jésus, âgé d'environ trente ans, s'est présenté à Jean qui l'a baptisé après l'avoir reconnu pour le Messie de ses rêves. Le Saint-Esprit lui-même s'est mêlé de la chose sous la forme d'une colombe, et on a entendu la voix de Dieu crier du haut des cieux : Celui-ci est mon Fils aimé en qui je mets mon bon plaisir. Cet événement considérable, quoiqu'il n'ait eu d'autres témoins que Jésus, Jean et la colombe, a été constaté par Mathieu l'Évangéliste[1]. Il ne saurait faire doute, car en dépit de quelques contradictions qui n'emportent point le fond, il est mentionné par Marc, par Luc et par Jean, fils de Zébédée, dit-on. Selon quelques-uns, Jean le Baptiste aurait quelque peu tergiversé après le témoignage de la colombe, mais devant les miracles accomplis par Jésus, il s'est rendu à l'évidence : Jésus était bien le Christ promis par Dieu lui-même non seulement aux Juifs mais à tous les hommes pour les sauver de la mort et du péché. Pendant que Jésus prêchait son admirable doctrine et prouvait sa divinité par ses miracles et résurrections, Jean est mort, décapité par ordre d'Hérodiade, si officiellement, si publiquement, si définitivement décapité que toute la Cour d'Hérode Antipas a vu sa tête dans un plat, après quoi ses disciples l'ont enterré.

Jésus, poursuivant sa carrière après la décollation de Jean, a prédit qu'à son tour les Juifs le crucifieraient, mais qu'il ressusciterait le troisième jour ; il a donné librement, spontanément sa vie pour le salut du genre humain et, après avoir célébré au milieu de ses Douze Apôtres la pâque dans laquelle il a institué le sacrement de l'Eucharistie par où chacun de nous participe de son corps et de son sang, il est mort de la façon que l'on sait, livré par Judas et victime d'un effroyable malentendu dont les Juifs portent seuls la responsabilité, car Pilatus inclinait à hi clémence. Comme il ne pouvait pas, étant le Fils de Dieu, rester au sein de la terre, il en est sorti le troisième jour à l'instar de Jonas sortant de son poisson, et il est monté au ciel d'où, assis à la droite du Père, il reviendra pour juger les vivants et les morts. L'enfer attend ceux qui pendant leur vie ne se seront pas incorporé sa divine chair et son précieux sang. Toutes ces choses ont été comme disent les Evangélistes, qui relatent des faits constatés par douze témoins appelés apôtres auxquels s'est joint un pharisien d'abord ennemi de ceux-ci sous le nom de Saül, mais tellement ami de la vérité sous le nom de Paul qu'il s'est converti à Jésus et a porté en tous lieux la nouvelle de sa résurrection. Aucune supercherie n'a donc été possible.

 

Voilà résumé aussi succinctement que possible l'état du préjugé christien. Vous observez comme moi que toute la religion repose sur ce postulat que le Christ annoncé par Jean serait venu en chair, qu'il aurait survécu à Jean et laissé l'Eucharistie comme preuve testamentaire de sa vie corporelle.

Eh bien, malgré l'intérêt manifeste que j'aurais à être sauvé par ce moyen à la portée de toutes les bourses, la vérité m'oblige impérieusement à déclarer qu'il y a là une suite d'impostures, de fourberies, de supercheries, telles que le soleil n'en a jamais éclairé de semblables depuis la création de la terre, l'estimât-on, comme les savants actuels, à cent millions d'années !

 

IV.

 

Afin que le public sache immédiatement où je veux le conduire, j'inscris en tête de cet ouvrage les conclusions auxquelles je suis arrivé par l'étude et la comparaison de tous les documents relatifs à la matière. Je les formule le plus catégoriquement possible afin que les adversaires sachent où frapper, ce qui, je le reconnais, n'est point conforme à la tactique moderne. Mais dans une pareille bataille honte à celui qui ne combat point à visage découvert !

I. Jésus n'a jamais existé,

II. Nazareth non plus, du moins avant le huitième siècle.

III. Le héros des Evangiles n'est autre que le fils aîné de Jehoudda, Gaulonite de naissance : ce Jehoudda désigné par les scribes évangélistes sous les divers pseudonymes de Joseph, de Joannès, de Zacharie, du Charpentier et du Zibdeos (le Zébédée de la version ecclésiastique).

Le fils aîné de Jehoudda, Bar-Jehoudda, est né au mois de décembre 739,

IV. Il ne s'appelait pas Jésus de son nom de circoncision, mais Jehoudda comme son père, et il est désigné par les scribes sous quatre surnoms essentiels, le Joannès ou révélateur, le Jésus ou sauveur, le Nazir ou voué, le christ ou oint, dont l'Eglise a tiré les deux personnages principaux de l'Evangile : Joannès le Baptiste et Jésus de Nazareth, qui sont un seul et même individu, lequel na nullement été décapité par Hérodiade, mais condamné par les Juifs pour crimes de droit commun et crucifié par Pilatus pour révolte à force ouverte.

V. Sa mère s'appelait Salomé, désignée par les scribes sous les divers pseudonymes de Maria la Magdaléenne ou Maria tout court, de la Mère des fils de Zibdeos ou Eloï-schabed, dont l'Eglise a tiré quatre personnages distincts : Maine la Vierge, Marie-Magdeleine la Pécheresse, Elisabeth, mère de Joannès, et Salomé, mère des fils de Zébédée, alors qu'il s'agit d'une seule et même femme, irréprochable épouse en dépit des soupçons que l'Eglise par ses interprétations absurdes fait planer sur Marie et des ignobles calomnies quelle a déversées sur la Madeleine.

VI. Comme Vierge, Marie n,a pas eu moins de neuf enfants, dont sept fils, alors que, comme Pécheresse, Marie-Magdeleine peut servir de modèle aux femmes de tous les temps, particulièrement de celui-ci.

VII. Ces sept fils sont, outre Bar-Jehoudda, Shehimon surnommé la Pierre d'Horeb, Jacob senior, Philippe, Jehoudda junior (Thomas), Jacob junior (André) et Ménahem, le plus célèbre de tous dans l'histoire juive.

VIII. Jehoudda Is-Kérioth, exécré sous le nom de Judas l'Iscariote, n'a jamais trahi personne et c'est le seul personnage de l'Évangile qui soit à peu près défendable.

IX. Guidée par l'instinct de la conservation, toute notre sympathie doit se détourner de l'homme crucifié dans le guol-golta, pour aller aux Juifs de Kaïaphas (Caïphe) et aux Romains de Pilatus.

X. De même que Bar-Jehoudda n'est né ni en 746 ni en 754, il n'a été crucifié ni en 782 ni en 785, comme l'a dit successivement l'ancienne Eglise, mais le 14 nisan 788 vers deux heures de l'après-midi, la veille de la pâque[2]. Il n'avait ni trente ans ni trente-trois ans, comme fa dit non moins successivement la même Eglise, il en avait cinquante.

 

Le Juif qui a été crucifié n'a même pas le mérite d'avoir inventé le baptême, et c'est le très humble disciple comme le fils très soumis de celui que l'Évangile appelle tour à tour Joseph, Joannès, Zibdeos ou le Charpentier.

Le Juif qui a été crucifié n'a jamais prononcé le moindre Sermon sur la Montagne, il n'a jamais eu l'ombre d'une pensée fraternelle, il n'a jamais prononcé un seul mot de bonté, de justice ou de pitié, tous sentiments auxquels il était complètement étranger.

Le Juif qui a été crucifié n'a jamais fait le moindre miracle.

Le Juif qui a été crucifié n'a jamais donné sa vie pour qui que ce soit et on a eu beaucoup de peine à la lui prendre, attendu les dispositions exceptionnelles qu'il avait pour la fuite et qui ont rendu son arrestation difficile.

 

Le Juif qui a été crucifié n'a jamais célébré la moindre Gène le soir de la Pâque, par la bonne raison qu'il était en croix depuis la veille à deux ou trois heures de l'après-midi.

Le Juif qui a été crucifié n'a jamais donné le moindre corps, le moindre sang, rompu le moindre pain, bu le, moindre vin pour le salut de l'humanité, et ce qu'il se proposait, si Dieu ne l'eût puni comme il le méritait, c'était de sacrifier toute la civilisation au rêve le plus inepte et le plus pervers qui ait hanté la cervelle humaine.

Non seulement le Juif qui a été crucifié n'est jamais revenu à la vie pour monter ensuite au ciel, mais loin de prétendre qu'il fût ressuscité, sa mère, ses frères, ses, sœurs et son beau-frère ont soutenu qu'il avait échappé au châtiment et qu'il vivait encore au milieu d'eux.

Voilà l'homme, ecce homo.

Nous examinerons toutes ces questions, dont quelques-unes sont déjà résolues par la nature, au fur et à mesure qu'elles se poseront dans l'ordre chronologique.

 

Quant au Jésus qui fait les miracles et les résurrections et qui termine par celle du Joannès-jésus lui-même, il n'existe qu'en vertu du droit mythologique.

I. Il est de la même essence que Jupiter, Apollon, Sérapis ou Mithra,

II. Loin d'être le fils de Marie, il est son Père et son Epoux,

III. Il est le Créateur et Protecteur des Juifs, peuple de Dieu, à l'exclusion des nations, notamment et expressément de la notre,

IV. Il n'est jamais venu, au monde,

V. La preuve qu'il n'y est jamais venu, c'est que la France y est encore, car il devait la détruire comme entrée de jeu ainsi que tout l'Occident.

VI. C'est une simple Christophanie, une pure ombre de Christ, et avant sa fausse Nativité introduite dans Luc à la fin du troisième siècle, on n'a pas trouvé de scribes asses impudents pour avancer qu'il y avait eu deux person7ies au Jourdain, Joannès et Jésus, on n'en a pas trouvé d'asses sots pour le croire.

Cela ne veut point dire que la Passion soit un pur mythe, comme Ta écrit M. Salomon Reinach dans un de ces élans d'omniscience qui le soulèvent au-dessus du globe terraqué. Il y a bien eu quelqu'un sur la croix, mais ce n'est pas Jésus, il n'a jamais quitté le ciel, il n'est jamais descendu sur la terre où le Joannès-jésus l'attendait pour la journée du 15 nisan 789.

 

Mal préparés à ces conclusions, vous prenez en pitié mon outrecuidance, et en moquerie la présomption des Juifs qui espéraient à la pâque de 789 voir tomber du ciel le Christ coiffé de la tiare de Saïtapharnès. De mon outrecuidance vous penserez comme il vous plaira, mais tant que vous croirez qu'un ancien charpentier juif est 1, Fils de Dieu, qu'il a créé le monde, qu'il dépend de lui de le détruire, de vous sauver ou de vous perdre, vous serez dans de très mauvaises conditions pour vous moquer des Juifs. Je vous engage même à surseoir à ce mouvement de gaieté, bien que les occasions de rire soient rares et qu'il n'en faille négliger aucune.

 

V.

 

Fixons maintenant, avec la même brièveté, l'état du préjugé quant aux Ecritures produites par l'Église.

Au premier rang se placent les Evangiles dont deux ont été écrits par les apôtres Mathieu le publicain et Jean, fils de Zébédée, qui ont vu et connu personnellement Jésus, puisqu'ils ont été mis par lui au nombre des douze. Comment nier que Jésus ait existé ? Jean, fils de Zébédée, s'est appuyé sur son sein pendant la Cène.

Les Actes des Apôtres sont la suite des Evangiles, ils ont la même valeur testimoniale. Parallèlement aux Actes, les Lettres de saint Paul viennent confirmer l'existence de Jésus, car c'est Jésus lui-même, Jésus de Nazareth, que Paul a prêché, vaincu par l'évidence de sa Résurrection. Les Lettres de Pierre, de Jude, de Jacques et de Jean sont également des témoignages d'une impérissable authenticité. Du reste, qui ne sait qu'après avoir été pape à Rome pendant vingt-cinq ans et trois mois, Pierre a expié sur la croix le crime d'avoir prêché la résurrection, tandis qu'à ses côtés Paul payait de sa tête celui d'avoir répandu la même vérité parmi les nations ?

Jésus crucifié, ressuscité et monté aux cieux est également le héros de l'Apocalypse que saint Jean, l'apôtre bien-aimé, a écrite en l'île de Pathmos sous le règne de Domitien, et ce Jean est l'auteur du Quatrième Evangile.

 

Or vous verrez que l'Apocalypse est antérieure de plus d'un siècle à toutes les autres Écritures, que toute la mystification évangélique en est sortie, et que le prétendu Jean n'a jamais reposé la moindre tête sur le sein du moindre Jésus. Vous verrez ensuite qu'à part certains endroits de l'Evangile où la vérité passe la main comme par un jour de souffrance, ce qu'on appelle le Nouveau Testament, depuis les Actes des Apôtres jusqu'aux Lettres de Paul, est une imposture grossière et le plus souvent ridicule. Vous aurez dans les doigts tous les fils de la ruse et toute la trame du mensonge, à commencer par la preuve que jamais Shehimon dit la Pierre n'a mis les pieds à Rome et que jamais Saül dit Paul n'y a prêché la moindre résurrection. D'ailleurs la supercherie ne commence pas à la résurrection du crucifié, elle commence à la Nativité de Jésus, faux gigantesque dans ses effets, quoiqu'il n'ait pas coûté plus d'un quart d'heure au faussaire.

Il va sans dire qu'avant de conclure ainsi, nous nous sommes assuré que ce qui a été glissé sur Jésus-Christ dans Tacite et dans l'historien juif Josèphe fait partie de la vaste collection des fraudes de l'Eglise. Au surplus, fussent-ils authentiques, ces passages concerneraient le fils aîné de Jehoudda, surnommé de son vivant le Jésus et le christ par les disciples de son père.

Mais devons-nous considérer le silence des annalistes sur Jésus comme une preuve suffisante de son inexistence ? Nous ne l'avons pas pensé. C*est simplement une preuve que l'homme crucifié par Pilatus n'a rien fait de ce qu'on lui prête, car après une vie marquée par des phénomènes aussi extraordinaires que les miracles et les résurrections, il serait immédiatement et comme par effraction entré dans l'histoire universelle. Nions-nous qu'il y ait des hommes et des choses dont l'existence soit réelle, bien qu'elle ne soit point recueillie par les manuscrits ? Nullement. On trouve tous les jours dans la pierre ou dans le bronze la preuve de faits qui ont échappé à l l'histoire : une inscription, une médaille, une amphore sont des témoignages autrement positifs que l'allégation d'un historien égaré par le temps et la distance. Ici j nous n'avons ni le témoignage de l'histoire, ni l'inscription, ni la médaille, ni l'amphore, nous étreignons le I vide éperdument. — Mais la vraisemblance ne se | dresse-t-elle pas si impérieuse qu'il n'y ait guère moyen de douter ? — Au contraire, elle se montre si faible qu'il n'y a pas moyen de croire. —Mais ne peut-il arriver que le vrai ne soit pas vraisemblable ? La vie n'est-elle pas pleine de faits à la fois invraisemblables et réels ? —Sans doute, et on en cite qui passent l'imagination la plus extravagante, d'autres qui déconcertent la raison la mieux armée. — En ce cas pourquoi contester que la ville de Jérusalem ait été sous Tibère le théâtre d'événements au-dessus de la compréhension humaine ? — Précisément parce qu'ils la dépassent de tant de coudées que toutes les annales juives, grecques, romaines, syriennes, arabes, égyptiennes, en seraient pleines. Or le peu que l'Eglise nous en a laissé enregistre unanimement, sous les couleurs les plus noires, le passage sur la terre juive non d'un être divin par ses miracles ou par sa morale, mais d'un charlatan fort ordinaire justement puni de Dieu pour ses impostures et ses crimes. Il n'a donc rien fait ni rien dit de ce qu'on lui attribue dans l'Evangile. D'autre part, aucun Juif en aucun temps, particulièrement sous Tibère, n'étant monté au ciel, nous avons la preuve qu'à un tournant quelconque l'Evangile est sorti des faits sensibles pour entrer dans l'allégorie d'abord et dans la mystification ensuite.

A quelle époque a-t-on commencé la transfiguration de Bar-Jehoudda ? Pourquoi lui a-t-on incorporé Jésus, le Dieu sauveur des Juifs ? N'est-ce point parce qu'aucune des Apocalypses du Joannès ne s'est réalisée que Jésus est descendu dans l'encrier des évangélistes ? N'est-ce point pour relever le prophète d'une faillite qui englobait la Judée tout entière ? Après avoir défini le point de départ de la christophanie, nous dirons comment on en est venu à la mystification, de la mystification à l'imposture actuelle, et pour quelles raisons, de Juif xénophobe qu'il était dans les premières versions, le Jésus est devenu ami des hommes et finalement si contraire aux Juifs de la Loi qu'il a souvent la mine d'un apostat. En attendant, tenez pour certain que s'il a été ramené de la conception d'un messie triomphant à l'image pitoyable d'un messie martyr, une manière de pis-aller proposé aux Juifs pour se maintenir dans le monde après abandon de leur rêve glorieux, c'est contre le gré des christiens et au lendemain de désastres irréparables. Après la conquête par l'épée jugée impossible, la conquête par l'esprit, rendue possible par la puissance de prosélytisme qui appartient en propre à la race juive. Après la faillite des prophéties, le concordat de la Résurrection, plaidé sous la forme romanesque des Évangiles.

Car il y avait quelque chose à l'actif de cette faillite, un principe : Le salut est aux Juifs ; un commerce : le baptême. Cette spéculation n'a point échappé aux politiciens de l'Église — je puis citer Augustin — et si nous ne la percevons plus nettement, c'est que notre vue a baissé.

 

Mais n'anticipons pas. Je me borne pour le moment à établir que Jésus n'est point et je vous prie de circonscrire dans cet unique objet le champ de votre curiosité. Ne m'accablez pas de questions étrangères à ; mon sujet, comme de savoir par quelle suite d'événements une mystification aussi énorme est devenue la ; religion de la partie la plus éclairée du genre humain. Je démontre l'imposture — l'empereur Julien a dit le vrai mot : fourberie ; — pour le reste, adressez-vous ; aux philosophes, ils vous l'expliqueront, surtout s'ils ne sont pas trop profonds.

 

VI.

 

Telles sont les conclusions que je développerai dans les volumes qui se succéderont sous ce titre générique de Mensonge chrétien, quoique j'aie à m'excuser tout de suite, non du mot Mensonge, mais du mot chrétien, qui est impropre.

Afin de ne blesser ni l'étymologie ni la vérité, je n'emploie jamais le mot : chrestiens pour désigner les Juifs qui ont prêché le Christ. On ne trouvera ici que le mot christiens, le seul qui leur convienne. Il n'y a pas eu un seul chrestien en Judée pendant les trois premiers siècles. Il n'y a pas plus de rapport entre les Christiens et les Chrestiens qu'entre les Parisiens et les Pharisiens, les Polonais et les Bolonais, les Hollandais et les Bollandistes, les Roumains et les Romains, les Finnois et les Chinois. Lorsque nous rencontrerons des chrestiens, nous le dirons et les appellerons de ce nom.

Quatre siècles après la pseudo-Nativité de Jésus, on trouvait encore de parfaits chrestiens, qui n'étaient point baptisés, ne voulaient point l'être, se distinguaient par un antijudaïsme radical, protestaient énergiquement contre l'assimilation possible d'un homme à »un dieu, et ne savaient pas le premier mot de la fable . jésu-christienne, ou ne la produisaient que pour en dénoncer le scandale.

J'ai donc supprimé le mot saint devant le nom des personnages que l'Eglise a canonisés : l'histoire ne connaît pas de saints. C'est une suppression que la morale commande quelquefois, et elle ne trouble en rien dans leur possession d'état les pieuses gens qui, comme Shehimon dit la Pierre, ont guidé l'humanité dans les voies de Dieu, à travers les brouillards du sang et les fumées du bûcher.

On ne saurait être trop dur pour les christiens dont il est question ici. (Il est des livres qu'on devrait écrire avec une pioche.) Je le suis beaucoup moins qu'on ne l'a été de leur temps, et que Jésus ne l'est lorsqu'il parle d'eux. Comme patriotes, ils appartiennent aux Juifs, et c'est à ceux-ci de les juger. Comme imposteurs et charlatans, ils sont de notre ressort, car nous en avons été les victimes et nous en sommes encore les dupes. Si Dieu avait écouté ces coquins, la terre à laquelle nous sommes attachés ne serait, depuis dix-neuf cents ans, qu'un amas de cendres au milieu duquel on verrait un îlot de verdure où des Juifs éternels se gaudiraient des malheurs publics avec l'indécence de singes gambadant sur des cocotiers.

 

VII.

 

Voilà des propositions étrangement subversives, et je vois que tous les poils de la tradition contrariée se hérissent sur votre crâne. Mais ce n'est là qu'un premier mouvement, dans lequel il entre encore plus d'étonnement que d'irritation. Vous êtes chrestien, c'est-à-dire bon, et ce mouvement a vite passé pour faire place à la pitié, à la douce pitié que recommande l'Evangile, revu et amendé par les païens : Plaignons, dites-vous, plaignons sincèrement ce malheureux qu'enivre le vin de la logique. (Henri Monnier dixit.) Il se figure sans doute qu'il va renverser par quelques feuilles de papier noirci un édifice consolidé par la foi de trois cent soixante-cinq millions d'hommes, chiffre accusé par les statistiques. Plaignons, oh ! oui, plaignons profondément, puisque nous ne pouvons le brûler, ce grimaud imbécile. (Tst, tst, n'appelez point votre frère imbécile, avant d'avoir réfléchi sur votre cas...) Si ce n'est point un imbécile, quoiqu'étant homme il ait des chances, c'est un gaillard qui manie le paradoxe avec dextérité, se mire dans ses imaginations, jongle avec les hypothèses, ergote sur les textes, exploite les obscurités, jette des pierres dans l'eau pour y faire des ronds et s'amuse à déranger les grenouilles : esprit frivole et désœuvré, comme l'indique assez ce puéril exercice.

Si Jésus n'avait pas existé, cela se saurait ! Quand l'élite de l'humanité, — ne citons personne pour que chacun puisse s'appliquer le bénéfice de cette locution, — les historiens les plus fameux de tous les temps et de tous les pays, les exégètes les plus transcendants de toutes les Académies, ont pris Jésus pour point de ou d'appui de leur système et de leur enseignement ; quand la conscience universelle (oh ! le beau mot !) s'est prononcée ; quand douze ou quinze cents ans de sculpture, de peinture et de gravure déposent authentiquement du type de Jésus, de ses traits, de ses cheveux, de ses yeux, de son nez, de sa bouche et de sa barbe ; quand des millions d'hommes sont allés, rondache au poing, disputer sa tombe aux infidèles et ont pavé de leurs os la route de Jérusalem ; quand d'autres millions d'hommes, taxés d'hérésie pour avoir ou douté ou nié ou discuté, ont, las de souffrir, baisé dans les flammes l'image de cet infaillible Sauveur ; quand, sans héroïsme mais avec la conviction que donne le témoignage ininterrompu des siècles, d'autres millions d'êtres ont vécu, s'incorporant par l'hostie la chair de la Présence réelle, un monsieur, vêtu d'un complet à quatre-vingt-quinze francs, surgit de l'ombre épaisse qui l'enveloppe et crie à cette génération effarée : Jésus n'est pas né ! Et ce monsieur n'est même pas officier ministériel ! N'est-ce point un fou ? (Plût à Dieu que je fusse fou ! Le succès serait assuré.)

 

Pardon... Ce monsieur vient vous dire : Ce que vous prenez pour un être ayant eu vie est un produit manufacturé. Confiez-le moi, je vais le démonter sous vos yeux pièce à pièce, comme une montre. Tout en travaillant, je vous dirai comment il a été fabriqué, où, quand et par qui. Le boîtier et le mouvement sont de fabrication juive, le grand ressort a été fait à Rome, telle pièce a été changée, telle autre a déjà été arrangée. Laissez-le-moi jusqu'à ce soir, je vous le rendrai intact avec le cadran et les aiguilles. Si vous avez peur que je vous l'abîme, asseyez-vous là, je vous prête mes instruments, vous ferez le travail vous-même. La question n'est plus du tout de savoir si Godefroy de Bouillon a eu tort d'aller à la croisade, ou si Bossuet, Chateaubriand, Benjamin Constant, Strauss, Proudhon, Renan, Peyrat, Havet, Larroque et Jules Soury qui tous croient à l'existence de Jésus, sont l'élite de l'intelligence critique, mais si le monsieur vous a prouvé que Jésus est un produit manufacturé dont il vous a fait voir et toucher le mécanisme. Étant une, la Vérité ne peut être à la fois du côté du monsieur et des trois cent soixante millions d'hommes. Ne l'accablez pas sous le prétexte qu'il est seul, cela n'est pas chevaleresque. Il ne leur fait aucun tort, puisqu'à la fin de son travail il leur rend Jésus en bon état, que dis-je ? fonctionnant mieux, et qu'ils peuvent continuer à s'en servir tant qu'ils le voudront, sans aucun empêchement. Vous ne devez donc lui opposer ni le nombre, ni l'élite, mais seulement, si vous le pouvez, confondre son ignorance et l'écraser sous son erreur.

S'il manque à sa parole, avez-vous songé, trois cent soixante-cinq millions d'hommes, au châtiment terrible dont vous disposez contre lui, sans employer ni violence ni coercition ? Savez-vous bien que depuis la Création du monde, même en la reculant de beaucoup, il n'y aura jamais eu personne de plus ridicule ? Ne sentez-vous pas qu'à lui seul il va l'être trois cent soixante-cinq millions de fois ? (C'est presque une fortune d'Amérique.) Voyez-vous le cyclone qui de toutes les Universités, depuis Paris jusqu'à l'Harvard, de toutes les Sorbonnes, de toutes les Facultés, de tous les Consistoires, de toutes les Synagogues, de toutes les Eglises, va s'abattre, en arguments sans réplique, en démentis sans mesure, en rectifications sans frein, sur un pauvre diable qui ne pourra même pas se consoler de sa solitude par la contemplation domestique de quelques peaux de lapin cousues sur une robe ou de palmes vertes brodées sur un col, et qui va devenir plus célèbre en un instant par sa chute qu'Homère, après trois mille ans, par son génie ? Y a-t-il, dans l'Enfer, une peine plus grande que celle-là ?

 

VIII.

 

II se trouvera des gens grincheux pour nous demander le secret d'une assurance qui semblerait un défi à l'opinion publique si nous n'en révélions le fondement.

Avant tout, nous nous sommes demandé quels guides nous devions suivre dans la recherche de la vérité. Les Juifs ? A Dieu ne plaise, car ce sont des déicides et des réprouvés, sur qui la colère s'est depuis longtemps appesantie ! Les païens ? Non, certes, car les païens sont des êtres orgiaques vautrés sur des peaux de tigre ; et d'une main que l'ivresse fait trembler, ils portent à leur bouche des coupes pleines d'un vin qui incendie leurs sens déjà allumés par la présence de joueuses de flûte, proie facile de leur insatiable luxure ! Les protestants ? Ah ! que nenni, nous connaissons trop ces mauvais fils de l'Église ! Mordant le sein qui les a nourris, ils Tout ensuite abandonné pour on ne sait quelles spéculations théologiques sous lesquelles ils déguisent hypocritement les ambitions les plus effrénées ! Les libres-penseurs ? Encore moins, car, sollicités par les appétits grossiers du matérialisme, ils sacrifient tout idéal religieux aux théories décevantes du progrès de l'homme par l'homme, et aux conceptions chimériques d'un monde social amélioré par lui-même ! Les exégètes laïques ? Que Dieu nous en préserve ! Nos âmes ne sont que trop battues par le souffle desséchant du scepticisme, et nous ne désespérons point de la raison jusqu'à prendre l'incertitude pour critérium !

A qui nous attacherons-nous donc ? Au Saint-Siège, au seul héritier de la parole divine, au seul dépositaire des vérités éternelles, au seul guide des consciences égarées I Nous ne suivrons que les textes approuvés par lui, que les dogmes par lui contrôlés, que les interprétations par lui consacrées. Nous ne voulons nous abreuver qu'à ces sources immaculées, nous maudissons, nous détestons comme entachés de vanité mondaine tous les ouvrages qui n'ont point été préalablement revêtus du sceau de la Congrégation de l'Index, et qui n'ont point été écrits dans le sentiment d'obédience et de soumission dû à l'autorité pontificale, nous les vouons aux flammes dans le foyer de la foi. Ceci fait, nous prenons exactement le contre-pied de tout ce que Rome avance, de tout ce qu'elle dispose, de tout ce qu'elle édicté et, à la condition de ne jamais nous laisser distraire en rien de cette méthode, nous sommes certains d'aller au-devant de la vérité : elle est toujours le contraire de tout ce que Rome édicté, de tout ce qu'elle dispose, de tout ce qu'elle avance, et, nous le proclamons bien haut, non avec des réticences comme font les modernistes, envisagé sous cet angle, d'ailleurs obtus, le Vatican est infaillible : sur mille cas, il ne nous a pas encore une seule fois trompé. Louange à Dieu !

 

Et, quand nous avons par devers nous la preuve que cette règle de conduite est la seule qui donne des résultats en quelque sorte mathématiques, nous irions la compromettre en suivant toute autre voie ? Nous ne ferons pas cela, nous ne donnerons point de démenti à notre système.

Il s'est levé, je le sais, une manière d'hommes qui s'attribuent la haute main sur l'étude dupasse. Ils s'appellent exégètes. Autrefois, ils se contentaient du nom un peu commun de critiques, mais depuis que le public ne les comprend plus, ils se disent exégètes, et dans ces dernières années ils en sont venus à des formes de langage qui donnent à leurs livres l'aspect sinistre d'ouvrages de médecine incomplètement traduits du grec byzantin. Puisqu'ils se comprennent entre eux sans le secours d'un dictionnaire, on se demande pourquoi ils écrivent dans une langue qui ressemble de temps en temps à du français. J'ai essayé d'éviter ce défaut. Et pourtant, quoique ma rupture avec l'Université date de loin, je suis encore de taille à forger des mots et même des phrases incompréhensibles du vulgaire. Je n'ai pas cru devoir user de cette faculté pour dissimuler mon ignorance.

 

IX.

 

Le secret de Jésus n'exige pas que pour le percer on s'affuble d'une robe de pédant. Il s'agit ici d'une démonstration au tableau, en bras de chemise, par un homme exempt de tout cabotinisme. Démonstration, oiseau au vol un peu lourd. Bien des pages seraient inutiles, si la force de l'argumentation n'était pas liée à l'abondance des preuves. Je me suis répété, mais vous y gagnerez, car j'ai pu éviter, dans bien des cas, ces annotations encombrantes qui font ressembler le texte au petit Poucet chaussé, — on pourrait presque dire coiffé — des bottes de sept lieues.

Quoique les erreurs soient inévitables en un pareil sujet, du moins n'y eu a-t-il point d'assez fortes pour infirmer la conclusion. Ne me signalez pas les défauts de l'écrivain, je suis résolu à ne m'en corriger point. Au contraire, relevez impitoyablement les erreurs de fait, de date, de lecture, de traduction, de transcription, ou telles autres que vous rencontrerez dans ces travaux. Tâchez surtout d'en trouver de réjouissantes, afin de me délasser. Indifférent à la critique où l'on n'apprend rien, je suis étonnamment sensible à celle qui instruit, et quand elle m'amuse, fût-ce à mes dépens, oh ! alors je vais jusqu'à la reconnaissance. Je rectifierai de grand cœur, les vanités de l'érudition étant d'un faible poids dans la balance de la philosophie.

Pour le fond je ne crains ni démenti ni rectification, étant beaucoup plus sûr de l'inexistence de Jésus que de ma propre existence. Toutefois, n'allez pas trop vite en besogne. Il y a ici des erreurs que je sais et auxquelles j'adhère étroitement. Juif du premier siècle, je ne saurais admettre un seul instant la rotation de la terre. Je ne renonce pas à mon ignorance, elle m'est nécessaire, indispensable même.

Grâce à elle j'ai pu résoudre des problèmes dont un savant n'aurait jamais pu se tirer. Il y aurait apporté des idées cosmologiquement vraies mais théologiquement fausses. Ainsi aurait-il fait des avances au diable et, par conséquent, se serait damné. Je reprends pour mon compte la rétractation de Galilée devant le sacré Concile réuni pour confirmer d'un suffrage unanime la théorie de l'immobilité de notre planète : A genoux devant vos Eminences, ayant sous les yeux les Saints Évangiles que je touche de mes propres mains, je maudis, je déteste l'erreur et l'hérésie du mouvement de la Terre. Il est clair que la Terre ne tourne pas dans l'Évangile — c'est plutôt la tête.

Nous aurons à examiner divers thèmes astrologiques qui touchent à Jésus et dont il est le principe. Comme lui, à la face indignée de la science contemporaine, je conteste audacieusement que les signes du Zodiaque se soient déplacés par suite de la précession des équinoxes. Jésus et moi, nous ne tenons aucun compte de ces phénomènes : astronomiquement les signes ont joué sur la sphère, mais comme ils sont ici aux ordres de la loi juive, on ne peut admettre qu'ils se soient permis de travailler les jours de sabbat.

 

Quelques personnes, élèves de Prud’homme pour le style et de Jocrisse pour la logique, m'ont déjà reproché de n'avoir pas le ton de l'histoire. Peut-être faudra-t-il le prendre pour parler de Torquemada. Mais de Scapin ? Nous couvrirons-nous la tête d'un cilice parce que nous avons été bernés ? Rien de plus ridicule que la dupe larmoyante. Quelle puissance dans le rire quand il est du même côté que la raison ! Et surtout ne nous croyons pas dignes, ne nous croyons pas nobles, ne nous croyons pas sentimentaux, ne nous croyons pas sensibles lorsque nous nous faisons du chagrin pour des malheurs qui n'ont jamais eu lieu. La tristesse sans objet est une forme du mal, et je me demande ce que vous répondrez à Jésus lorsque, de sa bouche strictement divine, il viendra vous dire, non pas une fois mais deux ou trois cents : Je ne suis pas né, je n'ai pas fait de miracles, je ne suis pas mort et le testament qu'on produit de moi est un faux testament. Oui, vraiment, je suis curieux de voir ce que lui répondra cette Thérèse Humbert qu'on appelle l'Église[3].

 

X.

 

J'ai trouvé, mais vous eussiez trouvé comme moi. Le seul mérite de ces livres, c'est que tout le monde peut dire : J'en aurais bien fait autant. En effet, parmi les Français d'intelligence moyenne, il n'y en a pas un qui ne soit capable de cet effort, à la condition d'avoir du temps, du bon sens et la ferme volonté de ne pas mentir. Du temps surtout, car si pour le talent je demeure au-dessous de tous les écrivains qui m'ont précédé dans ces études, je leur suis supérieur à tous par une patience qui me fait l'égal des anges.

Je n'ai conclu qu'après dix ans de travail et j'ai eu un courage dont manquent presque tous les auteurs : celui de jeter au feu plusieurs volumes dans lesquels, égaré par mes devanciers, je partais de l'hypothèse que Jésus avait réellement existé. C'est une preuve de conscience qui a son prix, étant donné l'importance que les écrivains attribuent d'ordinaire à leurs erreurs ! Il vaudrait mieux, je le reconnais avec vous, que la vérité tombât du haut d'une chaire — celle de saint Pierre par exemple — ou qu'à défaut d'un roi de l'exégèse, les recherches eussent été conduites par un prince de l'Eglise. Les conclusions n'auraient pas été les mêmes ! Et pourtant Léon X se moquait ouvertement de cette belle fable du Christ qui avait été si utile à l'Église romaine : franchise un peu cynique sans doute, mais qui fait honneur à la pénétration du souverain pontife. Le Vatican semble avoir abandonné cette voie : du moins fait-il montre d'une torpeur extrême, et je vois bien que si quelque individualité sans mandat ne porte pas la question devant le troupeau des fidèles, elle sera encore pendante au vingt et unième siècle de l'Erreur christienne. C'est mon infimité qui me décide.

 

Le plus difficile sera d'être clair.

Feu de bonne mémoire l'empereur Auguste ne mettait rien au-dessus de la clarté. Je ne sais pas si je vais pouvoir contenter Auguste, car il s'agit ici de la matière la plus obscure en soi et qui, par une fatalité déplorable, a le don de communiquer ses ténèbres aux esprits généralement lucides. De plus, M. Viviani vient d'éteindre au ciel, avec menace de ne pas les rallumer, — est-ce bien prudent ? — les lumières sur lesquelles nous comptions pour suppléer à nos connaissances.

Voulez-vous assoupir les feux les plus brillants, mettre en défaut les éruditions les plus solides ? Prononcez le nom de Jésus. Immédiatement l'embarras se répand sur tous les visages, le trouble agite la conscience, la plume tremble aux mains des plus robustes. Les expansifs font : Chut !, les hardis, le doigt sur les lèvres : Mystère ! Ceux-ci préfèrent qu'on ajourne, ceux-là qu'on se taise tout à fait. Il semble que, si l'on insiste, on va leur enlever leurs décorations, supprimer leurs appointements, faire asseoir à leur place dans les Instituts des personnes plus circonspectes. Au mot : Christ dans les dictionnaires qui, parait-il, résument l'état de la science au vingtième siècle, vous lisez : Voyez Jésus, comme si le mot n'existait pas avant qu on en ait fait le surnom de Bar-Jehoudda. Au mot : Nazaréen vous lisez : Nom qu'on donna aux disciples de Jésus Nazaréen, comme s'il n'y avait pas, du temps de Moïse déjà, une catégorie de Juifs naziréens[4] dont les habitudes sont décrites et les devoirs tracés par les plus vieilles Écritures juives.

Tel historien, des plus réservés et des plus méticuleux, vous dira que la croix fut introduite en Judée par les Romains, comme si ce supplice n'était pas tout au long dans la loi juive et n'avait pas été appliqué par les rois, les Asmonéens surtout, avec une libéralité — huit cents crucifiés d'un coup sous Alexandre Jannée — dont les Césars eurent de la peine à approcher. Tel dictionnaire, fort encyclopédique, biffera de traits robustes les noms des trois chefs de l'Église christienne d'Antioche pendant la période qui correspond à l'existence imaginaire de Jésus.

Dès qu'il s'agit de Jésus, il y a partout comme un parti pris de croire sans avoir ni vu ni regardé ni même écouté. Jésus a beau crier à chaque instant par la bouche des quatre Evangélistes qu'il n'a jamais revêtu la forme humaine, c'est comme s'il chantait la messe !

 

XI.

 

Méfions-nous, dira-t-on.

Cet homme est un ambitieux. Il sent qu'il va y avoir une place à prendre.

Au dogme de la Présence réelle, imposé par l'Eglise, il fait succéder celui de l'Absence réelle. Cet antichristien n'est qu'un pape à rebours. Mais c'est folie que d'espérer fonder une religion sur la Vérité. Le monde veut être trompé, vult decipi. (Encore un mot de pape.)

Le monde, peut-être,... mais Dieu dont vous parlez constamment comme si vous en aviez quelque idée ?

De quelque façon que vous l'imaginiez, que ce soit, comme le veut mon vieil ami Hermès Trismégiste, une circonférence dont le centre est partout et la courbe nulle part, ou bien un sapeur Agé tenant un globe dans la main au lieu d'une hache sur l'épaule, croyez-vous vraiment que vous ayez réussi à le tromper ?

N'est-ce pas trop déjà qu'on mente pour ses intérêts ou pour ses passions ? qu'on pousse même le mépris de la vérité jusqu'à se mentir à soi-même ? Mais vouloir persuader à Dieu qu'il a eu un fils en Judée sous Auguste, n'est-ce point le livrer sans défense à la risée publique et attirer sur soi tout l'effort de la vengeance céleste ? Entre nier Dieu et le diffamer, quelle différence y a-t-il ?

 

Le prix de la consultation ? Rien, en dehors des quelques albezous[5] qui vous seront réclamés par les libraires.

L'état des finances de mon pays ne me permet pas d'en distraire à mon profit la plus petite partie. N'étant pas juif, je ne puis décemment vous demander de m'élever des autels, de me consacrer des pèlerinages et de m'immoler des hérétiques. N'allez point vous mettre à quêter en mon nom par toute la terre. Point de basiliques, point d'encens, point d'offrandes... Je vous en prie. Inutile d'insister, je n'accepterais pas.

Autre avantage avec moi. Vous pouvez penser autrement et le dire sous telle forme qu'il vous plaira, voire la plus injurieuse, sans que je cherche un seul instant à vous arracher la langue avec des tenailles, à vous verser du plomb fondu dans la bouche, à vous écraser les pieds dans le brodequin, à vous brûler les yeux, à vous ouvrir le ventre, à vous écarteler, à vous précipiter par les fenêtres, à tuer vos enfants à la mamelle et à jeter leurs mères dans les fleuves. La seule question que je vous applique est la question de fait : vous avez la ressource de me persécuter de ce côté-là.

 

Ne regrettez pas Jésus. Entre les mains de l'Église il ne nous a pas montré Dieu et il nous a empêchés de nous voir. Son amour pour les Francs ne fut jamais que l'addition de nos centimes, et son berceau n'est qu'une écritoire de publicain.

Au surplus Dieu peut tout. Il n'a jamais dit qu'il n'aurait pas d'autre fils et que les Juives seules auraient le monopole de ses faveurs. Il nous doit un fils qui ne soit pas circoncis, et le patriotisme nous ordonne de croire qu'il le choisira parmi les Français de France. Nous l'avons bien gagné : le premier nous a coûté assez cher.

 

XII.

 

Je ne m'engage pas seulement à prouver que Jésus n'est pas né, — il s'en chargera lui-même —je veux aussi établir que, pendant les trois premiers siècles de l'Erreur christienne, parmi les gens un peu au courant des choses de la Judée et des procédés de l'Écriture, personne n'a été assez dupe de la mystification évangélique pour croire à l'existence de Jésus. C'est ce qui me sera le plus facile, étant donné l'énorme quantité de témoins qui nous reste, malgré les efforts de l'Église pour les détruire, les corrompre ou les déshonorer. Car, à partir du second siècle, date de la fabrication de Jésus, deux courants de témoignages se sont établis sans se confondre jamais, les uns par milliers, par millions même, si on y comprend les Manichéens, professant que Jésus n'est qu'une vilaine poupée juive, — comme disait le bon empereur Julien des divinités fabriquées de main d'homme — les autres, non moins nombreux, pour qui le crucifié de Pilate n'est qu'un fort méchant homme justement condamné et exécuté pour ses crimes.

Aucune Ecriture juive, aucun auteur païen ne connaît deux personnages, dont l'un, Joannès, aurait été décapité, et l'autre, Jésus, crucifié, mais un seul qui cumule tous les rôles. Tel il est dans Valentin et dans le Talmud, tel il est dans Lucien, dans Apulée, dans Minucius Félix, dans Hiéroclès, dans Celse l'épicurien, dans Celse le platonicien, dans Julien, et dans tous les textes qui n'ont pas été adaptés en temps utile à l'imposture ecclésiastique. Tel il était dans l'Évangile avant que, surprise en plein mensonge, l'Eglise n'ait, par la décapitation de Jean-Baptiste, tiré deux personnes du même individu, un décollé d'un crucifié.

Pendant longtemps nul n'osa prétendre que Jésus fût un personnage historique. La primitive Eglise ne dissimulait pas que les Evangiles fussent des Ecritures révélées, par conséquent de la même farine que les prophéties. On ne contestait ni leur caractère mythologique, ni la liberté qu'on avait de les interpréter, pourvu que les privilèges du peuple juif y fussent sauvegardés. Tout le monde savait que c'était des fables, — les fables judaïques, ainsi les nommait-on. Au milieu des christiens de la dispersion, tous juifs, il n'y en eut pas un d'assez sot pour croire que Dieu avait fait un enfant à une femme en Galilée. A travers la christophanie de Jésus tous reconnaissaient le fils aine de Jehoudda le Gaulonite, le Joannès-christ qui leur avait promis l'empire du monde et qui leur en avait ménagé l'accès par le baptême.

Jésus de Nazareth ne fut le Christ ni du Joannès baptiseur, par la bonne raison que c'est le Joannès baptiseur qui est sur la croix dans l'Evangile, ni de Pierre ni de Paul, ni d'aucun apôtre, ni de Mathieu, ni de Marc, ni de Luc, ni de Cérinthe, l'auteur du Quatrième Évangile.

Il n'est le Christ ni de Papias, ni de Polycarpe, ni d'Irénée, ni de Justin, ni de Pantène, ni de Valentin, ni de Clément d'Alexandrie, ni d'Origène, ni de Tertullien, ni de Cyprien, ni d'Arnobe, ni de Lactance, ni de personne peut-être avant Athanase, patriarche d'Egypte. Augustin, le plus grand docteur de l'Eglise, manichéen tant qu'il fut bien portant, ne plaida l'existence de Jésus qu'à Tage où l'esprit de domination s'insinue dans le cœur de l'homme et remplace le mal de dents[6]. Léon X, pape, n'y crut de sa vie et quand Bembo, cardinal, lui en parlait, il répondait[7] : Laissez-moi donc tranquille avec vos fables !

 

XIII.

 

Le plus long, c'a été d'apprendre à lire l'Évangile, à distinguer entre ce qui est à l'homme et ce qui est au dieu, entre ce qui est à Bar-Jehoudda et ce qui est à Jésus. Il y a dans l'Evangile deux sortes d'allégories à déchiffrer : les allégories astrologiques ou mathématiques, lesquelles ne conviennent qu'au seul Jésus — d'abord Jésus lui-même, puis les Douze Apôtres, les Noces de Cana, la Multiplication des pains, le Lavement des pieds, la Cène, la Résurrection, le Repas d'Emmaüs, — et les faits allégorisés, où Jésus revit, en dieu, dans le corps de Bar-Jehoudda, les divers voyages et exploits de cet aventurier pendant ses onze dernières années jusqu'à son supplice sur la croix. Tels sont : la Journée des Porcs, les martyres patriotiques transformés par Jésus en Résurrections, les épisodes de la Cananéenne, delà Samaritaine, du Sourd-muet delà Décapole, d'autres encore. Ceux-ci ont un fond réel, on le sent, on le touche, mais il est d'autant plus difficile de leur rendre les couleurs de l'histoire que, par la substitution du dieu à l'homme dans le même individu, les faits les plus répréhensibles prennent un air de rêve innocent. Si nous ne savions pas que le corps dans lequel Jésus est entré par l'effet de la métempsycose évangélique fut pendant sa vie, non seulement celui d'un imposteur, mais d'un scélérat et d'un brigand[8], nous n'aurions jamais pu l'identifier à travers les fictions que leur demi-obscurité rend parfois aimables comme une aube et poétiques comme un crépuscule.

Mais tout charme cesse où il y a tromperie, et les règles de déchiffrement qui nous ont aidé à fixer le sens des allégories mathématiques nous serviront encore à rétablir la vérité dans la mystification même.

 

J'ai lu je ne sais où que l'Evangile ressemblait à une maison dont on avait perdu la clef, ce qui en rendait la visite impossible. Erreur : la clef est sous le paillasson. Elle ouvre toutes les portes et tous les tiroirs.

Avant de la prendre et de l'introduire dans la serrure, orientons-nous et demandons-nous qui a élevé cette bâtisse en forme de labyrinthe. Où sommes-nous ? Chez des Juifs. Qui a écrit ? Des Juifs. Pour qui ? Pour les Juifs. Dans quel esprit ? L'esprit juif. Dans quel intérêt ? L'intérêt juif. Comment donc se fait-il qu'ayant affaire à des Juifs, les psychologues aient éliminé les chiffres de leurs études ? Eliminer le calcul, c'est rejeter la clef. L'Evangile n'est, dans ses parties essentielles, autre chose qu'un thème astrologique, fort plat comme vous verrez. Ne faites pas Oh ! Il ne sert à rien de faire. Oh ! et suffoquer est vain.

Il y a des chiffres dans l'Évangile, beaucoup de chiffres, et il y en a eu davantage. J'ai pris ceux qui restent et, sans aucune dépense de génie ni même de talent, sans plus d'efforts qu'un contrôleur de tramways ou un commis épicier de seconde année, j'ai reconstitué ce thème — ces thèmes plutôt, car ils sont nombreux — avec une cohésion absolue, une concordance parfaite. Le thème de couche notamment est complet, sans accroc ni couture comme la chemise de Jésus que les Romains ne purent se partager, car il est de la même toile.

L'Eglise a fait des efforts immenses pour dissiper l'atmosphère astrologique dans laquelle les évangélistes ont enrobé Bar-Jehoudda dès le berceau. Ne pouvant nier que les cieux ne fussent de l'affaire, on a essayé de les réduire à l'unique étoile des Mages comme si la Vie de Jésus tout entière n'était pas matière d'horoscope. Ne cherchez pas hors de l'étoile, s'écrie-t-on, n'allez pas plus loin que l'étoile ! En naissant Jésus a aboli les signes. Mars, Saturne, Jupiter, Vénus, Mercure, il a tout tué, ce sont des morts. L'astrologie finit du jour où l'Evangile commence : Jésus né, que personne n'interprète plus les Nativités d'après les astres ![9] N'en déplaise à l'Église, les signes et les planètes sont si peu morts de Jésus qu'il ne peut faire un seul pas sans eux. L'astrologie est si peu morte de lui qu'elle régit toutes les scènes où il parait, que sans les douze signes du Zodiaque on n'aurait jamais pu fabriquer ni Judas, ni sa Trahison, ni la Cène, ni la Fuite des Apôtres, ni la Passion, ni la Résurrection, et qu'elle mène Jésus en laisse, même après son Ascension, comme un petit toutou de Néchepso ou de Pétosiris.

 

Mais, dira-t-on, si les thèmes que vous allez déchiffrer sont encore si frappants aujourd'hui, ils auraient été signalés bien avant vous !

Ils l'ont été, soyez tranquilles ; ils l'ont été de tous côtés à la fois et par des gens qui avaient les preuves matérielles sous les yeux, qui voyaient les christiens prier, les yeux tournés vers le Soleil levant, orienter au levant le lieu de leurs assemblées ou églises, se réunir le jour du Soleil ou dimanche, adorer la croix et recevoir le baptême avec bien d'autres sacrements, sans que Bar-Jehoudda y fût pour rien.

Il fallut plus de quatre siècles de persécution et une prodigieuse éclipse de l'intelligence humaine avant qu'on ne réussit à faire accepter cette dégradante opinion que le Christ n'était, en fin de compte, qu'un petit Juif de Gaulanitide dont l'existence avait été des plus louches, même dans les versions les plus favorables. Il fallut changer toutes les définitions du Christ, supprimer toutes les traces du christianisme solaire, et notamment la preuve que l'Apocalypse avait été la charte de tout l'apostolat jusqu'à la chute de Jérusalem et la dispersion des Juifs. L'ancienne Eglise jusqu'au quatrième siècle et bien après Nicée resta farcie de solarité. Les christiens d'Egypte — ceci dans Eusèbe d'Alexandrie — maudissent leur horoscope ou chérissent l'étoile sous laquelle ils sont nés, adorent le Christ dans le Soleil levant, et l'implorent exactement comme faisaient les apôtres : Aie pitié de nous ! s'écrient-ils. Et cette adoration du Soleil pris pour le Christ est telle encore sous Léon le Grand, pape, que celui-ci la relève comme une impiété invétérée dans une masse de christiens qui, faisant cela, croyaient agir selon la religion[10]. Ces malheureux, à qui la marionnette ecclésiastique ne rapportait que la misère et des coups, n'avaient-ils pas l'impudence de lui préférer le bon soleil de tout le monde ?

 

Vous verrez tout cela et bien d'autres choses sans que jamais nous nous élevions au-dessus du niveau de la science exigée pour la compréhension de l'Almanach du bon laboureur.

Vous verrez enfin que non seulement Bar-Jehoudda n'a jamais sauvé personne en ce monde, mais qu'il aura bien de la peine à se tirer d'affaire dans l'autre, lorsque son identité, cachée sous le pseudonyme du Joannès-jésus, apparaîtra au grand jour du Jugement dernier.

Je crains que ce jour, qui aura vraisemblablement plus de quarante-cinq degrés, ne lui soit pas favorable, étant donné sa fiche.

C'a été une vraie joie pour moi d'apprendre que mes concitoyens de la vieille Celtique ne seraient certainement pas jugés au nom de Iahvé par un tribunal exclusivement composé de fanatiques juifs au milieu desquels trônerait le crucifié de Pontius Pilatus avec ses frères comme lui experts en crimes. Si contre mon attente ce scandale se réalisait, je compte sur Dieu lui-même pour en arrêter les fauteurs. Il est bon, il est prévoyant, il ressuscitera les gendarmes !

 

 

 



[1] Nous ne l'appellerons jamais que Mathieu pour le distinguer de Mathias, sous le nom de qui les scribes ont placé leur élucubration. Mathias est un personnage réel, neveu du crucifié de Pilatus. Quant à Mathieu, vous pouvez l'appeler Ernest sans aucun inconvénient.

[2] Nisan correspond à notre mois d'avril, comme nous l'expliquons plus amplement au chapitre intitulé Le Songe de Joseph.

La Pâque, qui était le jour de l'an des Juifs, avait lieu immuablement le 15 nisan.

[3] Une voix d'en haut : Elle ne lui répondra rien, mais elle te traitera par le silence, aussi longtemps qu'elle le pourra, et par l'injure, si elle est forcée de le rompre, avec le regret de ne pouvoir t'arracher la langue comme au bon temps !

[4] Et non nazaréens.

[5] Mot d'argot, mais si bien formé (albus soblus, le sou blanc), qu'il pourrait entrer dans la langue des exégètes.

[6] Nous citerons ses Confessions en quatre ou cinq passages.

[7] Voir le témoignage de Pic de la Mirandole.

[8] Je suis incapable, croyez-le, d'employer des qualificatifs que je ne puisse justifier au-delà de ce que vous attendez. Ceux-là ne m'appartiennent point, je les emprunte.

[9] Voir cela dans Tertullien, De l'idolâtrie, 9.

[10] Sermo in Nativitatem Domini, 3-4.