HISTOIRE D'ANNIBAL

 

LIVRE SIXIÈME. — L'ÉCHIQUIER DU PÔ.

CHAPITRE IV. — LA TREBBIA.

 

 

Les Romains avaient beau crier à la trahison[1], charger d'imprécations le nom de l'infâme Dasius de Brindisi[2], qui venait de livrer la place pour la misérable somme de quatre cents écus d'or[3], Casteggio n'en était pas moins perdue pour eux. L'avenir leur apparaissait sous les couleurs les plus sombres : coupées de leurs magasins de Casteggio et de Plaisance, les armées consulaires combinées mesuraient douloureusement l'étendue des difficultés de leur situation.

L'orgueilleux Sempronius ne se possédait plus : il voulait s'en remettre aux hasards des combats du soin de sauver l'honneur militaire ; il ne parlait de rien moins que d'attaquer sur-le-champ les Carthaginois, de les détruire ou de se faire écraser par eux[4].

Ce n'était pas, quoi qu'on ait dit, parler en vrai Romain. De tels emportements ne méritaient, au contraire, que l'expression d'un froid dédain de la part des vieux soldats de Rome, qui prisaient moins chez leurs gens de guerre la bravoure et la folle audace que la fermeté, l'énergie calme en face du danger, la constance et l'inébranlable force d'âme à l'heure des revers foudroyants[5]. La passion, si noble qu'elle soit, ne doit jamais hanter l'esprit de qui professe sérieusement le métier des armes ; le moindre souffle de raison renverse plus d'obstacles qu'un ouragan d'ardeurs irréfléchies. De plus, ces phrases sonores pouvaient alors passer pour des forfanteries, car on était encore loin de se trouver réduit à la nécessité de prendre des résolutions désespérées. Après quelques moments de vive effervescence, le consul eut certaine intuition de l'inopportunité de ses motions belliqueuses et, entrevoyant les conséquences de la responsabilité qu'il assumait, crut devoir tempérer ses bouillantes allures[6]. Alors, on le vit se rapprocher de Scipion, lui demander toute espèce de renseignements sur les événements qui venaient de s'accomplir, s'enquérir de son sentiment sur les dangers de la situation présente, entrer enfin en conférences paisibles avec le prudent collègue dont il venait de railler les tendances.

Les premières séances du conseil de guerre ouvert d'un commun accord entre les consuls furent consacrées à l'examen des propriétés militaires de la position qu'on occupait derrière une ligne de défense telle que celle de la Trebbia.

La Trebbia, qui prend source aux environs du col de la Scoffera, vient confluer au Pô à 3 kilomètres en amont de Plaisance[7], d'où lui est sans doute venu, dans l'antiquité, le nom de rivière Plaisantine[8]. Sa vallée, qui débouche en Cispadane au-dessous de Rivergaro, n'est, en réalité, qu'une gorge étranglée et sauvage, tellement étroite qu'elle n'a d'autre fond que le lit même du torrent qu'elle encaisse. Son régime est heurté, inégal et violent. Souvent à sec, elle s'enfle quelquefois d'une manière démesurée[9] et peut atteindre hauteur d'homme en une nuit d'orage[10]. Que les rayons solaires amènent brusquement une fonte des neiges de l'Apennin, et ses crues deviennent à l'instant considérables[11] ; son niveau saute à huit ou dix mètres au-dessus de l'étiage. Alors, son volume est énorme ; ses eaux qui mugissent emportent tout ce qu'elles rencontrent sur leur passage ; le fleuve hier guéable n'offre plus aujourd'hui qu'un aspect saisissant : c'est un torrent dévastateur[12].

Bien qu'elle ne soit, en temps ordinaire, qu'un cours d'eau de proportions médiocres, la Trebbia n'en a pas moins une importance militaire considérable. C'est, en effet, l'obstacle qui couvre le débouché oriental de la Stradella ; sa vallée est la voie naturelle qui relie directement Plaisance à Gênes, à Chiavari, à l'embouchure de la Magra. Ses éminentes propriétés viennent de ce qu'elle baigne sans interruption le pied des contreforts dont le massif engendre la Stretia, de sa liaison intime avec la place de Plaisance, de ses communications avec les vallées de la Staffora et de la Scrivia, du commandement qu'elle exerce ainsi sur les plaines de Voghera et de Tortone. (Voyez la planche IX.)

La valeur exceptionnelle de cette ligne de défense ne fut assurément méconnue ni des anciens Ligures ni des Gaulois que Rome eut à combattre en Cispadane, antérieurement à la deuxième guerre punique ; ou verra tout à l'heure quel parti surent en tirer les défenseurs de l'Italie péninsulaire au temps de l'expédition d'Annibal. Depuis lors, le temps n'a nullement modifié les conditions du rôle qu'elle est, de sa nature, appelée à tenir, et l'histoire a compté nombre de journées de la Trebbia. Il est facile d'en citer des exemples. C'est sur la Trebbia[13] que se donne, en 922, la bataille où doit se vider la querelle de Bérenger, duc de Frioul, et de Rodolphe II, roi du Jura (Bourgogne transjurane). Mais, à ne parler que d'événements de guerre auxquels aient pris part des troupes françaises, rappelons que, en 1746, Maillebois occupait le duché de Parme et Plaisance, de concert avec les Espagnols de l'infant don Philippe. Un jour vint où les alliés, enveloppés par les forces combinées du roi de Piémont et du prince de Lichtenstein, durent sérieusement songer à battre en retraite sur la Ligurie. Une opération de cette nature présentait malheureusement plus d'un danger. Le 16 juin, en effet, l'armée franco-espagnole avait à résister, sous Plaisance, aux furieuses attaques d'un ennemi décidé à lui couper sa route. Accablé par le nombre, enfermé entre la Trebbia et le Tidone, Maillebois perdit une douzaine de mille hommes, tués ou blessés ; il eut grand'peine à se frayer passage à travers les lignes piémontaises, et on le vit rentrer à Gênes dans un piteux état. Cinquante-trois ans plus tard (1799), Macdonald, rentrant de Naples, cherchait aussi le moyen de battre en retraite sur la Ligurie, quand il fut arrêté par les Austro-Russes sur les rives de la Trebbia. Après une bataille de trois jours (17-19 juin), dans laquelle il perdit également de 12.000 à 15.000 hommes, force lui fut de lâcher pied devant l'opiniâtreté de Souwaroff. Il dut se réfugier derrière la Nura, pour, de là, regagner Gênes par le pied du versant méridional de l'Apennin.

L'année suivante (juin 1800), les Français rencontraient encore les Autrichiens sur les bords de la Trebbia, et prenaient une petite revanche. L'infanterie du général Gottesheim, descendue de Bobbio, se présentait devant Plaisance. C'était, dit M. Thiers[14], le régiment de Klebeck, qui venait ainsi donner sur la division Boudet tout entière et se faire écraser. Ce malheureux régiment, assailli par des forces supérieures, perdit un grand nombre de prisonniers et se replia en désordre sur le corps principal de Gottesheim, qu'il précédait. Le général Gottesheim, effrayé de cette échauffourée, remonta en toute hâte les pentes de l'Apennin.

En 1859, enfin, le 12 mai, les Autrichiens jetaient dans la vallée de la Trebbia quelques éclaireurs chargés du soin de couvrir la Stradella, en faisant une démonstration sur les derrières et le flanc droit de l'armée franco-sarde ; ce petit détachement entrait, le 13, à Bobbio, pour se porter de là sur Voghera par la route de Varzi. Mais, presque au même moment, à l'effet de couvrir la droite et les derrières de notre 1er corps, la division d'Autemarre (5e corps) était aussi dirigée sur la Trebbia, au fur et à mesure de son débarquement à Gênes. Le 3e zouaves arrivait le 14 à Bobbio, où il était rejoint, dès le 22, par le 75e régiment d'infanterie. Dès lors, Gyulai, se sentant menacé sur sa gauche, put croire qu'il allait être tourné par ce dangereux couloir, qu'on lui représentait comme prêt à vomir sur Plaisance des masses de troupes aussi compactes que vigoureuses.

Il est un monument épigraphique qui consacre le souvenir des principales journées de la Trebbia. Cent ans après la deuxième guerre punique (118-111), Scaurus, dont les travaux sont demeurés célèbres, prolongeait de Plaisance à Gênes la via Æmilia (Lepidi) ; il dut alors construire sur le fleuve un pont[15], dont l'emplacement est occupé aujourd'hui par le viaduc qui appartient à la fois à la route et au chemin de fer. C'est en exécution d'un décret de Marie-Louise (1821) que s'est effectuée la construction de ce magnifique ouvrage d'art[16], dont la première pierre a été posée[17] en 1825. Un fût de granit rouge, élevé, sur la rive gauche, dans le prolongement de la face amont, porte une inscription commémorative des victoires d'Annibal, de Lichtenstein et de Souwaroff.

Scipion, que les documents de notre histoire moderne ne pouvaient éclairer, n'en insistait pas moins auprès de son collègue sur le fait des propriétés militaires de la Trebbia. Sur cette ligne, lui exposait-il, le long des rives de cette rivière Plaisantine, qui sert de fossé naturel à leurs retranchements, les troupes romaines occupent des positions inexpugnables. Elles y sont, il est vrai, coupées de Plaisance et de Casteggio, leurs principaux magasins ; mais il leur reste encore des communications suffisantes par le val même de cette Trebbia, si précieuse. Par les sentiers qui courent aux flancs de cette gorge aride, par tous les chemins de la montagne dont on est maître, on demeure en relations avec Gênes et par conséquent avec Rome. Dans ces conditions, il est permis d'attendre. Pourquoi dès aujourd'hui courir les chances d'un combat, quand rien ne presse, et que la temporisation peut, au contraire, amener des résultats heureux ? Que les troupes songent à se fortifier solidement dans leurs positions, qu'elles se préparent à y stationner tout l'hiver. Durant une saison ainsi passée sous la tente, on les verra s'aguerrir et, de novices qu'elles sont, manifester une précoce mais imposante solidité. Et pendant que les Romains gagneront avec le temps, les Carthaginois ne feront que perdre : ils s'affaibliront ; les populations sur lesquelles ils vivent se fatigueront d'avoir à les nourrir ; ces Gaulois si mobiles, dont l'engouement pour Annibal fait aujourd'hui si bruyante explosion, finiront par se lasser de sa présence au milieu d'eux, et, peu à peu, se détacheront de lui. Enfin, disait Scipion, en manière de péroraison touchante, je suis encore souffrant ; mes blessures ne sont point cicatrisées ; laissez-moi me guérir. Dès que je pourrai joindre mes efforts aux vôtres, nous saurons rendre ensemble de bons services à notre pays.

Au fond, Sempronius approuvait ces discours ; il se disait que son collègue avait raison ; mais un intérêt tout personnel l'incitait à précipiter le dénouement. Voyant s'approcher l'heure des élections, ce vulgaire ambitieux ne voulait pas laisser à de nouveaux consuls la gloire d'anéantir l'envahisseur de l'Italie. Son dessein était d'exciper de l'état de santé de Scipion pour s'arroger exclusivement le commandement des armées consulaires ; de faire, au moment opportun, prendre les armes aux troupes réunies ; enfin, de risquer une action décisive. Le pauvre Cornélius, à peine convalescent, combattait de son mieux ces funestes tendances ; mais il avait beau faire, sa résistance n'aboutissait point. C'est que les armées en campagne, si sévèrement disciplinées qu'elles soient, n'échappent pas toujours aux effets de l'intrigue, cette plaie des agglomérations humaines. La coterie dont Sempronius était l'âme portait le trouble au camp de Rivalta, agitait l'opinion, mettait l'esprit des légionnaires à la torture. Elle colportait les bruits qui circulaient à Rome, se faisait l'écho des appréciations malveillantes dont le Forum retentissait, car nulle part il n'est bon d'être vaincu ; les généraux malheureux sont, toujours et partout, cruellement raillés. On reprochait à Scipion de s'être fait battre successivement sur chacun des deux versants des Alpes, sur le Rhône et sur le Tessin ; d'avoir fait en Lomelline acte de témérité, et maintenant, sur la Trebbia, de se montrer coupable d'inertie, de faiblesse. Aujourd'hui, disaient les amis de Sempronius, ce Cornélius, ramené deux fois l'épée aux reins, a peur d'une nouvelle rencontre avec l'ennemi ; il souffre, il est vrai, de ses blessures ; mais il est encore plus malade d'esprit que de corps. Une telle situation ne peut se prolonger ; on ne saurait, de gaieté de cœur, s'exposer aux désastres que prépare aux légions cette impuissance sénile. Tels étaient les propos qui couraient à Rivalta, et qui se propageaient jusque sous la tente du consul, en butte aux calomnies de ses compagnons d'armes.

Toujours bien informé de ce qui se passait au camp romain, Annibal se réjouissait du fait de ces agitations. Les amis de Sempronius faisaient, en effet, ses affaires ; ils travaillaient, sans le savoir, pour lui, car son avis sur la question pendante était, de tous points, conforme à celui de Scipion. Comme Scipion, il connaissait l'inexpérience des troupes romaines, récemment recrutées, et la mobilité de ces Gaulois qui, embrassant aujourd'hui le parti de Carthage avec une étrange frénésie, pouvaient subitement l'abandonner demain. Il savait enfin que son malheureux adversaire avait été grièvement touché ; que le blessé ne pouvait encore ni monter à cheval ni prendre une part active à la conduite des opérations ; que, par conséquent, on ne courait, pour le moment, aucun risque d'avoir affaire à un brave soldat, d'un incontestable mérite. Pour ces raisons, le général en chef des troupes carthaginoises appelait de ses vœux l'heure de la crise, autant que pouvait le faire l'ardent Sempronius[18].

Pour agacer un adversaire dont il sait l'humeur irritable, Annibal envoie 2.000 hommes d'infanterie et un millier de cavaliers Imazir'en[19] raser le territoire de quelques clans gaulois qui tiennent encore pour les Romains. Sempronius, piqué au vif, fait aussitôt passer la Trebbia à la majeure partie de sa cavalerie, appuyée d'un millier de tirailleurs[20]. Les deux troupes ne tardent pas à se joindre ; une affaire s'engage, les Romains sont repoussés.

Le consul, que la colère emporte, lance vivement à la rescousse tout ce qui lui reste d'infanterie et de cavalerie légère[21]... mais le sage Annibal, sentant le but atteint, renonce brusquement à ce rôle de provocateur : il donne à ses officiers d'ordonnance mission d'opérer le ralliement des détachements[22] qu'il a déployés dans la plaine ; une fanfare de σαλπιγκταί[23] sonne la retraite aux fourrageurs. Alors Sempronius voit échapper sa proie !... un véritable accès de rage s'empare de lui : ivre de fureur, ainsi qu'un de ces taureaux des arènes espagnoles que les banderillos ont longtemps harcelés, il s'agite et se démène, jurant qu'il ne veut plus subir de tels affronts.

Les éclats de cette fougue insensée arrivèrent jusqu'aux oreilles de l'astucieux Carthaginois, qui sentit s'approcher le moment qu'on a si bien nommé psychologique. Tout étant à ses yeux bien mûr et bien à point, il se tint prêt à soutenir une lutte qu'il jugeait imminente[24] ; ses espions et ses reconnaissances lui firent, d'ailleurs, connaître que les Romains se disposaient à l'attaquer[25]. On était à la veille de la crise tant désirée de part et d'autre.

Où s'est-elle donnée cette bataille si fameuse de la Trebbia ? Nous rencontrons, à l'énoncé de ce problème historique, la divergence d'appréciations que nous avons déjà trouvée chez les commentateurs, chaque fois qu'il s'est agi d'élucider le moindre épisode de l'expédition d'Annibal. Une tradition populaire veut que la bataille se soit donnée à Campremoldo (campo de' morti[26]) ; séduit peut-être par cette légende, le général de Vaudoncourt place le camp d'Annibal à Centora, sur la rive droite du Tidone ; celui de Scipion, sur la rive droite de la Trebbia, à Niviano. Denina, mettant aussi la scène entre la Trebbia et le Tidone, lui attribue une altitude notable au-dessus de la plaine. Un des antiquaires du pays, dit-il[27], est d'avis que la bataille eut lieu près de Bobbio ; ce qui porterait à croire que c'est en remontant le torrent Tidone qu'il (Annibal) s'avança à la Trébie. Félix de Beaujour ne s'élève pas ainsi dans la montagne. Il paraît, écrivait ce critique[28], que la bataille de la Trebbia se donna près du village de Casaliggio, sur la rive gauche du fleuve, au sud-ouest de Plaisance. Tels sont les érudits qui cantonnent le théâtre de l'action sur la rive gauche de la Trebbia ; parmi ceux qui se prononcent pour la rive droite on peut citer Schweighæuser, Niebuhr, Bötticher, Arnold, Von Vincke, Guischardt[29], le colonel Armandi[30], Wijnne[31] et le colonel Macdougall[32] ; mais il faut observer que de tous ces partisans d'une solution à découvrir à l'est de la Trebbia aucun ne fixe un point déterminé. Poggiali, apportant plus de précision à son dire, expose que l'action s'est engagée dans les environs de Settima, Basilica, Ottavello et Larzano, entre la stradazza romaine et la grande route moderne qui conduit de Plaisance à Rivergaro[33] ; c'est à l'opinion de Poggiali que s'est rallié M. le comte Pallastrelli. M. Bonora, le savant archiviste de la ville de Plaisance, partage aussi, jusqu'à certain point, cet avis, quand il encadre le plan de la bataille dans un rectangle ayant pour base la ligne Basilica-Niviano, et pour hauteur la ligne Niviano-Colonese. (Voyez la planche XIV.)

Si l'on veut prendre utilement part au débat, il est indispensable d'interroger les textes. Or, premièrement, Polybe, Tite-Live et Silius Italicus nous font connaître[34] que les positions occupées par les deux armées en présence ont pour ligne de démarcation le cours même de la Trebbia ; Frontin et Appien nous ont aussi laissé de ce fait une affirmation expresse[35], dont Zonaras n'a pas craint de se faire l'écho[36]. Il est, en second lieu, manifeste que les Romains sont établis sur la rive gauche, puisque, partant de Plaisance, ils vont prendre position par delà la Trebbia ; qu'ils sont ensuite obligés de franchir le fleuve pour aller combattre[37] ; et que, une fois la bataille donnée, ils devront le passer derechef pour rentrer à leur camp[38]. Il suit nécessairement de là que les Carthaginois sont sur la rive droite. Ces conclusions irréfragables nous ont permis de supposer, non sans quelque raison, qu'Annibal occupait, avant l'affaire, les environs de Settima ; Scipion, ceux de Rivalta ; que Sempronius, enfin, se trouvait à Statto. (Vide supra, livre VI, chap. III.)

Cela posé, on sait que, au moment même de l'engagement, Annibal fait huit stades en avant des positions qu'il occupe[39]. Si donc, de Settima pris pour centre, on décrit une circonférence de 1.500 mètres de rayon, la courbe ainsi tracée sera, sans contredit, un lieu géométrique du point cherché. Pour achever de déterminer ce point, il convient de tenir compte des conditions d'aspect du champ de bataille, telles qu'elles ressortent du tableau que nous en a laissé l'histoire. Or, d'après les textes qui sont venus jusqu'à nous, le lieu de la rencontre ne peut se placer que sur un terrain plat, dénudé, essentiellement découvert[40] ; cette plaine déserte et rase est, de plus, empreinte d'un accident caractéristique : un ruisseau profondément encaissé, aux bords très-abrupts, la sillonne en sa partie médiane ; les berges escarpées de ce petit cours d'eau présentent ceci de remarquable qu'elles échappent facilement à l'œil de l'observateur ; qu'elles se cachent, pour ainsi dire, sous des bouquets de ronces, des buissons d'épines, des forêts de roseaux[41]. Sous le berceau touffu qui sert de voûte à ce ravin ténébreux il est facile de préparer une embuscade ; on peut y défiler des vues de l'horizon une petite troupe de mille hommes d'infanterie et d'un millier de chevaux. Telles sont les conditions à remplir. Or, comme on peut s'en convaincre à l'inspection des lieux, il y est rigoureusement satisfait par l'ensemble des circonstances qui distinguent la plaine située au sud de Settima. Cette plaine est nue et découverte ; elle est coupée par un ruisseau, celui de la Trebbiola[42] ; le profil de ce cours d'eau vive est bien conforme à la description de Polybe ; son aspect ne s'est pas modifié depuis deux mille ans : ses rives disparaissent le plus souvent sous la sève d'une végétation luxuriante ; il serait encore facile d'y soustraire aux vues de l'observateur un détachement de l'effectif voulu.

En résumé, nous estimons que les Romains ont occupé Statto-Rivalta ; les Carthaginois, Settima[43] ; que le corps de Magon s'est embusqué dans la Trebbiola à la hauteur de Niviano ; que, le jour de la bataille, les Romains ont franchi la Trebbia au gué de Mirafiore ; qu'ils se sont avancés sur la rive droite par Roveleto, Niviano, Ottavello ; qu'ils ont ainsi dépassé la position occupée par Magon[44] ; qu'Annibal, allant à leur rencontre, s'est dirigé vers le sud-ouest, à 1.500 mètres de Settima ; finalement, que les alentours de Basilica peuvent être pris pour théâtre de la bataille. (Voyez la planche XIV.)

Les deux armées, romaine et carthaginoise, établies sur les bords opposés de la Trebbia, s'observaient mutuellement, épiant l'occasion d'en venir aux mains. Le dénouement, que les adversaires attendaient d'un moment à l'autre, éclata brusquement vers la fin de décembre et, vraisemblablement, le 26 de ce mois.

Ici, le lecteur peut se demander s'il est réellement possible de déterminer cette date avec une précision aussi rigoureuse. Nous n'ignorons pas que, après de longues discussions chronologiques, la plupart des commentateurs ont fini par laisser flotter l'événement au cours de décembre[45]. Assurément, ce n'est point là se compromettre, mais des limites aussi larges nous paraissant inadmissibles, nous avons cru devoir en restreindre l'intervalle. Que disent, en effet, les textes auxquels il convient de s'en référer ? Frontin et Florus placent l'épisode en plein cœur de l'hiver[46] ; Polybe et Appien, vers le temps du solstice[47], c'est-à-dire à une époque peu éloignée du 22 décembre. Cette approximation serait déjà suffisante ; mais on peut en obtenir une plus grande encore, si l'on veut bien observer que le combat du Tessin s'est donné le premier jour dudit mois de décembre ; que Scipion, battant précipitamment en retraite, a repassé le Tessin dans la journée du 2 ; qu'il a pu, en vingt-quatre heures de marche forcée, faire les 36 milles (53 kilomètres) que mesurait la route de Pavie à Plaisance ; que, en tout cas, il est certainement rentré à Plaisance dans la nuit du 3 au 4.

Nous supposons que, cette nuit-là même, il a expédié ses dépêches à Rome, ainsi qu'à Rimini, moyennant l'emploi des méthodes de télégraphie optique si familières aux anciens[48], et dont nous voyons aujourd'hui s'opérer la renaissance. Sempronius, ayant reçu l'avis de son collègue et les ordres du sénat, a pu se mettre en route dès le 5 au matin ; et, comme il a dû faire vingt jours de marche, on peut admettre que, parvenu le 24 à Bobbio, il a occupé Statto dans la journée du 25. Cela posé, un passage très-précis de Polybe nous fait connaître que la journée de la Trebbia doit se fixer au lendemain de la jonction des deux armées consulaires[49]. C'est ainsi que l'on arrive à la date du 26 décembre, laquelle est effectivement voisine du moment du solstice. Nous ne croyons, d'ailleurs, devoir attacher à ce quantième ainsi déterminé d'autre valeur que celle d'un résultat de calcul d'approximations rationnelles.

Donc, le 26 décembre, aux premières lueurs d'une matinée sombre[50] les hommes de garde aux camps de Rivalta et de Statto (vigiles castrorum) perçoivent une suite de bruits étranges... en y prêtant une oreille attentive, ils croient reconnaître un galop de chevaux. Le temps était mauvais ; une pluie fine tombait, mêlée à des flocons de neige ; l'œil le mieux exercé ne pouvait, même à faible distance, distinguer la forme des objets noyés dans la brume[51]. Les vigiles écoutent encore... ils ne sauraient s'y méprendre, ce sont bien des chevaux dont le rude sabot frappe la terre humide et qui déjà se sont rapprochés. Les piétinements deviennent tumultueux ; il semble qu'on ait affaire à tout un parti de cavalerie lancé à fond de train ; bientôt, le doute n'est plus possible, une troupe suspecte émerge de l'ombre... elle apparaît ! La voici sous les palissades[52], autour desquelles on la voit tournoyer. La figure des cavaliers, d'abord d'un dessin assez vague, ne tarde pas à s'accuser plus nettement. On dirait des Africains, des Imazir'en[53], pareils à ceux qui viennent de tant malmener l'armée romaine sur les bords du Tessin. Quelles sont leurs intentions ? Ces sauvages cavaliers les prononcent clairement en poussant de grands cris et couvrant de leurs projectiles le chemin de ronde des vigiles[54]... les camps romains sont insultés.

C'étaient, en effet, des Imazir'en. Ces irréguliers extraordinaires, rompus à toute espèce de fatigues et bravant sans sourciller les plus rudes intempéries des saisons[55], venaient de traverser la Trebbia glacée[56], partie à gué[57], partie à la nage. C'est ainsi que, à deux mille ans de là, le vieux Souwaroff devait franchir le fleuve à la tête d'un régiment de Cosaques. Voilà, disait-il gaiement, comment on passe les rivières en Russie ! Cette vigueur, ce courage, cet élan chez un vieillard de soixante et dix ans sont assurément admirables[58] ; mais c'étaient des Russes que Souwaroff entraînait à l'eau vers le milieu de juin[59], sous le beau ciel de l'Italie, tandis qu'Annibal opérait avec des gens d'Afrique, à la fin d'un mois de décembre et par une matinée glaciale. L'histoire impartiale doit tenir compte de ces différences.

Chargés du soin d'aiguillonner le consul, de provoquer chez ce téméraire un état d'irritation aiguë, de l'amener enfin à l'idée d'une sortie sérieuse[60], les braves Imazir'en, habiles à toutes les ruses de guerre, accomplirent leur mission avec un art merveilleux, si bien que Sempronius, saisi de la nouvelle et absolument exaspéré, assembla sur-le-champ ses officiers, tribuns, centurions, signiferi, leur montra leurs pénates odieusement violés, leur parla de la patrie profanée[61], et proclama péremptoirement qu'un tel outrage criait vengeance.

Le soldat romain, tout brave qu'il était, n'aimait point à faire la guerre en hiver[62], et cette matinée du 26 décembre lui paraissait particulièrement insupportable, car le froid était intense[63]. Mais, malgré les rigueurs de la bise, l'outrecuidant consul ne pouvait hésiter ; il lui fallait du sang pour laver l'injure faite à ses armes ; l'honneur militaire était en jeu ; il le fit durement sentir à ses légionnaires, en leur donnant d'urgence l'ordre de se préparer à combattre. Aussitôt toutes les troupes furent en mouvement : la cavalerie, placée en tête de colonne, sortit la première de ses palissades[64] ; elle fut suivie de l'infanterie légère[65], et la marche fut fermée par l'infanterie de ligne. L'armée romaine s'ébranlait tout entière[66].

Ces forces réunies, quittant leurs positions de Statto-Rivalta, descendirent à la Trebbia par des sentiers déjà couverts de neige. Le gué de Mirafiore leur offrit un passage ; mais, la rivière étant enflée par les pluies de la nuit, les hommes eurent de l'eau jusqu'à la ceinture. Ils se sentirent de longs frissons. Annibal, lui, souriait de la simplicité d'un adversaire si prompt à répondre à de dangereuses invites, si aveugle qu'il n'apercevait aucun des pièges tendus sous ses pas. En voyant huit légions romaines prendre ensemble pied sur la rive droite, le jeune général ne put réprimer les élans de sa joie ; ses vœux étaient remplis : il allait donc pouvoir, comme disent les gens de guerre, prendre le taureau par les cornes (taking the bull by the horns[67]).

Pour former en bataille les troupes qu'il commandait, Sempronius, dit Polybe, adopta l'ordonnance en usage dans l'armée romaine[68]. Il n'entre point dans le cadre de cette étude d'exposer l'organisation et le mécanisme tactique de la légion ; c'est un sujet qui a déjà suscité nombre de commentaires[69], et qu'il serait oiseux de traiter à nouveau. Toutefois, il nous faut retracer, en une rapide esquisse, les linéaments essentiels du tableau ; nous négligerons, ce faisant, tous les détails inutiles à l'intelligence de notre récit.

Les troupes à pied se divisaient en infanterie légère (levis armatura) et infanterie de ligne (gravis armatura). La levis armatura ne comprenait que des chasseurs ou tirailleurs[70], uniquement munis d'armes de jet ; la gravis armatura se composait de trois corps destinés à combattre en ligne et pourvus, à cet effet, d'armures défensives et de bonnes armes de main : c'étaient les hastati, les principes, les triarii. Ces quatre éléments de l'infanterie légionnaire étaient, sous tous les rapports, essentiellement distincts[71].

Théoriquement, la légion comprenait 600 triarii, 1.200 principes, 1.200 hastati[72] et un nombre indéterminé de tirailleurs ; mais l'effectif des triarii demeurant fixé à 600, les chiffres afférents aux autres armes pouvaient varier selon le temps et les circonstances. A la Trebbia, les consuls disposaient de 16.000 hommes d'infanterie de ligne[73] et de 6.000 hommes d'infanterie légère[74], distribués en deux armées, c'est-à-dire en quatre légions nationales. On peut, en conséquence, attribuer à chacune de ces légions romaines 1.700 hastati, 1.700 principes, 600 triarii et 1.500 hommes de levis armatura, soit un effectif total de 4.500 hommes. Les Latins, unis à Rome par d'anciens traités, lui avaient, d'ailleurs, fourni, pour le temps de cette guerre, un contingent de 20.000 hommes d'infanterie[75], répartis en quatre légions de 5.000 hommes chacune ; ces légions alliées, dotées d'une organisation analogue à celle des troupes romaines, étaient attachées aux armées consulaires, de telle sorte que celles-ci se composaient, en définitive, de huit légions, comptant ensemble 42.000 hommes d'infanterie.

Les hastati, principes et triarii de chaque légion se partageaient respectivement en dix groupes[76] ; ces fractions constituées, numériquement égales, étaient dites manipuli, en mémoire de la poignée de foin qui, fixée au bout d'un long bâton noueux, servait d'enseigne, aux Romains primitifs[77]. Les tirailleurs étaient aussi répartis en dix pelotons[78]. Le manipulus, unité tactique, se formait en bataille sur dix rangs. Il suit de là que, le jour de la Trebbia, chaque manipulus de hastati ou de principes, d'un effectif de 170 hommes, présentait en bataille un front de dix-sept files ; chaque manipulus de triarii, n'ayant que 60 hommes, un front de six files seulement. Les pelotons de levis armatura affectaient eux-mêmes, en plan, la forme manipulaire d'un rectangle de 15 hommes de front sur 10 de profondeur.

Pour former la légion en bataille, on alignait les hastati suivant une direction donnée, en faisant prendre à leurs dix manipuli des intervalles égaux à l'étendue de leurs fronts. En arrière de ce premier alignement, et parallèlement, à distance de manipulus, on disposait de même le corps des principes ; en troisième ligne enfin, toujours parallèlement et à même distance, on plaçait les triarii. Les trois armes de la gravis armatura ainsi établies constituaient un système de lignes à intervalles parallèles[79] ; mais il est essentiel d'observer que ces trois alignements se conformaient réciproquement à l'ordre en échiquier ; que les pleins correspondaient aux vides. L'épaisseur des dix rangs d'une ligne quelconque mesurait 11m,10 ; la profondeur totale des trois lignes, 55m,50, distances comprises. Les pelotons de levis armatura se plaçaient, lors des formations en bataille, derrière la ligne des triarii, mais le chiffre de leur épaisseur n'entrait point dans ce compte.

Il est, d'ailleurs, facile de calculer l'étendue du front de l'infanterie d'une légion en bataille. Chaque homme occupait, en effet, 0m,90 dans le rang[80], et il lui était, en outre, attribué pareil intervalle en tous sens pour la liberté de ses mouvements au moment du combat[81] ; la largeur d'une file était, par conséquent, de 1m,80. Il suit de là que, à la Trebbia, le front d'un manipulus de hastari était de 30m,60 ; que les dix manipuli de cette arme occupaient ensemble 3o6 mètres ; leurs neuf intervalles, 275m,40 ; le front de cette première ligne de gravis armatura, 581m,40 ; que ce chiffre exprime bien l'étendue du front de l'infanterie d'une légion, puisque les principes et les triarii se formaient parallèlement en arrière des hastati, qui les masquaient. Si l'on suppose que les consuls aient laissé la valeur d'une légion à la garde de leurs camps de Statto-Rivalta, et que, par suite, ils n'aient eu à former en bataille que sept légions, alliées ou romaines, on voit que leurs troupes d'infanterie, en bataille sur la rive droite de la Trebbia, y présentaient un front de plus de 4 kilomètres de développement. Ordinairement, l'infanterie d'une légion s'encadrait de certaines forces de cavalerie qui lui étaient spécialement affectées, et qu'on pourrait appeler divisionnaires ou plutôt légionnaires ; par dérogation à ce principe, Sempronius rendit sa cavalerie indépendante pour la jeter par moitié sur les deux ailes de l'infanterie[82], en la répartissant comme d'habitude en turmæ ou pelotons de 32 cavaliers, qui se formaient sur quatre rangs et huit files. Un cavalier occupant 1m,50 dans le rang, le front d'une turma en bataille était nécessairement de 12 mètres. L'intervalle de deux turmæ consécutives, égal au front de chacune d'elles, mesurait aussi 12 mètres de largeur. Ces données permettront de calculer assez exactement l'étendue du front consulaire. Les Romains disposaient de 4.000 chevaux[83], non compris ceux des auxiliaires cénomans, dont le nombre peut s'évaluer à 2.000[84] ; c'était une masse de 6.000 chevaux, distribués en 180 turmæ, sur un alignement de 4.300 mètres. L'armée romaine comprenait donc, en résumé, de 42.000 à 44.000 hommes d'infanterie, établis sur trois lignes parallèles[85] ; de 4.000 à 6.000 hommes de cavalerie, encadrant cette infanterie ; ensemble, de 46.000 à 50.000 hommes, d'un front de plus de 8 kilomètres.

L'infanterie carthaginoise, organisée à la grecque[86], se formait uniformément sur seize rangs compacts. Elle avait pour unité tactique le σύνταγμα ou carré de 16 όπλίται de côté ; seize συντάγματα accolés constituaient une φάλαγξ de 256 files ; quatre φάλαγγες, une τετραφαλαγγία de 1.024. Un όπλίτης occupant 0m,90 dans le rang[87], le σύνταγμα présentait en bataille un front de 14m,40 ; la φάλαγξ un front de 230m,40 ; la τετραφαλαγγία, de 978m,80, tous intervalles compris. Or, à la Trebbia, Annibal dispose de 20.000 hommes d'infanterie de ligne[88]. Si l'on suppose qu'il en laisse environ 3.600 à la garde de son camp de Settima, on peut conclure qu'il lui reste sous la main une τετραφαλαγγία, d'un effectif de 16.384 hommes. Telle est la force qu'il aligne en bataille suivant une même direction[89], et qui ne prend sur le terrain que l'étendue d'un kilomètre. La cavalerie, également à la grecque, se formait en bataille sur huit rangs. Elle avait pour unité tactique l' ίλη ou peloton rectangulaire de huit chevaux de côté ; seize ίλαι, accolées constituaient une έφιππαρχία ou brigade de 1.024 chevaux et 128 files. Un cheval tenant 1m,50 de largeur dans le rang, έφιππαρχία présentait un front de 192 mètres. Or, Annibal disposant de plus de 10.000 chevaux[90], soit dix έφιππαρχίαι, cette cavalerie occupait sur les ailes[91] un espace de 2 kilomètres. Par conséquent, l'armée carthaginoise, infanterie et cavalerie, présentait, au total, un front de 3 kilomètres, en ligne droite. Devant sa τετραφαλαγγία d'infanterie de ligne, Annibal déploya en rideau tout un έπίταγμα de chasseurs armés de lances à longue hampe[92]. Cette infanterie légère, d'un effectif de 8.000 hommes[93], fut répartie en quatre έπιξεναγίαι, comprenant chacune 256 files de huit rangs ; chaque έπιξεναγία couvrait exactement le front d'une φάλαγξ d'όπλίται. La cavalerie des ailes fut, en même temps, pourvue d'une contre-garde vivante, destinée à rompre, au besoin, les charges de la cavalerie ennemie. De part et d'autre, le général en chef mit en ligne, pour la couvrir, neuf θηραρχίαι ou demi-sections d'éléphants[94]. L'armée carthaginoise se composait, en somme, de 28.000 hommes d'infanterie, 10.000 hommes de cavalerie, ensemble 38.000 hommes, et 18 demi-sections d'éléphants, le tout formé sur deux lignes[95] et n'occupant sur le terrain qu'une étendue d'environ 3 kilomètres.

En définitive, les Carthaginois n'avaient que 38.000 hommes à opposer aux 46.000 ou 50.000 combattants des armées consulaires combinées. Le fait de la supériorité numérique des Romains est donc incontestable, et cette supériorité s'exprime, ainsi qu'on le voit, par un chiffre de 8.000 à 12.000 hommes ; il est, de plus, avéré que leur effectif en infanterie l'emportait d'un tiers sur celui des forces similaires de l'envahisseur. On peut, en conséquence, faire justice du dire qui leur attribue assez gratuitement plus du double de l'infanterie carthaginoise. Napoléon Ier, qui nous a laissé cette affirmation si étrangement entachée d'inexactitude, a, d'ailleurs, parfaitement raison de prétendre que la cavalerie d'Annibal était supérieure en nombre et en qualité[96]. La cavalerie carthaginoise, avait dit avant lui Montesquieu[97], valait mieux que la romaine, pour deux raisons : l'une, que les chevaux numides et espagnols étaient meilleurs que ceux d'Italie ; et l'autre, que la cavalerie romaine était mal armée ; car ce ne fut que dans les guerres que les Romains firent en Grèce qu'ils changèrent de manière...

Une étude comparée des modes de formation en bataille respectivement adoptés par les adversaires en présence nous imposerait préalablement l'examen des propriétés tactiques de la légion et de la phalange ; or, ce sujet, qu'on a déjà tant de fois et si diversement traité[98], sans parvenir à l'élucider franchement, ne nous paraît pas réclamer des dissertations nouvelles. Observons seulement que Napoléon Ier, ayant, à son tour, effleuré la question, s'est égaré dans les considérants du jugement qu'il a cru pouvoir formuler. Sempronius, dit-il[99], fut battu à la Trebbia... parce que, conformément à l'usage établi parmi les Romains, il rangea son armée en bataille sur trois lignes, tandis qu'Annibal rangea la sienne sur une seule ligne... Si le consul eût pris l'ordre de bataille le plus convenable aux circonstances, il n'eût point été débordé... Il convient de redresser l'erreur de ces appréciations : l'armée d'Annibal, établie sur deux lignes parallèles à une direction déterminée, occupait sur le terrain une étendue de trois kilomètres, c'est-à-dire inférieure à la moitié du développement total du front de l'armée romaine. Celui des deux adversaires qui s'exposait le plus au danger d'être débordé, ce n'était point, par conséquent, le consul, mais bien le commandant des forces carthaginoises.

Un reproche plus sérieux a été fait à Sempronius. Ce consul, dit Folard[100], suivit la coutume romaine dans une conjoncture où il était besoin de fortifier beaucoup plus ses ailes, et où il était le plus faible ; mais rarement les Romains changeaient dans leur façon de se ranger, car l'on peut dire qu'à l'égard de leur tactique, la routine avait un aussi grand pouvoir qu'elle en a dans la nôtre. Le consul ne devait pas ignorer qu'Annibal était supérieur en cavalerie... et que la supériorité de cette arme fait beaucoup dans un terrain où les ailes, de part et d'autre, se trouvent en l'air, sans être appuyées nulle part. Un capitaine expérimenté peut suppléer à la faiblesse d'une arme par la force de l'autre... Les Romains étaient plus forts en infanterie ; rien n'empêchait leur malhabile général de soutenir sa cavalerie, d'y faire passer non-seulement les triaires, alternativement mêlés parmi les escadrons, mais encore une partie de ses armés à la légère... je ne sais ce qu'il en serait arrivé, si le consul eût pris le parti de faire soutenir sa cavalerie par son infanterie... Les mauvais généraux sont semblables aux médecins ignorants, qui tueraient plutôt leurs malades que de sortir des règles ordinaires.

Il ne serait pas difficile d'accabler encore à d'autres points de vue la mémoire de ce Sempronius, qui allait si délibérément se faire battre sur la Trebbia. Rien ne l'obligeait, en effet, à donner la bataille ; mais, la donnant, il devait choisir son terrain et surtout ne point s'engager à fond, avec une rivière à dos[101] ; la donnant, il ne devait le faire qu'avec des troupes dont l'état de préparation eût été, de tous points, satisfaisant. Or, celles qu'il allait mener à l'ennemi ne se trouvaient guère dans de bonnes conditions. On se rappelle, en effet, que, sur l'ordre du gouvernement de Rome, ces légions avaient été d'urgence embarquées à Marsala, pour être débarquées à Reggio ; que, de là, elles avaient été dirigées sur Rimini, puis de Rimini sur Bobbio, enfin de Bobbio sur le camp de Statto. Elles étaient harassées de fatigue[102].

Les hommes, surmenés, souffraient, de plus, du froid. Au moment où il leur fallait marcher au combat, un aigre vent du nord cinglait cruellement ces visages bronzés au sirocco de la Sicile ; ils avaient peine à tenir une arme entre leurs mains : l'eau de la Trebbia venait de les glacer ; ils se sentaient plus morts que vifs[103].

Ce n'était pas assez : exténués et transis, les malheureux soldats mis en demeure de combattre tombaient d'inanition au moment où ils allaient être tenus de faire acte de vigueur ; sortis de leurs tentes à l'improviste et sans avoir pris de nourriture, ils mouraient littéralement de faim[104]. Leur général avait simplement omis de tenir compte du principe aux termes duquel les vieux capitaines de l'antiquité n'eussent jamais entrepris une affaire avant d'avoir amplement fait boire et manger leurs soldats[105].

Mais l'étonnant Sempronius, absolument étranger à l'art de l'organisation des armées, hostile à tout souci des affaires de détail, n'était pas homme à s'émouvoir de ces contretemps. Ce vaniteux, plein de simplicité, se figurait audacieusement que les faveurs des comices lui avaient conféré, avec le consulat, l'expérience et les qualités requises de tout bon général ; qu'il lui suffisait d'avoir revêtu la pourpre pour exercer excellemment le commandement ; d'avoir coiffé le casque aux longs panaches pour se dire passé maître en l'art de la guerre[106]. Ce médiocre personnage s'imagina, dit Folard[107], qu'il n'avait qu'à se présenter pour vaincre, sans prendre aucune des mesures nécessaires à l'exécution d'un grand dessein.

Quel saisissant contraste offrait l'aspect des armées consulaires avec celui de l'armée carthaginoise ! Tandis que les légionnaires marchaient à l'abandon, leurs heureux adversaires étaient l'objet des soins les plus minutieux de la part d'un général vigilant, qui, lui, n'ouvrait jamais au hasard qu'un droit de puissance subalterne, celui qu'on ne saurait, en somme, lui refuser. En dehors des limites de ce rôle restreint, tout avait été correctement soumis au calcul. Après les longues étapes qu'ils avaient dû fournir, les soldats d'Annibal, établis à Settima, venaient d'y prendre un repos réparateur[108] ; au moment où allait s'engager une action nouvelle, ils se sentaient frais et dispos. Dès l'aube, de grands feux flamboyaient sur le seuil de leurs tentes[109] ; sous les rayons de ces foyers ardents, ils oubliaient les rigueurs de la nuit, et, pendant qu'ils fourbissaient les armes ou faisaient le pansage des chevaux[110], de lourds chariots[111] défilaient en silence le long de leur front de bandière illuminé. C'étaient les voitures du parc de réserve du service des subsistances, escortées des fonctionnaires administratifs et de leurs commis aux écritures[112]. Le chargement consistait en denrées de toute espèce, enfermées dans de grands sacs de cuir, des peaux de boucs, des paniers d'osier ou des jarres en terre cuite[113]. Laissant sur roues leurs approvisionnements en matières premières, telles que grains et farines[114], les agents déchargeaient au seuil de chaque tente des rations de vivres transformées par une cuisson préalable[115] en objets de consommation immédiate : des pains, des polentas, des galettes préparées à la manière gauloise[116] (gallettes), du sel, dont les anciens étaient si friands qu'ils le mangeaient, sans autre mets, avec le pain. Cette denrée faisait indispensablement partie de l'ordinaire du soldat et même de sa solde (salarium) ; il ne pouvait s'en passer[117]. Les commissaires distribuaient, en outre, des salaisons : viandes de haut goût, charcuteries apéritives, chairs de porc cisalpin vigoureusement assaisonnées[118] ; des conserves de poissons, analogues à nos poudres de viande[119] ; des fromages[120], des olives[121], des oignons[122], des gousses d'ail[123] ; pour dessert, des fruits secs ou confits : figues et baies de myrte[124] ; pour stimulants, des têtes de pavots macérées dans le miel[125] ; enfin, des liquides : de l'huile[126] et du vin[127].

La distribution opérée, les troupes reçurent l'ordre de prendre leur repas du matin[128]. Ainsi, pendant que les légionnaires romains étaient, comme on le sait, à jeun et grelottants, les Carthaginois, bien traités, magnaient, buvaient gaiement ou se chauffaient. Quand ils eurent fini de se réconforter[129], on leur donna des flacons d'huile aux parfums pénétrants, pour s'oindre tout le corps et s'assouplir les membres[130]. Telle était l'antique coutume militaire, tirée des us de l'athlète olympique, et qu'Annibal, à l'exemple d'Alexandre et d'Eumène, n'avait pas manqué d'introduire dans les règlements de son armée. Cette toilette gymnastique se fit devant les feux de bivouac ; puis les hommes se rhabillèrent, coiffèrent le casque et bouclèrent la cuirasse ; leurs armes bien fourbies, réfléchissant la flamme, brillaient d'un éclat de bon augure ; les chevaux, sellés et bridés, hennissaient en dressant l'oreille[131] ; matériellement, on était prêt.

Mais il ne suffisait pas au général en chef d'avoir prescrit à ses compagnons d'armes une série méthodique de précautions et de soins corporels ; imbu, dès son enfance, des saines théories de l'art du commandement et sachant l'exercer en maître[132], Annibal ne négligeait jamais l'œuvre de la préparation morale. Assemblant donc les officiers qui servaient sous ses ordres, il leur rappela qu'il avait besoin de compter sur leur dévouement, même sur un louable entrain à remplir leurs devoirs professionnels[133]. Il leur parla des dieux, de la patrie, de l'honneur, aborda savamment les sujets propres à soulever les passions, et fit, pour sa péroraison, appel au plus puissant des moyens oratoires, à celui qui, procédant des éternels principes de la sagesse économique, met en jeu les ressorts de l'intérêt individuel. Façonnés au respect d'une règle qui ne rencontrait ni opposants ni détracteurs, les anciens attribuaient aux services militaires une valeur qui, comme les autres sources de la richesse, était cotée sur le marché et soumise aux fluctuations du cours. Au Ve siècle avant notre ère, ils considéraient comme suffisamment rémunérateur le prix d'une cyzicène ou darique (27 fr. 58 c.) par soldat d'infanterie et par mois[134], ou d'une drachme (0f,9166) par homme et par jour[135] ; les officiers recevaient, selon leur grade, le double ou le quadruple de cette allocation[136]. Tels sont les chiffres qu'on aurait à prendre pour base si l'on se proposait de restituer les tarifs de solde de l'armée carthaginoise, mais qui devraient être considérés comme des minima, attendu que, au temps de la deuxième guerre punique, l'argent avait déjà subi des dépréciations notables, à raison d'une large exploitation des gisements minéraux de l'Espagne. Nous savons, d'autre part, que le sage Annibal aimait à rétribuer généreusement les services rendus. Élève du grec Sosile, il avait lu Platon et pensait, avec le grand philosophe, qu'une bonne administration militaire doit soigneusement se tenir au large de deux écueils, ceux d'où sourdrait pour le soldat ou la richesse ou l'indigence. La richesse, en effet, engendre la mollesse, l'oisiveté, l'amour du changement ; l'indigence ouvre libre carrière aux instincts bas et serviles, au goût des aventures, à l'esprit de perversité[137]. Pour ces motifs, nous ne croyons pas trop nous éloigner du vrai en évaluant à un franc par jour la solde du fantassin ; à deux ou quatre francs, selon son grade, celle de l'officier carthaginois.

Cela posé, il convient d'observer que le service de la solde comporte, dans l'antiquité, divers accessoires, tels que primes d'engagement, gratifications, suppléments, récompenses. Un gouvernement a-t-il besoin de soldats ? Il offre deux mines (183 francs) à tout homme qui voudra s'enrôler, un talent (5.500 francs) à tout chef qui sera prêt à servir sa cause[138]. Un prince croit-il nécessaire de s'assurer la fidélité d'un petit corps de troupes ? Il lui fait, en un jour, don gracieux de 10.000 dariques (275.800 fr.) payées comptant[139]. Est-il sur le point d'entrer en campagne, et les opérations impliquent-elles des difficultés ? Il traite à prix librement débattu et consent un supplément de solde de moitié en sus[140]. Partout, avant les actions décisives, on voit les chefs d'Etats ou les commandants d'armées promettre à ceux qui se conduiront bien des distinctions honorifiques ou des récompenses pécuniaires[141]. Parmi celles-ci figure l'octroi éventuel, soit d'une part de butin, soit d'une solde double, triple ou quadruple[142], soit enfin d'une somme d'argent une fois donnée, à titre de gratification[143].

Pour Annibal, quelles promesses a-t-il faites à ses mercenaires, le matin de la Trebbia ? Celles d'une part de butin, d'un multiple de solde ou de quelque cadeau d'une importance égale à celle des services qu'il attendait de leur bonne volonté ? S'est-il engagé à leur abandonner, s'ils parvenaient à la reprendre au Capitole, dans le sanctuaire du maître des dieux, la fameuse couronne d'or que la République de Carthage avait jadis donnée à Rome[144] ? A-t-il fait envisager aux soldats enrôlés à raison d'un franc par jour que, la fortune aidant, ils pourraient gagner deux, trois et même quatre francs ? à l'officier subalterne, payé soixante francs, qu'il était en passe d'acquérir des droits à des appointements de 120, 180 ou 240 francs par mois ? aux officiers de rang supérieur, jouissant d'un traitement annuel de 1.440 francs, que ce chiffre courait chance de s'élever à 2.880, 4.320 ou 5.760 francs ? Nous n'avons aucune donnée à cet égard. Ce que nous savons, c'est que, sur la fin de sa harangue, le jeune général se porta garant de magnifiques gratifications envers tous ceux, officiers ou soldats, qui s'en montreraient dignes et se révéleraient comme gens de valeur[145]. Étant donné, d'ailleurs, le caractère systématiquement généreux de cet habile conducteur d'hommes, il est permis d'admettre que le soldat put compter sur un cadeau minimum de deux mines (183 francs) ; l'officier, sur celui d'un talent (5.500 francs).

L'effet de ces promesses se manifesta sur-le-champ par l'explosion d'une vive ardeur belliqueuse. Reposés, bien armés, bien montés, refaits par un excellent repas, le cœur joyeux, l'esprit libre, pleins de foi en leur général en chef, les combattants carthaginois se proclamèrent capables d'accomplir des prodiges[146].

Quand, après avoir parachevé leurs manœuvres, les deux armées se trouvèrent face à face[147], il était déjà tard ; encore quelques heures, et la nuit devait succéder à cette sombre journée de décembre[148], qu'allaient remplir tant de scènes de mort. Annibal et Sempronius sentaient qu'il était temps d'agir. Une fois à bonne distance, ils arrêtèrent, pour ainsi dire d'un commun accord, leurs troupes d'infanterie de ligne, et celles-ci prirent une attitude expectante, en observant une immobilité absolue. Ces épaisses masses d'hommes semblèrent pétrifiées : on eût dit des murailles de fer[149]. Alors, des deux côtés, s'ouvrirent des fanfares : les champs que la bataille allait ensanglanter retentirent des sons perçants de la σάλπιγξ et de la βυκάνη d'argent des Carthaginois, des notes aiguës de la tuba, de la buccina et de la corna de cuivre des Romains[150]. C'étaient, de part et d'autre, des sonneries pressantes, équivalant à celles qui traduisent aujourd'hui à nos troupes le commandement réglementaire : En tirailleurs !

Effectivement, tous les créneaux[151] des légions romaines, tous ceux de la τετραφαλαγγία carthaginoise, livrent passage à des essaims de tirailleurs qui portent une tunique serrée à la taille[152], faite pour se prêter à l'agilité de leurs mouvements. Ils s'écoulent en un clin d'œil... puis, ces fourmilières d'hommes aux jarrets d'acier se déploient méthodiquement pour former une chaîne en avant du front qu'elles ont à couvrir[153]. Là, voltigeant avec prestesse, chaque parti se met à provoquer son adversaire[154] ; il engage l'action, à la manière de la brume qui annonce une pluie d'orage et lui sert de prélude[155].

On distinguait, du côté des Romains, une nuée de combattants armés du γρόσφος ou hasta velitaris, dont l'invention était attribuée aux Etrusques[156] ; des frondeurs mercenaires[157], des archers[158] d'origine crétoise, recrutés en Sicile ou sur la côte Adriatique de l'Italie méridionale, principalement à Brindisi[159] ; du côté des Carthaginois, des Baliares, dont le nom, fameux dans l'antiquité, impliquait militairement la signification de frondeurs émérites[160]. C'est à tort cependant que Végèce leur attribue[161] l'invention de la fronde ; les habitants encore sauvages des îles Gymnasiennes (Majorque, Minorque et Ivice) n'avaient fait, à cet égard, que profiter d'une instruction donnée par les Phéniciens. Les Baliares d'Annibal portaient, en temps ordinaire, une tunique à large bordure de pourpre ; mais, pour combattre, ils s'étaient mis à nu jusqu'à la ceinture[162], afin de laisser à leurs bras une entière liberté d'action. Ils avaient en bandoulière une gibecière ou sacoche[163] contenant leurs munitions ; chacun d'eux était armé de trois frondes : l'une enroulée à la tête, à la manière d'une brîma arabe ; une autre autour du corps ; la troisième à la main[164]. Les trois engins consistaient en de simples lanières de cuir, tendons de bœuf ou sangles de crin[165].

C'est à ces habiles praticiens qu'il était ordonné d'engager le combat[166]. Ils commencèrent par dérouler la courroie de leur μακρόκωλον, ou fronde appropriée au tir à grande distance[167], puisèrent une à une, dans leurs sacoches, ces balles de plomb[168] dont l'expérience avait depuis longtemps permis d'apprécier les propriétés balistiques[169], et en projetèrent successivement, mais rapidement, un nombre formidable sur les manipuli romains. Leur adresse était extraordinaire ; ils ne manquaient jamais d'atteindre le but visé[170]. Bien mieux, ne se contentant pas de prendre pour cible la tête d'un rorarius ou d'un hastatus donné, ils touchaient leur adversaire en telle partie du visage qu'il leur avait plu de choisir[171].

Poussant ensuite en avant, ils prirent leur fronde de moyenne grandeur et, gardant en réserve le reste de leurs balles de plomb, firent pleuvoir sur l'ennemi les galets ovoïdes qu'ils avaient ramassés la veille sur les bords de la Trebbia[172]. Se rapprochant encore et recourant cette fois à l'emploi du βραχύκωλον, ou fronde en usage dans les engagements à petite distance[173], ils lancèrent sur les masses romaines des pierres de gros volume, d'un poids supérieur à celui de tous les projectiles alors en usage[174]. Bien qu'il n'eût coutume de faire faire qu'un seul tour de moulinet à sa fronde[175], le tirailleur baliare savait imprimer à ces fragments de roche une vitesse initiale assez grande pour qu'on pût les croire envoyés par des organes de catapulte[176].

Écrasés sous une grêle de pierres de tout calibre[177], étourdis des craquements de leurs casques, de leurs cuirasses, de leurs boucliers fracassés par les projectiles[178], les légionnaires de Sempronius furent, après peu d'instants, atterrés[179]. Comment faire pour résister à un ouragan dont nous ne saurions mieux comparer les effets qu'à ceux de l'explosion d'une fougasse-pierrier, accompagnée d'un feu de mousqueterie bien nourri ? Les frondeurs baliares se tenaient hors de portée du γρόσφος des rorarii[180] ; les archers crétois avaient, pour la plupart, épuisé leurs munitions[181] ; d'ailleurs, une humidité persistante paralysait l'action des cordes de leurs arcs[182]. Le consul crut alors devoir appuyer sa levis armatura de moyens plus puissants que ceux de l'arc, du javelot ou même de la fronde[183] : il fit mettre en batterie quelques pièces d'artillerie névrobalistique. Ces engins n'étaient point le produit d'une découverte récente ; historiquement, l'usage en remonte à plus de huit siècles avant notre ère[184], et nous avons dit (liv. V, chap. IV) que les Romains eux-mêmes s'en étaient servis au cours de la première guerre punique. Mais les tons d'un appareil encore imparfait se détraquaient facilement sous l'influence de la pluie ou d'un simple brouillard[185]. Or, le jour de la Trebbia, les eaux du ciel et celles de la rivière que Sempronius venait de passer à gué avaient tellement mouillé l'armée consulaire que son matériel d'artillerie se trouvait absolument hors de service[186].

Bien que les textes n'en disent rien, il nous paraît vraisemblable qu'Annibal dut aussi faire donner quelques-unes de ses pièces, car, à l'exemple d'Alexandre le Grand[187], il traînait, lui aussi, une artillerie de campagne. C'est un fait que nous avons essayé d'établir (liv. V, chap. IV.), en exprimant, de plus, que cette artillerie était névrobalistique, ou, comme le disent certains commentateurs, névrotone. Dès lors, on est conduit à se demander pourquoi les textes, qui mentionnent l'état de détérioration des machines romaines, restent muets en ce qui concerne les engins carthaginois. Comment expliquer que le matériel d'Annibal échappe ainsi à l'influence pernicieuse des circonstances hygrométriques de la journée du 26 décembre ? Nous ne pouvons répondre à cette question qu'en émettant une hypothèse dont les bases ne seront sans doute pas jugées irrationnelles.

Antérieurement à la grande période alexandrine qui correspond à l'intervalle de temps compris entre le siècle d'Alexandre et le siècle d'Auguste, le jeu des appareils balistiques ne provenait que de la force de torsion d'un ou plusieurs faisceaux de fibres élastiques, lesquels exerçaient leur action sur des leviers propulseurs, à la manière d'une corde de scie qui commande son taquet de serrage[188].

Mais, au cours de cette période, un événement considérable se produisit, qui modifia profondément les conditions du problème : le fils d'un simple barbier d'Alexandrie, le fameux ingénieur Ctesibius, auquel on attribue l'invention du piston[189] et d'une espèce de machine à air comprimé, eut l'idée de remplacer les fibres élastiques, tendons, chanvre, cheveux ou crins, par des ressorts métalliques ; de substituer ainsi à l'engin névrotone, reconnu défectueux, un mécanisme perfectionné, qui prit le nom de χαλκότονον όργανον[190]. Suivant la même voie que son maître, un élève de Ctesibius, le non moins célèbre Héron d'Alexandrie, auquel on doit la description technique de la chirobaliste[191], introduisit dans cet engin un système de ressorts à canons ou rubans d'acier.

Cela posé, est-il permis de croire que le sage Annibal, qui, certainement, se tenait au courant des progrès de l'art, ait connu les améliorations apportées au matériel de l'artillerie par Ctesibius et Héron ? Nous n'hésitons pas à répondre affirmativement. On sait, en effet, que la deuxième guerre punique (218-201) tombe en pleine période alexandrine ; si l'on requiert des limites plus précises, on peut observer avec MM. Kochly et Rüstow[192] que Ctesibius vivait sous Ptolémée Soter (323-284), c'est-à-dire antérieurement à la naissance du fils d'Amilcar[193]. Que, si l'on refuse d'adopter ces limites du règne de Ptolémée Ier pour celles de la vie de Ctesibius, on veuille considérer que la tradition attribue au génie d'Archimède les procédés balistiques exposés en la Bélopée d'Héron d'Alexandrie[194]. Héron ne serait, à ce compte, qu'un commentateur, un disciple du grand ingénieur de Syracuse, et l'on pourrait en inférer que les documents qu'on trouve en son ouvrage de la Chirobaliste ont été puisés aux mêmes sources que ceux dont fait mention la Bélopée. Il suit de là qu'Archimède aurait connu, sinon inventé, les canons ou ressorts d'acier. Or, Annibal était le contemporain d'Archimède. Enfin, Philon de Byzance nous fait expressément connaître que ridée des ressorts métalliques n'est venue à l'esprit de son maître Ctesibius qu'à la vue d'une épée espagnole dont la lame était douée d'une élasticité remarquable[195]. Quand les Romains, dit Montesquieu[196], eurent connu l'épée espagnole, ils quittèrent la leur. Mais ce qui est digne de remarque, c'est que, l'arme une fois adoptée, les Romains n'en connurent jamais le mode de fabrication[197]. L'industrie espagnole n'initiait personne à ses procédés métallurgiques, et l'observation de ce principe lui permettait de se ménager le monopole du commerce des aciers. Or Annibal était maître de l'Espagne ; il en connaissait les ressources et n'avait pas manqué d'y visiter les manufactures d'armes, qui, pour lui, ne pouvaient avoir de secrets. Peut-on affirmer que ce ne soit pas lui, le grand Carthaginois, qui, frappé le premier du fait de l'élasticité des lames d'arme blanche, ait suggéré l'idée des ressorts métalliques aux ingénieurs d'Egypte ou de Sicile ? Pour ces motifs, nous estimons que le matériel dont les artilleurs de l'armée carthaginoise faisaient usage à la journée de la Trebbia n'était peut-être plus névrobalistique ou névrotone, mais bien à ressorts de cuivre rouge, c'est-à-dire du système dit chalcotone, ou à ressorts d'acier, c'est-à-dire du système sidérotone.

Dans cette hypothèse, les engins d'Annibal ne pouvaient craindre l'humidité, comme ceux de Sempronius.

Nous reconnaissons que les textes ne parlent nullement du combat d'artillerie dont nous constatons la vraisemblance. Ce qui est, en tout cas, hors de doute, c'est que la levis armatara romaine fut impuissante à soutenir la lutte engagée avec celle des Carthaginois ; que le consul dut, en conséquence, prendre des dispositions nouvelles et faire rentrer à leur place de bataille les hommes qu'il avait envoyés combattre en ordre dispersé[198]. Annibal rappela aussitôt les Baliares, ainsi que ses λογχόφοροι, qui, n'ayant pas eu besoin de donner, reçurent l'ordre d'aller se former en seconde ligne. De part et d'autre, les tirailleurs s'empressèrent d'opérer le passage de leurs créneaux en retraite[199], et les deux infanteries de ligne se virent démasquées. Toujours immobiles, mais frémissants, les premiers rangs de la τετραφαλαγγία punique dévisageaient d'un œil farouche les hastati qui les affrontaient ; les légionnaires étonnés leur rendaient ces regards de défi. Tous ces hommes de fer, aux pesantes armures, se sentaient arrivés à l'heure décisive... ils allaient donc enfin pouvoir se mesurer corps à corps[200] !

La σάλπιγξ, qui venait de sonner la retraite aux tirailleurs carthaginois[201], avait cessé de se faire entendre. Il y eut quelques moments d'un silence plein d'anxiété... puis, ce silence fut brusquement rompu par les premiers accords d'une symphonie : la flûte[202], accompagnée de harpes et de lyres[203], attaquait une marche dont le rythme facile était franchement scandé par le tambour[204]. Cette musique militaire avait eu soin de choisir le morceau de son répertoire le plus propre à marquer la cadence du pas ; c'était une mélodie naïve, mais élégamment orchestrée, à laquelle tous ces hommes qui marchaient au combat mariaient à mi-voix les paroles de l'hymne à Castor et Pollux[205]. Entraînés par les chants de ce poème antique, ils s'ébranlèrent avec ensemble et prirent un pas grave, au son des instruments.

L'infanterie de ligne d'Annibal comprenait des contingents espagnols, gaulois et africains[206]. Ceux-ci, l'élite de l'armée[207], étaient placés aux ailes, à l'effet d'encadrer les bandes gauloises, qui alternaient régulièrement, au centre, avec des compagnies espagnoles[208]. Vêtu d'une tunique rouge, le fantassin d'Afrique était solidement bardé de pied en cap : il portait un casque de bronze, une cuirasse d'acier, merveille de ciselure, un large bouclier circulaire tout resplendissant d'or et d'ambre, de corail et d'ivoire[209] ; pour arme offensive, il avait, outre son glaive, une pique ou sarisse qui ne mesurait pas moins de 6 à 7 mètres de longueur[210]. L'Espagnol était fier de sa tunique blanche bordée de pourpre[211] ; le Gaulois, content de sa braie, avait le haut du corps nu jusqu'à la ceinture[212]. Ces hommes, recrutés si loin les uns des autres et que les hasards de la guerre réunissaient par groupes juxtaposés, portaient le même bouclier semi-cylindrique, de 1m,20 de hauteur sur 80 centimètres de largeur[213] ; mais leurs armes de main étaient très-différentes. L'épée espagnole pouvait, à volonté, servir pour la taille ou l'estoc, tandis que le grand sabre cisalpin ne frappait que des coups de taille[214]. Ainsi formée de trois éléments distincts, la τετραφαλαγγία carthaginoise n'en présentait pas moins une physionomie singulièrement imposante. Les ailes accusaient un poids, une force d'inertie, une solidité à toute épreuve[215] ; le centre, bien appuyé, était d'un aspect à la fois étrange et redoutable[216].

Gens d'Afrique, d'Espagne ou de Cisalpine, tous marchaient bien unis, d'un pas souple et ferme, en cadence. En approchant de l'ennemi, ils serrèrent vivement leurs intervalles pour prendre la formation compacte connue sous le nom de συνασπισμός. Pied contre pied, boucliers jointifs, crinières auvent[217], n'occupant plus chacun dans le rang qu'une simple coudée (44 centimètres), ils tombèrent en position : les Espagnols, prêts à pointer en tierce ; les Gaulois attendant le moment de sabrer en avant ; les Africains, croisant la sarisse. Tous ensemble, ils reprirent l'immobilité[218]. Hérissée sur ses ailes de cinq rangs de piques menaçantes, l'infanterie de ligne d'Annibal offrait l'apparence d'un monstre, d'une scolopendre géante étendue sur le flanc et roidissant convulsivement ses mille pieds hideux[219].

Ces masses d'infanterie, si bien en scène sur le terrain horizontal et nu des plaines de la Trebbia inférieure, y manœuvraient avec une aisance extrême, une précision quasi-géométrique[220]. En présence de ce fait dont ils étaient frappés, quelles dispositions les Romains devaient-ils prendre ? Est-il permis de supposer qu'ils aient cru pouvoir s'en tenir à la pratique de leur formation ordinaire, consistant en un système de trois lignes à intervalles parallèles, établies de façon à assurer aux manipuli l'ordonnance dite en échiquier[221] ? Pouvaient-ils raisonnablement conserver leur manière, c'est-à-dire combattre dans des conditions conformes au principe de cette formation, fonder quelque espoir de succès sur les effets du jeu combiné de leurs trois lignes ajourées, sur le résultat final d'une série d'engagements continus, mais alternants, des hastati, des principes et des triarii, opérant, à tour de rôle, des passages de ligne sous les yeux et sous les coups de l'ennemi[222] ? Evidemment, non. Pour être en mesure de lutter à armes égales contre la masse épaisse des Carthaginois, il leur fallait présenter, comme eux, un front plein et compact.

Plusieurs moyens s'offraient d'arriver à ce but. Étant donnée la formation en ligne en échiquier, une légion pouvait passer à celle de la ligne déployée, pleine et sans solution de continuité : soit en serrant les intervalles dans chaque ordre de combattants, soit en faisant faire halte aux hastati et ordonnant, en même temps, une marche en avant en bataille aux principes, jusqu'à ce que les manipuli de ces derniers vinssent exactement s'encastrer entre ceux des hastati, les triarii demeurant en réserve. Mais les Romains savaient prendre une autre formation en ligne, formation dont il est nécessaire d'esquisser le caractère original.

L'organisation de la légion romaine en cohortes semble s'être inaugurée au temps de la deuxième guerre punique, puisqu'il est fait mention de ces subdivisions constituées, non pas seulement à Zama[223], mais déjà même à Trasimène[224] ; on peut donc sans absurdité en admettre le fonctionnement à la journée de la Trebbia. Unité tactique de deuxième ordre, la cohors se composait de trois manipuli : un de hastati, un de principes, un de triarii, et, de plus, d'un groupe de combattants de la levis armatura. Elle était ainsi divisée en quatre sections, comme une de nos compagnies d'infanterie, à cela près que ces quatre éléments ou sections étaient essentiellement dissemblables. Ployée en colonne par section et serrée en masse[225], elle formait ce que nous nommerons la colonne de cohors, par analogie à notre colonne de compagnie d'aujourd'hui. Dix colonnes de cohors, ayant leur tête à même hauteur et séparées l'une de l'autre par un intervalle de manipulus, constituaient pour la légion la formation en ligne de colonnes de cohors, similaire de la formation d'un de nos bataillons actuels en ligne de colonnes de compagnie.

La légion étant en ligne de colonnes de cohors pouvait prendre l'ordre compacte, soit en faisant serrer les intervalles sur une colonne de cohors donnée et appuyer ainsi toutes les colonnes l'une contre l'autre[226], soit en conservant les intervalles égaux au front d'un manipulus et faisant avancer en ligne les groupes de levis armatura pris pour obturateurs desdits intervalles[227].

Les textes ne disent point quelle fut, en cette occurrence, la manœuvre de Sempronius : il nous paraît probable que ses légions, formées d'abord en ligne en échiquier, sont passées à la formation en ligne pleine, par le moyen d'une marche en bataille des principes jusqu'à hauteur de l'alignement du front des hastati. Ce que nous savons, c'est que le consul allait à la rencontre de son adversaire en bon ordre et d'un pas aussi ferme que majestueux[228].

Les deux lignes d'infanterie s'abordèrent... Mais que pouvaient contre une maçonnerie de seize rangs serrés les ύσσοί (pila) ou les δόρατα (hastæ) des antesignani ? La phalange punique était inexpugnable[229]. Les Romains furent bientôt pénétrés du fait de leur impuissance : bien qu'ils eussent la satisfaction de mettre hors de combat quelques Africains, quelques Espagnols et nombre de Gaulois[230], ils ne se sentaient pas avancer d'une semelle. La fortune toutefois demeura longtemps indécise, car, s'ils n'étaient point de même force, les deux partis montraient une égale vigueur[231].

Pour trancher la question, les escadrons carthaginois reçoivent l'ordre de charger les deux ailes de l'armée romaine[232]. Ces cavaliers sont armés de pied en cap : leur bouclier, de forme rationnelle, ne défie pas seulement l'effet des projectiles, mais encore celui des coups d'épée, d'estoc ou de taille ; ils ont la lance au poing, une lance dont la hampe rigide est encastrée, par les deux bouts, dans de solides armatures de fer qui se terminent en pointes effilées[233].

Leurs adversaires sont, au contraire, sans cuirasse, et vont combattre en simple tunique ! Ces imprudents Romains n'ont qu'un fer à leur lance grêle et flexible ; ils ne portent qu'un petit bouclier de cuir, impuissant à les protéger d'une manière efficace ; d'ailleurs, cet appareil défensif est singulièrement détérioré : gonflé par une humidité persistante, il gode et parait inutile[234]. Les modes de formation des deux partis ennemis n'offrent pas moins de disparate : les έλαι d'Annibal sont sur huit rangs ; les turmæ de Sempronius, sur quatre. Enfin, la cavalerie carthaginoise possède une grande supériorité numérique[235]. Dans ces conditions, le résultat d'un choc est facile à prévoir : les Carthaginois, lancés au galop de charge, tombent lourdement sur les Romains, qu'ils enfoncent. Les légionnaires rompus se reforment en vain ; ils ont peine à tenir et n'opposent bientôt plus qu'une faible résistance[236].

C'est alors que, jugeant le moment opportun, Annibal prescrit à son έλεφαντάρχης, ou commandant supérieur du troupeau d'éléphants, de faire donner vivement les forces dont il dispose[237], d'en diriger l'effort sur les deux ailes[238], déjà passablement ébranlées, de l'armée romaine. L'ordre est hiérarchiquement transmis à chaque θηράχης, ou commandant de demi-section, qui le notifie aussitôt à ses deux έλεφανταγωγοί ou cornacs. En un clin d'œil, les vigoureux nègres[239] sont prêts à se porter en avant ; les éléphants qu'ils vont mener à l'ennemi portent fièrement leur tenue de combat : caparaçonnées de housses rouges, la tête empanachée de plumes ou de banderoles aux couleurs éclatantes, le cou ceint de colliers à gros grelots d'argent[240], les magnifiques bêtes semblent n'avoir revêtu tant de parures que pour glacer d'effroi[241] les audacieux qui voudraient affronter leur approche. Les conducteurs ont su rassembler ces énormes montures qu'un long dressage[242] a rompues à l'obéissance ; ils les flattent de la voix, leur répètent doucement le nom qu'elles portent et quelles connaissent[243], les invitent, par des claquements de langue, à se mettre bravement en marche à une allure mesurée. Les dociles kœsas[244] commencent par piétiner sur place ; puis, lentement, ils s'avancent en se dandinant et faisant mine d'esquisser un pas appris à quelque école de chorégraphie primitive[245]. Ils s'animent, lèvent vers le zénith leur ivoire menaçant, agitent fiévreusement leurs oreilles qui bruissent, et poussent ces barrits formidables[246], que les légions romaines prendront un jour pour cri de guerre. Ils s'échauffent... leur large bouche exhale une haleine embrasée, dont les âcres odeurs[247], emportées par le vent, arrivent jusqu'aux derniers rangs de la cavalerie romaine. Celle-ci ne saura pas supporter de sang-froid l'effet de tant de vives surprises : à l'apparition de ces colosses affublés de pourpre et montés par des hommes au visage noir, les chevaux ont tous tressailli. ils entendent mugir les monstres qui viennent sur eux la trompe haute ; ils en aspirent les effluves sauvages. Alors, saisis de terreur, ils se dérobent, forcent la main à leurs cavaliers, se précipitent, et s'entraînent mutuellement en des courses folles. On les voit tourbillonner, s'entre-heurter, s'enfuir[248] ; c'est une dispersion générale, une irrésistible déroute.

La cavalerie consulaire une fois dispersée[249], l'infanterie n'avait plus d'ailes[250]. Elle tenait bon cependant, cette brave infanterie, mais l'énergie de ses efforts ne devait point la préserver d'un désastre ; elle résistait de front au choc de la phalange, quand ses deux flancs mis à nu furent, en même temps, assaillis par toute l'infanterie légère et les tirailleurs carthaginois : λογχοφόροι, Imazir'en, Baliares[251]. Les Baliares surtout se mirent à lui faire grand mal en inaugurant contre elle un tir qui peut passer pour le prototype de celui que les modernes ont connu sous le nom de tir à boulets rouges. Des fourneaux pleins de charbons allumés avaient été apportés sur les lieux[252], et dans ces fours chauffaient des balles ovoïdes en terre cuite, projectiles alors merveilleux que la fronde envoyait brûlants[253]. Les légionnaires de Sempronius étaient atterrés des ravages que faisait dans leurs rangs un tir ou, si l'on veut, un feu auquel ils ne pouvaient répondre.

L'infanterie romaine, si vivement pressée sur ses flancs, est alors menacée d'une attaque de front par les ζωαρχίαι qui viennent de culbuter la cavalerie[254]. Les légionnaires frémissent... ils n'ont pas encore abordé les grands pachydermes dont, à l'exemple du roi Pyrrhus, le sagace Annibal a su tirer parti[255], mais la tradition leur a fait connaître le degré de puissance de ces combattants auxiliaires. Ces masses vivantes qu'on leur oppose prennent à leurs yeux des aspects fantastiques ; ce sont, s'imaginent-ils, des pans de roche détachés de l'Apennin, des montagnes ambulantes[256], des navires en détresse dans la plaine qu'inondent les débordements de la Trebbia[257]. Quelques-uns de ces animaux portent des plates-formes étranges, bordées de bastingages et garnies de combattants[258] ; les hastati les prennent pour des tours mobiles analogues à celles dont on se sert dans l'attaque des places[259] ; les triarii ne peuvent s'empêcher de comparer la τετραφαλαγγία carthaginoise à la muraille d'une enceinte fortifiée ; les éléphants qui viennent sur eux, aux tours flanquantes de cette enceinte[260].

Mais les illusions ne tardent pas à s'évanouir ; il ne peut être longtemps question d'ouvrages de fortification jetés isolément en avant d'une escarpe, ni de vaisseaux, ni de pitons ou mamelons animés. Les ζωαρχίαι, qui marchaient à une trentaine de mètres d'intervalle, se réunissent, deux par deux, en θηραρχίαι ; puis, quatre de ces demi-sections se soudent, à leur tour, en une έλαρχία ou subdivision de huit bêtes alignées sur un rang et serrées côte à côte[261]. Les Romains voient ainsi se former en bataille quatre έλαρχίαι formidables, qui doivent pousser ensemble en avant, comme une lame qui va déferler sur la plage. Les animaux en ligne manifestent une ardeur singulière : la trompe serpente, les oreilles battent, l'œil est farouche : c'est que leurs avisés έλεφανίαγωγοί viennent de leur donner des boissons enivrantes[262].

Les nègres, surexcités eux-mêmes, ne leur parlent plus amicalement ; ils les hèlent d'un ton bref, les assourdissent de cris rauques, les stimulent, leur piquent la tête et les oreilles à coups répétés de harpon[263]. Quand ils tombent comme une avalanche sur les légions romaines, les géants entraînés sont en plein accès de fureur.

Le choc violent de ces έλαρχίαι était bien de nature à jeter la panique dans les manipuli ; le désordre fut donc, en un instant, à son comble, et le moral des combattants, sérieusement atteint[264]. Mécaniquement, on jugera de l'effet produit, si l'on veut bien songer aux dimensions du corps d'un éléphant[265] ; si l'on considère que le poids peut s'en évaluer, en moyenne, à 5.000 kilogrammes[266] ; que la vitesse de la bête vivement poussée équivaut, pour le moins, à celle d'un cheval au galop. Cette supputation des deux facteurs théoriques est d'une éloquence sur le fait de laquelle il n'est pas nécessaire d'insister.

L'infanterie de Sempronius est donc facilement enfoncée par ces masses : il s'y fait des trouées d'une largeur énorme[267], plaies béantes d'où jaillit le sang, où palpite la chair des hommes écrasés[268]. Et ce n'est encore là qu'un des modes du carnage qui va s'accomplir. La plupart des colosses attachés à cette œuvre de mort ont leurs défenses munies d'armatures d'acier ou renforcées de piques de gros calibre[269] ; ils se servent de ces armes puissantes pour labourer profondément les rangs que leur poitrail ne parvient pas à rompre[270], pour éventrer les malheureux rorarii accourus au secours de la gravis armatura, les percer d'outre en outre ou les faire sauter en l'air, eux, leurs javelots et leurs boucliers[271]. Quelques-uns d'entre ces kæsas qui, comme le vieux Surus, ont perdu leur ivoire, procèdent d'une manière différente, mais non moins vigoureuse[272]. Ils battent de la trompe, saisissent de cette main l'homme qui se trouve sur leur passage, l'étouffent dans des replis de fer ou le broient sous leurs pieds, le projettent au loin[273] ou le livrent à leurs cornacs, qui lui plongent aussitôt un poignard dans la gorge[274]. Enfin, tandis que les éléphants massacrent[275] ainsi les tirailleurs romains, qui essayent de leur couper les jarrets, de les percer de coups à leurs parties vulnérables[276], les combattants carthaginois postés sur les tours font tomber sur les manipuli effarés une grêle de javelots et de projectiles incendiaires[277].

Et néanmoins, contre toute espérance, l'infanterie légionnaire trouve moyen de résister à ce terrible assaut[278].

Cette malheureuse infanterie, battue en brèche sur son front, harcelée sur ses flancs, entend tout à coup la σάλπιγξ carthaginoise qui retentit sur ses derrières[279]. C'est une sonnerie de mauvais augure, dont le poète Ennius, qui sert dans les rangs consulaires, grave dans sa mémoire la sinistre onomatopée : Taratantara ![280] Que signifient ces furieux coups de langue ? Quels sont les commandements exprimés par ces notes stridentes, qu'accompagne un concert de violentes clameurs ?

Les légionnaires des derniers rangs, jetant obliquement un regard en arrière, aperçoivent au travers d'un rideau de pluie battante une multitude de petits chevaux lancés à fond de train[281].

Ces bêtes étranges, qui ne sont ni sellées ni bridées, obéissent à la simple baguette[282] ; les cavaliers qui les dirigent portent une large tunique à bordure de pourpre, sur laquelle est négligemment jetée une mastruga en peau de bête : ours, panthère ou lion. Quelques-uns sont couverts de vêtements bizarres, à scintillements d'écaillés de poisson ou de squammes de serpent[283].

Ils ont pour bouclier une rondelle de bois recouverte de cuir, pour cuirasse un corselet de peau[284], pour armes offensives : une épée droite, une courte lance à large fer et de petits javelots[285]. Çà et là, sur quelques épaules, brille un carquois bourré de flèches[286].

Avec eux sont des gens de pied dont l'aspect n'est pas moins farouche ; armés d'un grand bouclier circulaire en peau d'éléphant[287], ces sauvages fantassins bondissent au milieu des chevaux qui galopent, et tiraillent avec frénésie, pendant que la σάλπιγξ d'argent sonne implacablement le Taratantara.

Un long cri de terreur s'échappe de la poitrine des antesignani... Les Africains !... font-ils douloureusement, ce sont les Africains ![288] La férocité des Imazir'en d'Annibal est déjà légendaire chez les soldats de Rome : on dit que ces irréguliers extraordinaires savent faire, comme des fauves, arme de leurs mâchoires, qu'ils étranglent à belles dents ou déchirent leurs ennemis, qu'ils leur sautent à la gorge pour leur sucer le sang, à la façon des lynx[289] !... Le consul Sempronius, personnage sérieux, ne saurait prêter l'oreille à de telles fables, mais il ne peut hélas ! s'abuser plus longtemps.

La situation est d'une gravité terrible, et cette panique de la gravis armatura n'a, malheureusement, que trop de raisons d'être : on est pris à revers, on est tombé dans un guet-apens !... Qui jamais eût songé à éventer pareille embuscade ?... Qui se doutait des dangers occultes enfouis dans le ravin de la Trebbiola ?

C'est sans doute à l'exemple d'Annibal que le prince Eugène de Savoie, opérant, comme son modèle, sur la rive droite du Pô, dressa la célèbre embuscade de Luzzara, tant admirée du maréchal de Saxe. Le 15 août de l'année 1702, Eugène défilait derrière la digue du Zerô, non plus un simple détachement, mais la totalité de ses forces : l'infanterie, sur le ventre, contre le revers de la digue ; la cavalerie, en bataille derrière l'infanterie. Ainsi placés à l'affût, les Impériaux devaient tomber à l'improviste sur l'armée franco-espagnole et, probablement, la détruire jusqu'au dernier homme.

Le coup faillit réussir : Vendôme, qui marchait tranquillement sur Luzzara, ne dut son salut qu'à l'effet d'un heureux hasard. C'est que Vendôme ne s'éclairait pas mieux que Sempronius, et que celui-ci ne paraît pas s'être éclairé le moins du monde à la journée de la Trebbia.

Folard l'accable à ce sujet de reproches : Il est bien peu de généraux, dit-il[290], qui négligent une chose si importante et d'où dépend le succès entier d'une bataille. Sempronius porta la négligence jusqu'à ce point-là. Il s'imagina peut-être que ces précautions étaient inutiles dans un plaine rase et découverte, qu'il lui suffisait de voir de loin, et rien ne nous trompe davantage. Qu'il se soit attaché simplement à ce qu'il voyait devant lui, au terrain qu'il occupait, et à celui de l'ennemi, c'est une faute ; mais négliger de reconnaître celui qu'il a au delà de ses ailes et sur ses derrières, voilà un sujet d'étonnement. Le bon sens exigeait qu'il fît reconnaître et fouiller ces endroits qu'il avait à côté de lui sur les bords du ruisseau. S'il l'eût fait, il n'eût pas manqué de trouver la bête au gîte et d'éventer l'embuscade.

Ce jugement sévère et assurément mérité ne doit pas seulement frapper Sempronius, car, si ce consul est tombé dans le piège, tout autre que lui s'y fût vraisemblablement laissé prendre. A cette époque, en effet, les gens de guerre de Rome étaient encore naïfs : l'esprit de circonspection, la clairvoyance, leur faisaient communément défaut. Ils savaient bien faire explorer les bois et les fourrés épais, où les Gaulois leur avaient déjà ménagé tant de surprises désagréables ; mais les plaines dénudées ne leur inspiraient point de défiance[291]. Ils ne se doutaient pas qu'un sol ras et chauve n'est souvent pas moins dangereux qu'une forêt sombre ; qu'il offre toujours des couverts où, moyennant quelques précautions fort simples, des partisans peuvent aisément dissimuler leur présence aux regards investigateurs de l'ennemi le plus soupçonneux.

En jetant les yeux sur la rive droite de la Trebbia, les speculatores de Sempronius n'y avaient découvert que des terrains nus et plats, sans accidents d'aucune espèce, absolument sûrs par conséquent. Telle fut leur conclusion. A deux mille ans de là, l'officier que Vendôme avait chargé du soin de la reconnaissance de Luzzara ne vit non plus qu'une plaine qui allait, dit-il[292], en montant par une pente insensible ; elle était couverte d'herbes, ainsi que la digue elle-même et l'autre côté du Zerô : tout n'était ou, du moins, ne paraissait être qu'un tapis de verdure, étendu sur un terrain uni, sans aucune interruption ; et, plus on approchait, plus on se confirmait dans cette erreur ; il était impossible d'avoir mieux jugé les apparences qui devaient tromper l'armée française.

Pour Annibal, il avait, comme on sait, l'habitude de reconnaître lui-même son terrain ; ses reconnaissances étaient toujours bien faites, et il ne manquait jamais de les pousser à fond[293]. C'est ainsi qu'il avait, d'un coup d'œil, pénétré la valeur des propriétés militaires de la Trebbiola ; qu'il avait su trouver entre les berges de cet obscur ruisseau un merveilleux moyen de parachever la ruine des légions romaines. Est-ce à l'imitation ou plutôt sous l'inspiration de ce trait de perspicacité que, la veille de la seconde journée de Dresde (27 août 1813), Napoléon découvrit dans la vallée de Plauen, où coule la Weissenitz, la manière d'isoler et de détruire une aile de l'armée ennemie[294] ? Une telle hypothèse n'est pas inadmissible.

A la hauteur de Niviano, près du sommet de la courbe qui prononce sa convexité vers le gué de Mirafiore (voyez la planche XIV), Annibal avait jugé qu'il était possible de loger dans le thalweg de la Trebbiola un détachement de deux mille hommes, mi-partie infanterie, mi-partie cavalerie légère, et que cette petite troupe y serait admirablement défilée des vues de l'ennemi, si vigilant qu'on voulût le supposer. De retour à son camp de Settima, il s'était empressé de réunir un conseil de guerre, de décrire à ses lieutenants l'heureuse disposition des lieux qui venaient de dominer son attention, de leur exposer l'importance des services que peut rendre, à l'heure du dénouement d'une affaire sérieuse, un petit corps placé dans de bonnes conditions en réserve ; de leur rappeler en termes entraînants les succès d'Amilcar, son glorieux père, auquel on attribuait, sinon l'invention de la méthode, au moins l'origine de la faveur en laquelle les généraux carthaginois tenaient cette manière d'accabler, en dernier ressort, un adversaire préalablement ébranlé[295].

Sur un avis favorable émis à l'unanimité des voix, le général en chef avait, sans désemparer, donné ses ordres. Ayant directement désigné, pour prendre part à l'expédition, cent hommes d'infanterie et cent de cavalerie pris dans l'élite de ses troupes, il leur avait, à chacun, prescrit de se choisir neuf camarades de combat aussi solides et résolus qu'eux-mêmes. Ces braves gens avaient été placés sous les ordres de l'intelligent Magon, le jeune frère d'Annibal : bien commandés, bien armés, munis de vivres, ils s'étaient, dès la veille, acheminés vers les positions qu'ils devaient occuper ; ils y avaient silencieusement passé la nuit, attendant le moment d'en sortir au signal convenu.

C'étaient ces hommes de fer qui venaient de tomber sur les derrières des légions.

Vivement enlevés par leur chef, ils jetèrent, du premier coup, grand désarroi parmi les Romains[296], qui se mirent à crier à l'infamie, à la trahison, à la mauvaise foi punique[297] ! Tous les manipuli souffraient cruellement[298] : enveloppés, étreints dans un cercle de fer[299], pris à la fois de front, en flanc et à dos[300], ils se débandèrent[301]. Mais où fuir ? La pluie, qui tombait à torrents, les empêchait de discerner une voie praticable ; le fleuve, vers lequel ils se sentaient poussés, leur barrait le passage[302] ; ils étaient acculés à l'obstacle, qu'une crue subite rendait absolument invincible[303]. Les malheureux légionnaires y furent précipités en masse[304] ; ceux qui tentèrent d'échapper aux eaux furieuses de la Trebbia furent sabrés sur la rive par la cavalerie carthaginoise ou périrent écrasés sous le pied des lourds éléphants[305].

Couverts de monceaux de blessés, de mourants et de morts, les bords du fleuve étaient affreux à voir. Est-ce alors qu'Annibal aurait proféré les mots cruels que Sénèque amis dans sa bouche ? Ô le beau champ de bataille ! se serait-il écrié[306]. Certes, l'aspect des horreurs de la guerre peut laisser froids des généraux d'armée, préoccupés qu'ils sont du soin de leurs opérations difficiles ou saisis des grandeurs du succès obtenu ; il n'appartient qu'à Dieu de connaître esthétiquement d'un art dont il est seul à posséder la formule et la raison première. Nous estimons que Sénèque a ouvert une voie trop large à l'expansion de ses haines nationales.

Ce qu'on peut sans réserve admettre, c'est qu'Annibal ne pouvait demeurer insensible aux bruyantes manifestations de ses soldats ivres de joie[307]. Tous, Africains, Espagnols ou Gaulois, avaient conscience d'avoir fait leur devoir[308], d'avoir prêté le meilleur concours au succès des merveilleuses combinaisons de leur général en chef[309]. Tous admiraient cet homme qui leur faisait accomplir des prodiges : et, songeant au passé, ils se remémoraient, non sans orgueil, leurs expéditions de la Nouvelle-Castille, le siège de Salamanque, la bataille de Tolède ; ils s'entretenaient avec animation de la prise de Sagonte, de leurs exploits de Catalogne, de leur passage des Pyrénées et du Rhône, des Alpes et du Pô ; ils fêtaient leurs succès du Tessin et de la Trebbia, couronnement de tant de triomphes. Le génie de leur jeune général leur semblait avoir pris des proportions surhumaines : hier, on l'avait vu, dans les Alpes, conduire sa route par les terrains calcaires, à l'exclusion des terrains granitiques (voyez la planche II), et des travaux considérés comme impossibles avaient pu s'exécuter ; aujourd'hui, il venait de faire entrer dans ses calculs la probabilité d'une crue de la Trebbia, et, avec une précision extraordinaire, l'armée romaine avait été noyée dans les eaux tuméfiées du fleuve. En vérité, cet homme avait le sens divinatoire ! Sa science surpassait celle des autres mortels ! c'était un favori des dieux !

Pour lui, digne élève d'Amilcar, une saine intuition lui révélait clairement le jugement des siècles à venir. Il sentait que nul capitaine n'atteindrait jamais à la hauteur de ses conceptions stratégiques ; que ses méthodes tactiques seraient à jamais admirables ; que, spécialement, sa tactique de combat servirait toujours de modèle aux adeptes de l'art. Il se plut un jour à proclamer que la victoire de la Trebbia formait le plus brillant de ses titres de gloire[310] ; excellent juge en pareille matière, il pouvait, à bon droit, dire de cette journée ce que Napoléon a dit de Marengo[311] : C'est un chef-d'œuvre ! la dent de l'envie n'y peut mordre, c'est du granit !

 

FIN DU TOME DEUXIÈME

 

 

 



[1] Polybe, III, LXIX — Tite-Live, XXI, XLVIII.

[2] Polybe, III, LXIX — Tite-Live, XXI, XLVIII.

[3] Tite-Live, XXI, XLVIII. — Ces quatre cents écus d'or équivalaient à 8.152 francs de notre monnaie.

[4] Polybe, III, LXIX et LXX. — Tite-Live, XXI, LII. — Appien, De bello Annibalico, VI.

[5] Polybe, VI, XXIV.

[6] Polybe, III, LXVIII et LXX.

[7] Strabon, V, I, 11.

[8] Pline, Hist. nat., III, XX.

[9] Strabon, V, I, 11.

[10] Polybe, III, LXXII. — Tite-Live, XXI, LIV.

[11] Appien, De bello Annibalico, VII.

[12] Silius Italicus, Puniques, IV.

[13] Selon certains commentateurs, cette rencontre aurait eu lieu, non sur la Trebbia, mais sur l'Arda, non loin de Fiorenzuola, le Fidentiola vicus de l'Itinéraire d'Antonin.

[14] Histoire du Consulat et de l'Empire, t. I, liv. IV.

[15] Rafaele Garilli, I Fasti di Piacenza, Plaisance, 1861.

[16] Voici le revers de la médaille de bronze qui fut frappée à l'occasion de la promulgation de ce décret, et que M. le comte Pallastrelli a bien voulu nous communiquer :

TREBIA

HANNIBALIS

A DXXXV V C

LICHTENSTEINII

A MDCCXXXXVI

SOVWAROFII ET MELAS

A MDCCLXXXXVIIII

VICTORIIS MAGNA

EX DECRETO AVGVSTAE

A MDCCCXXI

PONTE IMPOSITO

VTILITATE POPVLOR

FELIX

(Collection du comte Pallastrelli.)

[17] Voici le revers d'une autre médaille, aussi de bronze, frappée à l'occasion de la pose de la première pierre :

M LVDOVICA

AR AVST DVX PARM

FILIA

PONTI TREBIAE ADDITO

AVSPICII LAPIDEM

IMMISIT

CORAM

PARENTIB AMANTISS

A MDCCCXXV

(Atlas des monuments érigés par Marie-Louise, archiduchesse d'Autriche, duchesse de Parme, Plaisance et Guastalla.)

[18] Polybe, III, LXVIII et LXX ; Tite-Live, XXI, LII et LIII, passim.

[19] Polybe, III, LXIX. — Tite-Live, XXI, LII.

[20] Polybe, III, LXIX. — Tite-Live, XXI, LII.

[21] Polybe, III, LXIX.

[22] Polybe, III, LXIX.

[23] Polybe, III, LXIX. — Isaac Casaubon, qui traduit ces mots par per buccinatores, confond ici deux instruments distincts. La σάλπιγξ (tuba) était loin de ressembler à la βυκάνη (buccina), et si Polybe avait voulu parler de celle-ci, il eût écrit non σαλπιγτής, mais bien βυκανητής ou βυκανισίής, comme il l'a fait ailleurs (II, XXIX ; XXX, XIII).

[24] Polybe, II, LXX. — Tite-Live, XXI, LIII.

[25] Tite-Live, XXI, LIII.

[26] ... locum Campomortuum accolæ nominant... (Chronique du XVIIe siècle. Manuscrits de la bibliothèque du comte Pallastrelli.)

[27] Tableau historique de la haute Italie.

[28] De l'expédition d'Annibal, p. 32-20.

[29] Mémoires militaires sur les Grecs et les Romains, t. I.

[30] Histoire militaire des éléphants, liv. I, ch. X et note E.

[31] Quæstiones criticæ, cap. IX et X, passim.

[32] Campaigns of Hannibal, cap. I.

[33] ... nei contorni di Settima, Basilica, Altavello [Oltavello vel potius Ottavello], Larzano... tra la stradazza romana e l' odierna strada maestra che conduce al Rivergaro. (Cristoforo Poggiali, Memorie storiche della citta di Piacenza.)

[34] Polybe, III, LXXI et LXXII ; Tite-Live, XXI, LIV ; Silius Italicus, Puniques, IV.

[35] Frontin, Stratag. II, V, 23. — Appien, De bello Annibalico, VI.

[36] Zonaras, VIII, XXIV.

[37] Polybe, III, LXVI, LXVII et LXVIII ; Tite-Live, XXI, XLVII et XLVIII.

[38] Polybe, III, LXXIV ; Tite-Live, XXI, LVI.

[39] Polybe, III, LXXII.

[40] Polybe, III, LXXI.

[41] Polybe, III, LXVI. — Tite-Live, XXI, LIV.

[42] La Trebbiola inférieure prend le nom de Rifiuto.

[43] La tradition veut que les villages de Quarto, Settima, Ottavello, Niviano correspondent aux 4e, 7e, 8e et 9e bornes itinéraires de la chaussée romaine, dite aujourd'hui Stradazza, qui reliait Plaisance à Rivergaro.

[44] Vide infra. — Cf. Tite-Live, XXI, LV.

[45] ... Quæ pugna pugnata est... mense decembri... (H. Ernst, Notæ ad Hannibalem.)

[46] Frontin, Stratag. II, V, 23. — Florus, Hist. rom. II, VI.

[47] Polybe, III, LXXII et LXXIV. — Appien, De bello Annibalico, VI.

[48] Voyez tome I, liv. III, ch. V.

[49] Polybe, III, CVIII.

[50] Polybe, III, LXXI. — Tite-Live, XXI, LIV.

[51] Polybe, III, LXXII et LXXIV, passim. — Tite-Live, XXI, LIV et LVI, passim. — Florus, Hist. rom. II, VI. — Appien, De bello Annibalico, VI.

[52] Polybe, III, LXXI. — Tite-Live, XXI, LIV. — Frontin, Stratag. II, V, 23.

[53] Polybe, III, LXXI. — Tite-Live, XXI, LIV. — Frontin, Stratag. II, V, 23.

[54] Polybe, III, LXXI. — Tite-Live, XXI, LIV.

[55] Polybe, III, LXXI.

[56] Polybe, III, LXXI. — Tite-Live, XXI, LIV.

[57] Frontin, Stratag. II, V, 23.

[58] Général Ambert, Portrait du feld-maréchal Souvorow, dans l'ouvrage intitulé : Gens de guerre, Paris, Dumaine, 1863.

[59] C'est au mois de juin que se sont accomplies la plupart des opérations de guerre qui ont eu pour théâtre les rives de la Trebbia : Maillebois en 1746, Boudet en 1800, engageaient, comme Souwaroff, leurs troupes en plein mois de juin. C'est également en juin qu'eussent opéré les détachements de notre armée de 1859, si les circonstances l'avaient exigé, car ils occupaient, fin mai, la position de Bobbio.

[60] Polybe, III, LXXI. — Tite-Live, XXI, LIV. — Frontin, Stratag. II, V, 23.

[61] Tite-Live, XLIV, XXXIX.

[62] Cicéron, Pro Postumio, XV.

[63] Polybe, III, LXXII. — Tite-Live, XXI, LI. — Florus, Hist. rom. II, VI. — Appien, De bello Annibalico, VI.

[64] Polybe, III, LXXII. — Tite-Live, XXI, LI.

[65] Polybe, III, LXXII.

[66] Polybe, III, LXXII. — Tite-Live, XXI, LI.

[67] Colonel Macdougall, Campaigns of Hannibal, ch. I, obs. 6.

[68] Polybe, III, LXXII.

[69] Consultez à ce sujet : Polybe, VI, XIX, XLII ; Tite-Live, VIII, VIII ; Modestus, Libellus de vocabulis rei militaris, passim ; Végèce, Instit. rei milit., II, II, XVII. — Cf. Denys d'Halicarnasse, Plutarque et une foule d'autres auteurs grecs ou latins, passim. — Voyez, parmi les très-nombreux commentateurs modernes : Machiavel, Art de la guerre, ch. III ; Savile (savant anglais du XVIe siècle), Milice des Romains (angl.) ; Juste Lipse, De militia Romana ; Saumaise, De re militari ; Le Beau, Mémoire sur la Légion romaine dans l'Histoire de l'Académie des inscriptions ; Joly de Maizeroy, Traité de tactique ; Guischardt, Mémoires militaires sur les Grecs et les Romains ; Folard, Histoire de Polybe ; Turpin de Crissé, Commentaires sur les Institutions militaires de Végèce ; De Vaudoncourt, Campagnes d'Annibal ; Rogniat, Considérations sur l'art de la guerre ; Carrion-Nisas, Essai sur l'histoire générale de l'art militaire ; Rocquancourt, Cours d'art et d'histoire militaires, t. I ; De Fonscolombe, Résumé des progrès de l'art militaire ; Macdougall, Campaigns of Hannibal, intr. etc.

[70] Ces tirailleurs sont désignés sous des dénominations diverses : Polybe (III, LXXII, et VI, XXI) les appelle πεζακοντίαι et γροσφομάχοι ou γροσφοφόροι ; les Latins les nommaient, selon le temps et l'armement, ferentarii, rorarii, scultatores,  sagittarii, jaculatores, funditores. On rencontre souvent aussi le nom de velites, mais il convient de faire observer ici que les velites proprement dits n'ont été créés qu'au siège de Capoue, en 211, c'est-à-dire sept ans après la bataille de la Trebbia.

[71] Polybe, VI, XXI.

[72] Polybe, VI, XXI.

[73] Polybe, III, LXXII. Tite-Live, qui n'est pas absolument d'accord avec Polybe, accuse (XXI, LV) un effectif de 18.000 hommes d'infanterie de ligne (duodeviginti millia).

[74] Polybe, III, LXXII.

[75] Polybe, III, LXXII. — Tite-Live, XXI, LV.

[76] Polybe, VI, XXIV.

[77] Ovide, Fastes, v. 115-118.

[78] Polybe, VI, XXIV.

[79] Polybe, VI, XL.

[80] Polybe, XVIII, XIII.

[81] Polybe, XVIII, XIII.

[82] Polybe, III, LXXII. — Tite-Live, XXI, LV.

[83] Polybe, III, LXXII. — Tite-Live, XXI, LV.

[84] Tite-Live, XXI, IV.

[85] The Romans, as was their custom, were formed in three lines, with the cavalry, only 4.000 strong, in the flanks. (Macdougall, Campaigns of Hannibal, ch. I.)

[86] C'est au temps de Xanthippe, et après la bataille de Tunis, que les Carthaginois adoptèrent, selon Vaudoncourt, la tactique des Grecs, telle que l'avaient faite Philippe et Alexandre. — The organisation of the Greek armies, on which that of the Carthaginians was based. (Macdougall, op. cit., Introductory account.)

[87] Polybe, XVIII, XII.

[88] Polybe, III, LXXII.

[89] Polybe, III, LXXII.

[90] Polybe, III, LXXII. — Tite-Live, XXI, LV.

[91] Polybe et Tite-Live, loc. cit.

[92] Polybe, III, LXXII. — Tite-Live, XXI, LV.

[93] Polybe et Tite-Live, loc. cit.

[94] Polybe et Tite-Live, loc. cit. — Appien, De bello Annibalico, VII. — La demi-section d'éléphants se composait de deux bêtes. Le front d'une aile de cavalerie carthaginoise ayant, comme on le sait, l'étendue d'un kilomètre, les neuf θηραρχίαι formaient ligne à intervalles en avant, et chaque intervalle était d'une centaine de mètres.

[95] Hannibal drew up his army in two lines. In the first were his light troops... The second line was composed of his heavy-armed African, Spanish, and Gaulish infantry. (Macdougall, Campaigns of Hannibal, ch. I.)

[96] Commentaires de Napoléon Ier, t. VI. Notes sur l'ouvrage intitulé : Considérations sur l'art de la guerre, du général Rogniat.

[97] Grandeur et décadence des Romains, chap. IV.

[98] Polybe, XVIII, XII-XV ; Tite-Live, IX, XIX ; Machiavel, Art de la guerre, ch. III ; maréchal de Puységur, l'Art de la guerre, 1749, passim ; Turpin de Crissé, Commentaires sur les mémoires de Montecuculi, 1769 ; Carrion-Nisas, Essai sur l'histoire générale de l'art militaire, t. I, ch. in, 1824 ; Armandi, Histoire militaire des éléphants, appendice II, 1843, etc.

[99] Commentaires de Napoléon Ier, t. VI. Notes sur l'ouvrage intitulé : Considérations sur l'art de la guerre, du général Rogniat.

[100] Histoire de Polybe, t. IV, liv. III, ch. XV, Observations, § 3.

[101] The conduct of Sempronius at the battle of the Trebbia is a remarkable instance of military incapacity. — It is a maxim that you should never fight with a river in your rear. (Macdougall, Campaigns of Hannibal, ch. I, obs. 6.)

[102] Polybe, III, LXXI. — Tite-Live, XXI, LIV et LV. — Appien, De bello Annibalico, VII.

[103] Polybe, III, LXXII et LXXIII. — Tite-Live, XXI, LIV et LV. — Frontin, Strat., II, V, 23. — Appien, De bello Annibalico, VII.

[104] Polybe, III, LXXI et LXXII. — Tite-Live, XXI, LIV et LV. — Frontin, Stratag. II, V, 23.

[105] Végèce, Instit. rei militaris, III, XI.

[106] Silius Italicus, Puniques, IV, passim.

[107] Histoire de Polybe, t. IV, liv. III, ch. XV, Observations, § 2.

[108] Tite-Live, XXI, LIV. — Appien, De bello Annibalico, VI.

[109] Polybe, III, LXXII. — Tite-Live, XXI, LV.

[110] Polybe, III, LXXI.

[111] Xénophon, Expeditio Cyri, I, X.

[112] Polybe, V, LXIV.

[113] Homère, Iliade, III, v. 247. — Thucydide, IV, XXVI. — Tite-Live, IX, XIII. — Aristophane, Pax, v. 528. — Pline, Hist. nat., XXXI, XLI.

[114] Homère, Iliade, III, v. 246. — Thucydide, IV, XXVI. — Xénophon, Expeditio Cyri, I, X, et VII, I.

[115] Xénophon, Cyri institutio, VI, II. — Tite-Live, III, XXIII et XXVII.

[116] Xénophon, loc. cit. — Pline, Hist. nat., XVIII, XIV.

[117] Horace, Sat. II, II, v. 17-18. — Pline, Hist. nat., XXXI, XLI.

[118] Xénophon, Cyri institutio, VI, II.

[119] Hérodote, Hist., I, CC.

[120] Thucydide, IV, XXVI. — Aristophane, Pax, v. 368 et suiv.

[121] Xénophon, Expeditio Cyri, VII, I.

[122] Xénophon, loc. cit. — Aristophane, Pax, v. 529 et 1129.

[123] Xénophon, loc. cit. — Aristophane, Acharnenses, v. 164-166 ; Pax, v. 502.

[124] Platon, Civitas, II.

[125] Thucydide, IV, XXVI. — Ces têtes de pavots étaient des stimulants, dont les effets pourraient se comparer à ceux de l'eau-de-vie et du café qu'on distribue aujourd'hui aux troupes.

[126] Tite-Live, XXI, LV.

[127] Homère, Iliade, III, v. 246. — Thucydide, IV, XXVI. — Xénophon, loc. cit.

[128] Polybe, III, LXXI. — Tite-Live, XXI, LIV.

[129] Polybe, III, LXXII. — Tite-Live, XXI, LV.

[130] Xénophon, Hist. græca, IV, V. — Polybe, III, LXXII. — Tite-Live, XXI, LV.

[131] Polybe, III, LXXII. — Tite-Live, XXI, LIV.

[132] Diodore de Sicile, XXIX, XIX.

[133] Polybe, III, LXXI.

[134] Xénophon, Expeditio Cyri, I, III, et VII, II.

[135] Thucydide, VII, XXVII.

[136] Xénophon, Expeditio Cyri, VII, II.

[137] Platon, Civitas, IV.

[138] Diodore de Sicile, XX, LXXV.

[139] Xénophon, Expeditio Cyri, I, III.

[140] Xénophon, Expeditio Cyri, I, III.

[141] Diodore de Sicile, XI, XXV, et XIII, XXXIV.

[142] Xénophon, Historia græca, VI, I.

[143] Xénophon, Historia græca, VI, I.

[144] Tite-Live, VII, XXXVIII.

[145] Polybe, III, LXXI.

[146] Polybe, III, LXXIII. — Tite-Live, XXI, LV et LVII.

[147] La planche XII annexée au tome IV de l'Histoire de Polybe (liv. III, ch. XV), avec un commentaire de Folard, nous offre une représentation en figure de la formation en bataille des Carthaginois et des Romains. Cet essai de restitution respire un peu la fantaisie.

[148] Polybe, III, LXXII. — Tite-Live, XXI, LIV.

[149] Modestus, Libellus de vocabulis rei militaris, § 12. — Végèce, Instit. rei milit. II, XVII.

[150] Polybe, XV, XII. La σάλπιγξ ou tuba, l'un des plus anciens instruments connus, était une longue trompe ou tube droit, s'épanouissant en pavillon. (Voyez Layard, Monuments of Niniveh, planche XV, et Victor Place, Ninive et l'Assyrie, planche XLIV bis. — Cf. colonne Trajane.) L'invention en a été, tour à tour, attribuée aux Egyptiens et aux Etrusques. — Pline, Hist. nat., VII, LVII. — Il est d'ailleurs avéré qu'elle était en usage, dès une haute antiquité, chez les Hébreux, les Grecs, les Carthaginois et les Romains. (Voyez la Bible, Nombres, X, 2-7, et XXXI, 6 ; Josué, VI, 5 et 20 ; Juges, VII, 16, 18 et 20 ; Xénophon, Expeditio Cyri, III, IV, et VII, III ; Polybe et Tite-Live, passim ; Modestus, Libellus de vocabulis rei militaris, § 16 ; Végèce, Instit. rei militaris, II, XXII, et III, V.) La σάλπιγξ primitive ne fut d'abord, au dire de Properce et d'Artémidore, autre chose qu'un os, probablement un tibia, vide de toute substance médullaire. Elle se confectionna ultérieurement en bronze, et nous savons que, dans ce cas, le prix de revient en était de 60 drachmes ou 55 francs de notre monnaie. (Voyez Aristophane, Pax, v. 1240-1241.) Elle se faisait aussi en argent et en cuir cru. (Nombres, X, 2.) — Xénophon, Expeditio Cyri, VII, III, 15. — En quelque matière qu'il fût, l'instrument se prêtait à des sonneries variées, correspondant aux commandements en usage dans le service des armées en campagne. — Nombres, X, 3-9. — La βυκάνη (buccina, buccinum), modelée sur le coquillage qui en est le prototype, affectait la forme d'une spirale ; l'usage de cet instrument remontait également à une haute antiquité. (Voyez la Bible, Josué, IV, 4, 6, 8, 9, 13, 16 ; Juges, VII, 19, 22. — Cf. Modestus et Végèce, loc. cit.) — Dans les manœuvres, surtout lorsqu'il s'agissait d'ordonner un mouvement d'ensemble, on combinait d'après des règles déterminées les sonneries des deux instruments. (Polybe, II, XXIX, et XXX, XIII. — Cf. Polybe, XV, XII.) La βυκάνη donnait vraisemblablement des sons graves, tandis que la σάλπιγξ jetait au loin des notes éclatantes. Les Romains mariaient aussi la tuba à un instrument dit cornu. (Tite-Live, XXX, XXXIII. — Cf. Modestus et Végèce, loc. cit.) — C'était une espèce de cor de chasse, dont on peut voir un spécimen au Musée de Saint-Germain. — Cf. le dessin qui accompagne cette inscription :

M ANTONIVS

M E IANVARIVS

DOMO LAVDICIA

EX SVRIA CORNICE

EK COH VII P APPI

VIX ANN XXXII MIL.

(Kellermann, Vigiles, n° 133.)

Kellermann a donné du dessin l'explication suivante :

Hic exsculptus est Januarius, cornu tenens, quod ab ore incipiens sub brach. sinist. transit, rursusque supra caput ejus apparet.

[151] Polybe, III, LXXIII.

[152] Polybe, III, LXXIII.

[153] Polybe, III, LXXIII. — Végèce, Inst. rei milit., II, XVII.

[154] Tite-Live, XXX, XXXIV. — Végèce, Inst. rei milit., II, XVII.

[155] Varron, De lingua latina.

[156] Pline, Hist. nat., VII, LVII. Cette hasta d'infanterie légère n'était autre chose que le résultat d'un perfectionnement de l'épieu, ou bâton à pointe durcie au feu (Strabon, III, V, 1), que les Galls appelaient gais, et les Africains, phalang. (Pline, Hist. nat., VII, LVII.)

[157] Tite-Live, XXII, XXXVII.

[158] Tite-Live, XXII, XXXVII.

[159] Polybe, III, LXXV. — Suivant Strabon (VI, III, 2 et 6), des émigrants crétois auraient, à plusieurs reprises, occupé la Sicile et les côtes de l'Italie méridionale ; la colonie de Brindisi aurait été fondée par Thésée.

[160] Polybe, III, LXXII. — Tite-Live, XXI, LV. — Strabon, III, V, 1.

[161] Instit. rei milit., I, XVI. Pline est plus près de la vérité quand il attribue (Hist. nat., VII, LVII) l'invention de la fronde aux Phéniciens, car il est avéré que cette arme de jet fut employée en Asie dès la plus haute antiquité. Voyez Victor Place, Ninive et l'Assyrie, Koyoundjick, planche LXI. Consultez, outre les sculptures de Ninive, la Bible (Rois, I, XVII, 40, 49, 50 ; Paralipomènes, II, XXVI, 14). Ce sont les Phéniciens et les Rhodiens qui ont appris aux Baliares à se servir de la fronde. (Voyez Strabon, III, V, 1, et XIV, II, 9.) Cette arme, connue en Orient de longs siècles avant notre ère, était d'ordonnance dans l'infanterie française au temps de Philippe-Auguste. Les huguenots s'en servaient encore au siège de Sancerre, en 1572, et il n'y a pas dix ans qu'elle a cessé d'être en usage dans les écoles régimentaires, où l'on apprenait aux hommes à lancer la grenade.

[162] Strabon, III, V, 1.

[163] Rois, I, XVII, 40 et 49.

[164] Diodore de Sicile, V, XVIII. — Strabon, III, V, 1. — Florus, Hist. rom., III, IX.

[165] Tite-Live, XXXVIII, XXIX. — Strabon, III, V, 1.

[166] Tite-Live, XXI, LV.

[167] Strabon, III, V, 1. — La plus grande distance, considérée sous la condition d'un tir efficace, ne paraît pas avoir dépassé 600 pieds romains. (Végèce, Instit. rei milit., II, XXIII.) Soit environ 180 mètres.

[168] Virgile, Eneide, VII, v. 686-687. — Xénophon, Expeditio Cyri, III, III. — Silius Italicus, Puniques, IX, v. 622.

[169] Xénophon, Expeditio Cyri, III, III.

[170] Diodore de Sicile, V, XVIII. — Florus, Hist. rom., III, IX.

[171] Tite-Live, XXXVIII, XXIX.

[172] Rois, I, XVII, 40. — Tite-Live, XXXVIII, XXIX. — Végèce, Instit. rei milit., I, XVI.

[173] Strabon, III, V, 1.

[174] Florus, Hist. rom., III, IX. — Végèce, Instit. rei milit., I, XVI. — Diodore de Sicile, V, XVIII.

[175] Végèce, Instit. rei milit., I, XVI.

[176] Diodore de Sicile, V, XVIII.

[177] Tite-Live, XXI, LV. — Florus, Hist. rom., III, IX.

[178] Diodore de Sicile, V, XVIII. — Végèce, Inst. rei milit., I, XVI.

[179] Florus, Hist. rom., III, IX.

[180] Xénophon, Expeditio Cyri, III, III.

[181] Polybe, III, LXXIII.

[182] Frontin, Stratag., IV, VII, 30.

[183] Philon de Byzance, Βελοποεϊκών λόγος Δ'.

[184] Paralipomènes, II, XXVI, 15.

[185] Philon de Byzance, Βελοποεϊκών λόγος Δ'.

[186] Polybe, III, LXXIII.

[187] Arrien, De expeditione Alexandri, IV, IV, 4.

[188] Ammien Marcellin, XXIII, IV.

[189] Vitruve, Arch., IX, IX.

[190] Philon de Byzance, Βελοποεϊκών λόγος Δ'.

[191] Voyez Poliorcétique des Grecs, édition Wescher. Cf. Chirobaliste d'Héron d'Alexandrie, trad. Nouvelle de M. V. Prou, Paris, Imprimerie nationale, 1878.

[192] Griechische Kriegschriftsteller, Leipzig, 1853.

[193] Pour être juste, il faut dire que les commentateurs ne sont point d'accord en ce qui touche les limites du temps où vivait Ctesibius. Suivant Athénée (Dipnosoph. IV), le savant ingénieur était contemporain du septième roi d'Egypte, Ptolémée Physcon, également connu sous le nom d'Evergète II (145-117) ; selon Fabricius (Bibl. græca, éd. Harles, Vienne, 1795), il opérait ses brillantes découvertes sous le règne de Ptolémée II, Philadelphe (284-246). Schweighæuser (ap. Athénée, Dipnosoph.) et M. Henri Martin, de Rennes (Mémoires présentés à l'Académie des inscriptions, 1854, t. IV), ont combattu l'opinion de Fabricius. Nous nous rallions à celle de MM. Kochly et Rüstow, attendu que Philon de Byzance, l'un des continuateurs de Ctesibius, dit expressément que les découvertes dont il s'agit se firent au temps des rois qui aimaient la gloire et les arts ; et qu'aucun roi ne favorisa mieux les arts et les sciences que Ptolémée Soter, le fondateur du Musée.

[194] Poliorcétique des Grecs, édition Wescher, p. 119.

[195] Philon de Byzance, Βελοποεϊκών λόγος Δ'.

[196] Grandeur et décadence des Romains, livre II.

[197] Suidas, au mot Μάχαιρα.

[198] Végèce, Instit. rei milit., II, XVII.

[199] Polybe, III, LXXIII.

[200] Polybe, III, LXXIII.

[201] Tite-Live, XXII, XXIX.

[202] A l'origine, les musiques militaires ne se composaient que de trompes (σάλπιγξ, tuba) ; c'était le seul instrument dont fissent usage les anciens pour bien marquer aux troupes la cadence du pas. — Plutarque, De musica, XXVI. — Xénophon, Expeditio Cyri, VII, III, 15. Ce sont les Crétois et les Lacédémoniens qui, les premiers, substituèrent l'emploi de la flûte à celui de la σάλπιγξ. — (Polybe, IV, XX.) — Les États voisins ne tardèrent pas à suivre cet exemple, attendu qu'ils avaient observé que les modulations de la flûte étaient, de leur nature, en harmonie avec le caractère du pas du fantassin, lequel doit être à la fois ferme et souple ; qu'elles en rythmaient bien la cadence et l'empêchaient parfaitement de se rompre. Dès lors, la flûte fit partie intégrante de toutes les musiques militaires. — Thucydide, Hist., V, LXX. — Plutarque, De musica, XXVI.

[203] L'invention des instruments à cordes remonte, ainsi que celle des instruments à vent, à la plus haute antiquité. (Voyez Victor Place, Ninive et l'Assyrie, Koyoundjick, planche LIX. Cf. la Bible, Rois, II, VI, 5.) Les Crétois avaient de bonne heure introduit la lyre dans leur musique militaire. — Plutarque, De musica, XXVI. — Dès le Ve siècle avant notre ère, une espèce de harpe ou de luth paraît avoir été réglementaire dans l'armée grecque. — Xénophon, Expeditio Cyri, VII, III, 15.

[204] Voyez, touchant l'antique usage du tambour, Victor Place (Ninive et l'Assyrie, Koyoundjick, planche LIX) et la Bible (Rois, II, VI, 5). — L'instrument primitif, que nous appelons tambour de basque, est peut-être, effectivement, de l'invention des Euskes. Il ne serait d'ailleurs pas absurde de supposer que les Imazir'en l'ont perfectionné en appliquant la peau tendue non plus sur un simple cerceau, mais sur la bouche d'une amphore conique dont la forme leur rappelait celle des pitons de leurs montagnes. De là le nom de tabor.

[205] Thucydide, Hist., VI, LXIX. — Aristophane, Pax, v. 1271. — Plutarque, De musica, XXVI.

[206] Polybe, III, LXXII et LXXIV.

[207] Tite-Live, XXII, II.

[208] Polybe, III, CXIV. — Tite-Live, XXII, XLVI.

[209] Plutarque, Timoléon, XXVII, XXVIII, XXIX et XXXI, passim.

[210] Polybe, XVIII, XII. — Ces piques mesuraient, comme on le voit, de 6m,21 à 7m, 10 de longueur.

[211] Polybe, III, CXIV. — Tite-Live, XXII, XLVI.

[212] Polybe, III, CXIV. — Tite-Live, XXII, XLVI.

[213] Polybe, III, CXIV.

[214] Polybe, III, CXIV. — Tite-Live, XXII, XLVI.

[215] Polybe, XVIII, XIII. — Plutarque, Timoléon, XXVII. — Tite-Live, XXI, LV ; XXX, XXXIV.

[216] Polybe, III, CXIV.

[217] Plutarque, Flamininus, VIII. — Homère, ap. Polybe, XVIII, XII.

[218] Tite-Live, IX, XIX.

[219] Polybe, XVIII, XII. — Tite-Live, XLIV, XLI. — Plutarque, Flamininus, VIII.

[220] Pour tirer bon parti de la phalange, il était indispensable de lui choisir pour théâtre tactique un terrain plat, découvert, sans accidents. — Polybe, XVIII, XIV. — Il est important d'observer que les termes employés par Polybe pour exprimer ces conditions sont identiquement les mêmes que ceux dont il s'est servi précédemment pour dépeindre le caractère des plaines de la Trebbia inférieure. — Polybe, III, LXXI.

[221] Polybe, XV, IX ; Tite-Live, XXII, V, et XXX, XXXII ; Frontin, Stratag., II, II, 16.

[222] Tite-Live, VIII, VIII ; Modestus, Libellus de vocabulis rei militaris, § 12 ; Végèce, Instit. rei milit., II, XVI.

[223] Tite-Live, XXX, XXXIII. — Frontin, Stratag., II, III, 16.

[224] Tite-Live, XXII, V.

[225] Polybe, XV, IX.

[226] Tite-Live, XXX, XXXIII. — Frontin, Stratag., II, III, 16.

[227] Polybe, XV, IX. — Tite-Live, XXX, XXXIII. — Frontin, Stratag., II, III, 16.

[228] Polybe, III, LXXII.

[229] Polybe, XVIII, XIII. — Tite-Live, XLIV, XLI.

[230] Polybe, III, LXXIV.

[231] Polybe, III, LXXIII. — Tite-Live, XXI, LV.

[232] Polybe, III, LXXIII.

[233] Polybe, VI, XXV.

[234] Polybe, VI, XXV.

[235] Polybe, III, LXXIII.

[236] Tite-Live, XXI, LV.

[237] Polybe, XV, XII.

[238] Tite-Live, XXI, LV.

[239] L'έλεφανταγωγός ou έλεφαντίής était ordinairement de sang nègre. (Martial, Epigr. 105.) — Il était le plus souvent désigné sous le nom de son pays d'origine et dit Indus, Æthiopus ou Maurus. — Polybe, I, XL. — Cicéron, De republica, II, XL. — Macchabées, I, VI, 37.) — Sénèque, Epist. 85. — Silius Italicus, Puniques, IX. — Annibal avait pour cornacs des nègres de Nubie.

[240] Plutarque, Eumène, XIV. — Incertus auctor, De bello Africano, LXXII et LXXXVI. — Florus, Hist. rom., II, VIII. — Ammien Marcellin, XXV, III.

[241] Appien, De rebus Punicis, XLIII. — Ammien Marcellin, XIX, XXVII.

[242] Polybe, I, XXXVIII. — Tite-Live, XXX, XXXVII. — Macchabées, I, VI, 30.

[243] Appien, De rebus Punicis, XCII. — Pline, Hist. nat., VIII, V. — Pline a sans doute entendu dire urus.

[244] Tel était, en punique, le nom de l'éléphant. ...ab elephanto qui lingua Maurorum cœsa dicitur. (Spartien, Ælius Verus, II.) Le mot Cœsa, qui dérive évidemment du sanscrit Gaja, fut importé de Tyr en Afrique par les compagnons d'Elissa. Il était destiné à former le surnom d'un des ascendants de Jules Cœsar. C'est encore aujourd'hui le nom de l'éléphant dans l'Inde. L'animal était désigné par les anciens Perses sous la dénomination de Pil ou Fil, dont les Arabes ont fait el-fil. De là, sans doute, le grec έλέφας et le latin elephantus. Nos Imazir'en ou Kabyles appellent toujours Fil le gros pachyderme qui fut si commun dans l'Afrique septentrionale (Tunisie, Algérie, Maroc) au temps des guerres puniques et jusqu'aux premiers siècles de notre ère.

[245] Pline, Hist. nat., VIII, II.

[246] Silius Italicus, Puniques, IV. — Florus, Hist. rom., I, XVIII. — Ammien Marcellin, XIX, XXVII.

[247] Tite-Live, XXI, XLV. — Florus, Hist. rom., I, XVIII. — Appien, De bello Annibalico, VII.

[248] Tite-Live, XXI, XLV. — Appien, De bello Annibalico, VII.

[249] Polybe, III, LXXIII. — Tite-Live, XXI, XLV. — Appien, De bello Annibalico, VII.

[250] Polybe, III, LXXIII.

[251] Polybe, III, LXXIII. — Tite-Live, XXI, LV.

[252] Xénophon, Hist. qræca, IV, V.

[253] César, De bello Gallico, V, XLIII. On a retrouvé dans les ruines de Carthage une quantité considérable de ces balles ovoïdes en terre cuite.

[254] Polybe, III, LXXIV. — Tite-Live, XXI, LV.

[255] Pline, Hist. nat., VIII, VI. — Tite-Live, VII, XXIX.

[256] Ammien Marcellin, XXIV, VI.

[257] Tite-Live, XXVII, XLVIII. — Arrien, Exp. Alex., V, XVII.

[258] Silius Italicus, Puniques, IV et IX. — L'appareil destiné à recevoir les combattants montés à dos d'éléphants était connu sous le nom de θωράκιον ou lorica. — Macchabées, I, VI, 43. — Incertus auctor, De bello Africano. LXXII.) — Elien, Animal. XIII, IX. — Ces tours ou plates-formes de combat étaient ordinairement en bois, ligneæ turres ; la charpente en était fort légère. Elles reposaient sur un bât fixé au dos de l'animal par le moyen de deux sous-ventrières. Les bastingages devaient être formés d'un treillis de lanières ou de cordes et revêtus de peaux fraîches au moment du besoin, afin de se trouver à l'épreuve des traits et de l'incendie. Chaque tour ou θωράκιον pouvait contenir trois ou quatre combattants. Voyez, à cet égard : Strabon, XV, I ; Tite-Live, XXXVII, XL ; Élien, Animal., XIII, IX.

[259] Tite-Live, XXVIII, XIV. — Silius Italicus, Puniques, IX. — Quinte-Curce, VIII, XII ; IX, II.

[260] Appien, De rebus Syriacis, XXXII.

[261] Tite-Live, XXVII, XIV.

[262] Macchabées, I, VI, 34. — Les cornacs carthaginois avaient jeté dans le vin de leurs éléphants une infusion de têtes de pavots, stimulant singulièrement énergique.

[263] Élien, Animal., XIII, IX. — Silius Italicus, Puniques, IX. — Appien, De rebus Punicis, XLIII. — L'instrument désigné sous le nom d'άρπη ou cuspis était une simple barre de fer rond, d'environ 30 centimètres de longueur, bifurquée en pointe et croc. Les Indiens, qui s'en servent encore aujourd'hui, l'appellent kenar ou ankoche.

[264] Tite-Live, XXVII, XIV. — Plutarque, Marcellus, XXVI.

[265] Florus, Hist. rom., I, XVIII, et II, VIII. — Ammien Marcellin, XIX, XXVII.

[266] Les plus gros éléphants pèsent 6.000 kilogrammes ; les plus petits de ceux qu'on peut mettre en service, 3.000 kilogrammes ; la moyenne est ainsi de 4.500 kilogrammes, nombre auquel il faut ajouter celui de 500 ou 600 kilogrammes représentant le poids de l'armement de l'éléphant de guerre. C'est ainsi que nous obtenons le chiffre de 5.000 kilogrammes.

[267] Si l'on attribue une largeur de 2 mètres à un éléphant dans le rang, on observe que chaque έλαρχία devait présenter un front de 16 mètres.

[268] Tite-Live, XXVII, XIV. — Silius Italicus, Puniques, IX. — Pline, Hist. nat., VIII, IX.

[269] Incertus auctor, De bello Africano, LXXXVI. — Silius Italicus, Puniques, IX.

[270] Arrien, Exped. Alex., V, XVII.

[271] Silius Italicus, Puniques, IX.

[272] Pline, Hist. nat., VIII, V.

[273] Silius Italicus, Puniques, IX.

[274] Quinte-Curce, VIII, XIV.

[275] Tite-Live, XXX, XXXIII.

[276] Tite-Live, XXI, LV ; Appien, De bello Annibalico, VII.

[277] Silius Italicus, Puniques, IX.

[278] Tite-Live, XXX, XXXIII.

[279] Polybe, III, LXXIV. — Tite-Live, XXI, LV. — Frontin, Stratag. II, V, 23.

[280] Eunius, ap. Servium.

[281] Strabon, XVII, III, 7.

[282] Strabon, XVII, III, 7. — Claudien, Éloge de Stilicon.

[283] Strabon, XVII, III, 7. — Claudien, Éloge de Stilicon.

[284] Strabon, XVII, III, 7. — Tite-Live, XXII, XLVIII.

[285] Strabon, XVII, III, 7. — Tite-Live, XXII, XLVIII. — Silius Italicus, Puniques, IV. — Claudien, Éloge de Stilicon.

[286] Claudien, Éloge de Stilicon.

[287] Strabon, XVII, III, 7.

[288] Polybe, III, LXXIV. — Tite-Live, XXI, LV.

[289] Tite-Live, XXII, LI. — Ammien Marcellin, XXXI, XVI.

[290] Histoire de Polybe, t. IV, liv. III, ch. XIII. Observations, § 2.

[291] Polybe, III, LXXI et CIV. — Tite-Live, XXI, LIV, et XXII, XXVIII.

[292] Rapport manuscrit de l'officier de cavalerie chargé de la reconnaissance, ap. Carrion-Nisas, Essai sur l'histoire générale de l'art militaire, t. I.

[293] Polybe, III, LXXI.  — Tite-Live, XXI, LVI.

[294] A. Thiers, Histoire du Consulat et de l'Empire, t. XVI, liv. XLIX.

[295] Modestus, Libellus de vocabulis rei militaris, § 20.

[296] Polybe, III, LXXIV. — Tite-Live, XXI, LV.

[297] Cicéron, De haruspicum responsis, IX. — Claudien, De bello Gildonico.

[298] Polybe, III, LXXIV.

[299] Tite-Live, XXI, LVI. — Silius Italicus, Puniques, IV. — Appien, De bello Annibalico, VII.

[300] Commentaires de Napoléon Ier, t. VI.

[301] Silius Italicus, Puniques, IV.

[302] Polybe, III, LXXIV. — Tite-Live, XXI, LVI.

[303] Silius Italicus, Puniques, IV.

[304] Tite-Live, XXI, LVI. — Silius Italicus, Puniques, IV.

[305] Polybe, III, LXXIV. — Tite-Live, XXI, LVI.

[306] Sénèque, De ira, II, V.

[307] Polybe, III, LXXIV. — Tite-Live, X, XXVI, et XXI, LVI.

[308] Polybe, III, LXXIV.

[309] Polybe, XVIII, XI. — Voyez, sur la bataille de la Trebbia : Polybe, III, LXVIII-LXXV ; Tite-Live, XXI, XLVIII et LII-LVI ; Silius Italicus, Puniques, IV, passim ; Frontin, Stratag. II, V, 23 ; Appien, De bello Annibalico, VI et VII ; de Lo-L00z, Recherches d'antiquités militaires, Paris, 1770 ; Folard, Histoire de Polybe, liv. III, ch. XV et Observations sur ce chapitre ; Guischardt, Mémoires militaires sur les Grecs et les Romains, t. I ; Commentaires de Napoléon Ier, t. VI ; de Vaudoncourt, Campagnes d'Annibal en Italie ; Armandi, Histoire militaire des éléphants, liv. I, chap. X et note E ; Macdougall, Campaigns of Hannibal, etc.

[310] Polybe, XV, XI. — Silius Italicus, Puniques, XII.

[311] A. Thiers, Histoire du Consulat et de l'Empire, t. XX, liv. LXII.