HISTOIRE D'ANNIBAL

 

LIVRE CINQUIÈME. — LES ALPES.

CHAPITRE V. — ANNIBAL EN PIÉMONT.

 

 

Le passage des Alpes opéré par l'armée d'Annibal était un événement de nature à faire sur l'esprit des hommes une impression profonde ; aussi n'a-t-il jamais cessé d'être pour eux un sujet d'admiration. Les anciens furent vivement frappés du succès d'une telle entreprise : tant d'audace[1] et de vigueur[2], tant de sûreté de main chez un capitaine de vingt-neuf ans, cela tint pour eux du prodige[3]... la terreur qui s'empara de Rome, à cette occasion, devint à jamais proverbiale[4]. Le temps n'a pas éteint l'écho de ce sentiment, dont la vive expression retentit encore dans l'histoire.

L'antiquité, dit M. Thiers[5], a légué à l'admiration du monde le passage des Alpes par Annibal, et il est certain que les hommes n'ont rien fait de plus grand, ni même d'aussi grand. L'éminent historien des guerres de notre siècle s'attache, à plusieurs reprises, à cet émouvant épisode, et semble se complaire dans son enthousiasme pour ce passage des Alpes, ... égal à tout ce que l'art de la guerre a jamais tenté de plus extraordinaire[6].

Le devoir de la critique impartiale est d'examiner si l'opération accomplie il y a deux mille ans a réellement droit au tribut d'une admiration exceptionnelle ; si les heureux efforts de l'armée carthaginoise peuvent défier toute comparaison avec ceux qu'ont fournis d'autres armées, placées ultérieurement dans des conditions similaires. Or la gloire d'Annibal, que n'éclipsera point celle de ses imitateurs, ne saurait cependant, malgré son éclat, se refuser à soutenir ici des parallèles. Assurément, ce qu'il faut admirer dans l'œuvre antique, c'est la grandeur de la conception[7], la justesse des combinaisons du plan de guerre[8], la hardiesse du plan d'opérations[9], la sagesse et la fermeté qui président à la conduite de l'entreprise[10]. Ce qu'il faut louer sans restriction, c'est le coup d'œil et l'entrain de ce jeune capitaine procédant partout avec une précision qui n'appartient ordinairement qu'à la maturité de l'âge. Assurément, c'est là du génie. Quant à l'exécution, les difficultés n'en étaient pas aussi considérables qu'on le suppose ; les obstacles matériels qu'une alpe sauvage[11] opposait à la marche des colonnes carthaginoises ne pouvaient, à aucune époque, passer pour être insurmontables ; les Romains en ont, à tort, exagéré l'importance[12]. Sans doute il a fallu frayer des passages, ouvrir des routes[13] ; mais des travaux de cette nature, toutes les armées savent les faire et les font couramment en campagne. Il n'y a point là matière à formuler un cas d'exception assez tranché pour susciter des concerts inusités de louanges. Ces routes qu'Annibal ouvrait dans la montagne, il avait, on doit le reconnaître, à les porter à largeur suffisante pour le passage des éléphants. De la nécessité de ces travaux complémentaires il résultait pour lui de graves sujétions, et l'on peut admettre avec Napoléon Ier que les éléphants ont pu lui donner de l'embarras[14]... Mais il faut observer aussi que cet embarras ne provenait que du fait de la perte d'un temps précieux. Quant aux animaux, ils n'ont certainement pas manifesté dans les gorges, ni sur les crêtes, ni même à flanc de coteau, cet effarement dont les ingénieurs avaient eu tant de peine à conjurer les effets lors du passage du Rhône. Un moteur animé qui ne s'effarouche point peut sortir sans danger des mauvais pas qu'un matériel roulant a souvent de la peine à franchir. Mécaniquement, d'ailleurs, le service des transports de l'armée carthaginoise n'avait à vaincre d'autres difficultés que celles dont avaient autrefois eu raison les chariots des lourdes bandes gauloises[15]. Les impedimenta d'Annibal ne nous semblent point, en tout cas, comparables à ceux que formaient les grosses bouches à feu de Charles VIII, ni même les pièces de campagne du premier consul Bonaparte. Militairement, l'opération n'était pas exceptionnellement ardue, puisque les Romains n'avaient pas cru devoir défendre les Alpes. Les montagnards auxquels ils avaient abandonné le soin de cette défense firent, comme on le sait, assez bonne contenance devant les Carthaginois : ils inquiétèrent et fatiguèrent leurs colonnes ; deux fois, ils surent les mettre sérieusement en échec. Mais, en somme, il n'était pas difficile à une armée régulière de disperser quelques rassemblements décousus ; la résistance des gens de Chorges et de Briançon n'était pas invincible[16] ; elle ne saurait se comparer, par exemple, à celle que Charlemagne rencontra de la part des Lombards, à sa descente du mont Cenis.

Quelques commentateurs, jaloux d'exalter le héros de Carthage, prétendent que, de tous les grands conducteurs d'hommes de l'antiquité, Annibal est le premier qui ait osé franchir les Alpes. Cette assertion, nous l'avons dit (livre III, chapitre IV), ne semble point basée sur des données certaines. Bien plus, nous estimons que, dès les premiers âges du monde, l'épais massif de la montagne livrait passage à des courants humains. Il serait assurément difficile d'indiquer quelles purent être, en la nuit des temps préhistoriques, les variations de sens et d'intensité de ces courants ; mais ce qu'il est permis de croire, c'est que l'homme quaternaire errait déjà par les gorges des Alpes ; ce qu'on peut affirmer sans crainte, c'est que ses descendants allophyles, Euskes, Imazir'en et Ligures, y ont laissé visible l'empreinte de leurs pas[17]. Ces Alpes, encore inconnues des Romains au temps de la deuxième guerre punique, les Aryens, partis du pied de l'Himalaya, les avaient traversées du XLe au XXe siècle avant notre ère. C'est par les combes de leurs rochers à pic que roulaient les afflux de Celtes appelés à se répandre sur notre Occident ; que serpentaient, en même temps, quelques infiltrations d'éléments grecs, sémites et chamites. A l'aurore des temps historiques, malgré l'effet indécis d'une lueur crépusculaire, on voit nettement apparaître le tracé des chemins que prennent les migrations adamiques. C'est l'heure où commence à poindre une civilisation primitive ; où, sorti de ses luttes avec les derniers représentants de la faune quaternaire, l'homme rompt avec les habitudes de la vie sauvage. Il assainit les régions qu'il occupe, y bâtit des villes et les relie entre elles par des voies de communication. C'est alors que se dessine une grande personnification de la puissance humaine aux prises avec les forces de la nature. Le Vischnou de l'Occident prend le nom d'Hercule[18], et ce nom symbolise à nos yeux le génie civilisateur de deux grands peuples, les Grecs et les Phéniciens[19]. Or, parmi les travaux dont on doit leur attribuer l'exécution[20] il faut compter l'ouverture d'une route au travers des Alpes occidentales.

Les poètes ont bien des fois chanté la gloire du hardi constructeur de cette route[21], et la reconnaissance des hommes lui a érigé des autels[22]. Après la poésie, c'est la philologie antique qui s'est emparée de la mémoire de l'Hercule grec[23] ; c'est l'histoire qui s'est attachée à nous laisser une brève, mais nette description de son œuvre des Alpes. Au dire de Cornelius Nepos, de Diodore de Sicile et d'Appien, la route dont il était l'auteur était PRATICABLE AUX ARMÉES[24]. Tite-Live traite, il est vrai, de fable le fait de l'exécution de ces travaux fameux[25] ; mais Tite-Live était-il doué d'un sens critique irréprochable ? Pouvait-il interpréter rationnellement les symboles dont les légendes primitives avaient doté son pays ? Non sans doute ; on peut en conséquence admettre que les Alpes occidentales ont été, pour la première fois, coupées par une ligne d'opérations du Melkarth de Tyr ou de l'archégète des colonies grecques de Nice et de Monaco[26]. Que, si l'on rejette, avec l'historien de Rome, le fait des travaux alpestres de l'Hercule grec ou phénicien, on veuille songer aux expéditions gauloises, dont la réalité n'est point contestable. L'extrême mobilité du caractère de nos ancêtres leur donnait aisément le goût des aventures ; ils abandonnaient volontiers le pays natal pour aller s'établir en Grèce, en Asie Mineure et même en Perse[27] ; mais c'est le beau ciel de l'Italie qui jouissait par excellence du privilége de les séduire. Attirés sur les rives du Pô par d'irrésistibles appâts[28], ils se jetaient dans les Alpes sur les traces d'Hercule[29], et ces traces les menaient à la proie convoitée. Leurs premières invasions sont certainement antérieures à l'époque de l'arrivée des Étrusques dans les plaines circumpadanes, c'est-à-dire au XIe siècle avant notre ère[30]. Bientôt leurs entreprises se multiplièrent ; ce n'étaient point de simples bandes, mais des ARMÉES entières qui franchissaient les monts[31].

Nous avons mentionné (liv. III, chap. IV) quelques-unes de ces expéditions gauloises. La plus célèbre est celle de Bellovèse, qui, partie des environs de Bourges, entraîna par le mont Genèvre les populations de vingt de nos départements de France : Ain, Allier, Aude, Cantal, Cher, Côte-d'Or, Eure, Eure-et-Loir, Haute-Loire, Indre, Loiret, Loir-et-Cher, Marne, Mayenne, Nièvre, Puy-de-Dôme, Saône-et-Loire, Sarthe, Seine-et-Marne et Yonne[32]. Que sur la carte on teinte distinctement l'ensemble de ces vingt départements, on obtiendra pour résultat une large zone inclinée du nord-ouest au sud-est et affectant la forme d'une navette de tisserand. Cette figure représentera bien, en direction comme en intensité, la valeur ethnographique de l'expédition de Bellovèse.

A la suile du fameux aventurier, des habitants de la Sarthe formèrent, sous la conduite du brenn Elitovius, une horde nouvelle, qui prit aussi le chemin du mont Genèvre[33]. Les gens du Var, des Bouches-du-Rhône, des Hautes-Alpes et de la Drôme ne tardèrentpas à dessiner un mouvement analogue[34] ; ceux de la Loire, de l'Allier, de la Haute-Marne, de l'Aube, de l'Yonne et de la Côte- d'Or suivirent le même exemple[35]. Ce fut ensuite le tour des Sénonais, dont le territoire comprenait partie des départements de l'Yonne, de la Marne, du Loiret, de Seine-et-Marne et de l'Aube.

Il faut enfin mentionner tous les passages accomplis par les mercenaires transalpins ou gésates, notamment par les bandes que dirigeaient les brenns Concolitan et Anéroeste[36].

Il est donc avéré que, bien longtemps avant les guerres puniques, le sol des Alpes occidentales avait été maintes fois foulé par des armées en marche ; que, par conséquent, l'idée du franchissement n'est pas d'Annibal. Mais la mise en évidence d'un fait irréfragable ne saurait en rien ternir une gloire éclatante. Cette idée, en effet, Annibal sut se l'approprier et la rendre féconde.

La perfection apportée à l'exécution d'un plan emprunté aux guerriers des temps héroïques prit, aux yeux des anciens, la valeur d'une invention originale. Aussi Dion-Cassius put-il dire avec quelque raison que les colonnes carthaginoises sont les premières qui passèrent les Alpes[37]. C'étaient réellement les premières colonnes formées de troupes régulières, instruites, disciplinées, offrant sans doute un saisissant contraste avec les hordes de Bellovèse ou les bandes décousues des compagnons d'Hercule. A ce titre, il était naturel que l'opération carthaginoise eût dans le monde antique un grand retentissement ; elle y obtint effectivement prompte et durable célébrité ; le col du mont Genèvre prit le nom de Pas d'Annibal, nom qu'il portait encore au temps de l'Alexandrin Appien[38].

Le succès de l'expédition entreprise l'an 218 avant l'ère chrétienne frappa singulièrement l'esprit des gens de guerre et produisit sur eux l'effet d'une révélation. Il fut désormais acquis que les Alpes occidentales n'étaient point Infranchissables ; on n'hésita plus, en conséquence, à pratiquer par la montagne les chemins qui reliaient l'Italie à la Gaule. C'est en 154, huit ans avant la fin des guerres puniques, que les Romains tâtent pour la première fois les frontières de notre pays[39] ; puis, successivement, les monts livrent passage à Fulvius Flaccus, C. Sestius, Domitius Ænobardus, Cassius Longinus, Marius, Pompée, César, Antoine et Brutus[40]. Jusqu'alors, les Romains n'ont eu d'autre préoccupation que celle de se ménager des moyens de passage et de veiller à la sûreté de leurs communications[41]. Auguste conçoit bientôt d'autres projets : une fois débarrassé de ses compétiteurs à l'empire, il s'empresse de procéder à la conquête des Alpes[42], les purge des bandits dont elles sont infestées[43], les dote de bonnes routes[44], les peuple de colonies romaines et confie aux inscriptions de Suze et de la Turbie le soin de perpétuer le souvenir de ses heureux efforts. Le passage des Alpes ainsi facilité s'opère, dès lors, plus fréquemment que jamais : Tibère, Caligula, Vitellius, Valens, Cæcina, pratiquent tour à tour le grand et le petit Saint-Bernard, ainsi que les Alpes Cottiennes[45]. L'ouverture de la route du Simplon par Septime Sévère[46] invite à de nouveaux franchissements ; les chemins qui traversent la barrière des Alpes sont bientôt universellement connus[47], fréquentés, battus ; ils passent à l'état de voies stratégiques ordinaires et, pour ainsi dire, réglementaires. C'est par toutes ces percées que s'écoulent les premières bandes des envahisseurs francs[48] ; les armées de Constantin, de Julien, de Théodose[49] ; les forces du tyran Constantin[50], du patrice Aetius et de Majorien[51] ; les flots de barbares Hérules, Goths, Suèves, Huns, Ostrogoths, Visigoths[52], flots tumultueux sous lesquels l'empire d'Occident doit bientôt s'engloutir.

L'histoire militaire du moyen âge et des temps modernes n'est pas moins que celle de l'antiquité féconde en épisodes de franchissements des Alpes. A ne parler que des expéditions françaises, combien n'en compte-t-on pas qui furent conduites par les voies qu'Annibal leur avait tracées ? Ce sont d'abord celles des Mérovingiens Théodebert, Théodebald, Childebert et Clotaire III[53] ; des Carlovingiens Pépin et Charlemagne[54] ; puis de Louis d'Arles et de Provence, de Rodolphe de Bourgogne, de Charles d'Anjou, de Philippe le Hardi et de Philippe de Valois[55]. Cédant à la ruineuse passion de l'Italie, nos rois se laissent, l'un après l'autre, entraîner par delà les monts et, durant près de quatre siècles, nos armées ne dessinent qu'un seul et même mouvement. Les cols de la chaîne livrent passage aux forces de Charles VIII, de Louis XII, de François Ier, de Louis XIII, de Louis XIV et de Louis XV[56]. Le fait de la Révolution ne rompt point un entraînement qui semble presque fatal : les armées de la République opèrent, à leur tour, dans les Alpes[57]. Nous venons enfin d'avoir, il n'y a pas vingt ans, une nouvelle campagne d'Italie ; c'est encore par le chemin battu des Alpes Cottiennes que défilait, en 1859, le corps du maréchal Canrobert. On voit combien, depuis vingt siècles, sont féconds les enseignements tirés de cette célèbre scène du grand drame punique. Annibal a été l'initiateur d'une multitude de gens de guerre, qui, d'instinct ou de propos délibéré, ont suivi son exemple et retrouvé dans la montagne les traces de ses pas.

Il est, dans cette pléiade, trois fameux capitaines qu'on se plaît souvent à mettre en parallèle avec le jeune commandant des forces carthaginoises : ce trinôme est celui de Jules César, Charlemagne et Napoléon. La méthode, assurément, est loin d'être stérile ; on peut trouver quelque intérêt dans l'étude comparée de ces divers passages des Alpes heureusement accomplis.

De l'an 58 à l'an 49 avant notre ère, César, nous l'avons dit, n'a pas cessé d'être à cheval sur ces Alpes occidentales, qu'il passait régulièrement deux fois par an. C'est de sa première opération qu'il sera seulement question ici. Donc, l'an 58, César, ayant réuni cinq légions[58], prend cette vallée du Chisone, qu'Annibal a descendue cent soixante ans auparavant, et, comme lui, passe par Fenestrelle, Usseaux, Césanne et Briançon[59]. La montée s'opère facilement, grâce à l'appui du roi Donnus[60], dont l'influence s'étend directement sur toutes les vallées dont l'origine se trouve au mont Genèvre[61]. Aux abords de la région des crêtes, la scène change brusquement : les Romains sont attaqués par des monta- gnards occupant les positions qui commandent les cols[62]. Ce sont des bandes de Transalpins, habitants du revers occidental des Alpes[63] (les plus ardentes sont celles des Katoriges, ces anciens ennemis des Carthaginois) ; une coalition de peuplades frémissantes tente de barrer aux légions romaines le chemin qu'elles se pro- posent de suivre[64]. César a bientôt raison de ses adversaires : il les culbute en plusieurs rencontres[65], leur échappe à la faveur d'un épais brouillard[66]... ses légions passent. Par quelle voie opère-t-il sa descente ? Il abandonne, à partir de Briançon, la ligne d'opérations d'Annibal et, parmi les trois routes qu'indique ici la Table de Peutinger[67], se décide pour celle qui festonne la vallée de la Romanche[68]. Il marche donc par Stabatio (Chahotte ou le Monestier), Durotincum (Villards-d'Arenne), Mellosectum (Misoen ou Bourg-d'Oysans), Catorissium (Bourg-d'Oysans ou Chaource) et Cularo (Grenoble). Ses colonnes de troupes ne mettent que sept jours à franchir le massif des Alpes[69]. De Grenoble, où il passe l'Isère, il poursuit à marches forcées vers Lyon et Sathonay, opère sa jonction avec les forces de son lieutenant Labienus, et arrive à temps pour surprendre les Helvètes au passage de la Saône.

Charlemagne a aussi passé les Alpes à différentes reprises ; nous n'analyserons, au point de vue de l'opération du franchissement, que sa première campagne d'Italie, celle de l'an 773. A Genève, où il a tenu un champ de mai, l'empereur des Francs divise ses forces expéditionnaires en deux corps : l'un, placé sous les ordres de Bernhardt, fils de Karl-Martel, passe par le Valais, le grand Saint-Bernard et le val d'Aoste ; l'autre, dont il garde en personne le commandement, traverse la Savoie, la Maurienne, et prend la route du mont Cenis[70]. Il monte, il atteint sans difficulté le col, mais bientôt de sérieux obstacles entravent sa descente. Les Lombards, qu'il va chercher en Italie, occupent, dans la vallée de la Dora, les solides positions de la Chiusa di San Michele[71] ; le val de Suze est barricadé, semé d'abatis, de coupures ; l'envahisseur est arrêté. Déjà, les leudes murmurent et demandent à rétrograder plutôt que d'avoir à coucher dans la neige en plein mois de décembre ; mais Charlemagne a trouvé le moyen de réduire à néant l'effet de tant de défenses accumulées sur un seul point. Les arts l'ont maintes fois représenté FORÇANT intrépidement ces gorges[72].

Historiquement, rien n'est moins exact : doué d'un excellent coup d'œil, le guerrier franc observe que l'ennemi a négligé d'occuper les deux vallées de Giaveno et de Viù (Sangone et Stura), toutes deux latérales à la vallée de la Dora Riparia et communiquant avec celle-ci par des sentiers de chèvres[73]. Saisissant rapidement toute la valeur stratégique de ces deux voies[74], il y dirige quelques détachements, qui s'en vont prendre à revers les défenseurs de la Chiusa[75]. Les Lombards sont tournés, leurs défenses tombent et rien n'arrête plus les Francs, qui débouchent dans la plaine sans plus de malencontre[76]. Le triomphe des envahisseurs est désormais assuré, car, à ce moment même, l'armée lombarde, attaquée de front par le corps de Charlemagne, est toute entière prise à revers par le corps de Bernhardt, qui vient de descendre le val d'Aoste. Elle entre en pleine déroute, et l'allié du pape Adrien marche librement sur Pavie, dernier refuge du roi Didier.

Bien qu'il n'ait point suivi, par le mont Genèvre, les traces d'Annibal et de Jules César[77], Napoléon n'a pas opéré moins de trois passages des Alpes : en 1796, 1800 et 1815. La première fois, il tournait par le col de Cadibone le formidable obstacle qu'Annibal, disait-il[78], avait jadis forcé. C'était là le prélude de ses succès inouïs. La troisième et dernière fois, en 1815, il achevait sa brillante carrière. C'est à Cannes, l'ancienne Ægitna, dont la désignation moderne réveille, par homonymie, le souvenir d'une grande journée d'Annibal, c'est à Cannes que l'exilé de l'île d'Elbe se décidait pour la route du Dauphiné, route tracée par ce Drac dont Annibal avait remonté la rive. Nous n'entendons parler ici que du grand passage de l'an 1800, si bien étudié, si bien réussi par le premier consul.

Le jeune général (il avait alors trente ans[79]) tire en effet du néant une armée dite de réserve ; et cette armée, il sait, dans le plus grand secret, la concentrer à Lausanne ainsi qu'à Genève, là où s'étaient autrefois rassemblés les leudes de Charlemagne. Il a sous la main 65.000 hommes, qu'il s'agit de jeter vivement par delà les Alpes. Comment va s'opérer ce franchissement rapide ? Il répartit ses forces en cinq colonnes distinctes, qui prendront des chemins différents : Moncey, à la tête de i5.000 hommes, passe par le Saint-Gothard ; Béthencourt, avec 1.000 hommes seulement, traverse le Simplon ; 5.000 hommes, sous les ordres de Chabran, marchent par le petit Saint-Bernard ; 5.000 autres, sous Thurreau, par le mont Cenis, l'ancien chemin de Charlemagne. Au centre enfin, la portion principale de l'armée, forte de 4o.000 hommes et commandée par le premier consul, prend cette route du grand Saint-Bernard qu'a jadis pratiquée Bernhardt, fils de Karl-Martel.

Bien flanquée, sur sa droite, par Chabran et Thurreau ; sur sa gauche, par Béthencourt et Moncey, le corps d'armée du centre, parti de Villeneuve, s'avance facilement par Martigny jusqu'à Saint-Pierre, où commence la montée du col. Les troupes gravissent sans trop de peine les rampes de la montagne, atteignent le col célèbre où s'élève l'hospice et descendent sans trop d'accidents jusqu'à Saint-Rémy. Là elles retrouvent une bonne route, traversent Aoste, Châtillon, se voient déjà au débouché dans la plaine, quand tout à coup on leur signale un obstacle infranchissable : l'étranglement du val de la Baltea, que commande le fort d'arrêt de Bard. Après quelques moments de trouble, le premier consul tourne heureusement la difficulté : il fait filer par le sentier d'Albaredo l'infanterie, la cavalerie, le matériel d'artillerie de campagne ; surprend, pour y traîner à bras ses bouches à feu de gros calibre, le passage de l'unique rue de Bard, qu'enfile le canon du fort, et descend droit sur Ivrée qu'il enlève. De Villeneuve à Ivrée il a fait 180 kilomètres, dont 40, de Saint-Pierre à Saint-Rémy, sur les roches et les glaces. Une fois dans la plaine, il donne la main à Thurreau, à Chabran, à Béthencourt, à Moncey, qui, eux aussi, descendent du sommet des Alpes ; il court passer le Pô à Plaisance pour se porter en avant de la Stradella et y couper la retraite à M. de Mêlas. On sait l'issue de la journée de Marengo.

Pour apprécier comparativement l'importance des opérations d'Annibal, de César, de Charlemagne et de Napoléon, il faut d'abord se rendre un compte exact des difficultés matérielles que leur opposait respectivement la nature des lieux.

La route du grand Saint-Bernard fut frayée dès la plus haute antiquité, mais elle resta longtemps ardue et à peu près inaccessible aux bêtes de somme. L'an 58 avant notre ère, César la rendit praticable à ses convois[80]. Strabon nous apprend[81], d'autre part, que, de son temps[82], elle n'était pas encore carrossable. C'est seulement sous l'Empire qu'elle offrit aux armées un passage sûr et commode. Suivant les Itinéraires romains, cette route, dite des Alpes Pennines, était tracée par : Pennelocus ou Pennolucos (Villeneuve), Tarnadas ou Tarnajas (Saint-Maurice ?), Octodurum (Martigny), Summum Penninum (entre l'hospice et le petit lac du mont Saint-Bernard), Augustam Prætoriam (Aoste), Vitricium (Verrez) et Eporœdiam (Ivrée)[83]. Il suit de là que Bernhardt, le lieutenant de Charlemagne, ne foulait pas un sol absolument sauvage ; qu'il pouvait encore rencontrer, çà et là, quelques traces du passage des légions romaines. Pour ce qui est du premier consul, il est certain que, lors de son expédition, ces traces étaient depuis longtemps effacées ; mais il faisait, en revanche, usage des routes créées par les modernes au pied des deux versants ; il n'avait à parcourir, entre Saint-Pierre et Saint-Rémy, que 40 kilomètres de chemins muletiers. C'est là seulement, dans cette section muletière, que nos colonnes ont rencontré de sérieux obstacles. Il convient d'observer, d'ailleurs, que l'altitude du col ne mesure pas moins de 2.428 mètres[84], et que l'opération française s'effectuait au mois de mai, c'est-à-dire à une époque de l'année où les rayons solaires exercent déjà sur les glaces une influence fâcheuse.

On sait que Nicolas Bergier attribuait à Pompée l'ouverture de la route du mont Cenis[85] ; sir Robert Ellis, à son tour, estime que l'idée de ce tracé revient de droit à Jules César[86]. Mais le col du Cenis est demeuré, selon toute vraisemblance, inconnu des anciens. Le nom même du mont n'est mentionné, pour la première fois, que dans un document du VIIIe siècle de notre ère[87] ; sa célébrité ne date que du règne de Pépin[88]. Les abords du col, dont l'altitude mesure 2.098 mètres[89], sont partout embarrassés d'obstacles. J'aurais pu, dit Éginhard[90], décrire les immenses difficultés que les Francs, à leur entrée en Italie, trouvèrent à passer les Alpes, et les pénibles travaux qu'il leur fallut supporter pour franchir ces sommets de monts inaccessibles, ces rocs qui s'élancent vers le ciel et ces rudes masses de pierres. Pépin avait fait précédemment une pareille expédition, mais non sans de grandes difficultés. L'Astronome[91] parle également, en termes non ambigus, des défilés rocailleux et contournés du mont Cenis. Charlemagne, dont le cœur était agrandi par les desseins que Dieu lui inspirait, ne pouvait, nous dit-il, montrer moins d'ardeur qu'Annibal[92]... Il dut, par conséquent, se résoudre à subir les lenteurs d'une série d'importants travaux, faire appel au dévouement des pionniers qui le suivaient dans toutes ses expéditions[93]. Ces braves gens, dont il partagea les fatigues, travaillèrent à la route en plein mois de décembre[94], et le succès du roi des Francs leur fait le plus grand honneur. Toutefois, il faut remarquer que, moins de vingt ans auparavant, Pépin avait ouvert la voie du mont Cenis ; que Charlemagne n'eut qu'à réparer cette route, à l'améliorer ; que, maître des vallées de Lanzo, de Suze et d'Aoste[95], il avait toutes facilités pour assurer aux travaux une exécution rationnelle ; que ces travaux ne présentaient vraisemblablement point un grand caractère de permanence et de durée, attendu que les pèlerins du moyen âge trouvaient la route du mont Cenis extrêmement difficile[96].

Nous avons, maintes fois déjà, parlé du col du mont Genèvre, dont l'altitude (1.854m) est inférieure de 244 mètres à celle du passage du mont Cenis, de 574 mètres à celle de l'hospice du grand Saint-Bernard. Nous avons dit aussi[97] que, de tous les cols qui découpent la crête des Alpes, depuis le col du grand Saint- Bernard jusqu'à celui de Tende, il n'en est point de plus facile que le passage du mont Genèvre. C'est par ce point, relativement commode, que passait le chemin des invasions gauloises, antérieures au temps des guerres puniques ; mais ce chemin ne consistait qu'en une suite de pistes informes tracées par le pied de l'homme ou des troupeaux. Annibal et César durent procéder à de grands travaux pour transformer en routes ces sentiers dangereux ; mais la plus rude besogne fut celle d'Annibal. Le fait de la présence des éléphants dans les rangs de sa colonne lui imposait, en effet, un minimum de largeur de route relativement considérable, et, par conséquent, lorsque le tracé passait à flanc de coteau, un cube de déblais inconnu des armées dont le train ne comporte que des chevaux ou mulets. La situation des pionniers carthaginois se compliquait, d'ailleurs, de ce fait qu'ils travaillaient en pays ennemi et que, opérant au cours de la seconde quinzaine d'octobre, ils eurent, plus d'une fois, à souffrir des approches de l'hiver.

Pour César, qui venait après Annibal, il a pu retrouver dans la vallée du Chisone et sur le mont Genèvre quelques vestiges de l'œuvre punique. Quoi qu'il en soit, il est certain qu'il avait, dès longtemps, préparé son opération, embauché des ouvriers indigènes[98], obtenu de son allié Donnus l'ouverture des sections de route qui lui faisaient défaut[99]. Ces circonstances expliquent la rapidité qui préside à l'accomplissement de la marche de César[100] : du 27 mai au 2 juin, il ne met que sept jours à franchir les Alpes là où Annibal dut en employer quinze.

En somme, des trois cols du grand Saint-Bernard, du mont Cenis et du mont Genèvre, c'est ce dernier qui se trouve affecté de la moindre altitude ; c'est en même temps le plus commode des trois. Néanmoins, Annibal, opérant en pays neuf, en pays ennemi, a nécessairement dû rencontrer plus d'obstacles que Jules César, l'allié de Donnus ; que Charlemagne, le successeur de Pépin ; que Napoléon, assez heureux pour se soustraire à l'obligation d'une ouverture de route. Passant, comme Charlemagne, les Alpes en hiver, il s'exposait à moins de dangers que César et Napoléon franchissant la chaîne au printemps, mais il avait à supporter aussi plus de fatigues. Nous pensons, en définitive, que c'est à lui que revient le mérite d'avoir effectué, dans des conditions difficiles, la plus grande part de travaux de campagne.

Les communications alpestres des quatre capitaines dont nous comparons l'œuvre devaient satisfaire à peu près aux mêmes conditions de profil, de pente et de solidité ; car tous quatre traînaient un matériel de guerre. On aura quelque idée de l'importance des équipages d'Annibal et de César si l'on se reporte à la nomenclature si connue de Végèce[101]. Ce document démontre que, outre son artillerie de campagne, son matériel de ponts, son parc d'outils de toute espèce, chaque légion romaine se faisait suivre d'une foule d'objets encombrants et pesants. Tous les besoins étaient prévus, et, partout où elle avait à prendre position, la légion pouvait, en quelques heures, faire de son campement une véritable place forte[102]. De là des impedimenta considérables.

On n'envisage pas ordinairement sous son vrai jour la physionomie d'une armée du temps de Charlemagne. Tel qu'on se le représente, le roi des Francs serait une sorte de barbare, guerroyant follement, battant l'estrade, se dispensant de suivre, au cours de ses expéditions, les principes fondamentaux qui ont été et seront de tous les temps. Alors, dit M. Thiers[103], l'homme de guerre fut presque toujours à cheval et à peine aidé de quelques archers... Non, Charles n'était pas accompagné seulement d'une bande de gens chargés du soin de traire. Fidèle aux errements de la méthode antique et sentant bien l'impossibilité d'en éluder aucun précepte, il avait aussi des engeigneurs, ainsi qu'il le dit lui-même par la bouche d'un chroniqueur du moyen âge[104] :

Et cit sont mi arbalestrier,

Et cit là outre mi arcier,

Et cit autre sont minéour,

Cil de là sont ENGIGNÉOUR.

Les fonctions de ces engeigneurs carlovingiens étaient vraisemblablement similaires de celles des præfecti fabrum de Végèce. Toujours est-il que le matériel dont ils avaient la direction était considérable, puisque les Lombards, dit le moine de Saint-Gall[105], aperçurent des machines de guerre, telles qu'il en aurait fallu aux armées de Darius ou de Jules...

Mais, si compliqués qu'on les suppose, les matériels d'Annibal, de César et de Charlemagne sont-ils, de tous points, comparables à celui de Napoléon ? Nous ne le pensons pas. Si, en effet, toutes les armées doivent uniformément effectuer des transports de matières susceptibles de fractionnement, d'engins qui se démontent, de poids qui peuvent se répartir suivant des modes divers, il est dans le matériel moderne des objets dont le poids est absolument indivisible. Malgré la multiplicité de leurs organes, les pièces névrobalistiques des anciens n'ont, en ce qui touche les sujétions du transport, aucune analogie avec nos bouches à feu. On sait toute la peine qu'eut le premier consul à faire passer son artillerie de campagne par le grand Saint-Bernard. Une compagnie d'ouvriers, établie au pied du col, à Saint-Pierre, était chargée de démonter les pièces, de démonter les affûts en fragments numérotés, afin de pouvoir les transporter à dos de mulet. Les canons eux-mêmes, séparés des affûts, devaient être disposés sur des traîneaux à roulettes préparés à Auxonne. Une seconde compagnie d'ouvriers, pourvue de forges de campagne, devait passer la montagne avec la première division, s'établir au village de Saint-Rémy, où la route frayée recommençait, pour y remonter les voitures de l'artillerie et remettre les pièces sur leurs affûts. Telle était l'énorme tâche qu'on s'était imposée. Les traîneaux à roulettes construits dans les arsenaux ne purent servir. On imagina un moyen qui réussit : ce fut de partager par le milieu des troncs de sapin, de les creuser, d'envelopper avec deux de ces demi-troncs une pièce d'artillerie, et de la traîner ainsi enveloppée le long des ravins. Il fallait cent hommes pour traîner une pièce... des troupes de cent hommes, sorties successivement des rangs, les traînaient chacune à son tour. La musique jouait des airs animés dans les passages difficiles et les encourageait à surmonter ces obstacles d'une nature si nouvelle. Ce simple extrait d'une des plus émouvantes pages du maître[106] suffit à démontrer que, en fait de transport de matériel de guerre, les efforts les plus rudes incombaient à Napoléon.

Il n'est pas maintenant sans intérêt d'établir un rapprochement entre les circonstances militaires dans lesquelles se sont opérés les passages des Alpes que nous soumettons à un examen comparé.

Or, les quatre grands capitaines ont été, tous les quatre, arrêtés au cours de leurs opérations par un adversaire résolu : Annibal, au col de la Pioly et au pertuis Rostang ; César, au mont Genèvre ; Charlemagne, à la Chiusa di San Michele ; Napoléon, au fort de Bard. Tous quatre sont heureusement sortis d'une situation cri- tique : Napoléon et Charlemagne ont simplement tourné l'obstacle ; César, après quelques actions de vigueur, a surpris son passage.

Annibal, attaqué deux fois, a dû livrer aux montagnards deux combats sérieux, et, lors de la seconde affaire, il a failli se faire détruire. Ce n'est qu'à sa présence d'esprit, à son coup d'œil, à son énergie, que ses troupes, menacées d'un désastre, durent un salut inespéré. Incontestablement, c'est à lui qu'appartient, à cet égard, la palme de la difficulté vaincue.

Il est encore une face sous laquelle on doit considérer le groupe de ces quatre grandes figures militaires. Quelle est l'idée stratégique qui dominait ces hommes au point de leur imposer, comme une nécessité, l'opération d'un passage des Alpes ? Tous quatre, ce faisant, se proposaient de réussir une surprise : Annibal, en tombant ex abrupto sur les Romains, qui le voyaient encore en Espagne ; César, sur les Helvètes, qui le croyaient en Italie ; Charlemagne, en prenant à revers les Lombards butés au pas de Suze ; Napoléon, en coupant la retraite aux Autrichiens, qui niaient avec force plaisanteries le fait de la formation d'une armée de réserve. La gloire d'Annibal est d'avoir su faire correctement cette longue marche si bien conçue, de Carthagène à Turin, surtout d'avoir devancé son adversaire sur les rives du Pô, malgré l'obstacle des Alpes, alors réputées infranchissables. Le mérite de César est d'avoir fait cette marche, encore longue, mais surtout prodigieusement rapide, d'Aquilée à Lyon[107], et d'être arrivé à temps pour disputer à l'ennemi le passage de la Saône. Ces deux opérations sont profondément mûries, bien ordonnées, habilement exécutées. Pour Charlemagne et Napoléon, dont les lignes d'opérations avaient moins de longueur, ils réalisaient, en outre, une combinaison stratégique. Nous surprendrons sans doute bien des lecteurs en leur présentant Charlemagne comme l'initiateur de Napoléon ; nous heurterons de front bien des idées admises, car on ne voit communément en la personne du roi des Francs qu'un guerrier brutal et grossier, tout bardé de fer. On n'a devant les yeux que le tableau du moine de Saint-Gall[108], au premier plan duquel apparaît Charles, cet homme de fer, la tête couverte d'un casque de fer, les mains garnies d'un gantelet de fer ; sa poitrine de fer et ses épaules de marbre défendues par une cuirasse de fer, la main gauche armée d'une lance de fer... sur son bouclier on ne voyait que du fer. Son cheval avait la couleur et la force du fer. Et ce portrait, qui date du IXe siècle, se reflète dans les écrits modernes avec une singulière et vive persistance : Pendant le moyen âge, dit en effet M. Thiers[109], ce n'est pas seulement la grande guerre qui disparaît, c'est l'art même de la guerre. C'est l'âge de la chevalerie, dont le nom seul indique la nature, c'est-à-dire l'homme à cheval, VÊTU DE FER, combattant l'épée à la main, dans la mesure de son adresse et de sa force physique. On trouve çà et là de vaillants hommes, commandant la hache d'armes à la main ; on trouve même un incomparable chef d'empire, Charlemagne ; mais on ne rencontre pas un véritable capitaine. — Charlemagne, chef d'empire admirable, ne nous donne pas l'idée vraie du grand capitaine, parce que l'art était trop grossier de son temps — ... grand capitaine, on ne saurait dire s'il le fut.

Il nous en coûte de ne point partager de tous points l'opinion du grand historien des guerres de notre siècle, mais il nous est impossible d'admettre que l'art fût alors si grossier et de refuser au roi des Francs le titre de grand capitaine. N'y avait-il pas, en effet, un art ingénieux et subtil à déboucher en Cisalpine, par le grand Saint-Bernard et par le mont Cenis, de manière à prendre les Lombards à la fois de revers et de front[110] ? Assurément, c'est là de l'intuition militaire, c'est une idée féconde, un éclair de génie !

Et c'est de cette idée que s'inspire, à dix siècles de là, le premier consul Bonaparte[111], quand il répartit en cinq corps son armée d'Italie pour aller prendre à revers l'adversaire imprudent auquel Masséna fait tête en Ligurie. Nous sommes donc bien autorisé à dire que l'initiateur de Napoléon, son vrai précurseur dans les Alpes, ce n'est ni César, ni Annibal, mais bien le roi des Francs. C'est ce Charlemagne au casque de fer mais à la pensée profonde, ce chevalier qui, sous son armure, se sentait au cœur des instincts de grand homme de guerre, ce preux dont la hache d'armes ne frappait que des coups voulus et médités.

En résumé, c'est Annibal qui, pour mener à bien son entreprise du passade des Alpes, a du s'imposer la majeure part de travaux de campagne ; c'est Napoléon qu'embarrassaient les plus graves impedimenta ; c'est encore Annibal qui, pour culbuter un ennemi résolu, dut faire preuve de la plus grande vigueur. Enfin, c'est à Charlemagne qu'appartient la gloire de la conception, de l'invention stratégique.

Dans ce tableau synoptique de franchissements des monts, le rôle de César nous paraît effacé ; mais comment prononcer ensuite entre Annibal, Charlemagne et Napoléon ? Lequel des trois placer au premier rang ? Il est assurément difficile de rendre, à ce propos, un jugement qui ne soit pas entaché d'erreur ou n'ait pas, tout au moins, un caractère prononcé d'indécision. Et la meilleure preuve du fait de ces difficultés nous apparaît clairement à travers celui des hésitations de l'illustre écrivain qui a tenté d'établir un parallèle entre Annibal et Napoléon. L'armée de réserve, dit M. Thiers[112], passant le Saint-Bernard sur les glaces et les neiges devait, par un prodige PLUS GRAND que celui d'Annibal, tomber en Piémont. Le général Bonaparte préparait ses troupes à l'immortelle entreprise qui devait prendre place dans l'histoire À CÔTÉ de la grande expédition d'Annibal. — L'opération [passage du Saint-Bernard] n'en est pas moins un prodige qui n'A DE COMPARABLE QUE le passage d'Annibal, réalisé deux mille ans auparavant. — Napoléon imite et ÉGALE Annibal en franchissant les Alpes ! — ... Le passage du Saint-Bernard [par Napoléon], si extraordinaire qu'il paraisse, est LOIN D'ÉGALER le passage des Alpes par Annibal.

On voit que le sage historien du Consulat et de l'Empire, si pénétrant que soit son jugement, s'est laissé, sans y prendre garde, entraîner à fixer successivement plusieurs termes de comparaison. Ce ne sont point là, hâtons-nous de le dire, des conclusions contradictoires, mais des fluctuations d'esprit, dont la nature même du sujet empêchait de conjurer la véhémence. L'œil de l'observateur s'impressionne diversement suivant le point de vue auquel il se place et la face de l'objet qu'il envisage. De là des évolutions critiques, des alternances de doutes et de convictions, des variations de sentiment, dont les meilleurs esprits ne peuvent se défendre. Pour nous, ces indécisions du maître auront pour effet d'apaiser l'agitation de notre conscience esthétique et l'expression de nos incertitudes. Après ces hésitations si sincèrement échappées à la plume d'un grand écrivain, il nous sera bien permis, à notre tour, d'hésiter. Nous déclarons donc sans ambages que nous n'osons prononcer, non point entre Annibal et Napoléon, mais entre Annibal et Charlemagne ; et nous répéterons, en terminant, ces paroles restées célèbres : Ce sont les balances de Dieu qu'il faudrait pour peser de tels hommes ![113]

En procédant à l'étude comparée de ces opérations de passage des Alpes, nous avons négligé de mettre en lumière la personne des quatre capitaines. Est-il possible de juger de leurs dispositions d'esprit au cours de l'audacieuse entreprise, d'analyser leur sentiment, de pénétrer l'impression qu'ils ont pu ressentir à l'aspect des montagnes ? Une telle analyse ne peut être que très-imparfaite, car les documents font défaut à qui veut l'entreprendre ; il ne faut néanmoins pas omettre de tenir compte des lambeaux de textes qui sont venus jusqu'à nous. Les méthodes d'induction viendront ensuite en aide à cet essai de restitution psychologique.

L'histoire a recueilli quelques mots échappés aux lèvres de Napoléon et de César, alors qu'ils franchissaient les Alpes. C'est dans les Alpes que César, dévoilant à ses compagnons d'armes les ardeurs de son ambition naissante, leur confessait qu'il aimerait mieux être le premier citoyen d'un hameau que le second de Rome[114]. C'est aussi dans les Alpes que Napoléon, déjà déchu de sa puissance, songeait à la vanité de la gloire et s'écriait : A quoi sert de troubler le monde pour le remplir de notre nom ?[115]

Au moment où il exprimait avec amertume cette vérité, qu'admettent à contrecœur ceux que la fortune abandonne, l'empereur détrôné se reportait peut-être par la pensée à quinze ans en arrière, au temps où, dans tout l'éclat de la jeunesse, il gravissait allégrement le Saint-Bernard. Durant cette montée, il entretenait gaiement les officiers qu'il rencontrait sur sa route, interrogeait les passants et conversait familièrement avec son guide. Parvenu au col, il comblait ce simple muletier d'amples bienfaits, comme s'il eût voulu par là mériter ceux de la Providence[116]. On peut juger de l'état d'une âme qu'emplissait alors un immense espoir, dont l'ambition embrassait audacieusement des horizons sans limites.

Les préoccupations de Charlemagne au jour de son passage des Alpes ne nous sont révélées par aucune chronique, mais ne peuvent-elles s'induire de la nature des dispositions ordinaires de son esprit ? Certes, Charles ne saurait être accusé d'une ambition désordonnée, mais il avait une ambition : celle d'asseoir sur des bases inébranlables l'édifice européen nouvellement constitué ; de faire prévaloir en tous lieux l'influence de la civilisation chrétienne ; de fonder, à cet effet, un vaste et tout-puissant empire. Il était, dit Éginhard[117], ardent à agrandir ses Etats, en soumettant à ses lois les nations étrangères... tout entier à l'exécution de ce vaste projet. Lorsqu'il passait les monts, en 773, le roi des Francs courait au secours de son allié, le pape Adrien, mais il n'était pas sans rêver aussi de conquêtes. Jeune encore[118], plein de vigueur et de foi dans sa mission providentielle, il jetait sans doute les yeux sur la couronne de fer des rois lombards, songeait pour l'avenir à la couronne impériale d'Occident, et déjà, convoitant Byzance, lançait aux empereurs grecs ces paroles menaçantes : Plût à Dieu que nous ne fussions pas séparés par ce petit bras de mer ! Peut-être que nous prendrions notre part des richesses de l'Orient[119]... Charlemagne était donc essentiellement un conquérant, et un conquérant redoutable[120]. Si plausible et si noble qu'elle fût, son ambition n'en était pas moins une passion entraînante, dont les ardeurs devaient souvent se manifester d'un ton non équivoque. Il est permis de croire que le roi des Francs était loin de songer à la dissimuler au moment de ses rudes travaux du mont Cenis, alors qu'il était besoin de rendre un peu de force et de courage à ses compagnons d'armes harassés[121].

Ainsi, César, Charlemagne et Napoléon confiaient aux échos des Alpes les violences de leur ambition déçue ou triomphante. En fut-il de même d'Annibal ? Assurément non ; car il n'était mû par aucun intérêt personnel, et son cœur ne s'ouvrait qu'à des sentiments de patriotisme. Sans cesse sa pensée se portait vers Carthage, cette Carthage déjà si vieille, si près de la décrépitude[122] et peut-être destinée à périr. Il la voyait usée par le repos qu'engendre le bien-être, inassouvie de luxe et d'opulence, inerte et plongée dans cet assoupissement moral qu'amènent les longues périodes d'une civilisation raffinée[123]. Le soin exclusif des intérêts privés y faisait délaisser celui de l'intérêt public ; le citoyen de cet État en décadence ne songeait aux affaires du pays que lorsque le marasme de celles-ci pouvait lui faire courir des risques personnels ; l'argent tenait lieu de tout à ce sombre égoïste : c'était son Dieu, sa loi, sa patrie[124]. Cette indifférence en matière politique, ayant pour conséquence inévitable un dangereux individualisme, cette atonie des caractères, cette corruption des mœurs, n'étaient point de nature à faire prospérer le gouvernement de Carthage : aussi la machine de l'Etat ne fonctionnait-elle plus d'une manière irréprochable[125]. La nation carthaginoise était déchirée par nombre de partis, qui se subdivisaient chacun en coteries secondaires[126]. Delà des agitations passionnées. L'intrigue, la calomnie, la violence, étaient d'usage entre gens que l'envie[127] déchaînait les uns contre les autres et qui, pour perdre plus sûrement leurs adversaires, n'eussent pas hésité à les écraser sous les ruines mêmes de la patrie[128]. Périsse Carthage, s'écriait chacun d'eux, plutôt que le principe du parti que je sers ! Au temps de la deuxième guerre punique, la redoutable γερουσία[129] exerce un pouvoir absolu et, comme il advient de toutes les assemblées politiques, de tous les comités dépourvus de contrepoids, ce pouvoir ne tarde pas à dégénérer en un despotisme exécrable.

La corruption, la vénalité, les concussions, toutes les lèpres d'une administration criminelle, rongent profondément les organes de l'État, détruisent ou paralysent les ressources du Trésor[130]. Les cent membres de cette γερουσία, omnipotente ne sont plus que d'odieux tyrans, disposant des biens, de l'honneur, de la vie de tous les citoyens[131].

Profondément ému des maux de son pays, pris de pitié, mais d'une pitié douloureuse[132], Annibal anxieux avait la mort dans l'âme[133]. Quel remède apporter à cette situation terrible ? Que faire, que tenter pour tirer de sa torpeur cette triste Carthage ? Le bruit des armes, se disait-il, peut seul la réveiller[134]. Elle est, comme tout grand peuple, inquiète, remuante, agitée ; la guerre étrangère lui fera peut-être oublier ses discordes civiles[135] ; il n'est pas, certainement, d'autre remède à tant de maux. Poursuivons donc vigoureusement cette guerre, et que les obstacles de la route ne nous arrêtent pas ! Telles étaient vraisemblablement les pensées d'Annibal. Exempt de toute ambition malsaine, entraîné par une seule passion, l'amour de son pays, le généreux fils d'Amilcar se dévouait tout entier au salut de cette malheureuse patrie, qu'il aimait, plaignait et méprisait. Si le son de sa voix a frappé les rochers des Alpes, leurs échos n'ont pas dû répéter l'expression d'un autre sentiment.

L'expédition d'Annibal, dont il est, temps de résumer ici les premières phases, est empreinte d'un cachet de grande originalité, et ce caractère original tient surtout à l'énorme profondeur de sa ligne d'opérations. Polybe, qui s'est complu à mesurer l'étendue de cette ligne, compte[136] :

 

De Carthagène à l'Ebre

2.600

stades ou

481

kilom.

De l'Ebre à Ampurias

1.600

 

296

 

D'Ampurias au Rhône

1.600

 

296

 

Du Rhône à l'entrée des Alpes

1.400

 

259

 

De l'entrée des Alpes aux plaines du Piémont[137]

1.200

 

222

 

Soit ensemble

8.400

stades ou

1.554

kilom.

 

Et, pour mieux affirmer son dire, l'historien consciencieux arrondit franchement le nombre qui doit exprimer le total des valeurs itinéraires de ces cinq sections : il ajoute que la distance de Carthagène à Turin, envisagée en bloc, mesure 9.000 stades ou 1.665 kilomètres.

Tel est le chiffre considérable qui frappait les Romains d'étonnement[138].

Si pareille profondeur nous semble à bon droit extraordinaire, l'étude du tracé auquel elle se rapporte n'est pas, pour la critique, moins digne d'intérêt.

Or une récente découverte, celle des Vases Apollinaires ou de Vicarello[139], permet de restituer théoriquement la majeure part de la ligne d'opérations d'Annibal. Un simple exposé synoptique ne sera pas ici hors de propos.

Partie de Carthagène, l'armée carthaginoise rejoint à Sœtabis la route que scandent les stations spécifiées au monument épigraphique ; elle la suit de là jusqu'à Tortose, en passant par tous les points que mentionne le système des quatre inscriptions conjuguées.

Arrivée sur l'Èbre, l'armée se forme sur trois colonnes (voyez liv. III, chap. VI), et la colonne de droite poursuit le long du rivage, sans s'écarter sensiblement du tracé des Apollinaires.

Les trois colonnes, ayant franchi les Pyrénées, opèrent leur jonction sous Perpignan ; puis, reprenant ensemble le chemin des Apollinaires, elles en pratiquent toutes les stations jusqu'à Nîmes.

Au delà de Nîmes, les quatre itinéraires se prolongent par Beaucaire, Arles, Cavaillon, Apt, Sisteron, Gap et Chorges.

Annibal en abandonne le système, passe le Rhône en amont de Beaucaire, et va, par l'Isère et le Drac, le retrouver à Chorges, dans la vallée de la haute Durance, pour le suivre dès lors jusqu'au sommet des Alpes.

Au mont Genèvre, les colonnes carthaginoises s'écartent de nouveau des tracés Apollinaires, lesquels passent par la vallée de la Dora Riparia ; elles descendent le Chisone, et ne doivent plus les retrouver qu'à Turin.

L'accomplissement de ce trajet n'a pas demandé moins de cinq mois[140]. Étant ainsi donné le temps employé à faire la route de Carthagène à Turin, route dont la longueur mesure 1.665 kilomètres, on observe que la vitesse moyenne des colonnes carthaginoises ne dépasse guère le chiffre de 11 kilomètres par jour. Connaissant d'ailleurs la date du départ de Carthagène[141] et celle de l'arrivée au sommet des Alpes[142], nombre de commentateurs ont essayé de scander chronologiquement cette longue ligne d'opérations ; de toutes les conjectures qu'on a produites, ce sont celles de Lavalette qui nous paraissent les plus rationnelles. Suivant ce consciencieux érudit[143],

 

Le départ de Carthagène a lieu

le 30 mai.

Le passage de l'Ebre

le 15 juillet.

Le séjour à Elne

le 15 septembre.

Le passage du Rhône

le 27 septembre.

Le départ de Grenoble

le 12 octobre.

L'arrivée au pied des Alpes

le 17 octobre.

L'arrivée au sommet des Alpes

le 26 octobre.

L'arrivée sous les murs de Turin

le 1er novembre.

 

On peut aussi, suivant cette méthode, scander chronologiquement la section de la ligne d'opérations afférente à la traversée des Alpes et établir le tableau suivant, qui n'a, bien entendu, d'autre valeur que celle d'une œuvre destinée à fixer les idées :

 

1er jour

18

oct. 218

Départ de Forest-Saint-Julien.

2e

19

 

Combat du col de la Pioly.

3e

20

 

Prise de Chorges.

4e

21

 

Gîte aux environs d'Embrun.

5e

22

 

Gîte aux environs de Châteauroux.

6e

23

 

Gîte aux environs de Montdauphin.

7e

24

 

Combat du pertuis Rostang.

8e

25

 

Prise de Briançon.

9e

26

 

Arrivée au col du mont Genèvre.

10e et 11e

27 et 28

 

Séjour au col.

12e

29

 

Éboulement du val de Pragelas.

13e et 14e

30 et 31

 

Travaux de route.

15e

1er

nov.218

Arrivée sous Turin.

 

Tel est le tableau qui nous a servi de guide au cours de notre récit du passage des Alpes ; mais, nous le répétons, il ne faut voir dans ce cadre qu'un simple canevas théorique, sur lequel les événements se développent d'une façon claire.

Quant aux points stratégiques disséminés le long de cette ligne d'opérations si profonde, il est possible de les fixer avec certitude, et nous estimons qu'il convient d'en rappeler ici la nomenclature.

Mentionnons donc, en Espagne : Carthagène, première base où s'emmagasinent les approvisionnements expédiés de la métropole, quartier général d'Annibal au jour de l'ouverture des hostilités[144] ; Sagonte, objectif de passage, où les Carthaginois en marche vers les Pyrénées trouvent un appui et des ressources considérables[145] ; Berga, base d'opérations secondaire, grande place de dépôt de l'armée d'Italie[146], quartier général d'Hannon, commandant l'armée d'occupation de la Catalogne[147]. En France, il faut citer : Perpignan, point nécessaire de la ligne d'opérations[148], où les Carthaginois sont obligés d'acheter leur droit de passage[149] ; Grenoble, autre base d'opérations secondaire, au pied des Alpes occidentales, où le général en chef avait depuis longtemps concentré des approvisionnements de toute espèce[150] ; Chorges, centre de résistance de la région cottienne, pivot de la défense des Alpes du Dauphiné, que les troupes d'Annibal sont tenues d'emporter, et où elles trouvent de quoi se ravitailler amplement[151] ; Briançon, le refuge d'une population compacte[152], maîtresse de tous les cols de la crête[153] ; enfin, en Italie, Turin, dont on appréciera bientôt l'importance[154].

Ici nous rencontrons une appréciation étrange, d'autant plus embarrassante qu'elle émane d'une autorité magistrale. Napoléon Ier expose qu'Annibal n'avait ni base ni ligne d'opérations ; que, une fois entré en Italie, il y a, pour ainsi dire, brûlé ses vaisseaux ; que, durant seize années, il y est resté en l'air. Est-ce qu'Annibal, dit Napoléon en ses Commentaires[155], est-ce qu'Annibal en passant les Alpes regardait en arrière ?Annibal, écrit-il ailleurs[156], partit de Carthagène, passa l’Ebre, les Pyrénées... traversa le Rhône, les Alpes cottiennes... Il mit cinq mois a faire cette marche de quatre cents lieues ; il ne laissa aucune garnison sur ses derrières, aucun dépôt, ne conserva aucune communication avec l'Espagne, ni Carthage, avec laquelle il ne communiqua qu'après la bataille de Trasimène.... Cependant cette guerre offensive fut méthodique... s'il eût laissé sur ses derrières des places et des dépôts, il eût affaibli son armée et compromis le succès de ses opérations ; il se fut rendu vulnérable partout... Vaincu aux portes de la capitale, il ne put préserver son armée d'une entière destruction. Et s'il eût laissé la moitié de son armée ou même le tiers sur la première et seconde base, eût il été vainqueur à la Trebbia, à Cannes, à Trasimène ? Non ; tout eût été perdu, même ses armées de réserve : l'histoire ne l'eût pas connu... Aucun plan plus vaste, plus étendu, n'a été exécuté par les hommes ; l'expédition d'Alexandre est bien moins hardie, bien plus facile ; elle avait bien plus de chances de succès ; elle était plus sage !

De telles appréciations sont bien de nature à nous surprendre de la part d'un grand capitaine qui lui-même attachait tant de prix au maintien intégral de ses communications en arrière. Quand, deux mille ans après Annibal, le premier consul Bonaparte descend, à son tour, des Alpes, pour opérer aussi sur l'échiquier du Pô, de quoi se préoccupe-t-il, sinon des moyens de se ménager la libre pratique d'une bonne ligne de retraite ? La sûreté d'une ligne de retraite ! telle est la première condition qu'il s'impose à l'heure où, maître d'Ivrée, il doit exercer un choix entre trois plans d'opérations distincts. ... quel parti, se demande-t-il[157], prendra le premier consul ? Marchera-t-il sur Turin pour en chasser Mêlas, se réunir avec Turreau et se trouver ainsi assuré de ses communications avec la France et avec ses arsenaux de Grenoble et de Briançon ? Marchera-t-il sur Gênes ou sur Milan ? De ces trois partis, il le déclare sans ambages[158], le premier était contraire aux vrais principes de la guerre. L'armée française courait donc la chance de livrer une bataille n'ayant pas de retraite assurée, le fort de Bard n'étant pas encore pris. Le deuxième parti ne semblait pas praticable. Comment s'aventurer entre le Pô et Gênes, sans avoir aucune ligne d'opérations, aucune retraite assurée ? Le troisième parti offrait tous les avantages, on avait une retraite assurée par le Simplon et le Saint-Gothard.

Comment le grand homme de guerre esclave des vrais principes de l'art a-t-il pu se laisser aller à croire qu'Annibal s'en soit affranchi ; que les Carthaginois, dédaignant de se ménager une ligne de retraite, se soient témérairement lancés en Cisalpine pour y rester en l'air ? Comment expliquer une telle idée chez l'auteur de la conception militaire dont l'heureux dénouement éclate à Marengo ?

Nous estimons que les Carthaginois ne faisaient pas la guerre autrement que les Macédoniens ou les Français ; qu'Annibal était trop sage pour ne pas se soumettre aux règles qui sont et seront de tous les temps ; qu'il agissait à la manière de Napoléon ou d'Alexandre ; que, loin de renoncer à sa base et à sa ligne d'opérations, il s'est constamment préoccupé du soin de sauvegarder ses communications en arrière ; qu'il ne s'est jamais laissé couper ni de Grenoble, ni de Berga, ni de Carthagène.

Ce qui le prouve, c'est le prix que les Romains attachaient à la possession de Carthagène, la base d'opérations première ; c'est le fait de leurs efforts sans cesse renouvelés contre la Catalogne et Berga, le quartier général de l'armée carthaginoise d'occupation, le dépôt de l'armée d'Italie[159] ; c'est un texte formel, des termes du- quel il appert que, de l'an 218 à l'an 207, Annibal n'a jamais cessé de se maintenir en relation directe et sûre avec Grenoble.

Durant ces douze années, dit expressément Tite-Live[160], les Alpes NE CESSÈRENT D'ÊTRE PRATIQUÉES, et le passage continuel des Carthaginois en avait rendu les routes singulièrement faciles.

Et le poète Silius Italicus, donnant à son tour un récit du passage des Alpes par Asdrubal, insiste sur cette facilité de communications que le frère d'Annibal ne peut s'empêcher d'admirer[161]. Il faut donc, contrairement au sentiment de Napoléon, admettre que le fils du prudent Amilcar, si ardent et audacieux qu'on veuille le supposer, n'avait pas manqué de laisser sur ses derrières des garnisons et des dépôts ; qu'il avait assuré, lui aussi, sa ligne de retraite ; qu'il n'avait-jamais, en un mot, songé à déroger aux principes de l'art, qui sont, de leur nature, immuables, et seront, on peut le dire, éternels.

L'armée carthaginoise avait été singulièrement éprouvée durant les quinze jours qu'elle venait de mettre à franchir les Alpes ; ce passage, si audacieusement accompli, lui coûtait cher. Quel était donc le prix dont elle venait de payer le succès de sa descente en Cisalpine ? De quelles forces Annibal disposait-il encore au moment où il mettait le pied sur le terrain de sa première zone d'opérations ? C'est un point qu'il n'est pas sans intérêt de fixer[162].

Mais ici, comme partout, les commentateurs sont en désaccord[163]. Dès le temps où vivait Tite-Live, les diverses évaluations de l'effectif total flottaient entre des limites dont l'écart était considérable[164]. Plus tard, Orose opinait pour le maximum de 120.000 hommes[165] ; Eutrope[166] cherchait à faire prévaloir le chiffre de 100.000. Cependant, avant eux, Cincius Alimentus, le contemporain d'Annibal, n'avait compté que 90.000 hommes[167], et le judicieux Polybe[168] n'admettait qu'un minimum de 26.000.

Le fait de ces divergences a déjà suscité nombre de dissertations[169], dont aucune n'est, malheureusement, parvenue à élucider une question qui demeure obscure. L'ensemble de ces travaux, aussi consciencieux qu'ingrats, n'aboutit qu'à une explication de l'écart par la circonstance, diversement interprétée, d'une adjonction de contingents gaulois et ligures[170] au noyau primitif de l'armée. Quant aux conclusions finales, elles sont tellement risquées qu'il semble sage de s'en référer, purement et simplement, à l'autorité de Polybe. On sait, d'ailleurs, que le grand historien n'a lui-même arrêté ses appréciations que sur les bases du document de Lacinium, de cette inscription fameuse gravée sur une table de bronze qu'Annibal avait fait sceller dans la muraille du temple de Junon[171]. Cet édifice s'élevait à l'entrée occidentale du golfe de Tarente[172], à la pointe qu'on nomme aujourd'hui Capo di Nao ou Capo delle Colonne ; le monument épigraphique auquel Polybe fait allusion y avait été placé, vers les dernières années de l'occupation de la Péninsule italique par les Carthaginois. On est donc bien en droit d'accorder quelque confiance à la donnée Lacinienne, et nous ne nous attacherons qu'à résumer les renseignements qu'y a puisés l'histoire.

L'armée d'Annibal, nous l'avons dit, présentait, au jour de son départ de Carthagène, un effectif de 102.000 hommes, dont 90.000 d'infanterie et 12.000 de cavalerie[173]. Aux Pyrénées, ces forces sont déjà réduites à 59.000 hommes, dont 50.000 fantassins et 9.000 cavaliers[174]. La route les épuise rapidement ; elles ne se composent plus, après le passage du Rhône, que de 38.000 hommes d'infanterie, 8.000 de cavalerie, ensemble 46.000 hommes[175]. L'armée continue à fondre : le seul passage des Alpes la réduit de nouveau de moitié[176], de sorte que, lors de son arrivée dans les plaines du Piémont, Annibal n'a plus sous la main que 20.000 hommes d'infanterie, 6.000 de cavalerie, en tout 26.000 hommes[177]. Son troupeau d'éléphants comporte, en outre, trente-sept ζωαρχίαι[178].

Voilà ce qui lui reste[179] !

Et Napoléon ne peut s'empêcher d'admirer l'audace et le génie de cet Annibal, qui ne descend en Italie qu'en payant de la moitié de son armée la seule acquisition de son champ de bataille, le seul droit de combattre[180].

Les causes de tant de pertes étaient essentiellement multiples.

Cette énorme réduction des effectifs provenait, en effet, de la profondeur et de l'âpreté de la ligne d'opérations[181], du nombre de passages de rivières effectués, de l'importance des combats livrés le long de la route[182], de l'obstacle matériel des Alpes[183] ; des glaces qui avaient rendu si dangereuse la descente de la vallée du Chisone[184], de la difficulté des transports au milieu des neiges[185], où s'étaient perdus tant de mulets de bât avec leurs chargements[186], des privations de toute espèce endurées à la suite de ces accidents. Les troupes n'avaient pas seulement souffert du froid, mais encore de la faim[187] ; succombant, en même temps, à l'excès de leurs fatigues, elles s'étaient senties démoralisées[188]. Or l'homme se fait le complice du mal dès que le moral l'abandonne.

La plupart des chevaux étaient hors de service[189] ; blessés ou éclopés, brisés par l'anémie[190], n'ayant même plus la force de porter le poids de leurs armes inutiles[191], les hommes ne formaient plus qu'une troupe impuissante[192]. Ces débris de la belle armée d'Italie[193] faisaient véritablement peine à voir. Tel était l'état d'épuisement des malheureux qui peuplaient alors le camp carthaginois, que leur physionomie ne conservait plus rien d'humain : on eût dit des ombres, des spectres hideux, aux traits empreints d'abrutissement, aux allures de bêtes fauves[194].

A la vue de tant de misères, Annibal ne put s'empêcher de frémir. Songeant à Imilcée, à sa jeune et vaillante femme, qui naguère avait tant insisté pour le suivre jusque dans les Alpes[195], il dut vivement s'applaudir de n'avoir pas accueilli l'expression de ses vœux. Mais, s'arrachant aussitôt à ces souvenirs, il n'eut d'autre préoccupation que celle de refaire son armée[196]. Il s'établit, à cet effet, dans la plaine piémontaise, au pied même de ces Alpes qu'il venait de franchir[197], s'y retrancha solidement[198] et ordonna que ses soldats fussent l'objet des soins les plus empressés[199]. Cependant, au cours de cette œuvre de réorganisation, il était des écueils contre lesquels pouvaient échouer les meilleures intentions du monde. Un brusque passage de la fatigue extrême au repos absolu, de la disette à l'abondance, de l'absence de tous soins corporels à la reprise des habitudes d'hygiène et de propreté, tous ces changements, opérés sans transition, n'eussent pas manqué de présenter de graves inconvénients[200]. Tout danger fut heureusement conjuré par les soins du service de santé que dirigeait le prudent Synhalus[201] ; un système de gradations judicieusement combinées dissipa sans retour les craintes du général en chef.

Celui-ci ne se contentait point de veiller au succès des procédés de guérison physique ; le moral du soldat était aussi l'objet de sa sollicitude[202]. Il ranima ces cœurs frappés d'alanguissement, ces âmes abattues par l'anémie du corps : il inventa des distractions, réveilla le sentiment militaire et remua la fibre religieuse si bien que, au bout de peu de jours, l'armée se sentit renaître à la vie. Alors, voyant cette armée se refaire, il jette un premier coup d'œil sur le pays dont il se sent déjà le maître[203], le beau pays dont la ceinture n'est formée que de monts et de mers.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  il bel paese

Che Apennin parte e il mar circonda e l' Alpe !

Pendant que son monde achève de se rétablir, il appelle de nouveau ses ingénieurs militaires et leur réclame le résultat final de leurs explorations ; il veut une description de cette Italie continentale que les Italiens d'aujourd'hui nomment Italia settentrionale, Italia superiore, Alta Italia, Regione Eridanica. On peut résumer ainsi qu'il suit le compte rendu des officiers carthaginois.

S'il est un nom chanté par les poètes de tous les âges, c'est celui du fleuve Eridan, dont les eaux se sont refermées sur le dénouement d'un grand drame mythologique. Phaéthon, dit la fable, était fils d'Apollon et de l'Océanide Clymène. Voulant donner au fils d'Io des preuves de sa haute naissance, il obtint de son père la faveur de conduire, durant un jour, le char éclatant du Soleil. Les chevaux, guidés par une main novice et téméraire, s'écartent, dès les premiers tours de roue, de la voie régulière qu'ils ont appris à suivre, et jettent, en un instant, dans le monde planétaire une effroyable perturbation. Tantôt, s'élevant trop haut, ils menacent l'empyrée d'une violente incandescence ; tantôt, passant trop près de notre globe, ils en désorganisent la croûte desséchée. Attaquée jusqu'en ses entrailles, la Terre éperdue porte ses plaintes au pied du trône de Jupiter, et Quinault lui fait dire :

Roi des Dieux, armez-vous ! il n'est plus temps d'attendre ;

Tout l'empire qui suit vos lois

Bientôt ne sera plus qu'un vain monceau de cendre.

Les fleuves vont tarir ; les villes et les bois,

Les monts les plus glacés, tout s'embrase à la fois !...

Jupiter ne saurait hésiter : pour mettre fin au désordre et prévenir la ruine de l'univers, il se hâte de foudroyer le fils du Soleil et de le précipiter dans l'Eridan.

Mérope, Hélie, Eglé, Lampétie, Phœbé, Ethérie, Dioxippe, étaient les sœurs de Phaéthon. Ces Héliades furent frappées de tant de douleur, à la nouvelle de la mort de leur frère, qu'elles vinrent le pleurer jusque sur les rives du fleuve, le long desquelles on les vit, durant quatre mois, errer en gémissant. Les dieux, ayant enfin pitié de ces affligées, les métamorphosèrent en peupliers à feuilles tremblantes ; leurs larmes fraternelles devinrent des grains d'ambre.

Tel est le récit qu'Hésiode[204] donnait mille ans avant notre ère. Inspirés par ce sujet, très en faveur dans toute la Grèce, Eschyle[205] et Euripide[206] mirent en scène les aventures de Phaéthon. La légende fut ensuite reprise par Quintus de Smyrne[207] et d'autres rapsodes dont Pline nous a gardé les noms : c'étaient Philoxène, Nicandre, Satyre[208], qui rythmaient cette histoire à une époque antérieure à celle de la deuxième guerre punique. Le mythe persiste dans les écrits d'Apollonius de Rhodes[209], le contemporain d'Annibal ; puis, tous les épisodes poétiques en sont fidèlement rapportés par les historiens et les géographes. Mention en est faite par Polybe[210], Strabon[211], Diodore de Sicile[212], Pline[213], Denys le Périégète[214] et Scymnus de Chio[215].

Mais Pline, Diodore, Strabon, Polybe, rejettent bien loin les données de la fable, qu'ils savent issues de l'imagination des Grecs ; n'admettant ni le char du Soleil, ni la mort de son fils, ni les pleurs de ses filles, ils dénoncent le mythe à leurs contemporains[216].

Déjà, longtemps avant eux, Hérodote avait dit qu'il lui était difficile de croire à l'existence d'un fleuve Éridan[217]. Strabon ne manque pas d'appuyer de ses négations formelles les doutes jadis exprimés par le Père de l'histoire : il n'est point de fleuve Eridan[218] ; telle est, dit-il, la vérité. La science antique se range à cet avis ; aussi voit-on plus tard le commentateur Eustathe railler le Périégète de sa foi robuste en la réalité d'un cours d'eau fabuleux[219], et lui reprocher amèrement de prendre une constellation pour un fleuve[220]. Cependant ceux qui croyaient à ce fantastique Éridan, où le prenaient-ils sur le globe terrestre ? Eschyle le confond avec le Rhône et ose ensuite le placer en Espagne[221] ; les contemporains d'Hérodote le font déboucher dans la mer du Nord[222] ; Chérille de Samos dit qu'il arrose la Germanie[223] ; un écrivain du IIIe siècle avant notre ère[224], le prend nettement pour un tributaire de la Baltique. Bientôt, inclinant à l'opinion d'Euripide, qui lui-même s'était rallié à celle d'Eschyle[225], Apollonius de Rhodes mêle les eaux du Rhône à celles de l'Éridan[226] : les trois poètes ne craignent pas d'admettre le fait de la confluence des deux fleuves, dont l'embouchure commune s'ouvre, selon eux, sur l'Adriatique[227]. Du temps de Strabon enfin, les esprits convaincus qui parlent encore de l'Éridan affirment qu'il poursuit son cours dans le voisinage du Pô[228]. On voit, en somme, que les anciens n'avaient à cet égard que des notions bizarres ou confuses.

Les ténèbres ainsi répandues dans leur esprit doivent être, selon toute vraisemblance, attribuées aux précautions extraordinaires que prenait le commerce antique à l'effet d'entourer du plus profond mystère la provenance de certaines marchandises, alors très-recherchées, notamment, de l'ambre. L'importation de cette substance en Orient remonte à la plus haute antiquité, puisque Homère met en scène[229] des Phéniciens offrant à la reine de Syra un collier d'ambre et d'or. De quelle nature était cette matière précieuse, si fort à la mode à cette époque ? C'est ce que les marchands se gardaient bien de dire. Aussi l'imagination se donnait-elle à ce sujet libre carrière. Pline nous a laissé[230] une nomenclature de la multitude d'hypothèses qui s'étaient, tour à tour, accréditées touchant la question d'origine ; celle de Nicias paraît avoir été le plus généralement admise. Suivant ce philosophe, l'ambre était le résultat de l'action mystérieuse exercée sur les eaux de l'Océan par le soleil à son déclin. Au moment, disait-il[231], où l'astre de feu disparaît à l'horizon, ses rayons, pénétrant immédiatement l'onde amère, ont sur celle-ci plus de puissance que pendant les heures du jour. De là dans l'Océan une sorte de sueur que les flots écumants ne tardent pas à rejeter sur le rivage. Ce suc solaire, admirablement translucide, est l'essence même de l'ήλεκτρον. On voit que le mythe de la chute de Phaéthon et des pleurs de ses sœurs les Héliades n'est qu'une expression poétique de l'opinion de Nicias.

D'autre part, où la trouvait-on cette substance tant appréciée ? Comment la recueillait-on ? C'est un secret qu'il était impossible d'arracher à ceux qui s'en réservaient le fructueux monopole. A ce propos encore, on en était réduit aux suppositions. On citait, tour à tour, comme pays d'origine, la Scythie, la Germanie, les Pyrénées, la Ligurie, les côtes de l'Adriatique et la Liby[232]. Ce qui paraissait hors de doute aux Grecs de l'Hellade et de l'Asie Mineure, c'est que cet ambre merveilleux provenait de l'Occident, des régions où le char du soleil, las de sa course d'un jour, allait se noyer dans les flots. Là encore, on le voit, le mythe consacrait parfaitement le principe de l'opinion prédominante.

En réalité, l'ambre, si fort en faveur au temps d'Hésiode et d'Homère, n'est qu'une résine fossile qui se rencontre dans le Samland, au sud de la Baltique ; on en trouve aussi, mais en moindre quantité, sur les côtes méridionales de la mer du Nord. De ces deux principaux pays de production, comment la marchandise arrivait-elle en Orient ? Pour dérouter la concurrence, les Phéniciens allaient eux-mêmes, directement et très-secrètement, exploiter la Baltique. Au retour, leurs navires rangeaient les côtes de l'Océan et rentraient dans la Méditerranée par le détroit de Gibraltar. Mais cette voie maritime étant jugée trop longue, ils avisèrent au moyen d'ouvrir à leur commerce un système de communications plus facile, et jetèrent, à cet effet, les yeux sur l'embouchure de la Loire. C'est là qu'ils créèrent leur fameux port de Korbilon[233], qui, plus tard, au temps de sa décadence, avait encore autant de célébrité que celui de Marseille. La population de Korbilon était formée d'un mélange de Phéniciens, de Ligures, de Celtes et de Bretons, qui, sous le nom générique de Vénètes[234], tenaient sous leur pavillon, à l'exclusion des étrangers, tout le commerce de l'Occident et du Nord. L'ambre vénète, au sortir des entrepôts de la Loire inférieure, était remis à des caravanes qui, par la voie de terre, en opéraient le transit au travers de la France. Il arrivait ainsi aux bouches du Rhône[235], où il reprenait la mer, pour être dirigé sur l'Orient. Le commerce échappait ainsi à l'obligation de contourner la péninsule ibérique. Mais, toujours en quête de procédés rémunérateurs, il ne tarda pas à découvrir une voie encore plus courte, suivant laquelle il n'était plus nécessaire de doubler la péninsule italique. L'ambre offrait à l'exportation l'avantage de n'être marchandise ni lourde ni encombrante ; il passa donc les Alpes à dos de colporteurs, descendit la vallée du Pô et fut repris, à l'embouchure du fleuve, par des caboteurs à destination de la Grèce et des côtes de l'Asie. Sur cette ligne de transports mi-partie terrestres et maritimes, les Vénètes de Korbilon eurent des comptoirs, des entrepôts, centres et nœuds d'action de leur ligne commerciale. Les plus célèbres de ces établissements sont ceux des Vénètes de l'Adriatique et des Vénètes du littoral de la mer Noire. Telle est la voie par laquelle le Phénicien Thalès de Milet reçut, au cours du VIIe siècle avant notre ère, les échantillons d'ambre dont il découvrit les propriétés électriques.

En somme, aux yeux des Grecs, les Vénètes établis près des bouches du Pô étaient seuls maîtres du commerce de l'ambre[236].

Ceux-ci, ne divulguant ni la provenance ni le mode d'expédition de la marchandise, le public prit, en Grèce, la partie pour le tout, ne songea pas à ce fait que la route commerciale pouvait se prolonger par delà les Alpes, et assigna à la vallée du Pô le titre de lieu de provenance. Brouillant d'ailleurs ensemble plusieurs données diffuses, la science géographique ne put s'empêcher de confondre une section de la route avec l'autre, le Rhône avec le Pô, les Ligures de Ligurie avec les Ligures de l'embouchure de la Loire.

Le Pô, centre de production présumé, fut connu, comme on sait, sous le nom d'Eridan, et l'on a souvent cherché l'origine de cette désignation, dont l'usage s'est perpétué jusqu'à nos jours dans la haute Italie (regione Eridanica). Hérodote et Polybe ne lui attachaient d'autre valeur que celle d'une simple expression poétique[237] en usage dans la Grèce[238] ; c'était, aux yeux d'Hérodote, un mot de langue grecque[239]. Cette opinion prévaut encore aujourd'hui dans l'esprit de quelques savants distingués, qui voient dans Ήρδανός le résultat de la juxtaposition de deux mots grecs significatifs[240]. Loin de partager un tel sentiment, nous croyons qu'Hérodote a eu tort de ne point trouver une physionomie étrangère[241] au mot Eridan, mot qui, à notre sens, constituait chez les allophyles de l'Europe occidentale un mode de désignation générique des grands fleuves et des bras de mer[242]. Or, au point de vue du commerce de l'ambre, ce nom s'appliquait également bien à la Baltique, au Pas de Calais et à l'Adriatique, à la Loire, au Rhône ou au Pô. Il était donc exact de dire que la précieuse marchandise venait des bords de l'Eridan, à la condition qu'on n'entendît point parler exclusivement du fleuve de la haute Italie, formant la dernière section de la route commerciale ouverte et pratiquée par les Vénètes. Le nom n'avait pas manqué de frapper l'oreille des Grecs ; ils cherchèrent à quel fleuve de l'Europe occidentale on devait l'appliquer ; mais ils cherchèrent en vain, comme il est facile de le comprendre. Le fleuve était un peu partout et, spécialement, nulle part. Dès lors, que faire du nom de cet introuvable Eridan ?

Les géographes prirent le parti de nier l'existence du fleuve ; mais, bien que radicale et fort commode, la solution ne pouvait passer pour satisfaisante, puisque l'Orient recevait toujours des arrivages d'ambre expédié des bords d'un Éridan inconnu. La logique voulait d'autres éclaircissements. C'est alors qu'un certain Phérécyde osa, pour fixer les idées, détourner l'expression de sa signification générique et l'affecter exclusivement à la désignation du principal cours d'eau de la haute Italie[243]. L'inspiration de l'écrivain était, jusqu'à certain point, plausible, car, si la vérité n'était pas exposée là tout entière, du moins ne devait-il se propager ainsi rien de contraire à la vérité, et allait-on voir s'évanouir l'incertitude qui fatiguait l'esprit d'un public avide de renseignements. Scylax de Caryanda ne tarda pas à consacrer explicitement le caractère rationnel de cette adaptation géographique[244], et l'idée fit fortune. Les Grecs s'estimèrent heureux d'apprendre enfin en quelle région du globe coulait le célèbre Eridan, qu'aucun d'eux, au temps d'Hérodote, n'avait encore été appelé à voir[245]. Dès qu'ils commencèrent à voyager dans le Nord-Ouest ; dès qu'il leur fut donné de parcourir les plaines cisalpines, ils coururent contempler les eaux du fleuve, dont le cours était si bien déterminé. Mais quelle ne fut point leur surprise quand ils apprirent que ce nom d'Eridan, si correctement inscrit sur leurs cartes, était absolument inconnu des riverains ! Ceux-ci appelaient le cours d'eau Bodenk[246] ou Pad[247]. Telles étaient les dénominations en usage au temps de l'expédition d'Annibal, et que ses explorateurs ne manquèrent point de noter[248]. Nous ne prétendons point que ces officiers soient entrés dans toutes les considérations philologiques que nous venons de développer ; mais on peut, sans absurdité flagrante, admettre qu'ils en aient exposé le sens à leur général en chef, dont l'habitude était de faire à fond l'étude des échiquiers sur lesquels il avait à conduire ses entreprises.

On comprend bien, d'ailleurs, que le grand fleuve dont nous venons de discuter l'histoire onomastique ait été en même temps, de la part des explorateurs, l'objet d'une reconnaissance topographique extrêmement sérieuse. Pour Polybe, l'origine du Pô se trouve à la cime des Alpes[249].

Pline, s'exprimant en termes plus précis, place cette origine au flanc du mont Viso[250]. Les anciens ne se trompaient pas, car, effectivement, le Pô tire sa source d'un petit lac situé en avant du col du Viso et sur le penchant de la montagne de ce nom qui fait face au Piémont[251] ; le lac est peu distant du col de la Traversette[252].

Cette belle source[253] attirait plus d'un voyageur, empressé de visiter[254] le bois de pins sombres[255] dont les échos répétaient les grondements d'une eau limpide[256]. Mais ces eaux tumultueuses ne tardaient pas à disparaître aux regards de l'observateur ; elles prenaient une voie souterraine, au sortir de laquelle celui-ci les voyait de nouveau[257] sourdre bouillonnantes et déjà majestueuses. Les sources du Pô, affectées d'intermittences, tarissaient fréquemment en été[258].

A sa sortie des flancs de la montagne, le Pô commence par couler vers le sud, puis il s'infléchit pour piquer droit sur l'orient[259]. Sa direction générale est celle de l'est, et, si l'on fait abstraction de ses nombreux méandres, on peut dire qu'il conserve invariablement cette direction[260] jusqu'à son embouchure dans l'Adriatique[261]. Pline attribuait à son cours un développement total de 573k,952. Cette appréciation[262] n'est pas trop inexacte, puisque les modernes lui donnent environ 500 kilomètres en aval de Saluces[263] seulement. Les anciens disaient que sa profondeur était considérable[264], mais que cependant cet élément du profil n'acquérait quelque importance qu'a partir de la ville de Bodincomagus[265], c'est-à-dire du confluent de la Dora Baltea. On sait aujourd'hui que, en temps ordinaire, la hauteur d'eau du Pô varie de 2 à 4 mètres entre Saluces et le confluent du Tessin ; qu'elle mesure 3 mètres à Valenza, 4 à Bassignana. En aval du Tessin, cette profondeur s'accroît irrégulièrement par ressauts, et atteint environ 9 mètres auprès de Stellata[266].

La largeur du fleuve était, suivant Strabon[267], très-prononcée. On n'ignore pas qu'elle est fort imposante, mais en même temps essentiellement variable : elle mesure 160 mètres à Turin, 250 à Valenza, 470 au confluent du Tessin, 910 à Cremone[268], etc. La rapidité du courant n'était pas moins que la largeur du lit remarquée des anciens[269], dont les observations accusent partout autant de netteté que de justesse. On peut dire comme eux que cette vitesse est excessive depuis le mont Viso jusqu'à Revel, car elle résulte de la brusque descente d'une hauteur de 1.600 mètres sur une base de 34 kilomètres, donnant ainsi lieu à la pente limite des routes carrossables les plus roides. De Saluces à Turin, le courant se maintient très-rapide[270] ; mais bientôt, en aval de Turin, il se modère ; un calme majestueux[271] succède à ses fureurs. La vitesse diminue sensiblement en aval des confluents de la Sesia et du Tanaro : la pente n'est guère que de 58 centimètres pour 100 mètres dans la section comprise entre Turin et le confluent du Tessin ; en aval de ce confluent, le ralentissement s'accentue encore. Quant à la pente moyenne, elle est de 70 centimètres par kilomètre[272], de Saluces à la mer.

A sa naissance, le Pô n'est d'abord qu'un humble ruisseau[273] ; mais il grossit rapidement en aval de Paësana. Bientôt il s'enfle comme une mer[274], car il est le grand collecteur de toutes les eaux qui descendent des Alpes et des Apennins[275]. Il reçoit nombre d'affluents[276] : à Turin, la Dora Riparia, qui prend sa source au mont Genèvre ; à Chivasso, l'Orco ; à Crescentino, la Dora Baltea, qui descend du Saint-Bernard ; entre Casale et Valenza, la Sesia, qui descend du Simplon ; à Pavie, le Tessin, qui sort du Saint-Gothard ; entre Plaisance et Crémone, l'Adda, qui vient du Brunner ; près de Borgoforte, l'Oglio ; un peu plus loin, le Mincio.

Sur la rive droite, il recueille le Tanaro, qui prend sa source au col de Tende et qui, avant d'arriver à Bassignana, a reçu la Stura, venue du col d'Argentière, ainsi que la Bormida, issue des hauteurs de Saint-Jacques et de Bardinetto. Il reçoit, au-dessus de Castelnovo, la Scrivia, venue du col de la Borghetta ; près de Plaisance, la Trebbia, qui prend sa source au col de Torriglio, à 12 kilomètres de Gênes ; près de Colorno, le Taro ; près de Guastalla, leCrostolo ; près de Mirandola, le Panaro ; à hauteur de Mantoue, la Secchia ; près de Ferrare, le Reno.

Parmi tous ces tributaires du grand fleuve, Polybe cite expressément[277] le Tessin, l'Adda, le Mincio ; Strabon mentionne, en outre[278], la Dora et la Trebbia. Pline compte un total de trente affluents[279], et il énumère, sur la rive droite : le Tanaro, la Trebbia, le Taro, le Lenzo, la Secchia, le Panaro, le Reno[280] ; sur la rive gauche : la Stura, l'Orco, les deux Dora, la Sesia, le Tessin, le Lambro, l'Adda, l'Oglio, le Mincio[281]. On voit que les anciens possédaient des connaissances étendues touchant les conditions hydrographiques de la Circumpadane.

Un tel nombre d'affluents, une pente et, par suite, une vitesse de courant pareille à celle dont nous avons chiffré la valeur, une largeur et une profondeur constituant ensemble un profil aussi respectable que celui du Pô, assurent nécessairement à ce fleuve un débit considérable. C'est un fait que n'avaient pas manqué d'observer Pline et, avant lui, Polybe[282]. Quant au régime, tous deux en avaient aussi noté les accidents périodiques ; ils savaient que le volume d'eau est partout affecté d'un accroissement énorme à l'époque de la canicule, alors que les rayons d'un soleil ardent fondent les neiges de tous les glaciers des Alpes ; que les pluies des orages transforment en torrents tous les thalwegs de l'Apennin[283]. Aucun fleuve ne s'enfle aussi rapidement[284] ; ses crues sont extrêmement fréquentes[285] ; c'est à la violence de ses débordements qu'était dû, dans l'antiquité, l'état permanent d'inondation de la Cispadane.

Les Romains n'attaquèrent ces célèbres marais[286] et n'entreprirent ainsi l'assainissement de l'Emilie qu'un siècle après la fin de la deuxième guerre punique.

Polybe considérait le Pô comme la rivière-maîtresse de l'Italie[287] ; Strabon, comme le fleuve le plus important de l'Europe après le Danube[288] ; Pline le Naturaliste, comme le plus grand cours d'eau du monde[289]. On lui donnait encore, au VIe siècle de notre ère, le nom, assez risqué, de roi des fleuves[290]. Polybe et Strabon disaient vrai. Quant aux appréciations de Pline et de Jornandès, elles sont singulièrement entachées d'hyperbole, bien excusable de la part de gens de bonne foi que de grands voyageurs n'avaient pas encore renseignés. Ils ne savaient pas, comme nous, que le cours du Nil, par exemple, n'a pas moins de 4.000 kilomètres de développe- ment total ; que le Kongo mesure, à son embouchure, 3 kilomètres de largeur et 400 mètres de profondeur ; que sa vitesse est de 7 kilomètres à l'heure ; son débit, de 50.000 mètres cubes à la seconde. Le fleuve cisalpin n'est plus, auprès de ce géant, qu'un mince filet d'eau vive.

Un fait hydrographique qui n'avait pas échappé à l'observation des anciens, c'est celui de la navigabilité du Pô, et de cette navigabilité en aval de Turin[291]. Polybe mentionne expressément les embarcations fluviales qui étaient en usage au temps de la deuxième guerre punique[292] ; Pline nous apprend, en outre, que ces bateaux marchaient à la voile[293]. Devenus maîtres de la haute Italie, les Romains y entretinrent des forces militaires navales. Le vieil Éridan eut sa flottille[294], comme le Rhin[295], le Danube[296], le Rhône[297], la Saône[298] et la Seine[299]. Cette flottille fluviale, dont la dénomination officielle ne nous est point connue, appuyait évidemment celle du lac de Côme (classis Comensis)[300] ; mais ce qu'il importe d'observer, c'est que les voiles dont elle était formée pouvaient tenir la mer[301] et, par suite, faire partie de la flotte de Ravenne[302]. De Turin à l'Adriatique, ces embarcations trouvaient le long du fleuve une chaîne continue de havres de refuge, dont l'organisation remontait peut- être au temps de la domination étrusque et était, en tout cas, antérieure à celui de la deuxième guerre punique. Ces escales s'appelaient έπίνεια[303] ou emporia[304] ; le plus souvent, elles étaient fortifiées ; dans ce cas, on les désignait sous le nom significatif de castella[305]. Ainsi protégée sur les deux rives, la navigation du Pô fut d'un grand secours aux Romains au moment où ils prirent pied en Cisalpine, c'est-à-dire quelques années avant l'expédition d'Annibal. Depuis cette époque jusqu'à nos jours, son importance militaire n'a pas cessé d'être considérable. C'est par le Pô que, en 1800, l'armée autrichienne, surprise à Turin par nos colonnes du Saint-Bernard, procédait hâtivement à son évacuation[306] ; c'est encore par le Pô que les armées alliées opéraient, en 1859, le transport de leur matériel encombrant.

Les officiers carthaginois qui venaient de faire la reconnaissance du fleuve en avaient soigneusement noté les caractères distinctifs. Le Pô se divise fréquemment en plusieurs bras, comprenant entre eux des îles sablonneuses et boisées, la plupart instables, mobiles, sujettes aux déplacements. Les rives sont unies et plates, à l'exception de celles qui bordent la Stradella, où viennent mourir les derniers empâtements des bases de la chaîne Apennine ; elles sont généralement de niveau, dans la section comprise entre le Tanaro et le Tessin[307]. Ces rives sont complantées de peupliers et d'ormes magnifiques[308], que les poèmes du Ve siècle de notre ère persistent à nous dépeindre chargés de gouttes d'ambre[309].

L'opulence du fleuve était proverbiale[310] : ses eaux roulaient de l'or[311] ; elles nourrissaient plusieurs espèces de poissons de taille gigantesque, parmi lesquelles on appréciait surtout celle de l’attilus, dont un seul individu pesait parfois jusqu'à 337 kilogrammes[312]. A la surface voguaient paisiblement des cygnes[313], comme pour perpétuer le poétique souvenir du drame de Phaéthon[314]. C'étaient de beaux oiseaux aux plumes blanches[315], dont le col élégant, les ailes aux formes harmonieuses, semblaient avoir inspiré le constructeur d'une foule d'embarcations transformées en établissements d'apiculture mobiles. Il est, dit Pline[316], sur les bords du Pô, un village du nom d'Hostilia. Quand les ressources de la flore locale leur font défaut, les habitants embarquent des ruches et, chaque nuit, font remonter à leurs navires ainsi chargés une distance de 5.000 pas (7k,396). Chaque jour, à l'aube, les abeilles sortent pour butiner, puis, le soir, reviennent à bord. On les transporte ainsi d'un point à un autre, jusqu'à ce que, à l'enfoncement du bateau, on juge que les ruches sont copieusement remplies. Alors on rentre au mouillage pour faire la récolte du miel.

Tel était, dans l'antiquité, le fleuve fameux entre tous dont le cours imposant dessine toute la longueur de la haute Italie, du mont Viso jusqu'au rivage de l'Adriatique[317], dont les eaux fertilisent la grande plaine qu'encaissent majestueusement l'Apennin et les Alpes.

Cette plaine magnifique était connue des anciens sous des noms très-divers. Polybe l'appelle Gaule Celtique, Γαλατία, Κελτική, Κέλτια ; le plus souvent, faisant abstraction des conditions ethnographiques du pays considéré, il prend la périphrase : τά περί τόν Παδόν πεδία, la région plane arrosée par le Pô[318]. Pour Strabon, ce territoire est encore la Gaule Celtique, mais une Gaule en deçà des Alpes, ή έντός Άλπεων Κελτική[319]. Au temps de Pline, la dénomination de Gaule persiste encore sous le passeport d'un surnom : la vaste encyclopédie qui porte le nom d'Histoire naturelle mentionne l'Ora Gallica, Togatæ Galliæ cognomine[320]. Il est pourtant avéré que les plaines du Pô n'appartiennent plus alors aux Gaulois, qu'elles font partie intégrante de l'Italie[321]. Aussi voit-on bientôt prévaloir le nom d'Italie Cisalpine, Italia Cisalpina[322], en même temps que la transcription latine de l'expression topographique de Polybe : τά περί Παδόν πεδία, passe en usage sous la forme de Circumpadana, Circumpadane[323].

Pour les Grecs contemporains d'Ératosthène, c'est-à-dire d'Annibal, cette Circumpadane était une terre inconnue[324], à laquelle la renommée attribuait des proportions considérables. De la mer Ligurienne à l'Adriatique, Timagène donnait aux Alpes une longueur de 978.000 pas ; l'historien Cælius, arrondissant ce chiffre, portait la dimension considérée à un million de pas, soit à plus de 1.479 kilomètres[325]. Vers la fin des guerres puniques, les sciences géographiques avaient fait, à cet égard, certains progrès ; aussi le résultat de leurs investigations s'exprimait-il alors d'une façon plus précise. Polybe expose nettement que la Circumpadane affecte la forme d'un triangle[326], dont le sommet serait placé au point de soudure des Alpes et des Apennins, soudure qui se manifeste, à son sens, non loin des bords du golfe du Lion, au-dessus de Marseille[327].

La base serait menée, selon cette manière de voir, le long du rivage adriatique, de Sinigaglia au fond du golfe de Venise[328]. La figure étant ainsi tracée, son côté nord, dessiné par les Alpes, mesure 2.200 stades ou 407 kilomètres[329] ; le côté sud, formé par l'Apennin, 3.600 stades ou 666 kilomètres6 ; la base, enfin, 2.500 stades ou 462 kilomètres 500 mètres[330] ; de telle sorte, dit Polybe[331], que le périmètre de ce grand triangle n'a guère moins de 10.000 stades ou 1.850 kilomètres. Est-il nécessaire de faire ressortir ici l'erreur du grand historien ? Calculée par voie d'addition, la somme des côtés de son triangle n'est que de 1.535 kilomètres 500 mètres ; il se produit ainsi, dans l'évaluation du périmètre, un écart, en dessus, de 314 kilomètres 500 mètres. Strabon suit une autre méthode : fixant à la hauteur de Gênes le point de soudure des Alpes et de l'Apennin[332], il assigne à la vallée du Pô, dont il n'a à ailleurs point déterminé la configuration, une longueur et une largeur de 2.100 stades[333] ou 388 kilomètres 500 mètres. Pline procède encore différemment : prenant, probablement à vol d'oiseau, ses mesures entre le cours du Var et celui de l'Arsa, en Istrie, il trouve que, dans ces limites, l'étendue de la Cisalpine est de 410 milles ou 606 kilomètres[334]. Il ajoute qu'un voyageur partant de l'embouchure du Var, traversant la Ligurie et se dirigeant sur l'Istrie par Turin, Côme, Brescia, Vérone, Vicence, Oderzo, aurait fait, en arrivant sur les bords de l'Arsa, 765 milles, soit plus de 1100 kilomètres[335].

Établies sur des bases diverses, les supputations des anciens ne sont guère comparables. La critique peut d'ailleurs juger du degré d'approximation auquel était parvenu chacun d'eux, si elle met leurs appréciations en regard des données certaines que nous possédons aujourd'hui. Or, la géographie moderne estime que la haute Italie peut être considérée comme affectant en plan la forme d'un demi-cercle, un peu écrasé dans ses parties culminantes. Le diamètre se trace de Gênes à Venise ; le centre se trouve en Emilie, entre Parme et Modène. Dans cet ordre d'idées, le rayon du demi-cercle varie de 260 à 300 kilomètres : 260 de Reggio au Brenner, 300 de Reggio au mont Cenis. La plus grande longueur, du mont Tabor aux Alpes juliennes, est de 650 kilomètres ; la plus grande largeur, du Brenner à l'Apennin, de 340. Il convient, toutefois, d'observer que, en adoptant cette assimilation à une figure semi-circulaire, nous supprimons de la Circumpadane toute la vallée du Pô inférieur, ainsi qu'une notable partie de l'Emilie, dont les anciens n'entendaient point faire abstraction.

Le Pô traverse, de l'ouest à l'est, toute la haute Italie[336], que son cours découpe, de ce fait, en deux zones d'inégale étendue ; la plus large est celle qui touche au pied des Alpes[337]. La grande plaine circumpadane se compose ainsi de deux plaines à pente douce, inclinées : l'une, du nord au sud ; l'autre, du sud au nord. Leur système forme une espèce de grand dièdre, dont le lit du fleuve représente l'arête.

La région de rive droite, assez large dans sa partie orientale, se resserre dans l'ouest, s'étrangle au défilé de la Stradella, pour s'élargir de nouveau à la hauteur d'Alexandrie. Elle est restreinte derechef, en amont de cette place, par les ramifications de l'Apennin ligurien et des Alpes maritimes, ainsi que par le massif des collines du Montferrat.

La plaine de rive gauche, qui commence au pied des Alpes cottiennes, s'élargit graduellement jusqu'à la Sesia. Au delà de cet affluent, sa largeur conserve une valeur moyenne de 50 à 60 kilomètres. Le maximum, 80 kilomètres, se rencontre à hauteur du lac Majeur.

Symétriquement situées par rapport au fleuve, les deux zones ont été dites Cispadane et Transpadane[338]. Mais il convient d'observer que ces deux dénominations n'ont pas toujours eu, dans l'antiquité, la signification étendue que nous leur attribuons. Ainsi, Pline, qui écrit fréquemment le nom de Transpadane[339], n'entend désigner ainsi que la XIe région de l'Empire[340], laquelle se limitait à l'Adda.

Le sol de la Circumpadane est tout entier de formation diluvienne ; il n'a jamais cessé, par conséquent, de s'enrichir des dépouilles de la grande ceinture cylindrique formée par le système des Alpes et de l'Apennin. Il a reçu des parcelles de toutes les roches qu'ont délavées les eaux du ciel, depuis l'époque des grands soulèvements jusqu'à nos jours. Sujette à de fréquentes commotions séismiques[341], la région montagneuse de la haute Italie renferme nombre de sources thermales, dont l'art médical savait déjà tirer parti au temps de Pline et de Strabon[342]. On y trouve, en fait de métaux, quantité de gisements[343]. Les anciens y exploitaient les célèbres mines d'or de Verceil et d'Aquilée[344], les mines de cuivre de Bergame[345], tant estimées du monde industriel. Pline mentionne aussi de riches carrières : celles des pierres vertes de Côme, des pierres blanches de Vénétie[346], etc.

Aucun pays du monde n'est aussi bien arrosé que la haute Italie.

Partout des sources fraîches, des lacs profonds et calmes, de larges rivières aux eaux vives et limpides[347] ; partout des champs imprégnés d'une précieuse humidité[348]. Ces champs, que fécondent aisément les rayons du soleil, constituent en leur ensemble un opulent territoire, dont Caton préconisait les merveilleuses conditions d'exposition, attendu, disait-il, qu'il s'étend au pied des montagnes et regarde le midi[349]. Dans ce pays magnifique, la température variait un peu suivant les localités[350] : en Cispadane, l'atmosphère se chargeait quelquefois de brumes ; au temps de l'expédition d'Annibal, l'air s'y refroidissait outre mesure au contact des marais de l'Emilie[351]. En général, le climat était tempéré. La brise des montagnes, tamisée par les bois, rendait le pays singulièrement salubre ; les clémences de l'hiver, les orages de l'été, hachés de violents coups de foudre, y produisaient des alternances régulières d'automne et de printemps[352]. Sous ce bienheureux ciel, qui faisait de la Circumpadane un véritable Éden, il se produisait des cas de longévité extraordinaire, principalement parmi les habitants de Plaisance, Velleia, Parme, Bologne, Fænza et Rimini. Un recensement de population opéré sous le règne de Vespasien permit de compter, en Cispadane seulement, 54 centenaires, 25 individus âgés de 110 à 140 ans, et même deux de 150 ans[353].

Cette terre privilégiée de la haute Italie n'est pas seulement dotée de tous les biens prescrits par l'hygiène ; elle est d'une fécondité qui dut étonner les explorateurs carthaginois. Polybe[354], Tite-Live[355], Strabon[356], Pline[357], Plutarque[358], Tacite[359], tous les écrivains de l'antiquité grecque et romaine, semblent s'être concertés pour célébrer en termes pompeux cette fertilité merveilleuse. La plaine du Pô, disent-ils, est sans égale en Europe, pour l'opulence, l'étendue, la splendeur ; pour la variété, la saveur, l'excellence des produits exportés ou consommés sur place. L'homme tire sans efforts, de ce sol extraordinaire, ses aliments et ses plaisirs ; l'existence, si dure, si pénible en tous pays, est là séduisante, douce, délicieuse.

La puissance productrice de cette région magnifique ne s'est point démentie depuis l'antiquité. Chantée par les poètes du moyen âge et de la Renaissance[360], elle fait encore aujourd'hui l'admiration de l'étranger. C'est elle qui, après le désastre de Novare, a permis à l'illustre Cavour de procéder sûrement à la réorganisation de son pays.

Au temps des guerres puniques, l'Italie passait déjà pour être, par excellence, le pays des céréales[361] ; aucun blé ne pouvait se comparer au sien, tant celui-ci avait de poids et d'éclat. Heureux pays ! avait depuis longtemps dit Sophocle en sa tragédie de Triptolème, heureuse Italie, que son froment rend éblouissante de blancheur ![362] La Circumpadane avait, à cet égard, droit à la majeure part de louanges ; les Romains appréciaient surtout les récoltes des plaines de Casteggio[363]. Le fait de la supériorité des produits était dû, en tout territoire, à l'usage, universellement répandu, de méthodes de culture perfectionnées. Les riverains du Pô ne ménageaient point les fumures, dont l'emploi judicieux leur avait été, dit-on, révélé par Hercule[364] ; souvent, au fumier brut de l'étable ils préféraient les cendres du fumier, dont ils avaient préalablement opéré la combustion lente. La légèreté de l'engrais ainsi obtenu leur semblait particulièrement favorable à la régénération d'un sol épuisé[365]. Les moissonneurs se servaient d'une faux particulière, extrêmement courte, très-maniable, même au milieu des ronces ou des chardons ; ils l'aiguisaient sur des pierres du pays, qu'il leur suffisait de lubrifier par le moyen de l'eau[366]. Ces procédés, bien employés, concouraient à produire de copieuses récoltes ; l'abondance était telle que, du temps de Polybe[367], un médimne, c'est-à-dire une mesure de plus de trente-sept litres[368] de froment, ne valait que quatre oboles ou soixante centimes de notre monnaie. Pareille mesure d'orge ne se payait que deux oboles ou trente centimes !

La campagne était admirablement boisée ; on ne voyait, de toutes parts, que forêts magnifiques[369]. En Emilie, par exemple, on vantait, à bon droit, les richesses merveilleuses de la belle forêt Litana[370].

Transpadane et Cispadane étaient pareillement complantées d'ormes, de peupliers, de frênes, de charmes, de saules, de tilleuls ou de larix, de chênes, de figuiers, d'oliviers, de cornouillers ou d'érables. Ces deux régions jumelles semblaient former ensemble la terre d'origine de toutes les essences forestières[371] ; il y poussait aussi plusieurs espèces d'arbustes, tels que le henné ou troëne[372], le câprier[373] et même une sorte de poivrier[374]. Tout, en un mot, à l'exception du chêne-liège[375], se rencontrait alors dans la haute Italie.

Les agents d'Annibal n'en croyaient pas leurs yeux. Ce qui n'étonnait pas moins leurs regards, c'étaient les résultats qu'obtenait en tous lieux l'art avancé de la viticulture. Les anciens Cisalpins pratiquaient déjà, en effet, les méthodes originales dont l'usage frappe, encore aujourd'hui, les yeux du voyageur. Ils donnaient pour tuteurs à leurs ceps des arbres dont les branches, habilement disposées en éventail ou en cône, se mariaient gracieusement aux pampres[376]. En Transpadane, c'était autour des rameaux de l'acer opalus que s'enroulaient les hélices vermeilles chargées de grappes ; en Emilie, c'était le tronc de l'orme atinie que les verts sarments embrassaient[377]. Les gens du district de Novare faisaient courir leurs vignes d'un arbre à l'autre en soutenant, à l'aide de longs échalas en forme de fourches, les opulentes guirlandes tissues de feuilles et de raisins[378]. Les vignobles rhétiques des environs de Vérone étaient particulièrement célèbres ; leurs produits se consommaient à l'état de raisins secs[379] ; mais on en faisait aussi des vins fort goûtés de Virgile. Seul, disait le poète[380], le célèbre falerne peut soutenir avec eux quelque comparaison.  Les vins de Modène[381], ceux des côtes de l'Adriatique, principalement le Prœcianum, étaient également fort estimés[382]. La vendange de chaque automne était si plantureuse[383], que, du temps de Polybe, un métrète, c'est-à-dire une mesure de vin de plus de vingt-deux litres, ne se vendait que trente centimes[384] ; et que, pour loger leurs récoltes, les vignerons étaient tenus de fabriquer des foudres plus grands que des maisons[385].

Outre la vigne et les céréales, la Circumpadane était riche de mille produits divers : le panic, le mil, les poix[386], le lin[387], la garance[388], l'absinthe amère[389], des simples de toute espèce, y faisaient déjà l'admiration des Grecs contemporains d'Eschyle[390]. Ses gras pâturages étaient couverts de troupeaux de bœufs à large encolure, de moutons à longs poils[391]. Les laines de Modène et de la vallée du Panaro étaient de qualité supérieure ; celles de la Ligurie et du Milanais, ordinairement plus rudes au toucher, servaient à la confection des vêtements communs ; les toisons de Padoue se vendaient comme matière première des tapis et des couvertures[392]. La race chevaline comptait, dans les pâturages, presque autant de têtes que les races ovine et bovine. C'étaient les habitants de la Vénétie qui s'adonnaient surtout à l'élève du cheval ; ils avaient d'immenses haras, d'où sortaient des poulains, des mulets, des juments lycophores, c'est-à-dire portant pour marque une figure de loup ; ces magnifiques bêtes étaient du plus haut prix[393]. Les bois n'étaient pas moins peuplés que la prairie, car les représentants de la race porcine trouvaient une nourriture facile au pied des chênes séculaires qui jonchaient le sol de leurs glands. Les hordes de porcs y étaient si nombreuses, si denses, que, après avoir pourvu à tous les besoins des Cisalpins, la chair de ces animaux pouvait encore suffire à l'alimentation de Rome, ainsi qu'à la subsistance de ses armées[394]. Les agents d'Annibal n'avaient pas été peu surpris de la précision avec laquelle les porchers indigènes conduisaient leurs troupeaux à l'aide d'une trompe ou cornet à bouquin, que Polybe désigne sous le nom de βυκάνη[395]. Les eaux des fleuves, des rivières et des lacs renfermaient autant de richesses que des terres giboyeuses ; les quartiers les plus poissonneux étaient ceux du confluent du Pô et du Tanaro[396], du lac Majeur, du lac de Côme[397]. En un mot, l'abondance de toutes les substances comestibles était telle que le mot parcimonie ne pouvait avoir aucune espèce de signification pour les gens de la Circumpadane, et qu'un voyageur était hébergé dans une de leurs hôtelleries à raison d'un quart d'obole par jour, c'est-à-dire de moins de quatre centimes de notre monnaie[398].

Les explorateurs carthaginois, en cherchant à compléter les renseignements ethnographiques qu'ils avaient pris au début de leurs opérations (voy. liv. III, chap. IV), apprirent de bonne source que les premiers peuples italiotes dont la tradition ou l'histoire fît mention étaient des Sikels ou Sicules[399], c'est-à-dire des Imazir'en, descendants de l'homme blanc quaternaire[400]. Ces allophyles ne s'étaient vraisemblablement fixés sur les rives du Pô[401] qu'après y avoir exterminé les races noires brachycéphales qui les occupaient aux temps primitifs. Les Sikels de la Cisalpine, heurtés à leur tour par d'impétueux courants humains, eurent à résister : du XLe au XXe siècle, au choc des invasions âryennes ; au XVIe, à celui de l'invasion ligure. Ils tinrent bon contre ces poussées formidables, mais non sans pertes et sans fatigue. Au XIVe siècle, au moment de l'invasion des Ombres, ils étaient épuisés. Incapables désormais de lutter contre de nouveaux envahisseurs, ils franchirent l'Apennin pour s'établir dans la Péninsule[402], qu'ils descendirent peu à peu suivant toute sa longueur, du nord au sud. Au temps d'Homère, ils étaient maîtres des deux Calabres[403], qu'ils finirent par abandonner pour passer en Sicile[404].

C'est, nous venons de le dire, au cours du XVIe siècle avant notre ère que les Ligures firent irruption dans la haute Italie, alors occupée par des Sikels et des Celtes. Les écrivains de l'antiquité romaine savaient que l'origine de ces Ligures se perdait dans la nuit des âges[405]. En insérant leur nom dans ses poèmes, Hésiode avait dit qu'ils menaient une vie nomade et qu'ils se nourrissaient du lait de leurs juments[406]. De quelle race étaient-ils ? Eux-mêmes l'ignoraient[407]. Quelques ethnographes les croyaient Hellènes[408] ; d'autres les disaient Celtes ; mais, comme le fait judicieusement observer Strabon[409], on voyait facilement qu'ils n'étaient point de sang celtique. Une telle opinion n'avait pu prendre cours qu'à raison de ce fait incontesté : que les populations ligures avaient primitivement occupé les vallées du Rhône[410] et de la Loire[411].

Antérieurs aux Aryens, c'étaient aussi des allophyles. Venaient-ils de ces régions interocéaniques qui furent submergées à l'aurore des premiers temps de l'histoire ? C'est ce qu'il serait téméraire d'affirmer ; mais il paraît hors de doute que, lors de leur apparition sur les rivages de l'Europe occidentale, ils eurent à en disputer le sol aux races noires brachycéphales. C'est vraisemblablement à la main de ces Ligures qu'est due la chaîne de monuments mégalithiques qu'on voit se dérouler le long des côtes occidentales de l'Afrique, de l'Espagne, de la France et de l'Irlande. Transplantés de la vallée du Rhône dans la vallée du Pô, les Ligures du XVIe siècle tendirent à prendre entière possession de leur nouvelle patrie ; mais, les Sikels leur tenant vigoureusement tête, ils ne purent dépasser, à l'est, le Tessin et la Trebbia. Le système de ces deux cours d'eau forma, de ce côté, leur ligne de défense ; ils l'appuyèrent des places de Pavie et de Plaisance, dont on leur attribue la création[412].

Après le nom des Sikels et des Ligures, les agents d'Annibal entendirent prononcer celui des Ombres. Tout en donnant de cet ethnique une étymologie bizarre[413], les Grecs et les Romains s'accordaient à reconnaître la haute antiquité de la race[414]. Mais cette race, quelle en était l'origine ? Ils ne se prononçaient point à cet égard. De nos jours, la question a soulevé des discussions interminables[415] : les disciples d'Amédée Thierry[416] font de la nation des Ombres une branche de la grande souche celtique ; Lange[417] et Contzen[418] prétendent, au contraire, non sans aigreur, que l'élément celte n'a jamais joué le moindre rôle dans les formations ethnographiques de l'Italie. Suivant Rosa et Micali[419], qui basent leur appréciation sur des données tirées d'une longue série d'observations philologiques, ces Ombres, qui ne sont certainement ni des Celtes, ni des Etrusques, offriraient quelque analogie avec les Oskes (Euskes), les adversaires tenaces des successeurs de Romulus[420]. A ce compte, nous serions là encore en présence d'une population allophyle, ayant pour ascendant l'homme blanc quaternaire. En tous cas, on voit que cette nation primitive, à laquelle est due une part du peuplement de l'Italie, remonte à des temps très-reculés. Elle apparaît au XIVe siècle sur les rives du Pô inférieur, en expulse les Sikels[421] et s'établit en leur lieu et place, le long des rivages de l'Adriatique[422].

Ainsi les couches ethnographiques fondamentales de la haute Italie sont formées d'éléments Sikels (Imazir'en), Celtes, Ligures et Ombres (Euskes). Au XIe siècle avant notre ère apparaît un élément nouveau, celui de la race Tyrrhénienne. D'où viennent ces immigrants, dont le poète Hésiode connaît déjà le nom[423] ? L'antiquité, à l'exception d'un seul écrivain[424], leur attribue une origine asiatique. Hérodote nous les donne pour des Lydiens qui, s'étant embarqués à Smyrne, auraient pris pied en Italie par le rivage oriental. Là, s'établissant à demeure, ils auraient renoncé à leur nom national, pour s'appeler Tyrrhènes[425], du nom du chef de la migration[426]. Malgré ce témoignage si formel du Père de l'histoire, il est chez les modernes une école qui persiste à doter la race tyrrhénienne d'une origine boréale, à la faire descendre du nord de l'Europe et arriver en Italie par les cols des Alpes rhétiques[427]. Nombre de savants italiens ont fait justice de cette opinion préconçue ; ils ont victorieusement démontré que le fait de l'ascendance lydienne, si bien admis par l'antiquité, se confirme chaque jour à la comparaison des produits de l'art étrusque et de l'art asiatique[428].

Donc les Lydiens venus de Smyrne avaient pris en Italie le nom de Tyrrhènes ; les Romains ne tardèrent pas à leur donner le sur- nom d'Étrusques ou de Toskes[429]. Quelle peut être la signification exacte de cette désignation nouvelle ? Faut-il y voir, avec Pline, le souvenir d'une liturgie originale[430] ? Nous croyons être plus près de la vérité en y distinguant les traces d'une épithète injurieuse, infligée aux conquérants par la population vaincue[431].

Ayant pris pied dans les régions de la Péninsule qu'on appelle aujourd'hui l'Ombrie et la Toscane, les Étrusques y attaquèrent résolument les Ombres, leur enlevèrent trois cents forteresses[432], établirent solidement leur puissance sur les ruines du pays conquis, finalement expulsèrent ceux des vaincus[433] qui dédaignèrent leur alliance. Cela fait, les conquérants de l'Italie centrale jetèrent les yeux sur la Circumpadane, en soumirent les habitants[434] et parvinrent à faire prévaloir leur domination sur les deux rives du Pô[435], qu'ils couvrirent de leurs colonies, à l'exception toutefois du pays des Vénètes[436]. Bologne, dite alors Felsina, devint la capitale de l'Etrurie circumpadane ou Nouvelle-Étrurie ; Parme, Modène, Atria, Mantoue, en furent les villes les plus florissantes[437]. Tite-Live nous apprend que, au temps de l'apogée de leur puissance, les Étrusques étaient maîtres de toute l'Italie depuis le pied des Alpes jusqu'au détroit de Messine[438]. C'est là de l'exagération, au moins en ce qui concerne les possessions de la Cisalpine ; il n'est pas probable qu'ils aient eu raison des Ligures ni, par conséquent, qu'ils se soient étendus à l'ouest du Tessin et de la Trebbia[439].

L'alliance des Étrusques de la Toscane et des Ombres de l'Ombrie devait s'affirmer sur le revers septentrional de l'Apennin ; les Étrusques et les Ombres de la Circumpadane s'unirent pour former une ligue dans laquelle la Ligurie fut appelée à entrer. La grande vallée du Pô devint ainsi le domaine d'une vaste confédération Ombro-Étrusco-Ligure[440]. Mais le système politique si bien cimenté en apparence entre trois peuples de races différentes était destiné à subir les effets d'une prompte désagrégation. Amollis par l'opulence et les plaisirs, les Étrusques de la Cisalpine s'endormirent dans le repos d'une trop longue paix. Étrangers désormais aux vertus militaires qui avaient fait la gloire de leurs ancêtres[441], il leur fut impossible de résister à la violence des invasions gauloises, principalement de celles du VIe siècle. Bellovèse et ses compagnons, dont nous connaissons les exploits, s'emparèrent donc sans grands efforts de l'Étrurie circumpadane[442]. Chassés, traqués, dépossédés de leurs richesses, les vaincus cherchèrent asile, partie dans les places fortes qui tenaient encore, partie dans le Tyrol italien et les Alpes rhétiques. Quelques-uns, gagnant l'Apennin, trouvèrent un refuge chez les Ligures, avec lesquels ils fusionnèrent[443].

Cependant, après avoir dévasté toute l'Étrurie circumpadane, à l'exception de Mantoue[444], les Gaulois se trouvèrent en présence des Ombres, qui les attaquèrent[445], non en vue de prêter à leurs alliés un suprême secours, mais pour essayer de sauver leur propre indépendance. Ces Ombres cisalpins disputèrent pied à pied leur terrain aux envahisseurs, relevèrent les colonies étrusques, organisèrent un grand nombre de colonies nouvelles et crurent pouvoir ainsi rétablir leur fortune[446]. Leurs efforts désespérés devaient être infructueux : à leur tour, ils furent emportés par la tourmente, entraînés loin des rives du Pô[447], noyés sous des flots de Cénomans, d'Anamans, de Salyes, de Boïes, de Sénons, de Lingons, flots qui, roulant les uns sur les autres, finirent par couvrir la Circumpadane d'une nappe ethnographique à peu près uniforme. Toutefois, les Étrusques et les Ombres ne furent pas totalement détruits ou dispersés : il en subsista des débris ; on en vit, çà et là, émerger quelques îlots au-dessus du niveau d'un océan barbare, comme les témoins d'une vieille civilisation engloutie[448]. Au cours de ces luttes séculaires, il n'était plus, on le comprend, question de ligue Ombro-Etrusco-Ligure : deux des nations confédérées avaient disparu ; mais la troisième, celle des Ligures, s'était préservée de la ruine en abandonnant ses alliés[449], en s'isolant pour occuper des positions inexpugnables au cœur de ses âpres montagnes.

On voit de combien de courants, de remous, de chocs de toute nature les populations cisalpines avaient déjà subi l'action au temps de la deuxième guerre punique ; leur situation ethnographique n'était qu'une résultante de broiements et de mélanges, de fusions et d'éliminations, de triturations et de combinaisons multiples. Mais quelle était exactement alors la distribution de ces populations ? C'est ce dont il importait de se rendre compte.

Bornant donc leur étude historique à la recherche des documents que nous venons de rapporter, les officiers carthaginois s'empressèrent de procéder à l'exploration du pays, en commençant par la Transpadane. Là, au pied des Alpes cottiennes, ils rencontrèrent d'abord la confédération des Taurini ; puis, à la suite, dans la montagne, les Rhœti, les Carni ; dans la plaine, les Libici et Lai, les Insubres, les Cénomans et les Vénètes. Il n'est pas facile de déterminer exactement les limites du territoire de ces diverses populations au temps de l'expédition d'Annibal, et ce à raison de leur extrême mobilité politique, de leurs rivalités incessantes, de leur humeur belliqueuse, de leur tendance aux empiétements, par conséquent, de l'instabilité de leurs frontières. Ce travail de délimitation doit néanmoins être abordé.

La confédération Taurine comprenait, ainsi que nous l'avons dit (liv. V, chap. II et III), six peuplades distinctes : les Taurini proprement dits, les Segusini, les Salassi, les Ictimuli, les Lepontii, les Agoni, Agauni ou Euganei.

Les Taurini proprement dits occupaient le pays situé entre le Pô, l'Orco et la cime de la partie des Alpes correspondant au secteur dessiné par ces deux fleuves[450], ou, si l'on veut, tout le revers italiote de la région cottienne[451]. Suivant l'usage alors généralement établi, ils n'avaient qu'une seule place forte, qui leur servait de capitale[452] ; cette ville, c'était Turin[453]. On la voyait assise au pied même des Alpes[454] ; là, elle occupait un terrain qui, à l'ouest et au sud, s'étendait horizontalement jusqu'à perte de vue, mais qui, à l'est et au nord, avait pour soutènements deux talus roides dont les crêtes rectilignes étaient menées parallèlement aux lits du Pô et de la Dora Riparia, à la distance d'environ un kilomètre[455]. (Voy. la planche X.)

Les Taurini avaient fondé dans la Dora la brillante colonie de Suze[456], et Carlo Promis donne le nom de Segusini aux habitants de cette vallée[457] ; cependant Strabon nous fait expressément connaître que les rives de la Dora appartenaient aux Salassi[458]. Et il faut observer, à ce propos, que le géographe grec, toujours si consciencieux, si sûr de lui, ne fait nullement confusion entre les deux Dora ; qu'il entend bien parler de la Riparia, dont les sources sont, dit-il, symétriquement opposées à celles de la Durance[459]. Comment expliquer ce dire, sinon par cette considération que les populations cisalpines étaient essentiellement agitées, turbulentes, et que, à une époque difficile à déterminer, les Segusini ont été dépossédés de la Riparia par leurs voisins les Salassi ? Le nom des habitants de la vallée de Suze n'apparaît, d'ailleurs, dans l'histoire qu'au temps du roi Donnus, c'est-à-dire de César[460] ; mais il est vraisemblable que, au début de la deuxième guerre punique, la vallée était déjà gardée par une forteresse importante[461] ; que les Carthaginois, par conséquent, n'ont pu raisonnablement songer à opérer par cette voie leur descente en Circumpadane.

Les Salassi, de sang taurin[462], étaient établis vers le milieu de la grande courbe que dessine la chaîne des Alpes occidentale[463], et occupaient ainsi toute la vallée de la Dora Baltea, entre le petit Saint-Bernard et le Pô ; ils possédaient dans cette région la plaine et la montagne[464]. Riches, puissants, d'humeur assez indépendante, on les savait, de plus, singulièrement enclins aux déprédations[465].

Après les guerres puniques, Brutus, Messala et César eurent à souffrir de leurs brigandages. C'est à grand'peine qu'Auguste en eut raison ; mais enfin Varron sut les soumettre[466], et le nom des Salassi put figurer en l'inscription du Trophée des Alpes[467].

Les principaux centres de population des Salassi étaient Aoste, Ivrée, Chivasso et Bodenkmag. Située près de la cime des monts, à l'intersection des débouchés du grand et du petit Saint-Bernard[468], Aoste, ultérieurement occupée par les Romains sous le nom d’Augusta Prœtoria, préexistait vraisemblablement au temps de l'expédition d'Annibal. Il en était de même d'Ivrée, que les Romains n'occupèrent que l'an 100 avant notre ère, pour opposer une barrière aux incursions des Salassi[469]. En prenant possession de ce poste important, ils lui conservèrent son nom primitif, qui rappelle le talent des Cisalpins dans l'art du dressage des chevaux[470].

Il n'est fait mention de Chivasso en aucun document historique venu de l'antiquité ; mais l'heureuse situation de ce point, l'originale physionomie du nom qu'il porte, tout semble indiquer qu'il n'a pas manqué d'être occupé par les premiers habitants de la Cisalpine[471]. Établi sur la rive gauche et non loin de l'embouchure de l'Orco, cet oppidum si bien placé devait être en la possession des Salassi.

Après Chivasso, les explorateurs carthaginois reconnurent le centre de population connu sous le nom de Bodenkmag, nom bizarre qui, dans la langue du pays, avait la signification de ville des bords du Pô[472]. La ville occupait effectivement, sur la rive droite du fleuve, une portion de territoire ligure et se trouvait située en face du confluent de la Dora Baltea[473]. Soigneusement fortifiée par les Taurini, sa situation même en faisait un précieux oppidum[474], dont, plus tard, les Romains ne manquèrent point d'apprécier la valeur. La ville, lors de l'occupation romaine, échangea son vieux nom cisalpin contre celui d'Industria, que Pline mentionne expressément[475], et dont Carlo Promis a retrouvé deux précieux souvenirs épigraphiques[476].

La confédération Taurine avait primitivement pour frontière la ligne de la Dora Baltea, solidement appuyée de la forteresse fédérale de Bodenkmag. Mais, à la suite d'événements depuis longtemps oubliés par l'histoire, quelques-unes des tribus dont elle était formée franchirent cette ligne de la Baltea pour s'étendre vers les régions montagneuses de l'est, où elles s'établirent à demeure. Ces peuplades étaient celles des Ictimuli, des Lepontii et des Agauni ou Euganei.

D'où vient ce nom bizarre d'Ictimuli ? Cluvier y trouve la désignation d'un emplacement d'étables à mules appartenant à quelque grand personnage du nom d'Ictus[477] ; Mombrizio, le souvenir d'un combat engagé par les troupes d'Annibal contre un corps de quinze mille Gaulois[478]. Ces deux étymologies sont éminemment puériles. L'interprétation de Durandi, bien que fort ingénieuse, n'est pas pour cela plus plausible : il est vraisemblable, disait le grand érudit[479], que les Ictimuli furent ainsi nommés à raison de leur aptitude au travail des mines, de leur adresse à battre de coups multiples la roche aurifère dont l'exploitation leur était confiée.

Quant aux explorateurs carthaginois, ce nom, sujet de tant de discussions philologiques, pouvait leur rappeler celui d'une ville d'Espagne dont ils avaient formé le siège, et qu'ils avaient emportée comme Sagonte[480]. On est en droit de conclure de là que l'origine du mot Ictimuli, dont la signification nous échappe, était essentiellement celtique.

Ce nom ne désignait pas seulement, ainsi qu'on a pu le croire, une montagne, un village, mais bien l'ensemble de tout un district[481]. C'était celui d'une peuplade que mentionnent Tite-Live, Strabon et Pline[482], peuplade qui s'était fixée dans les cantons aurifères du Vercellois[483]. Durandi donne du territoire de ces chercheurs d'or des limites précises, mais assez compliquées[484], auxquelles il convient de préférer celles de Carlo Promis, qui sont plus simples.

Nous dirons donc avec l'illustre archéologue[485] que les Ictimuli occupaient la région comprise entre la Dora Baltea et la Sesia ; qu'ils s'élevaient, à partir de la plaine, jusque dans le pays montagneux qu'arrosent le Cervo et l'Elvo. Leur capitale était Santhia[486].

La question d'origine des Lepontii a donné lieu à de longues discussions ethnographiques. Caton l'Ancien les croyait de sang taurin[487], mais Strabon admet expressément le fait de leur consanguinité avec les Rhœti[488], lesquels n'étaient, comme on va le voir, qu'une épave de la nation étrusque submergée sous le flot des invasions gauloises. D'autres commentateurs, probablement contemporains de Pline, attribuent aux Lepontii certaine affinité avec les Grecs, et leur donnent pour ancêtres ceux des compagnons d'Hercule qui s'étaient fixés en Italie, à la suite de l'expédition de leur chef. Nous admettons, avec l'éminent Carlo Promis[489], l'opinion de Caton, à savoir que, selon toute vraisemblance, les populations lépontiennes étaient de race taurine. Toujours est-il que leur territoire commençait au pied des montagnes situées à l'ouest de la ville de Côme[490], s'élevait jusqu'au sommet du versant sud des Alpes, et passait sur le revers nord, pour comprendre entre ses limites les sources du Rhin et celles du Rhône. Ainsi, les Lepontii étaient maîtres de la vallée de la Sesia, du val Leventina (haut Tessin), d'une portion du haut Valais[491]. Ces fiers montagnards perdirent un jour leur indépendance ; domptés par les généraux d'Auguste[492], ils virent leur nationalité ruinée sous la domination d'Auguste romaine ; mais leur nom, loin de s'éteindre, s'est perpétué jusqu'à nos jours. L'indication des Alpi lepontine (Alpes lépontiennes) figure encore sur les cartes de l'Italie moderne.

Le mot Euganei ou Agauni, dont les étymologistes ont si longtemps cherché le sens, implique vraisemblablement la signification de peuple habitant des montagnes rocheuses[493]. Quoi qu'il en soit, on sait que, à l'aurore des temps historiques, le peuple de ce nom occupait la région qui s'étend entre l'Adriatique et les Alpes[494], et possédait ainsi, non-seulement le revers italiote de la chaîne[495], mais encore une large part des plaines circumpadanes[496]. Sa puissance était donc alors considérable : il n'avait pas, suivant Caton l'Ancien, moins de trente-quatre oppida ou villes fortes, parmi lesquelles figuraient Vérone et Stenico ; celle-ci était la capitale[497]. Tite-Live nous apprend qu'un jour vint où les Euganei furent violemment dépossédés de leur territoire par des Troyens et des Vénètes[498]. Il serait assurément difficile de prononcer en dernier ressort sur ce point délicat, mais il faut reconnaître que le démembrement de la puissance euganéenne constitue pour la science un fait incontestable. Au temps de la deuxième guerre punique, ce peuple, qui avait été maître de la Cisalpine, n'était plus qu'une ombre de nation confinée sur les rives du lac d'Orta et le flanc des Alpes novaraises[499]. Toutefois, cette décadence n'a pas eu pour effet d'effacer en tous lieux un nom national demeuré longtemps illustre ; ce nom subsiste encore, porté par les hauteurs euganéennes, colli euganei.

A la suite et à l'est des Lepontii, se trouvaient les Rhœti, peuple de sang étrusque[500], occupant la partie du revers méridional des Alpes comprise entre les méridiens de Côme et de Vérone[501]. Au sud, ils touchaient aux Insubres ; au nord, ils s'élevaient jusqu'à la cime des monts qui leur doivent le nom d'Alpes rhétiques, Alpi rezie[502]. L'ethnique Rhœti servait d'ailleurs à désigner d'une manière générique nombre de clans montagnards, débris des populations primitives[503], parmi lesquels les anciens distinguaient : les Vennones[504], habitants du Vintschgau ou vallée du haut Adige ; les Camuni[505], occupant le haut Oglio, dont la vallée s'est dès lors appelée val Camonica ; les Stoni (Stenico)[506], établis dans la Giudicaria, vallée du haut Chiese ; les Tridentini (Trentin)[507], fixés sur l'Adige inférieur et qui, eux aussi, donnaient leur nom aux régions montagneuses dont ils étaient les maîtres[508].

A l'est des Rhœti, les Carni occupaient la partie du Tyrol italien sous-jacente au Brenner[509] et la section de la chaîne qui, du fait de leur occupation prolongée, a pris le nom d'Alpes carniques, Alpi carniche[510]. Au sud, le pays des Carni[511] confinait à celui des Vénètes ; au nord, à la région Bavaroise[512]. La plus importante des peuplades comprises dans ces limites était celle des Breuni[513], dont Brunecken était le chef-lieu.

La plupart des clans rhétiques et carniques ne passèrent sous la domination romaine qu'au temps de Tibère[514]. Ils étaient formés de gens à demi sauvages, fort misérables et ne vivant guère que de brigandages[515]. L'armée carthaginoise n'avait heureusement point à s'exposer à la férocité de ces montagnards ; elle devait opérer dans la plaine et, en conséquence, les explorateurs d'Annibal s'attachèrent principalement à l'étude ethnographique des populations riveraines du Pô. Au sortir du territoire de la confédération des Taurini, territoire qui s'étendait, nous l'avons dit, jusqu'à la Baltea, ils rencontrèrent les clans des Libici et des Lai ou Lœvi[516]. Ceux-ci étaient d'origine ligure[517], tandis que les premiers descendaient des Gaulois Salyes[518].

Les Libici avaient pour limites : à l'ouest, le territoire des Salassi, c'est-à-dire la Dora Baltea ; à l'est, le Tessin ; au nord, le pied des Alpes ; au sud, enfin, le cours du Pô[519]. Les Lœvi habitaient les environs de Pavie ou, plus exactement, la région comprise entre le Tessin inférieur et l'Agogna. Ce magnifique territoire, arrosé sur son pourtour par trois grands cours d'eau vive, était dit, de leur nom (Lai), Lomelline[520]. En somme, la région occupée par ces deux peuples correspondait aux pays que l'on nomme aujourd'hui Vercellois, Novarois, Pavesan[521]. Leurs principaux centres de population étaient Carbantia, Verceil, Novare et Pavie. Carbantia était située à 50 milles ou environ 74 kilomètres de Turin[522], sur la rive droite de la Sesia, non loin du confluent de cette rivière avec le Pô ; c'était probablement un ancien oppidum amazir, tombé ultérieurement au pouvoir des premiers envahisseurs gaulois[523]. Verceil avait été fondée par les Salyes sur le théâtre même de leurs luttes avec les Celtes des premières invasions[524]. Novare devait son origine à la main d'une bande de Voconces venus des bords du Drac[525]. Pavie, enfin, avait été bâtie par des Ligures[526]. Les gens du Vercellois, du Novarois et de la Lomelline étaient parfois compris sous la dénomination générique d'Insubres, à raison de leur état de dépendance relativement à ceux-ci, dont ils se reconnaissaient les clients[527]. C'est dans ce sens qu'il faut entendre les textes aux termes desquels les Taurini se trouvaient limitrophes des Gaulois Insubres[528].

Les Insubres ou Isombres étaient, comme on le sait, d'origine gauloise ; ils descendaient des compagnons de Bellovèse. Confinant à l'ouest aux Lai et aux Libici, à l'est aux Cénomans, ils occupaient tout le pays compris entre le Tessin et le Chiese[529]. Au sud, ils avaient pour limite la rive gauche du Pô[530] ; au nord, le territoire des Rhœti[531]. Les Insubres, qui formaient l'une des plus puissantes nations cisalpines[532], avaient pour capitale Milan[533]. Cette ville, fondée par eux[534], était déjà considérable et singulièrement populeuse[535]. Les explorateurs carthaginois en admirèrent l'état florissant, plein de promesses pour l'avenir.

De même que les Insubres, les Cénomans étaient de sang gaulois. Venus en Italie à la suite du brenn Elitovius[536], ils étaient établis au sud du lac de Garde, entre Brescia et Vérone. Brescia fut leur capitale[537]. Il est, d'ailleurs, indispensable d'observer que les limites de leur territoire ne demeurèrent pas invariables : resserrés entre les Insubres et les Vénètes[538], le tracé de leurs frontières eut plus d'une fois à subir de notables modifications. Au temps de Polybe, leurs possessions ne commençaient qu'à la rive gauche du Chiese[539], et il est vraisemblable qu'ils ne dominèrent pas longtemps jusqu'à l'Adige, puisque la Vénétie s'étendait jusqu'à la rive gauche du Mincio[540]. Dans ces conditions, leur chef-lieu devait se trouver aux environs de Solferino, plutôt qu'à Brescia.

La question d'étymologie du nom de ces Vénètes, qui occupaient la région comprise entre le cours du Mincio et les côtes de l'Adriatique[541], soulevait chez les anciens de graves discussions ; quelques philologues découvraient un sens honorifique là où l'on ne doit très-probablement voir que l'affirmation du fait d'une heureuse situation maritime[542]. D'où venait cette population commerçante, ainsi établie à l'extrême orient de la Transpadane ? A cet égard encore, les avis étaient partagés. On admettait que les Vénètes étaient de vieille souche ; on savait qu'ils parlaient une autre langue que celle des Gaulois[543] ; mais, s'il s'agissait de déterminer à quelle race ils appartenaient, les ethnographes ne s'accordaient plus. Les uns les disaient tantôt de sang troyen, tantôt originaires de la Paphlagonie, c'est-à-dire de cette partie de l'Asie Mineure qui porte aujourd'hui le nom d'Anatolie[544] ; les autres les considéraient comme des colons essaimés de la nation vénète établie sur l'Océan, à l'embouchure de la Loire. Telle était l'opinion de Strabon[545], opinion à laquelle nous nous sommes rallié sans hésitation.

Prévoyant avec raison que l'armée carthaginoise n'aurait point à opérer sur la rive gauche du Pô inférieur, les agents d'Annibal ne firent que reconnaître d'une manière sommaire le territoire des Insubres, des Cénomans, des Vénètes, et se hâtèrent de passer dans la Cispadane, dont il leur importait surtout d'étudier les populations. Là, ils explorèrent successivement, et en tous détails, le pays des Ligures, des Anamans, des Boïes, des Lingons, des Sénons.

Nous savons que les Ligures étaient arrivés en Italie au cours du XVIe siècle avant notre ère ; qu'ils avaient occupé les deux versants de l'Apennin et conservé longtemps pour frontières : au sud, la mer Ligurienne ; à l'est, le cours de l'Arno ; au nord, la chaîne des Alpes[546] ; ils dominaient ainsi la plaine cisalpine, sans toutefois s'étendre, à l'est, par delà le Tessin. Mais la violence du choc des invasions gauloises ne les laissa point paisibles possesseurs de la Transpadane ; celle-ci ne tarda pas à tomber au pouvoir des envahisseurs ; les Ligures se virent alors réduits aux régions montagneuses de leur domaine primitif[547]. Au temps de Strabon et de Pline, la Ligurie proprement dite ne se composait plus que de la portion de l'Apennin comprise entre le Var et la Magra[548], avec la section des Alpes adjacente à l'ouest[549], c'est-à-dire les Alpes maritimes jusqu'au mont Viso[550]. Sur le revers septentrional de ces montagnes, elle s'étendait jusqu'aux bords du Pô[551], sans dépasser, à l'est, les environs de Casteggio. Quelques clans ligures étaient, en outre, disséminés dans les plis de l'Apennin toscan jusqu'à la hauteur de Bologne, mordant timidement sur la plaine émilienne, mais sans y être fixés à demeure. Ils en étaient souvent, au contraire, déplacés par des événements de guerre ou des bouleversements politiques[552].

Les principaux centres de population ligures destinés à tenir un rôle au cours de la deuxième guerre punique étaient : d'un coté, Gênes et Savone[553] ; de l'autre, Asti, Valenza[554], Tortone[555], Voghera[556] et Casteggio[557]. Cette dernière place, il est essentiel de le remarquer, n'appartint pas toujours aux Ligures ; la possession leur en fut, au contraire, plus d'une fois disputée par leurs voisins, les Ananes, dits aussi Anamans ou Anamarans[558]. Ces Gaulois, qui en étaient maîtres au temps de Polybe[559], s'étendaient de là, le long de la rive droite du Pô, jusqu'aux environs de Plaisance[560], et dominaient ainsi le territoire compris entre le Pô, l'Apennin, la Staffora, la Trebbia. Ils tenaient en leurs mains les clefs de cette fameuse Stradella, si précieuse à raison de ses propriétés militaires.

A l'est des Anamans, la région émilienne était occupée par les Boïes[561], les Lingons[562], les Sénons[563]. Ces trois grandes nations gauloises[564] étaient singulièrement puissantes, principalement celle des Boïes[565], dont l'alliance avec les Sénons et les Insubres avait eu pour effet de ruiner en Cisalpine la puissance des Etrusques[566]. Au moment où vont s'ouvrir sur les rives du Pô les opérations de la deuxième guerre punique, le territoire des trois peuples est déjà, çà et là, entamé par la conquête romaine ; les Boïes se trouvent établis des rives du Taro jusqu'à Bologne ; les Lingons, des bouches du Pô à Ravenne ; les Sénons, de Ravenne à l'Esino[567].

Les explorateurs carthaginois, qui parcourent alors la Cisalpine, sont frappés des progrès que leurs ennemis ont faits dans ce pays : les futurs dominateurs y ont déjà pris pied sur plus d'un point ; ils sont solidement établis à Casteggio et à Plaisance, à Crémone et à Modène, à Rimini et à Sinigaglia. Le gouvernement de Rome est ainsi maître d'une chaîne continue de postes, de colonies, de positions militaires de la plus haute importance. Comment a-t-il procédé jusqu'à ce jour pour en être arrivé à d'aussi sérieux résultats ?

C'est en 289, vingt-cinq ans environ avant le début de la première guerre punique, que les Romains entreprennent cette conquête de la Cisalpine, dont les péripéties doivent durer plus d'un siècle, car elle ne sera parachevée que quelques années après la mort d'Annibal. C'est seulement en 176 que les derniers défenseurs du sol renonceront à toute résistance[568].

Ils commencent par attaquer les Sénons, les fils de ces Gaulois qui jadis sont entrés dans Rome[569] ; une politique implacable exige que ces gens soient exterminés[570]. Les consuls s'emparent donc de la ville de Sena (Sena gallica, Sinigaglia) pour y installer (289) la première colonie romaine in agro gallico[571]. Heureuse intuition ! car c'est là que s'accomplira plus tard le dernier grand épisode de la deuxième guerre punique, le désastre d'Asdrubal[572], lequel décidera du sort de Carthage, de cette Carthage destinée à devenir la première colonie romaine hors de la péninsule italique[573].

Maîtres de Sena, les Romains poussent en avant et s'élèvent vers le nord, le long de la côte adriatique. Après vingt-cinq ans de patients efforts, ils ont fait un nouveau pas : ils entrent dans Rimini (273), vieille cité fondée par les Ombres[574], pour y organiser leur première colonie latine in agro gallico[575]. Les voilà dès lors à l'entrée des plaines circumpadanes[576] ; campés derrière les défenses de cette nouvelle frontière, ils mesurent l'étendue des possessions gauloises[577] et jettent un premier coup d'œil sur l'Émilie[578] ; bientôt s'ouvre leur lutte avec ces Cisalpins, qui les ont tant de fois fait trembler. L'heureuse issue des événements qui s'accomplissent peu de temps avant l'invasion carthaginoise leur permet d'occuper Casteggio[579] et Modène[580]. Au moment où Annibal entre en scène[581], ils parviennent à mettre la main sur Plaisance, pour y établir une colonie nouvelle[582]. Ils sont donc en possession, sur la rive droite du Pô, de bon nombre de points fortifiés, solides appuis de leur politique ambitieuse, entre lesquels s'intercalent des postes de moindre importance[583], dont l'objet est d'assurer la continuité du cordon militaire. On peut citer parmi ceux-ci le bourg de Tanctum (Tenedo)[584], situé au sud-est de Parme, et qui sert de refuge à la quatrième légion, au début de l'insurrection gauloise. Cependant les Romains ne se sentent pas encore en sûreté derrière la ligne du Pô, car dans cette Cispadane où ils se sont si bien fortifiés, ils confinent à des populations belliqueuses, aux clans des Boïes[585], dont l'alliance avec l'Insubrie leur semble, à bon droit, redoutable. Pour tenir tête à ces puissants voisins, il leur faut nécessairement, sur la rive gauche, une tête de pont qui, leur donnant pied en Transpadane, leur permette de résister à toute tentative hostile, non-seulement de la part des Insubres, mais encore de celle des Transalpins[586]. C'est dans cet ordre d'idées que, quelque temps avant l'époque de la descente d'Annibal en Italie[587], ils occupent Crémone et y conduisent des colons[588], comme ils viennent de le faire à Plaisance. Ils espèrent que le système de ces deux places de manœuvres saura définitivement mater la turbulence des Gaulois cisalpins[589].

Telle est, l'an 118 avant notre ère, la situation des établissements romains dans la Cisalpine. Les événements de la deuxième guerre punique vont bientôt interrompre le cours de ces progrès, et le temps d'arrêt sera de plus d'un quart de siècle. Alors seulement les vainqueurs de Zama oseront reprendre leur marche en avant : en 189, ils formeront a Bologne[590] une colonie latine ; en 184, à Pesaro[591], une colonie romaine. La mort d'Annibal, survenant en 183, les délivrera de leurs terreurs ; cette année même, ils organiseront Modène et Parme en colonies romaines[592], Aquilée en colonie latine[593] ; celle-ci leur servira de boulevard contre les ennemis du dehors[594]. Ils se diront dès lors les maîtres du pays.

Toutefois, leur politique procédera toujours avec la plus sage lenteur ; ce n'est que vingt ans après la ruine de Carthage que l'aigle romaine prendra son dernier vol : en 124, aura lieu la colonisation de Tortone[595] ; en 100, celle d'Ivrée ; en 49, enfin, s'effectuera l'occupation de Turin. Cette fois, la conquête sera parachevée ; les fils de Quirinus posséderont ce Piémont, où les forces carthaginoises se sont concentrées au lendemain de leur passage des Alpes.

Envisageant l'avenir sans la moindre défiance, les agents d'Annibal terminèrent avec calme leurs investigations. Leur rapport sur les conditions générales de l'échiquier du Pô fut clos par des considérations d'ordre divers ; ils firent ressortir, en leurs dernières pages, tous les faits intéressants qu'ils avaient observés au cours de leur longue reconnaissance. Ce qui les avait surtout frappés, c'était le fait de la densité et de la vigueur extraordinaire des populations[596] ; partout ils avaient admiré la haute taille ainsi que la beauté plastique des Cisalpins[597]. Malgré la diversité des races, les mœurs paraissaient uniformes parmi les habitants de la vallée du Pô : Ligures, Vénètes ou Gaulois menaient sensiblement le même genre de vie[598]. En général, cette vie était fort simple : le paysan ne connaissait encore l'usage d'aucun produit des arts industriels ; sa hutte était dépourvue de toute espèce de mobilier. Une brassée d'herbes sèches lui tenait lieu de lit ; la chair de ses animaux domestiques formait la base de sa nourriture ordinaire. Ses richesses consistaient en troupeaux et aussi en quelques lingots d'or ; il avait une prédilection marquée pour un métal précieux qu'il pouvait facilement emporter lors de ses déplacements, si fréquemment nécessités par des événements de force majeure. L'influence des chefs cisalpins se mesurait à l'importance de leur fortune ; chacun d'eux à la tête de son clan se plaisait à courir les aventures et passait volontiers l'Apennin pour aller faire des razzias dans la péninsule italique. Souvent l'expédition était fructueuse ; mais les aventuriers ne savaient tirer de leurs succès aucun parti sérieux. Pour célébrer leurs exploits, ils se gorgeaient de viandes et de vin, se plongeaient dans l'ivresse et ne sortaient de leur prostration que pour se disputer et se battre. Le partage du butin était une opération qui donnait toujours lieu aux rixes les plus sanglantes[599] ; aussi, le plus souvent, ces intempérants guerriers rentraient-ils chez eux dans un piteux état.

Leurs foyers se trouvaient ordinairement groupés par petits villages[600] ; mais, outre les tristes bourgades occupées par le menu peuple, on rencontrait en Cisalpine des villes considérables[601], singulièrement animées par le mouvement des affaires et des plaisirs luxueux permis à l'opulence. On comptait près de vingt de ces cités magnifiques qui, avant de tomber au pouvoir des Gaulois, avaient été les centres les plus brillants de la vieille civilisation étrusque[602]. Padoue tenait le premier rang parmi les villes toujours florissantes de la Transpadane[603] ; en Cispadane, on remarquait surtout Plaisance, Parme, Modène, Bologne et Rimini[604]. Les unes étaient simplement villes ouvertes ; les autres avaient été organisées en oppida[605]. Sur la rive droite du Pô seulement, on ne comptait pas moins de quinze de ces places fortes, parmi lesquelles se distinguait Bologne, l'ancienne Felsina[606]. En outre, le pays cisalpin était çà et là semé de castella, postes fortifiés destinés à servir d'appui à toutes les opérations de la défense du sol[607]. Parfois ces châteaux forts, judicieusement répartis autour d'un oppidum, faisaient de celui-ci un vrai camp retranché. C'est ainsi que les Boïes avaient organisé leur capitale[608].

Au temps de Polybe, l'état d'avancement des arts industriels était déjà très-remarquable, et les sciences réalisaient chaque jour de nouveaux progrès ; loin de demeurer étrangère à ce mouvement prononcé, la Cisalpine se maintenait à un rang honorable parmi les nations civilisées de l’Occident. Les monuments numismatiques nous fournissent de ce fait des preuves irrécusables : antérieurement à la deuxième guerre punique, les Cisalpins frappaient des monnaies d'argent à l'empreinte du char à deux chevaux[609] ; ils donnaient également cours à certaines pièces au coin d'une tête de Diane, pièces qui paraissaient imitées des drachmes massaliotes. Les Salasses faisaient usage d'un type indéterminé, dans lequel M. de Longperier[610] propose de voir les instruments qui servaient au lavage de Tor ; les Boïes émettaient un statère d'un type assez primitif[611], qui semble représenter : au droit, une tête d'oiseau ; au revers, une figure cruciforme.

L'industrie qui florissait en Cisalpine il y a deux mille ans ne se révèle pas seulement a nous par ses types de médailles ; elle n'est pas moins célèbre a raison de la perfection des objets d'art qui sortaient de ses ateliers. Les Romains en appréciaient surtout l'orfèvrerie : enseignes militaires en or massif[612], colliers et bracelets d'or d'un poids souvent considérable[613], vases d'argent ou de bronze habilement ciselés[614]. Les produits de sa céramique étaient également remarquables ; il se faisait grand commerce des poteries circumpadanes, principalement des provenances de la côte adriatique, de Modène et d'Asti[615]. Padoue tenait le premier rang parmi les villes industrielles de la haute Italie[616] ; elle inondait la Péninsule d'une foule d'objets manufacturés de toute espèce, surtout de tissus propres à la confection des vêtements[617] ; c'est a Rome qu'elle exportait la majeure partie de ses produits[618]. De tous les Cisalpins, les Insubres étaient ceux qu’un esprit mercantile animait le plus ardemment[619] ; le transport de leurs marchandises s'effectuait en toutes régions par des voies de communication commodes, bien entretenues, et le long desquelles le voyageur trouvait des hôtelleries confortables[620].

Toutefois, les soins du négoce n'absorbaient pas exclusivement l'activité des gens de la vallée du Pô, qui se laissaient inspirer aussi de certain esprit militaire ; audacieux, pleins d'entrain, passionnés pour le métier des armes, ils recherchaient, avant tout, l'occasion de combattre[621]. Lors des rencontres, ils attaquaient leurs adversaires avec la plus grande vigueur[622] ; les Ligures étaient surtout réputés pour leurs allures belliqueuses[623] ; les Boïes, pour leur férocité[624]. Ceux-ci manifestaient, avant l'action, tant de fureur et d'impatience qu'on avait grand'peine à les contenir jusqu'au moment opportun[625] ; une fois rompus, il était extrêmement difficile de les remettre en ligne. Leurs chefs n'y parvenaient qu'après avoir arrêté la débandade à grands coups de lance ou de gais[626].

Il n'était pas toujours nécessaire d'avoir recours à des moyens violents pour conduire ces Gaulois ; on obtenait facilement d'eux l'ordre, la discipline, voire l'enthousiasme, en dirigeant sur leur libre sensible l'action du symbole militaire. Une multitude d'enseignes, signa militaria[627], répandaient dans les rangs de ces braves gens l'émulation, l'honneur et cette solidité qui n'appartiennent qu'aux fidèles du drapeau. Quand les circonstances devenaient critiques, les brenns exposaient solennellement à leurs yeux des étendards sacrés, tirés à cet effet de la crypte d'un temple et qu'on nommait des immobiles[628] ; à cette vue, leur sang bouillonnait, leur cœur s'exaltait ; ils devenaient capables des actions les plus méritoires. Les chefs avaient aussi coutume de les entraîner au nom de leurs divinités guerrières : une Bellone, pour laquelle Polybe adopte la désignation d'Άθηνή[629] ; une Epona, patronne des cavaliers[630], et Athobodua, la déesse du carnage.

Militairement, le Gaulois cisalpin était loin de réunir toutes les aptitudes : inhabile dans l'art de l'attaque et de la défense des places, incapable de supporter la fatigue des longs travaux[631], il montait à cheval avec une dextérité remarquable[632]. Aussi les Romains devaient-ils lever plus tard, sur les rives du Pô, un corps de cavalerie qui demeura longtemps célèbre sous le nom d'Ala Taurina[633]. Les Ligures, cavaliers médiocres, formaient un excellent recrutement de l'infanterie de ligne et de l'infanterie légère[634].

Les bandes guerrières de la haute Italie étaient généralement bien équipées[635] ; les braies, les saies aux couleurs éclatantes composaient aux Insubres, ainsi qu'aux Boïes, un élégant costume[636], que rehaussaient toujours quantité d'ornements, particulièrement des bracelets et des colliers d'or[637]. Leurs armes nationales différaient également de celles des Romains : ceux-ci voyaient depuis longtemps à l'œuvre la lourde épée gauloise, dont il ne pouvait être fait usage que pour des coups de taille[638] ; ils connaissaient aussi la fameuse rondache de cuir des Ligures et leur grand bouclier de bronze[639]. Ce que le matériel d'un corps d'armée cisalpin offrait surtout d'original, c'était la longue file de chariots dont il se faisait suivre au cours de ses expéditions. L'aspect de cet immense train des équipages, spécialement organisé en vue du transport de la proie à recueillir[640], glaçait souvent l'ennemi de terreur.

Au temps de l'expédition d'Annibal, l'ensemble des Cisalpins en état de porter les armes présentait un effectif considérable ; la seule ville de Padoue pouvait mettre sur pied près de 120.000 hommes[641].

Quelle part ces forces militaires allaient-elles prendre aux événements de la deuxième guerre punique ? Quel concours devaient- elles prêter à chacun des belligérants ? C'est ce dont les explorateurs carthaginois ne manquèrent point de se rendre un compte exact.

Ils apprirent que, sur la rive gauche du Pô, d'anciens traités unissaient aux Romains les Taurini et les Vénètes ; que les Cénomans, à leur tour, étaient entrés dans cette confédération transpadane[642]. Ils surent aussi que, sur la rive droite, leurs adversaires ne pouvaient se flatter de l'appui d'une aussi grande masse de populations ; que, de ce côté, ils n'avaient guère pour amis que les Gaulois Anamans, habitants de la région cispadane confinant à la Stradella[643] ; que Rome, enfin, comptait à juste titre sur une fidélité à toute épreuve de la part des colonies de Plaisance, de Crémone et de Rimini[644].

Quelles étaient, dans la haute Italie, les alliances déclarées d'Annibal ? A l'exception des Cénomans et des Anamans, qui avaient pris parti pour les Romains, presque tous les Gaulois avaient franchement embrassé sa cause[645]. En Transpadane, il opposait aux Taurini leurs voisins les Insubres[646] ; en Cispadane, les Boïes, qui l'avaient appelé, n'attendaient plus que l'occasion de se joindre à lui[647]. Il trouvait d'ailleurs des ressources presque inépuisables dans cette Ligurie, limitrophe du Piémont, si fertile en soldats mercenaires et que d'anciens contrats liaient au gouvernement de Carthage[648].

Tel est le corps de renseignements qu'apportaient en Piémont les explorateurs de la Cisalpine.

Ils en conféraient à tête reposée avec leur général en chef quand le silence du camp fut tout à coup troublé par de longues clameurs. En proie à une étrange agitation, les soldats sortaient de leurs tentes et criaient en courant : Namphamo ! Namphamo ![649]

Que se passe-t-il ? Rien d'inquiétant, sans doute, car les visages sont rayonnants de joie ; il s'agit, au contraire, d'une bonne nouvelle : les Carthaginois fêtent le retour de Bostar.

On se rappelle que, après le siège de Sagonte, Annibal avait donné à son lieutenant Bostar (Bou-Astaroth) mission de consulter l'oracle d'Ammon sur l'issue de la deuxième guerre punique.

Le fidèle lieutenant a fait le long voyage : il a foulé les sables de Libye ; puis un navire adroit l'a débarqué à Gênes ; il arrive enfin au pied des Alpes retrouver ses compagnons d'armes. Le voilà ! c'est bien lui !... il est porteur d'une bonne réponse : l'oracle s'est prononcé, le succès est certain[650]. Qui donc pourrait encore se plaindre de fatigue ou se sentir au cœur la moindre défaillance ?

L'espoir renaît dans les rangs ; les soldats enthousiasmés demandent qu'on les mène au combat[651] ; tous répètent joyeusement : Namphamo ! Namphamo !

 

 

 



[1] Polybe, III, LXI. — Appien, De bello Annibalico, IV. — Tite-Live, XXI, XXXIX.

[2] Florus, Hist. rom. II, VI.

[3] Pline, Hist. nat., XXXVI, I.

[4] Lucain, Pharsale, I.

[5] Histoire du Consulat et de l'Empire, t. XX, liv. LXII.

[6] Histoire du Consulat et de l'Empire, t. I, liv. III.

[7] Il concetto era stato grande. (C. Negri, Storia politica, t. I, chap. II.)

[8] ... dirigé par cette pensée profonde que c'est à Rome même qu'il faut combattre Rome, il vient soulever contre elle ses sujets italiens mal soumis. (Histoire du Consulat et de l'Empire, t. XX, liv. LXII.)

[9] Tite-Live, XXI, XXXIX. — ... sublime fu in Annibale il pensamento del passo delle Alpi. (Morelli, Etude sur les passages des Alpes, Turin, Manuscrits de la Bibliotheque du Roi.)

[10] Forte, vivida, ponderata fu l' impresa, ben condotta da un accorto e valente generale. (Morelli, loc. cit.) — Annibale aveva passato le Alpi, e per la rapidita a passarle aveva vinto politicamente... pari al concetto l'abitita della pronta execuzione. (C. Negri, Storia politica, t. I, ch. IV.)

[11] ... gli ostacoli naturali delle montagne salvatiche. (Morelli, loc. cit.)

[12] Tite Live, XXI, XLIII. — Silius Italicus, Puniques, III.

[13] Eutrope, III, VIII.

[14] Commentaires de Napoléon Ier, t. VI. Notes sur l'ouvrage intitulé : Considérations sur l'art de la guerre, du général Rogniat.

[15] Polybe, II, XXIII.

[16] Annibale, che sapevasi venire in Italia con sentimcnto di prendere e distruggere Roma, incontro nelle Alpi la so !a resistenza che gli opposero pochi montanari... Debole ed anche nulla la difesa abbandonata ai soli indigeni, in parte guadagnati dai doni di Annibale, e di lui di gran lunga più deboli. (Morelli, Étude sur les passages des Alpes, Turin, Manuscrits de la Bibliothèque du Roi.)

[17] Nous avons dit au chapitre III du présent livre que les vallées des Alpes fourmillent de localités dont les noms accusent une origine euske ou tamazir't.

[18] L'Indien Vischnou nous semble être le similaire ou plutôt le prototype d'Hercule. C'est par Hercule que juraient les Romains et les Grecs ; c'est Vischnou que les Hindous invoquent au moment du danger : Ô Vischnou ! vous qui avez purgé la terre des monstres qui la désolaient, vous qui avez châtié le serpent Kaly et le géant Kayamangasaura, prêtez-moi votre assistance. (Prière hindoue.)

[19] Il est facile de confondre les deux Hercules, phénicien et grec ; c'est toujours de celui-ci que parlent les écrivains grecs et latins. Les exploits de l'Hercule théhain doivent se rapporter, suivant Moréri, au xme siècle avant notre ère. Nous croyons pouvoir admettre une date antérieure. Il s'agit certainement d'une période comprise entre le XXVe et le XXe siècle.

[20] On connaît les travaux d'Hercule. Outre la destruction des monstres et des pirates, les anciens lui attribuaient la fondation de toutes les villes qui portaient le nom d'Héraclée, et l'honneur d'avoir réussi à Gibraltar ce que M. de Lesseps vient d'opérer à Suez.

[21] Silius Italicus, Puniques, III, IV et XV.

[22] Pétrone, Salyricon, c. CXXII.

On a trouvé dans les Alpes un grand nombre d'inscriptions votives consacrées à Hercule. Voici celle que le comte Cibrario a rapportée d'Usseglio :

HER

CVLI

M VIBI

VS

MARCELLVS.

Per doppia ragione, dit à ce sujet l'inventeur, fu dedicata [l'ara] ad Ercole, perche era divinità specialmente adorata in questi monti. ed era per cosi dire genius loci, e perche in ogni impresa di gran difficoltà e di grau pericolo si ricorreva ail' aiuto d' Ercoie per superaria, e difficile e pericoloso si riputava a buon diritto il valico dell' Alpi somme. (Comte Luigi Cibrario, Memorie storiche.)

[23] Pline, Hist. nat., III, XXI. — Ammien Marcellin, XV, X. — Itinéraire d'Antonin. — Il s'agit ici des Alpes Grées. A ce sujet, la philologie antique était tombée dans une grave erreur. Le nom n'est point tiré du grec, mais bien du celtique craig (rocher). (Voyez t. I, liv. III, chap. IV.) — Pline, Hist. nat., III, XXIV. — Le nom des Lepontii viendrait, à ce compte, de λείτω, laisser, et impliquerait le sens de gens laisses en arriere. On voit combien l'étymologie est puérile, et il est permis d'en conclure que, au temps de Pline, les sciences philologiques étaient encore dans l'enfance.

[24] C. Nepos, Annibal, III. — Diodore de Sicile, IV, XIX. — Appien, De rebus Syriacis, X.

[25] Tite-Live, V, XXXIV, et XXI, XLI.

[26] Strabon, IV, VI, 3. — Ammien Marcellin, XV, X.

[27] Voyez Amédée Thierry, Histoire des Gaulois, passim. Un Parisien des premiers siècles de notre ère trouvait naturel de s'expatrier pour aller s'établir isolément en Perse. Ammien Marcellin, XVIII, VI.

[28] Polybe, II, XVII. — Tite-Live, V, XXXIII. — Pline, Hist. nat., XII, II.

[29] Justin, XXIV, IV.

[30] Tite-Live, V, XXXIII. — Voyez ci-après une notice ethnographique sur ces habitants de la haute Italie antérieurs aux Etrusques.

[31] Polybe, III, XLVIII. —Tite-Live, V, XXXIV, et XXI, XXX.

[32] Tite-Live, V, XXXIV. — Le territoire des Bituriges, dont la capitale était Bourges, embrassait l'ancien Berry, c'est-à-dire les départements du Cher et de l'Indre, et partie de l'Allier ; celui des Arvernes correspondait au Puy-de-Dôme et au Cantal, en entamant, de plus, l'Allier et la Haute-Loire. Les Sénonais occupaient une portien des départements de l'Yonne, de la Marne, du Loiret, de Seine-et-Marne et de l'Aude ; les Eduens, ceux de la Nièvre et de Saône-et-Loire, avec une partie de la Côte-d'Or et de l'Allier. Les Ambarres habitaient notre département de l'Ain ; les Carnutes, la majeure partie des départements d'Eure-et-Loir, Loir-et-Cher et Loiret. Enfin, les Aulerques s'étendaient sur la majeure partie de la Sarthe, sur les portions centrale et septentrionale de la Mayenne et de l'Eure.

Voyez, sur l'expédition de Bellovèse : Tite-Live, V, XXXIII et XXXIV ; Denina, Rivoluzioni d'Ilalia, liv. I, chap. III ; Amédée Thierry, Histoire des Gaulois, t. I, passim. — Cf. Histoire d'Annibal, t. I, liv. III, ch. IV.

[33] Tite-Live (V, XXXV) les désigne sous le nom de Cénomans.

[34] Polybe, II, XVII ; Pline, Hist. nat., III, XXI.

[35] Tite-Live (V, XXXV) les appelle Boïes et Lingons.

[36] Polybe, II, XVIII, XIX, XXI, XXII, XXIII, XXIV et XXXIV.

[37] Dion Cassius, Fragm. CLXIX des livres I-XXXVI.

[38] Appien, De bello Annibalico, IV. — Appien vivait au ne siècle de notre ère. La dénomination de Pas d'Annibal fut donc en usage au moins durant quatre siècles.

[39] Ils suivirent la Corniche et passèrent le Var. (Napoléon III, Histoire de Jules César, liv. III, ch. I.)

[40] L'an 125, M. Fulvius Flaccus prend de nouveau par la Corniche pour aller châtier les Salyes. (Florus, Hist. rom. III, III.) L'année suivante, 124, C. Sestius reparaît sur le même théâtre d'opérations et, à la suite de succès éclatants, fonde la ville d'Aix (Aquæ Sestiæ). L'an 121, en même temps qu'elle entreprenait la réédification de Carthage, Rome envoyait Domitius Ænobardus dans la Gaule transalpine pour y châtier les Allobroges. Ceux-ci furent successivement battus sur la Sorgues et sur l'Isère. Domitius s'établit à demeure dans la Gaule, où il fonda Narbonne et ouvrit la via Domitia suivant le tracé qu'Annibal avait suivi un siècle auparavant. L'an 107, Longinus prit par le Saint-Bernard. L'an 101, Marius passa les Alpes, battit près d'Aix les Cimbres et les Teutons ; puis il repassa en Italie pour aller exterminer à Verceil les derniers débris des Cimbres. (Voyez Plutarque, Marius, XV. Cf. Carlo Promis, Storia delt antica Torino, c. III.) — En 76, Sertorius, que les Espagnols appelaient le second Annibal, était sur le point de passer les Alpes quand Pompée fut envoyé en toute hâte contre lui. Pompée prit vraisemblablement la route du mont Cenis. Pendant dix ans, de 58 à 48, César fut constamment à cheval sur les Alpes. — Appien, De relus Illyricis, XV. — Il passa plus de vingt fois le mont Genèvre. ... la strada alpina del Monginevra, ch' ei percorse poi venti volte, andando e venendo annualmente dalle Gallie sempre magnis itineribus, quant maximis itineribus, giunto essendo in sette giorni da Ocelum a Vaison colle sue legioni... (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino.) — Il pratiqua également les autres cols de la chaîne et, en particulier, celui du petit Saint-Bernard, en 49. L'an 43, Antoine, battu par Brutus sous les murs de Modène, est obligé de battre en retraite par les Alpes. (Voyez Cicéron, Ad Attic., XIV, 20, et XV, 2 ; Velleius Paterculus, II, 63 ; Plutarque, Antoine, passim ; Appien, De bellis civilibus, III, LXXXIII ; C. Promis, Storia dell’ antica Torino, c. III.) — Parvenu sur le revers occidental, Antoine séduit l'armée de Lépide et repasse les Alpes à la tête de dix-huit légions pour y combattre les républicains. Brutus, battu, pi end à son tour le chemin des Alpes et se réfugie en Suisse. (Voyez Strabon, IV, VI, 7. Cf. C. Promis, Storia dell' antica Torino, c. III.)

[41] Appien, De bellis civilibus, XV.

[42] Appien, De bellis civilibus, XV. — Sénèque, De brevitate vitæ, V.

[43] Strabon, IV, VI, 6.

[44] Strabon, IV, VI, 6 et Chrest., IV, 26.

[45] Valère-Maxime, V, V, 3 ; Pline, Hist. nat., VII, XX ; Tacite, Hist., I, LXI, LXXXIX, et II, LXVI.

[46] Nell' anno 196, allestendozi guerra tra Albino e Settimio Severo, muni questi le angustie dell' Alpi ed i varchi d' Italia. Giovarono queste parole d' Erodiano (III, 6, 20) al Labus per istabilir 1' epoca della via del Sempione, quinta tra quelle strate nell' Alpi occidentali dopo ie Marittime, Cozzie, Graie, Pennine. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, c. IV.)

[47] Ammien Marcellin, XXI, VIII.

[48] En 262, sous le règne de l'empereur Gallien.

[49] Constantin passa les Alpes en 312, pour aller combattre Maxence, qu'il rencontra et défit sous Turin. Il suivit vraisemblablement le chemin d'Annibal, c'est-à-dire la route du mont Genèvre. Julien marchait contre Constance, l'an 361. Il plaça l'une de ses colonnes sous les ordres de Jove et de Jovien. Ceux-ci prirent par le mont Genèvre. (Voyez Ammien Marcellin, XXI, VIII.) — C'est vers l'an 394 que Théodose franchit les Alpes à deux reprises différentes. (Claudien, Guerre des Gètes.)

[50] Nell’ anno 410, il tiranno delle Gallie Costantino, simulando di venir in aiuto ad Onorio, scese dati' Alpi Cozzie per Suza ; ma la morte del suo'complice Allovice fe' si che non oltrepasso Liberona, ov' erasi fermato, e sen torno oltr' Alpi. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino.)

[51] Nel 430, combatte sull' Alpi il poeta Flavio Merobaude panegirista d' Aezio, dall’ iscrizione della sua statua nel foro Traiano ricavandosi che inter arma litteris militabat. Et in Alpibus acuerat ingenium. (Carlo Promis, Storia dell’ antica Torino.) — Maioriano, che perde nel 461 vita ed impero, chiamato in Italia dal fraudolento patrizio Ricimere, portavasi da Arles per l' Alpe Graia ad Aosta. (Carlo Promis, loc. cit.)

[52] ... incessante bufera di barbari... Vengono gli Eruli, vengono i Goti. (Carlo Promis, loc. cit.) — Les Goths passèrent les monts en 401 et 410 ; les Suèves, en 406 ; les Huns, en 452 ; les Ostrogoths et les Visigoths, en 489. Tous les chemins des Alpes en étaient alors encombrés.

[53] Ces expéditions mérovingiennes se rapportent à des dates précises : Théodebert, 533 ; Théodebald, 539 ; Childebert, 584 et 589 ; Clotaire III, 664.

[54] Pépin et Charlemagne passèrent deux fois les Alpes : le premier, en 754 et 755 ; le second, en 773 et 774.

[55] Louis d'Arles et de Provence opérait en l'an 900 ; Rodolphe de Bourgogne, en 920 ; Charles d'Anjou, en 1261 ; Philippe le Hardi, en 1282 ; Philippe de Valois, en 1318.

[56] L'expédition de Charles VIII s'est accomplie en 1494 et 1495 ; Louis XII fit la guerre en Italie à deux reprises différentes, en i4gg et 1513 ; il eut pour généraux d'Aubigny, Trivulce, La Trémoille et Gaston de Foix. François Ier se lança dans la même arène en i5i5, i523, I524 et 1537. Les troupes de Louis XIII passèrent les Alpes en 1614, 1617, 1625, 1628, 1629 et 1630, sous les ordres de Lesdiguières, du maréchal d'Uxelles, de Bassompierre, de Schomberg, de Créqui. Sous le règne de Louis XIV, on ne compte pas moins de sept campagnes d'Italie, en 1681, 1690,1691, 1694, 1696, 1700 et 1704 ; les armées du roi étaient commandées par Boufflers, Catinat, La Hocquette, Vendôme et La Feuillade. Les troupes de Louis XV opérèrent à leur tour dans les Alpes en 1733, 1743, 1744, 1746 et 1747, sous la conduite de Villars, du prince de Conti et du maréchal de Belle-Isle.

[57] En 1795, 1796 et 1800. Le jeune Bonaparte était général en 1796, et premier consul en 1800.

[58] César, De bello Gallico, I, X. — C'étaient : les 7e, 8e et 9e légions, venues d'Aquilée ; les 11e et 12e, levées en Italie.

[59] Nous croyons, avec le général de Gœler, d'après l'itinéraire marqué sur la Table de Peutinger, que les troupes de César passèrent par Altinum (Altino), Mantoue, Crémone, Laus Pompei (Lodi Veccliio), Pavie, Turin ; mais, à partir de ce dernier lieu, nous leur faisons suivre la route de Fenestrelle et Ocelum. De là, elles se dirigèrent à travers les Alpes Cottiennes, par Césanne, Brigantium (Briançon)... (Napoléon III, Histoire de Jules César, t. II, liv. III, ch. III.)

[60] Nous avons déjà dit que le nom de Donnus, transcription du mot town, doit être considéré comme une désignation générique d'un brenn ayant sa résidence dans une capitale fortifiée. Celui dont il s'agit ici était établi à Suze ; c'est le père de Cottius.

[61] ... di qua ei passo veloce ed inoffeso, stante l' amicizia di Donno, re di Susa e delle valli circostanti at Monginevra. (Carlo Promis, Storia dell’ antica Torino.) — L'alliance de Donnus ne put cependant toujours suffire à le défendre contre l'attaque des Salasses. — Strabon, IV, VI, 7.

[62] César, De bello Gallico, I, X.

[63] Gli si opposero gu Alpigiani occidentali. (Carlo Promis, Storia dell’ antica Torino.)

[64] César, De bello Gallico, I, X.

[65] César, De bello Gallico, I, X.

[66] Polyen, Stratagèmes, VII, XXIII, 2.

[67] Un premier tracé descend en son entier le cours de la Durance ; un deuxième quitte la vallée de la Durance pour passer dans celle de la Drôme et aboutit à Valence par Lucus Augusti (Luc) et Dea Vocontiorum (Die) ; le troisième, enfin, suit la Romanche.

[68] ... la voie qu'indique la même Table [de Peutinger] et qui parait avoir longé la Romanche. (Napoléon III, Histoire de Jules César, t. II, liv. III, chap. III.) — Le nom même du cours d'eau (Roman-ch, le cours d'eau des Romains) plaide en faveur de la solution proposée en ce qui concerne l'itinéraire des légions de César.

[69] César, De bello Gallico, I, X.

[70] ... il [Charlemagne] se rendit avec son armée à Genève, ville de Bourgogne, située près du Rhône, y délibéra sur la manière d'entamer la guerre, divisa ses troupes en deux portions, donna à celle que commandait Bernard, son oncle paternel, l'ordre de faire route par le mont Joux, et lui-même, à la tête de l'autre, passa le mont Cenis... (Annales d'Eginhard.) — ... perrexit ipse [Carolus Magnus] per montem Cinisium. (Duchesne, Script. Fr., I, ann. fr. ad ann. 773.) — ... nel 774, Carlo Magno contro del re Desiderio avendo pel giogo del gran Moncinisio travalicato coli' esercito in Italia. (Durandi, Notizia dell' antico Piemonte traspadano.)

[71] ... la forte posizione che i Longobardi avevano prcsa alia Chiusa di San Michele, afline di impedire la discesa in Italia del re francese. (Colonel Sironi, Saggio di geografia strategica, parte III, cap. III.

[72] Voyez au musée de Versailles la grande toile de Paul Delaroche : Charlemagne passe les Alpes et FORCE les gorges du mont Cenis, défendues par les Lombards. — Cf. le tableau de Lecomte à la bibliothèque du palais de Fontainebleau.

[73] Le due valle laterali di Giaveno e di Viù, correndo parallele e ravvicinate ad essa ed essendole congiunte per diversi sentieri. (Colonel Sironi, Saggio di geografia strategica, parte III, cap. III.)

[74] ... ponno essere utilizatte dal difensore per minacciare il fianco dell assalitore, e da questi per tentare lo spuntamento e l' attorniamento degli appostamenti difensivi dell' altro, (Colonel Sironi, loc. cit.)

[75] Per l' una o per l' altra di dette valli secondarie, Carlo Magno giro, come è notissimo. (Colonel Sironi, loc. cit.)

[76] Al disotto di Susa, fino alio sbocco nella pianura la valle della Dora Riparia non offre forse alcuna posizione difensiva cbe valga a trattenere efficacemente l'invasore. (Colonel Sironi, loc. cit.)

[77] ... il [Napoléon] n'a jamais été sur le mont Genèvre. (Commentaires de Napoléon Ier, t. V. Notes sur le manuscrit venu de Sainte-Hélène d'une manière inconnue.)

[78] Commentaires de Napoléon Ier, t. I. Campagnes à Italie, chap. II, § 6.

[79] C'était à peu près l'âge d'Annibal au moment de son passage des Alpes.

[80] César, De bello Gallico, III, I.

[81] IV, VI, 7.

[82] Strabon écrivait vers l'an 20 de notre ère.

[83] Voyez la Table de Peutinger, I, B 1, et l'Itinéraire d'Antonin, p. 351.

[84] C'est l'altitude du seuil de l'hospice.

[85] Histoire des grands chemins de l'Empire.

[86] Antiquity of the Pass of the mont Cenis. — The mont Cenis was crossed by Julius Cæsar. (Robert Ellis, A Treatise on Hannibal's passage of the Alps.)

[87] La Moriana... cominciò a cosi dinominarsi in sui fine del sesto secolo, ed il Moncinisio in su l' entrar dell' ottavo. Il primo a rammentarlo fu Abone patrizio, donando al monistero di Novalesa Alpes in Cinisio. (Durandi, Notizia dell' antico Piemonte traspadano, cap. VIII.)

[88] Fredegarius, ap. Duchesne, Script. Franc., t. I, p. 774. — Nell' anno 755, il re Pippino... avendo pel giogo del gran Moncinisio travalicato coll' esercito in Italia, comincio a rendersi celebre questa bocca del l' Alpi. (Durandi, loc. cit.)

[89] Le passage du mont Cenis ne se trouve point dans les Itinéraires romains, et il ne paraît pas qu'il ait été jamais voie romaine, ni même connu des Romains. Il offrait de trop grandes difficultés, car les rochers du côté de l'Italie sont presque à pic, et il a fallu tailler en zigzag dans le roc vif le chemin par lequel on descend de la Grande Croix au village de la Ferrière. (Deluc, Histoire du passage des Alpes par Annibal, Introduction.)

[90] Vie de Charlemagne, dans la Collection des Mémoires relatifs à l'histoire de France, de Guizot, t. III.

[91] Vie de Louis le Débonnaire, par l'anonyme dit l'Astronome, dans la Collection des Mémoires, t. III.

[92] Vie de Louis le Débonnaire, par l'Astronome.

[93] Les ouvriers, qui toujours l'accompagnaient, courant les uns d'un côté, les autres d'un autre, amassèrent et apportèrent : ceux-ci, de la chaux et des pierres ; ceux-là, du bois et d'autres approvisionnements. (Le moine de Saint-Gall, Des faits et gestes de Charles le Grand, roi des Francs et empereur, dans la Collection des Mémoires relatifs à l'histoire de France, de Guizot, t. III.)

[94] ... Il entra en Italie au milieu des rigueurs de l'hiver.  (Eginhard, Annales, Charlemagne.)

[95] ... essendo Carlo signore delle valli di Lanzo, Susa ed Aosta. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, cap. IV.)

[96] J'ai fait beaucoup de recherches sur les voies de communication au moyen âge, et j'ai pu constater que la route du mont Cenis n'avait pas de notoriété. (M. Anatole de Barthélémy, Note manuscrite communiquée.)

[97] Cf. de Montannel, Topographie militaire de la frontière des Alpes, passim.

[98] Strabon, IV, VI, 7.

[99] ... probabile che le grandi opere stradali da Ammiano Marcellino altribuite a Cozzio spettino nella maggior parte a Donno, padre suo, che VI avrà impiegato gli architecti viarii nonche il danaro di Cesare. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, cap. III.)

[100] ... tragitto cosi celere. (Carlo Promis, loc. cit.)

[101] De re militari, II, XXV. — Enumeratio ferramentorum vel machinarum legionis.

[102] Végèce, De re militari, II, XXV.

[103] Histoire du Consulat et de l'Empire, liv. LXII.

[104] Philippe Mouskes, Chronique, v. 5454-5457.

[105] Des faits et gestes de Charles le Grand, roi des Francs et empereur, liv. II, dans la Collection des Mémoires relatifs à l'histoire de France, de Guizot, t. III.

[106] A. Thiers, Histoire du Consulat et de l'Empire, t. I, liv. IV.

[107] César fit en quarante-six jours la route d'Aquilée à Lyon ; c'est une distance de 981 kilomètres.

[108] Des faits et gestes, etc. liv. II.

[109] Histoire du Consulat et de l'Empire, t. XX, liv. LXII, passim.

[110] ... sboccare nella sottostante pianura pel gran S. Bernardo et pel Cenisio da lui passati, giusta Eginardo, con due corpi d' esercito, minacciando a fronte ed alle spalle i Longobardi, cbc tosto si dileguarono. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, cap. IV.)

[111] ... l'armi di Carlomagno sceso da val di Susa. essendogli guida non il giucoliere del cronista Novaliciense, non il diacono Martino di Ravenna, ma la sagace intuizione militare che dopo mill' anni rifulse a Napoleone... (Carlo Promis, loc. cit.)

[112] Histoire du Consulat et de l'Empire, liv. III, IV, LXII, passim.

[113] A. Thiers, Histoire du Consulat et de l'Empire, liv. LXII.

[114] Plutarque, César, XI.

[115] Voici, en son entier, le récit de cet épisode du retour de l'île à Elbe : Le froid était rigoureux, et Napoléon fut souvent obligé de descendre de cheval pour se réchauffer en marchant, exercice auquel il était peu habitué. Plus d'une fois, il trébucha dans la neige, et il s'arrêta pour se reposer un moment dans une espèce de chalet occupé par une vieille femme et quelques vaches. Tandis qu'il ranimait ses forces devant un feu de broussailles, il s'adressa à cette paysanne, qui ne savait pas quels hôtes elle venait de recevoir sous son toit de chaume, et lui demanda si on avait des nouvelles de Paris. Elle parut fort étonnée d'une question à laquelle elle était peu accoutumée et, naturellement... elle répondit qu'elle ne savait rien. — Vous ne savez donc pas ce que fait le roi ? reprit Napoléon. — Le roi ! repartit la vieille femme avec plus d'étonnement encore, le roi ! vous voulez dire l'empereur. il est toujours là-bas. — Cette habitante des Alpes ignorait donc que Napoléon avait été précipité du trône et remplacé par Louis XVIII ! Les témoins de cette scène furent comme frappés de stupeur en présence d'une aussi étrange ignorance. Napoléon, qui n'était pas le moins surpris, regarda Drouot et lui dit :Eh bien, Drouot, à quoi sert de troubler le monde pour le remplir de notre nom ?Il sortit tout pensif et songeant à la vanité de la gloire. (A. Thiers, Histoire du Consulat et de l'Empire, liv. LVII.

[116] Voyez A. Thiers, Histoire du Consulat el de l'Empire, liv. IV.

[117] Vie de Charlemagne, dans la Collection des Mémoires relatifs à l'histoire de France, de Guizot, t. III.

[118] Charlemagne avait alors trente et un ans, à peu près l'âge d'Annibal et de Napoléon quand ceux-ci franchissaient les Alpes.

[119] Le moine de Saint-Gall, Des faits et gestes de Charles le Grand, dans la Collection des Mémoires, etc. de Guizot, t. III.

[120] La puissance des Francs était toujours un objet de crainte pour les Romains et les Grecs, et de là vient ce proverbe byzantin qui subsiste encore : Τόν Φράγκον φίλον έχης, γείτονα ούκ έχης. (Éginhard, Vie de Charlemagne, dans la Collection des Mémoires, loc. cit.)

[121] Lors de son expédition d'Italie, en 755, Pépin avait dû, plus d'une fois, lutter contre la mauvaise volonté des leudes. ... Plusieurs des principaux d'entre les Francs, dont ce prince était dans l'usage de prendre les conseils, poussèrent, en effet, la résistance à ses volontés au point de déclarer hautement qu'ils l'abandonneraient et retourneraient chez eux.(Eginhard, Vie de Charlemagne.) — Charlemagne ne paraît pas avoir eu à se plaindre de pareille opposition. Ses compagnons semblent, au contraire, pleins d'entrain, témoin ce célèbre Cisher, qui valait, à lui seul, une grande et terrible partie de l'armée... Chaque fois qu'il se trouvait près du fleuve de la Doire, enflé et débordé par les torrents des Alpes, et qu'il ne pouvait forcer son énorme cheval à entrer, je ne dirai pas dans les flots agités, mais même dans les eaux tranquilles de cette rivière, prenant alors les rênes, il le traînait flottant derrière lui, en disant : Par mon seigneur Gall, que tu le veuilles ou non, tu me suivras. (Le moine de Saint-Gall, Des faits et gestes de Charles le Grand.)

[122] Polybe, VI, LI.

[123] Tite-Live, XXXIII, XLV.

[124] Tite-Live, XXX, XLIV.

[125] Polybe, VI, LI.

[126] Tite-Live, XXXIII, XLVI, XLVII et XLVIII.

[127] Tite-Live, XXX, XX.

[128] Tite-Live, XXX, XX.

[129] Cette γερουσία, que Tite-Live appelle ordo judicum, était, nous l'avons dit, la commission exécutive du σύγκλητος ou sénat. (Voyez t. I, liv. II, chap. I, Organisation politique ; cf. liv. II, chap. II, Situation intérieure.)

[130] Tite-Live, XXXIII, XLVI et XLVII.

[131] Tite-Live, XXXIII, XLVI.

[132] Tite-Live, XXXIII, XLVIII.

[133] Tite-Live, XXX, XLIV.

[134] Tite-Live, XXXIII, XLV.

[135] Tite-Live, XXX, XLIV.

[136] Voyez Polybe, III, XXXIX, passim.

[137] Suivant le tracé que nous avons assigné à la directrice de marche, l'épaisseur du massif des Alpes, prise entre Forest-Saint-Julien et Turin, mesure 218 kilomètres. Ce chiffre est bien d'accord avec la supputation de Polybe, accusant, comme on le voit, un intervalle de 1.200 stades ou 222 kilomètres entre ces deux points. La minime valeur de l'écart peut, jusqu'à certain point, servir de vérification.

[138] Tite-Live, XXXI, XXIII. — On observe que la ligne d'opérations considérée se partage, à Ampurias, en deux parties d'égale étendue, et que les Romains plaçaient peut-être au pied des Pyrénées l'origine de leurs mesures. Quoi qu'il en soit, une marche de 4.200 stades ou 777 kilomètres devait encore être pour eux un sujet de profonde admiration.

[139] Molto fu stimata la scoperta degli itinerarii trovati nelle acque termali di Vicarello. La forma data dagli antichi ai bicchieri, sopra i quali intendevano incidere l’ itinerario che da Cadice li menava a Roma, è quella di un cilindro chiuso da un lato : sopra di esso deliuearono quattro colonne corinzie sostenenti un architrave ornato di dentelli e fogliame, e fra le colonne scrissero i nomi delle città colle loro mutue distanze. I primi tre non hanno altro avviso se non che con tal itinerario si va da Cadice a Roma ; il quarto suddivide ancora in quattro parziali itinerarii tutto il viaggio, come appunto l’ Itinerario di Antonino, e dopo aver notato in generale a Gadibas Roma, interpone di poi ab Hispali Cordybee, a Corduba Tarracone, a Tarracone Narbone, a Narbone Taurinos. (P. Raffæle Garrucci, Dissertazioni archeologiche di vario argomento.) Cf. Henzen, 3e volume d'Orelli ; général Creuly, Revue archéologique, 1862.

[140] Polybe, III, LVI. — Tite-Live, XXI, XXXVIII ; XXVII, XXXIX ; XXXI, VII.

[141] Polybe, III, XXXIV.

[142] Polybe, III, LIV. — Tite-Live, XXI, XXXV.

[143] Voyez Daudé de Lavalette, Recherches sur l'histoire du passage d'Annibal d'Espagne en Italie, note A.

[144] Polybe, III, XIII, XV et XXXIII.

[145] Polybe, III, XVII. — Tite-Live, XXI, XV. — Voyez t. I, liv. III, chap. II et III.

[146] C'est vraisemblablement à Berga qu'Hannon avait mis en sûreté les dépôts de l'armée d'Italie. Tite-Live, XXI, LX. — Ce passage de Tite-Live montre bien que Berga était pour Annibal une base d'opérations secondaire. — Cf. Polybe, III, XXXV.

[147] Berga est un point de haute importance ; aussi Carthaginois et Romains s'en étaient-ils longuement disputé la possession. — Tite-Live, XXI, XIX. — Cf. Polybe, III, XXXV, et t. I, liv. III, chap. VI. — Établi à Berga, le frère d'Annibal était bien placé pour commander la ligne de l'Èbre et le littoral catalan.

[148] Tite-Live, XXI, XXIV.

[149] Polybe, III, XLI. — Tite-Live, XXI, XXIV. — Voyez t. I, liv. IV, chap. II.

[150] Polybe, III, XLIX. — Tite-Live, XXI, XXX. — Cf. liv. V, chap. III, Grenoble.

[151] Polybe, III, LI. — Tite-Live, XXI, XXXIII. — Voyez liv. V, chap. IV, Le mont Genèvre.

[152] Tite-Live, XXI, XXXIV.

[153] Polybe, III, LIII. — Tite-Live, XXI, XXXIV. — Voyez l. V. ch. IV.

[154] Voyez ci-après liv. VI, chap. I, Turin.

[155] Commentaires de Napoléon Ier, t. V, Notes sur le manuscrit venu de Sainte Hélène d'une manière inconnue.

[156] Correspondance de Napoléon Ier, t. XXXI, p. 417-418, passim.

[157] Commentaires de Napoléon Ier, t. IV, Marengo, IV.

[158] Commentaires de Napoléon Ier, t. IV, Marengo, IV.

[159] Annibal avait laissé en Catalogne un dépôt de 10.000 hommes d'infanterie et 1.000 de cavalerie. — Voyez Polybe, III, XXXV. — Tite-Live, XXI, XXIII. — Cf. t. I, liv. III, chap. VI.

[160] Tite-Live, XXVII, XXXIX.

[161] Silius Italicus, Puniques, XV, passim.

[162] Polybe, II, XIV.

[163] Tite-Live, XXI, XXXVIII.

[164] Tite-Live, loc. cit. — L'écart est donc de 94.000 hommes.

[165] P. Orose, IV, XIV.

[166] Eutrope, III, VIII.

[167] Ap. Tite-Live, loc. cit. — Cincius accuse 80.000 hommes d'infanterie et 10.000 de cavalerie.

[168] Polybe, III, passim. — Vide infra.

[169] Voyez Wijnne, Quæstiones criticæ, p. 42 et suiv. — Lemaire, Notes sur Tite-Live. — Fragments historiques grecs, t. III, p. 06-97, de l'édition Didot.

[170] Tite-Live, XXI, XXXVIII.

[171] Strabon, VI, I, 11. — Tite-Live, XXVIII, XLVI. — L'inscription de Lacinium était, comme on le voit, bilingue.

[172] Strabon, VI, I, 11 et VI, III, 5.

[173] Polybe, III, XXXV.

[174] Polybe, III, XXXV.

[175] Polybe, III, LX.

[176] Polybe, III, LX et LXIV. — Tite-Live, XXI, XL.

[177] Polybe, III, LVI.

[178] Eutrope, III, VIII. — Cf. Polybe, III, XLII. — Appien, De bello Annibalico, IV.

[179] Sur ces 20.000 hommes d'infanterie, Annibal compte 8.000 Espagnols et 12.000 Africains. (Polybe, III, LVI.) — Dans l'effectif total de 26.000 hommes (infanterie et cavalerie) ne sont vraisemblablement pas compris les contingents alliés que l'armée s'est adjoints en route. Cette circonstance peut, ainsi que nous l'avons dit plus haut, expliquer les divergences d'appréciations et, spécialement, le propos d'Alimentus. Tite-Live, XXI, XXXVIII. — Il paraît à certains commentateurs difficile de croire que le seul passage des Alpes ait pu coûter à l'armée carthaginoise 36.000 hommes, ou même seulement 20.000. — Non possiamo infatti credere che Annibale perdesse nel passagio una metà delf esercito ; da venti a trenta mila uomini non si perdono nel transito delle Alpi, nemmeno se levassero piu alto il loro capo nevoso. (C. Negri, Storia politica, t. I, cap. IV.) — Il convient, à ce propos, de rectifier une petite erreur de chiffre qui s'est glissée dans l'une des plus belles pages d'une grande histoire. Annibal, dit M. Thiers (Histoire du Consulat et de l'Empire, t. XX), ose franchir les Pyrénées, puis les Alpes avec 80.000 hommes, dont il perd les deux tiers dans ce trajet extraordinaire... Ces nombres ne sont pas absolument exacts. Le tiers de 80.000 est bien d'environ 26.000, mais il faut observer que, aux Pyrénées, Annibal n'avait déjà plus que 59.000 hommes, dont la moitié est de 29.500. Il ne perd donc, des Pyrénées à Turin, qu'un peu plus de la moitié de son effectif.

[180] Mémorial de Sainte-Hélène, 14 novembre 1816.

[181] Polybe, III, LXIII et LXIV.

[182] Polybe, III, LVI et LXIII.

[183] Polybe, III, LVI et LX.

[184] Polybe, III, LIV et LX.

[185] Polybe, III, LX.

[186] Polybe, III, LX. — Tite-Live, XXI, XXXVIII.

[187] Polybe, III, LX. — Tite-Live, XXI, XL et XXVII, XLIV. — Appien, De bello Annibalico, IV.

[188] Polybe, III, LXI.

[189] Polybe, III, LX. — Tite-Live, XXI, XL.

[190] Tite-Live, XXI, XL et XXVII, XLIV.

[191] Tite-Live, XXI, XL et XXVII, XLIV.

[192] Polybe, III, LXI.

[193] Tite-Live, XXI, XL.

[194] Polybe, III, LX. — Tite-Live, XXI, XXXIX et XL.

[195] Silius Italicus, Puniques, III.

[196] Doveva Annibale ricomporre l’ esercito disordinato dopo un tanto passagio... (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino.)

[197] Polybe, III, LX.

[198] Silius Italicus, Puniques, IV, v. 39.

[199] Polybe, III, LX. — Tite-Live, XXI, XXXIX. — Silius Italicus, Puniques, IV, v. 39.

[200] Tite-Live, XXI, XXXIX.

[201] Voyez t. I, liv. III, chap. V.

[202] Polybe, III, LX.

[203] Juvénal, Sat. X, v. 154.

[204] Hesiodi fragmenta, fragment CIV de l'édition Didot. — Comparez Hygin, fab. 154.

[205] Héliades, passim.

[206] Hippolyte, v. 735 et suiv.

[207] Quinti, Posthomerica, liv. V, v. 625-630 ; live X, v. 192-194.

[208] Pline, Hist. nat., XXXVII, XI.

[209] Argonautiques, v. 596-606.

[210] Polybe, II, XVI.

[211] Strabon, V, I, 9.

[212] Diodore de Sicile, V, XXIII.

[213] Pline, Hist. nat., XXXVII, XI.

[214] Denys Périégète, Orbis descriptio, v. 291.

[215] Anonymi, vulgo Scymni Chii, Orbis descriptio, 395.

[216] Polybe, II, XVI. — Strabon, V, I, 9. — Diodore de Sicile, V, XXIII. — Pline, Hist. nat., XXXVII, XI.

[217] Hérodote, Hist., III, CXV.

[218] Strabon, V, I, 9.

[219] Eustathe, Comment., 288.

[220] Eustathe, Comment., 288. — ... nome del Eridano. si usa dagli astronomi come nome d'una costeliazione dell' emisfero meridionale, rappresentata a guisa di fiume. (Barberi, Gran dizionario, t. II.)

[221] Pline, Hist. nat., XXXVII, XI.

[222] Hérodote, Hist., III, CXV.

[223] Servius ad Virg. Georg., I, 482.

[224] Ap. Pausanias, I, III, 6.

[225] Pline, Hist. nat., XXXVII, XI.

[226] Apollonius de Rhodes, Argonautiques, v. 627-928.

[227] Pline, Hist. nat., XXXVII, XI.

[228] Strabon, V, I, 9.

[229] Odyssée, XV, v. 460. — Cf. Exode, XXVIII, 19.

[230] Hist. nat., IV, XXVII ; XXXVII, XI, XII et XIII.

[231] Pline, Hist. nat., XXXIII, XI. — La théorie de Nicias provient peut-être de la ressemblance du nom de l'ambre, ήλεκτρον, avec l'un des noms grecs du soleil, ήλέκτωρ.

[232] Pline, Hist. nat., XXXVII, XI, XII et XIII.

[233] Strabon, IV, II, 1.

[234] Ούένετοι est la transcription grecque d'Ou-Anait, le peuple de la mer. Anaïs ou Anaïtis était, on s'en souvient, l'Amphitrite phénicienne.

[235] Diodore de Sicile, V, XXII.

[236] Il en fut encore de même au temps de la domination romaine ; mais alors le commerce avait pris d'autres voies. Après la ruine des Vénètes de l'Océan, les Vénètes de Vénétie recevaient l'ambre de la Baltique par l'Allemagne et la Hongrie. Pline, Hist. nat., XXXVII, XI.

[237] Hérodote, Hist., III, CXV.

[238] Hesiodi fragmenta, fragm. CIV, ap. Hygin, fab. 154. — Pline, Hist. nat., III, XX.

[239] Hérodote, Hist., III, CXV.

[240] M. d'Arbois de Jubainville analyse le mot Ήρι-δανός, qui signifierait, à son sens, prêt du matin, don du matin, fils du matin, c'est-à dire le soleil. Sous le nom d'Eridan, dit-il, on se figurait poétiquement la lumière du soleil comme une sorte de fleuve majestueux courant de l'orient à l'occident, et versant au nord-ouest de l'Europe ses flots enflammés dans le sein de l'Océan, qui formait la limite du monde. (Voyez le tome XXXVII des Mémoires de la Société des antiquaires de France.)

[241] Hérodote, Hist., III, CXV.

[242] Une longue discussion philologique serait ici hors de propos, mais il nous faut appeler un instant l'attention du lecteur sur la valeur très-remarquable que les idiomes préhistoriques attribuaient au monosyllabe An. Ce son nasal impliquait, selon nous, le sens de puissance, et symbolisait la divinité, les forces de la nature, les grands accidents topographiques. Employé tantôt comme préfixe, tantôt comme affixe ou suffixe, il semble avoir eu pour féminin le dissyllabe Ana. Voici quelques exemples tirés de la transcription grecque, latine ou moderne. La constante An ou Ana nous apparaît avec une persistance singulière dans les noms de divinités : URANUS, VULCANUS, PAN, TARANIS, CHEITHAN, DIANA, ANAÏTIS, etc. ; dans les noms de volcans : TITAN, AIT-ANA (Etna), etc. ; de monts : BALKAN, LIBAN, CILBIANS, GRAMPIANS, CANIGOU, CANTAL, ORIZANA, etc. ; de mers et lacs : OCEANUS, VERBANUS, LEMANUS, TANGANIKA, NYANZA, etc. ; de fleuves et rivières : ERIDANUS, RHODANUS, DANUBE, TANAÏS, STEGANUS, GANGE, PARANA, PARANAÏBA, MARANON, TANARÔ, ANIO, ANA, SEQUANA, MEDUANA, VOLANA (branche du Pô), etc. Il nous serait facile de multiplier les exemples ; mais ceux que nous venons de citer suffisent à démontrer combien la loi est générale. Cela posé, et aux termes de cette loi, le composé Ir'ill-ed-An signifierait bras du Puissant. Tel est, à notre sens, le mot primitif dont la transcription a fait Ήριδανός : Eridanus

[243] Hesiodi fragmenta, fragm. CIV, ap. Hygin, fab. 154. — Phérécyde est un auteur du Ve siècle avant notre ère.

[244] Scylax de Caryanda, Périple, 19.

[245] Hérodote, Hist., III, CXV. — Pline, Hist. nat., XII, VIII.

[246] Polybe, II, XVI. — Pline, Hist. nat., III, XX.

[247] Polybe, II, XVI. — Diodore de Sicile, V, XXIII. — Pline, Hist. nat., XXX, XI. — Appien, De bello Annibalico, V, et De bellis civilibus, I, CIX.

[248] On a longuement disserté sur la signification de ces deux noms Padus et Bodincus, qui paraissent impliquer la commune racine Pad ou Bod. Pline exposait que la première comportait, en celtique, le sens de pin. (Pline, Hist. nat., III, XX.) — Cf. Aymar du Rivail, Hist. des Allobroges, XXI, trad. Macé. — Tel n'est point, à ce sujet, l'avis de Dieffenbach. Ce commentateur estime (Celtica, I, p. 169) qu'on cherche à tort à retrouver dans Pad un mot gaulois signifiant pin. — Quant au mot Bodenk, il signifierait, en ligure, profondeur sans fond. (Pline, loc. cit.) — On croit, dit à ce propos M. Littré (Pline, édit. Didot), retrouver dans ce mot le français bout, but, extrémité, de sorte que inc, complètement inconnu d'ailleurs, signifierait sans. On en a rapproché aussi le mot allemand BODEN, fond, sol. Comparez encore le bas-latin podium, en vieux français pui, lequel veut dire montagne et aussi  chose sur laquelle on s'appuie. — Suivant Pictet, le mot Boduos voudrait dire, en celtique, corbeau. Le nom gaulois du fleuve proviendrait-il du fait de la multitude de corneilles croassant sur ses rives ? Le texte suivant serait assez de nature à le faire supposer : immensa alioqui finitimo Insubrium tractu examina graculorum monedularumque. (Pline, Hist. nat., X, XLI.) — Quoi qu'il en soit, il est avéré que cette racine Pad ou Bod persiste jusques au moyen âge sous les formes de Pavus, Pau et surtout Paudus. C'est ainsi qu'on lit : Fluvius Paudi (M. H. P. Chart. II, a. 1080), et Pons Paudi (Ordinati comunali, 1385.) — Cf. Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, passim. — En somme, le nom moderne de Pô n'est que la transcription à la fois italienne et française de la dénomination usitée en Cisalpine au temps de la deuxième guerre punique.

[249] Polybe, II, XVI.

[250] Pline, Hist. nat., III, XX.

[251] De Montannel, Topographie militaire de la frontière des Alpes.

[252] Il Po nasce presso ai colle delle Traversette in fianco ai Monviso. (Colonel Sironi, Saggio di geografia strategica, parte III, cap. VIII.)

[253] Denys le Périégète, Orbis descriptio, v. 289.

[254] Pline, Hist. nat., III, XX.

[255] Pline, Hist. nat., III, XX.

[256] Prisciani, Periegesis, v. 279-280.

[257] Pline, Hist. nat., III, XX.

[258] Pline, Hist. nat., II, CVI.

[259] Polybe, II, XVI.

[260] ... volge a levante, nella quale dirittura prosegue fino alle foci, malgrado le numerose inflessioni... (Colonel Sironi, Saggio di geografia strategica, parte III, cap. VIII.)

[261] Polybe, II, XVI.

[262] Pline, Hist. nat., III, XX.

[263] Il [le Pô] a cent trente à cent trente-cinq lieues de cours. (Commentaires de Napoléon Ier, t. I. Campagnes d'Italie, chap. I. Description de l’Italie, § 4.) — ... da Saluzzo al mare, ossia su circa 500 chilometri. (Colonel Sironi, Saggio di geograjia strategica, parte III, cap. VIII.)

[264] Hésiode, Théogonie, v. 338.

[265] Pline, Hist. nat., III, XX.

[266] La sua profondità varia dai 2 ai 4 metri da Saluzzo al Ticino, nelle condizioni ordinarie, misurandone 3 presso a Valenza, 4 sotto Bassignana. Dopo il Ticino, cresce saltuariamente Faltezza delle sue acque, e presso Stellata è di 9 metri circa. (Colonel Sironi, loc. cit.)

[267] Strabon, IV, VI, 5.

[268] Sa largeur est de 130 toises vis-à-vis Turin, de 200 toises vis-à-vis Plaisance, de 300 toises à Borgoforte, de 600 toises à Ponte-di-Lagoscuro, vis-à-vis Ferrare. (Commentaires de Napoléon Ier, I. Campagnes d'Italie, chap. I. Description de l'Italie, § 4.) — ... letto gia piuttosto largo... Varia ne è la larghezza... 160 metri a Torino... 250 a Valenza... 470 al confluente del Ticino... 910 a Cremona. (Colonel Sironi, loc. cit.)

[269] Strabon, IV, VI, 5. — Silius Italicus, Puniques, IV.

[270] Rapidissima è la corrente del Po dalle origini fino presso a Revelto, disendendo esso di 1600 metri nello spazio di 34 chilometri ; si conserva considerevole da Saluzzo a Torino. (Colonel Sironi, loc. cit.)

[271] Strabon, IV, VI, 5.

[272] Dopo avere recivute le acque della Sesia e del Tanaro il Po si fa piu lento... decresce gradatamente da Torino al Ticino, nel qual tratto in media scende di 0m,58 per 100 ; assai piu lento dopo il Ticino. La discesa totale del Po da Saluzzo al mare... da la media di 0m,70 per chilometro. (Colonel Sironi, loc. cit.)

[273] Strabon, IV, VI, 5.

[274] Commentaires de Napoléon Ier, t. I. Campagnes à Italie, chap. I. Description de l'Italie, § 4.

[275] Polybe, II, XVI.

[276] Strabon, IV, VI, 5.

[277] Polybe, II, XXXII et XXXIV, passim.

[278] Strabon, IV, III, 3 ; IV, VI, 5, 12 ; V, I, 6 et 11.

[279] Pline, Hist. nat., III, XX.

[280] Pline, Hist. nat., III, XX.

[281] Pline, Hist. nat., III, XX.

[282] Polybe, II, XVI. — Pline, Hist. nat., III, XX. — ... tanta copia di acque... (Colonel Sironi, Sagqio di geografia strategica, parte III, cap. VIII.)

[283] Polybe, II, XVI. — Strabon, V, I, 5. — Pline, Hist. nat., III, XX.

[284] Pline, Hist. nat., III, XX.

[285] Le piene che... si rinnovarono con tanta frequenza... (Colonel Sironi, loc. cit.)

[286] Strabon, V, I, 11.

[287] Polybe, II, XVI.

[288] Strabon, IV, VI, 5.

[289] Pline, Hist. nat., III, XX.

[290] Jornandès, De Getarum origine et rebus gestis, cap. XXIX.

[291] Pline, Hist. nat., III, XXI. — È navigabile il Po per quasi tutto il suo corso ; dopo Torino, anche con barache di grossa portata. (Colonel Sironi, Saggio di geografia strategica, parte III, cap. VIII.)

[292] Polybe, III, LXVI.

[293] Pline, Hist. nat., XVI, LXX.

[294] Tacite, Hist., II, XVII et XXII.

[295] L'organisation de la flottille du Rhin se rapporte au temps de Drusus l'Ancien, à qui l'on attribue l'ouverture des fossa Drusiana. (Florus, IV, XII, 26.) Cette flottille prit le nom de Classis Germanica. — Voyez, à ce sujet, Tacite, Annales, I, LX, LXIII, LXX ; II, VI, VII, VIII et XXIII ; Hist., I, LVIII. — Cf. Orelli, inscr. 3600.

[296] La flottille du Danube (Classis Mœsica ou Pannonica) ne fut formée qu'au temps du règne de Vespasien. — Voyez Tacite, Annales, XII, XXX ; Zosime, III, X. — Cf. Orelli, inscr. 3601 et 3602 ; Mommsen, I. R. N. 5986.

[297] Classis fluminis Rhodani. Cette flottille se tenait ordinairement en station à la hauteur d'Arles ou de Vienne.

[298] Classis Ararica Caballoduno. C'est à Chalon-sur-Saône que mouillait, le plus souvent, cette flottille.

[299] Classis Anderetianorum. Cette flottille stationnait aux abords du confluent de la Seine et de l'Oise.

[300] Les Romains entretenaient une flottille sur le lac de Côme et une autre sur le lac de Neufchâtel. Celle-ci mouillait ordinairement, sous le nom de Classis Barcarioram Ebraduni Sapaudiœ, au havre d'Yverdun, que quelques commentateurs imprudents ne craignent pas de confondre avec Embrun en Dauphiné.

[301] Polybe, II, XVI ; III, LXXV. — Tite-Live, XXI, LVII. — Pline, Hist. Nat., III, XXI.

[302] Orelli, inscr. 3598. — Cf. Mommsen, I. R. N. 1460, 1884, 2757, 2805. — La flotte de Ravenne comprenait, vers le milieu du IIe siècle, 240 navires de guerre. (Jornandès, De Get. Orig.. cap. XXIX.)

[303] Appien, De bello Annibalico, VII.

[304] Tite-Live, XXI, LVII. — Ce nom d'emporium a persisté dans les désignations cadastrales des propriétés riveraines du Pô. Voici de ce fait deux exemples dont nous devons communication à l'obligeance de M. le comte Pallastrelli : Anno 1116, 20 novembre. Bongiovanni Agiprando e Alchinda sua moglie ed altri vendono perfiche 21 (ectari 1,60) di terra posta nella campagna di Piacenza al di la di Trebbia, la quale terra si chiama Ampoirola. (Notaio Bonvicino.)Anno 1131, 11 gennaio. Investitura di pertiche 20 (ectari 1,32) di terra posta in Amporiola. (Notato Bonvicino.)

[305] Tite-Live, XXI, LVII.

[306] L'avant-garde s'empara d'un grand nombre de barques chargées de vivres, de blessés, et enfin de toute l'évacuation de Turin. (Commentaires de Napoléon Ier, t. IV. Marengo, III.)

[307] Dopo Torino, si subdivide frequentemente in diversi bracci, i quali comprendono isole generalmente sabbiose e boschive, ma non tutte stabili... le sue rive divengono affatto piatte ed unite, colla sola eccezione del tratto corrispondente alla stretta di Stradella, ove il piede delle vicine colline muore quas alla sua sponda destra... Dal Tanaro al Ticino, le sponde sono generalmente di livello. (Colonel Sironi, Saggio di geografia strategica, parte III, cap. VIII.)

[308] Ovide, Amours, II, 17. — Claudien, Épithalame d'Honorius.

[309] Claudien, Epithalame d'Honorius ; Epître à Sérène ; VIe consulat d'Honorius.

[310] Pline, Hist. nat., III, VII.

[311] Pline, Hist. nat., XXXIII, XXI.

[312] Pline, Hist. nat., IX, XVII.

[313] Claudien, Épître à Sérène.

[314] Hesiodi fragmenta, fragm. CIV, ap. Hygin, fab. 154.

[315] Silius Italicus, Puniques, XIV.

[316] Pline, Hist. nat., XXI, XLIII.

[317] Strabon, II, V, 29.

[318] Polybe, II, III, passim, et VII, IX.

[319] Strabon, V, I, 3.

[320] Pline, Hist. nat., III, XIX.

[321] Strabon, II, V, 29 et V, I, 1.

[322] Pline, Hist. nat., XVII, II.

[323] Pline, Hist. nat., VIII, LXXIII ; XIV, XXV ; XVIII, XXV et XXX.

[324] Strabon, II, I, 41.

[325] Pline, Hist. nat., III, XXIII.

[326] Polybe, II, XIV.

[327] Polybe, II, XIV et XVI.

[328] Polybe, II, XIV.

[329] Polybe, II, XIV.

[330] Polybe, II, XIV.

[331] Polybe, II, XIV.

[332] Strabon, V, I, 3.

[333] Strabon, V, I, 3.

[334] Pline, Hist. nat., III, VI.

[335] Pline, Hist. nat., III, XXIII.

[336] Strabon, V, I, 4.

[337] Polybe, II, XVI.

[338] Strabon, V, I, 4.

[339] Pline, Hist. nat., III, XXI ; X, XLI ; XVII, V et XXXV ; XVIII, XII, XXXIV et LVI ; XIX, III ; XXXVII, XI.

[340] Pline, Hist. nat., III, XXI.

[341] Pline, Hist. nat., II, LXXXII.

[342] Strabon, VI, IV, 1. — Pline, Hist. nat., II, CVI.

[343] Strabon, VI, IV, 1. — Pline, Hist. nat., III, XXIV et XXXIII, XXI.

[344] Strabon, V, I, 12. — Pline, Hist. nat., XXXIII, XXI. — Polybe, XXXIV, X, 10. — Strabon, V, I, 8.

[345] Pline, Hist. nat., XXXIV, I.

[346] Pline, Hist. nat., XXXVI, XLIV et XLVIII.

[347] Strabon, V, I, 12, et VI, IV, 1. — Plutarque, Camille, XVI. — Pline, Hist. nat., III, VI.

[348] Tacite, Hist., III, L.

[349] Pline, Hist. nat., XVII, III.

[350] Strabon, VI, IV, 1.

[351] Tite-Live, XXI, LIV.

[352] Pline, Hist. nat., II, VI et LI.

[353] Pline, Hist. nat., VII, L.

[354] Polybe, II, XIV, XV et XVII.

[355] Tite-Live, V, XXXIII.

[356] Strabon, V, I, 3, 4 et 12 ; VI, IV, 1.

[357] Pline, Hist. nat., III, VI.

[358] Plutarque, Camille, XV.

[359] Tacite, Hist., II, XVII et Annales, XII, XLIII.

[360] Gunter, Ligurinus, lib. II. — P. Valeriano, Amorum, lib. IV. — J.-C. Scaliger, Poemata varia. — Cf. Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, cap. V : Storia naturale dell' agro Taurino e delle sue adiacenze.

[361] Pline, Hist. nat., XVIII, XXIX.

[362] Pline, Hist. nat., XVIII, XII.

[363] Casteggio et Casatisma produisent un blé superbe, que le commerce cote presque à l'égal du fameux Breansa, l'œil-de-perdrix d'Odessa. La pâte que ce blé donne est d'une élasticité singulière et peut s'étirer en fils de plusieurs mètres de longueur.

[364] Pline, Hist. nat., XVII, VI.

[365] Pline, Hist. nat., XVII, V.

[366] Pline, Hist. nat., XVIII, LXVII.

[367] Polybe, II, XV.

[368] Exactement, 37 litres 24 centilitres.

[369] Strabon, VI, IV, 1. — Plutarque, Camille, XVI. — Pline, Hist. nat., III, VI.

[370] Tite-Live, XXIII, XXIV ; XXXIV, XXII et XLII. — Frontin, Strat. I, VI, 4. — Le mot Litana est vraisemblablement la transcription d'El-Ait-Ana.

[371] Pline, Hist. nat., passim. — Cf. Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, cap. V : Storia naturale dell' agro Taurino e delle sue adiacenze.

[372] Pline, Hist. nat., XII, LI.

[373] Pline, Hist. nat., XX, LIX.

[374] Pline, Hist. nat., XII, XIV, et XVI, LIX.

[375] Pline, Hist. nat., XVI, XIII.

[376] Pline, Hist. nat., XVII, XV et XXXV.

[377] Pline, Hist. nat., XIV, III, et XVII, XXXV.

[378] Pline, Hist. nat., XVII, XXXV.

[379] Pline, Hist. nat., XIV, III.

[380] Virgile, Géorgiques, II, v. 95-96. — Pline, Hist. nat., XIV, VIII.

[381] Pline, Hist. nat., XIV, IV.

[382] Pline, Hist. nat., XIV, VIII.

[383] Pline, Hist. nat., III, VI.

[384] Polybe, II, XV. — Le métrète équivaut exactement à 22lit,344.

[385] Strabon, V, I, 12. — Cf. Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, cap. V.

[386] Strabon, V, I, 12.

[387] Pline, Hist. nat., XIX, II. — Risponde la regione Alliana a quel tratto di Lomellina che tra Ticino ed Arbogna... (Carlo Promis, Storia dell'antica Tortno, cap. V.)

[388] Pline, Hist. nat., XIX, XVII.

[389] Pline, Hist. nat., XXVII, XXVIII.

[390] Pline, Hist. nat., XXV, V.

[391] Plutarque, Camille, XVI. — Pline, Hist. nat., III, VI.

[392] Strabon, V, I, 12.

[393] Strabon, V, I, 4 et 9 passim. — ... le razze di cavalli nutrite dai Veneti eran celebri in Grecia ed in Sicilia. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, cap. V.) — Cf. Maffei, Verona ill., lib. I.

[394] Strabon, V, I, 12. — Polybe, II, XV.

[395] Polybe (XII, IV) expose, en tous détails, les procédés d'élevage et de garde des troupeaux cisalpins. — Notre mot bouquin vient de βυκάνη.

[396] Élien, De natura animalium, XIV, XXIX. — Cf. Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, cap. V.

[397] Pline, Hist. nat., IX, XXXIII.

[398] Polybe, II, XV. — Voyez, sur l'excellence et la variété des produits de la Cisalpine : Pline, Hist. nat., XIV, IV ; XVII, II ; XVIII, XII, XX, XXV, XXX, XLIX ; XIX, III, et passim.

[399] Diodore de Sicile, V, VI. — Pline, Hist. nat., XXI, XXXV.

[400] On est frappé de l'analogie de l'ethnique Sikel avec Mikel (Michel, M-eg-aël), nom de l'Hercule amazir'.

[401] Pline, Hist. nat., III, XIX.

[402] Pline, Hist. nat., III, IX et X.

[403] Strabon, I, I, 10, et VI, I, 6.

[404] Diodore de Sicile, V, VI. — La Sicile a tiré son nom de celui des Sikels ou Sicules.

[405] Tite-Live, V, XXXV. — Pline, Hist. nat., III, XXI.

[406] Hésiode, Fragm. CXXXII, éd. Didot. — Cf. Strabon, VII, III, 7.

[407] Caton, Orig., liv. II.

[408] Strabon, IV, VI, 2.

[409] Strabon, II, V, 28.

[410] Eschyle, Prométhée, ap. Strabon, IV, I, 7.

[411] Artémidore. — Cf. Étienne de Byzance.

[412] Pline, Hist. nat., III, XXI. — ... Stefano Bizantino che disse Piacenza città ligure. (B. Pallastrelli, La città d'Umbria, cap. III.)

[413] ... quos Ombrios a Græcis putent dictos quod inundatione terrarum imbribus superfuissent. (Pline, Hist. nat., III, XIX.) — Cette étymologie est absolument puérile. Celle que proposait Amédée Thierry (Histoire des Gaulois, t. I) nous paraît très-risquée.

[414] Pline, Hist. nat., III, XIX. — Cf. Denys d'Halicarnasse, I, XV. — Florus, Hist. rom., I, XVII.

[415] ... intorno alia derivazione degli Umbri fu disputato, chi affirmando, chi negando una origine gallica di essi, e chi tunendoli, come i Toschi, indigeni e chi no. (Pallastrelli, La città d'Umbria, cap. III.)

[416] Histoire des Gaulois, t. I.

[417] Antiquités romaines, Berlin, 1856.

[418] Les Celtes et leurs migrations, Leipzig, 1861.

[419] La linguistica tolse le dubbiezze, dimostrando la lingua degli Umbri esse sorella all' osca... diversa d'origine e di nature dalla celtica e dalla etrusca. (Rosa, Origini della civittà in Europa, t. I.) — Gli Umbri si ritennero di razza osca... (Micali, Storia degli antichi popoli Italiani.)

[420] Nous avons admis ci-dessus (t. I, liv. III, ch. IV) l'opinion d'Amédée Thierry, mais sous toutes réserves ; il nous est impossible de prendre parti dans le débat.

[421] Pline, Hist. nat., III, XIX.

[422] Strabon, V, II, 1.

[423] Hesiodi Fraqmenta, fragm. CCII, éd. Didot.

[424] Denys d'Halicarnasse, I, XXII, et suiv.

[425] Hérodote, Hist., I, XCIV.

[426] Strabon, V, II, 2. — Pline, Hist. nat., III, VIII.

[427] Mommsen, Hist. romaine, I, 108-111.

[428] Vannucci nella sua coscienziosa Storia d'Italia (I, 85, 115) reca le opinioni degli storici italiani, francesi e germanici intorno alle origini degli Etruschi, e conclude in favore della provenienza Asiatica di essi. — ... la provenienza Lidia, si proclamata da tutta la antichita, confermasi dai recenti studi comparativi delle arti etrusche colle asiatiche. (B. Pallastrelli, La città d'Umbria, cap. III.)

[429] Strabon, V, II, 2. — Pline, Hist. nat., III, VIII.

[430] Pline, Hist. nat., III, VIII. — Selon cette hypothèse, le nom viendrait du grec θύειν, sacrifier.

[431] Les Etrusques avaient dépossédé les Oskes. Strabon, V, IV, 8. — Ceux-ci donnèrent aux conquérants leur propre nom, affecté du préfixe Ta, lequel implique un sens d'infériorité honteuse. Les Etrusques se donnaient aussi le nom de Rasènes, dans lequel on retrouve facilement la racine sémitique Ras, tête.

[432] Pline, Hist. nat., III, XIX.

[433] Pline, Hist. nat., III, XIX.

[434] Strabon, V, I, 10.

[435] Polybe, II, XVII.

[436] Tite-Live, V, XXXIII.

[437] Pline, Hist. nat., III, XX. — Tite-Live, XXXVII, LVII ; XXXIX, LV. — Pline, Hist. nat., III, XX et XXIII.

[438] Tite-Live, I, II.

[439] Vuolsi che gli Etrusci giungessero fino alla Trebbia. (Micali, Storia degli antichi popoli Italiani, I, 109.)

[440] ... l'antica alleanza dei due popoli si continuo nelle nuove sedi, alia quale anche i Liguri s' erano accostati. (Galvani, Discorso dell genti e delle farelle loro in Italia ; archiv. stor. ital. vol. XIV, p. 49-76.)

[441] Strabon, V, I, 10. — ... la grassezza del terreno, le accumulate dovizie, la pace incontrastata, ammollirono la tempera di genti già bellicose...  (B. Pallastrelli, La città d'Umbria, cap. III.)

[442] Polybe, II, XVII. — Tite-Live, V, XXXIII, et XXXVII, LVII.

[443] ... i Toschi non sostennero la gagliardia dei sopravvenuti ; e allora, parle ripararono ai luoghi murati ; parte salendo alle Alpi retiche, diedero vita al Tirolo italiano ; e altri prendendo gli Apennini e trafugandosi ai Liguri, con essi mescevansi. (Galvani, Discorso delle genti, p. 79.)

[444] Pline, Hist. nat., III, XXIII.

[445] Strabon, V, I, 10.

[446] Strabon, V, I, 10.

[447] Tite-Live, V, XXXV. — Ma la piena Gallica, più e più ingrossando, travolgeva le impotenti difese, e presto anche le genti Umbrc furono respinte. (B. Pallastrelli, La città d'Umbria, cap. III.)

[448] Tuttavia e Toschi ed Umbri non andarono totalmente dispersi, ma a brani nel vasto spazio tra le Alpi e l'Apennino stettero commisti ai vincitori, quasi isole di civiltà in un mare di barbarie. (B. Pallastrelli, loc. cit.)

[449] Benchè... ancora si mantenesse qui la lega dei Liguri, degli Umbri e dei Toschi, pare che i Liguri non sovvenissero ai soci... (Micali, Storia degli antichi popoli Italiani, III, 52.)

[450] ... nel paese avente per iimiti l'Orco, il Po e la curva dell' Alpi Taurine. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, cap. I.)

[451] Polybe, III, LX.

[452] Tite-Live, XXI, XXXIX. — ... la nazione o tribù de' Taurini aveva, secondo l'uso barbarico, una città sola... (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, cap. II.)

[453] Ni Polybe ni Tite-Live ne donnent le nom de la capitale des Taurini, mais Appien la désigne nettement sous celui de Ταυρασία. Ici Carlo Promis craint qu'Appien n'ait fait confusion : ... confuzione colla Taurasia sannitica ricordata nell' iscrizione di Scipione Barbato. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, cap. II.) On voit, en effet, au musée du Vatican le sarcophage de Scipion le Barbu, l'un des aïeux de l'Africain, et la pierre porte cette inscription :

TAVRASIA CISAVNA

SAMNIO CEPIT—SVBIGIT

OMNE LOVCANA

Il s’agit bien, en ce cas, d'une ville samnite ; mais rien ne prouve qu'Appien ait confondu celle-ci avec la capitale des Taurini. A notre sens, il y a simplement homonymie : Taurasia (Thôr-Ras) signifie tête de la montagne, et peut désigner toute ville placée dans les conditions topographiques alors remplies par Turin et la ville du Samnium. Les inscriptions nous font connaître quelques variantes onomastiques. On rencontre, en effet, les dénominations : [civitas] Augustanorum, Taurinensium ou Taurinatium ; civitas Taurina ou Tauriana. Sous l'Empire, la place fut ordinairement désignée sous les noms d'Augusta Taurinorum et de Taurinum. Nell' età imperiale la nostra patria dicevasi volgarrcente Taurinum. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino.)

[454] Pline, Hist. nat., III, XXI.

[455] ... occupasse uno spazio quasi orizzontale proseguito indefinitamente a aponente e mezzogiorno, limitato a levante e notte da due erti ciglioni rettilinei e paralleli agli alvei del Po et della Dora, dai quali distavano circa un chilometro. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, cap. VII.)

[456] Giona de Suze, Vie de saint Attala, ap. Mabillon, Acta SS. ordinis S. Benedicti, vol. II, p. 117.

[457] ... quella [tribu] de' Secusini, la cui valle a cavalier di Torino, avendo nel Monginevra il più facile accesso alle Gallie, fu forza dai Taurisci venisse occupata. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, cap. I.)

[458] Strabon, IV, VI, 5.

[459] Strabon, IV, VI, 5.

[460] ... notato che degli abitatori di val di Susa, prima di Donno, non si ha anotizia. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, cap. I.)

[461] Pline, Hist. nat., III, XXI.

[462] Pline, Hist. nat., III, XXIV.

[463] Strabon, V, I, 3.

[464] Strabon, IV, VI, 7. — Tite-Live, XXI, XXXVIII. — Dal Cremonis jugum e dall' Alpe Graia [Piccolo San Bernardo] giù per la Dora Baltea al Po stavano i Salassi. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, cap. I.)

[465] Pline, Hist. nat., XVIII, XLIX.

[466] Strabon, IV, VI, 7.

[467] Pline, Hist. nat., III, XXIV.

[468] Pline, Hist. nat., III, VI et XXI.

[469] Strabon, IV, VI, 7. — Pline, Hist. nat., III, XXI.

[470] Pline, Hist. nat., III, XXI. — ... il nome gallico, statogli conservato dai Romani, di Eporedia... (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, cap. VI.)

[471] L'origine de Chivasso n'est pas connue ; l'étymologie de son nom ne l'est pas davantage, parce que les historiens romains et les anciens géographes n’en font pas mention, et les différentes manières dont les écrivains du moyen âge l'ont écrit nous embarrassent. Les uns l'ont appelé, en latin barbare, Clavasium, qui, par corruption, serait devenu Chivasso ; d'autres l'appelèrent Civas, venu peut-être par contraction de Civitas ou de l'augmentatif Civitasso... Sa situation et la qualité de son sol ne nous permettent pas de douter que ce lieu fût habité avant même que les Romains fussent maîtres de la Gaule cisalpine. (Denina, Tableau historique de la haute Italie, section 8, § 1.) — Le nom de Chivasso n'est, à notre sens, qu'une transcription de Ki-ou-Ass, signifiant littéralement : du pays des Ass. Et il faut observer ici que le nom de Salassi n'est peut-être aussi lui-même qu'une transcription d'aël-Ass, famille des Ass.

[472] L'origine de ce nom n'est point difficile à découvrir. On sait, en effet, que les Cisalpins appelaient le Pô Bodenk ; dès lors, on voit que Bodenk-m-ag signifie littéralement : un des enfants du Pô, c'est-à-dire un centre de population établi sur la rive du fleuve.

[473] Pline, Hist.nat., III, XX. — Si i Taurini quando sulla sua destra fondarono Bodincomago nella Liguria Padana. — Stava Bodincomago quasi dirimpelto alia foce di Dora Balica. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, cap. I et VI.) — Cf. Ricolvi, Sito d'Industria ; Gazzera, Bodincomago ; Denina, Tableau historique de la haute Italie.

[474] Pline, Hist. nat., III, XX.

[475] Pline, Hist. nat., III, XX.

[476] Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, n° 70 et 103.

[477] Icti Muli ; quia Icti cujusdam viri nobilis muli hic stabulati fuerint. (Cluverii, Italia antiqua.)

[478] Bonino Mombrizio... pretende, che quivi quindeci mila uomini abbiano combattuto contro di Annibale : vinsero, e poi furono vinti, onde a quel territorio resto il nome di Victumulii. (Durandi, Dell' antica condizione del Vercellese, art. II.)

[479] E molto verisimile clie gl' Ictumuli fossero cosi detti perchè nel loro bosco sacro, in occasione de' consueti loro sacrifizj, riuscissero buoni ballerini, ed in oltre con agilita si accompagnassero col suono... — ... si potrebbe conghietturare che gl' Ictumuli fossero cosi detti dalla prontezza con cui lavoravano nolle miniere. (Durandi, Dell' antica condizione del Vercellese, art. II.)

[480] Diodore de Sicile, XXV, XVII. — ... celtiberica città di Victomela, perita come Sagunto or sono XXI secoli, con codesto nome concordando l'anonimo Ravennate che l'appella civitas Victimula. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, cap. VI.)

[481] Il nome degl' Ictumuli non fu adunque solamente proprio del monte, che ne bassi tempi si disse Vittumulo, ne di un qualche loro borgo cosi appellato, ma furono essi un popolo, ch' ebbe il proprio territorio, o distretto nell agro Vercellese. (Durandi, Dell' antica condizione del Vercellese, art. II : Degl' Ictumuli.)

[482] Tite-Live, XXI, XLV. — Strabon, V, I, 12. — Pline, Hist. nat., XXXIII, XXI.

[483] I Victimuli od Ictimuli, abitanti la regione aurifera del Vercellese. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, cap. VI.)

[484] ... dalle prime colline superiori ai territori de Piverone, Masino e Moncrivello a ponente, e mezzodi tirando una linea, che poscia pieghi a levante e comprenda il territorio di Santià, e di qui tirando un' altra linea a settentriono sin quasi al fiume Cervo, che termini pero alquanto di quà da Biella : tutto il tratto compreso nelle predette linee apparteneva agl' Ictumuli. (Durandi, loc. cit.)

[485] Stanziavano codesti Ictimuli o Victumuli nel tratto estendentesi tra Dora Baltea et Sesia sino all' Elvo ed al Cervo in pianura collinosa... (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, cap. I.)

[486] Santià... luogo principale degl' Ictumuli... compreso nel territorio Vercellese. (Durandi, Dell antica condizione del Vercellese, art III.)

[487] Pline, Hist. nat., III, XXIV.

[488] Strabon, IV, VI, 8.

[489] Erano... propaggini de Taurisci. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, cap. I.)

[490] Strabon, IV, VI, 6.

[491] César, De bello Gallico, IV, X. — Pline, Hist. nat., III, XXIV. — ... Scendendo dal monte Rosa tenevano i Leponzi val di Sesia ed i monti che comandano il Verbano, giuntovi un tratto dell' Alpi Elvetiche e le fonti del Reno. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, cap. I.)

[492] Pline, Hist. nat., III, XXIV.

[493] Pline, Hist. nat., III, XXIV. A ce compte, le nom d'Euganei procéderait des mots grecs εΰ, bien, et γένος, race ; il impliquerait ainsi le sens de race illustre. Cette étymologie est absolument puérile, et il convient d'en chercher une autre. Or les Euganei portaient aussi le nom d'Agauni ou Agoni, et l'on sait, d'autre part, que le mot Agaun avait la signification de rocher. — Agaunum accolas interpretatione Gallici sermonis saxum dicunt. (Bollandistes, 22 septembre, Actes des martyrs de la légion Thébéenne.) — ... la voce Agoni valendo in Celtico rupe o sasso... (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, cap. I.) Cela étant, nous donnerons volontiers au mot Euganei le sens d'habitants des rochers des Alpes.

[494] Tite-Live, I, I.

[495] Pline, Hist. nat., III, XXIV.

[496] Polybe, II, XV.

[497] Pline, Hist. nat., III, XXIII et XXIV.

[498] Tite-Live, I, I.

[499] ... le rive del lago d'Orta e le falde occidentali de' monti Novaresi. — Agoni sotto l' Alpi Novaresi. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, cap. I, passim.)

[500] Pline, Hist. nat., III, XXIV.

[501] Strabon, IV, VI, 6 et 8. — Pline, Hist. nat., III, XXIII.

[502] Strabon, VII, I, 5. On trouve dans le mot Rezie une assonance de Rasènes, le nom national des Etrusques.

[503] Strabon, IV, VI, 6.

[504] Strabon, IV, VI, 6. — Pline, Hist. nat., III, XXIV.

[505] Strabon, IV, VI, 8. — Pline, Hist. nat., III, XXIV.

[506] Strabon, IV, VI, 6.

[507] Strabon, IV, VI, 6. — Pline, Hist. nat., III, XXIII.

[508] Pline, Hist. nat., III, XX.

[509] Strabon, IV, VI, 9.

[510] Pline, Hist. nat., III, XXVIII.

[511] Pline, Hist. nat., III, XXII.

[512] Strabon, VII, I, 5. — Pline, Hist. nat., III, XXIV.

[513] Strabon, IV, VI, 8. — Pline, Hist. nat., III, XXIV.

[514] Strabon, IV, VI, 9.

[515] Strabon, IV, VI, 6 et 8.

[516] Polybe, II, XVII.

[517] Tite-Live, XXI, XXXV. — Pline, Hist. nat., III, XXI.

[518] Tite-Live, XXI, XXXVIII. — Pline, Hist. nat., III, XXI.

[519] Tite-Live, XXI, XXXVIII. — Osservo intanto che i Libici se distesero anticamente dal fiume Ticino sino ai Salassi e Taurini da levante a ponente, tra ie Alpi e il Po da settentrione a mezzodi. (Durandi, Dell' antica condizione del Vercellese, art. I.)

[520] Tite-Live, V, XXXV. — Si denomina tuttavia Lomellina il tratto di paese situato tra il flume Tesino ed il torrente Gogna. (Durandi, Dell' antica condizione del Vercellese, art. III.) — Le nom de Lomelline, qui vient du latin Laumellum, implique évidemment la racine Λαίοι, Lai. Quant à la composante mel, ce serait, dit-on, un vieux mot ligure signifiant collare di cane. — Fu probabilmente cosi chiamata questa bellissima regione, per dinotare come tre fiumi da ogni suo lato la cingono. (P. Portalupi, Storia della Lomellina et del principato di Pavia, Lugano, 1756.) — Cf. Giovanni Tagliacarne, La Lumellina antica e moderna, Turin, Imprimerie royale,  1846.

[521] ... Questi popoli erano i Libici ed i Levi, cioè i Vercellesi, Novaresi e Pavesi. (Durandi, Dell' antica condizione del Vercellese, art. I.)

[522] A MEDIOLANO ARELATE PER ALPES COTTIAS.

Carbantia

"

M. P

Rigomago

XII

M. P

Quadratis

XV

M. P

Taurinis

XXIII

M. P

(Itinéraire d'Antonin.)

[523] Quelques commentateurs voient dans le mot Bantia une variante des leçons Bautia, Bautica, Baltea, tous noms procédant du radical Bod, le Pô. L'expression Carbantia (Ker-Bautia) impliquerait, à ce compte, la signification de ville du Pô. Mais il faut observer qu'il existait dans le monde antique plus d'une ville désignée sous le nom de Bautia. — Polybe, V, CVIII. — Tite-Live, XXVII, XXV. Aujourd'hui encore, on rencontre en Afrique nombre de centres de population appelés Banzas, forteresses. Le composé Kerbantia impliquait peut-être la signification de ville forte.

[524] Pline, Hist. nat., III, XXI. — ... il nome della nostra città era in uso anche presso altri popoli di nazione Celtica. — ... il nome di questa città voglia esprimere qualche impresa militare, e più precisamente qualche atto di difesa. (Durandi, Dell' antica condizione del Vercellese, art. I.)

[525] Pline, Hist. nat., III, XXI. La ville avait pris le nom du cours d'eau voisin, lequel s'appelait Agogna, c'est-à-dire nourrice issue des rochers, et aussi Novara (No-ou-ara, rivière-refuge).

[526] Pline, Hist. nat., III, XXI.

[527] I Libici o Vercellesi si chiamarono Insubri, perchè crano nella clientela di questi. — Libici e Levi erano clienti degl' Insubri, percio questi popoli furono sovente compresi sotto il nome de' loro capi. (Durandi, Dell' antica condizione del Vercellese, art. I.)

[528] Polybe, III, LX. — Tite-Live, XXI, XXXVIII et XXXIX.

[529] Polybe, II, XVII et XXXII.

[530] Polybe, III, LVI.

[531] Strabon, VII, I, 5. Vide supra.

[532] Polybe, II, XVII. — Plutarque, Marcellus, III.

[533] Strabon, V, I, 6. — Plutarque, Marcellus, VII.

[534] Tite-Live, V, XXXIV. — Pline, Hist. nat., III, XXI.

[535] Strabon, V, I, 6. — Plutarque, Marcellus, VII.

[536] Tite-Live, V, XXXV.

[537] Tite-Live, V, XXXV, et XXXII, XXX. — Pline, Hist. nat., III, XXIII.

[538] Strabon, V, I, 9.

[539] Polybe, II, XVII.

[540] ... dalla sinistra del Mincio... il pacse de' Veneti è semprc indipendente... (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, cap. I.)

[541] Polybe, II, XVII.

[542] Jornandès, De Gothorum origine et rebus gestis, XXIX. A notre sens, Ούένετοι est la transcription d'Ou-Anaït, le peuple d'Anaït ou Anaïtis, l'Amphitrite phénicienne.

[543] Polybe, II, XVII.

[544] Tite-Live, I, I ; Strabon, IV, IV, 1, et V, I, 4 ; Pline, Hist. nat., III, XXIII, et VI, II.

[545] Strabon, IV, IV, 1 et V, I, 4.

[546] Polybe, II, XVI. — I Liguri, innanzi che dalle Alpi scendessero le orde galliche, tenevano spaziosamente i due versanti dell' Appennino : da mezzodi giungevano al mare, da levante all' Arno, da settentrione alle Alpi. (Micali, Storia degli antichi popoli Italiani, I, 81.)

[547] Strabon, V, I, 4.

[548] Strabon, V, I, 1 et V, II, 5. — Pline, Hist. nat., III, VII.

[549] Strabon, II, V, 28.

[550] Pline, Hist. nat., III, XX.

[551] Pline, Hist. nat., III, VII.

[552] ...i loro confini furono : a ponente le Alpi ed il Varo ; a settentrione, il Po ; a levante, la Magra ; a mezzodi, il mare ; e verso Casteggio conterminavanti coi Galli. — Da occidente ad oriente, dal Varo al Bolognese tennero le vette Appennine e qualche poco il piano, ma non dovunque con stabile dimora. (B. Pallastrelli, La città d'Umbria, cap. III.)

[553] Tite-Live, XXVIII, XLVI ; XXX, I.

[554] Pline, Hist. nat., III, VII. — Nous avons eu déjà l'occasion de remarquer le fréquent usage que la géographie ancienne faisait du mot Valentia, employé comme nom de lieu. C'était même, dit-on, le nom secret de Rome. Voy. Pline, Hist. nat., III, IX, et les notes de Littré, de l'édition Didot.

[555] Dertona, Der-town, la ville du torrent [de la Scrivia]. — Marcien d'Héraclée, I, 2.

[556] Iria, vicus Iria, Bog-iria. Cf. Bokhara, Boghar, etc. — ... Liguri Iriates. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino.)

[557] Clastidium, Ki-Asti-town. — Tite-Live, XXXII, XXIX.

[558] Polybe, II, XVII, XXXII et XXXVIII. Ana-am-ara, mot à mot : peuple de la rivière nourrice, c'est-à-dire riverain d'un cours d'eau arrosant une vallée fertile.

[559] Polybe, II, XXXIV.

[560] Polybe, II, XVII et XXXII. — ... Stanza gli Anani dove sorse poi Piacenza, confinati a levante dai Boi, a ponente più o meno da Casteggio, a settentrione dal Po, a mezzodi dagli Appennini. (B. Pallastrelli, La citta d'Umbria, cap. III.)

[561] Polybe, II, XVII et XVIII. — Strabon, V, I, 10.

[562] Polybe, II, XVII.

[563] Polybe, III, XVII. — Strabon, V, I, 10.

[564] Strabon, V, I, 10.

[565] Pline, Hist. nat., III, XX.

[566] Pline, Hist. nat., III, XXI.

[567] I Boi, lambendo le radici di questi monti [Appennini] tenevano dal Taro fin oltre Bologna... — I Lingoni procedettero verso la Padusa ed il mare, limitandosi coll'Utente... — I Senoni... ebbero le terre tra questo flume [Utens] e l' Esi, cogli Appennini a destra ed il mare a mancina. (B. Pallastrelli, La citta d'Umbria, cap. III.)

[568] Tite-Live, XLI, XVI.

[569] Pline, Hist. nat., III, XX.

[570] Strabon, V, I, 6 et 10. — Pline, Hist. nat., III, XX.

[571] Polybe, III, XIX. — Strabon, V, II, 10. — Pline, Hist. nat., III, XIX.

[572] Tite-Live, XXVII, XLVI.

[573] Velleius Paterculus, Hist. rom., I, XV, et II, XV.

[574] Strabon, V, I, 11.

[575] Pline, Hist. nat., III, XX.

[576] Polybe, III, LVI.

[577] Polybe, III, LXXXVI.

[578] Pline, Hist. nat., III, XX.

[579] Plutarque, Marcellus, VI.

[580] Polybe, II, XI.

[581] Velleius Paterculus, Hist. rom., I, XIV.

[582] Polybe, III, XL. — Comme on le voit, Polybe attribue aux Romains la création de Plaisance, mais il est vraisemblable que ce centre de population préexistait à la conquête romaine. Quant au nom de la ville, peut-on croire qu'il soit de l'invention d'un agent du gouvernement de Rome ? Nous ne le pensons pas. Suivant Denina (Tableau de la haute Italie) et Nisard (Notes sur Tite-Live, édition Didot), Plaisance aurait été ainsi appelée a raison de sa situation agréable, a placendo. Une telle étymologie nous semble plus que risquée ; nous voyons, dans le nom de Πλακεντία, la racine celtique Kent, accompagnée du préfixe pia, lequel se retrouve, sous forme de suffixe, dans le nom de Pavie, Pad-pia.

[583] Strabon, V, I, 11.

[584] Tite-Live, XXX, XIX. —Pline, Hist. nat., III, XX.

[585] Polybe, II, XII.

[586] Tacite, Hist., III, XXXIV.

[587] Velleius Paterculus, Hist. rom., I, XIV. — Tacite, Hist., III, XXXIV.

[588] [Colonis] Cremona. (Pline, Hist. nat., III, XXIII.) — Polybe estime que la colonie dut son nom de Crémone aux Romains (Polybe, III, XL.) L'origine de cette désignation nous semble de beaucoup plus ancienne ; le nom préexistait certainement, comme la ville elle-même, au temps de l'occupation romaine. — Cf. Cremonis jugum. (Tite-Live, XXI, XXXVIII.)

[589] Tite-Live, XXXI, XLVIII.

[590] Tite-Live, XXXVII, LVII.

[591] Pline, Hist. nat., III, XIX.

[592] Tite-Live, XXXIX, LV. — Pline, Hist. nat., III, XX.

[593] Tite-Live, XXXIX, LV. — Pline, Hist. nat., III, XXII.

[594] Strabon, V, I, 8.

[595] Pline, Hist. nat., III, VII. Elle fut dite plus tard Italica Iulia Dertona. (Voy. Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, cap. VI et inscr. n° 139.)

[596] Polybe, II, XV. — Strabon, V, I, 12.

[597] Polybe, II, XV.

[598] Polybe, II, XVII. — Strabon, II, V, 28.

[599] Polybe, II, XVII et XIX.

[600] Polybe, III, XVII. — Strabon, V, II, 1. — Tite-Live, XXXIII, XXXVI.

[601] Strabon, V, I, 12. Plutarque, Camille, XVI.

[602] Plutarque, Camille, XVI.

[603] Tacite, Hist., II, XVII. — Strabon, V, I, 7.

[604] Tite-Live, XXXII, XXX.

[605] Strabon, V, I, 11.

[606] Tite-Live, XXXII, XXIX ; XXXIII, XXXVII.

[607] Tite-Live, XXXIII, XXXVI.

[608] Tite-Live, XXXIII, XXXVII.

[609] Tite-Live, XXXIII, XVXXVII ; XXXVI, XL.

[610] Revue numismatique, 1861, p. 325.

[611] Statère dit Regenbogen Schüsselchen. M. de Longperier pense que ce type n’est que le résultat de la transformation du statère macédonien de Philippe. N. (F. S. S' G.) — M. Ch. Robert semble avoir démontré que le groupe si intéressant des monnaies connues des Allemands sous le nom de Regenbogen Schüssclchen provient directement des Boïes ; que les plus anciennes de ces monnaies ont été frappées dans l'Italie subalpine avec l’or que roulaient les torrents des Alpes. L'éminent Promis en a fait connaître quelques types nouveaux trouves en Lombardie, et très-remarquables en ce qu'ils sont accompagnés de légendes.

[612] Polybe, II, XXXII.

[613] Tite-Live, XXXIII, XXXVI ; XXXVI, XL.

[614] Tite-Live, XXXVI, XL.

[615] Pline, Hist. nat., XXXV, XLVI.

[616] Strabon, V, I, 7.

[617] Strabon, V, I, 7.

[618] Strabon, V, I, 7.

[619] Cicéron, In Pisonem.

[620] Polybe, II, XV. — Tite-Live, XXI, LXII.

[621] Polybe, II, XV. — Tite-Live, XXI, XVI.

[622] Polybe, III, XXXII.

[623] Strabon, V, II, 5.

[624] Appien, De bello Gallicis, I, I.

[625] Tite-Live, XXXIII, XXXVI.

[626] Tite-Live, XXXV, V.

[627] Tite-Live, XXX, XVIII ; XXXI, XXI ; XXXII, XXX ; XXXIII, XXXVI ; XXXV, V ; XXXVI, XXXVIII.

[628] Polybe, II, XXXII.

[629] Polybe, II, XXXII.

[630] Essendo la gallica dea de' cavalli Epona rammentata in moite lapidi. (Carlo Promis, Storia dell' antica Torino, cap. VI.) — Cf. Orelli, inscr. 402, 1792, 1793.

[631] Tite-Live, XXI, XXV.

[632] Tite-Live, XXI, XLVI.

[633] Tacite, Hist., I, LIX et LXIV.

[634] Strabon, IV, VI, 2.

[635] Polybe, II, XXXII.

[636] Polybe, II, XXVIII.

[637] Tite-Live, XXXIII, XXXVI ; XXXVI, XL.

[638] Polybe, III, LXII, CXIV.

[639] Polybe, XXIX, VI. — Strabon, IV, VI, 2.

[640] Polybe, II, XXIII. — Tite-Live, XXXI, XXI ; XXXII, XXX ; XXXIII, XXXVI ; XXXV, V ; XXXVI, XXXVIII.

[641] Strabon, V, I, 7.

[642] Polybe, II, XXIII, XXIV, XXXII. — Strabon, V, I, 9. — Cf. Carlos Promis, Storia dell' antico Torino, c. II.

[643] Polybe, III, LXVII. — Tite-Live, XXI, LII.

[644] Tite-Live, XXVII, X.

[645] Polybe, III, LX.

[646] Tite-Live, XXI, XXXIX.

[647] Polybe, III, LXVII. — Tite-Live, XXI, XXX.

[648] Carthage enrôlait déjà des Ligures au temps de la première guerre punique et de la guerre de Libye. (Polybe, I, XVII et LXVII.) Annibal avait lui-même en Espagne des mercenaires ligures. (Polybe, III, XXXIII.)

[649] Saint-Augustin, éd. Gaume, t. II, Epist. cl. I, n° 17.

[650] Silius Italicus, Puniques, liv. III.

[651] Silius Italicus, Puniques, liv. III.