LE PRÊTRE-SOLDAT DANS L'HISTOIRE

 

CHAPITRE XIV. — XVIe SIÈCLE. - La Ligue en Province.

 

 

I. Unité religieuse de la France rompue par la Réforme. - Catholiques divisés. - Les Guises préconisent l'action ; les politiques la parole. — II. Le Manifeste de Péronne. - Le parfumeur Bruyère. - Action des Capucins et des Jésuites. - Les Bourgeois pusillanimes raillent les Croyants courageux. — III. Les Ligueurs à Provins - Prêtres et Religieux combattants. - Ordonnance de Charles IX et Bref de saint Pie V en leur faveur. — IV. L'Evêque de Gap se défend, les armes à la main, contre les Huguenots de Lesdiguières. — V. L'Évêque de Limoges organise la résistance avec les chanoines, et les religieux, contre le duc d'Epernon. — La Ligue en Bretagne. — L'Abbé de Lonlouët et le capitaine du Liscouet. — L'Evêque d'Avranches lutte contre le duc de Montpensier. — VI. Les Ligueurs de Toulouse prient leur Archevêque de les commander. — VII. Sur le refus de l'Archevêque, son frère, le Capucin Ange de Joyeuse prend les armes. - Approbation du Saint-Siège. - Rentrée d'Ange de Joyeuse dans son couvent. - Sa mort. — VIII. L'Evêque du Mans, Claude d'Angennes, dirige la campagne contre les huguenots et les chasse de la province.

 

I

 

Dans la société chrétienne qui supplanta le chaos barbare, le Monarque, ministre de Dieu, a reçu la mission d'assujettir le peuple aux lois sorties de l'Evangile. Ces lois veillent au maintien de la famille, à l'éducation de la jeunesse, à la sauvegarde du Décalogue, à la fraternité des classes sociales. Mais comment préserver cette charte de la désuétude qui atteint tous les codes, si une Corporation religieuse n'en assure, par ses exhortations et par son exemple, le respect et la durée ? Pour que l'enseignement de l'Eglise soit efficace, il faut que l'Etat le protège. La puissance temporelle donne aux dogmes la tutelle de son glaive. L'ennemi de la foi générale est traité comme un factieux. Défense à l'individu de souiller les réservoirs sacrés où s'alimente tout un peuple. Et si le rebelle s'obstine à jeter sa fange dans la piscine commune, la société, représentée par le prince, a le droit de défendre l'hygiène générale contre la malveillance d'un seul. Exécuteur des lois divines, le Roi garde son caractère sacré tant qu'il use de la puissance pour maintenir l'ordre chrétien ; la violation de la loi divine le frappe de déchéance. La soumission du peuple au Prince a pour condition la soumission du Prince à Dieu.

Voilà tout le décalogue politique du Moyen Age. Pendant de longs siècles, le Pontife Suprême exerce sur le Souverain un contrôle qui, dans chaque Etat, assure le triomphe de la liberté et de la justice. La Charte éternelle des droits et des devoirs, promulguée par l'Eglise, régente les Rois et les Peuples. Mais, peu à peu, infidèles aux préceptes et à l'exemple de Charlemagne et de saint Louis, les Rois regimbent contre leur tutrice et veulent s'affranchir d'une juridiction qui subordonne l'ordre politique à l'ordre spirituel. L'autonomie du Pouvoir royal, préconisée par les légistes, est la première révolte contre le Législateur divin. Exhumant les théories que les vieux jurisconsultes avaient forgées pour déifier César, les Rois entendent régner par eux-mêmes et ne connaître d'autre règle que leur omnipotence. Dès lors, émergent deux sociétés mutuellement indépendantes, ayant chacune leur Chef, l'une civile, l'autre religieuse ; celle-ci fondée sur les devoirs, celle-là sur les intérêts ; la première régie par le droit, et l'autre par la force. En divorçant avec Rome, la Réforme proclame solennellement cette séparation et fait ainsi, de l'arbitraire, la loi fondamentale de l'Etat. L'Etat n'a plus qu'un souverain : le détenteur de la puissance matérielle. C'est ainsi que le monde moderne, rétrogradant vers le régime que le Christianisme était venu détruire, prépare la dissolution morale dont nous sommes aujourd'hui les témoins et les victimes, — catastrophe où le Fauve, dompté par les Papes, ayant cassé sa chaîne et tué son belluaire, se rue à l'assaut de tout ce que l'accord de l'Eglise et de l''Etat avait créé de grand ; — cataclysme où règne et triomphe la Femme vêtue de pourpre et d'or, annoncée par le prophète de Pathmos.

 

Profondément catholiques, nos pères du XVIe siècle comprirent, dès le premier jour, de quel grave péril la Réforme menaçait la France. La paix sociale est fondée sur l'union des esprits, professant, — sous l'égide du Prince et de son épée — les mêmes croyances. Cette union ne peut s'établir et se conserver qu'à la condition que tous reconnaissent une autorité supérieure à la raison de chacun. Cette autorité, — l'Eglise Romaine ! — étant frappée d'ostracisme, tout s'écroule. Avec une merveilleuse clairvoyance, le peuple français aperçut l'abîme où le ferait tomber une Race royale hostile à Rome. Assujettie à un Roi protestant, la Nation abjurerait son rôle historique et répudierait le pacte conclu par la France avec le Saint-Siège. Nos aïeux pouvaient-ils condamner leurs petits-fils à l'apostasie et à la servitude ? Pouvaient-ils désavouer les fondateurs de la France pour se rallier à Calvin ? Insensible aux obscènes brocards que fulminaient les scribes de Genève contre l'impure Babylone, le Peuple de France ne cessa de témoigner à la Réforme, — de l'aveu de l'historien protestant Sismondi, — une animosité qui tenait de la fureur. Si les Valois s'étaient, dès la première heure, franchement déclarés contre le protestantisme, l'erreur n'aurait pas, pendant deux jours, terni notre histoire et troublé notre pays. Mais les tergiversations de François 1er et de ses successeurs, la duplicité de Catherine de Médicis, l'affiliation du roi Henri IV à la secte, exaspérèrent le mal et prolongèrent l'anarchie. Abandonnées par leurs appuis traditionnels, les populations n'opposèrent tout d'abord à l'hérésie suisse qu'une tactique languissante et décousue. Ainsi que le fait observer l'ambassadeur de Venise, dans une lettre qui pourrait s'appliquer à la crise actuelle, autant les Huguenots étaient unis et vigilants, autant les Catholiques étaient divisés et nonchalants. Enfin, surgit un Chef digne de notre cause : François de Guise. Après avoir sauvé la France en arrêtant Charles-Quint sous les murs de Metz, le grand capitaine parut appelé à sauver le Catholicisme. Malheureusement, ce paladin ne devait pas conduire nos pères au feu. Frappé par un mercenaire de Coligny, il termina par une mort sainte une carrière épique. En s'adjugeant le rôle et la tâche de leur père, les enfants du grand capitaine n'héritèrent ni de son génie, ni de sa gloire. Chez François de Guise, le génie égalait la foi. Chez ses fils, chez le Balafré, comme chez le duc de Mayenne, la grandeur des desseins fut trahie par l'infériorité des aptitudes. Rendons néanmoins aux derniers des Guises cette justice que, fidèles à la tradition paternelle, ils ne cessèrent de répudier les transactions où s'avilissent les caractères et les doctrines, et se firent un devoir de préférer les champs de bataille aux colloques. Que serait-il arrivé si la voix des hommes de guerre avait prévalu contre les jongleries des hommes d'Etat ! La France du XVIe siècle aurait repoussé l'invasion de Calvin et de Luther, comme la France du VIIIe siècle refoula l'invasion de l'Islam. Au nouveau fléau, les sages décidèrent de n'opposer qu'une offensive verbale. Pendant que le peuple voulait marcher, l'arquebuse à la main, contre les ennemis de sa foi, les intellectuels firent trébucher nos aïeux dans des disputes de prétoire et des commérages de Cour, où se diluèrent les énergies d'une nation créée pour soumettre le monde à l'Empire du Christ.

 

II

 

Comment les Catholiques se ressaisirent-ils ? Sans doute, ils avaient pour eux le nombre. Mais, le nombre, seul, n'a jamais fait triompher une cause, même juste. Hors de France, le nombre favorisait alors les catholiques dans la plupart des contrées de l'Europe, où leur culte était proscrit. Ils l'avaient en Angleterre et en Allemagne. Partout, en tout temps, à chaque page, l'histoire nous montre des majorités inertes, subjuguées par des minorités audacieuses et militantes. Pour que la France subit sans dommage la grande épreuve du xvi' siècle, il ne suffît pas que le Catholicisme fût la foi du peuple français ; il fallut, de plus, que ce peuple donnât son sang pour son Eglise. Sine effusione sanguinis nulla fit remissio, dit l'apôtre Paul. Ce qui l'emporta sur la tactique effervescente des huguenots, ce ne fut pas la supériorité numérique de nos aïeux, mais leur dévouement et leurs sacrifices ; ce qui triompha des Coligny, des Condé, des Rohan, ce fut l'holocauste de braves gens sans nom qui, sur tous les points du Royaume, dans les campagnes comme dans les villes, se levèrent et moururent pour sauver la foi, sans prétendre à la gloire.

 

De 1527 à 1575, pendant près de cinquante ans, les catholiques, divisés, vacillants, sans liens et sans chefs, avaient laissé l'hérésie grandir. Plus de trente mille églises venaient de périr sous la hache et la torche. Dans de nombreuses cités, le vieux culte, interdit, s'éteignait, sans prêtres et sans autels. L'assassinat et la proscription éclaircissaient chaque jour nos rangs et finissaient par glacer les masses, si facilement affolées par les fantômes de la guerre civile. Nul attentat ne réveillait la France de sa torpeur. Quelques émeutes locales épuisaient bien vite l'ardeur de nos pères. Au milieu de cette déliquescence, qui donna, soudain, le signal du soulèvement général ? Un groupe de Français réunis à Péronne, las de n'opposer à l'assaut de l'ennemi que de stériles doléances. Nous sommes en 1576. Après avoir déclaré qu'ils veulent établir la loi de Dieu dans son entier et restituer aux paroisses et Etats de ce Royaume les droits, prééminences, franchises et libertés anciennes, nos braves gens jurent à obéir au Chef qui sera choisi comme leur député. L'engagement est aussi pris de faire sommer tous les Catholiques des villes et des villages d'entrer en ladite association et d'avoir à la favoriser d'armes et d'hommes, suivant la puissance et la faculté de chacun. A peine signé, ce formulaire vole à tire d'aile vers la capitale ; — et, de Paris, gagne, en un clin d'œil, tout le Royaume. A Paris, qui sonne le tocsin du réveil ? Un simple parfumeur, nommé Bruyère. La Ligue, fondée par cet humble bourgeois, enrégimente aussitôt toutes les corporations et tous les Métiers. En quelques jours, les boutiquiers, les artisans, les magistrats, la basoche, les marchands abdiquent leurs querelles, jurent, au pied du grand autel de Notre-Dame, la Sainte Union, et, serrés autour de Mayenne, s'engagent à préserver la France du démembrement et du schisme.

Dans cette campagne, quels sont les plus intrépides auxiliaires des Ligueurs et les plus tenaces ouvriers de notre renaissance ? Deux grands Ordres religieux, les Capucins et les Jésuites[1]. Les Jésuites apprennent aux catholiques à se connaître, à s'unir et à s'affirmer. Les intelligences s'éclairent, les croyances se raffermissent, les cœurs se fortifient. On enrôle les courageux et les convaincus ; on élimine les timides et les incertains. Exclus des cadres, les pusillanimes cessent de paralyser les militants.

Les religieux mendiants, les capucins, vont de ville en ville, de village en village, exciter nos pères à défendre vigoureusement leur credo et leur patrie. Sous les auspices de ces vaillants apôtres. Paris devient la citadelle de la défensive et la métropole de la foi. Nulle part, la population n'apparaît plus éprise de ses traditions, plus attachée à son culte, et plus digne de ses ancêtres. Les compagnons du roi Henri IV ne s'expliquent pas qu'une troupe de portefaix, de manœuvriers, de goujats et de femmelettes s'avise de leur tenir tête. Ces goujats et ces femmelettes fixèrent pourtant le sort de la Religion et de notre fortune. Aujourd'hui encore, les historiens de la Ligue n'accordent leur attention et leur estime qu'aux lâches et cupides bourgeois qui, dans les plates rhapsodies de la Satire Ménippée, exhalent leur lassitude et se pavanent dans leur sybaritisme. Mais qu'a de commun cette égoïste ochlocratie avec la France des paladins ? La race des preux se continue avec les petites gens qui, pour sauver notre patrimoine idéal, chevaliers toujours sur la- brèche, acceptent sans murmure tous les déboires, tous les jeûnes et tous les périls.

 

Tandis que, partout en Europe, dit admirablement Mgr Baudrillart, la masse du peuple se laissa vaincre et reçut, par indifférence, par surprise ou par force, la Réformation de la main brutale de ses chefs, la masse du peuple français ne se laissa ni séduire ni dompter. Elle défendit sa foi contre tout ennemi, par tout moyen, et l'imposa même à son Roi. C'est une des pages les plus grandioses d'une histoire féconde en traits généreux. Il est beau de protester contre les horreurs des guerres de religion, il est plus beau et moins facile de les endurer, afin de rester fidèle à ce qu'on tient pour la vérité.

 

III

 

Vingt ans avant la Ligue, en face du grave péril que faisait courir à la France de saint Rémy l'invasion protestante, le Pape et le Roi avaient décidé de rendre au clergé la fonction militaire qu'il avait jadis exercée contre les barbares et contre l'Islam. C'est dans un livre dû à la plume d'un prêtre, — les Mémoires de Claude Haton que nous est révélée une mesure qui, jusqu'à ce jour, avait échappé, ce nous semble, aux investigations des canonistes. Voici ce curieux passage :

En 1567, les habitants de Provins, — dit Claude Haton — esleurent M, de Louis, gentilhomme catholique, demeurant à deux petites lieues, lequel accepta la charge et se transporta audict Provins, pour y faire le service du Roy. La compagnie de M. de Louis était composée de prebstres, et comme aussi des gens d'aultre estat. Or, il advint, — pour le bien que le Roy fait faire en ce pays icy et par son Royaume, — que tous gens d'Eglise, de quelque religion (congrégation et monastère qu'ilz fussent qui vouldroient aller à la guerre et porter les armes contre les huguenots pour la deffense de la Religion Catholique Romaine, pour son service et celui du Royaume, qu'ilz y fussent admis, ne voulant, pour cela, qu'ilz encourussent le vice d'irrégularité, ni que leur en fust reproché, et que de ce faire on avoit obtenu la licence du Saint-Père, le Pape de Rome, qui fut la cause que plusieurs presbtres, moynes et religieux de différents monastères, tant rentés que mondains, quittèrent le brevière et l'habit, s'enrollèrent soubs des capitaines et s'en allèrent à la guerre[2].

A travers les Mémoires de Claude Haton, défilent maints ecclésiastiques, réguliers ou séculiers, qui, dans ce coin de la Brie, usèrent des prérogatives que leur donnaient l'Eglise et l'Etat pour bannir du Royaume l'erreur violatrice de l'unité nationale. Entre tous ces clercs, un jeune Cordelier de Provins, introduit dans la compagnie qui, sous les ordres du capitaine Valentin Poulet, défendit la ville de Bray-sur-Seine contre les Huguenots, rivalise de prouesses avec les Prêtres-Guerriers de l'ère féodale. Auprès de ce disciple de saint François font également figure de soldats les chanoines de Notre-Dame, du Val de Provinsse doyen rural de Traynel, etc., ecclésiastiques exemplaires, prêts à sacrifier, s'il le faut, leur vie à la défense de notre intégrité religieuse. Une France, déchirée par les sectes, ne serait-elle pas une France condamnée ?

 

IV

 

Mais ce n'est pas seulement aux portes de Paris que le Clergé, docile aux suggestions de sa conscience, et couvert par Rome, prend les armes pour protéger le peuple français contre les perturbateurs de l'ordre chrétien. A peine mis en possession du siège de Gap (novembre 1573), Pierre Paparin de Chaumont, attaqué nuitamment, à coups de pistolet, par les huguenots et blessé au genou, lève une compagnie d'arquebusiers, destinés à défendre -la ville épiscopale contre un coup de main, toujours possible. Quelques années se passent. Un Edit de pacification ordonne le licenciement des bandes armées, — et le capitaine Lesdiguières, le célèbre chef des Huguenots du Dauphiné, reçoit de la Cour le mandat de faire observer dans la province cette loi réparatrice. L'Edit du Roi endort la vigilance de l'Evêque : nul soldat épiscopal ne veille sur les remparts. D'inquiétantes rumeurs circulent parfois autour de la cité, mais ne troublent pas Paparin de Chaumont, vieux soldat, loyal et crédule. Voici, pourtant, que, dans la nuit du 3 janvier 1577, une troupe de sectaires force les portes de Gap. C'est Lesdiguières qui, suivi de deux cents brigands, se dirige vers la place Saint-Etienne. Sans hésiter, l'Evêque revêt l'armure qu'il portait au combat de Moncontour, visite les quartiers non occupés par les calvinistes, en appelant les catholiques aux armes, groupe autour de lui les Chanoines de la cathédrale et les prêtres des paroisses. Une porte, la porte Colombe, qui s'ouvre sur le chemin de la Provence, est libre. Le prélat s'y retranche et donne l'ordre de construire une barricade, quand, tout à coup, Lesdiguières paraît avec sa troupe. Les arquebuses des deux partis croisent aussitôt leurs feux. Plusieurs prêtres tombent ; Paparin de Chaumont, atteint à son tour, se voit obligé d'abandonner le commandement et de cesser le combat. Il faut se résigner à la retraite. Pendant que l'évêque se réfugie à trois lieues de Gap, dans le village de Jarjaye, Lesdiguières et ses huguenots dévalisent et ravagent l'évêché, les églises et les maisons des catholiques notables. Le clergé, conduit par l'évêque, au lieu de se répandre en discours contre l'agression des Réformés, l'a combattue les armes à la main : un tel excès crie vengeance. Le pillage fini, et les arquebusiers huguenots gorgés de butin, Lesdiguières lance un Manifeste, du plus beau style mômier, où il raconte qu'ayant prins la ville de Gap pour faire observer les Edits de pacification — nous venons de voir comment ! — les catholiques et même les ecclésiastiques, — au lieu de se résigner aux pillages et aux tueries, — dressent des Compagnies de gens de guerre pour revenir à Gap, et — scandale affreux ! — pour rentrer dans les églises.

Devant une telle audace, comment rester impassible ? Afin de payer les gens de guerre qu'il faudra lever contre les papistes, rebelles au Saint-Evangile, le vertueux Lesdiguières se voit contraint de saisir les revenus du diocèse[3]. Ainsi, les catholiques soudoieront, avec les biens dont les aura dépouillés la violence, les artisans du vol et les persécuteurs de l'Eglise. Depuis la Réforme cet épilogue rituel clôt toutes les victoires des sectes.

 

V

 

Si — lors de la mort du duc d'Alençon (1584) le dernier fils d'Henri II, — la dévolution de la Couronne de France, par droit de primogéniture, à un Prince huguenot qui, depuis quinze ans, fait campagne contre l'Eglise, s'annonce comme un malheur qu'il faut à tout prix conjurer, et si cette appréhension suffit pour susciter la Ligue, combien s'exaspère davantage encore le patriotisme religieux de nos ancêtres, quand l'assassinat d'Henri III (1589) met la France en face du Roi de Navarre, réclamant pour un fils de Calvin le trône réservé au Vicaire temporel du Pape ! D'un bout du territoire à l'autre, un frémissement de colère soulève les âmes. Le pays, sauvé naguère de l'invasion anglaise et du schisme par Jeanne d'Arc, va-t-il, — lâche descendance des Francs de Clovis, — trahir l'Evangile, sorti vainqueur des mille batailles que nos pères ont gagnées contre le dieu Thor et contre le Prophète ? Quelques années avant la mort d'Henri III, le Pape Grégoire XIII, s'entretenant avec le cardinal de Pellevé, lui a déclaré que le Chef de l'Eglise Romaine ne peut blâmer les catholiques qui prendront les armes contre les fauteurs de l'hérésie. Je suis persuadé que votre Roi partage mon avis, ajouta le Saint-Père, et, du reste, s'il en était autrement, si le Prince manifestait des intentions hostiles, les catholiques n'en devraient pas moins persister dans leur entreprise[4].

 

Dans la plupart de nos cités, une révolte généreuse dépeuplant, tout à coup, châteaux, prétoires, boutiques, échoppes, pousse les gentilshommes, les magistrats, les marchands, les artisans, contre les troupes royales qui, secondées par des bandes allemandes, anglaises et suisses, somment, l'arquebuse au poing, les Ligueurs de reconnaître pour Chef le plus ostensible contradicteur de la Foi nationale.

Dans toutes ces échauffourées locales éclate l'invincible idéalisme de notre Race, aux prises avec les Puissances mauvaises sorties de l'abîme pour nous détruire. Quel poète racontera jamais cette iliade où, cent ans avant la Vendée, nos pères s'escriment avec les mêmes ennemis de notre destin ? A Limoges, l'évêque, Henry de la Martonie, un des prélats que la province honore le plus, veut enlever la ville au roi de Navarre et la donner au duc de Mayenne. Sous les auspices du Pontife, les magistrats, les chanoines, les curés, les religieux, nombre d'officiers, de bourgeois, saisissent le mousquet, et le 14 octobre 1589, sur la place de l'Hôtel-de-Ville, échangent des balles avec les Consuls, prévenus à la hâte de l'émeute, et les troupes royales, bientôt mises en fuite. Plusieurs cadavres jonchent le sol et mettent en deuil les deux partis.

Le dimanche 15 octobre, nouvelle journée. Après les Vêpres, l'Evêque se revêt d'un pourpoint, ceint l'épée, et, suivi de trois chanoines, également armés, qui lui servent d'état-major, donne les ordres aux conjurés, fait fermer les portes des remparts, visite les postes, établit des corps de garde, installe dans son palais le quartier général de la milice et convie à la résistance les fidèles de toutes les paroisses. L'Eglise prend l'initiative, accepte les responsabilités et assure la direction de la guerre. Le lendemain, arrivent deux troupes de cavaliers, guidées, l'une et l'autre, par des chanoines, l'épée au poing. L'Evêque lui-même, cuirasse sur le dos, botté et un bâton blanc à la main, parcourt à cheval le faubourg Boucherie, ouvre la cathédrale aux troupes et loge les officiers à l'Evêché. Dans les corps de garde, Cordeliers et Capucins, armés de hallebardes et d'arquebuses, se préparent au combat, pendant que l'Evêque préside, en son palais, les conseils de guerre qui se succèdent. Mais la fortune de la guerre peut-elle favoriser une milice sans expérience et sans discipline ? La foi ardente qui a mis debout les catholiques de Limoges et leur Chef ne les protège point contre les vieilles troupes du duc d'Epernon, accourues, à marches forcées, — solides bandes de soudards, d'autant plus friandes de batailles que la victoire leur assure le pillage[5].

***

En Bretagne, la plupart des prêtres et des religieux se rangèrent parmi les Ligueurs les plus militants. L historien de la Bretagne, M. Barthélémy Pocquet, signale l'évêque de Rennes, Aymar Hennequin ; l'évêque de Saint-Brieuc, Nicolas Langélier ; l'évêque de Dol, Charles d'Espinay ; le curé de Toussaints, Julien Roussel ; le curé de Mordelles, Sébastien de Herbomez ; le jésuite Odon Pigenat ; l'abbé de Saint-Sauveur, de Redon, etc., parmi les plus effervescents[6]. Mais, c'est à Carhaix que la lutte prend surtout un caractère tragique. Le 4 septembre 1590, un chef huguenot, Hugues du Liscouet, à la tête de deux mille fantassins et de mille cavaliers, envahit, à l'aube, la petite ville, encore ensevelie dans le sommeil ; enfonce les portes, pend, tue, massacre la plupart des habitants, y compris les prêtres, livre les maisons aux flammes, pille et profane l'église, brise et vole les calices et les croix d'argent. Au bruit de ces brigandages, le tocsin sonne dans les paroisses. De Pleyben et des villages voisins accourent les paysans, commandés par un prêtre, l'abbé de Lonlouët. Une lutte violente fait couler le sang des huguenots et des catholiques. L'abbé de Lonlouët, d'un coup de hache, abat le bras du capitaine de Liscouet qui tombe à terre. Liscouet, furieux, enjoint à ses soldats de mettre le feu à la plus belle rue de la ville. Aussitôt, Carhaix se change en un vaste brasier, et ses décombres restent aux mains des Royaux vainqueurs[7].

***

Dévoué aux Guises, l'évêque d'Avranches, François Péricard, fait, lui aussi, de la cité qu'il gouverne, la principale forteresse de la Basse-Normandie et le boulevard de la Ligue. Un des meilleurs lieutenants d'Henri IV, le duc de Montpensier, s'est flatté d'enlever, du premier choc, la ville épiscopale. Mais l'évêque, aidé de son frère, Odoard Péricard et de La Moricière de Vicques, le gouverneur de Pontorson, repousse avec tant de vigueur l'attaque du Prince, que celui-ci, renonçant à l'assaut, décide d'ouvrir des tranchées. Le blocus isole, pendant plusieurs mois, la vaillante cité, sans amoindrir ses ressources, ni ralentir son ardeur. En vain d'énormes pièces d'artillerie vomissent, nuit et jour, sur les remparts et sur les maisons, des boulets de granit, l'évêque et ses fidèles supportent vaillamment cette rafale. Enfin, deux crevasses trouent l'enceinte et, le 2 février 1591, les troupes royales s-'élancent ; mais voici qu'au seuil des brèches un mur de fer surgit et refoule l'envahisseur. A la tête des assiégés, l'Evêque Péricard multiplie les obstacles et fortifie la défensive. On se bat dans les décombres ; on se coupe la gorge sur des monceaux de cadavres.

Mais une telle lutte lèse trop les forces des deux partis pour qu'elle s'éternise. En même temps que le duc de Montpensier donne le signal de la retraite, le Gouverneur fait battre la chamade, et, de cet accord de deux faiblesses, sort une capitulation qui confère une gloire égale aux deux adversaires et rend à la cité épiscopale la paix, ardemment désirée et, enfin, reconquise[8].

 

VI

 

Les deux vers de la Henriade, où Voltaire blasonne Frère Ange de Joyeuse, ont malhonnêtement égaré l'opinion publique sur un Moine-Soldat qui n'aurait pas, certainement, encouru les brocards du poète si l'histoire avait révélé, chez ce personnage, le baladin que la légendaire tirade campe, depuis deux siècles, sur un tréteau de foire. Faisons immédiatement justice d'une imposture : Henri du Bouchage, duc de Joyeuse, et Maréchal de France, échangea la cuirasse contre la haire et, plus tard, la haire contre la cuirasse, non pour satisfaire une passion, mais pour répondre, la première fois, à l'appel de Dieu et, la deuxième fois, aux prières d'un peuple. Comme de tels gestes n'ont rien de vulgaire, on s'explique qu'une âme médiocre, ne pouvant les comprendre, ait trouvé plus facile de les travestir.

Né en 1567, Henri du Bouchage, encore adolescent, a fait ses premières armes sous les ordres de son frère aîné, l'adversaire malheureux d'Henri IV à Coutras[9]. La mort dénoue, au bout de quelques mois, une union précoce avec Catherine de la Valette, fille du duc d'Epernon et pousse le jeune veuf, à peine âgé de vingt-deux ans, chez les Capucins, où il change d'habit sans changer de camp. Si les fils du patriarche d'Assise donnent à la Sainte-Union le concours de leur parole, les Joyeuse, depuis le début du mouvement, favorisent la cause de leur prestige et de leur épée. Des deux frères encore vivants du nouveau religieux, l'un, Cardinal-archevêque de Toulouse, tient dans sa main tout le clergé ; l'autre, Grand Prieur de Malte et Gouverneur du Languedoc, dirige la Ligue dans la province[10].

Le Clergé, le Parlement, la Noblesse, la Bourgeoisie, le Peuple avaient, dès le premier jour, témoigné aux Guises une affection qui, dans ce pays aux convictions fougueuses, ne pouvait être ni modérée, ni inactive. Une guerre d'embuscades entre les troupes royales et les catholiques alimentait les ardeurs d'une race non moins avide d'agitation que d'indépendance. Pendant de longs mois, les Ligueurs et les Royaux avaient défendu leur cause avec des fortunes à peu près égales quand, le 10 septembre 1592, la bourgade de Villemur, située à six lieues de Toulouse, servit d'arène à une bataille qui mit deux mille Ligueurs hors de combat et priva le parti de son chef, — le Grand Prieur — blessé d'abord à un coup d'arquebuse, puis noyé dans le Tarn.

Ce désastre jette sens dessus dessous la ville de Toulouse, le Parlement, le Conseil de la Sainte-Union, les Corps des métiers, les gentilshommes, les artisans, le clergé des paroisses et les communautés religieuses qui, s'exagérant encore les conséquences de la défaite, voient leur chère cité aux mains des huguenots, les églises profanées, les trésors pillés, les couvents saccagés, la magistrature exilée, la noblesse prisonnière, les boutiques fermées, et, comble d'humiliation ! l'ennemi maître de la capitale. Obsédé par la perspective de ces malheurs, le Parlement et les Corporations se rendent en toute hâte chez le frère du héros tué à Villemur, chez le Cardinal-Archevêque et, malgré le deuil où cette mort plonge le prélat, forcent sa porte. Point de longs discours. La mort a fauché un Joyeuse ; le salut de la Patrie exige qu'un autre Joyeuse gouverne le Languedoc et commande l'armée sans chef et la Ligue sans ordre. Une superstitieuse confiance s'attache à ce nom historique. Au lieu de l'obscurcir, l'échec du 10 septembre lui a conféré l'auréole du malheur.

Esprit pondéré, l'Archevêque décline les fonctions dont veut l'investir le lyrisme irréfléchi de ses compatriotes. Je ne suis pas un homme de guerre, répond le cardinal. Si, pour commander une armée, il suffisait d'aimer son pays, je m'inclinerais. Mais ce serait trahir la cause publique que d'accepter une charge supérieure à mes aptitudes. Certes, je serais heureux de mourir, comme mes frères, dans un si glorieux emploi. Mais voulez-vous que j'aie la douleur de ruiner mon parti par mon impéritie ? Cette confession ingénue du Cardinal ne refroidit pas l'enthousiasme de la foule. On murmure. Un interrupteur déclare que, tant qu'il restera quelqu'un de la Maison de Joyeuse, la province n'acceptera ni d'autre gouverneur, ni d'autre général.

Puisqu'il en est ainsi, répond aussitôt l'Archevêque, il est aisé de vous satisfaire. Mon frère, le Capucin, est un ancien soldat qui, dans maintes rencontres, donna des preuves de ses talents militaires. Si les théologiens estiment qu'il peut, en conscience, quitter le cloître pour défendre, les armes à la main, sa religion et sa patrie, je serai le premier à lui persuader de le faire[11].

 

VII

 

Dans notre Languedoc, la chaleur du climat et le bouillonnement des cervelles excluent les intervalles qui séparent, ailleurs, les paroles des actes. D'autre part, la machine administrative n'oppose pas encore la complexité de ses rouages à la sagesse ou à la folie des assemblées et des foules. Sur-le-champ, dans une des salles de l'archevêché, les curés de la ville et les prélats de la région présents à Toulouse, se réunissent avec les docteurs de la Faculté de Théologie et, séance tenante, sans désemparer, l'assemblée rédige, vote et signe, à l'unanimité, une consultation où, sous peine de péché mortel, Frère Ange est sommé de quitter son Ordre et de prendre les armes[12]. Emportés par le souffle populaire et la passion du bien public, nos théologiens passent par dessus toutes les barrières dont le droit canon hérisse leur route — assentiment de Frère Ange, permission des supérieurs, dispenses du Saint-Siège, — et ce mépris des obstacles, au lieu de porter malheur à l'entreprise, force la fortune et justifie cette belle audace.

Immédiatement saisi de la consultation, dûment scellée et paraphée, le Cardinal, sur les instances de la foule, entassée autour du palais, après avoir convoqué les magistrats du Parlement et les prêtres des paroisses, se dirige, en leur compagnie, vers le couvent des Capucins qu'investit déjà une multitude turbulente. Frère Ange refuse de paraître.

Sans se troubler, le Cardinal intime au religieux l'ordre de quitter sa cellule et de venir conférer avec les mandataires de la Sainte-Union, talonnés par le peuple et pressés de lui obéir. Les pourparlers qui s'engagent déconcertent, tout d'abord, les profanes, étonnés d'apprendre que le cloître exerce sur ceux qui le choisissent un attrait invincible aux sollicitations de la gloire. Le modeste religieux, que le vulgaire se représente d'avance comme un captif aux aguets de cette enviable porte de sortie, subordonne son obéissance et son exode aux injonctions du Souverain Pontife, son seul juge. Mais si le Cardinal souscrit à cette clause, la multitude, instruite de la tournure que prennent les négociations, entre en fureur. Au lendemain d'une catastrophe qui voue Toulouse aux insultes d'un ennemi sans miséricorde, les Ligueurs ont-ils le loisir d'attendre, pendant trois semaines, la réponse, d'ailleurs forcément approbative, de Rome ? Si Frère Ange ne s'empresse pas de donner à la patrie et à la religion l'aide que Toulouse implore, le couvent, immédiatement livré aux flammes, libérera quand même le prisonnier de la Règle[13].

On ne raisonne pas avec un torrent : il faut qu'il vous emporte. Se départant de son intransigeance, Henri du Bouchage, après avoir pris congé de ses supérieurs et de ses frères, s'achemine, — avec le peuple tout entier pour cortège, — vers la cathédrale de Saint-Etienne où l'attend une épée nue, déposée sur le grand autel. Frère Ange saisit l'arme et déclare, à genoux, qu'il ne change d'état que pour défendre la Religion catholique en péril, et, s'il le faut, lui sacrifier sa vie.

Le Bref, sollicité de Rome, pour autoriser Henri du Bouchage à commander les troupes de la Ligue ne franchit pas les Alpes sur les ailes du même souffle impérieux qui, le 10 septembre, a soudain jeté le peuple toulousain hors de ses demeures et Frère Ange hors de son cloître. La felouque où s'embarque le postulateur du Bref, le Dr Guillaume de Marans, tombe entre les mains des corsaires, et, au lieu de conduire le mandataire de la Sainte-Union à Rome, le fait échouer au bagne d'Alger.

Ce fut seulement au mois de juin 1594 qu'un décret pontifical ratifia le fait accompli, sans toutefois déférer expressément au vœu formulé par les théologiens de la Ligue. A lire la requête de ces doctes personnages, il semblait que le Saint-Siège dût tout à la fois restituer à l'ancien soldat le droit de porter l'épée et ravir au capucin le caractère sacerdotal. Oublieux de tant de clercs, vénérés par l'Eglise, Moines, Curés, Evêques, Cardinaux, Papes même, qui manièrent l'épée contre l'infidèle, nos docteurs languedociens, jugeant le service militaire incompatible avec la profession sacerdotale, s'imaginaient que le disciple de saint François devrait sortir de la milice ecclésiastique pour entrer dans l'armée. Interprète indéfectible des lois disciplinaires, Rome redresse cette erreur. Une illustre corporation militaire, l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, accueille, à cette époque, dans ses rangs les défenseurs casqués de l'Eglise. Le Pape agrège Frère Ange à cette milice, non comme Chevalier ainsi que l'avaient sollicité les théologiens, mais à titre de Prêtre, montrant ainsi qu'aux regards de l'Eglise le ministre pacifique de ses autels peut, un jour, dégainer l'épée pour les défendre. Prenant en considération, — écrit le Pape Clément VIII au duc de Joyeuse, — de très nombreux et graves motifs, nous te transférons de la Congrégation des Frères Mineurs Capucins à l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, et, te rangeant parmi les Prêtres de l'Hôpital[14] , nous te permettons, entre autres choses, tant que la guerre durera et que le besoin l'exigera, dans le but de défendre la Religion catholique et la Province du Languedoc, nous te permettons de revêtir l'habit court, de porter les armes, de commander les armées et d'assumer le gouvernement de la Province[15].

Toutes les Encyclopédies et tous les Dictionnaires accusent à l'envi Frère Ange d'avoir divorcé avec le cloître pour prendre femme et perpétuer la Maison de Joyeuse, que la mort inopinée du soldat de Villemur privait de descendance. Dupes d'une imposture propagée, d'ailleurs, par nos propres livres, les catholiques se sont laissé frustrer à une de leurs gloires, sans se demander si le moine-soldat trahit sa parole et si le Souverain Pontife bénit un parjure.

Devenu libre, rallié à Henri IV, résipiscent et réconcilié avec le Saint-Siège, l'ancien Frère Ange, serviteur aussi fidèle du prince catholique que, naguère, adversaire inflexible du roi huguenot, le duc de Joyeuse, aujourd'hui courtisan, comblé d'honneurs, de capitaine promu Maréchal de France, va-t-il s'attarder dans le monde qui lui fait fête et supplier Rome, si clémente à son exode, de compléter la rupture ? Ce dessein hante-t-il le grand seigneur et, pendant plusieurs années, le retient-il auprès d'un monarque naturellement plein d'indulgence pour les moines en révolte avec leur Ordre ? Quelques contemporains affectèrent de le croire. Mais, un beau jour, le second lundi du carême 1599, Joyeuse, après avoir accompagné le duc d'Epernon, à Monceaux, auprès d'Henri IV, se rend chez les capucins de la rue Saint-Honoré et n'en sort plus. Le soir même, son gendre, le duc de Montpensier, recevait une lettre qui ne surprit pas beaucoup d'ailleurs le destinataire :

... Bien qu'il ait plu à N. S. P. le Pape avoir agréable que, quittant l'habit de ma profession, je retournasse au monde pour y servir Dieu et son Eglise, néanmoins considérant, à bon escient, que l'intention de N. S. P., lorsqu'il me donna cette dispense fut sur ce que l'on luy fist connaistre que la nécessité en estoit, comme à la vérité, elle estoit lors assez importante pour l'honneur de Dieu et le bien de l'Eglise, j'ai eu crainte que, cette nécessité étant passée, qui, seule jointe à la dispense, fut suffisante de me faire sortir hors de mon cloistre, Dieu, qui ne peut être trompé, ne me châtiât fort sévèrement, si je restois plus longtemps en l'estat où j'ai vescu depuis quelques années[16].

 

Neuf ans plus tard, en 1608, une mort obscure terrassait Frère Ange dans une bourgade italienne, sur la route de Rome, et déchaînait aussitôt contre le soldat prêtre une campagne de persiflages et de mensonges, destinée sans doute à décourager les chrétiens qui seraient tentés, à leur tour, d'user de l'épée pour opposer à l'ennemi autre chose qu'une défensive oratoire.

 

VIII

 

Si la France, au XVIe siècle, avait mis au service de la Réforme son génie intellectuel, sa puissance politique, ses forces militaires, c'en était fait, — dit Mgr Baudrillart, — du catholicisme en Europe. Pourquoi et comment, dans ce duel de l'hérésie et de la Religion, le catholicisme a-t-il été vainqueur et le protestantisme vaincu ? Pourquoi et comment la France est-elle demeurée catholique, alors que tant d'autres nations abandonnaient leur foi traditionnelle pour suivre les doctrines d'un novateur ? La France, répond le Recteur de l'Institut catholique, est restée catholique parce qu'elle l'a voulu. Le maintien de la vraie religion fut, chez elle, l'œuvre de la volonté nationale.

Les vicissitudes de la lutte que soutinrent, dans le Maine, les catholiques contre les huguenots, justifient cette sentence. Dans le diocèse du Mans, par exemple, que se passe-t-il, dès la première heure ? Au mois d'avril 1562, le peuple, trahi par ses magistrats, les voit, soudain, désavouer et flétrir le culte, les croyances, les rites qu'ils imposaient, la veille, à ses respects. Et, non seulement, lieutenant-civil, lieutenant criminel, procureur du roi, avocat du roi, répudient l'Eglise au service de laquelle ils déployaient naguère le zèle le plus jaloux, mais voici que, gardiens félons de la cité, ils en ouvrent les portes aux brigands qui battent ses murailles, — tant notre bourgeoisie frondeuse a hâte de favoriser leurs fureurs. Sous les auspices d'un triumvirat composé de Vignolles, lieutenant de police, Bouju, lieutenant criminel ; René Taron, avocat du roi, les gentilshommes des alentours, René d'Argenson, Germincourt, La Motte-Thibergeaux, René de Champagne, de Boisjourdan, les seigneurs de Lavardin, de Bazoges et de la Fuye, le capitaine de Mauny, le baron de Noyan, etc., se précipitent, avec leurs hommes, à travers les rues épouvantées, non, comme l'annonçaient les novateurs, pour prêcher le Saint-Evangile, mais pour le lacérer à coups de poignard[17]. Divisés en trois colonnes, officiers et soldats se dirigent, les uns, vers la cathédrale, les autres vers l'église des Jacobins, et le reste vers le couvent des Cordeliers, où les intègres magistrats du Mans, devançant la troupe, se partagent les reliquaires, les châsses, les croix d'or, légués par la piété des ancêtres, et laissent aux gentilshommes pillards les missels, les statues, les chandeliers des autels, les livres des bibliothèques, les plombs des gouttières, les cuivres des encensoirs, et le butin des tombeaux ouverts et violés.

 

Point de belle fête huguenote sans un feu de joie. Dans une tribune, dressée sur la plus haute tour de la ville, les dames de la magistrature et leurs belles amies, Mmes de Vignolles, Boyer, Taron, etc., assistent à l'embrasement des Cordeliers et, du bout des doigts, envoient des baisers aux incendiaires. Mais bientôt, spoliateurs et vainqueurs réclament des exercices moins innocents et des plaisirs plus néroniens. Pour achever dignement la journée, les soldats décident de supplicier quelques moines, et, pour divertir spectateurs et spectatrices, livrent les prisonniers les plus débiles à des tortures que l'historien le plus osé ne saurait, de nos jours, décrire, même en latin, sans outrager toutes les pudeurs[18].

 

Instruit, trop tard, des trames ourdies par les chefs civils du Mans, l'évêque Charles d'Angennes courut chercher un refuge au château de Touvoye, près de Ballon, chez son cousin, Pierre de Thouars, gouverneur du Mans, en l'absence du duc de Montpensier, et subit, dans cette forteresse, un assaut que les murailles, la garnison et surtout la savante tactique du prélat déjouèrent. Contrecarrés dans leurs calculs par les méfaits des huguenots, Catherine de Médicis et Charles IX adressent, le 20 et le 21 avril 1562, à Pierre de Vignolles, une lettre où ils l'invitent à poursuivre les iconoclastes et à déposer les armes. Devant cette manifestation de la volonté royale, loin de revenir à résipiscence, le fougueux lieutenant de police, après avoir fait tirer sur les messagers, libelle, le 29 avril, une épître ou il raconte que l'évêque a enrollé nombre d'hommes et fait amas de toutes sortes à armes et de munitions. Ce n'est pas tout : depuis peu de jours, ajoute notre robin, le prélat à main armée, s'estant mis aux champs, accompagné, entre autres gens de bien, de tous les séditieux, comme un prevost de maréchaux, garni de pistoles, va, de marché en marché, avec une canaille ramassée pour prendre prisonniers tous ceux qu'il lui plaist. La canaille dont parle avec tant de mépris le magistrat infidèle, c'est le peuple croyant qui, à la voix de son évêque, sort des boutiques et des chaumières pour défendre sa foi contre les apostats, et ses autels contre les vandales. Les Huguenots se sont emparés du Mans, le 3 avril 1562 ; il ne faut pas moins de trois semaines à l'évêque pour lever une troupe et la conduire lui-même contre l'agresseur. Un arrêt, rendu en 1560, par le Parlement de Paris, autorise tous les citoyens à massacrer sur place, in flagrante delicto, les pillards de nos temples. Sans avoir besoin d'invoquer cet arrêt, Charles d'Angennes puise son droit dans la mission dévolue aux pontifes de protéger contre les factieux la foi générale. L'homme, — dit M. Etienne Lamy[19], — ne saurait prétendre à la liberté contre Dieu. Le droit n'appartient pas à l'individu de choisir l'erreur et de la répandre. Créateurs de la patrie, les évêques se doivent à eux-mêmes de combattre les malfaiteurs qui veulent détruire l'édifice où, depuis dix siècles, s'abritent nos pères. Mais, encore une fois, pour prendre les armes, Charles d'Angennes n'a pas lieu d'alléguer un édit de circonstance. Les Huguenots bloquent le château de Touvoye ; hommes et femmes de la faction demandent la tête du pontife. Pour sauver sa vie, Charles d'Angennes peut-il se dérober aux devoirs de sa charge ? Le prélat ne le croit pas. Dédaigneux de ses aises et désireux avant tout de s'acquitter de son ministère, il faut ou qu'il brise le cercle des calvinistes massés autour de Touvoye ou qu'il abandonne son diocèse à leurs homélies, à leurs meurtres et à leurs rapines. Charles d'Angennes se décide pour le parti le moins égoïste et le plus courageux. D'accord avec le duc d'Aumale, il va, de manoir en manoir, de logis en logis, de bordage en bordage, d'échoppe en échoppe, convoquer gentilshommes, bourgeois, laboureurs, artisans, presque tous humbles Français, non moins dépourvus d'ambition que de fortune, sans aucune ressemblance avec ces 40.000 seigneurs, riches et puissants calvinistes, enrôlés sous la bannière des grands féodaux. Rohan, Châtillon, La Rochefoucauld, La Trémoille, — qui, dès le début de la crise religieuse, se déclarèrent moins pour la Réforme que pour les spoliations qu'elle encourage et les larcins qu'elle sanctifie.

Au milieu de l'indolence générale, quelques catholiques ont vu clair dans les premiers mouvements belliqueux de la secte. A partir de 1562, d'excellents Français, devançant les Unions de la Ligue, rapprochent les fidèles autour du même drapeau et les préparent à la résistance. Mais les chefs manquent : au milieu de cette pénurie, il suffit que l'évêque du Mans donne le signal de la lutte pour que vers le prélat s'orientent des dévouements qui consternent les Huguenots, illusionnés par l'attitude, depuis trop longtemps passive, de la plupart des croyants. De même qu'au XIVe siècle contre l'invasion anglaise, les paroisses se mettent en marche contre la Réforme, sous la direction du Clergé diocésain, unanime dans sa fidélité comme dans son élan. Des chanoines, des curés, encadrent les groupements ; d'autres passent des revues, inspectent les armes, travaillent aux munitions, exercent les hommes. Mais, l'entretien des combattants réclame de copieuses ressources. Le clergé se soumet à des taxes prélevées sur son nécessaire. Grâce à ces concours, l'évêque harcèle si bien les bandes séditieuses ; il engage contre elles des combats si heureux que, peu à peu, les environs de la cité épiscopale se nettoient des pillards, décontenancés par cette offensive. Les victoires de Charles d'Angennes aboutissent, le 11 juillet 1562, à la délivrance de la cité épiscopale, évacuée en toute hâte, au bout de trois mois d'occupation et d'orgie, par une garnison prise de panique. Suivie de toute la population des campagnes, rangée comme elle sous l'étendard épiscopal, la noblesse du Vendômois avait élu pour capitaines les principaux seigneurs du pays, Paul de Chabot, René de Bellay, Jean de Maillé, le poète Pierre de Ronsard, — Ronsard, plein d'ire contre les reniés Français qui prêchent

Un Christ empistolé tout noirci de fumée ;

Portant un morion en tète et, dans la main,

Un large coutelas, rougi de sang humain.

Gentilhomme de courage, — écrit alors d'Aubigné, — gentilhomme à qui les vers n'ont pas osté l'usage de l'épée. Ronsard, aumônier du roi, prend une part active à la campagne, et, — curé d'Evaillé, — purge les environs des déprédateurs qui battent l'estrade. Plus tard, lorsque les Huguenots veulent stigmatiser Charles d'Angennes, Ronsard, dans son célèbre Discours sur les Malheurs du temps, défend contre la calomnie la mémoire de l'évêque qu'il a vu à l'œuvre :

J'honore mon Prélat, des autres l'outrepasse

Qui a pris d'Agénor son surnom et sa race[20].

Saint Pie V félicite Ronsard de sa conduite, et le cardinal du Perron, dans l'Oraison funèbre du poète, en 1586, se garde bien d'omettre le témoignage si flatteur, décerné par Rome au chef de la Pléïade et à l'adversaire des Huguenots.

Nombre d'échauffourées et d'arquebusades durent ensanglanter le Maine avant de le soustraire aux sacrilèges et aux exactions des sectaires. La délivrance de la ville du Mans met d'autant moins fin aux courses des Huguenots qu'une malencontreuse amnistie royale encourage leur résistance. Mais, bientôt, mieux informé, le roi nomme, le 5 septembre 1562, Charles d'Angennes gouverneur de la cité épiscopale et le prie de lever de nouvelles recrues pour rompre et tailler les rassemblements huguenots, ainsi que je m'assure, — ajoute le souverain, — que vous savez très bien faire. Ainsi sollicités, chanoines, chapelains et curés rivalisent d'ardeur. La garde de la porte du Château est conférée au clergé. Le 15 octobre 1562. ordre est donné au Chapitre de se trouver dans le jardin de la Forge, à l'effet de comparoître devant Mgr l'Evêque, avec les équipements et armes convenables, cum vestibus et armis, ut oportet. Le 17 octobre, une messe célébrée par le chapitre, appelle les bénédictions du Ciel sur l'Evêque et les soldats qui poursuivent les Anglais, envoyés par la reine Elisabeth au secours des calvinistes, et non moins acharnés que nos compatriotes protestants contre l'Eglise de France[21]. La tradition a conservé le souvenir d'un engagement où, près de Saint- Mars-la-Bruyère et du château voisin, les catholiques, commandés par l'évêque, mirent en échec la troupe britannique. Le 8 octobre, Rohan et les bandes calvinistes n'ont pas davantage à se louer des moines de Solesmes qui, surpris par l'ennemi, arment les habitants et repoussent avec leur concours l'assaut du grand seigneur, inconsolé de sa déchéance féodale. Une lettre, adressée par Charles IX à Lancelot de Brée, sieur du Fouilloux, prouve que l'évêque a reçu du Roi la mission d'assurer, les armes à la main, l'expulsion des huguenots et la quiétude du Maine.

C'est ainsi qu'à la fin du XVIe siècle, la Monarchie, menacée d'un démembrement par l'hérésie de Calvin, conjure le fléau en renouant avec l'Episcopat le pacte militaire qui, du vn9 au xe siècle nous avait permis de refouler l'Islam et de soumettre à notre suprématie et à notre civilisation les pirates normands.

Tant que le roi de Navarre ajourne son abjuration, la brouille entre la nation et la race royale s'exaspère. Le 9 septembre 1585, Sixte-Quint a déclaré déchu de ses droits à la couronne de France le fils de Jeanne d'Albret, catholique relaps. La bulle privatoire, comme on appelle cette sentence, interdit toute adhésion au prince obstiné dans l'hérésie. L'indocilité d'Henri IV aux instances du Souverain Pontife et aux conseils de ses meilleurs amis perpétue la guerre civile. Le 10 avril 1590, un des capitaines les plus fougueux de la Ligue, Lansac, décide d'enlever la ville de Mayenne aux Royaux. Comme l'expédition ne paraît pas aisée, de nombreux renforts viennent aider Lansac, jaloux de laisser le moins d'aléa possible à l'entreprise. Le gouverneur de Pontorson, Nicolas de La Moricière, sieur de Vicques, amène un fort contingent de Normands, recrutés dans les campagnes de la province où les rapines et les violences des gens de guerre, — s'il faut en croire l'historien de Thou, — arrachent à leurs travaux les paysans et les poussent, sous le nom de Gautiers, contre les condottieres huguenots, dont ils font un terrible carnage. Non moins nombreuse est la troupe fournie par le curé du Ribay, prêtre ligueur qui, la bourguignotte en tête et la pique au poing, bat la campagne avec une bande de paysans armés, phalange énergique que les pillages des huguenots ont fait spontanément jaillir du sol. Groupés et commandés par un prêtre non moins inflexible au brigandage qu'à l'erreur, les paysans manceaux ont, à leur tour, compris la nécessité de se défendre eux-mêmes contre les routiers calvinistes. Malheureusement, l'affaire tourne mal pour Lansac ; les Royaux, avertis, se portent de toutes les forteresses environnantes au secours des assiégés et refoulent les ligueurs. Le curé du Ribay se fait tuer bravement à la tête de sa légion rurale[22] et, par sa mort, prive la Ligue de l'un de ses meilleurs capitaines.

 

Trois ans plus tard, le Maine lutte encore. C'est le 17 mars 1593 seulement, à la suite de la session des Etats Généraux, au Louvre, qu'Henri IV, obéissant aux justes sommations de nos pères, promet officiellement de se convertir. Comme, à Laval, il n'est pas encore question de ce retour, le dimanche 4 mai 1593, le sieur de la Perraudière, lieutenant de Mgr de Bois-Dauphin, gouverneur de Laval pour la Ligue, décide d'aller déloger d'Avesnières les trois milles Anglais qui campent non loin de cette paroisse, dévoués champions de l'hérésie, adversaires résolus de nos pères et de la foi ancestrale. Sans solde et sans vivres les alliés du roi de Navarre pillent, incendient, ravagent les manoirs et les fermes. Bois-Dauphin veut à tout prix châtier ces étrangers, que leur détresse financière induit à toutes les violences. Se portant vers le Port-Ringeard, nos Ligueurs attaquent avec impétuosité les sujets de la reine Elisabeth et leur font si bien lâcher pied que trois cents fuyards se noient dans la Mayenne. Enchantés de ce succès, les vainqueurs sont en train de vider bouteille dans les cabarets du Port-Ringeard, quand le principal détachement de l'armée anglaise, prévenu des événements, traverse la rivière et tombe à l'improviste sur les Lavallois sans vedette. La victoire de tout à l'heure se change aussitôt en déroute. Sur le champ du combat, tombent, frappés mort, de nombreux volontaires parmi lesquels Fr. Marchais et Jean Maingot, l'un chanoine, l'autre prêtre de Saint-Tugdual et Jean Dupont, prêtre de Saint-Vénérand, tous les trois instigateurs de la rencontre. Les autres victimes appartiennent, pour la plupart, aux classes populaires. Le narrateur de l'échauffourée nomme des lavandiers, des cardeurs de laine, des aiguilleteurs, des arquebusiers, un tambour de ville, des cabaretiers, des merciers, des carreleurs de souliers, braves gens attachés de cœur et d'âme à la foi nationale et sacrifiant gaîment leur vie pour assurer la victoire de l'Eglise et le salut de leur descendance. Longtemps Laval fit célébrer un service funèbre pour les Martyrs de la sainte Religion. Héros, maintenant oubliés, qui se souvient de vos services ? Aujourd'hui, — problème troublant ! une nouvelle Ligue mancelle recruterait-elle, dans les mêmes rangs, le même effectif de volontaires ?

 

 

 



[1] MGR BAUDRILLART, L'Eglise catholique, la Renaissance et le Protestantisme. Conférences données à l'Institut catholique (janvier mai, 1904). Paris, chez Bloud et Gay.

[2] Mémoires de Claude Haton, publiés par Félix Bourquelot (Collect. des Docum. inédits), I, 449. En 1567, le Souverain Pontife était saint Pie V, et le roi de France, Charles IX.

[3] THÉODORE GAUTIER, Lettres sur l'Histoire de Gap, dans la Revue du Dauphiné, de 1837 à 1839. — CHORIER, Histoire du Dauphiné, passim. — CHERONNET, Les Guerres religieuses dans les Hautes-Alpes, 116 et pages suivantes.

[4] DE CHALEMBERT, La Ligue, 17.

[5] L'abbé AULAGNE, La Réforme catholique au XVIIe siècle, 21 et suivantes.

[6] L'abbé AULAGNE, La Réforme catholique au XVIIe siècle, 21 et suivantes.

[7] B. POCQUET, La Bretagne, V, 96 et suivantes.

[8] FULGENCE GIRARD, Annuaire d'Avranches de 1842, 210. — A. DELALANDE, Histoire des Guerres de Religion dans la Manche, (1844), 163-166. — G. LE HARDY, Hist. du Protestantisme en Normandie, 387. — LAIR, Hist. du Parlement de Normandie, 142 et suivantes.

[9] AUBERY, Histoire du Cardinal de Joyeuse, in-folio, 1654.

[10] Le Courtisan prédestiné ou le duc de Joyeuse, capucin, divisé en deux parties par M. de Caillière, maréchal de bataille des armées du Roy, commandant pour le service de Sa Majesté dans la ville et château de Cherbourg. Dédié à Mademoiselle, à Paris, à l'Image Saint-François, joignant la Vieille Poste, 1662.

[11] CAILLIÈRE, Le Courtisan prédestiné ou le duc de Joyeuse..., 359.

[12] Les théologiens... conclurent tous unanimement qu'il ne pouvoit pas seulement, en saine conscience, sortir de son cloistre... mais mesme qu'il y estoit obligé, sous peine de péché mortel et de damnation de son âme. AUBERY, Histoire du Cardinal de Joyeuse, 33.

[13] M. HENRI BRÉMOND, dans son beau livre, Histoire du Sentiment religieux en France (chez Bloud et Gay) t. II (Invasion mystique) raconte cet épisode, d'après la Vie du R. P. Ange de Joyeuse, de Jacques Brousse et la Toulouse Chrétienne, du P. Apollinaire, puis ajoute (p. 149) : La haute Théologie est consultée : Daronius, Bellarmin approuvent. Ange se rendit enfin. Le lendemain, il parut vêtu de noir, en témoignage de son deuil intérieur, Mgr le cardinal, son frère l'archevêque de Toulouse, lui ayant ceint l'épée. La Chanson de Roland n'a rien de plus sublime, ni de plus beau tout ensemble que ce dernier geste. Le Turpin de 1592 a refusé de se battre, mais il est ravi de passer l'épée à son frère, le Capucin. Jamais ce frère ne lui a paru plus beau.

[14] L'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem s'appelait aussi l'Ordre de l'Hôpital.

[15] Voici le texte latin de ce Bref adressé, le 5 mai 1595, par Clément VIII au Frère Ange, capucin, duc de Joyeuse :

Dilecte fili, salutem et apostolicam Benedictionem. Superiori auno multis et gravibus causis impulsi te a Religione Fratrum Minorum Capucinorum ad Ordinem S. Joannis Hierosolymitani transtulimus, atque ut inter Sacerdotes ejusdem Hospitalis connumerari ac solitam professionem emittere possis concessimus, indulgentes, inter alia tibi, ut, hello ac necessitate durante, Religionem catholicam ac Provinciam Occitanam defendendi causa, veste eurta indui, ARMA GESTARE, EXCERCITUI PRŒESSE, ac ejusdem provinciæ regimen suscipere tibi liceret, quemadmodum in litteris nostris ea de re, die 9 junii anni proximi præteriti confectis, latius continetur...

Nous n'avons pu trouver le Bref du 9 juin 1594.

[16] AUBERY, Histoire du Cardinal de Joyeuse, 43.

[17] DOM PIOLIN, Histoire de l'Eglise du Mans, V, 437 et suivantes.

[18] Voir CLAUDE DE SAINCTES, Discours sur les saccagements d'églises, Paris, 1563, folio 72, recto et verso.

[19] Et. LAMY, Les Luttes entre l'Eglise et l'Etat, Revue des Deux-Mondes, t. CXLII, 722.

[20] Œuvres complètes. Edit Prosper Blanchemain, VII, 115.

[21] Et conservationi DD. Episcopi et commilitonum ejus Britones, inimicos sacræ Ecclesiae in locis Monteforti et aliis vicinis modo agentes, armis insequentium. DOM PIOLIN, Hist. de l'Eglise du Mans, V, 496.

[22] LE FIZELIER, Études et Récits sur Laval et le Bas-Maine, 205 et suivantes.