HISTOIRE D'ANNIBAL

 

LIVRE SIXIÈME. — L'ÉCHIQUIER DU PÔ.

CHAPITRE II. — LE TESSIN.

 

 

C'est en exécution des ordres de son gouvernement que Scipion occupait, sur le Pô, l'importante position de Plaisance, récemment constituée en colonie romaine[1].

Les sénateurs, chargés du soin d'arrêter un plan rationnel de défense, n'avaient point manqué d'observer qu'un triple rang d'obstacles ferme à l'envahisseur l'accès de la péninsule italique ; que les Alpes, le Pô, l'Apennin, semblent créés exprès pour appuyer successivement les opérations d'une résistance efficace ; que chacune de ces lignes, dotée par la nature de précieuses propriétés militaires, est, de plus, apte à recevoir de la main de l'homme une puissante organisation défensive. Ces considérations n'avaient certainement pas échappé aux Romains. On est, dès lors, en droit de se demander comment il peut se faire qu'ils n'aient pas songé à défendre les Alpes ; d'où vient qu'ils n'ont tiré directement aucun parti des difficultés de l'âpre massif[2] ; pourquoi, négligeant d'en occuper les œuvres vives, ils n'ont pas pris eux-mêmes position à la Pioly, au Pertuis-Rostang, au lieu d'abandonner la garde de ces passages à des bandes de montagnards Katoriges ou Brigiani.

Cette abstention dont on s'étonne ne provient que de la rigoureuse observation d'un principe admis par le sénat. En essayant, dit à ce propos Machiavel[3], de procéder à la défense d'une chaîne de montagnes, vous prenez un parti qui vous sera le plus souvent funeste, à moins que, dans l'un de ces lieux difficiles, vous ne puissiez placer toutes vos forces. Dans ce cas, il faut le suivre. Mais si le lieu est trop rude et trop resserré pour les y loger toutes, alors le parti est mauvais. Ce qui me fait penser ainsi, c'est l'exemple de ceux qui, attaqués par un ennemi puissant, et cela dans leur pays, entouré de montagnes et, de lieux sauvages, n'ont pas essayé de le combattre dans les lieux difficiles et montueux, mais sont allés au-devant de lui ; ou qui, ne voulant pas attaquer les premiers, ont attendu cet ennemi, mais dans des lieux faciles... On ne peut, en effet, employer beaucoup de forces pour garder des lieux sauvages et peu ouverts, soit qu'on ne puisse y amener des vivres pour bien longtemps, soit par cela même qu'ils sont étroits et ne peuvent contenir que peu de monde ; alors, il n'est pas possible de soutenir le choc d'un ennemi qui vient sur vous avec de grandes masses.

Or l'ennemi peut aisément s'y porter en forces. Son intention, en effet, est de passer et non de s'arrêter : celui qui l'y attend, au contraire, ne peut lui en opposer d'aussi considérables, parce qu'il a à s'y loger pour plus de temps ; parce qu'il ignore le côté par où l'ennemi se présentera... Quiconque lira attentivement l'histoire, trouvera peu de grands capitaines qui aient essayé de garder de pareils passages ; car, outre les raisons que nous venons d'en donner, les passages ne se peuvent fermer entièrement. Les montagnes ont, comme les plaines, des chemins connus et fréquentés, mais encore beaucoup d'autres qui, pour ne pas l'être des étrangers, ne le sont pas moins des gens du pays, à l'aide desquels vous serez toujours conduits, malgré votre ennemi. On sait avec quelles difficultés Annibal parvint à passer les Alpes qui séparent la Lombardie de la France. Cependant les Romains l'attendirent... sur le Tessin... Ils aimèrent mieux exposer leur armée à être battue dans les lieux où elle pouvait vaincre que de la conduire sur les Alpes pour y être détruite par la seule difficulté des lieux.

Toutefois, en renonçant à tirer directement parti des Alpes, les Romains n'étaient pas moins tenus d'agir avec quelque vigueur au pied de chacun des versants. Ils venaient, on le sait, de faire une démonstration en avant, dans la vallée du Rhône, et il entrait bien dans leur dessein d'opérer également en arrière, dans la vallée du Pô[4]. A l'issue du combat de Védènes et de sa mésaventure de Châteauneuf, Scipion s'était, conformément à des instructions précises, dirigé sur la Circumpadane ; il avait même fait diligence[5] tant et si bien qu'Annibal, instruit de son approche, se refusait à croire aux rapports qu'on lui faisait à cet égard[6]. Cependant, la critique a traité sévèrement ce Cornélius, qui n'était point, il faut le dire, un favori de la fortune ; elle lui reproche ses lenteurs non pareilles[7]. Sans doute, il était indispensable de donner la main aux Taurini, d'occuper le débouché des Alpes, d'opposer des troupes fraîches aux colonnes épuisées d'Annibal. Evidemment, il convenait de tomber sur les Carthaginois au lendemain même de leurs épreuves, de profiter de leur désarroi ; surtout, de les empêcher de se refaire, comme ils en eurent tout le loisir[8]. Il fallait, en prévision d'un tel événement, aviser à prendre, en temps utile, des mesures rationnelles ; porter en Cisalpine des forces suffisantes, autres que celles de Scipion ; y réchauffer par la présence des légions le zèle attiédi des alliés, couvrir sérieusement Turin et tenir, à cet effet, la campagne avec une bonne armée de secours. Il n'était pas déraisonnable d'attendre quelque résultat de ces moyens d'action, si naturellement indiqués, tandis qu'on ne pouvait, en conscience, espérer que Scipion arrivât au pied des Alpes au moment opportun. En laissant Annibal reprendre haleine et faire tranquillement le siège de Turin, le sénat romain a commis une faute dont le consul porte injustement la peine : tant il est vrai que les erreurs de la politique, comme les imprudences de la diplomatie, sont toujours, de par l'injustice humaine, imputées au soldat qu'on a chargé du soin de l'exécution.

Ayant négligé la préparation d'une bonne résistance au pied du versant italiote et abandonné les Taurini à un sort facile à prévoir, le gouvernement de Rome avait à se ménager, en deçà des Alpes, d'autres ressources défensives. Il considéra que toutes les lignes d'invasion de la Péninsule dessinent un faisceau qui, après s'être épanoui en Cisalpine, s'étrangle au passage compris entre Rimini et la Spezzia, ou, si l'on fait abstraction de l'épaisseur des Apennins, entre Rimini et Plaisance. Il décida que ces deux points extrêmes, comparables à deux piliers de porte d'entrée, reposeraient sur des bases solides et serviraient de pivots à tous les mouvements ultérieurs des armées consulaires. C'est l'expérience des guerres passées qui désignait ces positions au choix des Romains : les invasions gauloises, dont ils avaient eu tant à souffrir, s'étaient toujours, en effet, dirigées vers l'échiquier du Pô inférieur ; elles avaient passé le fleuve non loin de son embouchure[9], puis essayé, trop souvent avec succès, de forcer, au défaut de l'Apennin, l'entrée de l'Italie péninsulaire. C'est donc à Rimini que les Romains avaient l'habitude de concentrer leurs moyens de défense[10]. Ils ne crurent pas alors devoir se départir d'une règle depuis longtemps consacrée ; aussi, les verra-t-on, au cours de la deuxième guerre punique, ordonner l'occupation permanente de cette place[11]. Rimini sert, dès le début de la guerre, de quartier général au consul Sempronius, brusquement rappelé de Sicile (voyez livre V, chap. I). L'autre consul, de retour des bords du Rhône, est, en même temps, invité à se porter sur Plaisance, dont la valeur vient de se révéler nettement lors des dernières expéditions de Cisalpine. Ainsi, au sens du sénat romain, l'accès de la Péninsule va se trouver fermé rigoureusement.

Comment Scipion avait-il opéré, en exécution des ordres émanés de son gouvernement ? Des bouches du Rhône, où s'était effectué son rembarquement rapide, il avait mis le cap sur Marseille et, de là[12], sur Gênes[13]. Déjà, à cette époque, les Génois (Genuates, Genuenses[14]) passaient pour être membres de la grande famille italiote[15] ; il est, d'ailleurs, vraisemblable qu'ils étaient les alliés de Rome, puisque, vers la fin de la guerre, un consul doit réédifier leur ville, détruite par Magon, le frère d'Annibal[16].

Pourquoi Cornélius, bien que pressé de se rendre à son poste, s'arrêtait-il ainsi pour faire escale à Gênes ? C'est que ce port était un emporium[17] de premier ordre ; qu'il exportait des bois de grandes dimensions, propres aux constructions navales, des bois de placage très-recherchés par les fabricants de meubles ; des peaux, des miels, des bestiaux, des chevaux, des mulets fort estimés ; des vêtements confectionnés, tuniques ou saies ; de l'ambre, des fromages, des raisins secs soigneusement embarillés ; des cordages, des livèches ou sésélis de montagne, et beaucoup d'autres produits[18] ; que ses principales importations consistaient en huiles et en vins[19]. Une place de commerce aussi considérable avait nécessairement besoin d'être à l'abri d'un coup de main ; aussi était-elle fortifiée. L'emporium de Gênes était un oppidum très-respectable[20].

L'Itinéraire d'Antonin nous fait connaître que, sous l'Empire, cette grande place maritime était reliée à Plaisance par une route qui passait par la Stradella, et mesurait environ 180 kilomètres de développement total. La voie de communication dont il s'agit était dite Æmilia Scauri, du nom de ce Scaurus qui la fit empierrer, de l'an 118 à l'an 111 avant notre ère, c'est-à-dire un siècle environ après la deuxième guerre punique[21] ; on sait d'ailleurs que, en l'an 200, au lendemain de la bataille de Zama, elle était pratiquée par le consul Minucius[22]. Il est permis de croire qu'elle existait déjà lors de l'expédition d'Annibal, au moins à l'état de chemin muletier ; que Plaisance et les centres de population de la Stradella pouvaient, par ce moyen, être mis en relation directe avec la mer Ligurienne, comme ils l'étaient, par le Pô, avec l'Adriatique ; que Scipion a pu, en conséquence, faire de Gênes sa base d'approvisionnements. Ce sont vraisemblablement des marchés passés avec des commerçants de Gênes qui lui ont permis de former des magasins sur des points convenablement choisis et, en particulier, à Casteggio[23].

Ayant pleinement assuré le service de ses ravitaillements, Scipion revint à bord de sa quinquérème, mouillée dans les eaux de Gênes, fit voile vers la Toscane[24] et débarqua, comme nous l'avons dit (livre V, chap. I), au port de Pise[25].

De Pise, par quelle voie a-t-il gagné Plaisance ? Les textes s'accordent à tracer par la Toscane le chemin qu'il a pris[26]. Cependant, que faut-il entendre par ces mots ? Une telle expression signifie-t-elle qu'il ait pratiqué la Via Cassia ou Clodia de Pise à Florence, puis la Via Faventina de Florence à Fænza, enfin la Via Æmilia (Lepidi) de Fænza à Plaisance ? Nous ne le pensons pas, car ce parcours compliqué mesurant 260 milles (millia passuum), soit plus de 380 kilomètres, lui faisait faire un détour inutile, à lui qui se rendait aux environs de Parme. En outre, la route Émilienne n'était pas encore praticable ; elle ne fut empierrée qu'en 187, quelques années avant la mort d'Annibal, par cet Æmilius Lepidus à qui l'on dut l'ouverture de la section de Rimini à Bologne[27] ; au temps de la deuxième guerre punique, le tracé qu'elle était appelée à suivre ultérieurement coupait des marécages, dont le dessèchement ne fut opéré qu'un siècle plus tard, par les soins de Scaurus[28]. Nous estimons que Cornelius Scipion a passé par le chemin de Lucques à Parme :

 

ITER A PARMA LVCAM. M.P.C

(Itinéraire d'Antonin.)

 

lequel chemin suivait le littoral du golfe de Gênes jusqu'à Luna (ruines situées aux environs de Sarzana) :

 

ITER LITTOREUM CONTINET :

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

PISAM

LVNAM

ET IPSVM TRANSITVM IN GALLIAS

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

(Fragment de l'Itinéraire d'Antonin[29].)

 

Nous pensons en outre que, de Parme à Plaisance, le consul ne s'est point écarté du tracé de la voie Emilienne :

 

VIA ÆMILIA LEPIDI.

VIA ÆMILIA.

 

 

TANNETVM

 

PARMAM

CIV

PARMA

XI

FIDENTIOLAM VICVM

M. P. XX

FIDENTIA

XV

PLACENTIAM CIV

M.P. XXIV

FLORENTIA

X

 

 

PLACENTIA

XV

(Itinéraire d'Antonin.)

(Table de Peutinger.)

 

D'abord, ce chemin de Lucques à Parme existait certainement en 218, puisque, six ans auparavant, en 224, il avait été pratiqué par le consul L. Æmilius[30]. Scipion, partant de Pise, se dirigeait sur Tenedo, alias Taneto (Tannetum), situé à 16 kilomètres à l'est de Parme, pour y donner la main aux préteurs Atilius et Manlius[31] ; il ne pouvait souhaiter un trajet plus direct. La distance de Lucques à Pise était de 100 milles (millia passuum) ou environ 148 kilomètres ; celle de Parme à Plaisance, d'une quarantaine de milles ou 59 kilomètres. L'itinéraire total mesurait donc à peu près 140 milles ou 207 kilomètres, et l'armée consulaire pouvait accomplir ce trajet en dix journées de marche. Il faut observer enfin que ce tracé satisfait bien à la condition d'être mené par la Toscane, puisque la Ligurie ne commençait qu'à la Magra.

Pour ces motifs, nous pensons que Scipion a passé par Lucques, Pietra-Santa, Massa, Carrare, Sarzana, Aulla, Pontremoli, Berceto, Cassio, Fornovo et Parme. C'est le chemin que devaient suivre plus tard : Charles VIII, en 1495 ; la division Victor, du corps de Macdonald, en 1799 ; enfin, tout le cinquième corps, lors de notre dernière campagne d'Italie[32].

Tout en faisant cette route de Lucques à Parme, Scipion opérait des levées et voyait, à chaque étape, grossir l'effectif de ses forces[33]. Il lui fut surtout facile de se recruter en hommes et en chevaux dans le pays de Lucques, pays fertile, dont la population, singulièrement dense, fournissait d'ordinaire aux légions romaines nombre de soldats aguerris, surtout d'excellents cavaliers[34]. C'est donc avec un premier noyau de troupes qu'il arriva sous Taneto, alors occupé par les préteurs chargés du soin de contenir les Boïes[35]. Le corps de Manlius comptait 19.600 hommes au début de la campagne ; celui d'Atilius, 9.300, soit ensemble 28.900. En tenant compte des pertes éprouvées, on peut admettre que les deux corps réunis présentaient alors un effectif de 20.000 hommes. Scipion prit sans retard le commandement de l'armée des préteurs[36], y versa ses recrues, qu'on peut supposer au nombre de 10.000, et put ainsi disposer d'un effectif total d'environ 30.000 hommes.

Ces troupes étaient toutes assez jeunes et sans grande expérience[37], mais elles purent être convenablement encadrées. Le consul avait sous la main des officiers d'élite, au premier rang desquels figuraient le poète Ennius[38], Caton l'Ancien[39] et cet héroïque Sergius, tant admiré de ses compatriotes[40]. C'est dans ces conditions que Scipion arriva sous Plaisance[41], le jour même de la chute de Turin[42].

Annibal était encore sous les murs de cette place quand il apprit la nouvelle du passage du Pô par les légions romaines[43]. Le fait était certain : Scipion venait d'arriver premier[44] à la fameuse position Pavie-Stradella-Plaisance. Comment l'en déloger ou, tout au moins, l'empêcher de s'y établir solidement ? Il n'y avait pas un instant à perdre, il fallait l'attaquer et, pour ce faire, se porter au plus vite en avant[45].

La veille du jour fixé pour le départ, le jeune général crut nécessaire d'offrir à ses compagnons d'armes un spectacle fait pour les émouvoir et réveiller en eux les instincts militaires. Il les fit former en cercle[46] ; puis on amena sous leurs yeux quelques prisonniers faits dans les Alpes et qui avaient été durement traités : chargés de chaînes, mourant de faim, brisés de coups, ces misérables n'étaient plus que des spectres humains. Ils n'attendaient plus que la mort ; mais leur saisissement fut profond quand ils surent qu'on ne les condamnait point à périr dans de honteux supplices.

On leur présenta des saies magnifiques, des chevaux de sang, des armes de luxe enrichies d'ornements de corail[47], et il leur fut demandé s'ils voulaient combattre, par couples, en combat singulier.

Les vainqueurs, leur dit-on, recevront de riches présents et la liberté ; les vaincus trouveront dans la mort la délivrance de leurs maux. Il n'y eut qu'un cri : tous les prisonniers demandèrent des armes[48]. Le spectacle terminé :

Vous pouvez, dit Annibal aux soldats qui l'entourent[49], envisager dans toute leur étendue les nécessités de votre situation ; vous avez sous les yeux une vivante image du sort qui vous attend. Nous sommes enfermés entre deux mers, sans un vaisseau qui puisse nous rapatrier ; devant nous est le Pô, plus large que le Rhône ; derrière, sont les Alpes, que nous avons eu tant de peine à franchir. Fuir ?... il n'y faut pas songer ; nous n'avons d'issue nulle part, nous sommes prisonniers dans la haute Italie. Qu'allons-nous devenir ?... Si nous battons les Romains, à nous leurs terres et leurs richesses ; mais si nous sommes vaincus par eux, tomberons-nous vivants entre leurs mains ? Plutôt mille fois la mort ! Imitons ces Gaulois, et disons avec eux : il faut vaincre ou mourir[50]. La formule vigoureuse de cette péroraison est tombée, depuis longtemps, du fait des plagiaires, dans le domaine de la banalité ; mais il convient de restituer à Annibal l'invention d'un moyen oratoire qui tant de fois a produit des effets d'entraînement.

Ce discours fit sur les troupes assemblées une impression si profonde que l'orateur crut devoir aussitôt en mitiger la forme ; s'adressant pour la seconde fois à ses hommes, il s'attacha à leur parler en termes empreints de bienveillance, à leur faire caresser l'idée d'une heureuse fortune ; il leur dit que lui-même avait bon espoir, qu'il comptait réussir et briser de ses mains les portes d'entrée de Rome[51]. Ces derniers mots du général en chef furent couverts d'applaudissements.

Le lendemain, l'armée pliait ses tentes et se mettait résolument en marche.

Tandis qu'Annibal se porte en aval de Turin[52], Scipion fait un mouvement en amont de Plaisance et vient prendre position sur la ligne du Tessin[53]. La section de ce fleuve comprise entre le lac Majeur[54] et le Pô mesure, suivant une courbe doucement sinueuse, un développement de 95 kilomètres et présente partout un profil imposant. Dans ces limites, en effet, la largeur varie de 60 à 130 mètres ; la profondeur, de 60 centimètres à 4 mètres à l'étiage, de 3 à 15 mètres au moment des crues. Les eaux ont un volume considérable ; le débit du Tessin est de 400 mètres cubes à la seconde à sa sortie du lac Majeur, tandis que le Rhône, au sortir du lac de Genève, ne débite que 270 mètres. Quant à la vitesse du courant, elle est proverbiale[55].

En somme, à raison des difficultés matérielles qu'elle oppose au franchissement, de sa longueur de 9 5 kilomètres, qui n'est pas excessive, de l'heureuse situation du lac Majeur et du Pô, qui lui servent d'appuis sur ses deux ailes, la ligne du Tessin inférieur a une valeur stratégique dont il est indispensable de tenir compte.

Mais, pour être maître de cette ligne, il faut en occuper plus d'un point entre Pavie et Sesto-Calende ; il est nécessaire d'en commander les deux rives à hauteur de tous les passages possibles ; d'opérer, par exemple, comme l'ont fait en 1859 les Autrichiens, qui avaient établi des ponts à San-Martino, Cassolo-Nuovo, Vigevano, Bereguardo, Pavie. Est-il permis de croire que Scipion ait également étendu son front de Pavie à San-Martino ; qu'il ait jeté plusieurs ponts pour se ménager toute liberté d'action sur les deux rives ? On doit le supposer ; mais, à cet égard, les textes sont muets. Ce qu'ils expriment seulement, c'est que le consul jette un pont[56] de radeaux[57] muni d'un bon tablier[58] ; qu'il organise sur la rive droite une tête de pont[59] ; qu'il se place ainsi à cheval sur le fleuve à défendre, conformément aux règles suivies par les gens de guerre de l'antiquité[60], qui n'opéraient pas autrement que nous.

Où ce pont militaire a-t-il été jeté ? Cette simple question a suscité des avis très-divers : quelques commentateurs, adoptant avec Giani la latitude de Sesto-Calende[61], assignent aux légions le passage qu'a pratiqué Garibaldi le 23 mai 1859 ; d'autres, comme le général de Vaudoncourt, Félix de Beaujour[62] et Wijnne[63], placent la communication à la hauteur de Pavie.

Nous avons cru devoir partager l'opinion de ceux-ci, attendu que, sans torturer les textes[64], il est permis d'admettre que Tite-Live a entendu parler de Pavie (Ticinum), tout autant que du Tessin (Ticinus).

D'ailleurs, la raison militaire est là : Scipion occupait nécessairement Pavie, tête de la fameuse position défensive Pavie-Stradella-Plaisance. On peut, par conséquent, en conclure qu'il a fait une marche de 36 milles (environ 53 kilomètres), scandée ainsi qu'il suit par les Apollinaires :

 

I

II

III

IV

TICINVM

 

TICINVM

 

TICINO

 

TICINVM

 

LAMBRVM

XX

LAMBRVM

XX

LAMBRVM

XX

LAMBROFL

XX

PLACENTIAM

XVI

PLACENTIA

XVI

PLACENTIA

XVI

PLACENTIA

XVII

 

Pendant que les Romains se concentrent à Pavie, les Carthaginois marchent, de leur côté, à grands pas. Nous supposons qu'ils sont formés sur trois colonnes ; que la colonne de droite passe le Pô à Turin pour se diriger sur Asti et, de là, sur Valenza ; que les deux autres colonnes, en route pour le pays des Insubres[65], descendent la rive gauche du fleuve par la Mutatio ad Decimum (entre Settimo et Brandizzo), la Mansio Quadratis (en face de Verrua), la Mutatio Ceste (San-Genuario) et la Mansio Rigomago (Trino Vecchio) ; qu'elles font ainsi, de conserve, 41 milles (millia passuum) ou environ 60 kilomètres :

 

CIVITAS TAVRINIS

 

MVTATIO AD DECIMVM

X

MANSIO QVADRATIS

XII

MVTATIO CESTE

XI

MANSIO RIGOMAGO

VIII

(Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem.)

 

Nous pensons que, à Rigomago (Trino), les deux colonnes, jusque-là jumelées, se séparent et bifurquent ; que l'une, celle du centre, poursuit le long du Pô par la Mutatio ad Médias (vis-à-vis de Casale), Carbantia (près de Villanova), et s'arrête sur la Sesia, en face de la Mutatio ad Cottias (Cozzo) :

 

 

 

A MEDIOLANO PER ALPES COTTIAS.

MANSIO RIGOMAGO

 

COTTIÆ

 

MVTATIO AD MEDIAS

IX

CARBANTIA

XII

MVTATIO AD COTTIAS

XIII

RIGOMAGO

XII

(Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem.)

(Itinéraire d'Antonin.)

 

Quant à la colonne de gauche, elle suit la route de Trino à Verceil, route qui nous semble avoir été directrice de marche ; c'est par là qu'Annibal va prendre position chez les Ictimuli[66], c'est-à-dire à Verceil, non loin des lieux qui seront un jour témoins d'une grande victoire de Marius, de ce Romain qu'une étrange ironie du sort doit conduire en proscrit aux ruines de Carthage[67].

Pourquoi les Carthaginois attachent-ils tant de prix à la possession de Verceil ? C'est que ce point, éminemment stratégique, doit être considéré comme tête de ligne par rapport à toutes les lignes de manœuvres qui peuvent être menées vers le Tessin inférieur, de Sesto-Calende à Pavie ; c'est qu'il est le nœud de toutes les communications qui s'ouvrent par delà la Sesia, le foyer d'où rayonnent fatalement toutes les opérations possibles. L'envahisseur, s'il s'est proposé d'agir sur l'échiquier du Pô inférieur, se porte nécessairement sur Novare ; si, comme Annibal, il a pour objectif l'entrée de la Péninsule, il pique droit sur Pavie par Mortara. En tout cas, il part de Verceil.

En résumé, le front d'Annibal, qui passe par Verceil, Carbantia, Valenza, est couvert par la ligne Sesia-Pô-Tanaro ; celui de Scipion, que protège le Tessin, s'étend vraisemblablement de Pavie à San-Martino. Il suit de là que les deux adversaires bordent la région remarquable que les gens de guerre ont désignée sous le nom de carré défensif de Mortara. On sait que Mortara occupe à peu près le centre de figure de ce fameux carré, dont on a fixé les angles à San-Martino, Pavie, Valenza et Verceil. Les quatre côtés sont : au nord, la ligne Verceil-Novare ; au sud, le Pô ; à l'ouest, la Sesia, de Verceil à Candia, puis le Pô, de Candia à Valenza ; à l'est, enfin, le Tessin.

Les deux diagonales Verceil-Pavie et Valenza-Novare décomposent la figure stratégique en quatre grands triangles presque équilatéraux, ayant de 20 à 24 kilomètres de côté et jouissant, tous les quatre, de propriétés militaires bien connues.

Si l'on voulait mettre ces débuts de la deuxième guerre punique en regard des opérations de notre campagne d'Italie de 1859, on pourrait dire que les troupes d'Annibal sont placées dans la situation de l'armée franco-sarde ; les légions de Scipion, dans celle des forces autrichiennes.

En quel lieu s'est opérée la rencontre des armées romaine et carthaginoise ? C'est un point sur lequel on n'est pas d'accord ; mais ici, du moins, les avis très-divers ne se classent que sous deux chefs principaux : hypothèse de la rive gauche du Tessin ; hypothèse de la rive droite. Cluvier, Guido Ferrari, Campana, Deluc, Daudé de Lavalette, M. Jacques Maissiat, sont au nombre des commentateurs qui font passer le fleuve à l'armée d'Annibal et opinent ainsi pour une action du type de notre bataille de Magenta. Parmi les partisans de la rive droite on peut citer : Merula, Doujat, Folard, d'Anville, Durandi, Philippe Ferrari, Schweighæuser, Poggiali, le P. Portalupi, le P. Capsoni, le général de Vaudoncourt, le général Rogniat, Giani, Félix de Beaujour, Wijnne, le colonel Macdougall, etc.

Les champions du premier système sont loin de se prononcer identiquement sur la question de latitude du point cherché. Cluvier[68] et Lavalette[69], ne proposant aucune solution précise, admettent que Scipion a jeté un pont sur le Tessin, mais qu'il n'en a point fait usage. Guido Ferrari[70] et Campana[71] placent le théâtre de l'affaire aux environs de Somma, non loin des lieux où, le 23 juin 1636, les Espagnols eurent à soutenir le choc des troupes françaises commandées par Créqui. Deluc[72] pense qu'Annibal a franchi l'obstacle à Buffalora, et que le combat s'est donné à Casal Calderara, c'est-à-dire à quelques milles au-dessus de Pavie. M. Jacques Maissiat partage absolument l'opinion de Deluc : il faut admettre, dit-il[73], que cette bataille eut lieu sur le terrain qui devint célèbre, dix-sept siècles plus tard, par une autre bataille désastreuse où un roi de France, en annonçant que tout était perdu, put du moins ajouter : fors l'honneur.

Les avis favorables au succès de l'hypothèse de la rive droite sont affectés de nombreuses variantes : Folard[74], Schweighæuser[75], Wijnne[76] et le colonel Macdougall[77] laissent le point indéterminé sur l'échiquier de la Lomelline. Giani indique la plaine de Galliate[78], où, en avril 1821, les troupes autrichiennes placées sous les ordres du maréchal Bubna eurent tant de peine à tenir tête aux Piémontais. Gaudenzio Merula[79] et le P. Portalupi[80] préconisent la solution de Cassuolo Vecchio, au nord de Vigevano, solution qui s'impose, disent-ils, attendu qu'une tradition populaire a valu à Cassuolo le nom de Casilinum, et qu'on a retrouvé aux abords de ce point les traces du camp d'Annibal (formæ castrorum quadratæ). Le général de Vaudoncourt[81] place la scène du combat entre Cassolo et Borgo-S.-Siro ; le P. Capsoni[82], à l'intérieur du quadrilatère ayant pour sommets Gambolo, Borgo, Trumello, Garlasco.

Poggiali se prononce pour un site pris entre Pavie et Mortara[83] ; Doujat propose le territoire de Dimoli, entre l'Agogna et le Tessin[84] ; le général Rogniat, qui s'est rallié à l'opinion de d'Anville, adopte un point situé non loin du confluent du Tessin et du Pô[85]. Suivant Félix de Beaujour[86], le combat n'a pu se donner qu'entre Travedo et Limido, deux villages situés aux environs de Pavie ; selon Durandi, enfin, l'action s'est passée près du confluent du Pô et de la Sesia[87].

En présence de cette divergence d'opinions, nous avons cru devoir demander aux textes le moyen d'élucider une question qui paraît obscure. Or qu'appert-il de l'examen de ces documents ?

Quelqu'un d'entre les auteurs romains ou grecs peut-il nous mettre sur la trace du fait topographique ? Quel nom l'engagement porte-t-il dans l'histoire ? Tite-Live[88], Florus[89], Silius Italicus[90], Pline[91], Valère-Maxime[92], disent hautement, mais sans autre indication, qu'il s'agit d'un COMBAT DU TESSIN. Le cours entier du fleuve, tel est le lieu géométrique que nous a légué cette pléiade d'auteurs, et Carlo Promis, à leur suite, ne repère pas mieux le théâtre de l'événement[93].

Pour Polybe[94] et Cornelius Nepos[95], les aînés de tous ces écrivains, l'affaire n'a pas eu lieu ailleurs que SUR LES BORDS DU PÔ ; lui-même, Silius, qui, tout à l'heure, chantait les rives du Tessin, se plaît ensuite à transporter la scène sur le vieil Eridan, le fleuve de Phaéthon, dont les eaux, nous dit-il, sont teintes de sang romaine[96]. Rigoureusement, il serait déjà possible de tirer de ces deux ordres de témoignages cette conclusion géométrique que l'événement s'est accompli sur un terrain baigné par L'UN ET L'AUTRE fleuve, c'est-à-dire dans l'un des deux angles que dessine leur confluent.

Aucune espèce d'ambiguïté ne peut d'ailleurs subsister à cet égard, car Florus nous fait expressément connaître que le théâtre de l'action se trouve ENTRE LE PÔ ET LE TESSIN[97]. Et Silius, que sa qualité de poète autorise à revêtir de formes diverses le corps de sa pensée, nous montre aussi maintenant une scène que baignent À LA FOIS les deux fleuves[98].

Il est donc surabondamment démontré que la rencontre des deux armées s'est opérée à l'intérieur de l'un des deux angles formés par l'incidence du Tessin sur le Pô. Mais lequel des deux ? l'angle obtus regardant la mer Adriatique, ou l'angle aigu qui s'ouvre sur la Lomelline ? Une longue incertitude n'est pas possible ; c'est de celui-ci qu'il s'agit. Scipion avait, en effet, un pont sur le Tessin[99] ; il est certain qu'il a passé ce fleuve[100], afin de pousser une pointe jusqu'aux abords du territoire des Ictimuli[101], et que, une fois battu par Annibal, il l'a précipitamment repassé[102]. Le point où a eu lieu l'engagement ne saurait donc se chercher ailleurs que sur la surface du carré de Mortara. Cette région étant pour nous le lieu géométrique des solutions possibles, essayons d'y découvrir des limites rationnelles entre lesquelles l'inconnue puisse aisément se cantonner.

Nous observons d'abord qu'Annibal et Scipion ont pour commune ligne de manœuvres la diagonale Verceil-Pavie du grand carré de Mortara. C'est un fait qui se déduit facilement des diverses considérations dans lesquelles nous venons d'entrer et qui se trouve d'ailleurs en parfaite harmonie avec le récit de Polybe[103], aux termes duquel Romains et Carthaginois s'avancent dans la Transpadane, en laissant : les premiers, le cours du Pô sur leur gauche ; les seconds, sur leur droite. Les adversaires, ajoute l'historien[104], partent de leurs bases de manœuvres le même jour et à la même heure ; ils font ainsi deux jours de marche[105] en sens inverse ; le troisième jour[106], ils se rencontrent. Comment trouver sur le lieu géométrique Verceil-Pavie le point où s'opère ce choc entre les deux armées ? Si l'on suppose aux colonnes de Scipion une vitesse égale à celles d'Annibal, on est conduit à s'arrêter au milieu même de cette ligne de manœuvres, c'est-à-dire en un point situé entre Pavie et Mortara (voyez la planche XII). A fortiori, trouvera-t-on cette solution légitime si l'on observe que la cavalerie carthaginoise, très-supérieure à celle des Romains, avait vraisemblablement des allures plus rapides et pouvait, par conséquent, fournir une plus longue traite en un temps donné. Il est donc déjà permis de conclure que le théâtre du combat peut être théoriquement placé dans la portion de territoire comprise entre Mortara et Pavie.

Cela posé, il est essentiel de remarquer que la diagonale Verceil-Pavie, prise pour ligne de manœuvres, ne doit être considérée que comme une directrice théorique. De fait, les routes que pratiquait l'antiquité ne passaient point par Mortara, centre du carré défensif ; les deux sommets, Verceil et Pavie, étaient mis en communication par Cozzo, Lomello et Dorno, ainsi qu'il appert des itinéraires romains, lesquels n'ont vraisemblablement fait que calquer les voies pratiquées par les anciennes populations de la Cisalpine. Le tracé des chemins qu'ouvre la main de l'homme ne dépend point de son caprice ; il est, au contraire, soumis aux conditions que lui imposent les besoins de la vie, lesquels sont, de par la nature, à peu près immuables.

L'Itinéraire d'Antonin de Milan à Strasbourg et la Carte de Peutinger nous font connaître la distance totale de Pavie à Verceil ; les Romains de l'Empire attribuaient à cette section de route une valeur de 46 à 48 milles, soit environ 70 kilomètres.

D'accord avec l'Itinéraire d'Antonin de Milan à Arles par les Alpes cottiennes, les quatre Apollinaires, ou Itinéraires de Cadix à Rome, dits de Vicarello, nous donnent la mesure des distances de Cozzo à Lomello et de Lomello à Pavie, lesquelles étaient respectivement de 18 et 30 kilomètres. Enfin, l'Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem, scandant toute la section de Cozzo à Pavie, compte : de Cozzo à Lomello, environ 18 kilomètres ; de Lomello à Dorno, 13 kilomètres ; de Dorno à Pavie, encore 18 kilomètres. La différence des distances connues Verceil-Pavie et Cozzo-Pavie exprime la valeur itinéraire de la section Verceil-Cozzo, laquelle était de 15 milles ou 22 kilomètres.

En résumé, au temps de l'Empire, et vraisemblablement lors de la deuxième guerre punique, la route de Verceil à Pavie se kilométrait à peu près comme il suit :

 

Verceil

 

 

Cozzo

22

kilomètres.

Lomello

18

 

Dorno

13

 

Pavie

18

 

 

Telle est, à notre sens, la directrice pratique de manœuvres des deux adversaires ; c'est un point de ce tracé qui doit satisfaire aux conditions du problème. On peut faire, à cet égard, nombre d'hypothèses rationnelles ; voici les nôtres (voyez les planches XI et XII). Nous estimons que, parti de Verceil, Annibal est parvenu le premier jour à Cozzo ; le deuxième jour, à Lomello ; qu'il a pris position sur l'Agogna et lancé ses éclaireurs à la découverte en avant ; que, durant ces deux jours, Scipion, sorti de Pavie, s'est également dirigé sur Lomello ; que, marchant d'un pas moins bien assuré que celui de son adversaire, il s'est seulement approché de ce point ; qu'il n'a peut-être guère dépassé Dorno ; finalement, que le combat s'est livré à l'intérieur du triangle Lomello-Dorno-Mortara, non loin, probablement, des célèbres colonnes de Dorno[107].

Ce point étant établi autant qu'il peut l'être, reprenons l'action à son début, pour en compléter le récit.

Donc, Annibal est sur la Sesia ; Scipion, sur le Tessin. Les deux généraux s'observent et poussent l'un vers l'autre[108] des reconnaissances offensives. Un régiment de cavalerie carthaginoise, placé directement sous le commandement de l'intelligent Maharbal[109], bat en tous sens le carré de Mortara ; la cavalerie légère attachée aux légions romaines fouille aussi très-minutieusement cet échiquier tactique. Scipion, tâtant en personne les rives de la Sesia, n'arrête sa pointe qu'à sept ou huit kilomètres de Verceil[110] ; de là, il envisage la situation de l'ennemi, croit pénétrer ses intentions, et donne à l'armée consulaire l'ordre de franchir le Tessin pour se jeter en Lomelline[111]. Au moment où cet ordre reçoit un commencement d'exécution, Annibal en est informé ; aussitôt les Carthaginois passent la Sesia.

En piquant sur Pavie, son objectif de manœuvres, Annibal est placé dans des conditions meilleures que celles où se trouve le consul. Il est chez les Insubres, c'est-à-dire en pays ami ; grâce a cette alliance, il a pu commodément préparer la marche de ses troupes, et ses alliés s'empressent de lui apporter sur sa route tout ce dont il a besoin pour vivre[112]. Les officiers de son état-major sont, d'ailleurs, mieux rompus que les questeurs romains aux difficultés de cet art de faire mouvoir les armées, qu'on appelle aujourd'hui logistique ; suivant des principes bien connus des anciens, ils ont organisé, le long delà ligne de manœuvres, les services d'information, de sûreté, des subsistances, des munitions, du train des équipages[113], etc. Contrairement aux désirs des Romains, qui ne cessent de parler des soucis et de l'incurie d'Annibal[114], ils ont tout prévu ; tous les rouages de leur machine administrative vont fonctionner correctement. Les troupes carthaginoises ne manqueront jamais de rien[115].

Le soir du deuxième jour de marche, les deux armées, sentant qu'elles avaient pris le contact[116], ne purent se dissimuler l'imminence d'un choc[117], et s'arrêtèrent sur place pour se préparer à combattre. Scipion ne se sentait pas d'aise d'en être ainsi venu à l'heure décisive ; impatient de laver dans les eaux de l'Éridan les hontes de sa déconvenue des bords du Rhône, il appelait de tous ses vœux le moment de la crise[118].

Le lendemain[119], 1er décembre[120], dès le point du jour, chacun des deux généraux s'empressa d'opérer une reconnaissance du terrain sur lequel devait s'engager l'action ; d'examiner à quelles forces il allait avoir affaire[121]. Annibal, une fois édifié sur la question, fit sonner la retraite aux cavaliers de Maharbal qui, çà et là, battaient l'estrade[122], et leur assigna vite une place dans le rang. Il avait reconnu qu'il ne s'agissait point de livrer bataille, mais seulement de repousser une pointe de l'ennemi ; qu'il n'y avait d'autre éventualité possible que celle d'un engagement de tirailleurs, d'un combat de cavalerie[123]. C'est sur ces données que chacun des deux adversaires arrêta ses dispositions et donna ses derniers ordres[124].

La perspective qui s'ouvrait devant Annibal devait singulièrement lui sourire, car sa cavalerie, il le savait, était, numériquement comme en instruction pratique, très-supérieure à celle des Romains[125]. Pour bien établir, dès le premier jour, le fait de cette supériorité, il prit le parti de la faire donner tout entière[126], d'engager à la fois ses six mille chevaux : partie grosse cavalerie, partie cavalerie légère. Celle-ci était formée d'Imazir'en, uniquement munis d'armes de jet et maniant leurs chevaux sans l'aide de la bride et du mors[127]. Loin d'être irréguliers, ces cavaliers intrépides, dont les allures de nos spahis nous permettent de restituer, jusqu'à certain point, la physionomie, étaient correctement enrégimentés ; chaque régiment[128], d'un effectif de 512 chevaux, était placé sous le commandement d'un officier carthaginois[129]. Annibal disposait de quatre régiments, soit d'environ 2.000 chevaux[130] de cette brillante cavalerie tamazir't, si habile à combattre en ordre dispersé. La grosse cavalerie, qui combattait, au contraire, en ligne, était dite κεχαλινωμένη[131], c'est-à-dire formée d'hommes montant des chevaux sellés et bridés réglementairement[132]. L'armée carthaginoise en comprenait un σύvταγμα[133] ; c'était un corps de 4.000 cavaliers[134], portant pour armes défensives : un casque, une cotte de mailles, un bouclier ; pour armes offensives : une longue lance, une autre lance de moyenne longueur et une large épée pendue en bandoulière. Annibal plaça son σύνταγμα de grosse cavalerie au centre de sa ligne de bataille[135] ; ses ίλαι de cavalerie légère, aux deux ailes[136].

La cavalerie de l'armée consulaire avait été recrutée non-seulement parmi les citoyens romains et les alliés[137], mais encore chez les Gaulois cisalpins, Cénomans ou Vénètes[138] ; elle était appuyée d'un petit corps d'infanterie légère[139]. Scipion couvrit son front d'un essaim de ces tirailleurs à pied, mêlés à des irréguliers gaulois[140] ; les cavaliers romains formèrent en arrière, avec les alliés, sa ligne de bataille proprement dite[141].

Quand tout est prêt de part et d'autre, et que les deux lignes sont sur le point de s'ébranler, chacun des généraux, suivant l'usage antique, parcourt le front des troupes et leur adresse une proclamation vigoureuse. Vous allez, dit Scipion à ses légionnaires[142], combattre pour vos foyers, vos femmes, vos enfants, pour le salut de Rome et l'indépendance de l'Italie ! Annibal énumère à ses soldats les récompenses entre lesquelles la victoire leur donnera le droit de choisir[143]. Aux uns, suivant la coutume égyptienne[144], il promet de bonnes terres ; aux autres, de l'argent ; à ceux-ci, la faculté de devenir citoyens de Carthage ; à ceux-là, le rapatriement ; à tous, suivant leur goût, des richesses, des honneurs. Il s'engage même à mettre en liberté les esclaves qui ont suivi leurs maîtres. Puis, afin de consacrer solennellement toutes ces promesses, il se fait, selon le rite étrusque[145], apporter un mouton et une hache de silex : Que si jamais, s'écrie-t-il, je manquais à ma parole, les dieux m'écrasent sur-le-champ ! Ce disant, d'un coup sec il brise le crâne de la victime.

Alors, remplies d'ardeur, les deux armées poussent en avant en bataille. Scipion marche d'abord au pas[146] ; mais la vue d'un ennemi trottant enseignes déployées[147] surexcite bientôt en lui une ardeur mal contenue ; son calme l'abandonne ; il prend une allure rapide. Le sabot des chevaux battant le sable blanc répandu à la surface du sol de la Lomelline[148], les deux partis ne tardent pas à disparaître dans des nuages de poussière[149]. Toutefois, doué de coup d'œil et excellent juge du moment opportun, Annibal a fait un signe ; son σύνταγμα reçoit l'ordre de se tenir prêt à charger. Ce commandement préparatoire est rapidement transmis à chaque division ; de la division il passe à la brigade ; de la brigade au régiment ; il se répercute dans chaque escadron double, puis dans chaque escadron simple et se propage ainsi jusqu'au dernier peloton. En un instant, tous les hommes sont lance au poing ; tous les chevaux sont rassemblés. Sur un nouveau signe du général en chef, les commandements d'exécution retentissent sur la ligne de bataille, où ils sont accueillis par ces cris d'enthousiasme guerrier qu'on appelle aujourd'hui des hurrahs[150]. Sur-le-champ, les cavaliers donnent de l'éperon et rendent les rênes[151] ; ils sont lancés ils chargent[152].

La charge des Carthaginois est menée avec un entrain remarquable. Il en résulte un terrible choc entre les deux armées[153] : sur toute la ligne, on s'aborde avec vigueur, on se porte des coups furieux ; partout les rangs s'enfoncent ou se désorganisent. Les tirailleurs de Scipion ne peuvent pas tenir ; ses cavaliers sont profondément entamés. Annibal, mesurant l'étendue de cet ébranlement de l'adversaire, va recueillir les fruits d'une action hardiment engagée ; il ordonne à sa cavalerie légère de déborder par les deux ailes la ligne des Romains. Sur-le-champ, ce mouvement s'exécute, et le consul voit avec terreur apparaître sur ses derrières[154] des gens dont les intentions sont trop faciles à pénétrer. Évidemment, ces chevaux effrénés, ces Africains enlevés en l'air à la façon d'un vol d'oiseaux sinistres, ces Imazir'en aux allures sauvages, ont pour mission de l'envelopper lui et les siens !... Il ne s'est pas trompé ; la manœuvre circulaire se parachève[155] ; les Romains, atterrés, ont à faire tête de toutes parts : sur leurs flancs, de revers et de front. Ils se sentent enfermés dans un cercle de fer[156].

Alors, il se fait un de ces carnages qui servaient de dénouements ordinaires aux drames de la mêlée antique, et dont nous ne saurions plus nous faire aucune idée. Comment dépeindre un seul épisode de ces scènes sanglantes ? On vit, dit le moine de Saint-Gall[157], les moissons s'agiter d'horreur dans les champs ; le sombre Pô et le Tessin rouler des flots noircis par le fer... Mais une telle image n'offre rien de saisissant ; elle est même, il faut le dire, absolument impuissante à nous émouvoir. Disons simplement que les Romains sont promptement égorgés et noyés dans leur sang ; qu'un petit nombre d'entre eux n'échappent au massacre qu'en se jetant en pleine déroute[158] ; que le consul lui-même fuit misérablement, au milieu d'un groupe de fidèles qu'il a péniblement ralliés et qui lui font un rempart de leur corps[159].

Scipion, grièvement blessé[160], ne devait son salut qu'à l'héroïsme d'un enfant. Cet enfant, c'était son fils[161], celui qui, au cours de cette guerre d'abord si funeste aux aigles romaines, doit s'emparer de Carthagène, ébranler Carthage[162] et mériter le nom de Premier Africain[163].

 

 

 



[1] Tite-Live, XXVII, XXXIX.

[2] Morelli, Passages des Alpes, Turin, manuscrits de la Bibliothèque du Roi.

[3] Discours sur Tite-Live, liv. I, chap. XXIII. Traduction Buchon, passim.

[4] Tite-Live, XXI, XXXII et XLI ; XXVII, XXXVIII ; XXVIII, XLII.

[5] Tite-Live, XXI, XXXIX et XLI.

[6] Polybe, III, LVI.

[7] Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, cap. II.

[8] Morelli, Passages des Alpes, Turin, ms. de la Bibliothèque du Roi.

[9] Tite-Live, V, XXXV.

[10] Polybe, II, XXI et XXIII.

[11] Polybe, III, LXXVII et LXXXVI. — Tite-Live, XXVIII, XLVI ; XXIX, V ; XXX, I.

[12] Polybe, III, LXI.

[13] Tite-Live, XXI, XXXII. — Ammien Marcellin, XV, X.

[14] Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, cap. I. — Cf. inscription n° 139.

[15] Strabon, IV, VI, 4.

[16] Tite-Live, XXVIII, XLVI ; XXX, I.

[17] Strabon, IV, VI, 1 et 2 ; V, I, 3.

[18] Strabon, IV, VI, 2. — Pline, Hist. nat., XI, XCVII ; XV, XVIII ; XVI, LXIX ; XIX, L.

[19] Strabon, IV, VI, 2.

[20] Tite-Live, XXX, I. — Pline, Hist. nat., III, VII.

[21] Strabon, V, I, 11. — Cf. Pasquale Amati, Dissertazione, parte prima.

[22] Tite-Live, XXXII, XXIX. — Cf. Pasquale Amati, Dissertazione, parte prima.

[23] Polybe, III, LXIX. — Tite-Live, XXI, XLVIII.

[24] Polybe, III, LXI.

[25] Polybe, III, LVI. — Tite-Live, XXI, XXXIX.

[26] Polybe, III, LVI. — Appien, De bello Annnibalico, V.

[27] Strabon, V, I, 11.

[28] Strabon, V, I, 11.

[29] Il est juste de dire qu'on n'est point sûr de l'authenticité de ce fragment dont parle Jozias Simler... Et je ne sçay s'il n'auroit point esté supposé par Annius de Viterbe, qui en a fait le commentaire... (N. Bergier, Hist. des grands chemins de l'Empire, liv. III, ch. XXIX.)

[30] Pasquale Amati, Dissertazione, parte prima.

[31] Polybe, III, XL ; Tite-Live, XXI, XXV et XXXIX ; Appien, De bello Annibalico, V.

[32] Voici l'état des troupes qui, du 15 au 26 juin 1859, se rendirent de Lucques à Parme par les vallées de la Magra et du Taro :

[33] Appien, De bello Annibalico, V.

[34] Strabon, V, I, 11.

[35] Polybe, III, LVI. — Appien, De bello Annibalico, V.

[36] Polybe, III, LVI. — Tite-Live, XXI, XXXIX.

[37] Tite-Live, XXI, XXXIX et XLIII.

[38] Claudien, Eloge de Stilicon, préface du livre III.

[39] Pline, Hist. nat., I, præf.

[40] Pline, Hist. nat., VII, XXIX.

[41] Polybe, III, LXXI. — Appien, De bello Annibalico, V.

[42] Voyez livre VI, chapitre I, in fine.

[43] Polybe, III, LXI et LXIV. — Tite-Live, XXI, XXXIX.

[44] Appien, De bello Annibalico, V.

[45] Polybe, III, LX. — Juvénal, Sat. X, v. 154.

[46] Tite-Live, XXI, XLII.

[47] Pline, Hist. nat., XXXII, XI.

[48] Polybe, III, LXII ; Tite-Live, XXI, XLII. — Cf. Amédée Thierry, Histoire des Gaulois, t. I.

[49] Polybe, III, LXIII ; Tite-Live, XXI, XLIII et XLIV ; Dion-Cassius (Fragm. CLXXIX des livres I-XXXVI, éd. Gros).

[50] Polybe, III, LXIII. — Tite-Live, XXI, XLIII et XLIV.

[51] Juvénal, Sat. X, v. 155-156.

[52] Tite-Live, XXI, XXXIX.

[53] Polybe, III, LXIV. — Tite-Live, XXI, XXXIX.

[54] Strabon, IV, VI, 12. — Pline, Hist. nat., II, CVI.

[55] Commentaires de Napoléon Ier, t. IV, Marengo, IV.

[56] Polybe, III, LXIV. — Tite-Live, XXI, XLV.

[57] Tite-Live, XXI, XLVII.

[58] Polybe, III, LXVI.

[59] Tite-Live, XXI, XLV.

[60] Plutarque, Marius, XXIII.

[61] Gio. Battista Giani, Battaglia del Ticino.

[62] F. de Beaujour, De l'expédition d'Annibal, p. 18.

[63] Wijnne, Quæstiones criticæ.

[64] Tite-Live, XXI, XLVII.

[65] Polybe, III, LVI.

[66] Tite-Live, XXI, XLV.

[67] Plutarque, Marius, XXV et XL.

[68] Cluverii Italia antiqua, lib. I, cap. XXIV.

[69] Recherches sur le passage des Alpes par Annibal.

[70] Guidonis Ferrari opasculorum collectio, t. IV. Dissertatio XIII, De Insubriæ fluminibus. — Cf. Brusoni, Storia d'Italia.

[71] Monumenta Somæ.

[72] Histoire du passage des Alpes par Annibal.

[73] Annibal en Gaule, t. I, 2e partie, § 19, p. 295-296.

[74] Histoire de Polybe, traduite par D. Vincent Thuillier, avec un Commentaire de science militaire, par M. de Folard.

[75] Édition de Polybe, t. V, chap. LXV.

[76] Wijnne, Quæstiones criticæ, cap. VIII, Groningue, 1848.

[77] Macdougall, Campaigns of Hannibal, chap. I, Londres, 1858.

[78] Giani, Battaglia del Ticino, cap. VI, Milan, 1824.

[79] De Gallia Cisalpinæ antiquitatibus et origine, lib. I, cap. II.

[80] P. Portalupi, Storia della Lomellina, p. 121-122.

[81] Histoire des campagnes d'Annibal, t. I, chap. II.

[82] P. Severino Capsoni, Memorie storiche della regia città di Pavia, t. I, chap. VII, Pavie, 1782. — Cf. Philippus Ferrarius, a Basilica Petri de eccl. Novar. in Lex. geog.

[83] ...fra Pavia e Mortara... (Poggiali, Storia di Piacenza, t. I.)

[84] Comment. in Livium, XXI, XLV.

[85] Considérations sur l'art de la guerre, Paris, 1816.

[86] De l'expédition d'Annibal, p. 18.

[87] Adunque questa prima azione fra i Romani e Cartaginesi in Italia segui verso il confluente della Sesia nel Po. (Jacopo Durandi, Dell' antica condizione del Vercellese, articulo I, Turin, 1766.)

[88] Tite-Live, XXI, XLVIII et LVII.

[89] Florus, Hist. rom., II, VI.

[90] Silius Italicus, Puniques, IV, V, VI, VII, IX et XII.

[91] Pline, Hist. nat., VII, XIX.

[92] Valère-Maxime, V, IV, 2. — Cf. Orose, Hist., IV, XIV ; Aurelius Victor, De Viris illustribus, LXII ; Zonaras, Annales, VIII, XXIII.

[93] ...al Ticino tra Romani e Cartaginesi. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, cap. IV.)

[94] Polybe, X, III.

[95] C. Nepos, Annibal, IV.

[96] Silius Italicus, Puniques, XI et XVI.

Clément Marot (Jugement de Minos) semble s'être inspiré de ce passage de Silius, quand il fait dire à Annibal :

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Si est le Pau. . . . . . . . . . . . . . . . . .

[Duquel].... la trespure et claire unde

l'ay faict muer en couleur rubicunde.

[97] Florus, Hist. rom., II, VI.

[98] Silius Italicus, Puniques, VI.

[99] Polybe, III, LXIV.

[100] Tite-Live, XXI, XLV.

[101] Tite-Live, XXI, XLV.

[102] Tite-Live, XXI, XLVII.

[103] Polybe, III, LXV.

[104] Polybe, III, LXV.

[105] Polybe, III, LXV.

[106] Polybe, III, LXV.

[107] Ammien Marcellin, XV, VIII. — La Mutatio Duriis de l'Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem était dite aussi ad duas Columnas.

[108] Polybe, III, LXV.

[109] Tite-Live, XXI, XLV.

[110] Tite-Live, XXI, XLV. — La distance de 5.000 pas équivaut exactement à 7 kilomètres 396 mètres.

[111] Tite-Live, XXI, XLV. — Il faut se rappeler ici que les Lai ou Lævi, habitants de la Lomelline, étaient clients des Insubres, dont ils portaient, par extension, le nom.

[112] Polybe, III, LXVIII.

[113] Tite-Live, XXVII, XLIII.

[114] Tite-Live, XXI, XLVIII.

[115] Diodore de Sicile, XXIX, XIX.

[116] Polybe, III, LXII et LXV. — Tite-Live, XXI, XXXIX.

[117] Tite-Live, XXI, XLV.

[118] Polybe, III, LVI.

[119] Polybe, III, LXV.

[120] Voici comment nous avons cru pouvoir préciser cette date : Diodore de Sicile (XXV, XIX) nous fait connaître que le combat du Tessin s'est livré six mois après le départ de Carthagène. — Or, selon nos calculs, c'est le 30 mai qu'Annibal a quitté sa base d'opérations première. L'intervalle de temps observé conduit bien au 1er décembre de l'an 218.

[121] Tite-Live, XXI, XLVI. — Silius Italicus, Puniques, IV, v. 90-92.

[122] Tite-Live, XXI, XLV.

[123] Polybe, III, LXVIII, et X, III. — Tite-Live, XXI, XLVI. — Appien, De hello Annibalico, V. — ... a cavalry action, which has been magnified by the name of the batlle of the Ticinus... (Colonel Macdougall, Campaigns of Hannibal, ch. I.)

[124] Polybe, III, LXV. — Tite-Live, XXI, XLVI. — Appien, De hello Annibalico, V.

[125] Polybe, III, LXVI. — Tite-Live, XXI, XLVII.

[126] Polybe, III, LXV.

[127] Polybe, III, LXV. — Tite-Live, XXI, XLIV et XLVI. — Silius Italicus, Puniques, IV.

[128] Tite-Live, XXI, XLV.

[129] Tite-Live, XXI, XLV.

[130] Ce chiffre résulte d'une différence qu'il est facile d'établir. L'effectif total est de 6.000 chevaux, et il va être démontré que la grosse cavalerie en compte dans le rang environ 4.000.

[131] Polybe, III, LXV.

[132] Tite-Live, XXI, XLIV et XLVI.

[133] Polybe, III, CI.

[134] Exactement, 4.096. L'unité tactique correspondait à un rectangle de 8 chevaux de front sur 8 de profondeur ; ce peloton de 64 cavaliers était dit ίλη, et se trouvait placé sous les ordres d'un ίλάρχης. De la juxtaposition de deux ίλαι résultait l'escadron simple de 128 hommes ou έπιλαρχία. En doublant le nombre des ίλαι, on obtenait successivement : l'escadron double, de 256 hommes ; le régiment, de 512 ; la brigade, de 1.024 ; la division, de 2.048 ; enfin le corps, de 4.096 cavaliers.

[135] Polybe, III, LXV. — Tite-Live, XXI, XLVI.

[136] Polybe, III, LXV. — Tite-Live, XXI, XLVI.

[137] Tite-Live, XXI, XLVI.

[138] Polybe, III, LXV. — Strabon, V, I, 9.

[139] Polybe, III, LXV. — Tite-Live, XXI, XLVI.

[140] Polybe, III, LXV. — Tite-Live, XXI, XLVI.

[141] Polybe, III, LXV. — Tite-Live, XXI, XLVI.

[142] Tite-Live, XXI, XLI.

[143] Tite-Live, XXI, XLV.

[144] Hérodote, II, CXLI.

[145] Tite-Live, I, XXIV.

[146] Polybe, III, LXV.

[147] Tite-Live, XXI, XLIII et XLIV. — Juvénal, Sat. X, v. 155-156.

[148] Pline, Hist. nat., XVII, III.

[149] Polybe, III, LXV. — Tite-Live, XXI, XLVI. — Silius Italicus, Puniques, IV.

[150] Tite-Live, XXI, XLVI.

[151] Silius Italicus, Puniques, IV.

[152] Polybe, III, LXV.

[153] Polybe, III, LXV.

[154] Polybe, III, LXV. — Tite-Live, XXI, XLVI. — Silius Italicus, Puniques, IV.

[155] Polybe, III, LXV.

[156] Appien, De bello Annibalico, V.

[157] Des faits et gestes de Charles le Grand, livre III.

[158] Polybe, III, LXV. — Tite-Live, XXI, XLVI. — Appien, De bello Annibalico, V. — Eutrope, Breviar., III, IX.

[159] Polybe, III, LXV. — Tite-Live, XXI, XLVI.

[160] Polybe, III, LXVI, et X, III. — Tite-Live, XXI, XLVI et LIII. — Eutrope, Breviar., III, IX.

[161] Polybe, X, III ; Tite-Live, XXI, XLVI ; Silius Italicus, Puniques, IV.

[162] Claudien, Eloge de Stilicon, préf. du livre III.

[163] Tite-Live, XXX, XLV.